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La transgression des lois du mariage dans " le fils d'Agatha Moudio " de Francis Bebey

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par Arnaud Tcheutou
Université de Douala - Cameroun - Maitrise 2007
  

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III.2- L'angoisse due au forfait révélé.

La preuve de l'infidélité suscite des frayeurs qui justifient l'interdiction de cette pratique. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la peur d'Endalé qui a conçu un enfant adultérin pendant que son mari est incarcéré44. L'impudence de celle-ci développe en elle une anxiété débordante. Malgré l'absence prolongée de son conjoint légitime du fait de son incarcération, Endalé sait que son acte n'est pas pardonnable. La grossesse qu'elle a « gagnée » au cours de ses randonnées est la preuve palpable de sa tricherie. Elle redoute la violence de son mari qui pourrait être confronté à la dure réalité après sa libération. Le narrateur décrit ainsi le trouble qui l'anime:

« Endalé était-là, le coeur battant. Qu'allait dire son mari en rentrant [de la prison] ? Elle n'était pas seule à avoir ? gagné? un enfant en perdant momentanément son mari, mais c'était elle qui avait le plus peur, connaissant bien le caractère violent de son époux » (FAM, 195).

Malgré le fait que le pauvre « est mort à Mokolo » (FAM, 195), toujours est-il que l'enfant de son épouse tout comme ceux des autres femmes qui ont accueilli leurs maris sortis de prison avec des enfants naturels, porte « le nom d'Eboa, qui signifie `'la prison» » (FAM, 120). L'infidélité est d'autant plus scandaleuse lorsqu'il en résulte une grossesse. C'est pourquoi on décide d'appeler ainsi toute la progéniture des épouses dont les maris étaient incarcérés45 lors de leur conception. Ceci pour permettre à ces derniers de toujours se souvenir des quatre années qu'ils ont passées en prison, et surtout de la faute que leurs épouses ont commise. Le détail à ce propos est ainsi livré :

« Les femmes étaient lasses de pleurer leurs maris absents pour si longtemps. Bientôt, celles d'entre elles qui n'étaient pas encore près de la vieillesse, se mirent à se

44- Endalé est l'une des trois femmes qui ont conçu des enfants pendant que leurs maris purgent leur peine de « quatre ans de prison ferme [...] dans le Nord du pays, à Mokolo. » (FAM, 116). Parmi les adultérines, elle est seule à avoir peur de la réaction de son conjoint quand il constaterait la preuve de son infidélité.

45-Ces personnages sont incarcérés parce qu'ils ont torturé leur congénère oncle Gros-Coeur qu'ils accusent injustement de sorcellerie (FAM, 105-117).

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consoler ardemment avec de jeunes gens malhonnêtes soit de chez nous, soit d'autres villages des environs. Elles poussèrent le scandale jusqu'à la conception d'enfants à qui l'on donna par la suite, à tous, les noms d'Eboa qui signifie la `'prison». Ce nom rappelle toujours aux `'pères» les quatre années qu'ils passèrent en prison et pendant lesquelles ils ne s'attendaient pas à trouver des enfants `'à eux», à leur retour au village » (FAM, 120).

Même si toutes les trois grossesses sont « une ironie du sort » (FAM, 120) parce qu'aucune des femmes qui les ont contractées n'a pu faire d'enfant avec son partenaire légitime, il n'en demeure pas moins que les époux cocufiés sont déçus. D'ailleurs tout ceci est considéré comme un scandale que la mère Mauvais-Regard, grâce à ses dons surnaturels, aurait provoqué pour semer le trouble dans les couples. On lui reconnaît des pouvoirs occultes qui empêcheraient les femmes de concevoir si elle le souhaite. Et même, on lui attribue la responsabilité de l'infertilité de ces trois femmes avant l'emprisonnement de leurs conjoints. A la question de Mbenda : « pourquoi donc a-t-elle permis à trois femmes de concevoir en l'absence de leurs maris ? » (FAM, 132), Maa Médi répond, en haussant les épaules : « Pourquoi...pourquoi, mais tu ne sais donc pas qu'elle n'a pas peur de provoquer de petits scandales de temps en temps ? » (FAM, 132).

L'infidélité est d'autant plus un scandale que tous les enfants adultérins sont considérés comme ceux des époux légitimes. En adoptant les enfants issus des unions extraconjugales, la société du texte voudrait effacer toutes les traces de l'infidélité. Cette conduite cadre avec celui de la tradition duala en particulier et le code civil camerounais en général. Dans ce code, en son article 312, il est indiqué que « l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». Plus loin, dans l'article 313, précision est faite que : « le mari ne pourra, en alléguant son impuissance naturelle, désavouer l'enfant : il ne pourra le désavouer même pour cause d'adultère ». Ces deux articles, en consacrant de prime abord le mari comme père de l'enfant né pendant le mariage, nient implicitement l'infidélité et l'adultère. La loi exaltant d'ailleurs en son article 212 que « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance ».

Un parallèle est établi entre ces dispositions et les lois qui régissent le mariage dans la société du texte. Mbenda est sommé de s'approprier la paternité de l'enfant à qui Fanny a donné naissance, même s'il est avéré qu'il n'est pas le géniteur. Tout le monde sait que l'épouse de Mbenda a commis un adultère. Mais compte tenu du fait que l'on recuse l'infidélité, on feint d'ignorer le véritable géniteur, pourtant bien connu :

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« Tout le monde, ma mère en tête, considérait l'enfant qui venait de naître comme mon enfant. Personne ne se souciait de savoir qui en était le vrai père : tout le monde savait que Fanny était ma femme, elle ne pouvait mettre au monde que mes enfants à moi, et non ceux de quelqu'un d'autre » (FAM, 145).

Tout compte fait, l'instabilité conjugale ne jouit d'aucun assentiment. Elle est vivement condamnée et même réprimée.

En conclusion, on constate que l'infidélité est interdite dans l'environnement textuel malgré les cas de violation. C'est ce qui explique la sanction appliquée à Fanny qui a eu la maladresse de faire un enfant avec Toko, l'ami de son mari Mbenda. Elle subit des invectives de Maa Médi qui regrette de s'être démenée pour que son fils l'épouse46: « Si j'avais su que les choses en viendraient-là, je ne me serais jamais tracassée pour ton mariage, dit-elle à son fils, [...] Je ne [t'] aurais pas forcé à prendre tout de suite cette petite écervelée et hypocrite de Fanny » (FAM, 144). L'inconduite de cette dernière provoque une amertume qui pousse les siens à la vouer aux gémonies. A travers des chansons de méchanceté, on lui souhaite toutes sortes de maléfices : « Il [...] eut des chansons pour elle, et pour son enfant aussi, chacune d'elle portant une dose de méchanceté que j'avais du mal à supporter moi-même. C'est ainsi par exemple qu'on lui prédisait la naissance d'un enfant `'sans tête, ni cou, ni menton». » (FAM, 144-145)

Il n'est pas donc superflu de terminer ce chapitre en avouant qu'en condamnant l'adultère, le roman de Francis Bebey célèbre la fidélité. C'est en vue de garantir cette stabilité que la communauté s'investit de façon prééminente dans la dynamique du mariage. Puisque l'inconfort conjugal peut entraîner le déséquilibre social.

46- Maa Médi a tout fait pour que son fils épouse la fille choisie par son mari (FAM, 58-59).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon