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La libéralisation des prix au Cameroun

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par Pierre Désiré EFFA MESSI
Université de Yaoundé II -  Diplôme d'Etudes Approfondies de droit public  2008
  

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PARAGRAPHE II : LES IMPLICATIONS DU DESENGAGEMENT

Parmi les manifestations de la présence étatique dans le secteur productif, la réglementation et le contrôle des prix occupent une place de choix. Le désengagement de l'Etat a entraîné une réduction substantielle du champ de la réglementation (A) des prix dont le corollaire principal a été une restriction de pouvoir de contrôle des prix (B).

A- LA REDUCTION DU CHAMP DE LA REGLEMENTATION DES PRIX

Le régime général des prix jadis en vigueur consacrait la réglementation comme étant la règle en matière de prix, elle est, du fait de la déréglementation devenue aujourd'hui l'exception.

1- Le régime originel des prix ou la réglementation comme règle

Bien avant l'indépendance, existait déjà au Cameroun un régime des prix découlant d'un décret français de 1937 ayant pour objet la prévention et la répression de toutes augmentations illicites des prix dans les colonies, pays de protectorat ou sous mandat128. Un

128 LEUNYOU (M), « Le problèmes des prix sur les marchés et la responsabilité du commerçant », CCIMA réunion de la section commerce Yaoundé Juin 2006 P. 5.

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décret du 14 Mars 1944 portant réglementation des prix en Afrique équatoriale et au Cameroun français renforce la répression de la réglementation des prix129 . Au lendemain des indépendances, la loi N° 61/07 du 18 Avril 1961 et plus tard le décret N° 68-DF-486 du 18 Décembre 1968 portant régime général des prix au Cameroun ainsi que les autres textes modificatifs réceptionnent dans le cadre interne l'esprit mais non intégralement la lettre des textes de la période post-indépendance. Mais, le véritable socle normatif en matière de prix au Cameroun ne sera pris qu'à l'occasion de l'avènement de l'Etat unitaire en1972.

L'ordonnance N°72/18 du 17 Octobre 1972, portant régime général des prix et ses textes modificatifs130 constituent la véritable bible de la législation sur les prix au Cameroun bien qu'ayant partiellement été abrogée par la loi N°90/031 du 10 Août 1990 régissant l'activité commerciale au Cameroun. L'analyse de ce texte de base permet de constater qu'avant les textes libéraux « la totalité des prix des biens et services était réglementé » au Cameroun131 . La réglementation se traduit concrètement à cette époque par une fixation administrative de tous les prix des produits et services ainsi que celle des marges bénéficiaires. Elle se justifie alors par de nombreuses raisons essentielles132 , mais emporte de nombreuses conséquences133. Sa mise en oeuvre entraîne des lourdeurs administratives et trop souvent des conflits avec l'Etat. Elle a rigidifié le système rendant les entreprises incapables de s'adapter aux besoins d'ajustement des marchés et inaptes au développement de la compétitivité134.

Force est cependant de reconnaître que la réglementation des prix n'était ni absolue, ni inviolable bien que générale et intégrale. Il s'est en effet développé un marché informel qui lui échappait. Le désengagement de l'Etat du secteur productif a ainsi entraîné une mutation substantielle de la réglementation des prix en la faisant passer du général au particulier mais surtout de la règle à l'exception.

129 Idem.

130 Loi N°79/11 du 30 Juin 1979 modifiant certaines dispositions de l'ordonnance N°72/18 et loi N° 89/011 du 28 Juillet 1989 modifiant e complétant certaines dispositions de la loi sus citée

131 ESTEGUET (P.E), « élaboration et mise en application d'une législation de la concurrence adaptée aux conditions des pays en voie de développement : expérience de la République du Cameroun », CNUCED Cession du groupe d'experts intergouvernementaux sur le droit de la concurrence, Genève Octobre-Novembre 2006.

132 Maîtrise de l'inflation, stabilisation des prix, organisation des marchés agricoles tels que le Cacao et le Café, amorce des chocs de la dévaluation monétaire, amorce des problèmes liés à l'instabilité des prix des matières premières sur le marché mondial tel que le pétrole, surveillance promotion et protection de la concurrence, contrôle des multinationales, répartition objective des marges bénéficiaires entre opérateurs économiques promotion de l'investissement et protection du pouvoir d'achat des consommateurs...

133 Elle crée en effet une mentalité d'assister qui s'avère décourageante de l'effort et de l'imagination des opérateurs économiques elle est coûteuse et budgétivore. En bref, la réglementation des prix freine l'essor industriel par le recule des investissements et même sur le plan économique, l'affaiblissement de la monnaie sans oublier son effet retardataire.

134 ESTEGUET (P.E) « Elaboration et mise en application... Op. Cit. P. 3.

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2- Le régime actuel des prix ou la réglementation devenue exception

Avec la promulgation du principe de la liberté des prix comme règle régissant l'activité commerciale au Cameroun, leur réglementation devient ipso facto une exception. Considérablement réduite, elle ne concerne plus que les produits soumis à la procédure d'homologation préalable et à la fixation temporaire des marges bénéficiaires. Seulement, à bien y regarder, l'Etat n'a rien perdu comme pouvoir réglementaire en matière des prix. Son pouvoir a tout au plus été conditionné. L'article 2 de l'ordonnance N° 72, conforté par l'article 32 du décret d'application de la loi régissant l'activité commerciale au Cameroun, confirme le pouvoir du Ministre chargé des prix à réglementer la détermination et la fixation des prix au différents stades de la commercialisation, de la vente et de la circulation des marchandises et des services ainsi que des pratiques qui peuvent avoir pour effet de provoquer une hausse spéculative des prix à la consommation ou d'empêcher leurs hausses justifiées et les pratiques portant sur les autres catégories de vente. L'article 62 alinéas 1 du même décret d'application va dans le même sens ainsi que les réserves émises par l'alinéa 2 de l'article 12 de la loi N° 90/031 consacrant les principes de la liberté de concurrence et des prix. Cet article précise que l'Etat détient ce pouvoir «en tant que de besoin» l'exercice du pouvoir est donc désormais conditionné par la survenue de facteur conjoncturel et circonstanciel dont l'Etat reste seul juge.

La limitation d'un tel pouvoir découle toutefois de l'alinéa 2 dudit article qui précise que de telles mesures doivent être justifiées, limitées dans le temps et donner lieu à une large publicité ainsi qu'à une large information des opérateurs économiques et du public. Sous cet angle, la réglementation apparaît comme une menace permanente, un moyen de pression et même d'oppression contre les opérateurs économiques entre les mains du Ministre en charge des prix, une véritable épée de Damoclès sur la liberté ainsi fragilisée des prix. A tout moment, et sur n'importe quel prétexte discrétionnaire, l'Etat peut procéder à la fixation des prix limites, à la production de même qu'à tout stade du circuit économique par voie réglementaire.

La réglementation des prix semble donc formellement réduite alors qu'elle reste matériellement illimitée. Ceci d'autant plus qu'au-delà de cet aspect et en ne s'en tenant qu'à

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la seule analyse des prix des produits, biens et services limitativement énumérés comme échappant à l'emprise de la liberté des prix parce que soumis à la procédure d'homologation préalable, il est loisible d'affirmer que la variété desdits produits, mais surtout leur variabilité, limite considérablement l'esprit de la déréglementation. En effet, les différents textes fixant ou actualisant la liste des prix des produits soumis à la procédure d'homologation des prix entretiennent l'arbitraire du pouvoir discrétionnaire de l'Etat dans la fixation desdites listes135 en lui laissant la latitude d'y inclure tout service ou produit. Quelques précisions sur la nature des produits et biens concernés ont cependant été apportés par l'arrêté N°0035. D'après l'article 1er dudit arrêté, il s'agit des biens et services offerts par les monopoles publics ou privés réels de fait136. La seconde catégorie est constituée des biens et services subventionnés par l'Etat137 et enfin des biens et services, sujets à des tensions inflationnistes persistantes ; services et biens dits « de grande consommation » « ou de consommation de masse »138. Il convient en su de noter que cette énumération n'est ni exhaustive ni définitive puisqu'en réalité, il existe des régimes particuliers non prévus dans les listes à l'instar du régime spécifique des prix agricoles comme le Cacao et le Café il s'agit donc de listes flottantes donc variables d'une année à une autre139. Aussi, est-il observable une augmentation constante des prix des produits concernés

Contrairement à l'esprit de la loi140, la réglementation des prix n'a donc pas disparue. Seules les nouvelles frontières de l'Etat ont été tracées, réduisant la réglementation à quelques produits et services limitativement énumérés. Jadis la règle, elle est devenue l'exception. Toutefois, une analyse profonde des textes de même que l'observation de la pratique laisse bien voir que sur le plan matériel la réglementation non seulement demeure, mais elle est susceptible d'agrandir son champ par une permanente possibilité de suspendre l'exercice de la liberté des prix. Aussi, le non respect de l'ordre public ainsi que toute

135 Arrêté N° 7 /MINDIC/DPPM/SPD du 12 Janvier 1991, arrêté N° 007 /MINDIC/DPPM du 29 Juin 1990 arrêté

N°0402/MINEFI/CAD du 21 Août 2001,Arrêté N°002/A/MINEDIC/DPPM du 23 Janvier 2003, Arrêté
N°036/A/MINDIC/DPMPC/SDEL/SCR du24 Juin 2004 et actuellement arrêté N°0035/MINCOMMERCE/CAB du 08 Novembre 2005, portant tous fixation de la liste des produits et services donc les prix et tarifs sont soumis à la procédure d'homologation préalable

136 L'eau, l'électricité et les services y afférents, le ciment portland, les services d'auxiliaire des transports maritimes les services des ports autonomes du Cameroun.

137 Les médicaments et consommables hospitaliers, le Gaz domestique, les logements sociaux

138 Fer à béton, sucre, logements scolaires et Universitaires, livres et manuels scolaires, huile de palme brute, poisson congelé importé, farine de froment importée, service offert par les hôtels et établissements touristiques.

139 Cette variabilité découle du caractère révisable des listes en vue de les adapter au contexte socio-économique prévalant. Il trahi la précarité de toute limitation des prix puisqu'il existera toujours les produits et services offerts par des monopoles, ou soumis à des tentions inflationnistes.

140 De 19 produits en 1990, La liste est passée à 16 en 1991 puis à 8 en 1994 et même à 5 en 1998 remontée à 11 en 2001, elle se situe actuellement à 18 produits de service.

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violation de la réglementation ou de la police des prix justifie l'application encore aujourd'hui des sanctions découlant d'un contrôle des prix tout aussi formellement réduit.

B- LA RATIONALISATION DU POUVOIR DE CONTROLE DES PRIX

Marque caractéristique d'un régime général répressif, le contrôle des prix n'a pas disparu sous la déréglementation, mais il a été substantiellement et formellement transformé et surtout restreint. Deux actions s'en sont suivies, à savoir le rétrécissement de l'objet ou de la matière du contrôle des prix, et la rationalisation de l'étendue du pouvoir des organes de contrôle des prix141.

141 Cette rationalisation découle particulièrement de la circulaire N°003/MINCOMMERCE/DPC du 13 Juin 2007, portant rationalisation des contrôles effectués par les structures chargées de la protection du consommateur.

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Le rétrécissement de la matière du contrôle

La conséquence directe et logique de la réduction du champ de réglementation est la réduction du champ de contrôle. Le contrôle est essentiellement une modalité de vérification de la mise en oeuvre normale et régulière de la réglementation en vigueur. Couvrant jadis tous les biens et services, le contrôle des prix dont la pertinence demeure et se traduit par le souci de faire respecter la réglementation afin de protéger le consommateur et de laisser s'installer et nourrir une « véritable culture de la concurrence142 », ne concerne désormais plus que les prix pratiqués sur les produits et prestations de service encore soumis à la procédure d'homologation préalable ou faisant encore temporairement l'objet d'une fixation administrative des marges bénéficiaires. Toute violation de ces dernières réglementations exceptionnelles sont constitutives tantôt de majoration illicite des prix et réprimée par les articles 6 et 8 de l'ordonnance N°72/016 portant régime général des prix ; tantôt de pratique de prix illicite telle que prévu par l'article 7 de ladite ordonnance.

En dehors des cas sus évoqués, le contrôle s'exerce sur les prix certes fixés par les lois du marché mais faisant l'objet de pratiques anticoncurrentielles de nature à altérer la capacité d'appréciation ou de choix du consommateur143. Il s'agit ici de toute infraction à la réglementation sur la publicité des prix et les conditions de vente, des pratiques discriminatoires des prix des ventes à perte, du refus de vente, des ventes conditionnées avec primes liées, des actions concertées, des ententes et conventions non autorisées ainsi que les abus de positions dominantes et autres concertations manifestes sur la politique des prix. A l'analyse de cette énumération non exhaustive, force est de constater que matériellement le contrôle des prix semble s'être également étendu. Seul son exercice et ses pouvoirs ont été rationalisés.

2- La délimitation des pouvoirs de contrôle

Il s'agit des pouvoirs des organes chargés du contrôle et des prérogatives légales.

142 ESTEGUET (P.E), «Elaboration et mise en application d'une législation de la concurrence adaptée aux conditions des pays envoie de développement : expérience de la République du Cameroun » CENUCED Genève Juillet 2003 P. 7.

143 Article 43 de' l'ordonnance N°72 et article 31 (nouveau de la loi N°89/011 du 28 Juillet 1989 modifiant certaines dispositions de la même ordonnance.

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Sur le plan organique, la direction des prix et de la métrologie a cédé la place à la direction de la protection du consommateur. Cette direction est l'organe central chargé du contrôle des prix. Elle est appuyée par des organes déconcentrés que sont les brigades de contrôle et de répression des fraudes commerciales à l'échelle provinciale et départementale. Cette transmutation nomenclaturale révèle que désormais l'ère n'est plus au primat de la réglementation des prix mais plutôt de la saine et loyale concurrence. La direction de la protection du consommateur est compétente à l'échelle nationale et assure la surveillance ainsi que la coordination des activités des services déconcentrés. Les brigades provinciales de contrôle et de la répression des fraudes sont chargées du contrôle des prix, des pratiques anticoncurrentielles et de l'assainissement des marchés au niveau des grossistes et des grandes surfaces de la province. A titre exceptionnel, elles exercent un contrôle sur le détaillant qui relève normalement de la compétence de la brigade départementale. Chacune de ces structures est placée sous l'autorité d'un Chef de brigade.

Le contexte de libéralisation et la recherche d'une intervention efficace et efficiente des unités d'exécution des contrôles ont justifié une forte rationalisation des pouvoirs, cette fois-ci entendue comme prérogative reconnue aux organes chargés du contrôle des prix. Ceci a été notamment le cas pour ce qui est de l'initiative des contrôles, de leur déroulement ainsi que de leur aboutissement.

L'initiative des contrôles appartient désormais au seul directeur de la protection du consommateur pour ce qui est des services centraux et exclusivement aux chefs des brigades provinciales et départementales au niveau des services déconcentrés. Lesquelles initiatives sont conformes à des programmes d'actions périodiques portées à la connaissance du Directeur de la protection du consommateur. Le respect du pouvoir hiérarchique commande désormais une montée de la base au sommet des rapports et des bilans. L `exécution des contrôles a été également réglementée144 ainsi que la distribution et la tenue des documents de travail. Les agents de contrôle ont droit à la communication, et à l'accès à tout local en

144 Les descentes sur le terrain se font à la suite d'une note de service précisant l'objet du contrôle et indiquant les noms, prénoms des personnes appelées à l'exécuter ; les noms du ou des Chefs d'équipe ainsi que la durée de celle-ci. Les agents retenus doivent avoir prêtés serment conformément aux dispositions de l'article 14 de l'ordonnance N°72/018 portant régime général des prix. Le Chef d'équipe doit présenter une note de service précisant l'objet de la mission aux représentants des lieux visités. La carte professionnelle doit être présentée, la fiche de mise en demeure aussi, le respect des heures légales observé de même que la consignation sur procès verbal de toutes les infractions constatées conformément aux articles 12 et 16del'ordonnance N° 72/018 suscité. Il doit en outre être expliqué aux contrevenants les différentes infractions constatées dans son établissement, le mode de calcul des amendes, ainsi que les références législatives et réglementaires qui soutendent cette démarche. Les fiches de mise en demeure peuvent en cas de non contestation remplacé lesdits procès verbaux sous condition de contenir les mêmes informations et d'être signées par les contrevenants. Sous réserve que de fortes présomptions de litiges n'existent point entre le contrevenant et l'agent verbalisateur.

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fonction des besoins. La présence d'un responsable de l'établissement est érigée en règle substantielle. Les agents peuvent se faire assister par les autorités civiles et militaires aux fins de constatation des infractions. Le contrôle ainsi peut aboutir soit au prononcé d'amendes145, soit à la prise des mesures conservatoires146. La fermeture d'établissement et la saisie des marchandises ne peuvent être valable que dans les cas de récidive, de refus de payement de la pénalité ou exceptionnellement pour contraindre l'assujetti à répondre à la convocation. Encore faudrait-il même dans ces derniers cas, non seulement qu'elle soit préalablement autorisée par le supérieur hiérarchique direct au niveau de la province ou du département et par le Directeur de la protection du consommateur en ce qui concerne les services centraux ; mais aussi et surtout qu'elle le soit par écrit.

Le désengagement de l'Etat de secteurs entiers des économies ne pouvait qu'être favorable à une ouverture à l'influence des lois du marché dans la détermination des prix.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote