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Quant s'envolent les grues couronnées et refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez F. Pacéré Titinga

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par N'golo Aboudou SORO
Unversité de Bouaké - Maà®trise 2003
  

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3-Le vers libre et le verset

a. Le vers libre

Il se caractérise chez les symbolistes par son affranchissement de toute norme classique, de toute mesure préétablie59(*). Cette revendication libertaire chez les poètes symbolistes comme Gustave Kahn, Laforgue, ou Baudelaire va de paire avec l'affirmation de la subjectivité et de l'intériorité. Le cadre trop rigide du vers classique est incompatible avec la modulation individuelle dont ils font preuve. C'est donc tout naturellement que les poètes africains depuis la négritude vont s'attacher à cette écriture.

Dans Refrains sous le Sahel, PACERE fait usage du vers libre. Ainsi nous notons des alexandrins et des vers qui débordent les 12 syllabes.

D'abord l'alexandrin. Comme chez les symbolistes qui le libérèrent des contraintes classiques et romantiques, il apparaît chez PACERE en grand nombre sous la forme de vers libres. Ainsi que nous le constatons dans les vers suivants:

V32-Le fleuve/ ne nous sera frustré/ par Faidherbe !

V28-Défendez/, intrépides,/la terre des aïeux !

V31-Mademba/ le grand Fama,/ mais par la famine,

V14-Protagonistes/ de situations/ confuses,

Dans ces vers, la césure est tantôt enjambante (V2) tantôt lyrique (V1). En somme , la structure rythmique ne respecte aucune loi (ou contrainte) classique et romantique. C'est ainsi que l'on note les coupes 3 / 6 / 3, au vers 1 ; 3 / 4 / 5 aux vers 2et3 ; 5 / 5 / 2, au vers 4.

En plus de l'utilisation de l'alexandrin symboliste, le poète burkinabé fait intervenir des vers qui débordent les 12 mètres, ainsi que le montrent les exemples qui suivent, extraits de Refrains sous le Sahel:

V17-« Dites-le Voulet-Chamoine, »hommes de non-violence » 

V11-« Et ce peuple noir reconnaissant chante leur louanges » 

Ces vers sont respectivement de quinze (13) et quatorze (14) syllabes. Ils sont extraits de "HEROS D'EBENE" ( la liste n'est pas exhaustive). Nous avons dit que ce poème était quelque peu conforme à la poésie à forme fixe. Cependant voilà qu'on y découvre non seulement des alexandrins romantiques et libérés, mais aussi des vers qui débordent le vers de 12 syllabes pour atteindre 13 , 14 syllabes.

Indubitablement, il y a volonté de rompre avec les classiques dont les contraintes ne peuvent retenir un poète moderne comme Frédéric Titinga PACERE.

Dans « AUX ANCIENS COMBATTUS », apparaît, à des intervalles irréguliers, ce vers de 15 syllabes que voici :

"Votre mère patrie, vous ceint d'un diadème de gloire."

Ce vers-refrain intervient après des vers de une et quatre syllabes. Cette façon d'écrire est propre aux symbolistes60(*) qui sont les inventeurs du vers libre et PACERE s'en sert bien pour exprimer « sa négritude » à lui. Les fins ne sont donc pas identiques, comme nous pouvons le constater..

En effet, chez les symbolistes " la revendication de liberté va de pair avec l'affirmation de la subjectivité et de l'intériorité," alors que chez PACERE, le vers libre sert à réhabiliter et à célébrer l'Afrique et ses martyrs ignorés par ceux là même pour qui ils ont sacrifié leur vie. Ainsi que nous le voyons, au-delà de l'esthétique, le vers libre chez PACERE est fonctionnel, comme d'ailleurs l'est toute sa poésie.

Une autre chose est remarquable chez le poète burkinabé et qui résulte de l'influence symboliste, c'est le hiatus que nous retrouvons dans cet alexandrin de « HEROS D'EBENE » :

V.10-« Nous fûmes sauvés, on nous l'a appris par des Anges .»

Cependant, le verset semble être le vers français qui se prête le mieux à la traduction ou à la transposition de la parole poétique négro-africaine. Il fut inventé par Paul Claudel qui l'emprunta lui-même aux saintes écritures 61(*)( la Bible ).

b. Le verset

En effet, depuis les négritudiens et leurs successeurs, la poésie écrite africaine a toujours utilisé le verset, même si pour David DIOP cela n'a aucune importance particulière, l'essentiel étant de faire entendre son cri d'alarme.

 Senghor, nous le savons, "préfère les longues plages de verset," ainsi que "le souffle ample d'un bloc verbal qui porte au loin la parole".

Cependant dans plusieurs des oeuvres du poète-président, l'alexandrin se déploie comme une profession de foi esthétique.

Avec les poètes de la deuxième génération tels que B. ZADI Zaourou, Jean-Marie ADIAFFI, PACERE, ... c'est le verset qui se déploie, épousant le souffle et la respiration loin de toute contrainte métrique et rimique. Paul Claudel qui l'a emprunté aux saintes écritures pour l'introduire dans la poésie, l'avait ainsi défini :

« J'inventerai ce vers qui n'avait ni rime ni mètre

Et je définissais dans les secrets de mon coeur cette double et réciproque,

Par laquelle l'homme absorbe la vie et restitue dans l'acte suprême l'expiration une parole intelligible. »62(*)

Avec le verset, tel que défini par son inventeur en poésie, PACERE mime (ou tente de mimer ) la fluidité et la souplesse de la poésie orale, comme le montre ces séquences extraites du long poème, Quand s'envolent les grues couronnées :

"Ici "Et puis

C'est Manéga Etpuis

Ici Manéga,

La bataille eut lieu !" pp.5-6. Manéga !

Plus rien du passé,

Plus rien du passé !

Manéga,

Manéga !"pp.26-29-36

Dans ces séquences, nous pouvons remarquer que le verset se modèle sur le souffle, sans correspondre aux groupements de la syntaxe. C'est ainsi que la phrase s'étend sur plusieurs versets. Ces deux séquences illustrent bien l'imitation du langage oral ou tambouriné fait de répétitions et de reprises.

En effet, par la répétition de ``ICI'', l'auteur nous met en présence d'un maître de la parole traditionnelle prêt à nous initier. Les versets de la première séquence par leur longueur, leurs reprises, finissent par nous convaincre que le poète à emprunté son langage poétique à celui du tam-tam. Surtout, si nous nous en tenons à ce qu'il a dit lui-même dans son ouvrage de Bendrologie :  "La littérature de ce gros tam-tam (le Gangaongo de la cour) ...est faite de phrases courtes déclamées... avec des répétitions pour meilleure audition. " 9(*)6

Pour conclure, disons que dans Refrains Sous le Sahel PACERE Titinga fait montre d'une maîtrise de l'esthétique poétique apprise à l'école primaire, au secondaire et à l'université. Toutefois, il a su imprimer dans ses poèmes le souffle poétique propre à lui en tant qu'africain issu d'une société ou le "Bendré" porte au loin la parole forte.

Il fait un usage parcimonieux du vers régulier (Sauf dans "HÉROS D'ÉBÈNE"), préférant le vers libre et surtout le verset qui est plus apte à traduire les phrases courtes du tam-tam africain.

Ainsi, la modernité de PACERE tient de l'adoption de l'écriture et de la forme versifiée française. Toutefois, celui-ci ne se conforme pas aux traités et aux arts poétiques de Malherbe, Boileau et autres. Il fait preuve de modernité, par rapport aux ``singes'' littéraires de tous les temps. Comme le voulait ALIOUNE Diop9(*)7 fondateur de la revue Présence Africaine, PACERE s'est efforcé de forger son génie des ressources d'expression adaptées à sa vocation dans le XXè siècle, parce qu'incapable ou refusant de s'assimiler à l'européen.

La modernité, c'est aussi la rupture épistémologique opérée par le poète burkinabé en adoptant l'écriture et en faisant la disjonction entre oralité- ouverture et écriture-clôture. Cette séparation est d'autant plus remarquable que la parole9(*)8 poétique africaine qui est poly-rythmique, ne peut être restituée de façon parfaite par la parole poétique écrite qui ne peut se lire que d'une voix unique.

Nous arrivons maintenant à l'analyse des corpus pour y découvrir la néo-oralité ou le rythme(incomplet) du Bendré mossé. Dans les textes poétiques de PACERE.

II -Une poésie tambourinée

Nous procéderons ici à une étude du corpus pour faire ressortir la quintessence de la poésie "pacéréenne".

En effet, il nous incombe de montrer que Titinga PACERE est avant tout un poète néo-oraliste ou que sa poésie tient de la poésie médiatisée du Bendré mossé, ce qui fait de lui un poète d'actualité.

Bien que l'on ne puisse rejeter du revers de la main, l'application de la théorie de JAKOBSON de "l'arrangement par la sélection et la combinaison"9(*)9, il ne peut s'agir ici que de son aspect universel. L'autre aspect, le spécifique, comme l'a démontré B. ZADI ZAOUROU, n'étant valable que pour la seule expérience linguistique européenne1(*)00.

Une lecture attentive de Quand s'envolent les grues couronnées nous permet d'affirmer que Titinga PACERE a emprunté une voie totalement différente, voire opposée à celle des européens et de leurs imitateurs. Il rejoint ainsi ceux de sa génération que sont ZADI Zaourou, J. M. ADIAFFI, .. .

En effet, le poète burkinabé accorde au signifié du mot, la primauté qu' il avait dans la parole poétique traditionnelle africaine et comme cette dernière, il ne rompt pas l'équilibre entre les deux aspects du mot : Signifiant /Signifié.

Chez les poètes occidentaux, la contradiction entre contenue et forme a été de tout temps l'objet de conflits dans la poésie, comme nous l'avons vu avec les classiques, les romantiques, les parnassiens, et les poètes du XXe siècle de la littérature française.

Cependant, chez les poètes négro-africains, depuis la Négritude et d'avantage chez ceux de la deuxième génération, la poésie s'est affranchie de ces querelles inutiles pour retrouver la parole poétique traditionnelle.

L'analyse de celle-ci n'exclue pas pour autant la fonction poétique, telle que Roman Jakobson l'a définie, ainsi que nous l'affirmions déjà.

Découvrons donc l'aspect universel de la fonction poétique dans les poèmes : "LA DEUXIEME GUERRE" et "LA TERMITIERE"1(*)01.

1- La Fonction Poétique

Dans le schéma de la communication linguistique, la fonction poétique est liée au message, au texte. Elle est définie par les phénomènes de répétitions (parallélismes, anaphores, symétries, synonymies, chiasmes, ...), les phénomènes musicaux, les associations d'idées par analogie (métaphores), les associations d'idées par contiguïté (métonymies, synecdoques).

Dans le cas pratique de la poésie de PACERE, la fonction poétique telle que nous venons de la définir sera appréhendée dans ses aspects communs à toutes les poésies. Ainsi, nous allons nous intéresser aux phénomènes réitératifs, musicaux et aux images ou tropes.

a - Les Phénomènes Réitératifs

a-1- Les répétitions

Suivons les tableaux suivants :

Tableau 1 :''LA DEUXIÈME GUERRE''

Séquences, versets ou mots répétés

Nombre de fois

Strophes

"Ouvrez"

"Nous combattrons jusqu'à l'effondrement total!"

"C'est l'arrêt suprême de notre destin!"

"Morts et vivants"

"Cette guerre prélude à la grande guerre!"

"On nous à trahis,

On nous trahira!"

"Mais

Aux lendemains de l'inéluctable victoire

Nous serons écartés

Des épanchements de joie,

Nous serons écartés

Des effusions de gloire!

On nous a trahis

On nous trahira!

LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE"

"Il y aura UNE BATAILLE!

Il n'y aura qu'UNE!"

"TOTALE"

"TOMBEAAU(X)""

"CHAMP DE BATAILLE"

2

2

2

4

2

3

2

5

6

4

3

A

B,D

B,G

F,,G,H,I

F,G

C,E,G

C,E

J,L

J,K

L

L

  • Tableau 2 : `'LA TERMITIERE''

Séquence, versets, mots répétés

Nombre de fois

Strophes

"Sur les ruines de la Patrie

Des termites,

Des termites ont construit une termitière"

"Pilent"

"Trament"

"Ils mourront tous "

"Au nord

Des charognards croupis"

"Les hiboux"

"Les charognards"

"Les troubadours"

"Les autours"

"Grouillent "

"Rouillent"

"Les "

5

2

2

6

2

2

2

2

2

2

2

11

A',C',D', G'

B'

B'

B',D',F'

B',D'

G'

G'

G

G

G

G

G

Une analyse de ces deux tableaux qui nous donnent les détails des termes répétés dans les deux poèmes, nous montre comment ceux-ci participent véritablement de la célébration poétique chez le poète burkinabé.

En effet une observation du premier tableau nous amène à affirmer que l'auteur est obsédé par l'idée d'une bataille. Ces mots sont de loin les plus usités dans le poème : "LA DEUXIEME GUERRE ". Et surtout que le signifié de cette expression coïncide avec celui d'autre que sont: "LA DEUXIEME GUERRE", "Nous combattrons", "Ouvrez HECATOMBES". Tous ces signifiants renvoient à un même signifié: "LA BATAILLE" qui sera "TOTALE". Cette bataille, la jeune génération africaine la livrera sur le plan culturel afin de se faire une place auprès des autres cultures.

Quant au deuxième poème : LA TERMITIERE, il insiste sur la nécessité de reconstruction de la nation. Les mots "ruines" et "termites" qu'on rencontre dans les strophes A', C', D', et G', témoignent de cette volonté du poète de faire prendre conscience à la jeunesse africaine qui, malgré les malheurs qui ont frappé l'Afrique, doit se mettre au travail.

L'espoir est permis car sur les ruines de la patrie, le poète affirme que:

"Des termites ont construit une termitière".

a-2 - Les Synonymes

La synonymie est la répétition d'un même signifié contenu dans des signifiants différents. Les exemples suivants participent de la poétisation des poèmes de PACERE

Hécatombes Tombeau(x) Bataille = Effondrement = Guerre = Massacre Carnage Horrible Atroce Violence

Il y a une relation d'équivalence entre ces mots, fondée sur le même signifié: la mort.

Comme l'histoire nous l'enseigne, la deuxième guerre mondiale a été très violente, meurtrière, tant pour l'Europe que pour l'Afrique et par métaphore l'auteur de Refrains sous le Sahel à pris cette image pour nous présenter la bataille future qui attend les Etats modernes africains. En effet, le futur dans le verset qui suit, nous permet de l'affirmer ainsi : "LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE".

Cependant, ne nous trompons pas, il ne s'agit nullement du "sang" qui coule dans nos veines. La mort dont il est question se situe au plan culturel. Les Etats africains devront se battre pour éviter d'être "tués" par les cultures occidentales.

Le courage

= ici, la relation d'équivalence

Nous combattrons jusqu'à la bataille finale ! est fondée sur le courage, la

= force de lutte de l'Africain.

Nous combattrons jusqu'à l'effondrement total!

=

Nous reprendrons

Il est certain que la synonymie en tant que phénomène, réitératif, permet au poète de communiquer à la jeunesse sa pensée profonde, celle d'une Afrique qui doit prendre en main son propre destin, vu la trahison dont elle a été victime en 1945. En effet, fort de la promesse faite par de Gaules à Brazzaville en 1944, l'Afrique s'est engagée de toutes ces forces dans une guerre à la fin de laquelle, elle a été oubliée. Et le poète ironise cette forfaiture dont ont été victimes les Africains, lorsqu'il écrit au futur les versets suivants :

"Nous serons écartés

Des épanchements de joie

Nous serons écartés

Des effusions de gloire"

Il stigmatise cette trahison dans le refrain suivant :

"Mais

Aux lendemains de l'inéluctable victoire

Nous serons écartés

.................................

LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE"

Dans "LA TERMITIERE", nous relevons les relations d'équivalences suivantes :

Patrie La relation d'équivalence est fondée sur un signifié :

= la collectivité, Manéga, l'Afrique, à construire.

Termitière.

Charognards

= Le signifié d'équivalence est le malheur.

Hiboux Certainement celui qui a frappé l'Afrique (la traite

= négrière et surtout la colonisation qui a vu

Vautours l'anéantissement total de sa culture).

=

Basilics

Ainsi que nous le voyons, PACERE est un poète qui n'échappe pas à l'universel. Sa poésie retrouve celle des autres auteurs, des autres continents.

Voyons maintenant le rythme.

b- Le Rythme et les Sonorités

Le rythme fait partie de l'aspect musical des textes poétiques. D'ailleurs, le phénomène rythmique apparaît comme une des forces dynamiques de la poésie nègre. C'est donc à juste titre que Barthélemy KOTCHY, étudiant la question du rythme chez Damas, a écrit : « la poésie négro-africaine se fonde plus particulièrement sur la richesse des images et du rythme. La poésie Nègre est une poésie intensément rythmée. » 1(*)02 Dans le poème "LA DEUXIÈME GUERRE", le rythme est entretenu par les répétitions, les refrains, mais également par le nombre de syllabes.

En effet dès le début du poème le rythme surgit avec :

"Ouvrez

Tombeau

Ouvre

Hécatombe"

Non seulement nous avons le rythme avec la reprise de : "Ouvrez", mais surtout avec l'apparition du trissyllabe à la suite de 3 dissyllabes. Le poète manifeste une fois de plus sa volonté de stigmatiser l'horreur de la guerre dont a été victime l'Afrique toute entière. Et le présent de l'indicatif dans ces versets préfigure également, les défis présents et futurs qui attendent les nations modernes africaines.

A l'image de cette première strophe, observons celles qui suivent, extraient de LA DEUXIEME GUERRE

Strophe B : Strophe C Strophe D

1-12 syllabes 1-1 syllabe 1-4 Syllabes

2-12 syllabes 2-12 syllabes 2-9 Syllabes

3-13syllabes 3-6 syllabes 3-12 Syllabes

4-7 Syllabes 4-8 Syllabes

5-6 Syllabes 5-8 Syllabes

6-6 Syllabes 6-3 Syllabes

7-5 Syllabes 7-2 Syllabes

8-5 Syllabes 8-2 Syllabes

9-10 Syllabes 9-5 Syllabes

Dans ces strophes, le rythme est créé par l'hétérométrie des vers, ainsi que cela est visible dans tous les poèmes de PACERE. Les vers pairs et impairs se mêlent pour rythmer d'avantage la poésie "pacéréenne". "HÉROS D'ÉBÈNE" illustre bien notre propos.

Dans "LA DEUXIEME GUERRE", PACERE, à l'aide de refrains, rythme profondément sa poésie. Ainsi, à partir de la dixième strophe, nous avons le refrain suivant:

"Il y aura UNE BATAILLE

Il n'y aura qu'UNE!"

A sa suite, nous n'avons que des énumérations de villes tantôt africaines, tantôt européennes ou américaines. Quel que soit le continent sur lequel ces villes se localisent, se sont des capitales où l'on rencontre le Nègre qui se bat pour sa liberté, son indépendance, sa culture, son identité.

D'autres refrains, foisonnent dans ce poème, qui sous-tendent la poéticité du texte. Par ailleurs évoquons ce mot qui à lui seul constitue un refrain : "TOTALE".

Elle sera

TOTALE

Violente

TOTALE La distribution du refrain même est source de

Atroce rythme et de musicalité qui se trouvent

Horrible ainsi renforcé et fini de convaincre de

Sanglant l'importance que le poète lui accorde

TOTALE

Un carnage

Un massacre

TOTALE

Dans "LA TERMITIÈRE", le rythme est également assuré par les répétitions, les reprises et les refrains. Ainsi nous avons:

Sur la ruine de la patrie,

Des termites ont construit une termitière!

Ces versets constituent, l'un des refrains qui traduisent tout en rythmant le poème, la pensée profonde du poète. Celle de voir la jeunesse à l'oeuvre pour la construction nationale des Etats modernes africains.

En effet, le colon nous a légué un héritage en lambeau, en ruine, qu'il faut reconstruire, voire construire là où tout a été rasé : la culture, mais aussi l'économie et le tissu social.

A la strophe F de ce poème, nous remarquons que le poète burkinabé à partir du verset 8, reprend chaque verset.

Notons l'article "les" dont l'anaphorisme apparaît ici de façon tangible:

Les charognards / Les charognards / Les hiboux / Les hiboux / Les troubadours / Les troubadours / Les vautours / Les vautours / Les vautours / Les vautours / ... ( NB : C'est nous qui avons souligné l'article.)

Le rythme et la musicalité sont-ils aussi rendus ici non seulement par le nombre de syllabes, mais surtout par la reprise de chaque verset. Aussi, avons-nous, le son [ U ] qui termine les 8 versets, et qui insiste sur la musicalité.

Ce son [ U ] exprime la tristesse qu'inspirent les "oiseaux-malheurs" évoqués dans ces versets (charognards, hiboux, vautours ).

Ainsi que nous le voyons, le rythme et les sonorités sont usités avec profusion par notre poète, comme cela a toujours été dans la poésie à travers les siècles et les continents.

Voyons maintenant la forme matérielle qu'adopte le poème sur la page.

C - La Typographie

Avec Alain VAILLANT, nous savons que "la forme matérielle qu'adopte le poème sur la page permet aussi à l'auteur de faire entendre sa voix singulière... Les éléments propres à l'écriture ou à l'imprimerie, la ponctuation, la disposition des signes, les caractères typographiques sont dotés d'une force poétique sui generis "1(*)03.

PACERE nous fait donc entendre sa voix singulière en parsemant dans ses poèmes des versets et des mots particuliers. En effet, en écrivant des mots et des vers ou versets entiers en majuscules, il crée des ruptures dans le poème afin que notre esprit ou l'esprit du lecteur puisse certainement fixer son message.

Dans le Refrains Sous le Sahel, tous les titres sont en caractères d'imprimerie.

Dans "LA DEUXIEME GUERRE", un des poèmes de ce recueil, la première strophe est en contraste avec la suite de par la taille et la forme des caractères :

"OUVREZ

TOMBEAUX

OUVRE

HECATOMBES"

Manifestement, le poète veut créer un rythme visuel. Comme une sentence, le verset suivant qui marque la fin du premier refrain du poème, ne peut échapper à l'oeil du lecteur: LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE.

Dans un autre refrain : "Il y aura UNE BATAILLE

Il n'y aura qu'une !"

Ici la forme particulière des lettres de UNE BATAILLE (un substantif et son déterminant) insistent sur l'imminence et la gravité de la bataille qui attend la jeunesse africaine restée sur le continent, mais aussi celle qui vit dans les

capitales occidentales telles que Washington, Paris, Berlin, Londres, Prague, Honolulu, ... , évoquées dans le poème.

Dans la suite du texte, le déterminant "UNE" gardera les caractères initiaux, comme pour finir de nous convaincre de l'unicité de la bataille à venir, afin d'éviter toute méprise.

"TOTALE", le mot - verset - refrain, tranche aussi avec les mots qui l'entourent, par la forme de ses caractères, comme s'il mimait son signifié. Il en est de même pour "TOMBEAU", dont les caractères creusent l'espace de la page.

Le poème se termine comme il a commencé avec des lettres qui par leurs formes marquent à jamais le lecteur tout en indiquant l'origine du poème: "CONCUS SUR UN CHAMP DE BATAILLE"

Dans "LA TERMITIERE", un seul verset distribué à travers tout le poème, apparaît chaque fois en caractères d'imprimerie : "ILS MOURRONT TOUS".

Ce poème se termine également par un verset dont les lettres se distinguent des autres par leur forme :

"LA PEAU DES SERPENTS S'IDENTIFIERA AU COEUR DES PRINCES".

Par cette manière d'écrire, T.F. PACERE, se rapproche de ses maîtres de l'Occident. Cependant les fins ne semblent pas identiques. Car au-delà de l'effet poétique à l'occidental, le poète africain qu'il est avant tout, veut nous faire saisir son message. Il retrouve ainsi l'art fonctionnel propre à l'Afrique traditionnelle.

d- Les tropes ou images

d-1- les métaphores

Les auteurs de Didactique de l'expression104 définissent la métaphore comme un écart de type paradigmatique par lequel l'émetteur substitue un signe 2 à un signe 1 normalement attendu de façon à signifier un rapport de ressemblance entre S2 et S1.

Dans la poésie de PACERE, la métaphore est intuitive. Les métaphores- personnifications et les métaphores -identifications sont les plus nombreuses. En effet elles correspondent au sens profond de la psychologie africaine. Comme l'affirme Renée Tillet, cité par YEPRI Léon : "contrairement aux poètes français qui s'en tiennent aux personnifications, en Afrique, l'identification avec les animaux de la brousse se révèle être absolue et totale "1(*)05.

Dans "LA TERMITIERE", examinons d'abord le titre. "LA TERMITIERE ", symbole de la cité, de la patrie, est distribuée dans tout le poème. Il en est de même des "termites" qui symbolisent la collectivité, les citoyens de la cité, les citoyens des nations africaines. Ces images se perçoivent dans ces versets qui constituent le premier refrain du poème :

Sur les ruines de la patrie

Les termites

Les termites ont construit une termitière.

D'autres métaphores foisonnent dans le texte. Nous avons cette identification des bourreaux du peuple à des charognards. Un malheur est à l'horizon, nous devons être vigilants, car il est imminent, la présence du sang rouge en témoigne:

"Des charognards croupis

Rouges du sang qui coule."

Ces deux versets suffisent pour nous convaincre de la gravité de la situation de l'Afrique moderne.

La couleur rouge, au-delà du sang, symbolise le malheur ou même la mort dans Refrains Sous le Sahel tout comme dans Quand s'envolent les grues couronnées. Observons ces séquences qui illustrent notre propos :

"Au secours du jour plus rouge !"

Refrains Sous le Sahel, la Termitière, P74

"Tu m'amèneras

Un foulard rouge

Rouge

Il y a dessus

Des oiseaux pleureurs

Sur du sang

Rouge !"

Quand s'envolent les grues couronnées, P.38

Comme nous pouvons le remarquer, ces versets insistent sur la symbolique de la couleur rouge chez le poète. Cependant, il y a un espoir et le verset-refrain de LA TERMITIERE le montre de façon élégante : «ILS MOURONT TOUS ». Il s'agit ici de ces charognards, de ces hiboux, de ces vautours et autres basilics, venus du Nord pour détruire l'Afrique.

Retenons cette autre métaphore dans LA TERMITIÈRE:

"Demain,

LA PEAU DES SERPENTS S'IDENTIFIERA AU CoeUR DES PRINCES."

A l'aide de ces paradigmes "peau de serpents" et "coeur des princes", l'auteur de Refrains Sous le Sahel nous donne sa vision du monde à venir, de l'Afrique du future où les Présidents exempts de toute corruption et de toute démagogie, construirons des nations modernes avec l'aide de toute la jeunesse (les termites).

Transfert de sens par analogie ou par similitude, la métaphore est loin d'être la seule image utilisée par le poète burkinabé dont l'enracinement dans sa

culture ne souffre d'aucune ambiguïté. Son enracinement est la source de sa modernité, ainsi qu'il le dit lui-même :

« Si la branche veut fleurir

Quelle n'oublie pas ses racines ! »

* 59 F. TURIEL, op. cit., p.78 . Selon cet auteur, "l'expression vers libre se réfère de nos jours à un type de vers qu'ont théorisé les symbolistes(Gustave Kahn, Laforgue, ...). Ce vers s'affranchit de toute mesure préétablie, qu'elle soit ou non issue de la norme classique."

* 60 En effet chez les symbolistes " les vers sont de rythmes et de mètres variables, même si un élément métrique, numériquement constant apparaît parfois à des intervalles plus ou moins réguliers." F. TURIEL, op. cit., p.79.

* 61 " A l'origine, les versets (étymologiquement , les "petits vers") sont les brefs passages numérotés des textes sacrés. Mais depuis le début du siècle (XXème siècle), le mot est employé pour désigner des unités qui excèdent les mètres longs traditionnels. En fait, les versets sont d'étendue variable: ils compte parfois un seul mot, quelques mots ou plusieurs lignes, ..." D'après F. TURIEL op. cit., p.83.

* 62 F. TURIEL, id. p.83

* 96 PACERE, Le langage des tam-tam et des masques en Afrique, Paris, 85. l'Harmattan,1991,P73 « Bendrologie »

* 97 Lilyan Kesteloot, Antrologie, op. cit., p. 12.

* 98 Pius N'gandu N., op. cit., pp. 17-18

* 99 Pius N. N., id.,p.8.

* 100 ZADI Zaourou Césaire entre deux cultures, op. cit., pp.186-190

* 101 Refrains sou Sahel, op. cit. pp. 60-75

* 102 Barthélémy KOCHY,"Rythme et Idéologie", in lire Léon G. Damas, (l'oeuvre pour une lecture africaine de L.G. Damas), Abidjan, CEDA, 1989,PP-98-99

* 103 Alain VAILLANT, La poésie : Initiation aux méthodes d'analyse des textes poétiques, Nathan, Paris, 1992, p.105

* 105 Cité par Léon YÉPRI, op.cit. p. 170.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote