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D'Orphée et des poètes noirs de l'Anthologie ou les raisons d'une comparaison imagologique

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par Mor Anta Kandji
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2006
  

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II.2 Représentation du continent noir chez les poètes de l' «Afrique noire »

II.2.1 Une expression réaliste

L'Afrique que présentent les écrivains appelés dans le cadre de cette recherche poètes de l' « Afrique noire » (cf. Table des matières de l'Anthologie de L.S. Senghor), est la terre natale des auteurs, c'est-à-dire un continent que l'on a connu après y être né et y avoir grandi avant de le quitter à un moment déterminé de sa vie.

Le réel qu'ils convoquent dans leur représentation fait qu'ils ne parlent pas du continent comme l'ont fait les poètes de la diaspora, même s'il y a dans les oeuvres de ces derniers, par endroits, des traits de réalisme qui recoupent certainement nos préoccupations.

1 Damas (L.G.), Pigments, « La complainte du nègre », in Anthologie de L. L. S. Senghor, op.cit. pp.10 - 11

2 Césaire (Aimé), Soleil Cou coupé, « Couteaux midi », in Anthologie de L.S. Senghor, p.77

3 Niger (Paul), Initiation, 1944, « Je n'aime pas l'Afrique », in Anthologie de L.S. Senghor, p.97

4 Niger (Paul), op.cit p.99

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A ce titre, il convient de relever l'image de l'Afrique que laisse entrevoir le poème de Paul Niger, « Je n'aime pas l'Afrique ». Nous ne la retenons pas, parce que nous pensons qu'elle a toute l'allure d'un pastiche, du pastiche du roman colonial. Ce que d'ailleurs indique le titre du poème, puisque l'auteur a pris le soin de dire à son lecteur qu'il n'aime pas cette Afrique-là1, car l'Afrique dont il veut parler est « une terre de Rédemption »2 « une terre de grandeur »3, une terre où les hommes sont réellement des hommes.

En réalité, même les poètes de l' «Afrique noire » n'ont pas échappé à pareille représentation de l'Afrique. Senghor, en évoquant dans « Femme noire » cette Eurydice - Afrique, parle d'une « Terre promise »4. Son village natal, Joal, écrit Gusine Gawdat Osman, est « synonyme de paradis. Cet espace paradisiaque de l'Enfant du Royaume de Sine, rejoint ainsi l'Eden révolu de tout son continent, dans ses premiers temps, où ses ancêtres (...) vivaient dans la paix et dans la prospérité, au sein d'une nature foncièrement accueillante »5.

C'est à cette Afrique des Ancêtres que fait référence Joseph Miézan

Bognini dans son recueil de poèmes Ce dur appel de l'espoir, une Afrique de

liberté, de paix et d'espoir dont il annonce le retour avec la victoire sur les

injustices de l'histoire.

« Afrique - c'est ma couronne de paix !

La paix d'un monde épanoui.

Afrique - l'étoile qui gicle

Dans la montagne

La flamme qui jaillira demain. »6

1 L'Afrique de la désolation, de la mort.

2 Niger (Paul), op.cit., « je n'aime pas l'Afrique », in Anthologie de L.S. Senghor, op.cit, p.99

3 Niger (Paul), op. cit., « je n'aime pas l'Afrique » , in Anthologie de L.S. Senghor, op.cit, p.98

4 Senghor (L.S.), Chants d'Ombre, 1945, « Femme noire », in Anthologie de L.S. Senghor, op.cit, p.151

5 Osman (Gusine Gawdat), L'Afrique dans l'univers poétique de Léopold Sédar Senghor, Dakar, NEA, 1978, p.183

6 Bognini (Joseph Miézan), Ce dur appel de l'espoir, 1960, in La Poésie négro-africaine d'expression française de Marc Rombaut, Paris, Ed. Séghers, 1976, p.71

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Ces évocations nostalgiques n'enlèvent rien au réalisme1 dont les poètes ici considérés ont fait montre dans leur représentation de l'Afrique. Dans les poèmes, le paysage a particulièrement retenu l'attention des auteurs. Il est évoqué dans ce qu'il a de spécifique, de caractéristique pour le continent. Dans « Neige sur Paris », Senghor s'en prend à l'Occident pour avoir détruit les forêts africaines. En effet ni le pardon, ni l'oubli manifestés tout au long du poème ne l'empêchent de pointer un doigt accusateur sur

« Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers, qui dominait l'Afrique, au centre de l'Afrique

(Celles qui) abattirent la forêt noire pour en faire les traverses de chemin de fer

(Celles qui) abattirent les forêts d'Afrique pour sauver la Civilisation parce qu'on manquait de matière première humaine 2

Ce paysage, parmi d'autres réalités3, tout comme les expériences individuellement vécues par les poètes dans le terroir natal, rendent compte d'une image du continent noir opposée à celle vulgarisée par la littérature coloniale. Il s'agit, dans le sillage de la Négritude, de manifester la présence des Noirs dans le monde, et comme le dit Senghor, de « manifest(er) l'Afrique ».4

C'est un réalisme qui est caractéristique des oeuvres des poètes de l'«Afrique noire ». Gusine Gawdat Osman en a parlé, et plus exactement à propos de l'Afrique que présente la poésie de Léopold Sédar Senghor : «Cette Afrique se manifeste dans son oeuvre comme il l'a toujours voulu et sa vision du continent noir n'est pas pure invention ou exotisme. Quand le poète d'Hosties noires parle des palmes, de la tornade, ou des hommes de la danse, il ne fait pas appel à son imagination, il n'invente rien, ce sont des réalités

1 Nous pensons à David Diop qui est né à Bordeaux et à Tchicaya U'Tamsi qui est arrivé très jeune en France.

2 Senghor (L.S.), Chants d'Ombre, 1945, in OEuvre poétique, Paris, Ed. Seuil, 1990, p.22

3 En rapport avec la nature, avec la vie sociale, religieuse et politique.

4 Senghor (L.S.), Chants d'Ombre, 1945, « A la mort », in OEuvre poétique, op. cit. , p.26 («...je manifesterai l'Afrique comme le sculpteur de masques au regard intense »)

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tangibles qu'il connaît fort bien, qu'il a vues, qu'il a "vécues" . L'univers poétique ne fait que transposer par l'écriture sa réalité quotidienne »1.

A cette réalité quotidienne appartiennent aussi les Ancêtres « ceux qui

sont morts (et qui) ne sont jamais partis, » parce qu'ils

« ne sont pas sous la terre :

ils sont dans l'ombre qui frémit,

ils sont dans le bois qui gémit,

ils sont dans l'eau qui coule,

ils sont dans l'eau qui dort,

ils sont dans la case, ils sont dans la foule.»2

C'est « une croyance fortement ancrée chez le Négro-africain »3, une vision du monde, écrit Amadou Ly, qui, à travers « le souffle des ancêtres (...) continue de féconder toutes les activités des Africains »4.

Comme les Ancêtres, les héros de l'Afrique ancienne ont permis aux poètes de parler du continent et de son passé. A travers les personnages de l'Almamy Samory Touré, de Lat-Dior, de Chaka, de Béhanzin, ils ont cherché à réhabiliter les figures de l'histoire africaine, les héros qui ont lutté pour la libération de l'Afrique, des héros présentés alors par le colonisateur comme « des tyrans, des "monstres sanguinaires"et des brigands »5.

C'est là une peinture de l'Afrique qui a seulement privilégié quelques traits du réalisme des oeuvres poétiques publiées pour la période qui nous intéresse. Ce n'est pas une simple évocation nostalgique, mais une présentation objective de l'Afrique, de ses hommes, de ses réalités, mais aussi de ses valeurs de civilisation.

1 Osman (G.G.), L'Afrique dans l'univers poétique de Léopold Sédar Senghor, op.cit., p.10

2 Diop (Birago), Leurre et Lueurs, 1960, « Souffles », in Anthologie de L.S. Senghor, op.cit. p.145

3 LY (Amadou), « Le souffle des ancêtres » , art. in Notre Librairie N°68, « Approche historique et thématique des littératures africaines », Janvier-Avril 1983, p.37

4 LY (Amadou), art. cit., p.37

5Nkashama (Pius Ngandu), op.cit. p.29

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