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D'Orphée et des poètes noirs de l'Anthologie ou les raisons d'une comparaison imagologique

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par Mor Anta Kandji
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2006
  

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II.2.2 L'enfer de la situation coloniale

La situation coloniale a beaucoup inspiré les poètes de l' « Afrique noire ». En fait c'est une réalité qu'ils ont vécue dans le terroir natal ou dans l'exil de leur âme qui, dans la douleur, s'identifie aux souffrances d'une race. David Diop en est un exemple. Dans son poème « Afrique »1 , il fait de la découverte du continent une occasion de rappeler, à travers l'esclavage et la colonisation, ces « souffrances vécues par les nègres »2.

C'est dire qu'en parlant ici de la situation coloniale, nous entendons apprécier seulement une expérience particulièrement vécue par les Noirs d'Afrique, d'où sont originaires les poètes que nous considérons dans cette partie de notre recherche.

Nous ne reviendrons pas, pour autant, sur tout ce qui a été dit à propos des violences et des injustices de cette société coloniale. Les historiens ont suffisamment donné des éclairages sur les massacres occasionnés par l'opposition et la résistance des populations indigènes à la politique du colonisateur. « L'occupant, écrit Joseph Ki-Zerbo, avait imposé non pas tant la paix que sa paix, (...) parce que, en raison de la puissance des armes, ses guerres de conquête et de répression avaient fait beaucoup plus de victimes que les batailles menées par les meilleurs leaders de l'Afrique n'en avaient prélevées pour créer des royaumes où régnait la paix »3.

C'est une situation que les poètes ont évoquée dans leurs oeuvres.

David Diop en a parlé dans son poème intitulé « Le temps du martyre » :

« Le Blanc a tué mon père

Car mon père était fier

Le Blanc a violé ma mère

Car ma mère était belle

1 Diop (David), « Afrique », Coups de pilon, 1956

Il ne s'agit pas dans ce poème de l'Afrique des tyrans comme représentée dans la littérature coloniale, mais de l'Afrique de la résistance, de l' « Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales », donc de cette Afrique des hommes qui luttent contre l'oppression, c'est-à-dire contre tout ce qui constitue une entrave à la liberté des peuples noirs, à la liberté de l'homme tout court.

2 Mboukou (J.P Makouta), Les Grands traits de la poésie négro-africaine, Abidjan, NEA, 1985, p.33.

3 Ki- Zerbo (Joseph), Histoire de l'Afrique noire, Paris, Hatier, 1972, p.425

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Le Blanc a courbé mon frère

Sous le soleil des routes

Car mon frère était fort

Puis Le Blanc a tourné vers moi

Ses mains rouges de sang

Noir

M'a craché son mépris au visage »1

C'est ce mépris dont les Noirs sont l'objet qui est à l'origine de la coexistence non pacifique entre les deux races. Il a non seulement fait des Nègres une humanité à part par rapport à une humanité supérieure, favorisé des comportements racistes, mais aussi permis à l'homme noir de prendre conscience de sa différence, et par conséquent de dénoncer l'Occident et ses valeurs de civilisation.

En fait la société coloniale est une société qui refuse toute dignité humaine aux Noirs. Dans les poèmes, elle rappelle pour l'homme de couleur la misère, le désespoir, la prison et la mort, faisant ainsi de l'Afrique une terre de populations opprimées, donc des Nègres :

« Le Peuple que l'on traîne

le Peuple que l'on jette en pâture

Dans les champs avides de boucherie

Le Peuple qui se tait

Quand il doit hurler

Hurle

Quand il doit se taire

Le Peuple lourd de siècle de servitude

Sur ses épaules de bon géant

Le Peuple que l'on caresse

Comme le serpent caresse sa proie »2

1 Diop (David), Coups de pilon, 1956, in Anthologie de L.S. Senghor, pp.174 - 175

2 Diop (David), Coups de pilon, 1956, « Peuple noir », poème cité par Mboukou (J.P. Makouta), Les Grands traits de la poésie négro-africaine, op.cit., p.32

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C'est cette Afrique qui nous a intéressé dans cette première partie de notre recherche, plus précisément l'image d'une Afrique - Eurydice historiquement souillée, mais dont la beauté, même niée, rappelle celle légendaire de cette nymphe, épouse d'Orphée.

Nous avons essayé de retrouver cette image du continent noir dans le discours colonial, à travers essentiellement la littérature de l'époque. Celle-ci, parce qu'elle répondait aux motivations d'une politique de domination, présente l'Afrique à travers des stéréotypes qui réfèrent curieusement à certaines images de la mythologie infernale gréco-romaine. Le pays, le paysage et les hommes dans cette littérature coloniale, sont situés, dans un cadre où dominent essentiellement, du fait de la malédiction, le danger, la chaleur et les ténèbres.

Cette image de l'Afrique, comme nous l'avons montré, est récusée par les poètes que nous avons considérés dans notre corpus. Le continent noir dont ils parlent est une terre des origines pour les des poètes de la diaspora et une terre natale pour ceux que nous avons appelés poètes de l' « Afrique noire ».

Nous relevons cela, parce qu'il nous a paru important de distinguer deux attitudes qui ont prévalu dans la représentation qui est faite de l'Afrique. Loin d'être exclusives, ces attitudes sont complémentaires, même si nous avons reconnu particulièrement le réalisme mobilisé par les oeuvres des poètes de l' « Afrique noire » dans leur représentation du continent.

L'évocation de l'histoire répond aussi aux objectifs de l'analyse que nous avons voulu faire d'une part de l'esclavage et d'autre part de la colonisation. Ces moments du passé des Nègres ont permis la naissance d'idéologies dont les conséquences, pour avoir été contextuellement et spécifiquement mesurées, obligent les poètes à initier, ne serait-ce que par l'imaginaire, des démarches en vue de faire sortir de l'ombre cette Afrique - Eurydice dont l'image se doit d'être redorée.

Ce que, à la lumière des oeuvres des poètes noirs de l'Anthologie1, nous entendons montrer dans la deuxième partie de notre recherche.

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1 Senghor (L. S.), Anthologie, op. cit.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway