WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Rôle du capital social dans l'appropriation par la communauté d'un projet de développement rural à  l'extrême-nord (Cameroun).

( Télécharger le fichier original )
par Laurent Parfait NDENGUE
Université Catholique d'Afrique Centrale - M.Sc en Développement et Managemrnt des Projets 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

V. REVUE DE LITTERATURE

Depuis plus de dix ans, le concept du capital social attire de plus en plus d'attention dans le domaine des sciences sociales (Da Costa, 2007 : 4). Sa popularité est attribuée au fait que le concept permet de prendre une nouvelle vision sur certaines problématiques pouvant ainsi offrir de nouvelles conclusions. Dans le cadre d'un projet de développement rural, le capital social devient une ressource parmi d'autres, telle que le capital humain, le capital économique, la gouvernance, la technologie et l'équité, pour son implémentation.

Aujourd'hui, il est entendu que le concept du capital social provient de trois épistémologies différentes. De prime abord, la première mention du capital social provient du sociologue français, Pierre Bourdieu qui définit le capital social comme « l'ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d'un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d'interconnaissance» (Bourdieu, 1980 : 3). Il a fait allusion à l'importance du contexte formel et informel du capital social lors d'une recherche où il démontrait l'importance des liens et des réseaux sociaux parmi les membres de l'élite française pour entretenir leur statut dans le milieu. Il a ainsi démontré que le capital social était une ressource acquise par l'individu pour son bien-être individuel. Il met aussi l'emphase sur l'importance que joue le capital économique et culturel sur le capital social d'un individu.

En mettant en oeuvre cette perspective, Bourdieu élabore une véritable anthropologie du capital social reproduisant à travers des pratiques ayant leurs sources dans les représentations et les volontés des agents guidés par leur habitus. Cette catégorie est simultanément structurée et structurante et permet à chacun d'élaborer des stratégies pour se réaliser comme être social appartenant au groupe. Enjeu de compétition, le capital social est acquis et protégé à travers une violence symbolique au fondement du lien social, renvoyant à une légitimité fournie par la nature, la religion ou encore les croyances populaires.

Le travail du sociologue américain, Coleman (1998), dans son étude concernant le succès scolaire parmi les étudiants des écoles catholiques comparativement aux écoles publiques, a démontré que les étudiants des écoles catholiques avaient un meilleur succès dû aux liens qu'ils entretenaient en participant à des activités de l'Église Catholique à l'extérieur de l'école. En conclusion, il a démontré qu'il y a un lien direct entre le capital social et le capital humain (spécifiquement l'éducation) illustrant que le capital social n'est pas seulement une ressource individuelle, mais aussi une ressource pour la communauté. Pour illustrer un changement de la participation et l'engagement civique dans les associations et dans la pratique du droit de vote qui nuit à la démocratie du pays Robert Putnam dans son livre « Bowling Aloïne », a démontré déclin de la participation publique, en utilisant comme prémisse le déclin de 40% des clubs de bowling et l'augmentation de 10% du bowling individuel aux États-Unis (Putman, 2000). Sa thèse principale de Putnam stipule que les réseaux créés par l'engagement civique produisent des normes de réciprocité générale parmi les membres de ces réseaux, ce qui encourage la coordination et la communication en produisant des voies qui favorisent l'échange d'information. Il a démontré à son tour que le capital social joue un rôle important, non seulement pour l'individu, mais aussi pour la communauté. Il a aussi que le capital social peut aussi jouer un rôle dans l'application des politiques publiques, conduisant le statut du capital social d'un concept à celui d'un outil (Field, 2003). Son travail sur la société américaine a ajouté la valeur morale au concept de capital social. En effet, il le considère comme producteur de l'enclenchement civique  et d'une large mesure sociale de santé communale. Il transforme également le capital social d'une ressource possédée par des individus à un attribut des collectivités, se concentrant sur des normes et la confiance comme producteurs de capital social à l'exclusion des réseaux.

Depuis, le capital social est perçu comme une ressource pour la société, et comme un outil qui peut contribuer à la collaboration et à la coordination de la collectivité. Ces grands courants de pensée démontrent que le concept de capital social est autant une ressource individuelle que collective qui se manifeste dans les contextes formel et informel. Le formel est constitué de groupes reconnus formellement auxquels les membres doivent s'inscrire ou payer un tarif pour en faire partie (Putman, 2000). Ce contexte est plutôt connu aujourd'hui sous la forme de vie associative et société civile incluant entre autres les associations, les syndicats, et les partis politiques, les GIC, les organisations de producteurs agricoles. Pour identifier le capital social d'un individu ou d'une collectivité, quantifier le contexte formel n'est pas suffisant pour donner un portrait global du capital social, car une grande partie de celui-ci se manifeste dans un contexte informel. Les groupes informels sont plus difficiles à quantifier et se manifestent de différentes façons, par exemple, les groupes de femmes, les sociétés d'intérêts communs, et les groupes d'activités sociales. Ces groupes sont plutôt constitués de personnes ayant des liens plus forts comme les amis, les voisins et la famille (Putman, 2000). Tandis que les personnes participantes aux groupes formels ont plutôt des liens plus faibles comme des connaissances. Par contre, ces observations ne sont pas absolues, il est possible d'avoir des liens faibles dans les groupes informels et des liens forts dans les groupes formels (Field, 2003). Le capital social se forme en créant des liens d'attachement (bonding), des liens d'accointance (bridging), et des liens instrumentaux (linking) entre individus ou les collectivités. Les liens d'attachement consistent plutôt de membres de la famille, les amis et les voisins, ce sont les liens qui offrent un support quotidien pour des tâches anodines, tel que garder les enfants ou faire une course. Les liens d'accointance sont constitués de personnes qui ont un même statut social, mais qui participent dans des groupes différents, tels que des collègues de travail dans deux endroits différents (ou plus), ou des associations connexes qui ont un but commun, mais opèrent dans des milieux différents. Les liens instrumentaux sont constitués de personnes dans des positions sociales plus élevées telles que les professeurs, les chefs syndicaux et les politiciens, qui offrent des occasions d'avancement personnel ou professionnel pour une personne ou un groupe afin de promouvoir un objectif (Woolcock et al., 2000).

Le travail de Woolcock (1998), en tant qu'économiste de développement international à la Banque mondiale, démontre le fonctionnement de ces liens pour le développement économique dans son étude des communautés pauvres dans les pays en voie de développement. Il illustre l'importance des liens d'attachement dans ces communautés comme une ressource importante à leur survie afin de bénéficier d'un certain développement économique. Il constate d'ailleurs que ces liens d'attachement permettent aux individus d'aller cultiver des liens d'accointances et instrumentaux afin de pouvoir sortir de la pauvreté, et qu'un bon équilibre entre ces trois types de liens est optimal pour l'avancement d'un individu ou d'une collectivité (Woolcock, 1998; Woolcock et al. 2000).

Par contre, le capital social n'est pas toujours une ressource positive. En effet, de la même manière qu'il bénéficie aux membres du réseau et aux non membres, à travers le développement de forts liens sociaux, il peut également être exploité dans un but socialement et économiquement pervers. La recherche de Portes portant sur les ghettos de Miami, démontre que les liens d'attachement sont parfois plus importants que les liens d'accointance ou instrumentaux, formant des groupes dominants qui influencent les membres de la communauté (Portes, 1998). Ce manque d'équilibre parmi les trois types de liens a un effet plutôt négatif sur la communauté, surtout si les groupes dominants ont des objectifs communs négatifs. Donc, en négligeant les liens d'accointances et instrumentaux, les membres de cette communauté passent à côté d'une ressource importante qui contribuerait à leurs objectifs individuels ou communs (Portes, 1998). Il a identifié quatre conséquences négatives du capital social qui sont l'exclusion des étrangers ; les réclamations d'excès sur des membres de groupe ; les restrictions à la liberté individuelle et les normes de mise à niveau de haut en bas ». Il croit que ces conséquences, et la nature inégale de l'accès au capital social doivent être équilibrées contre la vue optimiste, si le capital social se veut utile comme outil pour l'analyse et la transformation sociales.

Un dernier ingrédient important dans la construction du capital social est la confiance. Elle est l'engrenage du concept en tant que ressource pour l'action collective. Sans confiance par rapport aux liens, les réseaux restent douteux et incapables d'être utilisés pour promouvoir la participation et donc atteindre un objectif commun (Da Costa, 2007 : 9). Putnam a clairement démontré cet aspect dans sa première étude en Italie où le taux de vote était plus haut dans le Nord comparativement au Sud, où la Mafia est plus présente et la corruption des membres instaure une aire de non-confiance envers les politiciens (Da Costa, 2007 : 10).

Fukuyama a une théorie très simple. Pour lui, la capacité d'une nation à développer les institutions qui la rendent puissante et performante dépend de l'aptitude à la confiance de sa population, aptitude qui trouve son origine dans les valeurs inhérentes à la culture. Pour Olivier de Sardan, l'une des leçons majeures que l'on puisse tirer de l'étude de la vie économique est que « la prospérité d'une nation et sa compétitivité sont conditionnées par une seule et unique caractéristique culturelle omniprésente et le niveau de confiance propre à la société » (Olivier de Sardan, 1995 :128).Selon cette règle, le monde se sépare en deux camps : celui des pays à « haute confiance », et celui des pays à « basse confiance » (Ponthieux, 2004).

Pour tous ces auteurs, le capital social est une notion importante pour les performances socioéconomiques tant des individus que des collectivités. Il se veut un concept mesurable. Sa mesure peut se baser, soit sur des actions menées en commun, par exemple dans un cadre associatif ou groupe de travail, soit sur la confiance que les individus ont les uns dans les autres.

L'étude des approches dominantes du capital social fait ressortir un intérêt général commun par la manière dont la dynamique des relations sociales pourrait constituer un atout important et être génératrice de résultats variés. Par exemple, Bourdieu s'est intéressé à la manière dont les élites pouvaient recourir à leurs réseaux sociaux pour renforcer et reproduire leur statut privilégié. Coleman lui a examiné comment le capital social, au sein des collectivités dans lesquelles règne une grande cohésion, avait aidé à soutenir les espérances des familles à l'égard des études de leurs enfants, et ce faisant, réduit les taux de décrochage à l'école secondaire (Odia Ndongo et al, 2006). Notre analyse à nous portera sur le rôle que peut jouer le capital social des communautés dans l'appropriation du projet pilote de lutte intégrée contre la désertification.

Dans l'anthropologie et développement, Jean-Pierre Olivier de Sardan fait savoir qu'on peut parler de développement du seul fait qu'il existe ce qu'il appelle une « configuration développementiste » c'est-à-dire un :

« univers largement composite d'experts, de bureaucrates, des responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets, d'agents de terrain, qui vivent en quelque sorte du développement des autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources matérielles et symboliques considérables » (Olivier De Sardan, 1995).

Ceci, rejoint la thèse de Georg Simmel, qui a pensé qu'assister les nécessiteux c'est atténuer les extrêmes de la différenciation sociale dans le but de les pérenniser afin que la structure sociale soit fondée sur cette différenciation. Durkheim a d'ailleurs formulé des conclusions analogues. Réduire la pauvreté nécessite donc d'agir sur les réseaux sociaux.

Vue sous cet angle, l'appropriation d'un projet de développement serait donc la manifestation des réseaux de relations dont disposent les acteurs et institutions dites de développement. Pourtant, le développement implique la transformation, mieux le changement social qui provoque « l'angoisse ». Et pour que la transformation soit acceptée, elle doit être « conforme à ce qui s'est toujours fait ou à ce qui ne pouvait manquer de se produire » (Rist, 1998). Nous dirons donc avec Olivier de Sardan qu'il faut d'abord essayer de comprendre comment ce changement sera fait avant d'oeuvrer pour sa réalisation. Ainsi, pour que le développement soit effectif, il faut qu'il existe une multitude d'acteurs sociaux qui le favorisent. Cependant, aucun modèle d'analyse économique en laboratoire ne peut prévoir les interactions entre ces acteurs. Mais seule la socio-anthropologie peut tenter de les décrire et interpréter (Olivier de Sardan, 1995 :10).

Le développement rural se présente donc comme une multitude d'interventions plus ou moins cohérentes destinées à infléchir l'évolution du secteur concerné, même si cette diversité d'interventions rend souvent la mise en oeuvre des projets de développement complexes (Dufumier, 1996 : 98). La communication est donc nécessaire pour renforcer la cohésion sociale en « échangeant les informations et des solutions et pour contrôler le conflit ».

Le problème que pose l'appropriation des actions de développement rural est propre à la nature même des projets. Ainsi, avant même d'être mis en oeuvre, un projet de développement est un ensemble en partie incohérent, car doté de cohérences disparates. A cet effet, tout projet de développement d'après Jean-Pierre Olivier de Sardan, renvoie à plusieurs niveaux de cohésion en partie contradictoires:

« la cohésion interne du modèle technique, la congruence du projet avec la politique économique nationale, la conformité du projet avec les normes des bailleurs de fonds et la dynamique propre de l'organisation du projet » (Olivier de Sardan, 1995 : 128).

C'est pourquoi, face aux actions de développement, les populations cibles peuvent adopter deux principaux comportements qu'Olivier de Sardan qualifie de principes très généraux. Il s'agit des principes de « sélection » et de « détournement » (Olivier de Sardan, 1995 : 133). Dans le principe de sélection, tout projet de développement est un ensemble de mesures coordonnées et prétendant à la cohérence. Cet ensemble est toujours plus ou moins désarticulé par la sélection que les bénéficiaires opèrent en son sein. Dans le principe de détournement par contre, les bénéficiaires utilisent les opportunités fournies par le projet pour les mettre au service de leurs propres objectifs.

Pour que l'appropriation devienne effective, l'individu, le groupe ou la communauté doit posséder les ressources officielles et non officielles qui lui permettent de contrôler son développement. Il s'agit d'un pouvoir d'action autonome, lui permettant de modifier certaines de ses conditions de vie afin de survivre et/ou d'améliorer son sort, de gérer les services à rendre accessibles à sa population et d'exercer un contrôle global et continu sur sa vie et sur sa destinée. Il s'agit ensuite d'un processus qui la conduit: à prendre conscience de ses problèmes et de sa capacité (ou de son incapacité), à les résoudre, et à resserrer les liens sociaux de base afin qu'émerge une nouvelle organisation sociale axée sur le partenariat et, à maitriser de plus en plus les outils collectifs de développement. Il s'agit enfin d'une structure, à l'intérieur de la communauté, qui favorise la participation de ses membres et qui est reconnue par ces derniers et par leur environnement (CONSEIL DE LA SANTE ET DU BIEN-ETRE., 2001: 11).

Dans le cas spécifique des projets de lutte contre la désertification, Les avancées dans la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CCD) ne sont pas significatives. En effet, divers processus ont toujours cours dans le cadre de la définition ou de la mise en oeuvre de Programmes d'Action Nationaux (PAN) et de Programmes d'Action Sous Régionaux (PASR), mais leur mise en oeuvre connaît encore des difficultés. Le bilan du PASR réalisé en 2000 a montré que le manque d'appropriation par les ruraux être une des raisons essentielles des faibles progrès enregistrés dans la lutte contre la désertification.

D'après l'UICN, deux contraintes majeures limitent le bon fonctionnement des mécanismes et de l'approche proposée par la CCD. Il s'agit d'une part, de la faible participation de la société civile dans l'élaboration des politiques et plans d'action, et d'autre part du manque d'appropriation des thèmes de la lutte contre la désertification par les communautés concernées. Par-delà les acquis incontestables de certaines actions, ces lacunes révélaient des difficultés réelles quant à l'implication véritable des populations.

Il est apparu manifeste que la dimension sociale de la problématique de lutte contre la désertification n'était pas suffisamment pris en compte dans les démarches, l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des programmes. Ce constat amène logiquement à rechercher comment les cadres juridique et institutionnel peuvent favoriser une participation effective des populations

Au regard de ce qui précède, il apparait que la notion du capital a été très peu abordée dans le cadre des projets de développement rural en général et de lutte contre la désertification en particulier, d'où la pertinence d'une recherche sur le rôle du capital social dans l'appropriation des projets de développement rural au Cameroun. Nous nous interessons aux relations qu'utilisent les population de la communauté pour atteindre leurs objectifs.La prochaine articulation de notre travail est la mise en exergue de notre problématique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon