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La transgression des lois du mariage dans " le fils d'Agatha Moudio " de Francis Bebey

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par Arnaud Tcheutou
Université de Douala - Cameroun - Maitrise 2007
  

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DEUXIEME PARTIE :
L'IMPLICATION ABSOLUE DE
LA COMMUNAUTE.

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La postposition de cette partie est liée à la prééminence que le groupe social exerce sur l'individu en l'empêchant de s'engager dans n'importe quelle relation intime. Il vient d'être démontré que le respect de certaines lois dépend du self-control et même si la communauté réprime les personnages qui les violent, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut les empêcher d'exprimer leur libre-arbitre. A coté de ces valeurs, il en existe d'autres qui musèlent la liberté individuelle. Il s'agit notamment de celles relatives à l'implication absolue des parents dans la démarche de mariage. Ainsi, l'objectif dans cette partie est celui de démontrer la préséance du pouvoir institutionnel et plus précisément du consentement de la communauté dans la dynamique des noces. Les lois traditionnelles reconnaissent la dot comme seul élément de légitimation d'une union. On peut donc comprendre pourquoi les sociétés sawa attestent qu' « il n'y a pas de `'dibà» sans dot. Les autres formes d'union sont déviantes ou atrophiées »47. Or en matière de négociation de la dot, seuls les parents sont concernés puisqu'en Afrique, le mariage n'est pas une affaire entre deux individus, mais une union de deux familles voire deux sociétés. C'est ce qui fait dire à René Bureau que « la plupart des rites successifs ont trait à l'alliance entre deux groupes »48 . Une question mérite d'être posée lorsqu'on se réfère au corpus. Comment se traduit l'implication absolue de la communauté ? L'analyse du texte montre que ce pouvoir se manifeste à travers l'exaltation de l'endogamie d'une part et le respect du choix des parents d'autre part. L'examen de ces lois est faite respectivement aux chapitres quatre et cinq.

47- Bureau René, Recherches et études camerounaises, Yaoundé, Editions Clé, 2001, P.166.

48- Ibid, P.176.

CHAPITRE IV : L'ENDOGAMIE.

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Dans le but de préserver la pureté du sang et d'éviter la déstabilisation des équilibres culturels, les sociétés traditionnelles sont généralement favorables à l'endogamie. Ce régime délimite l'espace hors duquel un membre d'une communauté ne peut aller chercher un conjoint faute de quoi sa relation ne peut être validée. Ceux qui viennent d'ailleurs sont considérés comme « n'importe qui » (FAM, 22), pour rester dans la terminologie du corpus. La connotation péjorative que revêt cette expression indique que la société du texte s'oppose à l'exogamie. Ainsi, il est question de démontrer dans ce chapitre que Le Fils d'Agatha Moudio encourage les mariages entre membres d'un même groupe ethnique. Agatha viole cette loi en entretenant d'abord une relation intime avec un congénère qui n'est pas de la même tribu qu'elle. Nous caractérisons une telle relation d'intertribale49 . Ensuite en se mettant avec un Blanc. L'interdiction de ces actes transparaît d'une part dans le désaveu des relations intertribales ; d'autre part dans l'hostilité contre les unions interraciales.

49- Nous entendons par relation intertribale ou interethnique toute union entre des personnages de race noire mais de tribus ou d'ethnies différentes.

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IV.1- Le désaveu des relations intertribales.

L'antipathie des Bonakwan à l'égard de toute relation intime avec un étranger, notamment un congénère issu d'une autre tribu, montre que l'exogamie est proscrite dans l'environnement textuel. Headman par exemple est considéré comme « n'importe qui » parce qu'il n'est pas de Bonakwan, c'est-à-dire de la même tribu que sa partenaire, Agatha. La haine développée contre lui entraîne aussi la désaffection de la communauté vis-à-vis de cette dernière qui viole la loi de l'endogamie en se mettant avec un étranger. L'inconduite de celle-ci est l'un des motifs pour lesquels Maa Médi refuse toute union entre son fils et elle. Dans un tête-à-tête où Mbenda veut convaincre sa mère de ce que sa partenaire « n'est pas ce que... » (FAM, 21), il se heurte à la réplique suivante:

« Dis moi qu'elle n'est pas ce que l'on en dit ? Ce n'est pas moi qui vais te rappeler [...] son inexplicable histoire avec Headman, le chef des manoeuvres de la voirie. Un homme comme celui-là, un homme qui n'est rien et qui n'a rien, et qui n'est même pas de chez nous... Agatha se laisse emmener par lui, et tu me dis qu'elle n'est pas ce que je pense, et qu'elle ne mérite pas que je t'éloigne d'elle ? » (FAM, 21).

Non seulement on condamne l'étrangeté de Headman, mais aussi sa pauvreté. Ce qui démontre l'esprit matérialiste des membres de la société du texte. L'étonnement du narrateur lorsque sa mère le rappelle à l'ordre justifie cet élan porté vers le matériel :

« Maa Médi avait raison. Je n'avais pas pensé au scandale que Agatha avait provoqué quelque temps auparavant, lorsqu'il s'était révélé qu'elle avait été `'embarquée» par Headman. Personne chez nous ne le lui pardonnait. Une jeune fille comme il faut n'a pas à se laisser emmener par n'importe qui. Et Headman, qui n'était qu'un employé de la voirie, et qui travaillait debout toute la journée, même sous la pluie quand il pleuvait, et qui par surcroît n'avait même pas l'avantage d'être `'de chez nous», Headman était n'importe qui. » (FAM, 22).

Cette attitude se manifeste également contre Tante Adèle, une allogène qui a épousé Oncle Gros-Coeur, un originaire de Bonakwan. Dina, une autochtone « à l'allure mesquine et insignifiante » (FAM, 41), s'appuie sur le statut de son mari ressortissant de la même ethnie qu'elle, pour la mépriser régulièrement :

«Elle ne manquait jamais l'occasion de lui rappeler, avec quelque mépris dans le ton, qu'elle n'était pas d'un village voisin, mais que mon oncle était allé la prendre loin, des jours et des nuits de marche plus loin dans la brousse, déclare le narrateur. » (FAM, 42).

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La haine de Dina est motivée par le fait que le mari de Tante Adèle est un fonctionnaire, c'est-à-dire un homme nanti différent de ses pairs qui n'ont pour activités que la pêche et les travaux champêtres. La querelleuse fonde donc sa jalousie sur l'aisance matérielle dont jouit sa rivale et approuve par conséquent l'esprit matérialiste de la société du texte. Le narrateur justifie l'idée de jalousie en ces termes : « Mon Oncle Gros-Coeur était le seul de notre village qui travaillât d'une manière régulière à la ville ; et Dina , dont le mari était pêcheur comme la plupart des hommes de chez nous, enviait terriblement tante Adèle » (FAM, 41).

Les Bonakwan manifestent aussi leur acrimonie en développant des réflexions et des racontars qui vont à l'encontre des leurs qui sont mariés aux congénères étrangers. Mbenda lui-même n'en est pas exempt. Il dévoile son esprit endogamique en s'interrogeant sur les raisons qui ont poussé Oncle Gros-Coeur à épouser Tante Adèle : « Je me demande pourquoi l'Oncle Gros-Coeur était allé prendre ma tante des jours et des nuits de marche si loin dans la brousse » (FAM, 42).

Epouser quelqu'un d'une autre tribu anime les passions. Les femmes en font un sujet phare dans leurs ragots à la fontaine publique. Ceci transparaît dans les propos du narrateur qui ironise sur l'avènement de cet appareil dans son village : « Si vous voulez apprendre que le vieux Eboumbou va prendre sa troisième femme, et que celle-ci vient de chez les Bakokos, [...] alors, allez à la borne-fontaine et là, vous apprécierez le progrès à sa juste valeur » (FAM, 40).

Aucune discrimination n'est faite lorsqu'il s'agit de désavouer les relations interethniques. Les Blancs eux-mêmes en sont victimes.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote