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Le financement bancaire des femmes entrepreneures

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par Ondine LEFEBVRE
ESDES - Master 2 2012
  

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b. Les économistes

La seconde vague de pensée considère que le financement ne dépend pas du sexe, et que si les femmes sont moins financées que leurs homologues masculins, c'est inversement parce que le secteur et la taille de leurs entreprises, ainsi que de nombreux autres critères qui entrent en jeu lors de la décision des institutions financières, promettent un retour sur investissement moins rapide et un taux de rentabilité plus faible que ceux des hommes (Loscocco en 1991).

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i. L'entreprise

D'après Gosselin et Grisé (1990), les femmes préfèrent créer de petites entreprises, stables, afin de concilier leur rôle d'entrepreneure et celui de mère de famille. Les femmes accordent en effet une plus grande importance à la famille que les hommes, et sont plus facilement prêtes à faire des concessions dans le domaine professionnel pour assurer leurs responsabilités familiales. Goffe and Scale, (1985, p56) insistent sur le fait que les femmes créent majoritairement des entreprises qui complètent le travail domestique. Elles se lancent principalement dans la création d'entreprise du secteur des services (52% des entreprises de femmes aux États-Unis) comme des guest house, des secrétariats, des crèches ou encore des restaurants ; et du commerce de détail (les 3/4 des créations touchent les secteurs du commerce et des services). Les entreprises de ces secteurs promettent une rentabilité moindre que celles du secteur dans lequel on trouve généralement les hommes entrepreneurs, le secteur industriel. De plus, l'enquête annuelle de la franchise souligne une hausse de 5 % des femmes franchisées soit 45 % des créateurs contre seulement 28 à 30 % des femmes qui créent leur entreprise à fin 2011 (alors que la moitié de la population est féminine). Là encore, se franchiser est moins rentable que créer sa propre entreprise. Aussi, le « UK Government Small Business Service » (SBS) a prouvé que 50% des femmes gèrent leur entreprise en travaillant à mi-temps, ce qui est souvent synonyme de faible performance, d'où l'image négative des investisseurs envers l'entrepreneuriat féminin. De plus, comme Loscocco le souligne en 1991, les femmes rencontrent des difficultés à faire des ventes en volume qui engendreraient du revenu, et elles se concentrent donc sur des entreprises de plus petites tailles. Les résultats d'une enquête réalisée en 1990 auprès de plus de 2000 propriétaires-dirigeants de PME canadiennes, tant hommes que femmes, démontrent que les conditions de financement des institutions financières dépendent principalement du secteur d'activité et de la taille de l'entreprise (chiffre d'affaires, employés, etc.), ce qui expliquerait en partie les différences de financement au démarrage entre hommes et femmes (Fabowale et al., 1995).

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Il a également été démontré dans l'étude parue dans « The academy of Management Journal », que même si les entreprises de femmes ne connaissent pas plus d'échec en générale, la croissance et le développement des entreprises d'hommes est beaucoup plus rapide. Ce taux de croissance reflète des opportunités plus nombreuses et des marchés en expansion, les conditions susceptibles de favoriser la survie d'une entreprise, et donc la confiance d'un banquier.

Cependant, Marleau (1995), dans une autre enquête réalisée en 1994 auprès de plus de 3000 propriétaires-dirigeants de PME canadiennes, hommes et femmes, démontre que dans les secteurs des services et du commerce de détail, les femmes ont des taux d'intérêts plus élevés que ceux accordés à leurs homologues masculins puisque 95 % les femmes paient un taux de 0,5 % plus élevé, et dans 61 % des cas, la différence peut varier jusqu'à atteindre 1 %. Même si l'on comprend que le financement diffère en fonction de la taille et du secteur d'activité des entreprises, ces différences de taux d'intérêt restent inexpliquées.

j. Féminité et masculinité

Certains économistes considèrent que les différences de performance, et donc de financement, peuvent s'expliquer à partir des définitions même de la masculinité et de la féminité. Ils décrivent en effet des caractères et des attitudes très différentes entre ces deux types d'individus, et font reposer leur théorie sur les différences entre hommes et femmes vus plus en amont. La plupart des économistes considèrent que le standard dans le domaine de l'entrepreneuriat sont les hommes (Bruni, 2004 ; Collinson and Hearn, 1994, 1996), d'abord parce qu'historiquement, ce sont les hommes qui entreprennent et qu'il y a donc des exemples de réussite et d'échec sur lesquels se reposer chez les hommes. Les chercheurs sur l'entrepreneur depuis Schumpeter ont considéré tacitement l'entrepreneur comme un être à part, sans genre particulier. Cependant, les conquistadors espagnols et les pionniers de l'ouest étaient des hommes, la création des empires, une réelle activité entrepreneuriale avec l'ouverture de nouveaux marchés et le démarrage de nouvelles activités productives (Mendelssohn, 1976), était aussi réservée aux hommes. Les premiers Européens à débarquer aux Etats-Unis étaient des

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hommes seuls (des soldats et des commerçants) et, s'ils étaient suivis par des femmes, celles-ci n'étaient que leurs épouses et leurs servantes. Comme l'explique Renaud Redien-Collot, Responsable du Programme Supérieur en Entrepreneuriat, lors d'une conférence du colloque Femme et entrepreneuriat tenue à Advancia le 8 mars 2006, « la figure de la femme entrepreneure est beaucoup plus récente. Elle apparaît pendant la Révolution française où de nombreuses femmes dirigent de petites et de grandes entreprises, notamment les boutiquières qui demandent le droit de vote pour les femmes ». De plus, « Jusqu'en 1968, les femmes mariées n'ont pas le droit de gagner des droits d'auteur en leur nom. Pour contourner la législation, plusieurs ont eu recours à des hommes de paille. Les femmes entrepreneurs sont clandestines ». Duchénaud et Ohran (2000), Ahl (2006) ont remarqué que beaucoup de recherches sur l'entrepreneuriat ont été menées par des hommes, depuis des exemples d'échantillons et d'entrepreneurs hommes et il s'agit donc généralement d'un cadre d'analyse "masculin". Notons toutefois que ce que nous savons sur l'entrepreneuriat découle principalement des études classiques du XXème siècle: la théorie du risque de Franck Knight (1921), les théories de Schumpeter (1939), les théories de Cole (1959) et Collins et Moore (1964). Mais même les économistes plus modernes définissent eux l'entrepreneuriat comme une activité orientée vers la «découverte de nouvelles terres" et réalisée par des (hommes) "explorateurs » (Bull and Willard, 1993; Pitt, 1998).

Dans la mythologie, la signification symbolique de l'entrepreneur est représentée par la figure de Mercure, et par sa personnalité: rusé, pragmatique, créatif, ouvert d'esprit et aventurier. Les hommes étant, par nature, plus proches de cette représentation, ils ont une attitude plus encline à l'entrepreneuriat. Selon Collins et Moore (1964) « il apparaît que l'entrepreneur est essentiellement plus masculin que féminin, plus héroïque que lâche". Brush (2002) soutient également que des qualités telles que la compétition ou l'envie de pouvoir sont des éléments nécessaires à un bon entrepreneur pour assurer la performance de son entreprise, et qui sont de plus des caractéristiques propres à la masculinité. Les banques se référent effectivement à ces aspects caractériels pour évaluer la capacité de l'entrepreneur à générer des bénéfices, et donc pour définir le financement qui lui sera accordé. Elles accordent donc plus aisément leurs prêts aux hommes qui possèdent ces traits de caractère par nature qu'aux femmes.

Il faut noter tout de même que, comme le soutiennent les féministes libérales, d'autres qualités inhérentes aux femmes telles que l'organisation, la sociabilité ou la planification

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sont des éléments importants pour assurer la performance d'une entreprise. Cependant, d'après les économistes, ces qualités ne sont pas les caractéristiques d'un bon entrepreneur mais plutôt d'un bon manager, car elles n'assurent pas une différence compétitive et une forte rentabilité comme celles des hommes citées précédemment. Lister (2003, p.71) qualifie les hommes de rationnels, abstraits, impartiaux, indépendants, actifs et forts, autant de caractéristiques nécessaires à un créateur d'entreprise; les femmes sont elles décrites comme étant émotionnelles, irrationnelles, dépendantes, passives et tournée vers les éléments domestiques. Ce sont ces aspects essentiels à chaque sexe qui peuvent par ailleurs expliquer que les femmes ne représentent que 28% des entrepreneurs en France (chiffre de 2008).

k. L'expérience

De nombreux économistes défendent que les différences d'accès au financement s'expliquent par les différences d'expérience entre les hommes et les femmes. Loscocco décrit le manque d'expérience des femmes dans le monde de l'entreprise, et donc leur difficulté à générer des profits. Pourtant, dans l'étude du « Academy of Management Journal », même si les hommes déclarent avoir passé plus de temps dans leurs industries actuelles que les femmes, la même proportion d'hommes et de femmes (22 et 23%) étaient déjà entrepreneurs avant d'être propriétaires de leur entreprise actuelle. Aussi, cette étude fait ressortir un fait surprenant, les entreprises dirigées par des entrepreneurs avec une plus grande expérience en tant que gérant ne connaissent pas plus le succès que celle créées par des personnes peu expérimentées. Cependant, Les hommes entrepreneurs ont généralement été entrepreneurs un nombre de fois plus important que les femmes (1,98 fois contre 1,24 fois pour les femmes), et il est bien connu que pour réussir en entrepreneuriat, il faut généralement avoir connu plusieurs échecs préalables. Voilà où se situe la différence d'expérience.

En plus de la difficulté d'accès au financement bancaire, la différence d'expérience fait que les femmes ont de plus grandes difficultés quant à l'accès à l'épargne personnelle par

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rapport aux hommes. La création d'une entreprise représente un certain nombre de coûts pour l'entrepreneur. Dans le cas de l'investissement financier, Barclays Bank estimait en 1999 que le coût moyen de la création d'une petite entreprise au Royaume-Uni était de 17,680 livres (soit une augmentation 27% en 9 ans). En ce qui concerne les sources de ce financement, Barclays expliquait que deux types de financement sont principalement utilisés par les entrepreneurs, l'épargne personnelle et les prêts bancaires. Les données indiquent que la plupart des nouveaux créateurs de petites entreprises font principalement appel à leurs propres ressources pour commencer leurs entreprises, avec seulement 17% du financement provenant des prêts bancaires. Cosh et Hughes en 2000 ont également noté une forte utilisation des ressources personnelles, avec une baisse récente de l'utilisation du financement externe et une préférence pour les fonds personnels et le soutien de la famille. Notons également que les banques prêtent plus facilement aux entrepreneurs qui partagent le risque en investissant leurs économies personnelles.

Evans et Jovanovic (1989) et Kihlstrom et Laffont (1979) ont montré que le choix de créer une entreprise est directement lié au revenu et à la richesse des entrepreneurs. Blanchflower et Oswald (1998) et Taylor (1996) ont, eux, étudié l'importance de la situation au travail, et ont montré que les personnes ayant un emploi sont plus susceptibles de lancer de nouvelles entreprises. Les femmes rencontrent plus de difficultés à amasser assez de ressources personnelles pour se voir accepter un prêt bancaire. Il est vrai que beaucoup de femmes travaillaient à temps partiel avant la création de leur entreprise ou à des postes sans grandes responsabilités. L'emploi et le salaire précédent est déterminant du niveau de capital personnel à la disposition de l'entrepreneur, moins d'années de travail correspondant à moins de salaire économisé. De plus, il est évident qu'une femme n'ayant pas connu de postes à responsabilité ou n'ayant travaillé qu'à mi-temps, aura beaucoup moins d'expérience, et donc de crédibilité, qu'un ancien salarié (Marlow 2002). Cependant, si les femmes ont plus de difficultés à rassembler un montant de ressources personnelles, ce n'est pas uniquement par manque d'expérience comme le défendent certains économistes, mais c'est avant tout à cause des inégalités de salaire entre hommes et femmes. En équivalent temps plein, une femme reçoit une plus faible rémunération que les hommes (En 2011, à temps plein, les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes, et tous temps de travail confondus, l'écart est de 27 %). Elles économisent donc moins vite.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984