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Christiania : micro-société subversive ou "hippieland" ?

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par Félix Rainaud
Université de Poitiers - Master 1 Sociologie 2012
  

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4.2 ... qui représente néanmoins des avantages pour le gouvernement

Christiania s'est créé dans les années 70 en réaction aux abus d'un système, et afin de montrer qu'un mode de vie alternatif était possible. Toutefois si aujourd'hui Christiania subsiste c'est en partie grâce à ce système, et en particulier à cette tradition politique du consensus dans la société danoise comme je l'ai évoqué plus haut. Si un dialogue s'est ouvert entre les autorités et Christiania c'est aussi parce que ces autorités ont eu conscience que le freetown soulage effectivement le système, d'autant plus qu'il ne représente pas une menace pour lui.

D'après Jean-Manuel TRAIMOND, de « très nombreux christianites (les deux tiers ? la moitié ?) » peuvent être bénéficiaires d'une aide sociale de la part de l'Etat. Cette aide, somme forfaitaire égale pour tous, est inférieure à celle d'habitants d'autres quartiers de la capitale et est reversée à la caisse commune de Christiania. De fait, « l'Etat danois économise là des dizaines de millions de couronnes. Selon les christianites, ceci explique pourquoi l'Etat ne les a jamais expulsés [...] sans compter les frais d'hospitalisation psychiatrique ou gériatrique qu'entraînerait notre disparition » (1994 : 103). Une telle affirmation revient à s'interroger en termes de coût/avantage. Autrement dit, Christiania représente-t-il un coût ou un bénéfice en terme financier pour l'Etat danois ? Cette question est en lien direct avec le statut d'expérimentation sociale accordée plus tôt. Des positions critiques affirment que les Christianites en occupant ce lieu ont une dette envers l'Etat pour n'avoir payé ni l'eau ni l'électricité (ce qui n'est pas le cas puisque les Christianites payent l'Etat pour leur consommation d'eau et d'électricité). Les sociaux-démocrates déclarant pour leur part que cette dette est négligeable comparée aux économies que Christiania fait faire à l'Etat en prenant en charge un nombre significatif d'individus qui devraient sinon se tourner vers les institutions publiques (« des dizaines de millions de couronnes » selon J-M TRAIMOND (1994 : 102). Cet argument rejoint celui évoqué dans la problématique de ce mémoire. Il est aussi repris par Jean-Manuel Traimond29(*) lors d'une interview à Radio Libertaire le 23 décembre 20l0 lorsqu'on l'interroge sur les relations entre l'Etat danois et Christiania : « La chose qui a sauvé Christiania depuis le départ, c'est que Christiania entre autres caractéristiques est une réserve de cas sociaux. Et cette réserve de cas sociaux coûte beaucoup moins cher à l'Etat danois, que si lesdits cas sociaux vivaient à l'extérieur de Christiania [...] chaque fois qu'un politicien a dit : « dans trois mois je les vire ! », il a ensuite fais son addition et s'est dit, « j'ai mille personnes à recaser, ça va me couter très cher », et c'est l'une des raisons fondamentales pour lesquelles les christianites ont été tolérés par l'Etat danois. »30(*)

Ce raisonnement en termes de bilan coût/avantage évoqué par Jean-Manuel paraît assez pertinent pour comprendre comment Christiania a pu subsister dans le contexte danois. Autrement dit, Christiania représente pour les autorités danoises une poche d'air qui vient compenser les failles de l'Etat providence en prenant en charge des cas sociaux. Dès les premières années, les autorités ont compris que Christiania ne représentait pas une menace en termes d'ordre public. D'après CATPOH « au cours de ses six années d'existence, Christiania a pu prouver qu'elle ne représentait pas la menace redoutée par la société en ce qui concerne la criminalité et l'hygiène ». Bien au contraire, Christiania a démontré qu'elle pouvait avoir des résultats valables de réinsertion sociale et l'opinion publique comme le gouvernement, ne tenaient pas à provoquer l'affrontement direct, surtout dans un pays dont la police n'avait pas utilisé de gaz lacrymogène contre des manifestants depuis les années 30 (KATSIAFICAS 184).

Sous la pression et les critiques de la Suède et du Conseil Nordique, qui ont demandé à de nombreuses reprises la fermeture de Christiania, les autorités danoises n'ont pourtant jamais employé la manière forte pour faire évacuer Christiania. La proposition de fermer purement et simplement Christiania était contrée par l'argument que cela ne ferait que déplacer le problème à un autre endroit. Le trafic de drogue concentré à Christiania était même davantage facile à contrôler pour les autorités.

Les pressions directes exercées par la Suède, ou celles des gouvernements danois successifs ne sont pas les uniques menaces pour le freetown de Christiania. La mondialisation de l'économie entraîne avec elle une transformation du paysage urbain mais aussi des fonctionnalités et des relations traditionnelles de la ville qui menacent les espaces occupés illégalement tel que Christiania. 

* 29 Jean-Manuel Traimond a vécu 5 ans à Christiania, de 1979 à 1984. Il est l'auteur de Récits de Christiania publié en 1994.

* 30 L'intégralité de l'interview est écoutable ici : http://www.youtube.com/watch?v=Dd01ibajyk4

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore