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La libéralisation des prix au Cameroun

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par Pierre Désiré EFFA MESSI
Université de Yaoundé II -  Diplôme d'Etudes Approfondies de droit public  2008
  

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SECTION II : LES FONDEMENTS JURIDIQUES INTERNES

Plus encore que dans le cadre juridique externe, le processus de déréglementation en général et celui des prix en particulier tire ses sources de fondements juridiques, c'est-à-dire des fondements tirés des actes des autorités étatiques elles-mêmes, et non seulement réceptionnés à partir du Droit international. Il faudrait cependant souligner que dans le cadre interne, cette déréglementation est la résultante de sources juridiques de natures diverses. En effet, elle est le fait de la pratique, moins directement de la jurisprudence, mais sûrement de la coutume. Pratique générale et pérenne, voire naturelle, la discutabilité des prix se présente sous cet angle comme une base incontestable, bien que sûrement lointaine à l'idée de limitation de l'encadrement étatique des prix. Plus concrètement, la déréglementation apparaît

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comme la résultante de l'affirmation en droit interne de deux principes de valeur constitutionnelle et législative à savoir : le principe de la liberté de commerce et de l'industrie et le principe de la liberté des prix. Ces principes qui entretiennent une corrélation directe fondent en effet la déréglementation en général de l'économie camerounaise et partant, celle d'un de ses objets : le prix. Cette déréglementation, expression même de la libéralisation, n'a donc pas connu qu'une onction juridique internationale et communautaire, mais aussi interne à tous les niveaux de la hiérarchie kelsenienne des normes juridiques83, c'est-à-dire aussi bien constitutionnelle (Paragraphe I) qu'infra constitutionnelle (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES BASES CONSTITUTIONNELLES

La libéralisation des prix au Cameroun est le corollaire d'un principe dont la valeur constitutionnelle semble aller de soi, tant il est devenu traditionnel de la classer dans cette catégorie84 : le principe de la liberté du commerce et d'industrie. Ce principe constitue la base fondamentale de la libéralisation (A) et il se décline en sous principes qui en constituent les bases dérivées (B)

A. LA BASE PRINCIPALE : LE PRINCIPE DE LA LIBERTE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE

La constitutionalité de ce principe reste à démontrer dans le contexte camerounais, même si sa portée elle, reste constante à tous égards.

1. La constitutionalité du principe

Si la valeur constitutionnelle de ce principe est une constante en droit comparé, ceci ne semble pas être le cas en droit camerounais. La doctrine lui colle pourtant une valeur constitutionnelle qu'elle n'a jamais démontrée, mais qu'elle a pris la fâcheuse habitude d'affirmer en se fondant sur des textes et des jurisprudences étrangères à notre ordre juridique

83 Lire KELSEN (H), Théorie pure du droit, Dalloz, 2nd ed., traduction Charles EISENMANN, Paris 1962,496p.

84 Pour la totalité des auteurs, notamment de droit comparé, la constitutionnalité de ce principe ne souffre d'aucune contestation, en plus d'être un principe général de droit, consacré tant par la jurisprudence que par la doctrine. CHENOT (B), Organisation économique de l'Etat, Librairie Dalloz,, Coll. Etude politique, économique et sociale, 2nd ed., Paris 1965, p.479. ; DELAUBADERE (A) et DELVOLVE (P), Droit public économique... Op. cit., p.59.

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et ne pouvant, sauf à titre de droit comparé, nullement être utilisées dans notre cadre ; encore séduite est-elle aujourd'hui du monde occidental85. Des travaux importants ont pourtant été effectués sur le sujet86. Le plus surprenant reste de constater avec quelle aisance les origines de ce principe ont été rattachées à l'histoire coloniale de notre pays et à la loi du 27nov 1980

fixant l'orientation de l'activité commerciale87 qui n'est pourtant pas de valeur
constitutionnelle. Cette dernière observation serait de nature à fonder la non constitutionalité de ce principe dans le contexte camerounais. En effet, nombre de considérations sont de nature à susciter de réelles interrogations quant à la valeur constitutionnelle de ce principe dans le contexte camerounais. En effet, sur le plan formel, aucun texte constitutionnel ne le consacre expressément, ni directement ; et quand bien même cela aurait été le cas, encore aurait-il fallu s'accorder sur laquelle Constitution.

Il faudrait en effet se rappeler que la doctrine camerounaise est divisée au sujet de la Constitution réellement en vigueur au Cameroun. Les points focaux de cette controverse doctrinale tournent d'une part autour du point de savoir si le texte constitutionnel du 18 janvier 1996 était une révision de la Constitution originelle de 1972, ou l'écriture d'une nouvelle Constitution88. Et d'autre part, si une ou deux Constitutions sont en vigueur au Cameroun89. Les réponses à ces deux questions sont corrélatives, de sorte que, de la première dépend la seconde. En effet, s'il est vrai qu'au-delà des innovations assez importantes de la dernière modification apportée à la Constitution en 1996, le texte officiel parle lui-même de révision constitutionnelle, toute interprétation de quelconque nature que ce soit peut paraître abusive, surtout que, lesdites innovations ne semblent en réalité qu'avoir renforcées sur le plan normatif et institutionnel, les bases de la République et de l'Etat de droit alors jetées par le texte originel. Sur cette base, la Constitution formellement en vigueur reste celle de 1972, simplement révisée, mais dont la matière s'est plus qu'enrichie. Or, le degré d'innovation apporté par le nouveau texte ne peut que laisser perplexe, quant à une telle vision puisque alors, sur le plan matériel, la Constitution de 1972 ne serait plus tout à fait

85 MEBENGA (M), « Le droit et ses pratiques ... »Op. cit., p.74.

86 OLANGUENA AWONO (U), La liberté du commerce et de l'industrie au Cameroun, Th. Droit 3e Cycle, Orléans, 1982, 321p. Plus récemment encore, NYAMA (J-M) « La liberté du commerce et de la concurrence... »Op. cit., pp.51-74.

87 OLANGUENA AWONO (U), La liberté du commerce et de l'industrie au Cameroun...Op. cit., p.2.

88 KAMTO (M) « Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle Constitution ? » Lex. lata, n°23-24, 1996, p.19. ; MBOME (F.X) « Constitution du 2 juin révisée, ou nouvelle Constitution ? », in La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996, aspects juridiques et politiques, Friedrich Ebert, Yaoundé, 1996, pp.16-33.

89 ONDOA (M), « La Constitution duale : recherche sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », RASJ, Vol. 12, Yaoundé, 2000, pp. 20-56. OLINGA (A.D), La Constitution de la République du Cameroun, Presses de l'UCAC, ed. Terre africaine, Yaoundé 2006, p.23.

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logique avec elle-même, ne fut-ce que sur le plan de son autorité. Au final, il s'est donc agi formellement d'une révision constitutionnelle, mais matériellement de l'écriture d'une nouvelle Constitution. C'est cela qui justifie que puisse être soulevé le second problème ; à savoir celui du nombre de Constitution actuellement en vigueur au Cameroun.

La question en elle même peut paraître absurde, voire incongrue, tant il semble juridiquement établi qu'au sein d'un seul et même Etat, ne peut être en vigueur qu'une seule Constitution fondant l'ordre juridique dudit Etat90. L'idée de plusieurs Constitutions cohabitant simultanément dans un même ordre juridique ne laisse pas de surprendre. Cette curiosité scientifique fort séduisante a été théorisée par la Professeur Magloire ONDOA avec une rigueur scientifique, une cohérence et une logique qui n'aura pu que convertir. Ceci d'autant plus que l'idée d'une « Constitution duale »91 ne reflète fort cruellement que la réalité juridique et intelligiblement scientifique de notre environnement constitutionnel. En réalité, la suspension de l'application de certaines dispositions de la loi constitutionnelle du 18 janvier 199692, complétée à la non abrogation formelle, ou mieux à la prolongation formelle de l'applicabilité de nombre de dispositions de 1972, en vertu des articles 67 et 68 de la loi constitutionnelle du 18janv 1996 n'aura pu que consacrer au sein d'un même ordre juridique, deux instruments fondamentaux dont l'un formellement en vigueur, mais non encore matériellement mis en application dans son entièreté ; et l'autre, n'étant plus formellement en vigueur en intégralité, mais demeurant matériellement mis en application. Ceci apparaît comme une conséquence logique du principe de progressivité auquel n'échappe pas l'ordre constitutionnel lui-même en termes d'entrée en vigueur des normes dans le temps. Il serait en réalité absurde, voire intellectuellement inexact, d'affirmer que la Constitution de 1972 n'est pas en vigueur, il le serait davantage s'il fallait infirmer que le texte de 1996 n'est point en vigueur au Cameroun : il cohabite donc inexorablement deux textes constitutionnels s'interpénétrant, ne formant au final qu'un bloc de constitutionalité comme norme fondamentale au sommet de l'ordonnancement juridique interne.

Lequel bloc de constitutionalité intègre en son sein - à travers la constitutionalité consacrée du préambule de la loi constitutionnelle du 18 janvier 199693- les normes internationales consacrant plus ou moins directement le principe de la liberté de commerce et

90 OLINGA (A.D), « La Constitution ... », Op. cit., p.24.

91 ONDOA (M), « La Constitution duale... » Op. cit., p.20-56

92 OLINGA (A.D) « L'article 67 de la Constitution lex lata,n°3, mars 1997,pp.3-9

93 Article 55 de la Constitution.

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d'industrie94. Encore que ce principe sur le plan de l'histoire constitutionnelle de notre pays avait déjà été consacré par un texte à valeur constitutionnelle, notamment le préambule de la Constitution du 4 mars 196095, même si sa valeur juridique n'était pas encore établie. Ce qu'il importe ici de constater est que le législateur constitutionnel camerounais a octroyé dès l'aune de l'Etat camerounais, une valeur constitutionnelle à ce principe.

La constitutionalité du principe de commerce et d'industrie au Cameroun relève donc d'un bloc fluctuant et mouvant de constitutionalité qu'on ne saurait nier, malgré la portée limitée dudit principe.

2. La portée du principe

Si important que soit le principe de la liberté de commerce et d'industrie ; en tant que garantie de l'existence d'une liberté reconnue aux personnes morales et physiques, tant de Droit public que de Droit privé national et étrangères d'exercer une activité économique ou industrielle, il n'en demeure pas moins un principe limité. Ainsi Monsieur OLANGUENA AWONO estime t-il qu'en réalité, ce principe n'aurait pu être appréhendé que par l'analyse de sa multitude de limites96. En fait le principe de la liberté de commerce et d'industrie au Cameroun évolue dans un océan de dérogations et d'exceptions, à telle enseigne que la règle s'est inversée en exception. Les dérogations sont conventionnelles .Il en est ainsi des nombreuses clauses susceptibles de la limiter telles que les clauses de non installation, de non rétablissement, de non concurrence visant à interdire aux anciens partenaires ou aux intervenants potentiels de développer une activité commerciale ; ou des clauses d'exclusivité d'achat, de fourniture ou d'établissement, visant à placer certains débiteurs sous la dépendance du cocontractant afin de l'empêcher de gérer à sa guise son activité. Le principe admet également des exceptions légales telles que certaines prescriptions réglementaires liées au respect de l'ordre public, aux incompatibilités, aux exigences de déclaration et autres incapacités, empêchant à certaines catégories de personnes d'exercer l'activité commerciale ou industrielle à leur guise, ou encore ne le permettant que sous certaines conditions.

94 Les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce, la législation CEMAC, la Charte de La Havane.

95 Paragraphe 15 du préambule de la Constitution du 04 mars 1960, disposant clairement « la liberté de constitution, de gestion et d'exploitation des exploitations syndicales et sociétés, la liberté de circulation des personnes et des biens, la liberté d'établissement et d'investissement, ainsi que la non discrimination en matière juridique, financière, fiscale et commerciale, sont reconnues à tous dans les conditions fixées par la loi. »

96 OLANGUENA AWONO (U), La liberté du commerce ... Op. cit., p.6.

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Ainsi, le principe de la liberté de commerce et d'industrie constitue le moule constitutionnel sans lequel tout processus de libéralisation n'aurait pu prendre forme en droit camerounais. Ce principe jette les bases d'une libéralisation, voire d'une libération des prix. Il se décline en des sous principes qui en constituent le contenu et en deviennent ainsi des bases constitutionnelles dérivées.

B. LES BASES DERIVEES : LES PRINCIPES DE LA LIBERTE

D'ENTREPRENDRE, D'EXPLOITER ET DE CONCURRENCE

En effet, une fois consacré, à quoi renvoie ce principe, et comment agit-il sur les prix ? Ce principe signifie liberté d'entreprendre et d'exploiter, mais aussi liberté de concurrence.

1. La liberté d'entreprendre et d'exploiter

Ce double principe est la composante en effet de deux principes qui peuvent être appréhendés séparément, bien qu'entretenant en pratique un lien si étroit qu'il devient logique de les regrouper tout en gardant à l'esprit le sens respectif de chacun.

La liberté d'entreprendre signifie la possibilité légalement ouverte à toute personne morale comme physique, camerounaise ou étrangère de s'installer en créant ou en acquérant une entreprise, quelle qu'en soit la forme, et d'y exercer l'activité économique de son choix dans le respect de la loi. Elle se traduit par les libertés : d'accès, du choix, du mode d'organisation, d'exercer, d'établissement, ainsi que de contracter. C'est elle qui devient en Droit communautaire la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux de même que celle d'installation et d'établissement. Toutes choses qui traduisent l'option du moins d'Etat en matière d'initiative commerciale et industrielle. Ceci va jusqu'à la liberté de choisir sa propre politique d'exercice de l'activité commerciale.

Le principe de liberté d'exploitation justement renvoie à la possibilité de déterminer sa propre politique de production, de distribution et de commercialisation, c'est-à-dire liberté de gérer à sa guise son entreprise en choisissant la politique, voire la stratégie commerciale qui semble le mieux servir ses intérêts économiques. Dans cette optique, le commerçant doit jouir de la possibilité de manipuler et d'ajuster les prix au gré de ses intérêts commerciaux.

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Or, ceci n'est nécessaire, voire possible que si l'activité commerciale se développe dans un cadre concurrentiel.

1. Le principe de la liberté de concurrence

Ce principe apparaît comme le corollaire principal, l'application et même la condition du principe de la liberté de commerce et d'industrie. Du fait de sa filiation avec ce dernier, il bénéficie donc également de l'onction constitutionnelle. Les rapports entre ces deux principes ne sont plus à démontrer97 pour ce qui est du Cameroun. Ceci peut se justifier par le fait que l'ancien code des investissements parle au même titre que la loi régissant l'activité commerciale, exclusivement de la liberté des activités économiques. Ce principe signifie deux choses : en premier lieu, il signifie consécration de la liberté des prix, c'est-à-dire liberté de fixer les prix des biens et services uniquement par le libre jeu de l'offre et de la demande sur le marché et donc en second lieu, interdiction, ou du moins exigence de réduction de l'intervention de l'Etat dans la détermination des prix. En clair, la liberté de concurrence renvoie à la liberté de détermination de la politique commerciale en fonction tant des intérêts de tout entrepreneur d'une part ; et d'autre part, à l'observation du lien congénital qui existe entre la concurrence et les prix98. Toute concurrence n'étant possible que par les prix, libérer la concurrence signifie libérer les prix. La consécration de ce principe pose donc avec onction constitutionnelle les bases certes dérivées de la déréglementation comme processus de libéralisation des prix au Cameroun.

Au regard de ce qui précède, force est de reconnaître que la déréglementation des prix est un processus encadré au plus haut sommet de la hiérarchie des normes juridiques. Cette consécration constitutionnelle quelque peu induite et donc implicite se traduit plus concrètement dans les textes législatifs et réglementaires, c'est-à-dire de valeur infra constitutionnelle.

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