WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La transgression des lois du mariage dans " le fils d'Agatha Moudio " de Francis Bebey

( Télécharger le fichier original )
par Arnaud Tcheutou
Université de Douala - Cameroun - Maitrise 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II.3- La grossesse de l'impudique.

La transgression de la loi sur la virginité de la jeune fille avant le mariage se termine par l'enfant auquel la compagne de Mbenda donne naissance alors qu'elle n'est pas encore mariée. L'enfantement survient à la suite d'un affrontement. L'audace de la fille de Moudio se termine par l'accouchement d'un mulâtre. Tout remonte à la première dispute qui l'oppose à Fanny, depuis que Mbenda s'est installé dans une union libre35 avec elle. Celui-ci fait ce témoignage à ce sujet : « Un jour, tandis que j'étais parti pour quelque temps en haute mer, Agatha et Fanny trouvèrent le moyen de se quereller, `'mon fils comme tu n'as encore jamais vu ça», me raconta le roi Salomon à mon retour. » (FAM, 72). Cette querelle naît du fait que chaque femme accuse l'autre de vouloir l'utiliser comme une « esclave » en lui abandonnant tous les travaux domestiques (FAM, 172-173). Une légère accalmie les réconcilie. Mais une autre dispute les divise encore après que le conjoint est allé vaquer à son occupation. Il en rend compte ainsi :

« Ce fut alors d'une rentrée de pêche qu'un jour, je provoquais le `'départ définitif» d'Agatha. Pendant mon absence, les deux femmes s'étaient encore violemment querellées, `'mon fils tu n'as encore jamais vu chose pareille...Elles ont failli en venir aux mains» me rapporta le roi Salomon. » (FAM, 175).

Cette énième altercation inspire une vengeance à Agatha. Après que Mbenda a écouté les deux femmes, question de connaître l'instigatrice du trouble, chacune est rentrée dans son domicile, en espérant que le « mari » viendrait d'abord chez elle avant d'aller chez l'autre : « chacune repartit dans sa maison avec la certitude que je viendrais la voir avant de me rendre chez l'autre » (FAM, 176). N'ayant pas le don d'ubiquité, Mbenda utilise Adèle, la fille de Fanny, comme prétexte pour s'inviter d'abord chez celle-ci :

« Comment un homme pouvait -il se départager et se rendre simultanément chez ses deux épouses ? Je ne trouvai guère la solution à ce problème grave. J'allai d'abord ...chez Fanny en prétextant que je voulais voir la petite Adèle. » (FAM, 176).

La réaction d'Agatha fut immédiate. Elle se sentit ridiculisée, moins importante parce qu'elle n'a pas d'enfant : « Du coup, je faisais perdre à Agatha le pari selon lequel j'entrerais d'abord chez elle avant d'aller chez Fanny. Quelle affaire... Agatha entra dans une colère

35- Mbenda et Agatha finissent par vivre sous le même toit bien que celui-ci reste marié à Fanny. Mais leur union n'est pas légitime parce qu'il n'y a pas eu de dot. (FAM, 169).

35

folle. [...] J'aurai dû la rassurer dans son orgueil d'avoir été `'la première à me connaître» » (FAM, 177). Sa colère se manifeste à travers l'affront qu'elle relève:

« Elle vint jusque dans la maison de Fanny. [...] Elle entra comme un ouragan : j'ai compris, dit-elle, tu viens voir ta femme avant de venir chez moi. Tu n'entres pas chez moi d'abord, parce que moi je n'ai pas d'enfant à te montrer. Eh bien, je vais te faire un enfant, moi aussi » (FAM, 177).

Le défi d'Agatha se concrétise par la grossesse qu'elle entraîne dans son foyer après sa fugue. Après la dispute, la fille de Moudio abandonne son foyer pour n'y revenir qu'après deux semaines (FAM, 177-178). La grossesse qu'elle porte à son retour, provoque beaucoup de réticence au moment où les autres s'en aperçoivent. Cette grossesse semble amener Maa Médi à reconsidérer sa position vis-à-vis de l'union de son fils et Agatha36 parce qu'elle croit que l'enfant qui va naître est celui de son fils. La mère Mauvais-Regard, son alliée, se veut beaucoup plus prudente. Après que Mbenda informe sa mère de la situation de sa concubine, celle-ci à son tour va voir son acolyte pour lui porter la nouvelle. Seulement, son interlocutrice se montre réservée :

« Il faut que l'on voit ça de près, dit la [femme sceptique]. Toi, Médi tu te laisses trop facilement embobiner. Et si cette fille a forgé un mensonge, dans le seul but de te rallier ? Tu vas croire ça comme quelqu'un qui l'avait vérifié ? Nous devons vérifier la chose avant de dire quoi que ce soit, et surtout avant de nous réconcilier avec notre fils » (FAM, 190).

Même après s'être rassurée au terme d'un test magico-traditionnel37, la mère Mauvais-Regard demeure sceptique. Dans le but de la contenter, Mbenda va la voir deux jours après « pour lui remettre un petit cadeau : du tabac, du sel de cuisine, un foulard multicolore et une pipe en terre cuite » (FAM, 193). Mais le scepticisme demeure : « Pourtant, malgré tout cela, la mère Mauvais-Regard n'arrivait pas à se départir de sa réserve au sujet de la grossesse de ma femme. [...] Cette vieille sorcière aux quatre yeux, décidément, devait penser à quelque chose de difficile à exprimer » (FAM, 194). La réserve de celle-ci qui est considérée jusqu'ici comme l'empêcheuse de tourner en rond, finit par affecter la Loi qui commence, lui aussi, à s'inquiéter. Parlant de la « sorcière », il dit :

36- La mère de Mbenda a toujours condamné sa relation avec Agatha à cause des mauvaises habitudes de cette dernière. La mère Mauvais-Regard la soutient dans sa position. La suite de ce travail en dit long.

37- Quatre vieilles femmes parmi lesquelles la mère Mauvais-Regard procèdent à certains rituels traditionnels pour s'assurer de l'effectivité de la grossesse d'Agatha. (FAM, 192).

36

« Son attitude créa une atmosphère pessimiste qui, peu à peu, m'enveloppa ne me laissant pas sans crainte au cours des mois suivants, où pourtant, les dimensions abominables d'Agatha, prenant des proportions qu'on ne leur connaissait pas jusque-là, démontraient clairement que ma femme attendait un enfant » (FAM, 194).

Alors que « personne n'arrivait à trouver ce qu'avait la mère Mauvais-Regard » (FAM, 194), et que même Mbenda cessait de s'inquiéter parce que la grossesse était maintenant visible, l'avenir lui donna raison. Agatha, quelque temps après, accoucha d'un enfant « tout blanc, avec de long cheveux défrisés » (FAM, 204). A la surprise générale de ceux qui étaient jusque-là crédules. Le fils de Médi, quand même, garde espoir dans la mesure où, il estime qu'au bout d'un temps plus au moins court, « le fils d'Agatha allait prendre sa couleur définitive » (FAM, 206): « Je gardai bon espoir un mois entier après la naissance du petit garçon, mais son teint chocolat au lait ne changea guère, ou si peu, que c'était à peine perceptible » (FAM, 206). Pour mettre fin aux questionnements qui alimentent l'étonnement des uns et des autres au sujet de l'enfant d'Agatha, la mère Mauvais-Regard, visiblement réconfortée, décide enfin de parler. Elle s'adresse à Mbenda :

«Je la voyais, ta femme, quand le Blanc grand et fort et avec des dents en or venait la chercher la nuit, lorsque tu étais absent. Il venait à bicyclette afin de n'attirer l'attention de personne. Je l'ai vu plusieurs fois. Mais, fils, que voulais-tu que je dise alors ? Tout le monde ne serait-il pas parti à parler de ma mauvaise langue ? Aussi avais-je refusé de révéler ce que je voyais... Un jour, ta femme est rentrée très tard, au petit matin, et j'ai encore vu le blanc sur sa bicyclette ; il était venu la raccompagner... Ne cherche pas, et n'essaie pas de t'y tromper : l'enfant d'Agatha, ce n'est pas le tien, fils » (FAM, 206).

Voilà qui clarifie les choses. Agatha a réussi son coup. Elle a aussi fait un enfant. Et surtout un mulâtre, pour davantage meurtrir Mbenda. Mais sa vengeance a un effet boomerang.

Tout compte fait, les investigations qui visent à démontrer que la virginité avant le mariage est sacralisée dans le texte, attestent aussi que Agatha a violé cette loi d'abord en entretenant des rapports sexuels précoces, puis en faisant des avances à un homme, enfin en contractant une grossesse extraconjugale. Même si on peut considérer ses actes comme une vengeance contre son père et sa société qui l'ont abandonnée après la mort de sa mère, il n'en demeure pas moins qu'ils violent des interdits. Les offenses dont elle est victime sont une

forme de sanction de son forfait. Elle est affublée des qualificatifs que Mbenda, son compagnon, a du mal lui-même à supporter: « Je ne souhaiterais jamais à aucune fille d'aucun pays d'avoir la réputation d'Agatha Moudio. Dans notre village, comme dans le sien, tout près du notre, ainsi que dans tous les villages des environs, on pensait généralement que l'extraordinaire beauté de cette `'créature de Satan» masquait tout le mal qu'elle savait déjà faire » (FAM, 18). Les rétributeurs, notamment toute la société du texte à l'exception de Mbenda, trouve que « Agatha n'était pas une fille, mais le diable en personne... » (FAM, 20).

Les invectives de Maa Médi sont plus crues lorsque son fils s'attaque à elle dans le but de défendre sa partenaire en démontrant qu'elle est une jeune fille comme toutes les autres : « `'Jeune fille, jeune fille», [...]. Tu t'imagines donc avoir affaire à une jeune fille [...] Pour l'instant, elle ne vaut pas chère, et ce n'est pas à toi d'aller t'encombrer des déchets... » (FAM, 20-21). Hélène Yinda justifie la haine contre la coupable en affirmant que :

« Dans la plupart de nos sociétés traditionnelles, la virginité est célébrée et est un signe de bonne éducation, de bonne tenue. [...]. En effet, la dignité, la considération que les autres t'accordent tient de tes options sexuelles en rapport avec ce que la société s'est donnée comme normes. Plus un enfant, ou un adulte, se [laisse] aller sur le plan sexuel, plus il [est] montré du doigt et taxé de paria dans [nos] cultures »38.

À cause de la fornication, Agatha est devenue une paria dans sa société. Cette pratique est condamnée en vue de préserver les mariages des probables risques de l'infidélité. Car les conjoints qui ont forniqué peuvent être tentés de continuer à entretenir des relations intimes avec le partenaire qu'ils n'ont pas finalement épousé.

37

38- Yinda,Hélène, Op.Cit., P. 97.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon