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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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Paragraphe II : Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et les poursuites pénales

Notre passage de juillet à septembre 2002 au TPIR en tant que stagiaire au sein de la bibliothèque du TPIR, nos différentes lectures et entretiens nous ont permis de mieux appréhender quelques résultats symboliques du Tribunal à l'instar des procès qui ont véhiculé un message contre l'impunité. Par ses poursuites, le TPIR a jeté le discrédit sur les dirigeants hutu au pouvoir pendant le génocide de 1994.

A. Le TPIR et la neutralisation politique du `Hutu Power'

De manière générale, après la mise en place et le fonctionnement du TPIR, les dirigeants hutu au pouvoir au Rwanda pendant le génocide se sont retrouvés soit traînés en justice, soit identifiés et traqués comme des criminels en fuite, soit réduits au silence. Ainsi, le TPIR a contribué de manière déterminante à la neutralisation sur l'échiquier politique de l'extrémisme hutu et de l'idéologie radicale dite `hutu power' qu'il véhiculait. Certes, il n'a pas anéanti la survivance de cette idéologie ce d'autant plus, qu'elle s'est propagée et diffusée en République démocratique du Congo et au Burundi. En clair, le TPIR a beaucoup contribué à renforcer l'autorité du pouvoir de Kigali en traquant les têtes du régime déchu. Son action avait provisoirement contribué à éliminer de l'échiquier politique une bonne partie des anciens leaders de l'extrémisme hutu.

179 Idem.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

B. Des procès pour l'exemple : un message contre l'impunité

Les procès devant le TPIR ont commencé le 9 janvier 1997. De 1997 à 2000, environ huit individus ont été jugés par les chambres de première instance. Cinq d'entre eux : Jean-Paul Akayezu180 (L'affaire Akayezu, premier jugement sur le génocide), Clément Kayishema et Obed Ruzindana181 (L'affaire Kayishema/Ruzindana : le génocide de Kibuye), Georges Rutaganda182 (L'affaire Rutaganda, au nom des Interahamwe) et Alfred Musema183 (L'affaire Musema, preuve orale contre preuve écrite), l'ont été à l'issue d'un procès à fond. Les trois autres : Jean Kambanda, Omar Serushago et Georges Ruggui184, avaient plaidé coupable.

En plus de ces quatre jugements à fond, il y a eu trois aveux de culpabilité. Parlant de Kambanda, dans L'affaire Kambanda, aveu et désaveu, Jean Kambanda, ancien Premier ministre du gouvernement intérimaire entre avril et juillet 1994, est le plus haut responsable jugé à ce jour devant le TPIR. Il est aussi le premier repenti de l'histoire de la justice internationale puisque l'ancien Premier ministre a plaidé coupable de génocide. Coopérant avec le procureur, l'accusé avait alors décidé de témoigner à charge dans d'autres procès. Reconnu coupable, le 1er mai 1998, sur la base de ses aveux, il est condamné quatre mois plus tard à la peine maximale de la prison à vie. Les aveux de Jean Kambanda sont présentés par le TPIR comme son plus grand succès. Cependant, selon un rapport de International Crisis Group, « Bien que Kambanda soit le plus haut responsable jugé par le TPIR, il n'est pas un planificateur du génocide, et son procès ne peut pas avoir la valeur d'exemple qu'on a voulu

180 Reconnu coupable de génocide et de crimes contre l'humanité pour extermination, assassinats et viols, Jean-Paul Akayezu a été condamné à l'emprisonnement à vie.

181 Clément Kayishema, ancien préfet de Kibuye a été jugé, entre avril 1997 et novembre 1998, aux côtés d'Obed Ruzindana, commerçant de la même région. En mai 1999, les deux hommes étaient tous deux reconnus coupables de génocide et respectivement condamnés à la prison à vie et à 25 d'emprisonnement. La région de Kibuye fut celle où se commirent parmi les plus grands massacres de Tutsi, notamment dans la ville de Kibuye (commune de Gitesi) et la région montagneuse de Bisesero où plusieurs dizaines de milliers de personnes s'étaient réfugiées et furent exterminées. Plus de cinquante témoins de l'accusation sont venus déposer à la barre. Obed Ruzindana était le seul accusé à ne pas avoir témoigné pour lui-même. Le 1er juin, la chambre d'appel avait confirmé intégralement et définitivement le jugement et les peines rendus par la chambre de première instance.

182 Rutaganda, l'un des cinq membres du comité national des Interahamwe, il a été le seul être poursuivi par le TPIR. Le procès de l'ancien deuxième vice-président des Interahamwe a été le plus long et le plus discontinu de ceux s'étant tenus depuis 1997 à Arusha. Entamé en mars 1997, il ne s'est achevé qu'en juin 1999. En décembre 1999, Rutaganda était reconnu coupable de génocide et de crimes contre l'humanité et condamné à la prison à perpétuité pour des actes commis à Kigali.

183 Alfred Musema fut le premier accusé à reconnaitre d'emblée l'existence du génocide. En janvier 2000, il fut condamné pour génocide et crimes contre l'humanité, dont un viol direct. Constituant le jugement le plus discuté entre les trois juges l'ayant prononcé.

184 Un Européen dans les médias de la haine, Georges Ruggui était jusqu'en 2000, le seul accusé non-Rwandais devant le TPIR. Ancien employé de la sécurité sociale belge, devenus trois mois avant le début du génocide animateur de la radio extrémiste hutu RTLM, il était arrêté au Kenya le 23 juillet 1997. Il plaida alors non coupable. Après presque deux ans de prison, il passa aux aveux et accepta de coopérer avec le procureur. Le 1er juin 2000, Ruggui, de nationalité belge et italienne a été condamné à 12 ans de prison pour incitation à commettre le génocide et crime contre l'humanité pour persécution.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

lui attribuer »185. Mais, de nos jours, Théoneste Bagosora s'est retrouvé de même à Arusha et a été envoyé purger sa peine au Mali mercredi le 4 juillet 2012. Le colonel Bagosora était le chef de cabinet au Ministère de la défense au début du génocide. Cerveau présumé du génocide selon certaines sources, il a fourni les armes et coordonné les interahamwe186.

Pour ces trois condamnés qui avaient plaidé coupable, on peut dire que leurs aveux de culpabilité avaient permis de fournir, a priori, une information nouvelle quant à l'établissement des faits et la recherche de la vérité sur le génocide, le rôle des acteurs et les moyens utilisés. Les arrestations ont permis on peut dire d'adresser un message important à tous ceux qui tentent d'accéder au pouvoir ou de s'y maintenir en ordonnant et en planifiant des attaques contre les civils ; à tous ceux qui, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la justice pénale internationale, pour des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou le crime de génocide, et pensent pouvoir miser sur la lassitude ou l'inaction du Conseil de sécurité. A travers le TPIR, le Conseil de sécurité démontre sa détermination à lutter contre l'impunité.

En début juin 2001, pour soixante-cinq mises en accusation, le TPIR avait déjà mis sous les verrous quarante-cinq accusés représentés des cercles de pouvoir divers- gouvernement, pouvoirs locaux, armée, médias, milices, clergé et avait permis l'arrestation de personnalités de haut rang187. Le Tribunal offre en fait une panoplie assez complète des groupes et organisations impliqués dans le génocide. Bien que très peu de cerveaux du génocide se trouvent dans les prisons du Tribunal. Les jugements qu'il avait rendus avaient néanmoins assuré une reconnaissance judiciaire du génocide perpétré contre les Tutsi. Mais, jusqu'à notre départ du Tribunal en octobre 2002, le TPIR n'avait pu juger que huit individus. Entre juillet 1999 et octobre 2000, son activité judiciaire au fond a été constituée par le procès d'un seul accusé Ignace Bagilishema, ancien maire de la commune de Mabandza (de la

185International Crisis Group, « Tribunal pénal international pour le Rwanda : l'urgence de juger », Rapport Afrique, N° 30, 7 juin 2001, p. 6.

186 En effet, le plus en vue des responsables rwandais condamné par le TPIR pour sa participation au génocide de 1994, le Colonel Bagosora avait été arrêté au Cameroun le 09 mars 1996. Condamné à la perpétuité en première instance, celui qui avait été présenté comme le `cerveau' du génocide a vu sa peine réduite de 35 ans de prison par la chambre d'appel le 14 décembre 2011. Les juges d'appel du TPIR avaient en décembre dernier confirmé la responsabilité de Théoneste Bagosora pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, mais ils avaient annulé plusieurs conclusions factuelles de la chambre de première instance. In fine, sa responsabilité n'a été retenue que pour n'avoir pas prévenu les crimes commis par des militaires et pour n'avoir pas puni les auteurs, alors que les juges de premier degré avaient conclu qu'il a ordonné les crimes. Toutefois, la chambre d'appel a maintenu une conclusion de jugement de première instance selon laquelle Bagosora était la plus haute autorité militaire du Rwanda entre le 6 et le 9 avril 1994.

187 Le gouvernement en charge du pouvoir au lendemain de l'attentat contre l'avion présidentiel du 6 avril 1994, dans lequel périt le président Juvénal Habyarimana. Les anciens membres de ce gouvernement ont été accusés devant le TPIR d'avoir conçu et supervisé le génocide contre les membres de la communauté tutsi.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

préfecture occidentale de Kibuye). Ainsi, pour beaucoup de rwandais, en réalité, la création du TPIR est une marque de la mauvaise conscience internationale. Ayant tragiquement failli à son devoir d'intervention pour arrêter le génocide de 1994, la communauté internationale a voulu aider à sanctionner le crime une fois celui-ci commis. Le TPIR a aussi fait l'objet de plusieurs polémiques sur sa vérité judiciaire.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery