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La transgression des lois du mariage dans " le fils d'Agatha Moudio " de Francis Bebey

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par Arnaud Tcheutou
Université de Douala - Cameroun - Maitrise 2007
  

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CHAPITRE II :

LA VIRGINITE DE LA FIANCEE.

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Lorsque Hélène Yinda déclare que : «La jeune fille qui [parvient] au mariage vierge [est] d'emblée une femme vertueuse »30, elle valide par là la loi de « la preuve de la virginité » qui a cours chez les peuples de la côte du Cameroun le jour du mariage. En effet, « la vérification de la virginité de la fiancée est pratiquée [chez] les Duala, Malimba et Batanga... »31. Ces deux affirmations consacrent cet état comme un élément très important dans le mariage d'une fille. Le Fils d'Agatha Moudio s'inscrit dans cette logique en s'opposant aux rapports sexuels de la fille avant le mariage. Deux éléments clarifient cette interdiction. D'abord l'opposition de Maa Médi au mariage entre son fils et Agatha Moudio avec qui il a une relation intime. Parce que cette dernière « connaît déjà l'homme » c'est-à-dire entretient des rapports sexuels alors qu'elle n'est pas mariée, la mère de Mbenda trouve qu'elle n'est plus digne d'être sollicitée pour les noces. Ensuite l'étonnement de La Loi vis-à-vis de l'attitude de sa compagne, atteste que cette pratique est proscrite. L'indignation se manifeste dans l'expression « pensez donc » glissée dans ces paroles : « pensez donc qu'à son âge, elle savait déjà `'tout faire» » (FAM, 18-19). « Savoir déjà tout faire » et « connaître déjà l'homme » revêtent la même signification puisqu'elles sont des traductions littérales du duala en français. Il transparaît donc que la virginité de la fiancée est sacralisée dans le roman. Comment Agatha viole-t-elle cette loi ? Trois attitudes déterminent sa démarche. Premièrement la pratique sexuelle avant cours ; deuxièmement la proposition indécente à laquelle elle se livre ; troisièmement la grossesse aux allures de vengeance qu'elle contracte. Au bout du compte, l'impudique subit des représailles.

30- Yinda, Hélène, (dir.), Femmes africaines, Yaoundé, Editions Sherpa, 2002, P.97.

31- Bureau René renchérit la pensée de Yinda en affirmant que : « Le soir même du mariage, la mère du garçon fait le constat. Ou bien elle montre le sang qui a coulé à la perforation de l'hymen, comme chez les Duala, ou bien, plus discrètement, elle prévient son mari qui envoie des félicitations au père de la fille. Dans le cas où la fiancée n'est pas vierge, le garçon a le droit de la renvoyer chez elle en la refusant définitivement. », in Recherches et études camerounaises, Op.Cit, P. 171.

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II.1- La pratique sexuelle avant cours.

Les rapports sexuels qu'Agatha entretient alors qu'elle n'est pas encore mariée constituent la première action de violation qu'elle pose. Qu'est-ce qui témoigne de la prématurité de ces rapports ? Quelles sont les motivations de la fille ? Telles sont nos préoccupations dans cette sous-partie.

Agatha est une fille de dix-sept ans. Malgré son âge, elle n'est pas encore autorisée à avoir des rapports sexuels. Deux éléments le démontrent. Le premier, c'est le fait que Mbenda craint d'avouer à sa mère qu'il n'a jamais eu de rapport intime avec Fanny alors que celle-ci a seize ans32. C'est dire que Fanny, bien qu'elle soit plus jeune qu'Agatha, est autorisée à s'investir dans cette pratique. On comprend que c'est la situation matrimoniale d'Agatha qui pose problème.

Le deuxième élément qui justifie la précocité, c'est la redondance de l'adverbe de temps « déjà » qui se dégage dans les propos de Mbenda, le compagnon d'Agatha. Ce dernier s'inquiète lui-même de l'attitude de sa compagne :

« J'avais en face de moi une enfant de [vingt-et-un] ans, qui faisait déjà parler d'elle comme peu de gens y arrivent au bout de toute une vie. Je ne souhaiterais jamais à aucune fille d'aucun pays d'avoir la réputation d'Agatha Moudio [...] Elle savait déjà `'tout faire» [...] `' Elle connaît déjà l'homme» » (FAM, 18-19).

Même si on peut expliquer ce comportement, il demeure qu'il transgresse une loi. Il est important de préciser les motivations de cette attitude non pour la défendre mais pour argumenter son caractère zélé. Agatha est une enfant dont la naissance a beaucoup irrité son père parce qu'il ne s'attendait plus à la venue d'une fille dans son ménage. Elle explique en ces termes l'ambiance qui a entouré sa naissance :

« Pour ce qui est de mon père, je reconnais toutefois qu'il se montra bon avec ma mère, car il lui accorda jusqu'à une troisième chance [pour faire un garçon]. Ce fut alors que je vins au monde, moi que mon père n'attendait pas, puisqu'il voulait un garçon. Mon arrivée déclencha son courroux. On n'avait encore jamais vu un homme dans une telle colère lors de la naissance d'un enfant » (FAM, 33).

Pour calmer cette colère, la famille de la mère de l'enfant a confectionné des présents qu'elle a remis au père. Agatha s'en souvient :

32- Fanny a seize ans au moment où elle contracte la grossesse. Ceci transparaît dans les propos de Mbenda qui explique pourquoi il refuse d'avoir des rapports sexuels avec elle : « Je ne m'étais pas encore proposé de faire un enfant avec cette gamine de seize ans à peine. Elle avait beau être ma femme, je ne la connaissais pas davantage pour cela. `'Il faut qu'elle soit plus grande», me disais-je chaque fois que je sentais une envie sérieuse de commettre un détournement de mineure. » (FAM, 141).

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« Ma mère me raconta un jour, que mon père refusa de me voir, pendant les deux ou trois premiers mois de ma vie, et que les gens de la famille de maman allèrent le supplier de me pardonner d'être venue. Ils apportèrent un coq au plumage blanc, deux cabris, deux grosses ignames et un billet de cinq cents francs qu'ils remirent à mon père pour le réconcilier avec moi » (FAM, 33).

Malgré tous ces cadeaux, le père ne désarme pas totalement. La fille pense même qu'en dehors de la maladie qui est à l'origine de la mort de sa mère, les peines que ce dernier lui a fait subir en sont aussi une cause. Elle l'explique dans sa réponse à la question de Mbenda qui veut savoir si la réconciliation ne profitait pas aussi à la mère :

« Mais tu sais, dans le fond, il ne m'a jamais pardonné tout à fait. Quant à maman, il lui mena la vie de plus en plus dure, et si la pauvre femme est morte à la suite d'une longue maladie, les mauvais traitements que mon père lui infligea ne l'aidèrent pas beaucoup à s'en remettre, crois-moi. Je suis persuadée qu'elle est morte de chagrin, autant que de maladie » (FAM, 34).

À la suite de cette intervention, Mbenda veut se rassurer à combien de temps cela remonte. Elle répond : « il y a trois ans de cela... » (FAM, 5) et poursuit : « Oui elle est morte depuis trois ans. J'avais un peu plus de quatorze ans quand ma mère mourut. Depuis, j'ai été abandonnée à moi-même. Et toute seule, j'ai grandi, oh, j'ai beaucoup grandi, c'est moi qui te le dit » (FAM, 35). Il ressort dans les deux dernières phrases de cette déclaration une tonalité rageuse qui révèle en filigrane une intention de révolte. Même si son compagnon la comprend, il n'en demeure pas moins qu'il reconnaît que sa conduite est des plus mauvaises :

« Je voyais mieux, dans mon esprit, la succession des faits : c'était en effet depuis deux ou trois ans que cette petite fille était devenue la personne la plus en vue de la région, c'était donc après la mort de sa mère, que seule ou presque seule dans la vie, avec un père qui s'occupait plus de ses trois autres épouses et `'de ses enfants garçons», elle avait peu à peu acquis sa célébrité, une célébrité de fort mauvais goût. [...] La mauvaise conduite d'Agatha était la conséquence d'une éducation mal conduite, laissée au hasard » (FAM, 34-35).

Ce discours justifie implicitement le caractère vengeur de l'attitude d'Agatha. Elle est révoltée d'une part contre son père qui n'a jamais voulu d'elle; et d'autre part contre la société qui ne l'a pas récupérée après la mort de sa mère. Mais qui l'a aussi abandonnée à elle-même. Depuis lors, elle viole tabous et interdits. Sa vengeance se poursuit avec la demande en mariage qu'elle fait à son partenaire.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo