FACULTE LIBRE DE MEDECINE
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE
&
AFRATAPEM
Association Française de Recherche &
Application des Techniques Artistiques en Pédagogie et
Médecine
UNE EXPÉRIENCE D'ART-THÉRAPIE À
DOMINANTE DANSE/EXPRESSION CORPORELLE AUPRÈS DE PERSONNES
ÂGÉES ATTEINTES DE LA MALADIE D'ALZHEIMER OU D'AUTRES TROUBLES
APPARENTÉS
Mémoire de fin d'étude du
Diplôme Universitaire d'Art-Thérapie
Présenté par
FORTINO Isadora
Année 2013
Sous la direction de
Dr Véronique CHARVET
Médecin Gériatre
EHPAD
Tiers Temps Saint Maur
15, avenue saint-Maur
59110 la Madeleine
REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier d'abord tous les résidants de
« Saint Maur» pour l'accueil reçu et la confiance
accordée aux cours de deux années.
Un merci plus particulier à Véronique CHARVET,
ma directrice de mémoire et médecin gériatre de la
Structure, pour le temps et les conseils apportés dans la
rédaction de mon mémoire.
Merci à Marie FOURIER ma directrice de stage, de
m'avoir offert l'opportunité de travailler dans la maison de retraite et
merci à tout le personnel soignant qui m'a aidée.
Merci à Richard FORESTIER pour son travail et
dévouement, à l'École d'Art-Thérapie de Tours et
à la Faculté de Médecine de l'UCL.
Je voudrais remercier Ilena, Clémence, Cyr, Elise,
Tiphaine, Zorro et mes autres amis français pour le soutien chaleureux
qu'ils m'ont donné (en tant que deuxième famille) dès mon
arrivée à Lille. Merci à de nombreux amis qui m'ont
aidé à corriger mon français et soutenue
inconditionnellement dans les moments difficiles.
Pour finir, merci à mes parents, à mon copain
pour les encouragements qu'ils m'ont procuré depuis l'Italie et qui
m'ont accompagné dans le chemin du D.U. du début jusqu'à
la fin.
PLAN
REMERCIEMENTS......................................................................
p.1
PLAN........................................................................................
p.2
GLOSSAIRE
p.6
INTRODUCTION
p.7
PREMIERE PARTIE : L'ART-THERAPIE A DOMINANTE DANSE
ET EXPRESSION CORPORELLE PEUT ETRE BENEFIQUE POUR UN PATIENT ALZHEIMER OU AVEC
D'AUTRES TROUBLES APPARENTES
A. LES MALADIES
DÉGÉNÉRATIVES DE LA VEILLESSE: LA DÉMENCE DE
TYPE ALZHEIMER ET LES AUTRES TROUBLES ASSOCIEES
A.1 La démence va peser sur la
problématique actuelle du vieillissement.........p.9
A.2 Il y a plusieurs formes de démences,
caractérisées par différents aspects Neurologiques
p.10
A. 3 L'aspect caractérisant la démence
Alzheimer, l'atrophie de l'hippocampe, comporte des troubles mnésiques
et une souffrance psychologique et sociale
A.3.1 La caractéristique de la démence
Alzheimer est l'atrophie de l'hippocampe, une des conséquences la perte
de la mémoire p.11
A.3.2 Les conséquences cliniques sont des
déficits cognitifs multiples et une grande souffrance psychique
p.11
A.4 La perte de la mémoire dans les
différents stades de la maladie ; certaines formes de
mémoire préservées
A.4. 1 D'abord, la mémoire à court terme est
touchée p.12
A.4.2 Si la mémoire épisodique est
particulièrement atteinte, la mémoire corporelle et
émotionnelle est préservée p.13
A.5 La thérapie
pharmacologique doit toujours être intégrée dans un
réseau de soins à support psychosocial
p.13
A.6 Une forme particulière de la maladie
d'Alzheimer : Le SYNDROME DE BENSON p.14
A.7 Altération de la qualité de vie
difficultés expressives, d'autonomie et de socialisation chez le malade
Alzheimer: Comment aider le patient p.15
B. LE PLAISIR ESTHETIQUE ET LE POUVOIR DE
L'ART POUR LE BIEN ETRE DE LA PERSONNE :
LES ARTS CORPORELS
B.1 L'Art et le plaisir esthétique peuvent
contribuer au bien-être
B.1.1 Le pouvoir expressif et relationnel de l'Art et des
Arts Corporels ont été mis en évidence dans le
théâtre grec, en philosophie et dans la psychanalyse
p.16
B.1.2 Les Neurosciences vont à la découverte
des fondements neuraux de la résonance esthétique
p.17
B. 2 L'Art-thérapie va exploiter le potentiel
bénéfique de l'Art
B.2.1 L'art-thérapie naît pour aider les
personnes en état de souffrance p.18
B.2.2 L'Art-thérapie s'adresse aux parties saines
de la personne p.19
B.2.3 «Le BON Le BIEN Le BEAU» sont les trois
B liés au bien-être p.20
B.2.4 ART I et ART II : un modèle pratique
décomposeur de l'activité artistique p.20
B.2.5 Interaction corps/ esprit par la danse :
L'opération artistique se
déroule par ses différentes
étapes p.21
B.3 L'Art comme moyen de socialisation :
Communication et Relation par la
danse........................................................................................
.... p.22
B.4 «Je ressens, je veux, je peux, je fais
» : Affirmation, confiance et estime en soi par l'activité
artistique.............................................................................p.23
C. ART-THERAPIE A DOMINANTE DANSE ET EXPRESSION
CORPORELLE DANS LE PROCESSUS DE SOIN DE LA PERSONNE
ATTEINTE DE DEMENCE
C.1 Le pouvoir de l'Art et l'expérience
esthétique sont à valoriser dans la vieillesse et chez les
personne atteintes de démence p.24
C.2 Démonstrations du pouvoir
bénéfique de l'Art par des expériences
d'Art-thérapie sur le patients Alzheimer
C. 2.1. Les Arts plastiques permettent au patient de
s'exprimer et d'éviter l'échec p.25
C.2.2 L'Art améliore la perception de soi chez le
patient Alzheimer : une Recherche p.26
C.2.3 L'importance des ressentis pour stimuler le plaisir
esthétique et dégager les émotions p.26
C.2.4 Le pouvoir de l'Art peut raviver et stimuler la
créativité et la mémoire émotionnelle :
expériences avec l'Art visuel, la musique et la danse
p.26
C.3 Le corps, lien entre le but de l'idéal
esthétique et les facultés motrices, est à valoriser chez
les personne atteintes de démence
C.3.1 L' Expression Corporelle fait appel aux
émotions, aux sens et aux mouvements p.27
C.3.2 Le corps est l' intermédiaire entre le monde
intérieur et le monde extérieur p.28
C.4 La danse et expression corporelle peut aider les
non voyants, pénalité de la Syndrome de Bergson, à
s'exprimer p.29
C.4 La pratique de la danse et l'expression corporelle
comme acte volontaire dirigé peut favoriser l'affirmation de
soi ........................................ ..........p.30
II PARTIE : UNE EXPERIENCE PRATIQUE D'ART-THERAPIE
AU SEIN D'UNE MAISON DE RETRAITE MEDICALISEE POUR PERSONNES AGEES
DEPENDANTES
A. PRESENTATION DE LA MAISON DE RETRAITE
MEDICALISEE «TIERS TEMPS SAINT
MAUR»
A.1 TIERS TEMPS SAINT MAUR : Présentation de la
structure, lieu de stage, et de l'équipe soignante
p.31
A.2 Les objectifs thérapeutiques de la prise en
charge des patients sont liés à leur « Projet de
Vie » p.32
A.3 TIERS TEMPS SAINT MAUR et les 3 principes
fondamentaux pour un projet thérapeutique efficace
p.32
A.4 Les activités proposées pour les
résidents et l'importance des Ateliers d'Animation
p.33
B. MISE EN PLACE DU PREMIER ATELIER D'ART-THERAPIE
A DOMINANTE DANSE/ EXPRESSION CORPORELLE A LA MAISON « TIERS
TEMPS SAINT-MAUR »
B. 1 Mise en oeuvre du projet art-thérapeutique
B.1.1 Il s'agit de la première expérience
art-thérapeutique à la maison, donc l'art-thérapie a
été présentée au sein de l'Etablissement
p.33
B.1.2 Le déroulement du stage a
été organisé selon un cadre précis et défini
p.33
B.1.3 Un temps d'observation a été
nécessaire p.34
B.2 Le projet
art-thérapeutique en lien avec le projet thérapeutique global de
la Structure
B 2.1 La réalisation du stage et de ses objectifs
est en lien avec le projet de la structure p.35
B.2.2 Avec l'équipe soignante, on fait le choix
des prises en charge individuelles : 4 personnes atteintes de la
maladie de type Alzheimer et d'autres formes neurologiques
p.35
B.2.3 Le protocole de prise en charge est soumis à
une décision collective de l'équipe p.35
B.3 Le projet a inclus la mise en place de l'Atelier
selon une méthodologie adaptée
B.3.1 Proposition de mise en place et organisation d'
Ateliers d'Art-thérapie à dominante danse et expression
corporelle p.36
B.3.2 D'autres phénomènes sont
associés : musique, dessin p.36
B.3.3 Un cadre thérapeutique est défini
dans ses éléments p.36
B.4 Les Stratégies Thérapeutiques ont
été personnalisées selon l'état de base du
patient, l'intérêt, les objectifs et les moyens
B. 4.1 Les stratégies ont été
différentiées entre les 4 prises en charge p.37
B.4.2 Elles sont relatives à l'état de base,
aux objectifs, aux moyens artistiques utilisés, à
l'intérêt artistique p.37
B.4.3 Des moyens sont à mettre en oeuvre pour
parvenir à l'objectif p.38
B.5 La prise en charge en Art-Thérapie
réalisée en plusieurs étapes de la Fiche d'Ouverture au
Bilan de fin de prise en charge
B.5.1 Les premières séances ont permis la
réalisation d'une Fiche d'ouverture p.39
B.5.2 La Fiche d'ouverture donne l'orientation
p.39
B.5.3 Une Fiche d'Observation et les séances ont
permis l'élaboration de la prise en charge p.40
B. 6 L'observation et les outils de
l'art-thérapeute ont permis la réalisation d'un cheminement
thérapeutique
B.6.1 La grille d'observation permet le recueil des
informations p.40
B.6.2 Les Items sont fixés en lien avec
l'état de base du patient, l'objectif général et le
suivi du cheminement p.41
B.6.3 La notation des items, les graphiques et leurs
cotations ont permis une évaluation objective de la prise en charge
p.41
C. ETUDE DE DEUX CAS : MADAME C. ET MADAME L.
C.1 MADAME C.
C.1.1 Anamnèse et état de base
p.42
C.1.2 Le comportement général de madame
C. a motivé son indication en art thérapie p.42
C.1.3 Les objectifs de l'équipe soignante visent
à améliorer son état dépressif et à
favoriser l'autonomie p.42
C.1.4 La confiance en soi et dans ses capacités
est l'objectif général de la prise en charge
art-thérapeutique p.42
C.1.5 L'image de soi est à évaluer
p.43
C.1.6 Des objectifs intermédiaires sont
fixés p.43
C.1.7 Analyse de la dynamique des séances avec
madame C p.43
C.1.8 Evaluation de Mme C. au cours de la prise en
charge : les items sont évalués de façon objective
et amènent à une découverte de ses
potentialités p.46
C.1. 9 L'Analyse et l'évaluation des observations
des séances nous permet de tirer une synthèse et un bilan positif
de la prise en charge p.46
C. 2 MADAME L.
C.2.1 Anamnèse et état de base
p.50
C.2.2 L'équipe soignante a orienté Mme L
vers une prise en charge en raison de son état de passivité et
apathie p.50
C.2.3 L'objectif général
art-thérapeutique fixé sur Madame L. l'affirmation de ses
capacités d'expression et de participation p.50
C.2.4 La prise en charge a été
justifiée par l'Art I, Art archaïque p.50
C.2.5 Des objectifs intermédiaires sont
fixés p.50
C.2.6 Analyse de la dynamique des séances avec
Madame L. p.51
C.2.7 Evaluation de Mme L. au cours de la prise en
charge p.52
C.2.8 Synthèse et bilan de la prise en
charge p.52
III PARTIE : DISCUSSION
A. L'EXPÉRIENCE PERMET DE CONFIRMER LES EFFETS
BÉNÉFIQUES DE L'ART-THÉRAPIE MALGRÉ LES LIMITES
DANS LE DEROULEMENT DU STAGE
A. 1 Limites rencontrées dans le
déroulement du stage : le stage peut présenter des limites
qui vont influer sur le travail art-thérapeutique
A.1.1 La durée du stage et l'organisation du
temps peuvent limiter le travail de l'art-thérapeute p.55
A. 1. 2 Une intégration insuffisante du travail
art-thérapeutique au sein de l'équipe soignante
p.55
A.1. 3 La difficulté d'organiser la prise en
charge d'un groupe peut limiter les effets bénéfiques des prises
en charge individuelles p.56
A. 2 Malgré les limites, les effets
bénéfiques les plus significatifs de l'art-thérapie
à dominante danse/expression corporelle sont à mettre
évidence et ils permettent de nouvelle considérations
A. 2.1 L'oeil intérieur peut stimuler
l'énergie motrice et créative d'une personne non voyante
grâce aux séances d'art-thérapie
p.56
A.2.2 La jouissance du jeu renforce la relation avec
l'art-thérapeute p.57
A. 2 .3 L'expérience du plaisir
kinesthésique lié à la danse peut permettre
également une affirmation de soi p.57
A.2.4 Les patients atteints de démence ont des
potentialités oubliées que l'art-thérapie aide à
retrouver p.58
B. LA QUALITE DE LA RELATION AVEC
L'ART-THÉRAPEUTE ET L'IMPLICATION DU PATIENT SONT LE FONDEMENT D'UN BON
PROCESSUS
B.1. L'art-thérapeute doit répondre aux
attentes du patient : accepter ses limites et modifier son travail par
rapport à lui et à sa condition p.59
B.2 Le stratégies et les moyens artistiques
utilisés sont importants, mais le moyen le plus important est la
relation et sa qualité
B.2.1 Une bonne relation renforce l'alliance
thérapeutique p.59
B.2.2. Une bonne relation renforce l'engagement du
patient et lui permet de s'exprimer et d'exprimer ses émotions
p.60
B.2.3 Une bonne relation peut aider à raviver le
regard positif de la personne sur elle- même et à renforcer
l'image de soi p.60
B. 3 Nécessaires continuités des
expériences positives art-thérapeutiques dans la relation avec
les autres et l'institution p.61
C. RELATION ET COMMUNICATION PAR LES ARTS
CORPORELS : COMPARAISON ENTRE L'ART-OPERATOIRE, LES NEUROSCIENCES,
L'EMPATHIE PSYCHANALYTIQUE
C.1 Relation/Communication par la danse :
comparaison entre le modèle de l'Art-Opératoire et des
Neurosciences p.61
C.2 Relation/Communication par les Arts Corporels et
l'Alliance Thérapeutique:-comparaison entre le modèle de
l'art-opératoire et de l'empathie psychanalytique
C.2.1 L'empathie est un aspect favorisant de l'alliance
thérapeutique p.62
C.2.2 Ressenti corporel, activité
réfléchie et confiance dans l'autre sont des aspects favorisants
l'alliance thérapeutique en art-thérapie p.63
CONCLUSION p.65
BIBLIOGRAPHIE p.66
ANNEXES p.67
GLOSSAIRE
AFRATAPEM : Association Française de
Recherche & Application des Techniques Artistiques en Pédagogie et
Médecine
Agnosie : incapacité
à reconnaitre des objets malgré l'intégrité de la
fonction sensorielle
Anamnèse : ensemble des renseignements que
le médecin recueille en interrogeant un malade sur l'histoire de sa
maladie
Aphasie : Altération du langage.
Difficulté dans l'expression orale
Aphasie otique : Difficulté
à nommer et désigner des formes ou objets perçus
visuellement.
Apraxie : compromission de la
capacité et de la coordination motrice
Art : Expression humaine et volontaire
orientée vers l'esthétique
Art-thérapie : Utilisation du
potentiel artistique dans une visée humanitaire et
thérapeutique.
EHPAD: Établissement
d'hébergement pour personnes âgées
dépendantes
Expression corporelle : exercices
inspirés de la danse et de la gymnastique qui cherchent à
développer harmonieusement la maîtrise et la souplesse du corps.
Fiche d'observation: outil qui permet le
recueil des observations
Kinesthésie:. Nom féminin
venant du grec kinein : se mouvoir et aisthésis :
sensation. Ensemble des sensations de mouvement que nous procure notre
corps.
Mécanisme : Ensemble de pièces
destinées à assurer le fonctionnement de quelque chose
Neurologie : spécialité
médicale qui étudie le système nerveux et soigne ses
maladies
Neurones miroir : désignent une
catégorie de neurones du cerveau qui présentent une
activité aussi bien lorsqu'un individu exécute une action que
lorsqu'il observe un autre individu exécuter la même action, ou
même lorsqu'il imagine une telle action, d'où le terme miroir
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
Opération artistique : schéma
synthétique de l'activité artistique
Phénomène artistique :
intention action production
Projet thérapeutique : organisation
des éléments en fonction d'un état de base et d'un ou de
plusieurs objectifs à atteindre.
Propriocepteur : récepteur sensible
aux stimulations causées par les mouvements
du corps et des organes.
Protocole : C'est un ensemble
d'éléments qui constituent l'intérêt de la prise en
charge, sa faisabilité, la réalisation concrète de
l'activité thérapeutique, l'analyse, la conclusion et le
bilan.
Stratégie thérapeutique : prend
en considération l'état de base, les objectifs et les moyens
Santé : Un état de
bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité
Simultagnosie : Trouble de
l'interprétation globale d'une image
Site d'action : situation particulière
d'une difficulté sur laquelle l'art-thérapeute doit
s'arrêter soit pour progresser soit pour l'éliminer
Troubles neurologiques : Les
troubles neurologiques regroupent l'ensemble des maladies qui sont liées
au système nerveux. Parmi les maladies neurologiques les plus
répandues, on retrouve la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson
et l'épilepsie.
Les
définitions proviennent des dictionnaires français Larousse et
italien Zanichelli, de sites internet comme Wikipédia et de livres
relatifs à l'art-thérapie notamment ceux de l'auteur R.
FORESTIER. Ils ont été choisies en fonction de ce que je voulais
exprimer dans mon mémoire.
INTRODUCTION
Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours eu un
intérêt personnel pour l'Art en général, surtout la
peinture et la danse, d'abord classique, puis vers la danse contemporaine et
la danse-théâtre. Mes évolutions artistiques en danse et en
expression corporelle, dans un cadre plus professionnel avec aussi mes
compétences en psychologie, obtenues grâce à mes
études universitaires, m'ont permis de me rapprocher de
l'Art-thérapie. Ainsi de mêler mes deux aptitudes personnelle et
professionnelle dans une vision humanitaire, sociale et médicale.
J'ai vu qu'en France, avec l'École Afratapem de Tours,
la méthodologie et l'organisation de la formation
art-thérapeutique correspondait à ma façon
d'appréhender l'art-thérapie, c'est à dire comme un
processus de soin pour une personne en difficulté soit sociale, soit
psychologique, soit physique avec l'exploitation de l'ART. En accord avec
l'Afratapem, j'ai effectué, pendant mes deux années de formation,
3 stages.
Les deux premiers, définis «stage
d'observation», ont été effectués dans un service
de santé mental et un établissement de jeunes
handicapés avec lesquels j'ai conduit des interventions
d'art-thérapie à dominante danse. Différemment, mon
dernier stage fut l'occasion de mettre en pratique un atelier d'art
thérapie à dominante danse et expression corporelle auprès
d'un public de personnes âgées.
L'objet d'étude de ce mémoire est le stage (de
140 h) que j'ai effectué dans la maison de retraite
médicalisée Tiers Temps Saint Maur» avec des personnes
âgées qui présentent différentes formes de
pathologies neurodégénératives, en particulier la maladie
d'Alzheimer. Pourquoi ce choix? Á ma passion pour la danse et
l'expression corporelle, par mes études et ma formation universitaire
j'ai ajouté un fort intérêt pour la psychoneurologie. Mon
mémoire en Psychologie a eu pour objet les mécanismes
neurologiques de l'empathie et une partie a été
dédiée aux processus développés au contact d'une
oeuvre d'art, selon les dernières découvertes des
neurosciences. Il faut joindre deux autres aspects qui m'ont
dirigée vers ce public: une «sensibilité et une forme
d'empathie» que je ressens pour la personne âgée et mon
intérêt à comprendre si l'ART, comme émotion et
plaisir esthétique, peut avoir des effets bénéfiques et
thérapeutiques sur la personne âgée, en particulier sur les
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et d'autres troubles
apparentés. Plusieurs études sur l'expérience
esthétique au cours de la vieillesse ont mis en évidence le
pouvoir que la beauté et l'activité artistique peuvent avoir sur
le sujet âgé, sur son harmonie intérieure, sa sortie
d'isolement..
Dans la première partie, j'analyse l'état de la
vieillesse et les maladies cérébrales liées à cette
phase de vie, en particulier la maladie d'Alzheimer. Je cible ainsi les
conséquences psychologiques et physiques, les déficits qui
peuvent être engendrés soit concernant l'état de
vieillesse, soit concernant l'état de base lié à
l'Alzheimer.
Nous parlerons du plaisir esthétique et du potentiel
artistique pour le bien-être de la personne, déjà
considérés dans les sciences humaines et dans les neurosciences,
en mettant en évidence qu'également les arts corporels peuvent
être exploités dans une visée thérapeutique pour
revigorer le sujet et lui montrer qu'il est encore capable de ressentir et de
s'exprimer. La danse stimule l'énergie motrice grâce à
l'élan corporel qu'elle donne et au pouvoir entrainante de la musique.
Elle peut donc être exploitée pour donner élan existentiel
et améliorer la qualité de la vie.
La deuxième partie est dédiée à
la présentation du stage pratique. Elle décrit la mise en place
et l'expérience d'un atelier d'art-thérapie à dominante
danse et expression corporelle au sein d'une maison de retraite
médicalisée et chez des personnes atteintes de troubles
neurologiques et de la maladie d'Alzheimer. Le projet thérapeutique
fait l'objet d'une méthodologie adaptée
Nous présenterons la structure d'accueil ainsi que les
objectifs du stage. Dans cette partie seront également abordées
les méthodes de travail de l'art-thérapeute et le
déroulement d'une prise en charge à travers ses
différentes étapes qui s'inscrivent dans un cadre précis
et défini. Il est rendu compte du déroulement des séances,
dans la présentation de deux études de cas et de ses outils
d'observation. Une analyse et une évaluation des résultats de
ces études de cas sont présentées.
Enfin, dans la troisième partie, une discussion aborde
ces aspects:
- en remarquant soit les points forts rencontrés, soit
les limites de l'expérience de stage : comment
l'art-thérapie aurait-elle pu mieux agir au sein de l'équipe
soignante et d'un établissement pour donner continuité aux
progrès obtenus dans le cheminement de ses prises en charge ?
- Une attention particulière a été
donnée à l'implication du patient et à son
engagement dans une alliance thérapeutique avec l'art-thérapeute,
fondements d'un bon processus ; mais, toutes les personnes sont-elles
capables d'un niveau d'engagement dans une alliance
thérapeutique ?
- Donc, en restant sur l'implication relationnelle du
patient, une discussion
théorique abordera une mise en relation du
modèle de l'art-opératoire avec les
neurosciences et les concepts psychologiques.
PREMIERE PARTIE : L'ART-THERAPIE A DOMINANTE DANSE ET
EXPRESSION CORPORELLE PEUT ETRE BENEFIQUE POUR UN PATIENT ALZHEIMER ET/OU AVEC
D'AUTRES TROUBLES APPARENTES
A. LES MALADIES CEREBRALES DE LA VIEILLESSE : la
démence de type Alzheimer ET LES AUTRES TROUBLES ASSOCIES
A.1 La démence va peser sur la
problématique actuelle du vieillissement
A. 1.1 L'actualité de la problématique
du vieillissement
Dans notre culture occidentale, l'évolution des
sciences et technologies a provoqué un changement global dans la
façon de vivre, qui touche chaque génération, ainsi que la
vieillesse, la phase la plus avancée du cycle biologique. L'
amélioration des conditions de vie et les progrès actuels de la
médicine font que la population de plus de 60 ans augmente
d'année en année. Mais, cette augmentation de l'espérance
d'une vie plus longue augmente de la même manière la durée
d'exposition aux facteurs de risque. Les personnes âgées ont des
capacités régénératives limitées et sont
plus vulnérables aux maladies et syndromes par rapport aux autres
adultes.
Des importants changements socioculturels ont touché
aussi la façon d'entendre et de vivre la personne âgée.
Dans mon pays, en Italie, ce changement a d'abord été dans le
contexte familial. Autrefois, la famille était la cellule sociale
principale, vécue d'une manière très sérieuse pour
chaque membre de la famille. Les personnes âgées, dans ce
contexte, avaient aussi un rôle important. Aujourd'hui, la façon
de vivre la famille a changé. C'est difficile de trouver une grande
famille. On trouve plutôt de petites cellules familiales, dans des petits
appartements où chacun veut vivre sa vie avec «intimité
». La personne âgée a perdu sa place et son influence.
La nouvelle façon de vivre la vieillesse a
été l'objet de différents articles. Dans une
société où l'activité et la productivité
donnent son importance à l'individu, la retraite signe et marque un
profond bouleversement de la personne. Avec cette transition, les personnes
perdent aussi leur rôle social. La personne âgée, donc, se
trouve dans une nouvelle vie qui peut mener facilement à un isolement et
abandon, surtout si malade.
A.1.2 Souffrance de la personne âgée avec
des pathologies dont les démences
Au niveau physiologique, on a dit que le corps subit des
changements qui s'inscrivent dans le code génétique de l'action
du temps sur l'individu. Les modifications qui peuvent surtout toucher le bien
être de la personne âgée sont d'abord ses modifications
corporelles. La personne âgée vit avec son corps une relation
d'ambivalence : elle prend soin de lui mais elle a aussi peur de lui, car
il nous amène vers la maladie et la mort. Ce processus physiologique
correspond à une diminution de la résistance et de
l'efficacité de l'organisme, à sa fragilité. Les sens
aussi deviennent plus faibles : la vue, le goût, l'ouïe peuvent
diminuer. Les fonctions sensorielles subissent les effets de l'âge,
altérant les mécanismes d'esthésie et les
déficiences peuvent isoler progressivement la personne
âgée de son entourage. Aussi les atteintes psychomotrices
contribuent à l'isolement de la personne âgée et à
réduire son autonomie : une personne âgée qui
présente ces troubles peut éviter de marcher ou de sortir toute
seule de son domicile ou souffrir d'une peur de la chute.
L'action du temps sur le corps et les maladies
associées, une diminution de ses
capacités, de ses relations et de son autonomie peuvent
avoir des conséquences psychologiques avec une forte souffrance
psychique. Ils peuvent provoquer des sentiments dépressifs et de perte
liés à une perte d'estime et de confiance en soi, à
l'altération de l'image corporelle et, donc, de soi. Différentes
causes peuvent amener à ces conséquences. Pour quelqu'un, la
retraite peut être vécue négativement, pour d'autres les
problèmes sont plutôt liés à la santé,
à des problèmes médicaux comme la maladie et la
mobilité réduite, douleurs chroniques, déclin
intellectuel, maladies cardiaques, AVC (accident vasculaire
cérébral), diabète, maladies
dégénératives. La démence peut caractériser
cette phase : elle est une pathologie qui comporte un affaiblissement
mental global frappant l'ensemble des facultés psychiques et
altérant progressivement l'affectivité et la
personnalité.
A.2 Il y a plusieurs formes de démences,
caractérisées par différents aspects neurologiques
Suivant la définition du DSM IV (Diagnostic and
Statistique Manual of Mental Disorders), si la mémoire reste la
faculté cognitive la plus affectée, dans la démence on
trouve, aussi, une altération des autres facultés
cognitives : intelligence - attention - concentration - apprentissage
- perception - orientation - capacité de solutionner des
problèmes et altération de la personnalité
Cette pathologie se présente de manière
progressive et permanente et concerne la personne âgée, plus
spécifiquement vers les 60-70 ans. La progression de la démence
est graduelle, mais toujours dégénérative.
Pour évaluer un sujet dément, il est
nécessaire d'effectuer plusieurs examens de laboratoire.
L'évolution de la technologie neuroradiologique (grâce surtout
à la RM et le SPECT) a permis de déterminer s'il existe une
atrophie cérébrale (réduction du volume
cérébrale du cerveau) et de confirmer le diagnostic de
démence. Elle commence avec certains petits signes, qui d'abord peuvent
passer inaperçus et ignorés du patient et de sa famille. Puis,
avec l'évolution de la pathologie, ils deviennent importants et l'objet
d'attention soit pour le patient soit pour sa famille, soit pour le
médecin. Par exemple, dans le stade avancé de la maladie, la
personne peut modifier complètement sa personnalité, être
profondément désorientée et incohérente.
L `évolution de la maladie dépend de la forme de
démence. Dans l'Alzheimer, la progression est continue, à la
différence de la démence vasculaire, où la progression se
fait par paliers. Dans la démence de trauma crânien la pathologie
est stable.
Il existe différents types de démence.
La démence type Alzheimer et
la démence Vasculaire sont les plus
fréquentes, surtout lorsqu'il y a d'autres facteurs de risque vasculaire
comme l'hypertension, l'excès de cholestérol, le diabète.
La Démence Vasculaire
(Dva), aussi appelée démence à
infarctus multiples, se produit lorsque les cellules du cerveau sont
privées d'oxygène. Un blocage ou une maladie du système
vasculaire peut empêcher le sang d'atteindre le cerveau, ce qui
entraîne la mort des cellules et des fonctions associées et induit
des symptômes de démence. Après la maladie d'Alzheimer, la
Dva est la deuxième forme de démence.
Autres types de démence, différents de la
démence vasculaire et de l'Alzheimer, par les aspects neurologiques et
cliniques sont:
Maladie de Huntington :
est une affection héréditaire qui touche le cerveau, tout
particulièrement les noyaux gris centraux (situés
profondément dans le cerveau). Cette maladie, assez rare,
détruit les cellules nerveuses; dans certaines parties du cerveau il en
résulte une baisse des taux de neurotransmetteurs, les
substances
responsables de la transmission des signaux dans le cerveau.
La maladie de
Huntington est caractérisée par des mouvements
involontaires, une perte des capacités mentales et des changements
touchant la personnalité ou le comportement.
Maladie de Parkinson : Comme dans
la maladie de Huntington, la cause de cette pathologie est un dysfonctionnement
du sous-cortex cérébral mais non héréditaire, qui
provoque un ralentissement progressif des fonctions motrices, associé
à un ralentissement des fonctions psychiques, une bradypsychie.
Démence à corps de Lewy :
Affection neurodégénérative se
caractérisant par des troubles du fonctionnement intellectuel, des
hallucinations visuelles et des désordres moteurs qui ressemblent
à ceux qui sont observés chez les patients atteints de maladie de
parkinson : Des lésions histologiques
caractéristiques, les corps de Lewy (du nom de celui qui les a
découverts sous le microscope), sont observés dans le cortex
cérébral, notamment dans les structures sous-corticales
Démences frontotemporales: Les
dégénérescences fronto-temporales (DFT) sont des maladies
neurologiques à l'origine d'une mort progressive de cellules du cerveau
dans les régions antérieures provoquant une atrophie
localisée. Un patient atteint de cette maladie est
victime d'une altération de sa personnalité et de son
comportement, même si ses facultés cognitives restent
préservées initialement.
A.3 L'aspect caractérisant la démence
Alzheimer, l'atrophie de l'hippocampe, comporte des troubles mnésiques
et une souffrance psychologique et sociale
A.3.1 La caractéristique de la démence
Alzheimer est l'atrophie de l'hippocampe, une des conséquences la perte
de la mémoire
La maladie d'Alzheimer est une forme de démence qui
touche les personnes âgées, mais aussi certaines de 45/50 ans.
Elle, qui porte le nom de son découvreur, est donc une démence
incurable qui entraine la perte progressive et irréversible de la
mémoire.
Même si on ne connait pas encore la principale cause de
cette pathologie, la recherche scientifique et la médecine font des
progrès et des découvertes importantes. L'observation de
l'encéphale d'un sujet malade montre une atrophie
cérébrale globale localisée surtout aux régions
pariéto-temporales, des lésions du lobe frontal, de l'hippocampe
et une dilatation des ventricules cérébraux, histologiquement par
des plaques séniles et des dégénérescences
neurofibrillaires. L'hippocampe est une des structures liées à la
mémoire, précisément à la capacité de
rappeler des situations, lieux, notions, personnes. Grace à
l'hippocampe, il est possible de consolider les nouvelles
informations et donc effectuer le passage de la Mémoire à Court
Terme à la Mémoire à Long Terme. La zone avant du lobe
frontal est touchée, point d'entrée des circuits de
l'organisation de l'action, contrôle de la mémoire, du langage, du
comportement et de l'émotion.
Il y a aussi des défaillances des neurotransmetteurs
qui transmettent les influx nerveux et permettent la transmission des
informations au cerveau : la dopamine, le glutamate:
l'acétylcholine, la noradrénaline, la sérotonine.
A.3.2 Les conséquences cliniques sont des
déficits cognitifs multiples et une grande souffrance psychique
La pathologie est caractérisée par un processus
graduel et dégénératif des facultés cognitives avec
cependant des mécanismes neuropathologiques différents de ceux
des autres démences . Dans le premier stade de la maladie, le patient
présente une constante sensation de fatigue, une difficulté
à réaliser des exercices pratiques et mentaux nouveaux et
complexes. Avec l'évolution de la pathologie, des difficultés
surviennent pour des activités de la vie quotidienne que la personne
effectuait jusqu'alors sans problème. La prise de décision et
l'organisation deviennent de plus en plus difficiles. Les principaux
déficits sont des Deficits Cognitifs Multiples ( DSM IV TR)
1) Déficit de la
Mémoire : compromission de la capacité
d'apprendre de nouvelles informations et de rappeler les informations
déjà apprises
2) Altérations
cognitives :
a. Aphasie : le patient, parfois, peine
à nommer les objets. Au stade sévère de la maladie, la
communication verbale est extrêmement réduite
b. Apraxie : compromission de la
capacité et de la coordination motrice
c. Agnosie : incapacité à
identifier des objets malgré l'intégrité de la fonction
sensorielle
d. Troubles des fonctions exécutives :
planifier, organiser, abstraire.
e. Orientation : c'est la faculté cognitive
qui permet à la personne de bien s'orienter dans l'espace, dans le temps
et dans les relations.
Chacun des déficits cognitifs multiples provoque une
atteinte significative du bon fonctionnement social et professionnel:
a. Troubles du comportement et du contrôle de
l'émotion : Au cours du
temps, d'autres troubles peuvent apparaître : troubles
du comportement (agressivité, gestes répétitifs et
incohérents ....), troubles de l'humeur (tristesse,
irritabilité..) et anxiété. Les centres
d'intérêt se réduisent et une apathie peut s'installer
progressivement (perte d'intérêt, indifférence...)
b. Modification de la
personnalité : Le patient montre un changement de
son caractère. Parfois, il va accentuer des caractéristiques
typiques de sa personnalité, parfois il change complètement son
comportement. La personne peut devenir très irritable, agressive et
explosive. Aussi, la maladie peut provoquer une perte des convenances sociales
et amener la personne à tenir des propos grossiers ou avoir des
attitudes inconvenantes comme se dénuder ou se montrer familier avec des
inconnus
c. Délires :30-40% des personnes ayant
une maladie d'Alzheimer souffrent de délires paranoïaques et de
persécution. L'agressivité physique et d'autres formes de
violence peuvent se voir chez les déments qui présentent aussi
des symptômes psychotiques.
A.4 La perte de la mémoire dans les
différents stades de la maladie ; certaines formes de
mémoire préservées
A.4. 1 D'abord, la mémoire à Court Terme
(MCT) est touchée
La maladie se manifeste souvent, au stade initial, comme une
amnésie progressive avec d'autres déficits cognitifs. Le
déficit de la mémoire est d'abord limité à des
actions ponctuelles de la vie quotidienne : se souvenir de ce qu'on a
mangé pour le déjeuner, ce qui a été fait au cours
de la journée ou e se rappeler un rendez-vous; il concerne d'abord des
troubles de la mémoire immédiate, c'est-a-dire A Court Terme
(MCT). Dans ce premier stade, le symptôme le plus commun est
l'impossibilité d'acquérir de nouvelles informations et la
difficulté à se rappeler les derniers événements,
à cause des lésions de l'hippocampe (ANNEXE 2), la région
responsable de la fixation de la mémoire; la mémoire
à long terme est conservée plus longuement. Ensuite, avec
l'évolution de la maladie, la perte de la mémoire évolue
aussi. Progressivement le déficit augmente et, petit à petit, ces
troubles de mémoire se portent aussi sur le langage (aphasie), sur
l'orientation et les mouvements (apraxie), la reconnaissance des objets
(agnosie). Avec la progression de la maladie, même la mémoire
à long terme (MLT) est atteinte et présente des troubles et des
défaillances graves, soit atteinte de la mémoire
épisodique, qui passe par l'hippocampe et permet de se rappeler les
épisodes spécifiques de notre vie, devenant fragmentaire, soit
atteinte de la mémoire sémantique (les connaissances et leur
significations).
A.4.2 Si la mémoire épisodique est
particulièrement atteinte, la mémoire corporelle et
émotionnelle est préservée
Il y a des types de mémoires qui sont mieux
préservées chez un patient Alzheimer: la mémoire
procédurale et la mémoire affective.
La mémoire procédurale est aussi une
forme de Mémoire à Long Terme. C'est grâce à elle
qu'on peut se rappeler de façon automatique, comme se coiffer,
manger. Les gestes sont retrouvés et utilisés inconsciemment pour
l'exécution de ces procédures qui requièrent à la
fois des compétences cognitives et motrices.
« Donc, s' il est aussi
important d'éviter de mettre la personne malade en échec, en lui
demandant des actes trop difficiles pour elle, qui mettent en jeu toute une
suite de processus cognitifs complexes que ne peut réaliser un cerveau
affaibli par la maladie, il est aussi important de l'aider à retrouver
des automatismes oubliés, en initiant le mouvement, en lui laissant
finir l'action et en augmentant la confiance en lui »1(*).
Egalement pour la mémoire corporelle et
émotionnelle: c'est-à-dire la capacité de se
souvenir de ressentis agréables ou de peur et d'émotions. La
mémoire affective a comme centre névralgique l'amygdale qui
reçoit des informations par deux circuits (thalamique et cortical)
(ANNEXE 2). Il a été découvert qu' à
côté du trajet thalamus-cortex- amygdale dans la
transmission des stimulus, il y a un lien direct entre le thalamus et
l'amygdale, qui fait qu'un stimulus peut déclencher une réponse
sans l'intervention du cortex (J. LeDoux, 1996). L'apprentissage
affectif peut donc être effectué sans la participation des
systèmes de traitement plus élevés du cerveau. Cet
aspect a des implications importantes pour le malade Alzheimer, ses
thérapies, notamment l'Art-thérapie, ses relations affectives et
émotionnelles. Les émotions, en fait, selon des recherches
neuroscientifiques, laissent des marques indélébiles dans le
cerveau : même quand les souvenirs disparaissent, les émotions qui
leur sont liées demeurent.2(*) Les experts ont observé des patients avec des
formes sévères d'amnésie et, même si ils
étaient incapables de se rappeler une parcelle minime d'un film vu
dernièrement, ils évoquaient longuement les émotions
provoquées par le film. Il est nécessaire de tenir compte de ces
résultats pour aider un patient Alzheimer: la mémoire est
détériorée, il ne se souvient pas de ce qu'il a fait 10
minutes avant, mais il conservera la mémoire de la belle émotion
d'un geste affectueux ou d'une expérience de plaisir. Inversement, si le
malade est maltraité, avec mépris et peu de respect, le souvenir
de l'épisode reste même si sa mémoire ne fonctionne pas.
A.5 La thérapie pharmacologique doit toujours
être intégrée dans un réseau de soins à
support psychosocial
Une certaine stabilisation des fonctions cognitives peut
être observée avec l'administration de substances cholinergiques,
capables d'augmenter la concentration d'acétylcholine dans la synapse
nerveuse, et, donc, d'optimiser la transmission synaptique. Les traitements
visent à accroître la neurotransmission cholinergique, en
permettant de freiner efficacement les ravages de la maladie à un stade
précoce
( B.Dubois, CHU Hôpital
Pitié-Salpêtrière, Paris) .
Les symptômes comme l'anxiété, la
dépression, fréquents au cours de la maladie, seront
traités par un entourage « adapté » ; si
les troubles le nécessitent à un moment, un traitement
antidépresseur ou anxiolytique à demi-vie courte peut être
instauré. Cependant, les scientifiques conviennent que les traitements
les meilleurs restent les soins psychosociaux, associés à
plusieurs formes de thérapie, notamment pharmacologique, mais pas
uniquement. Grâce à la collaboration entre le patient, la famille
et les structures sanitaires spécifiques, il est recherché
- La stimulation : par des
activités de socialisation, artistiques, ergothérapeutiques.
Une grande attention est également
accordée à la "thérapie des souvenirs»,
c'est-à-dire le traitement destiné à maintenir active la
capacité de revisiter des événements anciens. Il y a une
forme de psychothérapie cognitive dans ce but
- La présence d'un entourage facilitant la
qualité de vie du patient et de ses relations est très important,
soit en famille soit au sein d'un établissement, à la
journée, en accueil de jour, ou en permanence en EHPAD
A.6 Une forme particulière de la maladie
d'Alzheimer est Le SYNDROME DE BENSON
L'Atrophie Corticale Postérieure (ou syndrome de
Benson) est une affection dégénérative rare distincte de
la maladie d'Alzheimer classique. Elle est caractérisée par une
altération initiale de la vision, puis une évolution vers la
démence. L'autopsie des malades révèle des lésions
identiques à celles de la maladie d'Alzheimer, d'où son nom :
variante visuelle de la maladie d'Alzheimer
Les patients développent progressivement une agnosie
visuelle associative, une désorientation topographique, une
simultagnosie , des troubles de la lecture, une agraphie spatiale, une aphasie
optique, une extinction visuelle. Á un stade avancé, on trouve
l'apparition d'une cécité corticale, mais l'abolition totale est
rare ; il y a une persistance d'une sensibilité à la
lumière, aux tonalités chromatiques vives, aux mouvements.
L'Apraxie, constructive, idéomotrice, d'habillage, est le symptôme
prédominant dans cette pathologie. Á la différence de
l'Alzheimer classique, le syndrome de Benson ne présente pas, au
début, de troubles dans les facultés cognitives comme la
mémoire, le langage, le raisonnement. Celles-ci sont longtemps
préservées.
Au niveau comportemental, le patient montre toujours une
conscience de ses déficits. Ainsi, même si son comportement reste
toujours normal, parfois on peut remarquer des moments de dépression
et/ou d'agressivité, la personne se rendant compte de ses
déficits.
SPECT, Scanner et IRM montrent une atrophie corticale
occipito-pariétale et occipito-temporale bilatérale
prédominant à droite. Les plaques séniles et la
dégénérescence neurofibrillaire se retrouvent
spécifiquement dans les régions cérébrales
postérieures et parfois dans les aires visuelles primaires.
Les traitements
antidépresseurs et les aides visuelles sont indispensables à la
prise en charge du patient Benson, pour les troubles de la fonction visuelle.
A.7 Altération de la qualité de vie
difficultés expressives, d'autonomie et de socialisation chez le malade
Alzheimer: Comment aider le patient
Les symptômes présents dans la pathologie
amènent un changement de vie de la
personne. Le patient se trouve à renoncer, de plus en
plus, aux conditions
essentielles d'une bonne qualité de vie. Le but le
plus important de chaque projet
de santé est celui du bien être, lié
à la qualité de la vie ; c'est-à-dire, suivant la
définition de l'OMS,
« Il s'agit d'un large champ conceptuel,
englobant de manière complexe la santé physique de la personne,
son état psychologique, son niveau d'indépendance, ses relations
sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les
spécificités de son environnement »3(*).
Les chercheurs s'accordent tout de même à
considérer la qualité de vie comme un concept qui se structure le
plus souvent autour de quatre dimensions 4(*) :
Etat physique
|
Autonomie, capacités physiques
|
Sensations
Somatiques
|
Symptômes, conséquence des traumatismes ou des
procédures
Thérapeutiques, doleurs
|
Etat psychologique
|
Emotivité, anxiété, dépression
|
Statut social
|
Relations sociales et rapport à l'environnement familial,
amical
ou professionnel
|
Le patient atteint de la maladie d'Alzheimer vit
l'altération de sa vie à travers différents
éléments:
- Le manque d'autonomie et de liberté
- le manque d'une bonne forme de socialisation et de
relation
- le sentiment que plus rien ne lui appartient
Cela contribue à donner à la personne un
sentiment de «défaite», de
«dévalorisation ». Les conséquences de ces
troubles atteignent alors l'intégrité de l'être humain. De
plus, la personne atteinte d'Alzheimer, parfois, ne ressemble plus à ce
qu'elle était avant la maladie. Ainsi sa vie relationnelle est
altérée de manière significative, elle s'isole avec
des altérations du langage, des difficultés
expressives, relationnelles et communicatives qui augmentent de plus en
plus. Si au niveau clinique il y a une perte de la
Mémoire, la souffrance est un cri
d'Identité ; la souffrance vis-à-vis de la
société est la perte d'autonomie, perte de l'estime de soi
et de l'affirmation de soi. La personne démente est dépendante et
en perte d'identité.
En EHPAD, une multitude de facteurs peuvent contribuer
à altérer sa qualité de vie. La plupart des entrées
se font à l'initiative de la famille mais le consentement du futur
résident est toujours recherché. L'institution, même si
elle est bien organisée, peut être vécue comme une
dernière demeure avant la mort. Pour cette raison la personne
accueillie doit trouver l'environnement nécessaire à une
vie convenable .
L'institutionnalisation du parent arrive lorsque la pression
est forte, la fatigue persistante, surtout au stade sévère de la
maladie. Les symptômes de la maladie nous cachent l'être humain. Il
n'est pas aisé de trouver sa juste place en de telles circonstances .
Une inversion des rôles se produit fréquemment : le parent
devient l'enfant et perd son autonomie . Or, c'est par la capacité de
l'entourage à s'adresser à la personne elle-même et non
à la maladie, qu'il lui apporte un apaisement qui participe grandement
à limiter la dégradation. La structure où j'ai
effectué mon stage a dédié un livret explicatif aux
familles des patients, pour communiquer le
plus efficacement ( ANNEXE 3)
La personne atteinte de maladie d'Alzheimer ou d'un trouble
apparenté perd peu à peu ses capacités cognitives
(mémoire, jugement, orientation...), mais, il reste une capacité
longtemps préservée : la capacité à exprimer
et à éprouver des émotions, liée à la
possibilité d'une mémoire affective. C'est par ce pôle
émotionnel, en amenant des actions qui lui donnent du plaisir, qu'on
peut entrer en communication le plus efficacement avec le patient Alzheimer,
aussi bien en famille que dans l'EHPAD. L'art-thérapie exploite ces
capacités. Ainsi, l'activité artistique, stimulant la vie
émotionnelle et le plaisir, se présente comme un outil de
relation, d'expression et de communication, qui peut être
bénéfique à ces personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer.
B. LE PLAISIR ESTHETIQUE ET LE POUVOIR DE L'ART POUR LE
BIEN ETRE DE LA PERSONNE : LES ARTS CORPORELS
B.1 L'Art et le plaisir esthétique peuvent
contribuer au bien-être
L'art est un idéal de vie.5(*) Il est une activité qui
aide l'homme à exprimer son idéal du Beau6(*). Le Beau amène la
personne vers un pur « plaisir esthétique », lequel
donne, d'abord, une sensation agréable ainsi qu'une particulière
« gratification sensorielle et artistique ». L'impact
sensoriel que produit l'oeuvre d'art implique une réaction physiologique
et psychologique qui peut amener la personne vers un élan corporel, vers
une action et une expression artistique.
Le pouvoir et les effets de l'art, grâce à la
puissance du plaisir esthétique, sont exploités pour le
bien-être et la santé du patient et pour améliorer sa
qualité de vie. L'être humain s'adapte au monde qui l'entoure,
mais il est heureux lorsque le rapport entre la bonne santé et le
bien-être est harmonieux et en fonction de la personnalité de
chaque être humain.
La bonne santé est le bon
fonctionnement des organes.
Le bien-être est un bon accord entre ce
que l'on est, la personnalité, et le monde extérieur, un
fonctionnement harmonieux du corps et de l'esprit .
L'être humain peut donc tendre au
bien-être par les sensations de bonheur que lui
procure l'Art, par son pouvoir expressif et relationnel.
B.1.1 Le pouvoir expressif et relationnel de l'Art, des
Arts Corporels en particulaire, a été mis en évidence dans
le théâtre grec, en philosophie et dans la psychanalyse
Aristote voit dans la tragédie le pouvoir expressif de
l'Art : la catharsis, c'est à dire la
purification des fortes émotions par leur
abréaction soit dans le public soit dans les acteurs.
Dans la tragédie, on décrit des
évènements pleins de passion, sous forme dramatique, en faisant
agir directement les personnages. Par le mécanisme psychique de
l'identification, le public se sent lié au vécu
émotionnel du personnage, en s'identifiant à celui-ci. Dans le
film « Cinema Paradiso » du
sicilien Tornatore, l'attention est portée sur la magie
du cinéma avec la
participation chorale des spectateurs, jusqu' à
éprouver de fortes émotions, comme les pleurs.
Déjà dans la Grèce Classique, il fut observé et mis
en évidence ce lien particulier entre les spectateurs et entre l'acteur
et le public ; Et déjà, dans le monde grec et latin, la
musique, le théâtre et d'autres formes d'Arts Corporels
étaient exploités pour leur pouvoir expressif salutaire, comme le
montre la catharsis. Dans les traditions médicales du Moyen-âge,
la Tarentelle, danse et musique entraînante et
cathartique, était prescrite en Italie pour guérir de la
piqûre de la tarentule. L'écoute de la tarentelle procurait aussi
un ressenti qui reliait les participants dans une résonance
réciproque.
Au XIX siècle, avec l'esthétique romantique, le
pouvoir de l'Art est sa « résonance
esthétique ». Il s'agit d'un état mental qui
privilégie le ressentir (pathos) en valorisant les
vécus fusionnels de l'âme humaine en communion avec la
nature. Ce lien sera repris par le philosophe de l'Art Robert Vischer (1873),
selon lequel l'Art est une forme d'identification sentimentale avec
les forces de la nature, obtenue grâce à une profonde
sympathie entre le sujet et l'objet.
Mais qu'est l'Esthétique ? Esthétique
vient de « esthésie », connaissance sensible,
c'est-à-dire par les sens. C'est depuis Alexander Gottlieb Baumgarten,
philosophe allemand, que l'esthétique s'occupe soit de la connaissance
sensible soit de la théorie du Beau. Et pour la philosophie romantique,
c'est par le vécu corporel, avec ses sensations physiques qu'on
peut exprimer notre jouissance du Beau. Dans l'expérience
esthétique, il s'agit donc de projeter, dans l'objet que capture notre
attention esthétique, des émotions proprement humaines et donner
ainsi « signification et passion » aux choses.
Freud aussi mit en évidence ce phénomène.
Dans son écrit, « Le Moïse de
Michel-Ange » (1914), il analyse ses ressentis
suscités en contemplant une ouvre d'art, la sculpture de Michel-Ange
« Le Moïse », exposée à l'église
`S.Pietro in Vincoli'- Rome. Il s'agit d'une syntonie entre les
caractéristiques esthétiques formelles de la sculpture et des
vécus émotifs du sujet récepteur, qui peut se
réfléchir en lui, en donnant « signification et
passion » : ses passions, par un mécanisme de
projection.. Á la production artistique, l'auteur a
dédié un autre écrit , «Un souvenir d'enfance
de Léonard de Vinci (1910) », où il va analyser comment
il s'agit d'une obscure poussée pulsionnelle qui vient de l'inconscient
à évoquer un besoin d'expression de créativité
artistique, par le mécanisme de sublimation.
Rayonnement et ressentir sont deux termes
pour exprimer le pouvoir expressif et entrainant de l'Art. Ressentir est un
terme qui amène au concept de résonance :
résonance esthétique, par le plaisir esthétique et
sensoriel, résonance émotive, entrainante, comme dans
l'expérience de Freud au rayonnement du Moïse de
Michel-Ange, de la tragédie grecque et de la tarentelle.
B.1.2 Les Neurosciences vont à la
découverte des fondements neuraux de la résonance
esthétique.
Aussi les neurosciences ont dédié leurs
recherches au phénomène artistique et aux
phénomènes de résonance qui se développent au
niveau cérébral lorsqu'une personne est en contact avec une
oeuvre d'art, en exploitant la découverte des neurones
miroirs, un groupe des neurones moteurs du cortex prémoteur
ayant une fonction de réfléchissement.
L'identification de ce type de neurones au cours des
années 1990 est due à l'équipe de Giacomo Rizzolati, de
la faculté de médecine de Parme.7(*) Les neurones miroirs désignent une
catégorie de neurones moteurs capables de s'activer et d'entrer en
résonance si stimulés par les sens,
c'est-à-dire lorsqu'un individu exécute une
action ou lorsqu'il observe chez un autre la
même action, ou même lorsqu'il imagine une telle action,
d'où le terme miroir (ANNEXE 1). Le professeur V.
Ramarchandran, une autorité dans le domaine, les appelle neurones
empathiques, car ils jouent un rôle dans l'empathie et dans sa forme
plus primitive, le phénomène de la contagion émotionnelle
et les effets de masse. De même, ils ont un rôle très
important dans les phénomènes de résonance
esthétique. Soit dans l'expérience artistique, ou simplement
contemplative, au rayonnement de l'oeuvre d'art et au contact empathique avec
les ressentis des autres on active un réseau de circuits neuronaux dans
le cortex et dans les structures sous-corticales de l'émotion et du
binôme plaisir/déplaisir, agréable/
désagréable. Tout d'abord, le phénomène a
été retrouvé à l'observation d'oeuvre s d'art
figuratif, où les nouvelles recherches ont mis en évidence les
mécanismes neuraux fondant le pouvoir des images par le système
des neurones miroirs, c'est-à-dire un ressenti corporel. Selon les
chercheurs on va confirmer les considérations philosophiques sur
l'expérience esthétique qui est résonance corporelle et
émotionnelle avant d'être cognitive : le système
miroir permet de simuler l'état émotionnel de l'image artistique
dans notre cerveau, au delà de la mise en oeuvre de réseaux de
neurones cognitifs complexes et sophistiqués, au delà du
raisonnement. Donc, un ressenti et une action ensemble, activent les
mêmes neurones. Les auteurs citent une oeuvre du peintre Le
Caravage, « L'incrédulité de saint
Thomas », comme exemple de résonance en cas de
sensations tactiles8(*)
(ANNEXE 1)
Dans la danse, il a été souligné que plus
notre répertoire moteur et expérientiel est riche, plus
intensément nos neurones miroirs sont activés (Calvo Merino B.,
2005, Institute of Movement Neuroscience, University College London). Il a
été encore avancé que l'éloignement entre la zone
principale des neurones miroirs et celle de l'hippocampe pouvait
suggérer qu'une communication bien conduite pourrait, par empathie,
influer bénéfiquement sur les troubles psycho-comportementaux des
patients atteints de la maladie d'Alzheimer, grâce à un ressenti
corporel qui prévient l'activation des circuits neuronaux des fonctions
associatives cognitives supérieures 9(*). []
B.2 L'Art-thérapie va exploiter le potentiel
bénéfique de l'Art
B.2.1 L'art-thérapie naît pour aider les
personnes en état de souffrance
L'art-thérapie naît et s'épanouit surtout
dans la moitié des années 40, dans des pays comme la France,
l'Angleterre, l'Allemagne et les Êtas Unis, où il y avait un air
de rénovation dans les cadres de la psychologie, de la psychiatrie et
de la pédagogie.
Déjà, les études des dessins
d'aliénés ont le mérite d'avoir associé
médecine et art. Vers la fin des années 30, la
pédagogue Edith Kramer observait les effets positifs de
l'activité artistique sur les enfants expatriés d'Allemagne,
victimes de violence et de persécution par le régime nazi,
grâce à la possibilité donnée
d'expression des besoins, désirs, angoisses. Par la
création artistique, donc, le patient s'immerge dans une activité
agréable, qui rend plus facile la résolution de ses propres
conflits. Il développe un fort sens d'identité, «connait
soi-même». L'art-thérapie, dans ce cas, est un processus de
soin qui amène la personne vers un
cheminement de bien-être.
Art, donc, comme un moyen potentiel de thérapie. Depuis
les années 60, l'activité artistique devient un
élément important de l'activité thérapeutique
psychiatrique, où l'art-thérapie trouve un domaine de pratiques
très important après la clôture des instituts de
réclusion et l'épanouissement de milieux dans lesquels des
nouvelles méthodologies vont être activées, y compris
l'art-thérapie. Au fil des ans, ses domaines d'application vont
s'étendre: toxicomanes, malades du sida, de cancer, enfants et
adolescents à risque, malades atteints de la maladie d'Alzheimer.
Mais, plus précisément, qu'est ce que
l'art-thérapie ?
«L'Art -thérapie est l'exploitation du potentiel
artistique dans une visée humanitaire et thérapeutique»
(AFRATAPEM.).
B.2.2 L'Art-thérapie s'adresse aux parties
saines de la personne
« Être vivant, c'est avoir quelque chose
qui fonctionne. L'art-thérapeute, à la différence d'autres
thérapies, par son moyen artistique qui touche aux profondeurs de
l'homme va considérer cette partie qui fonctionne et l'aider à se
développer: `l'art-thérapie s'adresse aux parties saines de la
personne ».( R.Forestier)10(*)
Il ne s'agit pas, donc, de soin tel qu'on peut l'entendre
dans un lieu médical.
Elle s'adresse aux personnes qui, suite à un
traumatisme physique ou psychique, souffrent de troubles de l'expression, de la
communication ou de la relation, mais la méthode consiste à
créer les conditions favorables au dépassement des
difficultés personnelles.
L'Art, associé à l'esthétique,
à la beauté, au plaisir et à l'émotion ressentie,
permet une communicabilité directe, spontanée, instinctive par
l'utilisation des couleurs, des mouvements, des musiques, d'images, sans
forcement besoin de l'intellect ou de la fonction cognitive. La production
artistique prend sa valeur juste grâce au plaisir qu'elle provoque et
à la signification qu'on lui donne.
La sensibilité, le goût, le plaisir et
l'émotion deviennent des éléments fondamentaux dans
l'exploitation de son potentiel, en rapport avec les aspects
caractérisant l'art, c'est à dire la créativité et
l'expressivité. L'activité créatrice est une
poussée liée à une tension physique, spirituelle et
émotionnelle, provoquée par un stimulus intérieur et
extérieur: un sentiment, un souvenir, une image, une musique, une oeuvre
d'art. En un mot, une chose qui, avec son pouvoir entraînant crée
une tension et amène à réaliser quelque chose, à
l'expression créative pour se dégager de cette tension. Musique,
danse, théâtre, arts plastiques sont des formes artistiques
différentes qui donnent une possibilité d'expression de
créativité. Ces aspects impliqués dans la nature humaine
expriment le potentiel thérapeutique de l'Art. L'Art peut aider la
personne à raviver sa qualité existentielle.
Il s'agit, alors, de restaurer, en exploitant au maximum des
fonctions défaillantes, mais existantes et oubliées ;
rééduquer pour l'amener vers un processus de reconnaissance de sa
dignité et de sa valeur ; raviver, stimuler l'énergie
motrice avec vigueur. La danse ravive
l'énergie motrice avec l'entrainement de la musique et
l'élan corporel peut devenir élan existentiel. Pour arriver
à ce but, l'exploitation de l'Art doit donner au sujet
la possibilité de se vivre non comme objet malade, mais comme un homme
avec une maladie et, également, des parties qui fonctionnent. Il devient
important, alors, de considérer ces parties qui fonctionnent du sujet,
de valoriser ces parties cachées, mais encore vive et
puissantes, de l'aider à se développer.
B.2.3 «Le BON Le BIEN Le BEAU» sont les
trois B liés au bien-être de la personne et au
phénomène artistique
La nature et le travail qui émergent dans
l'activité artistique se rejoignent dans le concept de
phénomène artistique. Celui-ci concerne « ce qui est
observable » et qui par sa captation peut
nous conduire vers des intentions,
actions et productions artistiques.
Selon le modèle conceptuel de l'École
d'Art-Thérapie de Tours AFRATAPEM, les fondements théoriques de
l'activité artistique sont les concepts de Bon, Bien et Beau.
Le BON se réfère à la
qualité existentielle de l'être humain.
L'être humain, depuis sa naissance, doit satisfaire des
besoins et des désirs pour tendre vers un épanouissement: besoins
du corps et désirs de l'esprit. Si le besoin répond à un
manque, le désir à une aspiration, tous les deux recherchent des
gratifications qui amènent vers une bonne qualité existentielle.
Puis, il développe ensuite son goût qui lui permettra d'avoir sa
personnalité, d'être une personne. Ce développement se fait
dans une quête du bonheur Le bonheur recherché se trouve dans
l'intention d'atteindre un idéal
esthétique, l'Art, qui répond à un besoin
d'élévation de l'esprit. Le Bon est à associer à ce
bonheur et c'est la recherche du bonheur par les belles choses qui amène
aux beaux arts.
L'oeuvre d'art, permettant de ressentir les «belles»
choses du monde intérieur ou extérieur, dégage une
sensation agréable ; l'être humain se sent bien avec elle.
CONCEPT
|
FONCTION
|
CONCRETISATION
|
FAIT OBSERVABLE
|
BON
|
Réception / Réaction
|
Intention
|
L'expression
|
BIEN
|
Vouloir / Pouvoir
|
Action
|
La technicité
|
BEAU
|
Fond / Forme
|
Production
|
La réalisation
|
Soumise à l'apprentissage technique et à
l'expérience, l'activité devient efficace en ce qu'elle
répond à la volonté de l'homme et à son expression.
Cette dernière passe par l'activité, qui requiert un
comportement adapté avec le fait de savoir « bien » faire les
choses. (LE BIEN). Il existe donc une relation entre la recherche du
bonheur (LE BON), l'activité et la production artistique (LE BIEN). Le
BIEN permet « le passage de l'intention pure à la
production »11(*). C'est l'activité,
l'action de faire. Si l'homme peut naturellement
gesticuler, la maîtrise d'une technique aussi rudimentaire est
indispensable dans une action, telle qu'artistique. Dans l'activité
artistique à dominante expression corporelle, il permet
l'autorégulation motrice et produit des sensations de bonheur. Le
BEAU, ce qui suscite un plaisir esthétique, concerne la
production artistique. Cela permet de
déterminer si le rapport entre la forme et le
fond est harmonieux et si les personnes éprouvent un
plaisir esthétique. La forme se base sur ce qui plaît par ses
aspects agréables et l'harmonie de ses éléments et de ses
couleurs. Il s'agit de l'aspect objectif du plaisir esthétique. Le fond
est relatif aux ressentis et à la résonance émotive que
l'oeuvre suscite, à son pouvoir entrainant. Il s'agit de l'aspect
subjectif.
INTENTION- ACTION -PRODUCTION sont,
donc, les principes pratiques de
l'activité artistique, fondamentaux, pour
déterminer le phénomène artistique.
B.2.4 ART I et ART II
L'Art, grâce à ses types d'activité
divers, s'adresse à différents publics et contextes.
D'où la distinction entre ART I et ART
II.
L`Art I est dirigé vers le geste archaïque; la
recherche est orientée vers la gratification sensorielle,
spontanée et immédiate. La personne est poussée par son
instinct, évolue vers une action volontaire esthétiquement brute.
Dans ce cas, même le corps est utilisé de manière globale,
il ne suit pas des règles, des techniques et des directives
précises, mais il se meut librement et de façon
désordonnée, en créant toutefois une action volontaire
orientée vers le plaisir sensoriel. Un exemple peut être
donné par l'image suivante: mettre les pieds dans
le sable, sentir la sensation agréable en le touchant
et créer des mouvements corporels qui dessinent des formes artistiques
sur sa surface.
L'Art II, au contraire, propose une activité
artistique organisée. Les gestes corporels ne sont plus
archaïques, mais plutôt précis, ordonnés et
élaborés. Ici est nécessaire l'utilisation de la
technique, pour savoir bien faire les choses. Par exemple, avoir l'intention de
créer un tableau de sable avec des formes et des dessins
esthétiquement élaborés, implique la connaissance d'une
technique précise pour une bonne réalisation de l'oeuvre.
Le corps est toujours l'outil d'expression, dans l'Art I comme
dans l'Art II.
Cependant, si dans l'Art I l'expression du corps met en
évidence son aspect global et anarchique, dans l'ART II l'expression
corporelle est ordonnée et spécifique, selon la forme d'art et la
technique utilisées. Le corps devient le médiateur fondamental
lors d'un passage de l'Art I à l'Art II, puisqu'il permet de passer du
geste plus archaïque et instinctif au plus fin et élaboré,
mais aussi de changer de façon d'agir et de produire l'activité
artistique.
Dans les cas les plus lourds de prises en charge en
art-thérapie, on peut utiliser une activité artistique selon le
modèle d'Art I.
B.2.5 Interaction corps/ esprit par la danse :
L'opération artistique se déroule par ses différentes
étapes
L'opération artistique est la manière artistique
de mettre à jour l'esthétique. L'organisation implique la
captation, l'intention, l'action et la
production artistique12(*) et se déroule comme
suit :
Avant la phase 1 - Ce qui nous
précède: l'élément culturel, social et le
patrimoine d'une société.
Phase 1 - Existence
d'une oeuvre d'art, chose artistique du monde, qui existe et rayonne: c'est
un accident spatio-temporel. Ex : Une danseuse rayonne au regard
d'un homme
Phase 2 - Rayonnement et Captation.
Cette chose qui rayonne peut être captée, perçue.
Ex : la danseuse m'attire
Phase 3 - Traitement archaïque de
l'information. Elle est captée par l'être humain : elle
devient une information qui est traitée de façon brute,
archaïque: c'est la phase du traitement sensoriel de l'information,
traitée par tous les mécanismes neurologiques et
neurovégétatifs. Ce lien produit une
réponse instinctive, sans médiation des
fonctions cognitives. Ex. Une dame âgée, atteinte de la maladie
d'Alzheimer, ne se rappelle plus le nom de l'art-thérapeute, mais
elle se rappelle les ressentis agréables lorsqu'elle
dansait avec lui.
Phase 4 -
Traitement mental sophistiqué de l'information:
l'activité mentale, dans ses modalités psychologiques, s'impose
aux réactions archaïques du corps physique. Les fonctions
cognitives, comme la mémoire, les connaissances, les mécanismes
de représentation qui permettent l'imaginaire sont opérants et
déterminent une intention. Ex.: La chanson lui rappelle sa
femme à la mer: envie d'accompagner la chanteuse avec la guitare.
Phase 5 - Poussée
corporelle. C'est l'élan corporel donné grâce à
la volonté et à l'intention. L'entraînement corporel
produit une poussée naturelle à mouvoir le corps. Ex. il tape
des pieds et des mains au rythme du flamenco.
Dérivé : Phase 5'
le Contemplateur. C'est ce qui concerne la
Réception, c'est-à-dire la contemplation artistique. Le
spectateur est poussé activement par son attention et son mouvement vers
la contemplation. L'inaction repose sur l'intensité de
l'intérêt qu'il porte à l'oeuvre contemplée. Il ne
faut pas confondre la phase
2 avec la 5'. Dans cette dernière, l'intention fait la
différence ; c'est-à-dire qu'il y a l'intention de la
contemplation. Ex. Des personnes immobiles fixent leur regard sur La
Joconde de Leonard de Vinci.
Phase 6 - Utilisation d'une technique,
d'un savoir-faire adapté, en fonction de la production voulue. Le
corps est mis en mouvement sous l'autorité de la volonté et est
tenu d'agir selon l'intention de la personne. Ainsi, s'instaure un mouvement
qui va de la poussée corporelle (ph. 5) à la production,
à la réalisation. C'est la phase de la
technicité et du
savoir-faire, qui
implique la motricité, le bon fonctionnement du corps et l'organisation
des mouvements.
Phase 7 - La production
artistique. Il faut faire, ici, la distinction entre les productions des
arts plastiques, la production musicale, les arts corporels (mime, danse,
théâtre..). Ils peuvent être dominants ou associés.
Dans les Arts Corporels le corps fait part de l'oeuvre en association à
d'autres arts. Ex: art-thérapie à dominante de danse, ayant le
chant comme phénomène associé.
Phase 8 - Traitement mondain de la
production : regards critiques extérieurs pour valider la
Production
Phase 1' L'oeuvre
devient culture artistique
Représentation
graphique de synthèse
1'
251654144
7
1
251653120
8
251657216251658240251656192251648000251650048251649024AVANT
251659264
2
5'
3
251652096
5
251655168 4
B.3 L'Art comme moyen de socialisation est Communication et
Relation
L'être humain a toujours ressenti le besoin de
communiquer son monde intérieur, utilisant le langage et
l'expressivité comme formes de communication : besoin de
communiquer avec les autres, d'entrer en relation avec le monde
extérieur. « L'être humain est par nature un animal
social », selon Aristote. Avec cette vision d'un homme par nature
animal social se révèle la véritable essence de l'homme:
un être, à sa racine même, relationnel, social et civique,
qui se construit par rapport à l'autre: je suis dans l'autre, je
m'exprime, je m'affirme par l'autre et
grâce à l'autre.
La communication est donc, sous toutes ses formes, vitale pour
l'être humain, indispensable pour son bien-être et pour sa bonne
qualité existentielle.
Cependant, l'Art n'est pas juste une forme de communication,
c'est plus précisément un moyen de socialisation qui
aide la personne à entrer en contact avec l'autre. Dans les cas
où il y a des troubles de la communication (par ex. troubles mentaux
lourds ou pathologies dans lesquelles sont présentes des
difficultés de langage), l'exploitation de l'Art concerne son pouvoir
expressif et relationnel.
Il faut une distinction entre Communication et
Relation13(*).
Dans la première, il s'agit d'échanger des
informations avec un autre, grâce à la médiation des
fonctions cognitives. Communication et Relation ne sont pas forcément
liées l'une à l'autre. Il peut apparaitre soit un simple
échange d'informations entre nous et l'autre (communication), soit une
situation plus singulière où aucune transmission n'est
réalisée.
La Relation ne se vérifie pas au niveau
conceptuel, mais par l'expérience sensorielle et émotionnelle. Il
s'agit de ressentir ensemble, grâce au principe physique de la
vibration par sympathie. Le principe de « sympathie »
est ici entendu comme vibration simultanée des cordes que permet l'Art,
par exemple la musique. En groupe, il consiste à ressentir ensemble son
pouvoir entrainant dans le même temps. C'est le phénomène
de la résonance : ressentir ensemble le plaisir de
l'activité artistique, sa gratification sensorielle et sa puissance
entrainante. Cette poussée est la fonction existentielle de
l'Art. Sans elle, l'Art n'aurait aucun pouvoir thérapeutique.
La danse s'associe toujours à d'autres formes
d'Art : la musique, le chant. Donc, son pouvoir d'entraînement et de
relation est plus fort et puissant.
B.4 «Je ressens, je veux, je peux, je fais» :
Affirmation, confiance et estime de soi par l'activité artistique
Si l'opération artistique a le point de départ
dans l'impression sensorielle, la phase 4, l'intention, le
« je veux », est le point de départ de la
réalisation d'une oeuvre ou d'une activité Affirmation de soi,
estime de soi et confiance en soi sont, dans le même temps, moyens et
buts de l'Art dans une visée thérapeutique et humaine, ces buts
peuvent se réaliser grâce à l'aide de
l'art-thérapeute et de ses moyens artistiques, moyen dominant et
phénomènes associés, selon une méthodologie
adaptée à ces objectifs, par l'intervention du goût, du
style et de l'engagement, qui sont concernés dans l'activité
artistique.
Le goût va se lier à l'Affirmation de soi, car la
personne, en exprimant ses goûts, ses intérêts, AFFIRME ses
opinions, sa vision de la vie, mais surtout s'affirme elle-même.
Affirmer ses goûts amène la
personne à vouloir s'exprimer par une production artistique e
l'engagement dans une production artistique (« je
fais »), qui nous permet de la valoriser, implique une confiance
dans ses capacités, donc, une confiance en soi
même. Ce processus, qui aide la personne à
renforcer l'image d'elle-même et de sa personnalité, contribue
à renforcer son Estime de soi :
« je peux ».
Cela signifie retrouver l'envie de raviver et de revigorer la
qualité de la vie.
C. ART-THERAPIE A DOMINANTE DANSE ET EXPRESSION
CORPORELLE DANS LE PROCESSUS DE SOIN AVEC LA PERSONNE AGEE ATTEINTE
D'ALZHEIMER
C.1 Le pouvoir de l'Art et l'expérience
esthétique sont à valoriser dans la vieillesse et chez les
personne atteintes de démence
Est ce que l'intérêt pour la beauté existe
encore dans la vieillesse? Et surtout, la personne âgée, en
particulier le dément ou le malade, a-t-elle encore envie de la vivre,
la percevoir et l'apprécier ou reste-t-elle repliée sur
elle-même sans n'attendre plus rien?
Souvent on croit qu'il y a à la base de la personne
âgée une incapacité à capter la beauté, comme
s'il y avait un conflit entre beauté et vieillesse. Grâce à
plusieurs exemples trouvés dans la clinique et dans le monde de l'art,
il émerge un profil de la personne âgée, plutôt
ouvert et curieux vers le monde extérieur et ses aspects
esthétiques.
Il y a beaucoup de personnes âgées qui,
lorsqu'elles se trouvent face à une belle oeuvre d'art ou à
d'autres productions artistiques, ressentent des émotions qui touchent
leur monde intérieur. Comme cela a été mis en
évidence,14(*) ces
émotions réveillent en eux un sentiment de plaisir vers la vie,
plaisir qui paraissait assoupi.
Le plaisir esthétique permet à la personne
âgée de mieux supporter sa vie quotidienne, souvent monotone ou
difficile, en particulier pour les personnes malades.
La possibilité d'apprécier le plaisir du beau,
au- delà de l'intégrité sensorielle compromise, peut
compenser des sentiments de décadence physique et de perte de la
beauté du corps liés aux changements du temps qui passe.
La beauté a aussi le rôle pédagogique
d'aider la personne âgée à ressentir le plaisir, la
jouissance et le réveil de ses émotions intérieures. La
beauté a ce pouvoir de réveil émotionnel. La vue d'un beau
paysage, l'écoute d'une belle mélodie peut aider la personne
âgée à voyager vers son passé, vers ses souvenirs et
à revivre les mêmes sensations et émotions vécues
auparavant.
La beauté et le plaisir esthétique, avec cette
puissance «nostalgique et rêveuse », amènent vers une
sensation de paix intérieure, d'harmonie, d'intégration du
Soi15(*).
Mais la beauté n'est pas juste une puissance de notre
monde intérieur. Elle peut aussi créer chez la personne
âgée une ouverture vers les autres, vers le monde
extérieur. Elle donne à la personne âgée la
possibilité de sortir de son isolement, de sa solitude. La personne, en
fait, en ressentant du plaisir esthétique, éprouve aussi l'envie
de le partager avec les autres, de partager son enthousiasme. Ainsi la
signification de la beauté en vieillesse, exprime et réactive
soit le ressenti émotionnel de la personne et son monde
intérieur, soit une ouverture vers un monde extérieur qui casse
son isolement et sa solitude. C'est en cela que réside la valeur de la
beauté dans la vieillesse: donner la possibilité de se ressentir
encore vivant, grâce à un réveil émotionnel et
relationnel.
La personne âgée peut donc trouver dans
l'expression artistique, soit sous forme
d'activité, soit de réception, un moyen qui va
donner de la valeur et du sens à la vie. Cela reste vrai, même
quand il s'agit de personnes malades.
Le malade, comme la personne âgée, a besoin d'un
bel environnement, recherche
un ressenti harmonieux, compromis par les défaillances
mentales et corporelles.
L'Art peut répondre à ce besoin et guider la
personne vers la qualité existentielle. Il
est nécessaire, alors, qu'une énergie, une
poussée motrice ou corporelle, puise dans la tension existentielle de la
personne (le BON). Pour cette raison, l'être humain, et la personne
âgée, malade en particulier, peut éprouver un manque
lorsque l'art est absent dans sa vie.
L'expression artistique répond ainsi au besoin de
produire selon un critère esthétique, qui se fonde sur une
sensibilité pour le BEAU, un savoir ressentir les « belles »
choses. C'est le goût qui concerne l'appréciation qualitative
sensorielle des choses, c'est-à-dire que le corps physique est
impliqué par les sens. Mais les expériences sensorielles passent
aussi `au filtre' de la personnalité et des évaluations des
expériences précédentes, qui amènent l'être
humain à réagir quantitativement et qualitativement. La personne
âgée, ainsi que le malade , pour sa sensibilité et
potentielle capacité d'appréciation du beau, affirmant ses
goût et ses intérêts personnels, peut être
aidée à retrouver son patrimoine d'expérience et, donc,
la poussée à stimuler l'énergie motrice, à raviver
et revigorer sa qualité existentielle, sa valeur humaine. Il se pose,
alors, la question de savoir si une personne âgée démente
a la possibilité d'apprécier le rayonnement d'une chose et aussi
la capacité à exprimer ses goûts et de produire quelque
chose d'artistique ; en un mot, s'il est possible pour elle d'exploiter le
pouvoir thérapeutique de l'art.
C.2 Démonstrations du pouvoir
bénéfique de l'Art par des expériences
d'Art-thérapie sur le patients Alzheimer
C.2.1. Les Arts plastiques permettent au patient de
s'exprimer et d'éviter l'échec
Plusieurs expériences indiquent que les arts figuratifs
et corporels (peinture, sculpture, danse..) dans la maladie d'Alzheimer peuvent
être un outil précieux. Dans des cas plus lourds, l'Art I, art
archaïque, est le seul possible, car basé sur le ressenti corporel
et sur le plaisir sensoriel: Sentir le rythme musical, toucher par des actions
de manipulation. Par exemple, avec les arts plastiques, tous les sens des
patients peuvent être mobilisés:
· la vue : utilisation de
formes, coloris, outils pour la mise en scène et la création de
l'objet, les sculptures modelées
· l'ouïe : mobile sonore de certaines
sculptures
· le toucher: la
manipulation des matériaux
· l'odorat : parfums et senteurs de certains
matériaux.
La perte progressive du langage et, donc, de la
capacité de la personne de communiquer ses besoins, sensations, rend le
patient isolé et anxieux. Il s'agit d'exploiter le pouvoir
entraînant de l'Art, sous l'aspect relationnel: entrer en relation avec
les autres par un ressenti commun. L'Art Thérapeute peut aider à
s'exprimer sans paroles. Une possibilité est « l'Atelier de terre
», c'est-à-dire par le modelage, les arts plastiques, le patient
peut mettre en scène, avec l'aide de l'AT, ses besoins, sensations,
émotions et trouver qui l'accueille, le comprend et l'accompagne. L'Arts
plastiquez chez les malades de démence a été l'objet de
nombreuses travails de l'AFRATAPEM.
C.2.2 L'Art améliore la perception de soi chez
le patient Alzheimer : une Recherche
Le but d'un étude conduite par des chercheurs de
Naples16(*) sur un groupe
de
patients non lourdement atteints était de
vérifier l'efficacité sur la perception de soi, par un programme
basé sur l'observation et la description des oeuvres d'art, ainsi que de
mesurer l'impact de ces observations et descriptions sur la capacité de
communiquer leurs impressions et ressentis. L'hypothèse des chercheurs
est une amélioration de l'état psychologique des patients
après l'expérience. En parlant d'une oeuvre, il leur est plus
aisé et plus surmontable de parler librement de ce qu'elle suscite et il
n'y a pas besoin de se rappeler des dates, des noms, ce qui pour certains
patients peut faire naître une sensation de malaise et d'échec.
Cependant, ils devaient réussir à examiner les oeuvres et
à communiquer avec les autres. Pour cette raison, les patients ne
devaient pas être très lourdement atteints mais être
capables d'utiliser leurs fonctions cognitives, sans obstacle à la
communication verbale.
Le cadre expérimental des chercheurs de Naples a
prévu la formation de 2 groupes de malades d'Alzheimer d'un stade
modéré :
· Le premier, le groupe expérimental, le groupe A,
avec l'aide des art-thérapeutes, s'est dédié, en plusieurs
séances, à l'observation, au choix et à la description d'
oeuvres d'art figuratif, avec des tableaux photocopiés. Les images, aux
couleurs fortes brillantes et choisies avec des experts en la matière,
étaient liées à la vie quotidienne et à des
situations agréables, tels que les voyages, aptes à être
expliqués facilement et à être associés à
d'autres peintures et d'autres formes d'art (musique, danse, arts plastiques
etc.)
· Le groupe B, au contraire, s'est dédié
à des activités récréatives de loisirs et de jeux
simples, avec un crayon et du papier
Les résultats ont montré que le premier groupe a
sensiblement amélioré la perception et l'estime de soi par
rapport au groupe B. Egalement, le programme fondé sur l'art a
réduit le stress de l'entourage familier. Cette étude, a donc
permis d'évaluer positivement l'efficacité de la simple
observation des oeuvres à solliciter l'échange des besoins, des
désirs, et des sentiments des patients ainsi que l'évocation des
souvenirs.
C.2.3 Les ressentis peuvent stimuler le plaisir
esthétique et dégager les émotions
De manière globale, ces résultats et d'autres
tout aussi importants ont renforcé l'hypothèse que la
contemplation d'oeuvres artistiques peut contribuer chez les patients atteints
de la maladie d'Alzheimer à maintenir la capacité
d'appréciation des qualités esthétiques des choses.
C'est-à-dire que, devant les oeuvres d'arts, ces patients ont ressenti
des sensations qui les ont envahis et unis. Elles ont été des
gratifications sensorielles.
Il a été aussi constaté lors des
expériences de prises en charge individuelles que le plaisir est une
source de motivation et permet à la prise en charge d'évoluer et
de solliciter des prises d'initiatives. L'artiste ou la personne qui a produit
l'oeuvre s'est exprimé en faisant appel à des émotions.
Plusieurs travails AFRATAPEM sur les malades d'Alzheimer , comme celles-ci,
montrent que le ressenti esthétique fortement sollicité stimule
les émotions qui finiront par se dégager.
C.2.4 Le pouvoir de l'Art peut raviver et stimuler la
créativité et la mémoire émotionnelle :
expériences avec l'Art visuel, la musique et la danse
Dans le travail thérapeutique avec la personne atteinte
de la maladie d'Alzheimer,
en l'occurrence, l'utilisation de l'art sous ses diverses
formes, pour stimuler le plaisir de ressentir, peut aider le patient à
retrouver des vieilles émotions, en réactivant la mémoire
émotionnelle et l'expression créative. « Un sentier
alternatif pour récupérer le souvenir»17(*). Ce dernier aspect est la base
de la thérapie cognitive de la réminiscence, qui passe par
l'évocation des désirs, des sentiments, malgré le
déficit de la mémoire épisodique.
Chaque individu a un potentiel créatif qui peut rester
enfoui en lui sans possibilité d'être exploité. Cela reste
vrai même pour la personne âgée et atteinte de
démence, surtout si elle n'est pas encore aux stades avancés de
la maladie.
La créativité est une activité de
l'imagination. L'imaginaire est la capacité de représentation de
formes, images, objets qui viennent de l'intérieur. C'est la
capacité de dégager la fantaisie. Un groupe
d'art-thérapeutes18(*) ont mis en évidence l'expérience
entrainante de voir l'autre danser (phase 5' de l'Art opératoire), avec
un programme de séances en groupe. Dans le programme, le groupe est
divisé en 2 sous groupes, le groupe qui danse et un autre qui observe et
puis qui parle des impressions éprouvées. « A la
question : « `que ressentez-vous lorsque vous voyez danser un
autre ? » Ils ont répondu « Une ensemble
de sensations, de souvenirs, des mouvements se réveillent dans mon
corps. L'imagination se dégage » : l'impression
reçue par le danseur provoque une action créative, par simple
jouissance, en regardant l'autre.
D'autres chercheurs (University College London, 2005) ont mis
aussi en évidence que toutes ces sensations vont se réactiver
d'autant plus facilement qu'elles font déjà partie du patrimoine
intérieur du sujet observant. C'est une réactivation
d'énergie corporelle, de vieilles émotions et expériences
qui ont donné du bonheur.
Ces recherches permettent d'émettre l'hypothèse
d'un potentiel d'effet bénéfique chez les personnes atteintes de
démence de l'Art à dominante danse/expression corporelle, pour
ses caractéristique et sa nature.
C.3 Le corps, lien entre le but de l'idéal
esthétique et les facultés motrices, est à valoriser chez
le personnes atteintes de démence
C.3.1 L'expression corporelle fait appel aux
émotions, aux sens et aux mouvements19(*)
Parmi les activités artistiques avec lesquelles
travaille l'art-thérapeute, il y a les arts corporels.
Le corps est utilisé aussi dans les autres arts, mais
dans les arts corporels (danse, théâtre, expression corporelle) le
corps devient le protagoniste de l'activité artistique. Dans
l'expression corporelle, par exemple, on utilise le corps pour l'expression du
visage, la gestualité, les mouvements ; la voix pour
l'extériorisation des vécus intérieurs.
Le mouvement du corps dans la danse est lié au beau, à
l'harmonie en suivant la musique. Avec des exercices inspirés de la
danse et de la gymnastique qui cherchent
à développer harmonieusement la maîtrise
et la souplesse du corps, l'Expression
corporelle est un art, c'est un type
d'activité artistique dans lequel des techniques
précises associées à des expressions
personnelles se conjuguent ensemble, en
utilisant le corps comme forme expressive et communicative.
Grace à l'union
entre techniques utilisées et formes personnelles
crées, les gestes deviennent
harmonieux et esthétiques.
Dans la danse « académique »,
l'exploitation de techniques spécifiques
prédomine sur la spontanéité et sur
l'authenticité du geste personnel, en suivant
donc un code précis.
Dans l'expression corporelle, c'est le geste, sa
spontanéité et son improvisation qui prennent la parole. Le
danseur, dans ce cas, ne suit que son propre code intérieur.
Suivre son propre code, signifie faire appel à ses
émotions, sens et mouvements. Le terme émotion vient du latin
«emovere », mettre en mouvement. L'émotion,
donc, s'exprime par le mouvement. Dans l'oeuvre « La maitrise du
mouvement », Rudolf Laban, théoricien de la moderne dance,
analyse la nature du mouvement, entendu par l'auteur comme une
conséquence d'un impulse intérieur 20(*) : La
personne ressent le désir d'exprimer cet impulse par le
mouvement corporel, le désir de les décharger par le jeu des
différentes forces corporelles et par l'alternance des gestes. Ainsi,
le mouvement est exploité dans son aspect sensoriel.
Le regard: il adresse, il indique une intention, il
influe sur le déplacement
L'audition: la façon dont le son
(hauteur-intensité -timbre) est perçu, a des conséquences
sur le déplacement
Le toucher : exploration de l'espace et
des autres, sensibilité à la pesanteur, jeux avec la
matière (tissus etc...)
La kinesthésie: Ensemble des sensations de
mouvement que nous procure notre corps, c'est-à-dire sensibilité
nerveuse consciente concernant les muscles, les articulations, leur position,
leur tension et leur mouvement. Les sensations kinesthésiques informent
de la qualité de sa production en cours, l'accord entre ce qu'il veut
produire, ce qu'il peut produire et ce qu'il a produit. Outre les sens qui
mettent en relation le corps avec le monde extérieur (vue, goût,
etc.), dans la danse et l'expression corporelle une fonction importante est
effectuée.par les sens qui ont la perception du corps
intérieur : les propriocepteurs,
récepteurs sensibles aux stimulations causées par les mouvements
du corps et des organes.
Le corps va donc être utilisé dans sa
totalité, en donnant du sens à ce qu'on fait, à ses
mouvements. En suivant la pensée des derniers experts des neurosciences
(A. Damasio, J. LeDoux) la personne est entendue comme
« entité psychocorporelle », il n'y a donc pas de
scission entre corps et esprit, mais union entre eux. C'est grâce
à cette union psychocorporelle que les émotions deviennent
mouvements et que le mental se traduit en corporel.
C.3.2 Le Corps est l'intermédiaire entre le
monde intérieur et le monde extérieur
Pour Carolyn Carlson, la danse est l'expression des puissances
cachées : souffles mystérieux qui dessinent les mouvements
du corps et portent l'âme à se révéler. Dans la
danse, l'activité artistique se réalise au regard du monde.
C'est l'harmonie corps-esprit qui vient se montrer par le
corps, le lien entre le but de l'idéal esthétique, le monde
intérieur et les facultés motrices.
C'est une poussée corporelle liée au pouvoir
entrainante de la musique.
Á travers les mouvements, les gestes, les
possibilités motrices, vient s'établir une communication entre
notre propre intérieur (nos images intérieures, nos
émotions) et le monde extérieur. Le corps devient parole.
L'action corporelle réalisée avec conscience imaginative va
stimuler et enrichir la vie intérieure. L'expression consciente et
claire de nos gestes corporels se traduit en expression claire de
nous-mêmes, de nos vécus mentaux et émotionnels. Vient donc
se créer un lien, une relation entre le monde intérieur et
extérieur, car le corps en tant que structure ontologique est d'abord
et avant tout la référence première de notre
« être-au-monde » (Sartre, L'être et le
néant )
« Mon corps est lieu de ma
présence » ( Paul Valery).
La personne âgée et malade sent son corps
plutôt faible, fatigué ; la danse, ainsi, avec ses mouvements
corporels peut aider la personne à ressentir son corps non comme une
vieille machine mais plutôt comme encore énergique et
dynamique.
C.4 L'Art-thérapie à dominante danse et
expression corporelle peut aider les non voyants, pénalité de la
Syndrome de Benson, à s'exprimer
Le Syndrome de Benson est une forme de la maladie d'Alzheimer
qui atteint en premier la vue. Une des personnes prises en charge avait ce
syndrome. Alors, les personnes atteintes de déficits visuels graves
peuvent s'exprimer avec maitrise et entrer en relation avec les autres par la
danse et les autres arts corporels?
"Pour nous le contact avec les aveugles est
intéressant parce qu'ils nous fait connaitre beaucoup de la
sensibilité avec laquelle on écoute le rythme. Il semble que la
musique leur offre des instruments de survie que nous ne pouvons pas saisir".
Ils sont les affirmations d'un couple de danseurs, maitres de bal.
Plusieurs recherches et expériences en atelier ont
montré que la danse a un rôle très important dans les
programmes pour améliorer l'état de bien-être des non
voyants, par exemple les projets de l' «Unione Ciechi»
d'Italie ; en France le projet d'ACAJOU, qui utilise
une méthode de Laban sur l'équilibre kinesthésique.
Le projet d'ACAJOU est né d'une interrogation sur la
façon dont les déficients visuels perçoivent l'espace, se
le représentent et s'y engagent, et d'un désir de favoriser
l'épanouissement de leur imaginaire corporel et spatial.
Souvent, les ateliers sont ouverts aux voyants et déficients
visuels, afin d'éviter tout enfermement sur le handicap et de favoriser
les échanges entre des imaginaires différents. Il s'agit
concrètement de rendre l'univers de la danse accessible à un
public de non- et malvoyants.
Plusieurs ateliers de danse pour non et mal voyants ont
été créés, penchés sur une approche
sensorielle plus intense, grâce à des mises en situation dans des
espaces riches en stimulation, soit en situation de bals collectifs, soit de
couple. Dans le bal de couple, entre deux personnes peut aussi naitre une
syntonie corporelle sans l'activité visuelle, en utilisant d'autres
modalités sensorielles de manière amplifiée ; par exemple,
le toucher auquel le non voyant est habitué est très important.
Il est nécessaire de stimuler les sens proprioceptifs et de travailler
sur l'orientation dans l'espace. Ces personnes apprennent de manière
rapide l'orientation dans l'espace, même sans l'activité visuelle.
Un étude de l'Université de Pise mit cela en relation avec les
découvertes des neurosciences, en montrant, par la résonance
magnétique fonctionnelle, que l' apprentissage par imitation est
possible aussi chez les non voyants atteints depuis la naissance, grâce
à la présence des neurones- miroir, qui fonctionnent au
delà de la vue et par l'activation des autres neurones, en particulier
les neurones échos importants pour la musique et la danse. Ces sujets
aveugles qui écoutent le son d'actions (sonner la cloche, la plantation
d'un clou, frapper à la porte, par exemple) ont dans leur cerveau une
réponse des neurones miroir identique à celle des personnes qui
voient les mêmes actions.
Pour la danseuse Marie Fux, il faut d'abord leur donner
confiance dans l'espace qu'ils
ne pouvaient pas voir par l'activation des autres
systèmes de relation à l'extérieur, mais surtout
grâce à la confiance qui s'établit avec l'autre et avec
eux- mêmes.
C.5 La pratique de la danse et l'expression corporelle
comme acte volontaire dirigé peut favoriser l'affirmation de soi dans
les personnes atteintes de démence
L'expression est provoquée par une impression.
L'expression est ce qui caractérise un changement d'état visible,
c'est une activité dans le monde extérieur. La pratique des arts
corporels comme activité d'expression humaine volontaire dirigée
vers le beau peut favoriser aussi l'affirmation de soi. Lorsqu'une personne
s'exprime en arts corporels, lorsqu'elle danse, ou est captivée par le
rayonnement d'une danse entrainante, source de jouissance pour elle et qui
stimule des mouvements par sympathie, l'élan corporel amène
à une gratification existentielle, par la recherche du plaisir
esthétique. Rappelons que l'entraînement corporel, pour
l'interaction corps-esprit, produit une poussée naturelle à
mouvoir le corps (phase 5 de l' Art- Opératoire). La
poussée est donnée grâce à la volonté et
à l'intention ; elle est intention à extérioriser
l'état d'âme. L'intention est le traitement sophistiqué de
l'information, qui utilise non seulement le corps mais aussi l'activité
mentale dans ses fonctions cognitives et modalités psychologiques.
« je pense, donc j'existe »
(Descartes). Je veux, donc j'existe.
En ce cas, l'intention s'exprime par les arts corporels.
L'acte met en route le corps. La production est l'objet qui résulte de
cette volonté, cette intention et cette action. L'activité
artistique relie corps et esprit : « j'ai fais ».
L'intérêt pour l'activité artistique nous amène
à un épanouissement de nos facultés. Tout cela permet
d'envisager la restauration et la
rééducation de capacités mentales
défaillantes. La danse et l'expression corporelle donnent la
possibilité aux personnes âgées, démentes, non
voyantes, malades, de s'exprimer (fond), avec charme
et style (forme). Il donne la possibilité
d'une affirmation de soi à la personne âgée et la pousse
à améliorer ses expressions par des mouvements bien faits et
répondant bien au passage de l'intention à la production :
Dans les villages de l'Italie méridionale, où sont
ancrées des traditions populaires anciennes encore très
présentes 21(*),
les femmes âgées dansent souvent la tarentelle, avec des
mouvements frénétiques, représentation des
réactions d'une personne mordue par une grosse araignée. Elle
est dansée en manière si agile et entrainante que les corps des
vieilles femmes, même si rondes ou faibles, deviennent légers
comme des libellules et ardents comme celui de jeunes amoureuses (harmonie
fond/forme). Leurs corps dansants affirment ainsi leur présence ;
les femmes anciennes s'imposent dans leur identité culturelle au regard
enchanté des autres, « Je montre » (ph. 8 de l'Art
Opératoire).
Sans sa fonction existentielle de communication/relation,
l'Art n'aurait aucun potentiel thérapeutique. Dans les cas mentaux
lourds et graves, où la communication est presque nulle, persiste tout
de même la capacité à entrer en relation. Tout au long de
ce travail, donc, nous allons tenter de répondre à
l'hypothèse que la danse/expression corporelle peut
favoriser l'implication relationnelle des patients, grâce au
« ressentir » sa poussée entrainante, et, comme
activité d'expression humaine volontaire dirigée, peut favoriser
l'affirmation de soi aussi dans les patients démentes les plus lourds.
DEUXIEME PARTIE : UNE EXPERIENCE PRATIQUE D'ART
THERAPIE AU SEIN D'UNE MAISON DE RETRAITE MEDICALISEE POUR PERSONNES AGEES
DEPENDANTES
A. PRESENTATION DE LA MAISON DE RETRAITE MEDICALISEE
«TIERS TEMPS SAINT MAUR»
A.1 TIERS TEMPS SAINT MAUR: Présentation de la
structure, lieu de stage, et de l'équipe soignante
Les Résidences «TIERS TEMPS» sont des
établissements d'hébergements médicalisés qui
accueillent un public de personnes âgées de plus de 60ans
dépendantes ou semi dépendantes au niveau de l'autonomie de la
vie quotidienne et aussi des patients âgés avec différentes
pathologies psychophysiques. Ces résidences font partie du groupe
DOMUSVI, qui gère 74 résidences de ce type en France, et
accueillent temporairement ou définitivement des personnes
âgées en perte d'autonomie.
La Structure où s'est déroulé le stage
pratique, TIERS TEMPS Saint-Maur, est composée d'un :
1) EHPAD = Établissement d'Hébergement pour
Personnes Âgées Dépendantes
2) ACCUEIL DE JOUR
Dans l'EHPAD, se trouvent 140 résidents. Il s'agit de
personnes qui présentent différentes pathologies dont certaines
des maladies neurologiques : maladie d'Alzheimer ou autre démence,
maladie de Parkinson... .
L'Accueil de jour permet d'accueillir, dans une structure
encadrée et spécialisée des personnes atteintes de la
maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées. Ces personnes sont
à domicile et viennent une à plusieurs journées par
semaine. Cette structure permet une prise en charge spécifique aux
troubles cognitifs. Elle permet, aussi, de soulager l'entourage familier et
d'échanger avec des professionnels s'ils le souhaitent.
L'objectif de cet accueil de jour est, d'abord, de sauvegarder
le bien-être de la personne par différentes activités
mises en oeuvre par une équipe formée. Une AMP est permanente; la
psychologue, l'ergothérapeute et la psychomotricienne interviennent
ponctuellement. Le médecin assure le recrutement et le suivi des
personnes accueillies.
L'équipe de l'EHPAD est pluridisciplinaire:
- Une directrice ; un service administratif ; 3
hôtesses d'accueil ; le service hôtelier
- un médicine coordinateur ; un cadre de
santé ; un psychologue ; 9 IDE (Infirmier
Diplômé d'État) ; 9 AMP (Aide Médico-
Psychologique) ; 18 AS (Aide- Soignant) ; une
psychomotricienne ; une ergothérapeute ; une animatrice
Mon maître de stage a été la
psychologue.
Les équipes soignantes garantissent la prise en charge
médicale en intervenant et coordonnant l'ensemble des besoins
médicaux et paramédicaux des résidents.
Le médecin coordonnateur veille à l'application
des bonnes pratiques gériatriques avec l'ensemble de l'équipe
soignante. Il travaille en bonne intelligence avec le médecin traitant
du résident, son kiné, son orthophoniste si leur état le
nécessite ; il prescrit et coordonne également l'action de
la psychomotricienne et de l'ergothérapeute
A.2 Les objectifs thérapeutiques de la prise en
charge des patients sont liés à leur « Projet de
Vie »
La Résidence s'organise autour d'un projet
d'établissement.
Si l'objectif général de l'établissement
est le bien être des résidents, un projet d'établissement
est décliné en projet de soin individualisé, qui permet de
formaliser ces objectifs. Lors de l'arrivée d'un nouveau
résident, l'ensemble du personnel définit au cours des 2 premiers
mois ses besoins en fonction de son histoire de vie, ses désirs pour une
prise en charge adaptée, et rendre sa vie dans la résidence la
plus agréable possible. Une réunion d'intégration est
programmée à l'issue de cette période avec le
résident, sa famille. Elle permet d'affiner, de compléter ou de
corriger le projet initial.
Le projet de vie comprend le projet de soin, le projet
hôtelier, le projet d'animation..
Le projet de soin vise à prévenir et à
traiter les maladies, il définit les modalités selon lesquelles
l'établissement peut assurer les soins requis par l'état de
santé et le niveau d'autonomie de chaque résident.
Le projet hôtelier concerne la restauration, ses
goûts, ses allergies éventuelles.
Le projet d'animation s'attache à susciter et favoriser
la participation aux sorties et aux activités au sein de la
résidence soit à but thérapeutique, ludique ou
culturel.
Le projet de vie, quant à lui, limite le
désavantage social induit par la perte d'autonomie; il définit
les objectifs et les moyens de l'établissement en termes de
qualité hôtelière, d'hébergement et de vie sociale.
Les logements peuvent être personnalisés. De plus, le
résident a la possibilité d'inviter et de recevoir ses
proches.
A.3 TIERSTEMPS SAINT MAUR et les 3 principes fondamentaux
pour un projet thérapeutique efficace
Les résidences médicalisées disposent
d'un personnel paramédical disponible en permanence pour les
résidents. Ces établissements sont réputés
médicalisés, puisqu'ils ont la capacité de faire face
à la dégradation de l'état de santé et à la
perte d'autonomie des résidents.
Le projet de soin individuel suit une approche humaine et
professionnelle en considérant 3 principes:
- préserver l'autonomie par le respect de l'individu
- favoriser l'expression par l'écoute
- maintenir le rôle social par la participation: animation
et vie sociale.
Une attention particulière s'attache à favoriser,
maintenir et renforcer la synergie entre les ressources humaines (famille,
aidants) et professionnels disponibles dans la résidence.
La finalité prioritaire est donc de garantir une bonne
action sur la qualité existentielle
des personnes prises en charge, en favorisant
l'intégration sociale; c'est à dire une bonne interaction entre
eux et l'environnement dans lequel ils vivent, en donnant à ce public la
confiance et l'estime de soi.
A. 4 Les activités proposées pour les
résidents et l'importance des Ateliers d'Animation
La place de l'animation au sein du travail d'équipe est
une question cruciale pour la vie dans la résidence. Destinée
à favoriser l'intégration, la participation et le bien-être
des résidents, l'animation est vécue comme le lien entre les
différents secteurs d'activités, c'est l'affaire de tous. Des
ateliers d'animation et création artistique (musique, chant)
étaient organisés avec des rencontres en groupe, conduits par
l'animatrice. L'animateur travaille en collaboration avec l'ensemble du
personnel. Cela permet au résident de s'exprimer, d'agir, d'inscrire sa
vie dans la continuité malgré la rupture que représente
pour eux l'arrive en résidence. Le rôle de l'animation, donc, est
fondamental dans le projet de vie des résidents dans
l'établissement. Les animations favorisent la connaissance des
résidents entre eux, permettent d'aiguiser leurs envies et de maintenir
le lien avec l'extérieur, avec la participation à la vie sociale.
Les activités, variées, auxquelles chaque résident est
libre de participer, étaient organisées à la fois par
les équipes de l'établissement et par des professionnels, en
considérant les habitudes, les goûts et les envies du public
concerné.
Outre les activités d'animation, une attention
particulière était apportée aux activités
thérapeutiques, proposées soit par la psychomotricienne, soir
l'ergothérapeute, soit la psychologue.
B. MISE EN PLACE DU PREMIER ATELIER D'ART-THERAPIE A
DOMINANTE DANSE/ EXPRESSION CORPORELLE A LA MAISON « TIERS
TEMPS SAINT-MAUR »
B.1 Mise en oeuvre du projet art-thérapeutique
B.1.1 Il s'agit de la première expérience
art-thérapeutique à la maison, donc l'art-thérapie a
été présentée au sein de l'Etablissement
A la Maison où s'est déroulé le stage,
l'art-thérapie était peu connue, car l'arrivé d'un
art-thérapeute, était prévue après mon
expérience de stage. Il a donc été nécessaire de
présenter et d'expliquer l'art-thérapie dans ses
finalités, dans ses champs d'applications et méthodologies, en
particulier, le modèle et la méthode de l'AFRATAPEM de Tours.
Mise en place d'une réunion avec l'équipe soignante pour me faire
connaître, aussi la possibilité d'illustrer les objectifs et la
spécificité du travail de l'art-thérapeute, en
particulier, la différenciation avec les autres professions d'aide ( par
exemple le support psychologique) et la profession des animateurs,
l'art-thérapie étant souvent confondue avec l'animation.
B.1.2 Le déroulement du stage a
été organisé selon un cadre précis et défini
En accord avec les objectifs et les liens établis par
l'École d'Art-thérapie
AFRATAPEM, le stage pratique, d'une durée de 140h,
s'est déroulé entre juin et
août 2011. Il a été subdivisé en 3
phases :
a. La première phase, il s'agissait là
d'une période d'observation d'une durée de 10 jours, en
accord avec le maître de stage.
b. Puis, de la mise en oeuvre du projet, avec la
prise en charge des résidents et la création des Ateliers
d'Art-Thérapie.
c. La troisième et dernière phase,
où il s'agissait de la clôture et du bilan du stage,
orientés à l'évaluation des résultats
atteints des prises en charge et d'un bilan général de cette
expérience avec l'aval de mon maître de stage.
Il a été mis en évidence la
possibilité de mieux comprendre l'importance de plusieurs facteurs,
comme la capacité d'entrer en relation de confiance avec l'équipe
soignante et d'une approche critique sur le travail thérapeutique; le
respect des personnes prises en charge, de leurs besoins, de l'espace-temps,
des potentiels et des limites de chacun.
B.1.3 Un temps d'observation a été
nécessaire
Il a été retenu fondamentale une période
d'observation, afin de mieux adapter mon projet art-thérapeutique en
fonction du projet de l'établissement.
L'objectif du stage pratique était la prise en charge
en art thérapie de personnes âgées atteintes de la maladie
d'Alzheimer et il a été choisi une Maison de Retraite
Médicalisée, un EHPAD ; donc, le premier objectif a bien
été celui de la rencontre et de la prise de connaissance du
travail des soignants dans ce type d'établissement, Ainsi, il
était important d'observer comment la vie s'organisait au sein des
structures, avec l'accord du directeur.
La participation, en outre, aux réunions de
transmission, avec le personnel soignant, m'a permis de m'informer sur les
patients et de prendre connaissance de leur état de base, de leur
situation psychique et de leur évolution.
Ma participation aux animations a également
été importante. Cela m'a permis de prendre contact avec les
résidents, de signifier ma présence, de créer des liens
avec eux et avec l'équipe de soin, ainsi de prendre conscience des
capacités générales des patients et du type
d'activité qui leur plaisaient. La participation à des groupes
d'animation, surtout malades d'Alzheimer, m'a permis, en particulier, d'avoir
une première approche sur les capacités d'expression corporelle
de ces patients, sur leur modalité d'entrer en relation et en
communication avec les autres, ainsi que les stratégies les plus
adaptées pour stimuler leur participation. Par exemple, lors du premier
groupe auquel j'ai participé, l'animatrice m'a montrer comment stimuler
seulement dans le respect de leur besoins et déficits, en
privilégiant le réveil de vieux souvenirs et non les
discussions.
L'observation, c'est déroulée comme
ceci :
- Fonctionnement, organisation et objectifs
- Équipe soignante et leurs fonctions
thérapeutiques
- État de base des patients
- Objectifs et stratégies thérapeutiques pour la
prise en charge des patients, fixés par l'équipe soignante
- Observation de la méthodologie suivie pour la prise
en charge des patients
- Organisation des activités et des autres Ateliers.
B.2 Le projet art-thérapeutique en lien avec le
projet global de la Structure
B.2.1 La réalisation du stage et de ses
objectifs est en lien avec le projet de la structure
Après la période d'observation commence la
deuxième phase du stage, c'est-à-
dire la phase dans laquelle mon projet thérapeutique
prend forme, devient active. Ce travail a tenu compte autant de ma formation
théorique donnée par l'École d'Art-thérapie
AFRATAPEM que de l'orientation et des objectifs fixés ensemble avec
l'équipe soignante et la psychologue, mon maitre de stage; cela en lien
avec le projet global de la structure. La finalité prioritaire de
«Tiers Temps Saint Maur », comme on a vu avant, est
donc d'établir `un' projet de vie' personnalisé pour
garantir une bonne action sur la qualité existentielle des personnes
prises en charge, en favorisant la meilleure autonomie possible, la sortie de
l'isolement social et en donnant à ce public la possibilité
d'exprimer ses besoins, ses goûts, de prendre plus de confiance en soi et
de renforcer l'estime de soi.
En cohérence et linéarité avec ces
objectifs, j'ai organisé et dirigé mon travail
art-thérapeutique.
L'objectif prioritaire que je me suis fixé était
de « travailler sur la qualité existentielle de la
personne », par l'exploitation du pouvoir de l'art.
B.2.2 Avec l'équipe soignante, on fait le choix
des prises en charge individuelles
Précisons qu'il existe différentes formes de
prises en charge, la forme individuelle, le binôme ou le groupe.
Après un premier projet de prises en charge individuelles et
collectives, la durée très brève du stage s'est
orientée vers un type de prise en charge seulement individuel. Sur
indication de ma maitre de stage et de la coordinatrice AMP de l'accueil de
jour, 4 personnes ont été prises en charge, chacune atteinte de
pathologies différentes :
1) Mme L. 81ans = atteinte de la maladie d'Alzheimer
2) Mme C. 75ans = atteinte du Syndrome de Benson (forme
particulière d'Alzheimer), non voyante
3) Mme B. 81ans = atteinte de la maladie de Parkinson avec
démence
4) Monsieur E. 67ans = AVC (Accident Vasculaire
Cérébral) avec troubles du langage et psychomoteurs
Les personnes prises en charge lors de mes interventions ont
été choisies, selon différents critères :
d'abord sur l'indication de l'équipe soignante, la connaissance de
l'état de base de la personne et le premier contact de syntonie entre le
patient et moi. Aussi, par l'intérêt et la curiosité du
patient pour l'art en général.
J'ai donc proposé à chacun une prise en charge,
un travail art-thérapeutique en cohérence soit avec la
méthodologie et l'objectivité de l'art thérapie appris par
l'École de Tours, soit avec les principes et les objectifs
thérapeutiques fixés par la Structure, mais, surtout, en tenant
compte de chaque projet de vie individuel.
B.2.3 Le protocole de prise en charge est soumis
à une décision collective de l'équipe
Suite au diagnostic médical réalisé par
le médecin, un protocole est établi. Ce protocole est l'ensemble
des éléments qui constituent l'intérêt, la
faisabilité et la réalisation de l'activité
thérapeutique auprès des personnes. Une prise en charge en
art-thérapie se réalise en plusieurs étapes, de
l'orientation au bilan final, selon un protocole thérapeutique. Ce
protocole commence par l'orientation des personnes à prendre en charge
par l'équipe soignante.
Il faut que les objectif art-thérapeutiques soient en
lien avec ceux de l'équipe soignante.
B.3 Le projet a inclus la mise en place de l'Atelier selon
une méthodologie adaptée
B.3.1 Proposition de mise en place et organisation
d'Ateliers d'Art-thérapie à dominante danse et expression
corporelle
Après la période d'observation, j'ai
présenté à ma maître de stage et au reste de
l'équipe soignante, au cours des réunions
d'équipe, le projet de la mise en place et de l'organisation de
l'Atelier d'Art-thérapie, dont la danse et l'expression corporelle
étaient les arts dominants, le chant et le dessin étant des
arts associés, expliquant ainsi la qualité thérapeutique
de l'atelier d'art-thérapie, qui se distingue d'un atelier d'animation,
par son cadre thérapeutique et un cheminement personnalisé pour
chaque patient. En bénéficiant déjà de suivis
individuels en Accueil de jour, par plusieurs Ateliers, conduits par les
différents professionnels soignants (atelier mémoire, chant,
musique, jeux de société..), il a pourtant été
nécessaire de mettre en évidence ma
spécificité : un lieu où pouvoir aider les parties
saines du patient, expressives, émotionnelles, communicatives à
se développer, avec l'exploitation du potentiel artistique. J'ai
proposé et mis en place un Atelier d'Art-thérapie, un cadre
thérapeutique et un cheminement personnalisé pour chaque patient,
exploitant la danse et l'expression corporelle comme arts dominants,
associés à d'autres formes.
Améliorer la qualité existentielle de la
personne institutionnalisée implique, à mon avis, tout d'abord
de raviver le regard positif de la personne sur elle-même, la
revaloriser en travaillant sur sa propre estime, sur sa propre affirmation et
sa confiance. J'ai exploité, donc, le potentiel de la danse et de
l'expression corporelle pour améliorer la qualité de vie de la
personne, pour favoriser son bien-être. Ainsi, exploiter le corps, pour
améliorer et enrichir la communication avec les autres, en contribuant,
comme ça, à rejoindre un des objectifs prioritaires pour
l'Institution, c'est-à-dire renforcer et améliorer
l'intégration sociale.
B.3.2 D'autres phénomènes sont
associés : musique, dessin
J'ai eu 4 prises en charge différentes. Avec eux, je
n'ai pas toujours exploité ma spécificité comme dominante
artistique. Voilà les raisons :
1) Le corps de la personne peut présenter de la fatigue
et du coup ne pas avoir ni la force ni l'envie de s'activer, de bouger.
2) La personne, tout simplement, a plutôt l'envie de
s'exprimer librement dans d'autres activités artistiques.
3) Pour rejoindre les objectifs fixés, dans le
cheminement thérapeutique, il peut être nécessaire
d'exploiter plusieurs et différentes techniques.
4) Dans certaines pathologies il n'est pas toujours possible
d'utiliser la même activité et la même technique
artistique.
Pour ces motifs, sur les 4 prises en charge, avec Mme C. et
Mme L., j'ai utilisé la danse et l'expression corporelle comme arts
dominants, mais j'ai stimulé à la participation Monsieur E. et
Mme B. surtout avec d'autres moyens artistiques, c'est-à-dire la
peinture et le dessin, la musique et le chant.
B.3.3 Un cadre thérapeutique est défini
dans ses éléments
L'organisation de l'atelier et le cadre thérapeutique
sont convenus en accord avec l'équipe soignante et ma maitre de stage.
Cette organisation a tenu compte de :
Un lieu aménagé (l'atelier)/ Un temps
organisé/ Une méthode/ Des outils artistiques
Pour le lieu de l'Atelier où je
pouvais conduire mes séances, j'ai eu à disposition
plusieurs salles de la Structure. La salle de relaxation, la
salle de l'accueil du jour ainsi que d'une petite chambre à
côté de la grande salle de l'accueil du jour. Cette chambre est
utilisée lorsque la personne ressent le besoin de dormir et de se
reposer. Comme j'ai dit avant, j'avais 4 prises en charge, dont deux personnes
résidaient dans la Structure. Avec ces résidents, les
séances se sont déroulées dans leurs chambres. Leur propre
chambre dans ce cas devenait l'atelier aménagé.
Le temps, c'est-à-dire la cadence, la
durée et la fréquence des séances, les horaires
fixés. Ils dépendaient de plusieurs aspects : la
nécessité de maintenir les repères, respecter les horaires
et les habitudes de chaque personne a été déterminant pour
l'organisation du temps et du rythme des séances. En tenant compte aussi
des ateliers d'animation auxquels mes prises en charges participaient, j'ai,
donc, structuré mon « planning de travail ». Les
séances art-thérapeutiques étaient d'une durée de
40-45 minutes poursuivies par une heure de bilan de séance, à
raison d'une ou 2 séances par semaine, pour chaque patient.
Dans l'organisation du déroulement, il faut aussi
décider quelle méthode utiliser avec chaque
prise en charge, en définissant si la séance se déroule
sous forme de jeu, de situation libre ou d'exercice. Ont été
utilisées différentes méthodes, selon le contexte, le
moment, les besoins et les objectifs. Par exemple, avant de commencer la
séance, j'avais l'intention de dérouler celle-ci sous forme de
situation libre, alors que la séance avait nécessité d'un
déroulement qui différait pour être efficace et
bénéfique. En comprenant ceci, j'ai dû adapter et changer
mes formes et méthodes lors des séances qui suivirent. La
même chose s'est passée ainsi pour l'activité
artistique. Si la dominante, dans l'atelier, était la danse et
l'expression corporelle, ce choix ne m'empêchait pas d'utiliser aussi
d'autres phénomènes associés, dans mon cas, la musique et
le chant, le dessin et la peinture abstraite. Tout ça dépendait
du contexte, du besoin et des désirs du patient ainsi que des objectifs
thérapeutiques, des cibles et des items remarqués pendant le
cheminement des séances et du travail thérapeutique.
Les outils artistiques
étaient liés à la méthode utilisée dans
chaque séance. Grâce aux différents ateliers d'animations,
je disposais déjà du matériel dont j'avais besoin
(musique, couleurs, tissus, instruments musicaux).
B.4 Les Stratégies Thérapeutiques ont
été personnalisées selon l'état de base du patient,
l'intérêt, les objectifs et les moyens
B.4.1 Les stratégies ont été
différentiées entre les 4 prises en charge
Les stratégies thérapeutiques sont les
stratégies du travail adoptées par l'art thérapeute afin
d'atteindre ses objectifs thérapeutiques (général et
intermédiaires) pour chaque prise en charge.
Élaborer une stratégie thérapeutique veut
dire cibler les mécanismes défaillants au regard de
l'opération artistique, remarquant les sites d'action. Avec mes prises
en charge nous avons exploité différentes stratégies,
puisque je me trouvais face à différentes pathologies et
déficits.
B.4.2 Elles sont relatives à l'état de
base, aux objectifs, aux moyens artistiques utilisés, à
l'intérêt artistique
Avoir des prises en charge différentes entre elles
signifie ainsi avoir un plan thérapeutique différent pour chacun.
La connaissance de l'état de base du patient est fondamentale pour
établir un plan thérapeutique bien structuré.
L'état de base est en relation avec les capacités physiques,
cognitives et avec les maladies, les
déficits, le traitement médical.
Dès lors qu'une personne est indiquée par
l'équipe soignante, des entretiens
préalables sont organisés pour obtenir les
connaissances nécessaires. Les connaissances nous sont procurées
par l'équipe soignante, les médecins, mais aussi par le patient
lui-même et permettent d'établir des objectifs. Ceux- ici sont
fixés en lien avec l'objectif de soin fixé par le médecin
coordonnateur.
Entre les 4 prises en charge, sur 2 cas, Mme B. et Mme L., qui
avaient des pathologies plutôt lourdes, il a été possible
d'effectuer un travail d'art-thérapeutique suivant le modèle Art
I, donc une stratégie selon ce modèle et dans lequel il faut
privilégier une modalité de contact basé sur la relation
plus que sur la communication.
De Mme L., malade d'Alzheimer, et de Mme C., non voyante et
atteinte de Syndrome de Benson, nous parlerons ensuite de manière plus
détaillée.
Mme B. avait été indiquée pour son
état dépressif qui allait aggraver un cadre neurologique
parkinsonien déjà très avancé, avec le souhait que
l'entrainement dans une activité artistique puisse réveiller un
intérêt assoupi et raviver sa vie dans la maison. Mme C.et
Monsieur E., au contraire, n'avaient pas de gros troubles cognitifs et ils
pouvaient donc suivre un modèle Art II, plus élaboré.
Monsieur E., malgré les troubles associés à l'AVC,
manifestait déjà son goût artistique ; il s'agissait,
alors, de stimuler d'autres aspects, l'énergie motrice, par exemple, et
l'envie de participer, de s'engager dans ses intérêts, `la
poussée à faire'.
B.4.3 Des moyens sont à mettre en oeuvre pour
parvenir à l'objectif
Pour parvenir à l'objectif général, des
objectifs intermédiaires peuvent êtres fixés et aussi des
moyens imaginés. Ils vont servir de pont vers les objectifs
généraux. Les objectifs intermédiaires vont cibler les
mécanismes défaillants qui causent un blocage à la
personne pour rejoindre l'objectif, qui cible les sites d'action.
Nous allons, donc, nous arrêter sur l'organisation des
éléments, des techniques et des moyens artistiques, art dominant
et phénomènes associés. Il faut que
l'art-thérapeute s'adapte aux difficultés du patient, à
son style, à ses goûts, à ses attentes, à ses
limites, ainsi sur l'adoption de l'art dominante et phénomènes
associés. Pour stimuler la créativité de la personne prise
en charge, l'art thérapeute doit être ainsi créatif.
Si avec Mme C. et Mme L., j'ai utilisé la danse et
l'expression corporelle comme arts dominants ( voir Etude de deux
cas), j'ai stimulé Monsieur E. et Mme B. surtout avec d'autres
moyens artistiques.
Avec Monsieur E., homme de 67ans, lequel, à la suite
d'un AVC (Accident Vasculaire Cérébral) présente des
troubles du langage et des troubles psychomoteurs, j'ai déroulé
mon cheminement thérapeutique en utilisant souvent la musique et le
dessin, des activités artistiques très aimées par Monsieur
E. Même si, avec lui, j'ai plusieurs fois essayé la danse et
l'expression corporelle, j'ai remarqué qu'il n'était pas
intéressé par nos séances, au point de ne pas se souvenir
parfois de nos rendez-vous. J'ai alors préféré diriger mon
travail en utilisant d'autres techniques artistiques. De plus, ce patient
n'aimait pas du tout la danse et, à cause de ses déficits
psychomoteurs, ne présentait ni l'envie, ni la force de bouger son
corps. Et cela créait un blocage psychomoteur, mais aussi un blocage sur
la capacité de jouissance à la vue d'un autre danser.
Malgré cela, j'ai continué mon travail avec lui, car sa situation
de solitude dans sa chambre le conduisait vers une sorte d'ennui et
d'insatisfaction envers sa vie quotidienne. Nous avons construit des histoires
autour de certaines peintures crées par lui-même. À travers
l'écoute des différentes musiques nous avons improvisé d'
autres mélodies ensemble, en utilisant des outils présents dans
sa chambre comme des
instruments musicaux. Nous avons créé des petits
histoires autour de vieilles
chansons françaises. Tous ces moyens utilisés
dans le cheminement thérapeutique
ont contribué à instaurer une communication,
puis une relation entre lui et moi. Au début, nous avons eu des
difficultés de syntonie communicative, syntonie qui, petit à
petit, s'est développée. Notre point en commun,
c'est-à-dire la sensibilité pour l'Art, nous a aidé
à créer un lien entre deux personnes de générations
différentes et de différentes nationalités. En utilisant
le chant, la lecture de poèmes et de textes musicaux, nous avons
stimulé son langage, faculté défaillante chez Monsieur E.
Si au début, il montrait des inhibitions à chanter et à
lire, petit à petit, il s'est laissé aller. Ainsi son langage
paraissait plus fluide et clair.
La peinture et le dessin ont été
exploités avec une autre de mes résidents, Madame B., femme de 81
ans atteinte de la maladie de Parkinson. Si avec Monsieur E., la syntonie
communicative et relationnelle a grandi petit à petit, avec Madame B.
une sensation de sympathie réciproque nous a aidé à vite
établir notre relation, c'est-à-dire « l'implication
relationnelle ». Cette sensation de syntonie lui a donné une
confiance en elle et l'envie de partager de beaux moments ensemble. Madame B.,
indiquée par l'équipe soignante pour son état
dépressif et apathique, au contraire de Monsieur E. ne montrait pas un
intérêt particulier à l'Art. Je trouve qu'également
dans ce cas, l'approche relationnelle et technique a bien contribué
à conduire nos séances art thérapeutique et à
entrainer Madame B. vers les activités artistiques lors de nos
séances. Nous avons effectué, pendant notre travail, autre que
la danse et l'expression corporelle, aussi le dessin et la peinture abstraite.
A travers la danse, le dessin et la peinture, nous avons créé
« l'oiseau du bonheur » (expression dite spontanément par
Madame B. lors d'une séance de dessin). Ce sujet artistique lui a
provoqué un entrainement particulier au point qu'elle-même
proposait une attitude plus constructive vers notre travail, surtout dans les
dernières séances.
B.5 La prise en charge en Art-Thérapie
réalisée en plusieurs étapes de la Fiche d'Ouverture au
Bilan de fin de prise en charge
B.5.1 Les premières séances ont permis la
réalisation d'une Fiche d'ouverture
Afin d'exploiter aux mieux les connaissances médicales
et paramédicales, l'art-thérapie doit donner une importance
particulière à la bonne gestion des informations que l'atelier
pourra lui procurer, à commencer par les premières rencontres.
Les premières séances m'ont permis une
connaissance globale de la personne en m'aidant à compléter une
Fiche d'ouverture.
L'état de base de la personne est défini par
plusieurs éléments : Capacités physiques, Capacités
intellectuelles, Déficits, Pathologies, Traitement médical.
Dans la fiche d'ouverture on tient compte :
- Des dispositions vers l' esthétique
- Des goûts personnels
- Des capacités relationnelles
Elle met en évidence les aspects fondamentaux et le
but de la prise en charge.
B.5.2 La Fiche d'ouverture donne l'orientation
Si les informations recueillies auprès de l'équipe
et du médecin ont été importantes et ont participé
à la mise en place du projet, la première rencontre avec le
patient m'a orientée tout autant. La Fiche d'ouverture est le
début de la Fiche d'observation et présente les items
théoriques de base sélectionnés ainsi que la motivation
de
cette sélection, en permettant d'aller du
général au particulier. Les objectifs
généraux et intermédiaires orientent le
choix de ces items, en orientant l'activité.
L'utilisation de la fiche d'ouverture, dans mes
différentes prises en charge, m'a permis de remarquer les
éléments importants sur lesquels baser mon travail.
B.5.3 Une Fiche d'Observation et les séances
ont permis l'élaboration de la prise en charge
Mes prises en charge ont été individuelles. J'ai
utilisé, pour la compilation des informations relatives aux
séances, la Fiche d'Observation, qui concerne les prises en charge
individuelles. La fiche d'observation facilite notre travail art
thérapeutique lors de nos prises en charge. Elle est, en premier lieu,
une sorte de mémoire de chaque séance, composée de
différentes rubriques, dont les généralités du
patient (identification, raisons de la
prise en charge...), phénomène
artistique (intention artistique, capacités esthétiques,...),
capacités de communication et de relation observées, les moyens
utilisés, les bilans des séances. Elle est un moyen de
contrôle et de vigilance de l'action thérapeutique (R. Forestier,
Tout Savoir sur l'art-thérapie).
De plus, elle ne se présente pas toujours de la
même façon, mais s'adapte selon la prise en charge et le contexte.
Si l'utilisation de la fiche d'ouverture m' a permis l'orientation, la
Rubrique de la Fiche d'observation m'a permis de clarifier les
éléments élaborés et traités lors de mes
séances et, par conséquence, m' a permis d'évaluer
l'évolution de mes prises en charge. Cette évaluation est
commentée avec la fiche de clôture, qui comprend une
synthèse et un bilan de la prise en charge. C'est la troisième et
dernière phase, dédiée à l'évaluation des
résultats atteints de la prise en charge et à un bilan
général de cette expérience avec l'aval de mon
maître de stage. Il a été mis en évidence la
possibilité de mieux comprendre l'importance de plusieurs facteurs,
comme la capacité d'entrer en relation de confiance avec l'équipe
soignante et une approche critique sur le travail thérapeutique; le
respect des personnes prises en charge, de leurs besoins, de l'espace-temps,
des potentiels et des limites de chacun.
B.6 L'observation et les outils de l'art-thérapeute
ont permis la réalisation d'un cheminement thérapeutique
B.6.1 La grille d'observation permet le recueil des
informations
La fiche d'observation est propre à chaque prise en
charge. Celle-ci est élaborée en lien avec les objectifs
thérapeutiques et intermédiaires. Elle regroupe des informations
de base, comme la date, le repérage des séances, le rappel des
objectifs, mais, plus, particulièrement, elle permet
l'appréciation des observations relatives aux objectifs. Cette
appréciation permettra d'évaluer l'évolution de la prise
en charge. L'outil qui permet le recueil des informations relatives aux
observations à apprécier est la `grille d'observation'. Elle
recueille les items, ceux de base, ceux émergents petit à petit
au cours du cheminement thérapeutique. En fait, pour la gestion des
informations, il est nécessaire de considérer
- L'OBJECTIF THERAPEUTIQUE
- ensuite, le CHEMINEMENT thérapeutique adapté
pour atteindre cet objectif, avec les SITES D'ACTION et les NIVEAUX
d'ORGANISATION qui peuvent faire des cibles thérapeutiques
CHEMINEMENT= C
---T1----T2---T3------------------ETC----------------------------->
OG(Objectif Général )
Si nous considérons le déroulement temporel du
cheminement thérapeutique, la mesure de ce temps s'effectue par les
abréviations: T1 , pour la première
séance, T2 , pour la deuxième...
B.6.2 Les Items sont fixés en lien avec
l'état de base du patient, l'objectif général et le suivi
du cheminement
L'item est la plus petite unité appréciable d'un
Niveau d'Organisation(Tout savoir sur l'art thérapie). Lorsqu'ils sont
quantitatifs, sont appréciés en mesure, nombre, temps (par
exemple nombres de regards ou de verbalisations) ; lorsqu'ils sont
qualitatifs, en termes progressifs (du moins au plus).
En connaissant l'état de base du patient, il est plus
facile d'établir des items sur lesquels travailler, donc
d'établir l'objectif général sur lequel nous voulons
travailler et que nous voulons atteindre. L'item est retenu utile soit pour
l'objectif général, soit pour le suivi du cheminement
thérapeutique, car il nous aide à clarifier la direction
à prendre à fixer des objectifs intermédiaires. Nous
distinguons ici les objectifs généraux et intermédiaires
qui orientent l'activité et le suivi du cheminement et qui sont
localisés dans les sites d'action, c'est-à-dire où il faut
travailler pour cibler des difficultés.
B.6.3 La notation des items, les graphiques et leurs
cotations ont permis une évaluation objective de la prise en charge
L'item est aussi la base de l'observation et de
l'évaluation. Il constitue le plus petit fait observable. Il
apparaît comme expression pertinente d'une difficulté. Quand
l'item n'est plus expression d'une difficulté, cela peut signifier que
la difficulté est surmontée. Donc, la notation de l'item est
l'élément qui permet d'évaluer, si une difficulté a
été surmontée ou non.
C'est la pertinence du choix de l'item et sa quantification
qui permettent l'évaluation de la prise en charge. L'évaluation
est la comparaison des mesures du même item dans des situations
similaires tout au long des prises en charge du patient 22(*) . De plus, l'évaluation
nous donne la possibilité d'un regard objectif sur l'évolution
du patient pendant son cheminement thérapeutique (ANNEXE 4). Les grilles
des mesures, dans ce cas ici, sont fondamentales car elles permettent de bien
clarifier l'évaluation du patient. 251664384
Si les fiches d'observation font partie de l'évaluation
sur la cotation des items indiqués, le BAT1 est une
autoévaluation faite par le patient : s'il trouve sa production
belle (Beau), si il la trouve bien faite (Bien) et si il a envie de continuer
(Bon). L'art-thérapeute recueille analyse ces cotations, apprécie
leur cohérence en fonction de l'état de base du patient et les
complète avec d'autres informations (BAT 2). Enfin le BAT3 est une
synthèse des BAT. Le BAT3 permet de visualiser les résultats
obtenus dans le temps. Ainsi, l'art-thérapeute peut se rendre compte des
effets de la thérapie sur le patient et peut ajuster ses objectifs en
fonction de l'évolution
Certains patients ne peuvent pas remplir le BAT1 soit qu'ils ne
peuvent pas physiquement et l'art-thérapeute peut oraliser le bilan,
soit qu'ils sont déconcertés et l'art thérapeute se repose
essentiellement sur ses fiches d'observations. Pourtant, plusieurs
modèles de BAT peuvent faire l'objet de modifications et d'adaptations
selon les patients.
C. ETUDE DE DEUX CAS: MADAME C. ET MADAME L.
C.1 Madame C.
C.1.1 Anamnèse et état de base
Madame C. est une dame âgée de 75 ans, qui
fréquente l'accueil du jour et présente le syndrome de
Benson, variante de la maladie d'Alzheimer avec des troubles de la vue
importants. Madame C. ne voit presque plus rien. Au début,
c'était une cécité périphérique,
bientôt devenue une cécité centrale. Madame C. souffre
aussi de troubles psychomoteurs.
Le syndrome de Benson évolue vers un déficit de
la motricité, en présentant une
rigidité musculaire accompagnée, souvent, par
des mouvements involontaires :
gestes et mouvements saccadés et rapides.
Présence également de troubles agnosiques. Madame C.
présente des troubles de la perception des formes (agnosie aperceptive)
et une difficulté dans l'association entre forme perçue et sa
signification (agnosie associative). Elle a perdu aussi la fluidité du
langage. Elle
perd souvent le fil de ce qu'elle raconte. Et elle se
détériore de jour en jour.
A la différence des autres patients, ses
facultés cognitives, comme le raisonnement, la mémoire à
court et long terme sont préservées. A cause de cela, Madame C.
vit sa situation en pleine conscience. L'anamnèse de Madame C m'a
renseigné sur sa vie, son passé: avant le Syndrome de Benson,
Madame C. a eu un cancer du sein traité par radiothérapie.
C.1.2 Le comportement général de madame
C. a motivé son indication en art thérapie
Voici les raisons évoquées par l'équipe
lors de la décision d'orientation de Madame C. vers une prise en charge
d'art- thérapie :
1) Madame C., à cause de sa pathologie, a perdu son
autonomie. Dans le petit fascicule écrit par elle-même avec
l'aide de ses 2 orthophonistes, « Maladie d'Alzheimer, histoire d'une
expérience », Madame C. exprime son vécu par rapport
à la maladie : « j'aime et j'ai besoin de liberté
». La perte d'autonomie a provoqué en Madame C. une
dévalorisation d'elle-même accompagnée par des
épisodes dépressifs de plus en plus fréquents.
2) Son goût pour l'art en général, en
particulier pour le chant et la danse, n'a pu s'exprimer à cause de sa
maladie.
3) Madame C. a renoncé à ce plaisir et à
ces moments agréables.
4) Son besoin de communication et de relation avec les autres,
de partager avec eux des moments agréables est moins satisfait, car
son côté dépressif et dévalorisant a provoqué
un isolement et un repli sur elle-même : « j'aime le
rapport avec les autres mais malheureusement je ne peux plus beaucoup
communiquer » (Maladie d'Alzheimer :
Histoire d'une expérience).
C.1.3 Les objectifs de l'équipe soignante
visent à améliorer son état dépressif et à
favoriser l'autonomie
Permettre à Madame C. de retrouver un élan
vital, la soutenir dans ses moments de dévalorisation et de
dépression, la stimuler, par les différentes activités
proposées par l'équipe soignante, à reprendre goût
à la vie, à se revaloriser et à renouer des liens avec les
autres.
C.1.4 La confiance en soi et dans ses
capacités est l'objectif général de la prise en charge
art-thérapeutique
Au cours d'une discussion avec la psychologue, nous avons
fixé un objectif
thérapeutique général. Nous avons
pensé qu'il était nécessaire d'exploiter le potentiel
thérapeutique de la danse et de l'expression corporelle avec Madame C.
Suite à une première séance de rencontre, la prise en
charge en art-thérapie a été axée autour d'un
objectif principal: la reprise de « confiance en
soi » et dans ses capacités malgré ses handicaps,
en particulier son handicap sensoriel et les troubles du langage. À
partir de cet objectif général les notions d'affirmation et
d'estime de soi sont également impliquées.
Nous avons donc pensé qu'il était
nécessaire de travailler sur la mise en valeur de son image et de
raviver le regard positif de la personne sur elle-même, afin de lui
donner du courage pour s'exprimer avec son corps, pour améliorer et
enrichir les relations et
la communication avec les autres.
C.1.5 L'image de soi est à évaluer
L'image corporelle d'une personne qui perd la vue est
fortement blessée. Madame C., montre une perte de l'estime
d'elle-même, due à une perte de confiance dans ses
capacités d'autonomie et de sa possibilité de jouissance des
belles choses de la vie, avec une perte constante de son image, aussi bien dans
son aspect extérieur, que comme personne.
Avec elle, on a travaillé beaucoup sur la
possibilité de retrouver une bonne image d'elle-même. Se sentir
inutile, se sentir comme un poids, voir son corps non comme une source
puissante, mais plutôt comme une « vieille
voiture que ne marche plus » influe
négativement sur le côté psychologique de la personne.
La danse et l'expression corporelle, avec Madame C., ont
été exploitées comme des moyens pour retrouver une bonne
image d'elle par des gestes et des mouvements élégants,
harmonieux et féminins et pour retrouver le goût de se sentir
puissante et vivante.
C.1.6 Des objectifs intermédiaires sont
fixés
Pour retrouver une confiance en soi, en passant par une remise
en valeur de son image frustrée et par le désir d'agir, des
objectifs intermédiaires de base ont été fixés.
- Retrouver l'élan et le plaisir d'agir
- Favoriser un progrès d'autonomie dans les
mouvements grâce à l'élan corporel
- Favoriser les capacités imaginatives
- Améliorer et enrichir la communication avec les
autres par l'expression corporelle
- Favoriser une maitrise gestuelle plus agréable et
harmonieuse.
D'autres objectifs seront à cibler en cours de
route.
C.1.7 Analyse de la dynamique des séances avec
madame C.
Madame C. aime beaucoup danser et chanter. Elle
fréquente l'accueil de jour. Le déroulement des
séances avec elle était structuré selon ce cadre-ci: 2
jours par semaine, mercredi et jeudi après-midi, de 40-50 minutes. Notre
parcours thérapeutique a été de 8 séances.
Séance
« rencontre » : Notre première
séance d'art thérapeutique a eu lieu le 10 juillet. Il faut
préciser que j'ai commencé mes séances avec elle plus
tard par rapport à mes autres prises en charge, mais nous nous
étions déjà connues pendant ma première
période de stage.
Cette séance fut plutôt une
« séance de présentation et de
connaissance ». Lors de cette rencontre, je lui fis la proposition de
participer à des séances d'art thérapie, en lui expliquant
ma position. Elle accepte avec enthousiasme et nous avons commencé notre
connaissance et nous avons exprimé nos considérations et nos
goûts par rapport à l'Art.
1° Séance : La
musique classique nous a tenu compagnie pendant nos 40 minutes
de séance. Pendant les 15 premières minutes, nous
avons effectué des exercices
d'échauffement, de respiration et de motricité afin
de détendre nos corps et les
préparer à la danse. 2°
Séance Après les exercices de
respiration, je lui ai proposé un jeu d'exploration : Nous marchons
ensemble dans la salle au rythme de la musique. À un certain moment
j'invite Madame C. à s'arrêter et nous faisons des petits gestes
en dansant ensemble. Puis, nous recommençons à marcher et
à explorer la salle, 3 fois de suite. J'ai pensé exploiter le
sens du toucher pour bien connaître notre espace, mais aussi pour prendre
contact avec nos différentes parties du corps et pour sentir le plaisir
sensoriel.
ITEMS OBSERVÉS LORS DE LA
SÉANCE :
1) Madame C. ne se déplace pas dans l'espace toute
seule et en plus elle
montre souvent des mouvements involontaires rapides. Ça
la gêne et bloque son envie de continuer à danser.
2) Elle ne danse pas si elle ne sent pas le contact corporel
avec moi. Elle a peur de tomber et se bloque si je la laisse aller toute seule
dans l'espace. Le contact corporel entre nous se fait pendant presque tout le
temps de la séance. Le contact corporel donne du plaisir et de la
gratification sensorielle, mais peut aussi devenir un obstacle à son
désir d'autonomie et de liberté.
Nous avons donc un site d'action et deux obstacles
inhibiteurs à cibler.
3°Séance :
Le lieu de la séance est toujours le même : la chambre
à coté de la salle de l'Accueil de jour.
Madame C. se souvient de moi et de notre séance et
démontre un comportement actif envers notre travail. Elle a envie de
« faire ». Après nos 15 minutes d'ouverture avec la
respiration et l'échauffement corporel, nous avons continué le
jeu d'exploration. Mon objectif intermédiaire de séance a
été de surmonter la peur de se lancer dans l'espace et lui
donner ainsi un sens de liberté, la laisser libre de bouger sur les
notes de la musique. Voir son corps s'exprimer avec spontanéité
et liberté.
Madame C. aimait beaucoup voyager. L'exploration, au
début exploration spatiale, est devenue exploration imaginative.
« Le corps-oeil gitan et vagabond » : voilà le
titre de notre voyage.
Dans la 2° partie, j'ai proposé à Madame C.
l'écoute d'un tango. De sa propre initiative, elle a commencé
à danser en disant « c'est beau l'Argentine, dommage que je ne
l'ai jamais visitée ». En dansant, petit à petit, avec
l'imagination, nous sommes arrivés en Argentine! Pour atteindre
l'objectif de cette séance, j'ai essayé d'alterner la danse en
couple (contact corporel) à la danse libre et autonome dans l'espace.
FAIT APPARU LORS DE LA SEANCE : Quand elle ne
sentait plus mon corps en contact avec le sien, elle se bloquait : «
Ne me laissez pas, j'ai peur de tomber si j'ai mes gestes
incontrôlés... »
4° Séance :
Son état émotif et psychologique n'est pas aussi positif que les
autres jours. Elle est nerveuse et de mauvaise humeur. Vu son
intérêt pour le voyage, je lui propose de « voyager
par le monde » en écoutant et en dansant chaque fois des
musiques folkloriques différentes. Elle accepte mais elle est
plutôt démotivée « Vous savez, parfois
j'ai des problèmes gestuels et de langage...il faut avoir de la
patience ». Je lui explique que je connais bien sa situation et
que je reste toujours vigilante et prête à l'aider. Je lui
présente mon Pays et sa danse, la Tarentelle. Cette musique, à
mon avis, marchait bien avec la situation de Madame C. :
· La Tarentelle est une danse où le corps se
déplace rapidement sur une musique avec une mélodie toujours la
même, mais à un rythme croissant. Les mouvements sont toujours
plus frénétiques, désordonnés et non
contrôlés. Ce type de danse, alors, permet à une personne
de ne pas avoir de contrôle sur son corps, mais amène à se
lâcher et évoluer dans l'espace et dans le plaisir
entraînant de la musique
(élan corporel/ fonction de catharsis)
· C'est une danse qui peut être dansée, soit
en couple, soit toute seule. Cela correspondait bien avec notre danse
« approche-distance corporelle ».
FAITS APPARUS LORS DE LA SEANCE
1) Madame C. a dansé sur la musique, même si
parfois elle avait des gestes et des mouvements corporels involontaires. Elle
ne s'est pas bloquée. Elle accompagne ses gestes par des sons, qu'elle
répète avec ses mouvements
2) Elle me questionnait aussi sur l'Italie : elle
était curieuse de connaître un peu mieux mes traditions
3) Elle présente une évaluation de la
séance et une autoévaluation : « C'est
très bien ce que vous faites avec
moi ! » C'est le commentaire de Madame
C. à la fin de notre séance
4) Mais elle montre encore des difficultés à se
déplacer toute seule dans l'espace en me cherchant très
souvent
Donc, le premier objectif a été
ciblé, c'est-à-dire le blocage causé par sa
gestualité parfois non contrôlée et à son regard peu
agréable, mais il reste le deuxième objectif.
5°
Séance : Nous avons changé la salle de
notre travail art-thérapeutique.
Nous avons utilisé la salle de gym, plus grande et plus
spacieuse.
Notre jeu d'exploration spatiale et imaginative continue.
Nous écoutons la musique des pays Balkaniques. Madame
C. exprime son intérêt pour cet autre pays étranger. Elle
s'entraine particulièrement en écoutant la musique folklorique et
populaire.
Cette fois, j'ai amené des tissus et des foulards avec
lesquels on pouvait danser.
À la place du contact corporel, on a utilisé
ces outils. Le sens de le toucher comme moyen de contact et communication avec
l'extérieur a été encore une fois exploité.
Je lui ai dit que le foulard pouvait être soit un moyen
de communication entre nous, soit un instrument pour créer de
nouvelles formes corporelles. La danse avec le foulard nous a permis de
retrouver encore une fois le contact corporel (approche-distance), en jouant
sur le binôme « dépendance --autonomie ».
FAITS APPARUS LORS DE LA SEANCE
1) Madame C. a confiance en moi et suit « les
règles du jeu ». Au début, elle a de la
difficulté à s'éloigner de moi, mais petit à petit,
elle découvre la sensation agréable de danser toute seule. Ses
mouvements sont plus riches, plus fins, plus variés.
2) Sa sensation de liberté corporelle enrichit ainsi
son côté créatif ; elle ose se lancer de plus en plus
et exploite l'espace qui l'entoure. « Si les autres nous
écoutent ils diraient qu'on est folles ! mais c'est bien, je suis
contente »
6°-7°
Séances: Nous continuons notre parcours
sur le thème du voyage d'exploration. Musiques africaines, musiques
arabes etc. Les danses africaines ont donné à Madame C. la
possibilité de fondre ses réflexes involontaires gênants
avec les mouvements archaïques et tribaux de la danse africaine. Elle est
plus sûre dans l'espace qui l'entoure La musique arabe a aidé
Madame C. à sentir son corps comme un corps vivant et féminin.
ITEMS « A SURPRISE » APPRECIES LORS DE
LA SEANCE :
1. Son corps est plus détendu par rapport aux
premières séances, nous n'avons plus besoin de 15 minutes
d'échauffement et de détente, mais plutôt 5-10 minutes.
Madame C. est plus détendue
2. Je remarque qu'ainsi ses gestes incontrôlables et
involontaires ont diminué.
3. Madame C. se trouve à présent dans une
ambiance agréable et détendue,
dans une bonne condition psychique et physique.
8° et dernière
Séance : Madame C. vient à l'Accueil de
jour, comme chaque mercredi, mais elle n'est pas de bonne humeur. Pendant le
week-end passé, elle est tombée lors d'une promenade. Son visage
montre des blessures légères mais évidentes, qui la
gênent. Malgré cela, Madame C. ne refuse pas notre séance.
Nous sommes allées dans la salle de gym. Avant de commencer notre
travail, elle me raconte l'épisode de sa chute, en exprimant aussi son
état émotif.
Elle-même m'a proposé de danser la tarentelle,
car cela lui procure de joyeuses sensations. Nous avons utilisé un
nouvel instrument : les castagnettes. En se rappelant les danseurs de
flamenco, Madame C. n'a pas eu de difficulté à utiliser ce
matériel. Elle n'aurait jamais compris ce qu'elle devait faire avec une
simple explication verbale, à cause de ses troubles gnosiques.
ITEMS APPRECIÉS LORS DE LA SÉANCE :
1) Expression d'évaluation et
autoévaluation : Madame C., lors que nous dansons sur les notes de
la tarentelle : Qu'-est ce que c'est beau ce que vous faites pour
moi ! Dommage que vous partiez, on s'entend bien ! ».
Et encore : C'est bien qu'on ait les mêmes goûts pour la
musique et la danse »
2) Elle a eu juste une fois ses mouvements involontaires.
C.1.8 Evaluation de Mme C. au cours de la prise en
charge : les items sont évalués de façon objective et
amènent à une découverte de ses potentialités
Dans les graphiques annexes et dans l'analyse des
séances, on peut observer de façon objective l'évolution
de Mme C. vers l'acquisition de l'autonomie dans l'espace et un
relâchement du corps, qui devient toujours plus détendu et
où les mouvements incontrôlés diminuent. L'harmonie
corps/esprit se manifeste avec un épanouissement de l'activité
imaginaire. L'autonomie dans l'espace et l'exploitation de l'imaginaire
débloquent la richesse et l'harmonie dans la danse et l'expression
corporelle. Son corps devient expressif, vivant et féminin, à
bénéfice de son image.
C.1.9 L'Analyse et l'évaluation des
observations des séances nous permet de tirer une synthèse et un
bilan positif de la prise en charge
Un objectif prioritaire, favoriser l'autonomie de la personne,
visant surtout à l'autonomie corporelle dans l'espace, a
été atteint progressivement, grâce aussi à la
relation de confiance entre la patiente et moi. Il a permis d'atteindre
l'objectif général fixé et de faire éprouver
à la patiente plus de confiance en elle et dans ses
possibilités, au bénéfice de l'image de soi.
251666432251665408Si, d'abord, les craintes, causées
par le déficit de la vue, inhibaient ses mouvements dans la salle de
l'Atelier, après quelques séances, Mme C. est devenue
réceptive et aussi plus participative et créative. Plus active
dans le choix des musiques et des lieux à visiter, elle a réussi
aussi à danser toute seule ainsi son corps, s'est détendu petit
à petit. Sa relation avec moi, tout d'abord vue comme une syntonie
corporelle est devenue une relation de confiance. Elle se
déplaçait avec plus de sûreté dans l'atelier.
Plusieurs lieux ont été visités et
vécus avec densité émotionnelle. La fantaisie,
l'imagination ont été stimulées à travers la danse
et la musique. Plusieurs émotions sont entrées en jeu et
passées par le contact corporel et la jouissance de «visions
imaginaires» grâce au «corps-oeil gitan et vagabond»,
suivies par des mouvements toujours nouveau et par des chants
créés sur le moment par elle-même. Avec un
intérêt progressif et une participation active aux séances,
Madame C. a souvent exprimé son état de satisfaction pour les
objectifs atteints.
INTENTION- ACTION-
PRODUCTION : les fondements de l'activité
artistique
sont ainsi remarqués, déterminant la fonction
esthétique
Évaluation de la confiance en soi faite par une
évaluation récapitulative des objectifs intermédiaires au
regard du phénomène artistique
L'objectif général étant la
revalorisation de la confiance en soi malgré ses déficits et son
image blessée, la stratégie était de proposer à
Mme C un projet lui permettant de révéler ses capacités
oubliées et, encore, exploiter le corps pour améliorer et
enrichir la relation et la communication avec les autres et raviver le regard
positif sur elle-même. L'évaluation récapitulative des
objectifs intermédiaires relatifs à l'exploitation de
l'imaginaire (intention), la
capacité d'autonomie dans l'espace
(action), la richesse expressive et
l'harmonie dans les mouvements (production), dans les
graphiques qui suivent :
Graf.1
Légende :
Exploitation de l'imaginaire : 1. Nulle,
comportement imitatif ; 2. Sous sollicitation ; 3. Bien
exploitée, active
Autonomie dans
l'espace: 1. Nulle ; 2. Suffisante ; 3. Bien exploitée
Richesse et harmonie
danse/exp.corporelle : 1. Basse ; 2. Suffisante ; 3.
Bonne
LA MÉTHODE DU JEU A PERMIS « L'
EXPLOITATION DE L'IMAGINAIRE »
Implication dans la participation au jeu,
méthode proposée par l'art-thérapeute
Graf.2 Légende :
Implication jeu : 1Absente; 2.Sans
intérêt; 3.Intéressé; 4. Imaginative; 5.
Enthousiaste
Dynamique contacts avec
art-thérapeute : 1. Rejetés ; 2.
Hésitants ; 3. Polis ; 4. Spontanés ; 5.
Exubérants
Expressions verbales accompagnées : 1. Expressions
plaintives et d'échec ; 2. Absence d'expressions verbales ; 3.
Expressions intentionnelles ; 4. Expressions de jouissance ;
5. Expressions amusées et de joyeuseté
La participation au jeu n'a jamais
été absente
MME C A RETROUVÉ DU PLAISIR DANS LE PROJET :
Entre les objectifs intermédiaires du projet, celui de lui permettre de
retrouver plaisir et l'élan corporel à travers une
activité gratifiante, une affirmation des goûts et des mouvements
moins gênants.
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
6
|
7
|
8
|
15,30
|
14,25
|
14,10
|
14,43
|
14,43
|
9,05
|
6,20
|
5,33
|
TEMPS DE RÉCHAUFFEMENT ET DE RELAXATION DE MME C.
|
Graf.3
Légende :
1. Réticent ; 2. Sous sollicitation
Corporelle ; 3. Envie de faire et affirmation des goûts ;
4. Active, prises d'initiative ; 5. Enthousiaste, Rayonnante
REMARQUONS LES REFLEX MOTEURS GÊNANTS -
Graf. 4 Légende :
1. Un seul au cours de la séance ; 2. Plus rares et
mouvements plus détendus ; 3. Fréquents et moins
gênants ; 4. Fréquents et gênants
Les reflex
moteurs gênants diminuent au fil des séances
MISE EN RELATION DU `PLAISIR ET ÉLAN CORPOREL' ET
DES `REFLEX MOTEURS' GÊNANTS - Graf. 5

IMPLICATION DE MME C ANALYSÉE PAR
L'INTERMÉDIAIRE LA FONCTION D'AIDE ATTRIBUÉE À LA
RELATION, LA PARTICIPATION AU JEU ET LES EXPRESSIONS VERBALES SUR LA
RELATION AVEC L'ART-THERAPEUTE
Graf. 6
Légende : Relation/art-th.
d'aide :1. refuse ; 2. Réticente ; 3. Accepte
passivement ; 4.Demande aide parfois ; 5. Réclame
(dépendance)
Participation au jeu : 1. Présence
vide ; 2.Hésitante ; 3.Acteur passif ; 4. Acteur
actif et intéressé
Expressions verbales sur la relation : 1. Opposition ; 2.
Intérêt ; 3. Confiance ; 4. Reconnaissance ; 5.
Enthousiasme
AUTOEVALUATION ET SATISFACTION ( BAT)
Mme C est capable d'autoévaluation selon le
modèle des 3 B de BAT1 : J'ai passé un moment...Le
plaisir que j'ai eu..Je trouve que cela fait ...Mon envie de continuer
est
Graf.7
Expressions recapitulatives d'Autoevaluation
et Satisfaction de Mme C
Légende :
1.Dévalorisation; 2. Indifférence; 3.
Dévalorisation/ Satisfaction ; 4. Auto- satisfaction ;
5 Fierté
C. 2 MADAME L.
C.2.1 Anamnèse et état de base
Madame L. est une femme de 81ans, qui présente une
maladie D'Alzheimer maintenant sévère où les troubles
mnésiques sont accentués, le discours est très appauvri et
stéréotypé. Elle présente aussi des graves
problèmes de compréhension et son orientation temporelle,
spatiale est très affectée. De plus, elle présente une
forme de rigidité musculaire de sa jambe gauche. Dans l'ensemble elle
est plutôt apathique et passive et l'équipe médicale m'a
conseillé sa prise en charge, pour essayer de la faire sortir de son
apathie.
C.2.2 L'équipe soignante a orienté Mme L
vers une prise en charge en raison de son état de passivité et
apathie
Rappelons ici que la finalité prioritaire de la Maison
est de favoriser des actions sur la qualité existentielle des personnes
prises en charge, en facilitant ainsi l'intégration sociale; c'est
à dire une bonne interaction entre eux et l'environnement dans lequel
ils vivent, en donnant à ce public la possibilité
d'améliorer sa qualité de vie, la confiance et la
possibilité d'affirmation de soi. Cette finalité a tenu compte
ainsi de l'état de base de Madame L.
C.2.3 L'objectif général
art-thérapeutique fixé sur Madame L. est l'affirmation de ses
capacités d'expression et de participation
J'ai mis en place un atelier art-thérapeutique de
danse. Madame L. aime danser même si elle présente une
difficulté à marcher et à bouger son corps. Étant
donné que ses principaux troubles étaient la compréhension
et la communication, j'ai utilisé le corps, accompagné par
l'écoute de musique, pour créer un rapport avec elle et les
ressentis pour donner la possibilité d'exprimer ses goûts et
désirs, en enrichissant sa qualité de vie.
Nous pouvons, alors, fixer l'objectif
général :
Améliorer sa qualité de vie à travers
l'affirmation de ses capacités d'expression, de participation et de
relation envers les autres.
C.2.4 La prise en charge a été
justifiée par l'Art I, Art archaïque
Avec Mme L., au contraire de Mme C., je n'ai pas réussi
tout à fait à atteindre mes objectifs thérapeutiques,
établis avec l'équipe soignante.
Une des limites de Madame L. est sa difficulté à
apprendre et à raisonner. Sa forme
grave d'Alzheimer limite le bon fonctionnement cognitif. Elle
présente d'importants troubles de mémoire, mais aussi de
raisonnement et d'apprentissage. Ces graves défaillances limitent ainsi
les capacités créatives. Etre créatif, en fait, implique
l'utilisation de plusieurs fonctions cognitives, comme la mémoire
et son élaboration, puis les capacités associatives avec leur
fonction d'imagination. Ses déficits l'empêchent, ainsi,
d'apprendre des techniques.
Avec elle on a donc utilisé l'ART I, qui se dirige vers
le geste archaïque, la sensation recherchée par la gratification
sensorielle, spontanée et immédiate. Dans ce cas, le corps est
utilisé de façon globale, il ne suit pas de règles, de
techniques ni de directives précises, mais il bouge librement en
créant une action volontaire orientée vers le plaisir
esthétique et sensoriel. En outre, on a privilégié la
« Relation » qui est basée sur le ressenti,
sur la « Communication », basée sur
l'échange des informations.
C.2.5 Des objectifs intermédiaires sont
fixés
En raison de l'objectif général et de ces
considérations, des objectifs intermédiaires
sont fixés :
- retrouver le goût et le plaisir à travers
les activités
- retrouver le goût des relations avec les
autres
C.2.6 Analyse de la dynamique des séances avec
Madame L.
Les séances avec Mme L. étaient chaque mardi et
vendredi après-midi.
D`une durée de 40-50 minutes. C'était un
parcours art thérapeutique de 8 séances, y compris la
séance de rencontre.
Après la séance de rencontre et
1° Séance nous avons
effectué notre 2°
Séance :
Nous avons utilisé la salle de
rééducation et notre séance a duré 45 minutes.
Après la phase d'échauffement corporel, avec des
exercices pour les articulations et le stretching corporel, j'ai proposé
à Madame L. l'écoute d'une musique en lui laissant choisir entre
de la musique française de son époque et de la musique
folklorique. Nous dansons sur la musique folklorique. Madame L. se laisse
conduire totalement, car elle ne comprend pas ce qu'on lui dit et on lui
propose. Elle ne répond que « oui ou/et non »,
ainsi la communication gestuelle n'est presque jamais comprise. Je lui ai
proposé une danse libre, sans gestes précis, mais plutôt la
spontanéité de bouger tout simplement et librement dans l'espace.
Elle ne prend pas d'initiative. Elle imite seulement.
FAITS APPARUS LORS DE LA SEANCE
Madame L., à un moment donné, m'a exprimé
son envie de s'asseoir, car elle était fatiguée. J'ai
considéré que la fatigue pouvait être le signal d'un bon
travail.
Au début, j'étais plutôt
démotivée, car j'avais l'impression de ne pas atteindre mon
objectif : retrouver le goût et le plaisir par les
activités et dans l'activité pour sortir de la passivité
et de son état d'ennui.
Exprimer un besoin particulier (« j'ai envie de
m'asseoir, je suis fatiguée) m'a, quand même, donné la
sensation qu'elle n'était pas tout à fait restée
étrangère à notre travail.
3° Séance :
Madame L. ne veut pas faire la séance. Elle me dit qu'elle a
des douleurs à la jambe et du coup elle ne peut pas danser. Je lui
propose quand même d'aller dans la salle de rééducation,
d'écouter de la musique en restant assis. Elle accepte. Je lui montre
des CD de musique française et de la musique classique. Je l'invite
à choisir, mais elle ne me répond pas, elle me regarde
simplement. Alors moi, je prends l'initiative et on écoute la musique
d'Édith Piaf. On fait des petits mouvements avec nos bras, pour prendre
contact avec nos corps. Nous sommes assises, elle est toujours dans le domaine
de l'imitation. J'ai eu l'impression de « jouer au
miroir ».
Objectif issu de la séance: Attendre qu'elle
prenne l'initiative et montre un
comportement actif vers la séance.
STRATEGIE THERAPEUTIQUE : En utilisant le « jeu
du miroir » j'ai essayé un changement de rôle :
parfois c'est elle qui m'imite, parfois c'est moi qui l'imite.
On n'a pas réussi, elle se bloque chaque fois que je
m'arrête de bouger.
4°-5°-
Séances : Les séances se sont
déroulées de la même façon, toujours à
l'écoute de la musique, accompagnée par la danse et l'expression
corporelle.
La difficulté avec Madame L. a été
toujours la même: un tel manque de prise d'initiative. Elle choisit
seulement de refuser ou de participer.
6°-7°
Séances: En restant toujours dans la
contemplation et l'imitation. Vu mon objectif général, en accord
avec l'équipe soignante, j'ai dirigé plutôt mon travail
vers l'animation artistique.
8° Séance :
Cette fois j'ai proposé de jouer un instrument musical. Il y
avait une guitare présente dans la structure, et je l'ai montrée
à Madame L. Sans lui expliquer de quoi il s'agissait et comment
l'utiliser, elle prend enfin l'initiative! Elle prend la
guitare, puis elle touche les cordes qui provoquent des sons. De mon
côté, lorsqu'elle s'approchait de la guitare, je faisais des
mouvements en dansant. Puis elle m'a donné la guitare et j'ai
commencé à en jouer. J'ai remarqué, qu'à un moment
donné, elle suivait la musique, elle tapait du pied d'une façon
rythmée. Je lui ai proposé de trouver un rythme sur des
notes de musique africaine. Je tape mes mains et elle ses pieds, en cherchant,
petit à petit, un rythme.
ITEMS APPRECIÉS LORS DE LA
SÉANCE :
1. prend un instrument
2. tape des pieds en écoutant de la musique
Madame L. finalement est sortie de l'imitation et de la
contemplation. Le fait de prendre toute seule un instrument, de
s'approcher de celui-ci avec curiosité, de taper les pieds en
écoutant de la musique et en cherchant un rythme, me prouve qu'elle
n'est pas du tout indifférente à nos travaux.
C.2.7 Evaluation de Mme L. au cours de la prise en
charge
L'évolution est lente et les items à
considérer plutôt rares. Il s'agit d'actions simples et pas trop
compliquées.
Nous enregistrons
(GRAPHIQUE ANNEXE ) que le regard est toujours présent (Maintient le
regard) Seulement dans la dernière séance on
peut observer des items significatifs « à
surprise » qui concernent la Prise d'initiative', donc,
l'INTENTION et L'ACTION. Aux autres séances, il s'agit plus de la
volonté de refuser ou d'accepter de participer, mais de façon
imitative.
C.2.8 Synthèse et bilan de la prise en
charge
La difficulté rencontrée avec Madame L.
était plutôt l'absence de «prise d'initiative».
De toute façon, elle n'a jamais refusé de
participer à nos séances. On a fait ensemble des mouvements
corporels, des petites danses, des écoutes musicales, mais elle restait
toujours dans la contemplation artistique ou plutôt dans
«l'imitation». On pourrait dire que l'on n'est pas
vraiment passé à l'étape suivante l'action et la
prise d'initiative. Le passage de la contemplation et l'imitation à
l'action volontaire n'a pas été atteint. Ce fait s'est
avéré durant la dernière séance mais, étant
la dernière, il n'a pas été possible de vérifier la
suite.
J'ai observé, quand même, que Madame L., par de
simples expressions verbales «je suis fatiguée, je veux
m'asseoir» et non verbales (des petits sourires, maintient le regard), a
montré une participation pas tout à fait passive à nos
séances, de vivre des moments agréables selon ses choix, propres
à elle et à ses goûts pour entrer en relation avec les
autres ; donc, une affirmation de soi.
Évaluation de l'objectif général,
l'Affirmation de soi, faite par une évaluation récapitulative des
objectifs intermédiaires au regard du phénomène
artistique
L'objectif général étant la restauration
de sa qualité existentielle par l'affirmation de ses capacités
d'expression et de participation malgré sa pathologie
démentielle, la stratégie était de proposer à Mme
L. un projet lui permettant d'exploiter ses capacités restantes de
jouissance, de participation active et d'implication relationnelle par
l'opération artistique. L'évaluation des objectifs
intermédiaires dans les graphiques qui suivent
Graf. 8
.
Légende
Regard: 1. Regarde ailleurs; 2. Fuit le regard ;
3. Maintient le regard
Effort : 1. Pas de fatigue ; 2.
Fatigue ; 3. Transpiration et fatigue
Attitude et prise d'initiative : 1. Comportement
imitatif ; 2. Sous sollicitation; 3. Active
Graf. 9 - Le REGARD ET LES SOURIRES SONT
AUSSI DES COMPORTEMENTS NON VERBAUX RÉVÉLATEURS DE SON
IMPLICATION RELATIONNELLE ET SA SATISFACTION ( BAT 1)
Légende
Sourires : 1. Aucun ; 2. Un ; 3.
Rares ; 4 Quelques ; 5. Nombreux
Regard : 1. Absent ; 2.
Hésitant ; 3. Présent ; 4-
Intéressé ; 5. Rayonnant
Graf. 10 - REMARQUONS LA COTATION DES ` PRISES
D'INITIATIVES' ET SA MISE EN RELATION AVEC LE PLAISIR
Plaisir : 1. Déplaisir; 2.
Indifférence; 3. Exprime son plaisir par le regard et des
sourires ; 4. Expressions verbales de plaisir ; 5. Rayonnant
Cotation prise
d'initiative :1. Aucune ; 2. Une ; 3. Plus d'une; 4.
Nombreuses
Graf.11
RÉCAPITULATIF ÉVALUATION DES
ITEMS CONCERNANT L' AFFIRMATION DE SOI
Légende 
1. Nulle; 2. Elle affirme sa volonté de se reposer quand
fatiguée ; 3. Elle affirme ses goûts et ses intentions ;
4. Elle affirme ses goûts et ses intentions ; 5. Elle affirme ses
goûts, ses intentions et prend l'initiative
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
A. L'EXPÉRIENCE PERMET DE CONFIRMER LES EFFETS
BÉNÉFIQUES DU TRAVAIL D'ART-THÉRAPIE MALGRÉ LES
LIMITES DANS LE DEROULEMENT DU STAGE
A. 1 Limites rencontrées dans le déroulement
du stage : le stage peut présenter des limites qui vont influer sur
le travail art-thérapeutique
A.1.1 La durée du stage et l'organisation du
temps peuvent limiter le travail de l'art-thérapeute
La durée du stage et l'organisation du temps de travail
ont été des limites, bien mises en évidence aussi par mon
maître de stage. La durée du stage est un facteur qui va
conditionner le nombre des séances avec les patients, compte tenu de la
première période qui est consacrée à l'observation
et à la connaissance du patient et vu que les séances doivent
avoir une cadence bien précise de façon adaptée au cadre
thérapeutique.
Le parcours psychothérapeutique nous enseigne qu'il
est essentiel de définir un rythme de séances bien
cadencé, tout comme pour l'Art-thérapie. Un stage bref peut
n'être pas suffisant pour mener et apprécier une personne prise en
charge vers une véritable évolution. Il existe des
capacités sous-estimés chez la personne et la tâche de les
découvrir, de les favoriser, requiert une patience et un engagement
sincère et constant de la part de l'art-thérapeute. Pour le
travail de l'art-thérapeute, la durée brève du stage
souvent limite la possibilité de vérifier les items
remarqués dans le suivi des séances, donc, l'acquisition des
changements ; le plus souvent l'amorce des premiers changements visibles
sont remarquables lors d'un cheminement déjà avancé. Par
exemple, chez Mme L. l'item de la « prise
d'initiative » est apparu lors de la 8° et dernière
séance. D'autres travails ont mis en évidence ces aspects
liés au facteur `temps' ( Mémoire V. Cross, 2004)
A.1.2 Une intégration insuffisante du travail
art-thérapeutique au sein de l'équipe soignante
Il y a aussi d'autres raisons pour lesquelles la durée
a été une limite et qui sont relatives à
l'intégration du rôle de l'art-thérapeute au sein de
l'équipe soignante. La durée du stage a conditionné aussi
l'intégration dans l'équipe.
- Comprendre et entrer dans les mécanismes de
l'Institution (rôles, compétences, relations)
- Avoir le temps de mettre en évidence le rôle de
l'art-thérapeute, son travail et lui donner une continuité afin
d'être visible et clair à l'égard de l'Institution.
L'entrée dans un groupe est un processus graduel,
surtout s'il s'agit d'une expérience nouvelle. Le rôle de l'art
thérapeute était presque inconnu dans la Structure et, comme nous
l'avons dit précédemment, il s'agit du premier atelier
d'Art-thérapie à dominante danse, expression corporelle
auprès de la Maison Tiers Temps Saint-Maur.
Contrairement à la conduction d'un groupe, où la
présence d'un co-thérapeute est nécessaire, dans la prise
en charge individuelle l'art-thérapeute travaille seul. S'il
est bien de laisser l'art-thérapeute libre d'agir,
d'un autre côté, il m'a été très difficile de
présenter et d'indiquer mon travail thérapeutique aux membres de
l'équipe. Lors des réunions d'équipe, j'ai eu la
possibilité de montrer et d'expliquer mon travail, mais, à cause
de différentes opinions sur les aspects méthodologiques, je n'ai
pas eu l'occasion d'échanger des idées sur les problèmes
qui se présentaient lors des séances, comme la psychologue, mon
maître de stage, l'a observé. Le travail en équipe est
fondamental. Une bonne coordination et communication avec les différents
intervenants est la clé pour avoir accès aux informations
importantes et favoriser la continuité du progrès dans la vie
quotidienne de la personne car souvent les progrès des résidents
dans l'atelier ne se manifestent pas par les progrès dans le
quotidien.
A.1.3 La difficulté d'organiser la prise en
charge d'un groupe peut limiter les effets bénéfiques des prises
en charge individuelles
Un des objectifs était de raviver la qualité
existentielle des patients suivis dans une maison de retraite
médicalisée et dans son accueil de jour, en exploitant le
potentiel relationnel.
Une expérience de prise en charge d'un groupe aurait
été intéressante pour la prise en charge individuelle de
certains patients d'un groupe et les réintégrer au groupe par la
suite. En outre, pour amplifier les effets bénéfiques de la prise
en charge individuelle
La prise en charge individuelle est utile à
créer un lien exclusif entre thérapeute et patient. Le
« binôme-relationnel », donc, donne au soignant la
possibilité d'instaurer avec le patient une relation
privilégiée, en permettant d'aboutir au traitement
thérapeutique afin d'obtenir une amélioration de l'expression et
de la communication. Par contre, si l'un des objectifs est bien de
resocialiser, la prise en charge individuelle n'est pas suffisante pour
établir un échange et un lien relationnel avec les autres
résidents ou les autres de l'accueil de jour. Le
« binôme relationnel » n'offre pas la
possibilité d'utiliser l'Art comme moyen d'approche pour entrer en
relation avec eux. Souvent, une bonne méthode pour bien
développer l'aspect de communication et de relation du patient est une
intégration des deux formes de prises en charge, par exemple
débuter avec une approche art-thérapeutique individuelle, puis,
continuer avec des séances de groupe.
L'art-thérapeute donne l'élan relationnel, en
exploitant la poussée du plaisir esthétique et le pouvoir
expressif et relationnel de l'Art. Il aide ainsi le patient à se
socialiser, entrer en syntonie et communication avec les autres, à
établir une relation continue avec eux grâce à la
continuité et à la constance des séances
art-thérapeutiques. Ce processus peut être utile car il donne au
patient la possibilité de vivre la relation de groupe une fois qu'il n'y
a plus la présence de l'art thérapeute.
A.2 Malgré les limites, les effets
bénéfiques les plus significatifs du travail
art-thérapeutique sont à mettre en évidence et ils
permettent de nouvelles considérations
A.2.1 L'oeil intérieur peut stimuler
l'énergie motrice et créative d'une personne non voyante
grâce aux séances d'art-thérapie
Nous allons considérer les effets les plus significatifs
qui toutefois ont été remarqués dans la discussion autour
des prises en charge individuelles.
Si nous reprenons le parcours de Mme C. et le jeu
créé, appelé «le voyage», en
considération de son intérêt pour le chant
et la danse, mais aussi à voyager, en art-thérapie le corps
même est devenu «l'oeil gitan et vagabond» d'une non
voyante ; pour l'harmonie corps/esprit, par la danse, le corps est devenu
source de « visions imaginaires » ; les
émotions, émanations des ressentis et des désirs, ont la
possibilité de s'exprimer et les mouvements sont toujours plus
sûrs dans l'espace. La mémoire, les connaissances, l'intelligence
créative sont opérantes et assument les mécanismes de
représentations imagées, qui permettent l'imaginaire. C'est la
phase où se détermine l'intention (Phase 4
de l'Art Opératoire « le traitement mental de
l'information »). L'intention, pour l'interaction corps-esprit,
produit une poussée naturelle à mouvoir le corps physique (phase
5), un élan qui permet de vaincre la peur de l'espace et permet de
« voyager ». Grace à l'élan corporel
qui a accompagné l'imaginaire, la confiance dans l'espace qu'elle ne
pouvait pas voir allait de pair avec l'acquisition d'une confiance majeure en
soi et dans l'autre et son corps se laissait aller au rythme de la musique.
« Les faces reflétaient ce que leurs corps leur
manifestaient et petit à petit , elles changeaient
expression » (Marie Fux)
L'expression artistique englobe la forme et le fond. La forme
attire avec l'aspect agréable et séduisant de l'image. Le fond
est le rayonnement ressenti de l'image, qui cependant est sujet au goût
personnel et «l'individu adapte un fond et une forme correspondant
à un ressenti intérieur »23(*).
A.2.2 La jouissance du jeu renforce la relation avec
l'art-thérapeute
Le pouvoir du jeu dans une visée thérapeutique
se manifeste à travers différentes théories
psychologiques. La psychanalyste Mélanie Klein24(*) met en évidence le
pouvoir du jeu comme puissance créative et comme moyen d'exploration du
monde intérieur. Même Donald Winnicott, pédiatre et
psychanalyste, décrit l'utilisation du petit jeu qui permet de
découvr ir le monde imaginaire de l'enfant: les squiggles.
D'abord l'éducateur trace une courbe libre sur une feuille et
laisse l'enfant le compléter à sa guise pour en faire un petit
dessin représentatif. Ensuite l'enfant réalise une autre courbe
de son choix et l'éducateur la complète. À travers le jeu
des squiggles, Winnicott va marquer les dessins réalisés par les
enfants lors de consultations pour découvrir leur monde imaginaire.
L'accès à l'imaginaire se fait de façon extrêmement
simple et ludique25(*). Souvent, le patient ne
sait pas ce qu'il veut, par le moyen artistique associé au jeu, il peut
mieux comprendre soi -même et ce qu'il veut. L'art-thérapeute,
donc, par la « relation de jeu », peut mieux stimuler la
créativité et l'imaginaire, comprendre et accueillir les
désirs, les peurs, les atteintes de la personne prise en charge et
adresser son aide et ses stimulations.
Les jeux favorisent l'échange entre les personnes et
entre patient et thérapeute, ils vont renforcer la syntonie entre eux.
L'effet de ressentir le plaisir du jeu lors des séances
(« qu'est ce qu'on est bien, on s'amuse ensemble, c'est
bien ! », dit Madame C.) nous amène à une attitude
positive envers notre travail et donc affine le parcours
art-thérapeutique.
A.2.3 L'expérience du plaisir
kinesthésique lié à la danse peut permettre
également une affirmation de soi dans une personne atteinte de
démence sévère
Le kinésithérapeute exalte l'image du corps.
L'art-thérapeute engage la personne
malade de démence vers la recherche d'une bonne
qualité existentielle, par
l'intermédiaire de l'art. Dans la danse, le mouvement,
instrument et raison d'être du danseur, est ainsi un instrument du corps,
pris comme une entité « psychocorporelle ». Emotion
a la même racine que mouvoir. Le mouvement, qui procure du plaisir,
procure ainsi de l'émotion.
L'état de base de Mme L. ne permettait pas une
exploitation du potentiel créatif, ni de communiquer. Les fonctions
cognitives, outil d'apprentissage, de communication et de
l'épanouissement de l'activité imaginative, étaient
déficitaires. L' apprentissage d'une maîtrise technique demande
des savoirs, qui requièrent une bonne mémoire. Ce qui
caractérise la maladie d'Alzheimer, au contraire, c'est l'atteinte de la
mémoire épisodique et celle des événements
récents. L'apprentissage par mimétisme n'est pas possible, pas
plus qu'une réflexion, ni qu'une action créative qui demande des
facultés de rappel, d'analyse et d'adaptabilité constantes. Alors
la maîtrise technique semble impossible pour les personnes souffrant de
la maladie d'Alzheimer. Il existe cependant une mémoire sensorielle
et émotionnelle qui stocke les stimuli bruts, mais permet
également à la personne âgée atteinte de la maladie
d'Alzheimer d'utiliser son savoir-faire, fondé sur des ressentis.
« L'artiste dément a accès ainsi aux savoirs par les
saveurs ressenties. Il existe notamment un seuil émotionnel qui, une
fois dépassé, les ressentis éprouvés sont
suffisamment conséquents pour être
mémorisés.»26(*). En danse primitive, l'utilisation de certains
rituels se traduit par des gestes répétitifs croissant et de
manière cathartique. Et la gratification d'un plaisir
archaïque sensoriel,
par un ressentir corporel vibrant au rythme
donné par la musique, qui permet la synchronisation de mouvements
croissants de danses primitives (en frappant un pied ou en tapant dans les
mains), mènent à une gratification sensorielle
kinesthésique et un entraînement émotionnel : à
une harmonie corps/esprit. Par le plaisir ressenti par Mme L. et Mme C. leur
goût de la danse a été renforcé. Le plaisir est une
source de motivation et permet au patient pris en charge d'évoluer et de
solliciter des prises d'initiative. « L'appréciation d'une
gratification sensorielle va inciter le patient à chercher à
nouveau cette sensation agréable »27(*). Mme L. a cherché
à nouveau la situation agréable vécue avec une prise
d'initiative surprenante: la recherche de l'instrument musical, la
guitare.
A.2.4 Les patients atteints de démence ont des
potentialités oubliées que l'art-thérapie aide à
retrouver
L'entrée en institution et la dimension collective
qu'elle impose pousse la personne âgée à rompre brutalement
avec son passé, son quotidien et sa vie relationnelle ; elle perd
une partie d'elle-même et de sa personnalité. Il s'agit, alors, de
restaurer cet état de perte et de fragmentation, en activant le
potentiel existentiel bloqué. La prise en charge en art-thérapie,
orientée dès l'entrée en institution, peut aider le
nouveau résident dans cette étape. L'art-thérapie peut lui
permettre d'entretenir et de nourrir le maintien de l'identité28(*), en retrouvant ce qu'ont
été toujours ses intérêts et aspirations et à
partir de la réamorcer la possibilité de se projeter dans le
futur ; « faire redémarrer le temps en
injectant du désir »29(*) , retrouvant soi-même avant chaque action dans
la réalité quotidienne.
Dans le stage pratique qui s'est tenue à la Maison
Tiers Temps Saint Maur, l'effet bénéfique de
l'art-thérapie sur une continuité identitaire a été
mis en évidence surtout par la prise en charge de Mme C. et de Mr. E.,
pour lesquels l'art-thérapie a réveillé de vieilles
passions, connaissances et souvenirs : pour la première, qui
n'était pas institutionnalisée mais dont la maladie même
avait causé la perte de la propre estime, l'art-thérapie a
donné l'occasion d'une affirmation de soi, en particulier par
l'activité imaginaire, la passion pour les voyages et
l'intérêt pour les autres cultures ; chez Mr E, on a pu
apprécier une stimulation à l'engagement dans ses
intérêts artistiques, comme la peinture et la création
d'histoires fantastiques. Quant à Mme L. et Mme B la gravité de
leur état de base causait déjà un changement de
personnalité ; cependant, la possibilité de retrouver du
plaisir à travers une activité épanouissante leur a
donné la possibilité de s'affirmer. Madame B. cherchait à
prolonger la durée des séances exprimant toujours un nouveau
besoin à satisfaire (ANNEXE 4). Madame L. ne prenait aucune initiative,
elle choisissait seulement d'accepter ou de refuser la participation aux
activités artistiques, en restant dans l'imitation ou la contemplation.
Mais la contemplation est déjà une intention. C'est la phase 5'
de l'Art Opératoire, la phase du choix de
contempler. Mme L. à la dernière séance réalise le
passage de l'imitation-contemplation à la prise d'initiative,
c'est-à-dire le passage à l'acte volontaire dirigé.
Ainsi, le refus est une affirmation
d'identité. Par exemple Mr E., au début, avait
refusé parfois les séances. Par la suite, le patient retrouve le
goût et le sens de la vie par rapport aux autres, ainsi son amour-propre
renforcé peut accueillir la rencontre. Mme C. montre à
l'art-thérapeute la joie d'avoir réalisé une
représentation qui lui plaît. Ils retrouvent leurs goûts, un
style et une identité.
B. LA QUALITE DE LA RELATION AVEC
L'ART-THÉRAPEUTE ET L'IMPLICATION DU PATIENT SONT LE FONDEMENT D'UN BON
PROCESSUS
B 1. L'art-thérapeute doit répondre aux
attentes du patient : accepter ses limites et modifier son travail par
rapport à lui et à sa condition
L'art thérapeute, surtout dans ses premières
expériences dans ce domaine, risque de diriger son travail d'une
façon artistique selon ses propres goûts et plaisirs
esthétiques. L'aspect thérapeutique, dans ce cas, est
subordonné. Ici, l'art-thérapeute est d'abord un
thérapeute et doit répondre tout d'abord aux exigences des
patients. Ses compétences d'artiste sont subordonnées aux
exigences et aux caractéristiques du patient. C'est bien d'être
humble et pas prétentieux. Mettre à disposition son savoir
artistique et technique au service de l'autre, qui présente des limites,
des défaillances et des déficits. Dans le cas, par exemple, de Mr
E., il s'agit ainsi de renoncer à utiliser l'art dominant pour adopter
ceux associés. Dans la prise en charge de Mme L., il s'agit de
tolérer la frustration de son propre narcissisme et d'accepter de
limiter son travail en adoptant le temps et les capacités de la
patiente.
B.2 Les stratégies et les moyens artistiques
utilisés sont importants, mais le moyen le plus important est la
relation et sa qualité
B.2.1 Une bonne relation renforce l'alliance
thérapeutique
Il est important, dans un processus de soin avec des personnes
Alzheimer, de
redonner au patient une confiance dans l'autre, dans ce cas
vers son thérapeute. L'art-thérapeute a la responsabilité
ainsi d'adopter une attitude empathique, d'écoute et de syntonisation
avec les véritables intentions et moyens d'expression de la personne
prise en charge. Dans la danse, la syntonisation corporelle et la confiance
sont basiques pour un processus d'harmonisation corps/esprit entre les
danseurs ; dans l'expression corporelle pour donner forme aux ressentis.
Établir une relation de sympathie, de syntonie et ainsi donner une
continuité à celle-ci, permet le passage d'une bonne relation
à l'Alliance Thérapeutique, qui est une forme particulière
de relation entre thérapeute et patient basée sur des
éléments qui permettent à tous les deux d'améliorer
la santé du patient-même, grâce à son engagement.
Voilà pourquoi la durée de la relation est
importante: cette relation de confiance exige du temps ; elle grandit
avec le bon épanouissement de la relation et des activités.
B.2.2. Une bonne relation renforce l'engagement du
patient et lui permet de s'exprimer et d'exprimer ses émotions
Une bonne relation est importante aussi pour sa valeur:
reconnaître au patient sa dignité comme être humain
malgré ses conditions de fragilité et de dépendance. Un
ressenti est d'abord un ressenti corporel, puis mental et spirituel. Un bon
ressenti corporel et une agréable stimulation sensorielle sont
déjà des aspects qui favorisent la participation aux
séances. Mais, le besoin de répondre aux appels spirituels est le
bon qui amène à s'engager à faire et à
bien faire pour réaliser quelque chose qui lui plaît (
le beau) sous le regard de l'art-thérapeute. Chez le patient,
un besoin satisfait de se sentir bien et à l'aise avec l'autre, renforce
son estime, sa confiance en lui. L'importance de se sentir à l'aise, de
se sentir apprécié et accueilli par l'autre, facilite la
spontanéité de la personne et du coup lui fait exprimer ses
propres émotions. Un regard et un contact empathique font sortir ainsi
le non dit.
L'importance d'une bonne relation pour l'engagement du patient
à faire a été mis en évidence aussi par des
expériences d'ateliers collectifs à dominante arts plastiques
pour des personnes âgées atteintes de démence de type
Alzheimer et leurs proches, avec l'objectif de favoriser la relation et la
capacité de communication, au-delà des mots, entre les patients
et les autres personnes de sa famille; une forme de communication qui va
s'instaurer entre l'auteur de l'oeuvre réalisée et les autres,
fondé sur la qualité des échanges. Alors, grâce
à ces gratifications extérieures, la personne malade continuera
à produire. On donne, ainsi, la possibilité à la personne
démente de s'exprimer dans son environnement quotidien, de
réaliser seul ou ensemble des objets plaisants, ou, simplement, de
choisir un objet jugé beau et éprouver jouissance de son
rayonnement, en restaurant l'envie d'être et de faire et permettant de
voir le malade et sa pathologie autrement ( Mémoire en ligne
« Art Thérapie-Strasbourg »).
B.2.3 Une bonne relation peut aider à raviver
le regard positif de la personne sur elle- même et à renforcer
l'image de soi
Une rencontre peut naître car la personne apporte des
éléments personnels dans un
échange le plus souvent non verbal. Martha Graham, une
des pionnières de la Modern Dance, fut une des premières
danseuses à mettre en évidence la valeur et l'importance de la
danse dans un cadre relationnel et humain. Le processus d'union entre
art-thérapeute et patient, basé sur une estime et confiance
réciproques, amène la personne atteinte de démence vers
un processus de renforcement de l'image d'elle-même; ainsi l'effet
d'être soutenu par le regard positif de son propre thérapeute
donne de la valeur à ses expressions et du sens à ses ressentis.
C'est la phase 8 de l'Art
Opératoire : « au regard du
monde », un regard qui donne à la personne sa valeur et
ravive le regard positif sur elle-même.
B.3 Nécessaire continuité des
expériences positives art-thérapeutiques dans la relation avec
les autres et l'institution
Comme moyen potentiel pour raviver la relation aux autres et
à soi-même, une expérience art-thérapeutique,
surtout lorsqu'elle est réalisée par des prises en charge
individuelles, a besoin de retrouver sa place dans la vie de l'institution.
Après un parcours thérapeutique, il faut que les
parties saines activées ne tombent pas dans l'oubli. Le plaisir
retrouvé et les capacités révélées,
l'atmosphère agréable de l'atelier, la relation de confiance avec
l'art thérapeute qui offre des possibilités de choix et de prise
d'initiative, en contribuant ainsi à l'affirmation et à une
revalorisation de l'estime de soi, restent inscrits dans la vie du patient
comme des possibilités favorisant l'engagement en de nouvelles
expériences de la vie collective de l'institution. Il faut éviter
des régressions qui peuvent faire vivre les progrès comme
illusions. L'art thérapeute maintient l'accent sur la visée qui
s'adresse aux parties saines. Aussi d'autres formes de parcours
thérapeutiques s'adressent aux parties saines, pour retrouver le
goût de vivre et améliorer la relation avec soi-même et avec
les autres ; par exemple les interventions psychologiques. L'art
thérapie réalise ce but avec les moyens qui lui sont propres: le
pouvoir entraînant de l'art et la capacité d'apprécier les
belles choses. C'est bien, alors, que l'art thérapie trouve sa place
dans un établissement pour personnes âgées, soutenue par
une équipe organisée qui prend en charge la personne dans sa
totalité .
C. RELATION ET COMMUNICATION PAR LES ARTS
CORPORELS : COMPARAISON ENTRE L'ART-OPERATOIRE, LES NEUROSCIENCES,
L'EMPATHIE PSYCHANALYTIQUE
Les considérations exposées sur l'exploitation
des effets relationnels de la danse et les expressions artistiques corporelles
nous ont amené à une discussion théorique de mise en
relation de l'Art-thérapie avec d'autres domaines dans la
communauté scientifique.
C.1 Relation/Communication par la danse : comparaison
entre le modèle de l'Art-Opératoire et des Neurosciences
L'importance et la valeur de la danse comme processus de
connaissance de soi-même et de l'autre, et finalement comme processus
de relation/communication entre «moi et l'autre», est bien
développée par différents auteurs et artistes de ce
domaine artistique. Martha Graham, met en évidence l'aspect stimulant
de la danse sur le contact profond entre « moi et
l'autre », entre le danseur et le spectateur. Une autre grande figure
de la danse, Isadora Duncan, avait déclare
« le public doit respirer avec
moi ».
Dans la danse, l'élan corporel du danseur et ses
mouvements au regard de l'autre, l'invitent à participer, en entrant en
syntonie et synchronie de mouvements. Regarder quelqu'un danser au rythme d'une
musique entraînante active le phénomène de la
résonance, « vibration par sympathie ». La
vibration par « sympathie » a
été mise en évidence par Pythagore avec ses études
sur la musique. Elle s'active ici plus qu'en
d'autres activités artistiques. La résonance
amène à favoriser la relation,
basée sur un ressenti corporel immédiat, instinctif (phase 3 de
l'Art-Opératoire, Traitement archaïque de l'information
sensorielle) 30(*) ; il permet une relation de communion et
d'intimité entre les personnes. Dans la visée des neurosciences,
grâce à la connexion directe thalamus-amygdale, la Relation est
un résonner et ressentir ensemble, au
même moment . Selon les dernières découvertes des
neurosciences, les neurones-miroir, qui simulent une action lorsqu'ils la
voient dans un autre si le spectateur est impliqué, la contemplation est
elle-même une action. Elle implique une
« poussée » : à contempler,
à une réaction émotionnelle (je pleure), une
poussée corporelle (phase 5) à s'exprimer lui- même
artistiquement, par les mouvements de son propre corps (phase 6 e 7). Et si
l'art-thérapeute est impliqué dans le plaisir du mouvement
dansant, plus grande sera la résonance des neurones miroir du patient et
son implication à faire (E. Cerruto, Danza e canto dei neuroni
specchio...)
De plus, le rayonnement de l'autre nous donne la
possibilité de capter par les gestes de sa danse l'état
d'âme vécu par l'autre mais dans lequel nous nous retrouvons. Les
gestes dans cette circonstance deviennent des mots. C'est la
communication qui permet
d'accéder à
leur sens.
Dans la visée des neurosciences, le système
miroir permet de simuler l'état émotionnel d'autrui dans notre
cerveau par ses expressions corporelles et donc de mieux identifier les
émotions éprouvées, en permettant d'accéder
à leur sens : c'est la communication empathique.
« Je vois, je ressens, je comprends, je
fais » ( M. Graham)
« Je vois, je ressens, je fais, je
comprends» ( système miroir).
Relation/communication > élan corporel à
s'exprimer ( Art-thérapie)
C.2 Relation/Communication par les Arts Corporels et
l'Alliance Thérapeutique: comparaison entre le modèle de
l'art-opératoire et de l'empathie psychanalytique
C.2.1 L'empathie est un aspect favorisant de
l'alliance thérapeutique
On a vu l'importance de l'acte dirigé volontaire comme
moyen favorisant l'affirmation de soi dans un
processus art-thérapeutique. Il est important, dans un processus de soin
avec des personnes Alzheimer, de redonner au patient une confiance dans
l'autre, dans ce cas vers son thérapeute, comme
élément favorisant un lien particulier, l'Alliance
Thérapeutique. On peut définir l'Alliance
Thérapeutique comme une « forme de relation stable et
positive entre thérapeute et patient qui lui permet de s'engager dans
son processus de soin en manière collaborative et
productive »31(*). L'Alliance Thérapeutique est une forme
particulière de relation entre thérapeute et patient basée
sur des éléments réalistes et rationnels qui permettent
d'améliorer la santé du patient. L'Alliance est importante aussi
pour sa valeur: reconnaître au patient sa dignité comme
être humain malgré ses conditions de fragilité et de
dépendance. Cette forme d'alliance se présente d'une façon
mature, adulte et saine. Comment est-il possible, alors, d'établir
cette
forme de relation avec un malade Alzheimer ?
Pour favoriser l'alliance thérapeutique avec un
patient, il est nécessaire reconnaitre les
aspects sains et les aspects défaillants de sa
personnalité. Il faut reconnaître et agir, en utilisant des termes
psychologiques, soit sur son ego fonctionnel, soit sur son ego
défaillant. Si le premier concerne les parties saines du patient,
comme par exemple ses fonctions encore efficientes, le deuxième porte
sur les handicaps de la personne, c'est-à-dire ses altérations
cérébrales qui amènent des comportements bizarres et
dysfonctionnels. La capacité de reconnaître, à un moment
précis , si le patient agit par son ego défaillant ou par son
ego fonctionnel donne au thérapeute la possibilité de mieux
entrer en contact avec les besoins du patient, de reconnaître le sens de
ses besoins et de soutenir ses crises, ses émotions. Reconnaître
son « ego » utilisé à un moment donné,
permet au thérapeute d'avoir la possibilité de faire
reconnaître aussi au patient son ressenti, sa condition pathologique et
de mieux la gérer, et ses capacités de l'exprimer. De lui donner
la possibilité de mieux se connaitre et de mieux entrer en contact avec
lui-même et ses potentialités.
Établir une alliance thérapeutique, c'est
d'abord établir une relation d'empathie avec l'autre. Le
thérapeute doit avoir une capacité empathique,
c'est-à-dire une capacité d'entrer en syntonie avec le monde
émotionnel du patient, de le comprendre et le ressentir, de comprendre
et ressentir le sens de ses besoins et ses émotions : communication
empathique. Le patient perçoit cette capacité, sent qu'il y a une
possibilité de se donner à l'autre, de faire confiance à
l'autre.
C.2.2 Ressenti corporel, activité
réfléchie et confiance dans l'autre sont des aspects favorisants
l'alliance thérapeutique en art-thérapie
Comment, par la danse et l'expression corporelle, peut-on
entrer en contact avec l'autre, avoir confiance en lui et, donc, établir
une alliance thérapeutique ?
Il y a une grande différence entre l'alliance
thérapeutique en art-thérapie et d'autres formes de
thérapie, par exemple la psychothérapie, qui va reprendre la
différence entre psychothérapie et art-thérapie.
La « Psychothérapie à support
artistique » va chercher pourquoi vous trouvez une chose belle.
« L'Art-thérapie » aide à exprimer le
goût esthétique, ce que la personne trouve beau. En
art-thérapie, il s'agit simplement d'aider les patients à
exprimer leur goût esthétique et leur style artistique. La
psychothérapie et la psychanalyse en particulier concernent
l'acquisition de la capacité du patient de reconnaître son monde
intérieur inconnu, les mécanismes du « Je sais que je
sais » ; l'esthétique et l'art concernent les aspects
relatifs «au plaisir du plaisir », avec la considération
du plaisir esthétique comme manifestation fondamentale d'un ressenti
corporel et de la recherche d'une gratification existentielle que
l'opération artistique permet.
Dans l'empathie psychanalytique, le ressenti du
thérapeute favorisant le lien thérapeutique est l'aptitude
à éprouver et reconnaître ce que l'autre éprouve
sans savoir ce qu'il vit et sans pouvoir le définir. Cette notion a fait
l'objet de nombreuses réflexions en psychiatrie et en psychanalyse avec
les théories de Heinz Kohut, Donald Winnicott, Wilfred Bion32(*) et de la part de
théoriciens et praticiens de la relation, notamment Carl Rogers.
À travers le jeu des squiggles, jeux créateurs établis
entre le thérapeute et son patient, en Winnicott l'accès à
l'imaginaire et au monde intérieur de l'enfant se fait de façon
ludique et empathique.
Même la danse, utilisée à ces fins
thérapeutiques : elle se base principalement sur
l'expression de l'état intérieur de la personne
qui danse par ses mouvements et autres expressions corporelles. Pour
l'harmonie corps/esprit, ces mouvements organiques, entendus comme mouvements
archaïques instinctuels et intentionnels, révèlent les
besoins du sujet, ce qu'il demande, ce qu'il sent, en invitant l'autre à
le comprendre, à l'accueillir. L'aptitude à comprendre par
ressenti, au -delà du mot, fait partie de chaque processus
thérapeutique et est un élément sur lequel le
thérapeute travaille. Lui, avec sa capacité
d'intuition et d'empathie, est capable d'entrer en relation avec le patient en
favorisant une bonne pratique clinique. Mais, le ressenti corporel en
art-thérapie, et en particulier à dominante danse-expression
corporelle, se fonde aussi sur le sentiment du beau, sur une
résonance esthétique, qui va renforcer le lien
thérapeutique par un ressenti commun et incite à l'expression
corporelle. Le psychanalyste Rudolph Schaffer, traitant de la relation
mère-enfant, la pareille à une danse à deux, dans laquelle
un rôle important est donné à l'activité
réfléchie mutuelle, comme en art-thérapie33(*). Donc, l'art-thérapeute
a une fonction réfléchie des goûts, émotions,
aptitudes du patrimoine intérieur du patient et ce dernier est
stimulé par la jouissance au contact du rayonnement de
l'activité corporelle de l'art-thérapeute, et poussé
à s'exprimer, en activant la fonction miroir, ainsi que les
dernières découvertes neuroscientifiques l'ont montré.
Et si le produit des réalisations dans le
cadre d'une thérapie à médiation artistique se confronte
à la notion d'une relation transférentielle, en psychanalyse
définie comme l'ensemble des réactions du patient en face de
l'analyste, dans lesquelles il transpose ses fantasmes et ses conflits en les
projetant sur l'analyste34(*), en art-thérapie.
« Art-thérapeute et patient sont impliqués
conjointement dans un processus de création artistique. La production
artistique n'est pas un support, elle est en elle-même le vecteur de
transformation. Ce mot résume de façon satisfaisante
l'idée que l'art (le processus de création artistique) est
efficient, et donc ici thérapeutique, parce que c'est « par lui, en
lui, avec lui » que le transfert opère».35(*)
Ce processus, grâce à ses mécanismes,
donne, donc, une meilleure efficacité thérapeutique aux projets
de soin de la personne en état de souffrance.
CONCLUSION
La personne atteinte de la maladie d'Alzheimer ou d'autres
formes de démence avec des troubles associés est gravement
pénalisée dans sa vie.
Ses déficits intellectuels, moteurs, et psychiques la
rendent très dépendante de son entourage et affectent grandement
ses capacités d'expression, de communication et de relation.
Améliorer sa qualité de vie suppose des
interventions médicales, paramédicales et
rééducatives tout au long de la vie fréquentes (soins de
confort, soins médicaux, activités d'éveil et de
stimulation, activités de socialisation..). La qualité de vie de
ces personnes passe alors par une volonté de mieux-être, entendu
comme la qualité existentielle (qualité de présence et
élan existentiel), c'est à dire une qualité subjective
difficile à évaluer et à cerner. La personne
habituée, malgré elle, à se faire accompagner dans tous
les gestes de la vie courante, à ne pas pouvoir communiquer de
façon clairement compréhensible, à souffrir de douleurs
chroniques, court hautement le risque de s'isoler, de s'enfermer et de
s'enfoncer dans des attitudes mortifères et à tout le moins de
perdre l'envie de communiquer ses intentions ou ses goûts; ou plus
encore, l'élan existentiel ; c'est à dire le goût à
la vie.
La difficulté d'évaluer sa souffrance, de la
recevoir et d'en faire quelque chose, fait de l'Art-thérapie un moyen
complémentaire de prévention et de traitement:
l'Art-thérapie leur permet de trouver un lieu d'expression qui
privilégie la personnalité et le goût de chacun et
encourage la personne à prendre des initiatives et à faire des
choix, avec un parcours où la plus petite unité de changement
appréciable (l'item) est significative.
Nous avons tenté de montrer comment
l'art-thérapie peut permettre à la personne âgée
atteinte de troubles neurologiques, et donc en état d'extrême
dépendance, de retrouver des possibilités d'autonomie et la
capacité d'apprécier la vie et les belles choses, en lui donnant
la possibilité de s'exprimer et d'exploiter de ses potentialités
cachées, oubliées, mais encore vives et puissantes, à
bénéfice de son image.
L'art-thérapie permet le développement d'une
culture où la subjectivité du patient viendrait compléter
les informations médicales. En Art-thérapie, on porte un autre
regard sur la personne malade.
Elle commence à être considérée un
sujet qui a des possibilités d'affirmer ses goûts, ses besoins,
ses intentions ; elle existe, elle est capable d' aimer ce qu'elle fait,
elle vit. Tout à long du mémoire sur mon
expérience de stage chez la Maison Tiers Temps S.Maur, nous
avons tenté de montrer qu'il y a dans les personnes des
potentialités cachées d'exploiter le potentiel
thérapeutique de l'Art, de retrouver un élan existentiel par
l'élan corporel de la danse, d'apprécier la jouissance du jeu, de
choisir et de s'engager à faire, même si atteinte de maladie
sévère, non voyants et/ou déprimés.
La personne devient, ainsi, un sujet actif de son soin
dès qu'elle est capable de ressentir, d'exprimer et de s'engager, de
prendre du plaisir à le faire pendant les séances et d'être
valorisée pour elle-même par l'implication artistique et la
qualité de la relation avec l'art-thérapeute et avec l'entourage.
Nous avons pu nous rendre compte que la relation est l'une des richesses du
métier.
Comme nous l'avons souligné, nous savons par les
neurosciences, que chez les patients atteints de démence la
mémoire affective est préservée. Les expériences
positives en Art-thérapie, alors, s'inscrivent dans leur mémoire
comme la possibilité de retrouver des capacités qui semblaient
perdues, au bénéfice de l'affirmation et de l'estime de soi, de
la confiance en soi. Son intérieur (corps et esprit), son
extérieur (son milieu et son entourage) et les liens entre les
deux : le rétablissement de ce lien relationnel à son
intérieur repose sur une amélioration de l'image et de
la réalisation de soi, de la confiance en soi et dans l'entourage. Ce
sont ces notions qui conditionnent le bien fondé du soin de la
démence.
LISTE GRAFIQUES
Mme C ( p.46-49) Graf.
1-2-3-4-5-6-7 ;
Mme L (
p.53-55) Graf. 8-9-10-11
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ANNEXE I « Le
Système de Neurones miroirs »

Dans l'aire F 5 du cortex prémoteur ventral du singe on a
découvert, vers le milieu des années 1990, que certains neurones
émettaient des potentiels d'action non seulement
lorsque le singe faisait un mouvement de la main ou de la bouche, mais aussi
lorsqu'il regardait simplement un autre animal ou un humain faire le même
geste et quand il pense que ce dernier va effectuer cette action . On appelle
ces neurones des « neurones miroir ». Les neurones-miroir ont d'abord
été observés dans le cortex prémoteur ventral du
singe macaque rhésus (aire F5) mais aussi ce type de neurones a
également été trouvé chez certains oiseaux
où ils sont activés à la fois lors du chant et lorsque
l'animal écoute un congénère chantant (Wikipédia
fr) : il existe également des neurones échos. Chez l'homme,
il existe depuis avril 2010 une preuve directe de l'existence d'un
« système de neurones miroirs » ; par imagerie
cérébrale
fonctionnelle, il est possible d'observer ce système dans certaines régions du cortex
cérébral, comme autour de l'aire de Broca,
homologue à l'aire F5 du singe, au niveau du cortex
pariétal inférieur et du cortex
cinglé, dans les structures sous-corticales de la région
limbique, précisément au niveau de
l'amygdale et de l'insula. Pour plusieurs
chercheurs ils constituent un élément central de la cognition
sociale, depuis le langage jusqu'à l'art, en passant par les
émotions et la compréhension d'autrui36(*). ] [][][]Ils
jouent un rôle important dans l'empathie, c'est-à-dire dans la
capacité à percevoir et reconnaître les émotions
d'autrui, notamment sur la base du fait qu'un système miroir semble
exister pour les émotions . Jean-Pierre Polydor, neurologue, dans
son livre « Alzheimer mode d'emploi : le livre des
aidants », consacre un chapitre aux neurones miroir.
« La découverte des neurones miroirs par Rizzolatti
sous-tend la méthode que je propose depuis longtemps pour mieux
communiquer avec le patient : la gestuelle donne un supplément de sens
aux paroles, et elle permet une contagion émotionnelle positive via
l'empathie sous-tendue par ces neurones miroirs : par exemple faire attention
au placement par rapport au patient, au ton de la voix, à la mimique et
aux gestes qui accompagnent les paroles.» (Dr J.-P. Polydor, Extrait
d'Interview pour Impact Santé. Source : www.impact-sante.fr, le 26 mai
2010)
Le Caravage, « L'incrédulité de saint
Thomas », exemple de résonance en cas de sensations
tactiles
ANNEXE II - IPPOCAMPE ET AMYGDALE
L'hippocampe est une structure du cerveau
des mammifères. Il appartient notamment au système limbique et
joue un rôle central dans la mémoire et la navigation spatiale. Le
système limbique inclut les structures qui composent les bords
intérieurs du cortex (du latin `'limbus `' = bords) :
l'hippocampe, le cortex cinglé, le cortex olfactif, l'amygdale. Il a
longtemps été suggéré que ce système
limbique constituait la base neuronale des émotions . Une des
conséquences d'une lésion à l'hippocampe sur le
comportement du rat est l'augmentation de l'activité
(déplacement, exploration, etc.). Les psychologues et les
neuroscientifiques sont généralement d'accord sur le rôle
important de l'hippocampe dans la formation des nouveaux souvenirs des
événement vécus (mémoire épisodique ou
autobiographique)[. et serait responsable de la mémoire
déclarative, la mémoire qui peut être verbalisée et
qui comprend la mémoire des faits . L'hippocampe est une des
premières structures atteintes dans la maladie d'Alzheimer, ce qui
explique les problèmes de mémoire et de désorientation qui
caractérisent l'apparition de cette pathologie
neurodégénérative. Les personnes subissant de graves
dommages à l'hippocampe sont susceptibles de souffrir de
différents types d'amnésie.
L'amygdale est situé dans la
région antéro-interne du lobe temporal, en avant de l'hippocampe.
Elle est connecté avec l'hippocampe ; puis, avec le bulbe et le
cortex olfactif, le cortex cérébral, en particulier avec les
aires sensorielles associatives, le thalamus, l'hypothalamus, le striatum
ventral et dorsal (noyau caudé). L'amygdale fait partie du
système limbique et est impliquée dans la reconnaissance et
l'évaluation de la valence émotionnelle des stimuli sensoriels,
dans l'apprentissage associatif et dans les réponses comportementales et
végétatives associées en particulier dans la peur et
l'anxiété. La reconnaissance des émotions implique de
multiples structures cérébrales faisant partie des structures
limbiques ou paralimbiques. Ces voies sont idéalement appropriées
pour générer des réponses du système endocrinien,
du système nerveux autonome et des voies somatomotrices associées
aux émotions. Elle semble aussi jouer le rôle de mise en
éveil rapide du système cognitif. Ce système
d'alerte peut aussi fonctionner de manière automatique,
inconsciente. Si on présente très brièvement un visage
effrayé, de façon subliminale, sans que le sujet ait le temps
d'en prendre conscience, on observe pourtant une activation de son amygdale.
L'amygdale joue principalement le rôle de détecteur de
danger mais n'est pas limitée aux émotions négatives.
Tous les stimuli émotionnels sont associés avec une plus grande
probabilité d'activation de l'amygdale que les stimuli neutres. En ce
qui concerne le traitement des mots, aussi les mots émotionnellement
positifs ou négatifs activaient plus l'amygdale gauche que les mots
neutres.
Les mots émotionnellement positifs activent en
outre les régions du striatum impliquées dans le
système de récompense et auxquelles l'amygdale est
connectée.
ANNEXE III - LA MALADIE D'ALZHEIMER EXPLIQUÉE
AUX FAMILLES
Comment aider et communiquer :
livret explicatif aux familles des patients atteints de la maladie d'Alzheimer-
DOMUSVI « TIERS TEMPS SAINT MAUR » (EXTRAIT)
S'il n'existe pas vraiment de recette dans l'approche
de ces personnes malades, quelques points de repère sont essentiels
à garder en tête
· Se mettre face à la personne, à hauteur
de son regard ; parler en la regardant dans les yeux
· Etablir un contact par le toucher en lui prenant
délicatement la main ou en lui touchant l'épaule, pour capter son
attention
· Expliquer par des mots simples et des phrases courtes
ce que vous attendez de la personne
· Garder un ton calme et rassurant. Bien articuler,
parler d'un ton audible sans crier. Privilégier l'invitation à
faire, les propositions plutôt que les ordres
· Ne pas hésiter à utiliser les gestes, les
expressions du visage pour illustrer votre propos (langage non-verbal)
Aussi, stimuler la personne, en évitant sa mise en
échec, en lui demandant des actes ou des notions trop difficiles pour
elle ; à l'inverse, tout faire à la place de la personne
malade, lui parler comme à un enfant sont des comportements qui tendent
à accentuer la perte d'autonomie. Lorsque l'aidant fait tout à sa
place, la personne âgée n'a plus à faire fonctionner son
cerveau pour entretenir les capacités restantes et l'oubli progresse
d'autant plus vite. La participation est essentielle. En adoptant un ton
infantilisant, on risque d'agacer la personne ou de l'installer dans une
position qui majore la dépendance et épuise les proches. En
étant attentifs à ces recommandations, l'entourage va limiter les
troubles notamment les troubles du comportement, souvent
déclenchés, comme l'on a déjà dit, par des
échecs de la communication, des incompréhensions mutuelles.
ANNEXE IV- EVALUATION IMPLICATIONS
RELATIONNELLES DE MR E. ET MME B.
A. IMPLICATION DE MR E., ATTEINT D'AVC ET
COMPROMISSION DU LANGAGE, ANALYSÉE PAR L'INTERMÉDIAIRE DE SA
PARTICIPATION AUX SÉANCES ET LA RICHESSE DE SON EXPRESSION
VERBALE
Graf. 12

Participation aux séances :1. Absent
à la séance ; 2. apathique et indifférent ;
3.Hésitant ; 4.Intéressé ; 5. Actif et
engagé à faire
Expression verbale :1.Absent à la
séance; 2. Rares expressions verbales; 3.Expression
verbale hésitante; 4. Suffisamment riche, fluide et
claire ; 5. incessante et élaborée
B. IMPLICATION DE MME B, ATTEINTE DE PARKINSON ET
DEMENCE SEVERE, ANALYSÉE PAR L'INTERMÉDIAIRE DE LA DURÉE
DES SÉANCES ET LE MODE DE RELATION À L'ART-THÉRAPEUTE,
PRÉCISÉMENT LA QUALITÉ DES CONTACTS
Graf.13
Durée de la séance : 1. Absente
à la séance ; 2. Finit la séance en avant sa
durée fixée; 3. Respect de la durée avec de
l'effort ; 4. Respect de la durée sans de l'effort ; Active et
engagée à faire
Rel/art-th., qualité contacts : 1.
Agressifs ; 2. Polis ; 3.Cordiaux ; 4.Affectueux ;
5. Demande d'aide pour continuer la séance
FACULTE LIBRE DE MEDECINE
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE
&
AFRATAPEM
Mémoire de fin d'étude du Diplôme
Universitaire
d'Art-thérapie
Année 2013
Par FORTINO Isadora
UNE EXPÉRIENCE D'ART-THÉRAPIE À
DOMINANTE DANSE/EXPRESSION CORPORELLE AUPRÈS DE PERSONNES
ÂGÉES ATTEINTES DE LA MALADIE D'ALZHEIMER OU D'AUTRES TROUBLES
APPARENTÉS
La vieillesse, surtout si accompagnée par des formes de
pathologies, est souvent rude. Elle blesse l'autonomie ; fragiles les
liens, cause une perte de valorisation de son propre image psychique et
physique. Ses déficits intellectuels, moteurs et psychiques la rendent
très dépendante de son entourage et affectent grandement ses
capacités d'expression, de communication et de relation.
Ce mémoire relate une expérience
d'art-thérapie à dominante danse/expression corporelle avec des
personnes âgées atteintes des différents troubles de
démence chez la maison de retraite médicalisée Tiers
Temps -Saint Maur, Lille.
C'est notre hypothèse qu'il est possible
d'améliorer la qualité existentielle de la personne
âgée démente par l'exploitation du pouvoir expressif et
relationnel de l'Art. Nous allons montrer, donc, comment l'art-thérapie
peut permettre à la personne âgée atteinte en état
d'extrême dépendance de retrouver et affirmer son goût pour
la vie, en lui donnant la possibilité de s'exprimer et la poussée
à faire sortir de l'oublie des potentialités encore fortes.
L'Art-thérapie, ainsi, aide à retrouver la capacité
d'apprécier la vie et les belles choses, à retrouver des
possibilités d'autonomie et de liberté. Il est rendu compte aussi
de deux études de cas prises en charge selon la rigueur
méthodologique du modèle de l'Ecole de Tours.
Mots clefs : personne âgée ;
démence ; art-thérapie ; danse et expression
corporelle; élan corporel; communication-relation
AN EXPERIENCE OF ART-THERAPY WITH OLDER PERSONS AFFECTED WITH
ALZHEIMER'S PATHOLOGY OR OTHER SIMILAR DISORDERS
Old age, especially if accompanied by certain pathologies, is
usually difficult. It can damage an individual's autonomy, weaken
connections and diminish the very value of his or her psychological and
physical image. Intellectual disorders, motor or psychological, bring the
person to a state of dependence on his or her living context and debilitate the
capacity of expression, communicational as well as within relationships. This
dissertation recounts an experience of Art Therapy (dance- corporeal
expression) with older persons affected with different disorders of dementia at
a facilitated care home, Tiers Temps, Saint Maur, Lille. Our hypothesis is that
it is possible to improve the quality of life for patients through the
expressive and relational power of art. Therefore, we will show how Art
Therapy can permit an elderly person with dementia to find and affirm the very
joy of life. Art Therapy, additionally, helps boost some possibility of
autonomy and of liberty. It is also held account according to the
methodological rigor of the Tours' school model.
* 1 LA MALADIE D'ALZHEIMER
EXPLIQUÉE AUX FAMILLES, DOMUSVI « TIERS TEMPS SAINT
MAUR »
* 2 Justin M. Feinstein et
DanTranel de l'université de l'Iowa
* 3 Constitution de l'OMS
élaborée et adoptée lors des conférences
internationales de la santé, 2005
* 4 Leplège, 2001 ;
Rejesky et Mihalko, 2001, cités en Wikipédia fr.
* 5 R. FORESTIER, Tout savoir
sur l'art occidental , 2004
* 6 R . FORESTIER, Tout
savoir sur l'art-thérapie, 1999-2007
* 7 G. Rizzolatti-C.Senigaglia :
Il cervello e i neuroni specchio. Raffaello Cortina Editore, Milano
2006
* 8 D. Freedberg, V.Gallese,
en « Prometeo », 103/2008
* 9 Jean-Pierre Polydor,
Alzheimer, mode d'emploi, le livre des aidants , 2009
* 10 R. FORESTIER, Tout
savoir sur l'Art-thérapie, p.41
* 11 R.FORESTIER,
Tout savoir sur l'art-thérapie , p.50
* 12 Supplément à
V édition de Tout savoir sur l'Art-Thérapie,
cité
* 13 R. Forestier, Tout
Savoir sur l'Art-thérapie, cité
* 14 Claudio Gori, article dans
la Revue de « Psicogeriatria», 2011, I
* 15 Danielle Quidonoz,
relation tenue à Lion, janvier 2006
* 16 A.M. FASANARO et al.,
article dans la Revue de « Psicogeriatria», 2010, I
* 17 Anna Peruzzi, article
dans la Revue de « Psicogeriatria », 2011,
II.
* 18 Elena Cerruto, Danse et
chant des neurones miroirs, en- ligne, ww.associazionesarabanda.it
* 19 V. Cros, 2004
* 20 R. Laban, « La
maitrise du mouvement »
* 21 E. De Martino, 1961
* 22 R. FORESTIER, Tout
Savoir sur l'art thérapie, cité
* 23 Mémoire Catherine
PERRET, 2008, p.20
* 24 M. KLEIN, La
psychanalyse des enfants (1932)
* 25 D. Winnicott,
Therapeutic Consultation in Child Psychiatry,( 1971)
* 26 Mémoire de C.
PERRET cité, p. 22
* 27 Mémoire de C.
PERRET cité, p 60.
* 28 Daisy JOUAUD,
Mémoire DU Art-Thérapie, 2010
* 29 Mémoire
cité, p. 71
* 30 Supplément à
la 5 édition de Tout savoir de l'Art-Thérapie
* 31 E.R. Zetzel, W.W.
Meissner, Basic concept of psychoanalytic psychiatry, New York: Basic
Book 1973
* 32 Heinz Kohut,
L'introspection, l'empathie et le détour de la
santé , Revue française de psychanalyse, Vol. 49,
n° 5, 1985 ; Wilfred Bion, Aux sources de l'expérience,
1962 ; L'Attention et l'Interprétation, 1970
* 33 R. Schafer,
Mothering, Open Books Publishing Ltd, London 1977
* 34 Laplanche & Pontalis,
1967
* 35 Anne Pouchelle, p.10
« L'atelier d'art-thérapie », publication UFR TOURS
2000,citation de Valerie Cros
* Les neurones miroirs, G
Rizzolatti et al. , Pour la Science, Janvier 2007, p 44-49
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