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La transgression des lois du mariage dans " le fils d'Agatha Moudio " de Francis Bebey

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par Arnaud Tcheutou
Université de Douala - Cameroun - Maitrise 2007
  

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CHAPITRE III : LA FIDELITE DES EPOUX.

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L'harmonie conjugale passe sans doute par la confiance qui est le ferment de la fidélité des conjoints. Ce principe inscrit l'adultère au rang des attitudes qui mettent en péril la stabilité du ménage. La grossesse extraconjugale que contracte Fanny39 avec Toko, un ami de son mari Mbenda40 en est une illustration parfaite dans le récit. Même si on peut considérer cet acte comme une vengeance41 contre un époux qui infantilise sa partenaire en la trouvant immature à la pratique de l'acte sexuel42, il n'en demeure pas moins qu'il est un cas de violation vivement condamné dans l'univers fictionnel. Dès lors, il est question de démontrer qu'en stigmatisant l'adultère, le roman valorise la fidélité. Toutefois, il importe de clarifier les interdits et les sanctions enregistrées afin que l'acte de Fanny soit considéré comme un méfait. Car en l'absence d'une réglementation spécifiant ces deux éléments, tout comportement à priori contraire aux moeurs, est susceptible de disculpation. Ainsi, des interrogations se posent : quelle est l'interdiction violée ? Comment s'exprime-t-elle dans le texte ? L'analyse du corpus permet de constater que l'interdit relatif à l'infidélité s'exprime à travers deux attitudes : le secret préservé par le mari cocu et l'angoisse due au forfait révélé.

39- Fanny est l'épouse choisie par le père de Mbenda (FAM, 142).

40-Fanny, l'épouse de Mbenda, a conçu un enfant avec Toko au cours de ses infidélités. Cette grossesse étonne plus d'un au rang desquels le mari cocufié qui exprime son indignation en ces termes : « Toko se disait mon ami ; moi aussi, je le considérais comme tel. N'empêche que c'est lui qui se chargea de faire proprement le premier enfant de ma femme. Les amis et les femmes sont ainsi. Alors que j'aurais juré tous les dieux de la terre que Fanny ne connaissait pas encore l'homme, pour la simple raison que je lui avais laissé une paix royale depuis que nous étions mariés, voilà qu'elle se mit à grossir du ventre, sans me prévenir...lentement, mais sûrement. » (FAM, 142).

41- Le fait de choisir un ami de son partenaire justifie à suffisance le souci de vengeance de l'adultérine.

42- Malgré la légitimité dont jouit leur union, Mbenda trouve que Fanny est une mineure qui n'est pas encore prête à se livrer aux rapports sexuels. Il s'explique de cette façon : « Je ne m'étais pas encore proposé de faire un enfant avec cette enfant de seize ans à peine. Elle avait beau être ma femme, je ne la connaissais pas davantage pour cela. `'Il faut attendre qu'elle soit plus grande», me disais-je chaque fois que je sentais une envie sérieuse de commettre un détournement de mineure. » (FAM, 141).

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III.1- Le secret préservé par le mari cocu.

La discrétion que les personnages mariés emploient pour soustraire de l'attention des autres leurs intimités extraconjugales est une preuve que l'infidélité est interdite dans le milieu représenté. L'embarras de Mbenda à dire ce qu'il ferait le soir du jour où Fanny sera kidnappée et le silence qu'il adopte au sujet de l'absence des rapports sexuels dans son couple, en sont des illustrations.

Mbenda craint de révéler son adultère au roi Salomon qui l'approche pour un renseignement. En principe, les « anciens » de son village décident d'envoyer un groupe de jeunes pour kidnapper Fanny. Seulement, ils ne veulent pas que le mari de celle-ci soit de la commission. Et même, ils tiennent à s'assurer que ce dernier, parce qu'il a coutume de se rendre régulièrement chez sa belle-famille, n'aille pas là-bas le soir où l'opération doit avoir lieu. C'est pourquoi, ils chargent le roi Salomon d'aller s'informer. Ce dernier le rencontre la veille et lui pose la question : « Fils [...] que fais-tu demain soir ? » (FAM, 97). Mbenda qui, visiblement, n'avait « aucune intention d'aller chez Tanga » (FAM, 96) parce que, dit-il, « d'abord, je n'avais pas d'argent à dépenser en cadeaux ce jour-là, ensuite je voulais aller voir... mais oui : Agatha Moudio » (FAM, 96), hésite à répondre :

« Demain soir ? Demandai-je au roi Salomon, un peu embarrassé, et vous savez bien

pourquoi. Demain soir ?...Euh...je ne fais rien de spécial...je serai chez moi, je vais me coucher, je me sens un peu fatigué depuis quelques jours. Je me reposerai » (FAM, 97)

L'idée du kidnapping est nourrie par le fait que la famille de Fanny la garde toujours alors que les négociations de son mariage avec Mbenda ont été menées à bien et que la dot a même déjà été versée. Toko est le principal acteur de l'opération. C'est lui qui trouve le prétexte qui invite la mariée à les accompagner, le dernier soir de la visite.

La tradition de la société du texte veut qu'au terme des fiançailles, le futur époux ou ses proches rendent régulièrement visite à la belle-famille. Les amis qui sont à l'honneur le jour ultime ont une mission à eux confiée par les anciens de leur village : ils doivent rentrer avec Fanny par tous les moyens43. C'est Toko qui trouve l'astuce qui permet de réaliser l'opération. Lorsque Tanga, le beau-père, demande à sa femme qui somnole (FAM, 98-99) d'aller se coucher, il profite de l'occasion et dit : « Et nous aussi [...] allons nous retirer ; il commence à

43 - Les parents de Mbenda trouvent que les fiançailles ont trop duré. Depuis qu'ils ont versé la dot, Tanga ne se décide pas à leur « donner » leur femme. C'est pour cette raison qu'ils commettent une expédition qui a pour mission de kidnapper Fanny. Dans l'environnement culturel du texte, la démarche est permise (FAM, 94-100).

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se faire tard...Fanny tu ne veux pas nous raccompagner jusqu'à la porte du jardin ? Juste-là, dans la rue, puis tu reviens... » (FAM, 99). A ces mots, le père réagit favorablement en demandant à sa fille de faire quelques pas avec les visiteurs. Le narrateur décrit ainsi ce qui s'en suit :

« Bientôt, ils atteignirent la rue. C'est alors que tout changea. Toko et Ebanga prirent la petite fille, chacun par un bras, fermement, tandis que son cousin Ekéké, sifflant un air convenu à l'avance, appelait les autres gaillards cachés dans les buissons. Tous entourèrent soudain Fanny, qui en fut effrayée. Elle essaya de crier, d'appeler au secours, de pleurer, impossible ; quelqu'un lui mit une main dans la bouche, et personne, dans le voisinage, n'entendit de plainte d'aucune sorte. [...] Nous t'emmenons chez nous cette nuit, Fanny, annonça Ekéké ; à partir de cette minute, tu es la femme de La Loi, tu es notre femme. Allons-y, emmenons-là. » (FAM, 100).

Après le kidnapping, Mbenda ne tient pas Fanny en considération. Il la délaisse en refusant tout contact sexuel avec elle parce qu'il se complait dans l'intimité extraconjugale qu'il entretient avec Agatha. Mais il fait le black-out sur ce sujet lorsqu'il informe sa mère que l'enfant de Fanny n'est pas le sien. Il estime que lever le voile sur un tel secret impliquerait son manque de sérieux et son inconstance dans la mesure où on sait que des conjoints ne sauraient mener une existence durable sans acte sexuel. Si l'un d'eux refuse de s'engager dans une telle pratique, cela suppose qu'il se complait ailleurs. De cette manière l'adultérin justifie son attitude :

« Ce n'est pas vrai, je n'avais pas tout avoué à Maa Médi, lorsque j'étais allé lui dire que l'enfant de Fanny n'était pas le mien. Tout avouer à ma mère ? Je n'y pensais pas, car cela eût impliqué que je lui [révélais] en même temps mes propres infidélités à Fanny » (FAM, 147).

La Loi sait pertinemment qu'il ne pourrait être pardonné s'il avoue son adultère. La sérénité dont jouit Maa Médi après le mariage de son fils, atteste son sentiment de victoire dans le combat contre Agatha. Car celle-ci est une fille avec qui son fils entretient une intimité qu'elle condamne. Maintenant que ce dernier est marié, sa tranquillité est assurée. Elle ne craint plus une autre présence féminine qui pourrait nuire à sa stabilité :

« Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, Maa Médi, allait dormir tranquille. Son fils était marié, bien marié. Il n'y avait plus à craindre l'entrée d'une fille [...] quelconque, qu'elle fût Agatha Moudio ou une autre » (FAM, 129).

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Cette sérénité est une preuve que la mère de Mbenda ignore l'infidélité parce qu'elle n'est pas inscrite dans son schème vital. Pour elle, c'est une pratique qui ne saurait exister puisque son environnement la méconnaît. Ainsi, on peut comprendre la peur qui domine les personnages dont les infidélités ont été mises à nu.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille