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D'Orphée et des poètes noirs de l'Anthologie ou les raisons d'une comparaison imagologique

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par Mor Anta Kandji
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2006
  

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I.2 Sartre et le discours de la Négritude

La Négritude, à travers même les nuances qui ont opposé dans sa définition ses partisans (en particulier Senghor, Césaire et Damas), a reçu un retentissement assez particulier avec « Orphée noir », la Préface de Jean-Paul Sartre à l'Anthologie de Senghor. Elle a fasciné, non sans les influencer, un certain nombre d'intellectuels qui ont su donner les raisons qui motivent leurs réactions, c'est-à-dire leur appréciation de l'idéologie qu'elle a été.

I.2.1.1Un discours de rupture

La poésie de la négritude est présentée par Sartre comme un discours de rupture, de rupture avec un discours traditionnel, celui de l'homme blanc, qui avait pendant longtemps présenté au monde, d'une manière stéréotypée, l'Afrique et les Nègres.

1 Damas (L-G), cité par Daniel Racine, Léon -Gontran Damas, l'homme et l'oeuvre, op.cit., p.189

2 Damas (L-G), cité par Daniel Racine, op.cit., p.190

3 Damas (L-G), Black Label, Paris, Gallimard, 1956

4 Damas (L-G), cité par Daniel Racine, op.cit., p.190

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Le Blanc a, des siècles durant, monopolisé la parole et a donc parlé au nom de tous les hommes, en particulier des hommes de race noire. Il s'agit, avec la poésie de la Négritude, d'inverser les rôles dans le champ de l'interlocution, dans la mesure où ce n'est plus l'Occident qui regarde et juge l'Afrique et les Noirs, mais des hommes noirs qui, ayant pris conscience de leur race, jugent l'Occident, incapable désormais de manifester leur présence dans le monde, après avoir jeté l'opprobre sur leur identité.

C'est une poésie révolutionnaire , parce qu'elle se veut non seulement remise en cause des rapports d'influence , mais aussi volonté de lutter pour que le Nègre puisse recouvrer totalement sa dignité humaine.

« ... puisqu'on l'opprime dans sa race, relève Sartre, et à cause d'elle, c'est d'abord de sa race qu'il lui faut prendre conscience. Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté parce qu'il était nègre, de le réduire à l'état de bête, il faut qu'on les oblige à le reconnaître pour un homme»1.

Dans ce combat pour l'émancipation, ce n'est plus, comme dans la littérature coloniale, le Blanc qui se fait centre du monde. Au contraire, ce sont les Noirs, des « regards », pour parler comme Sartre, que le colonisateur avait qualifiés de « sauvages » « qui jugent notre terre »2, en même temps qu'ils revendiquent leur dignité, leur liberté, la liberté pour tous.

I.2.2. Un discours de l'exil

La descente aux Sources évoquée dans nos précédents développements est à évaluer essentiellement en terme de volonté. Il s'agit en fait, pour les poètes de la Négritude, de mettre en place un projet de « retour au pays natal »3 qui s'est imposé à leur conscience mais motivé surtout par la situation d'exilés et de colonisés qu'ils vivent respectivement en Europe et dans le monde noir, en Afrique et aux Antilles4.

1 Sartre (J.-P.), « Orphée noir », in Anthologie de L.S.Senghor, op. cit. , pp.XIII-XIV 2Sartre (J-P.), « Orphée noir, in Anthologie de L.S.Senghor, op. cit. » , p.X

3 Expression employée par Sartre (« Orphée noir », P.XVII) mais qui rappelle le titre de l'oeuvre poétique d'Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal (1939)

4 Pour Sartre, les Antillais vivent déjà l'exil, après que « les Négriers ont arraché (leurs) pères à l'Afrique »

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« Le héraut de l'âme noire, déclare Sartre, a passé par les écoles blanches, selon la loi d'airain qui refuse à l'opprimé toutes les armes qu'il n'aura pas volées lui-même à l'oppresseur. C'est au choc de la culture blanche que sa négritude est passée de l'existence immédiate à l'état réfléchi. Mais du même coup il a plus ou moins cessé de la vivre. En choisissant de voir ce qu'il est, il s'est dédoublé, il ne coïncidait plus avec lui-même (...). Il commence donc par l'exil, un exil double : de l'exil de son coeur l'exil de son corps offre une image magnifique »1.

L'Europe, d'où certains poètes noirs de l'Anthologie ont écrit ou vu leurs oeuvres publiées, a été une source d'inspiration, non seulement par rapport au contexte politique dans les colonies, mais aussi et surtout par rapport à la situation d'écartèlement psychologique de l'élite noire exacerbée par les deux grandes Guerres mondiales.

Cette situation comme l'expérience qu'on a souvent considérée comme celle qui a, d'une manière décisive2, poussé Aimé Césaire à écrire son Cahier d'un retour au pays natal, n'est pas étrangère à la littérature, à la création littéraire, à l'écriture des oeuvres.

Elle rappelle même cette autre expérience dont Senghor rend compte, non sans ambiguïté, dans son poème, un poème intitulé « Chant d'ombre » dans son recueil portant d'ailleurs le même titre3. En effet le poète, dans le texte, parle à une Africaine avec qui il partage les mêmes valeurs, la même vision du monde, une amie qu'il interpelle dans les derniers vers que voici :

« Ecoute ma voix singulière qui te chante dans l'ombre

Ce chant constellé, de l'éclatement des comètes chantantes,

Je te chante ce chant d'ombre d'une voix nouvelle.

Avec la nouvelle voix de la jeunesse des mondes »4.

1 Sartre (J-P.), « Orphée noir », P.XV-XVI, in Anthologie de L.S.Senghor, op. cit

2 Lire II-2 « le poids de l'assimilation » dans le chapitre II de la deuxième partie de cette recherche

3 Il s'agit du recueil de Chants d'ombre publié en 1945

4 Senghor (L.S), «Chant d'ombre », Chants d'ombre, in Oeuvre poétique, op-cit, P.40

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Au-delà des commentaires que le mot ombre a suscité dans l'interprétation de l'oeuvre de Senghor, du titre en particulier, il serait malaisé de voir dans le premier vers autre chose qu'une situation dans l'espace, donc une situation à comprendre par rapport au lieu qui a servi de cadre pour l'écriture du poème, et pourquoi pas, de l'oeuvre, c'est-à-dire du recueil de Chants d'ombre. Ce serait, dans ce cas, « l'ombre » parisienne, c'est-à-dire ce contexte de la guerre qui a vu naître les « chants », donc ces poèmes, écrits dans une situation particulière de l'Europe, qui convoquent l'Afrique et ses valeurs de civilisation, parce qu'elles rassurent l'auteur et lui permettent de faire face à la réalité douloureuse et angoissante de cette période de l'histoire de l'humanité.

Ce sont des situations qui ne sont pas sans rapport avec certaines des réactions de nos poètes, quand on sait que la plupart d'entre eux ont eu à vivre1 pendant longtemps en Europe.

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