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Quant s'envolent les grues couronnées et refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez F. Pacéré Titinga

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par N'golo Aboudou SORO
Unversité de Bouaké - Maà®trise 2003
  

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E. 19.Dites-le assaillants des Aladians ou des Fons,

20. Dites-le, dites-le, messagers de la délivrance !

21. Panacées perturbatrices de notre histoire,

22. Adversaire d'Ahmadou, Gouverneur Canard,

F. 23.Ennemi du Bantou, colonel Archinard,

24. Dites-le iconoclastes du continent Noir.

25. Allez Sofas,vaillants Sofas, criez sur eux :

26. « aïè taga kà bo-o kè Niagassola »,

G. 26.Le Mali vous appartient peuple Dioula,

28. Défendez, intrépides, la terre des aïeux !

29. Mange des peaux de boeufs, El Habib, mange des herbes,

30. L'Afrique perd des fils en Mamadou Racine,

H. 31.Mademba le grand Fama, mais par la famine,

32. Le fleuve ne nous sera frustré par Faidherbe !

33. Ne fléchit pas devant le Blanc, illustre Mogho !

I. 34.Le marché est ignoble, Damel Lat-Dior,

35. Refuse tout chemin de fer dans le cayor !

36. Reste le chef suprême, fils de Sanankoro !

37. « Enfin ! Fini le cauchemar ! » Disent ces amis !

38. Et l'Afrique ignorante vilipende ses héros !

J. 39.A ses fils , apprend des noms célèbres : Goureau,

40. Bouet Willaumez, Protet, Faidherbe, Lamy !

41. De valeureux méconnus dorment dans la haine :

42. Samory, Béhanzin, Mohamed, El Hamar,

K. 43.Ahmadou, Koutou, Rabah, El Hadj Omar !

44. LUMIERE DE VERITE, ECLAIRE LA TERRE D'EBENE !"

Dans ce poème, les vers sont disposés en quatrains et les rimes embrassées témoignent de la maîtrise de la métrique et de la prosodie classique française par PACERE.

Strophe A: -1 a

-2 b

-3 b

-4 a

Strophe B:-5 c

-6 d

-7 d

-8 c

Strophe C: -9 e

-10 f

-11 f

-12 e

Strophe D: -13 g

-14 h

-15 h

-16 g etc...

Voyons comment tout cela se présente :

NB : Les lettres A, B, C, D,... servent à désigner les strophes et a, b, c, d, e, f,... les rimes.

En effet, la disposition des vers et des rimes est l'une des caractéristiques de la forme fixe, de même que l'utilisation du vers régulier (l'alexandrin) avec la césure à l'hémistiche ( 6//6 ) comme le dit bien Boilau :

« Que toujours dans vos vers // le sens coupant les mots

Suspende l'hémistiche,// en marquant le repos. »51(*)

Pour ce qui est de la nature des vers dans notre poème-témoin, voyons le tableau qui suit :

STROPHES

NUMEROS DES VERS

RIMES

CESURES

COUPES RYTHMIQUES

NOMBRE DE SYLLABE

OBSERVATIONS

A

1

2

3

4

a

b

b

a

5//5

4//6

4//6

6//6

-.......

.....

......

2/4/4/2

10

10

10

12

régulier

B

5

6

7

8

c

d

d

c

5//5

6//6

6//8

6//6

.......

4/3/5

.......

5/4/3

10

12

14

12

 

C

9

10

11

12

e

f

f

e

6//7

6// 6

8//6

7//6

........

5/4/3

......

.......

13

12

14

13

 

D

13

14

15

16

g

h

h

g

6//6

6//6

8//5

6//6

4/4/4

5/5/2

.......

4/4/4

12

12

13

12

Romantique

Romantique

E

17

18

19

20

i

j

j

i

8//7

6//6

6//6

6//8

......

3/5/4

3/6/3

......

15

12

12

14

 

Etc...

...

...

...

...

...

...

- Tableau 1 -

Une observation de ce tableau nous permet d'affirmer que PACERE fait usage, aussi bien de l'alexandrin, de l'hendécasyllabe que des vers de 13 ,14, et 15 syllabes. Il apparaît clairement qu'il s'agit dans « HEROS D'EBENE »de quatrains hétérométriques rimés à la manière de Baudelaire ou de Mallarmé qui ont écrit des sonnets pour retrouver un idéal littéraire. Cependant, PACERE veut-il atteindre le même but que ces deux poètes symbolistes ? Ou s'agit-il simplement d'un avatar mécanique de la versification apprise à l'école ?

Dans tous les cas, la singularité de notre poème témoin "HEROS D'EBENE", respectant la rime et la disposition classique des vers, de même que l'usage hypothétique de l'alexandrin régulier52(*) nous permet d'affirmer qu'il ne s'agit que d'une parodie, d'une caricature de la poésie à forme fixe. C'est à juste titre d'ailleurs que le poète termine le poème par ce vers:

"LUMIERE DE VERITE, ECLAIRE LA TERRE D'EBENE !"

Ici, la forme particulière des lettres témoigne de la volonté du poète de s'assumer, de "faire entendre sa voix singulière".

Mais, s'il est prouvé que PACERE n'a aucune intention « de se faire prendre à bras le corps, sur les fonds baptismaux des chroniqueurs littéraires occidentaux » de l'époque classique, adopte-t-il la même position vis à vis des romantiques dont il affirme qu'il affectionnait se nourrir et s'abreuver de littérature de la seconde à la terminale.53(*)

2-Le vers romantique

En effet, un examen attentif du tableau nous permet de dire que TITINGA Frédéric fait usage d'un alexandrin qui ne respecte pas toujours la coupe à l'hémistiche. Si cette façon d'utiliser l'alexandrin a été interprétée comme une caricature volontaire des classiques, elle peut être aussi considérée comme une influence des romantiques sur le poète burkinabé.

Suivons ces alexandrins extraits de « HEROS D'EBENNE54(*) », avec leur césure et leurs coupes rythmiques:

Qu'avez-vous fait,/ « Dieux // venus / nous délivrer »,

4 / 4 / 4

( Strophe D)

De valeureux / mécon//nus dor/ment dans la haine :

4 / 4 / 4

( Strophe K)

Qu'avez-vous fait/ pour mé//riter / de tels lauriers ?

4 / 4 / 4

(Strophe D)

Allez sofas,/ vaillants// sofas,/ criez sur eux :

4 / 4 / (Strophe G)

Le constat ici est que nous avons des alexandrins romantiques appelés aussi trimètres. La césure dans ces vers est privée de toute marque linguistique et accentuelle, comme le préconisait Verlaine55(*). Trois coupes rythmiques les partagent en trois groupes de syllabes, ce qui leur donne trois mesures contrairement à l'alexandrin classique qui en compte quatre. A la manière des romantiques donc, notre poète fait tomber la césure soit en milieu de mot (mécon//nus ; mé//riter), soit dissocie le substantif de son déterminant (le//hublot) ou une préposition du groupe qu'elle régit (jusqu'à// l'effondrement).56(*)

A la strophe K de « HEROS D'EBENE », dans Refrains sous le Sahel, PACERE fait glisser dans les rangs de l'alexandrin classique, comme pour rompre de façon prématurée le ton noble que va suggérer celui-ci :

V. 4 1-De valeureux / mécon//nus dor/ment dans la haine :

4 / 4 / 4

V.4 2-Samory,/ Béhanzin,/ Mohamed, /El Hamar,

3 / 3 / 3 / 3

En effet, avant le vers 2 qui est un alexandrin classique nous avons un vers romantique. Cette juxtaposition nous permet de dire que le poète a su rendre son amertume, sa peine, sa souffrance nègre face au mépris, à la haine dont a été victime sa race pendant la période de la conquête du continent. Cette haine qui a poussé le Blanc à tuer: Béhanzin, Samory, Mohamed, etc...

Le vers classique est constitué ici par un échantillon de noms d'illustres martyrs africains. Il leur rend ainsi toute la noblesse dont ils avaient été privés ou dont ils jouissent encore chez nous africains.

A la strophe H, nous avons :

V.29- Mange des peaux de boeufs, El Habib, mange des herbes,

V.30-L'Afrique perd des fils en Mamadou Racine,

V.31-Mademba le grand Fama, mais par la famine,

V.32-Le fleuve ne nous sera frustré par Faidherbe !

A la suite du vers trente (V.30), surgissent deux alexandrins romantiques. Ce changement de mètre produit un effet. Le poète veut certainement attirer notre attention sur le drame de la conquête coloniale subie par l'Afrique. En effet, nous le savons et cela grâce aux historiens, l'Afrique a perdu de valeureux fils au cours de cette période tumultueuse de la pénétration Occidentale dans ses "terres". Les noms de certains de ces illustres fils sont évoqués dans la strophe ci-dessus. La noblesse du ton de l'alexandrin, telle que les classiques l'avaient reconnue à ce vers, permet, au vers trente (V.30 ) d'évoquer ces dignes fils que l'Afrique a perdu.

Titulaire d'une Licence en Lettres Modernes, fait montre d'une maîtrise des modes de pensée, d'élaboration de l'écriture de la langue française au même titre que les principes régissant l'expression de la littérature culturelle. Ainsi qu'il le conseille aux auteurs africains dans son ouvrage, Le langage des tam-tams et des masques en Afrique.57(*)

Cependant, l'influence romantique ne se limite pas seulement à l'écriture. Elle est perceptible à travers la thématique de la solitude, du deuil, de la mélancolie, ainsi que nous l'avons déjà vu avec l'évocation des illustres disparus que sont Samory Béhanzin, Mamadou Racine, dans «  HEROS D'EBENE ». Cette thématique romantique apparaît également dans les poèmes aux titres expressifs tels que : «JE SUIS TRISTE », « L'ATTENTE », « LA FUITE », « LA DEUXIÈME GUERRE », ... de Refrains sous le Sahel.

Dans le poème fleuve Quand s'envolent les grues couronnées, il est surtout question de la « mort » : celle de « Timini », mais également de la mère patrie. Le deuil se lit dans ces séquences :

"Adieu! "Timini

Adieu! Timini

Quelques canaris de terre Devant cette tombe

Mais de terre rouge renversée Fermée sur

Séparent des hommes Mille larmes"

Qui se sont aimés" p.47. p.30.

A travers ces passages nous sentons l'amertume et la désolation chez le poète. En effet, Quand s'envolent les grues couronnées est la traduction poétique du « bounvaonlobo » ou la chanson funèbre mossé. Ainsi que l'ont affirmé ZADI Zaourou et Léon YEPRI58(*)

La mélancolie et la tristesse, pierre angulaire de l'écriture romantique, constituent la toile de fond d'une grande partie des poèmes de PACERE,

L'auteur, en écrivant à la manière de Victor Hugo ou de Verlaine, veut non seulement nous montrer qu'il maîtrise l'art des poètes occidentaux, mais aussi qu'il sait s'en servir pour exprimer ses émotions « nègres ».

Pour marquer sa liberté, il intègre dans tous ses poèmes à l'allure romantique, le rythme du tam-tam africain. Le poème « DEMAIN LE PASSÉ »de Refrains sous le Sahel et tout le long poème Quand s'envolent les grues couronnées, illustrent bien nos propos.

Au total, nous pouvons dire que PACERE a pris chez les romantiques le langage poétique pour exprimer sa mélancolie et sa tristesse qui sont loin de se résumer au « mal du siècle » de René de Chateaubriand.

Cette façon de prendre ses distances par rapport aux romantiques français ou occidentaux, est la même en ce qui concerne les symbolistes et leurs épigones. En effet l'utilisation du vers libre et du verset par l'auteur de Quand s'envolent les grues couronnées, n'a pas la même motivation que celle des poètes qui l'ont inspiré ou qui les ont utilisés avant lui en Occident. Il s'en sert pour véhiculer les émotions de l'Afrique moderne.

* 51 Frédéric Turiel, l'Analyse littéraire de la poésie, op. cit., p.12.

* 52 Parmi les vers des premières strophes (tableau2 ), il n'y a qu'un seul alexandrin régulier.

* 53 YEPRI Léon, op. cit., p.42.

* 54 Ce poème est présenté en début du chapitre I de cette partie II.

* 55 En effet, selon Frédéric TURIEL, "Verlaine a contribué à priver la césure de toute marque linguistique et accentuelle". Op. cit., p.23

* 56 Frédéric TURIEL, id. , p.23.

* 57 T. F. PACERE, op. cit., p.3.

* 58 B.ZADI Zaourou, Thèse d'Etat, op. cit., p.582 &YEPRI Léon , op. cit., p.43.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway