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La fratrie

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par Thibaut GOSSET
Paris SUD - faculté Jean Monnet - droit, économie, gestion - Master II mention droit privé fondamental 2013
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE PARIS-SUD

Faculté Jean Monnet - Droit, Économie, Gestion Année universitaire 2012-2013

LA FRATRIE

Mémoire de Master 2 - recherche

Mention Droit Privé Fondamental

présenté par

Thibaut COSSET

Sous la direction de

Madame le Professeur Sophie GAUDEMET

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La Fratrie

Avertissement

« L'Université n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Celles-ci doivent être considérées comme propres à l'auteur »

4

La Fratrie

Liste des principales abréviations

AJDI Actualité juridique de droit immobilier

AJ Fam. Actualité juridique de droit de la fa-

mille

AN Assemblée Nationale

art. article

art. cit. article précité

Ass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation

bull. bulletin

CA Cour d'appel

C.civ. Code civil

CCTF Cahiers critiques de thérapie familiale

et de pratiques de réseaux

CE Conseil d'Etat

CEDH Cour européenne des droits de

l'Homme

Cf. supra Voir ci-dessus

Cf. infra Voir ci-dessous

CGI Code général des impôts

chron. Chronique de jurisprudence

Civ. Chambre civile de la Cour de cassa-

tion

CJCE/CJUE Cour de Justice des Communautés européennes / de l'Union européenne

Com. Chambre commerciale de la Cour de

cassation

Comm. Commentaire

Concl. Conclusions

Cons. const. Conseil constitutionnel

Conv. EDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

CP Code pénal

CPC Code de procédure civile

CPP Code de procédure pénale

Crim. Chambre criminelle de la Cour de

5

cassation CSP Code de la santé publique

D. Recueil Dalloz

Dr. et Patr. Revue droit et patrimoine

DUDH Déclaration universelle des droits de

l'Homme

éd. édition

et alii. et autres auteurs

fasc. Fascicule

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Ibid. Ibidem

IS Revue informations sociales

JCP G. Semaine juridique, édition générale

JCP N. Semaine juridique, édition notariale

JO Journal Officiel

LPA Les petites affiches

n° numéro

obs. observations

op. cit. oeuvre précité

p. page(s)

préc. précité(e)

rappr. Rapprocher de

RDSS Revue de droit sanitaire et social

Rép. Répertoire

Rev. Soc. Revue des sociétés

RFDC Revue française de droit constitution-

nel

RLDC Revue Lamy de droit civil

RJPF Revue juridique personnes et famille

RSC Revue de science criminelle et de droit

pénal comparé

RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD H Revue trimestrielle des droits de

l'Homme

S. Recueil Sirey

somm. Sommaire

spéc. spécialement

6

7

La Fratrie

INTRODUCTION

1. L'Humanité repose sur le postulat d'une parenté commune à chacun ses membres. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits [...] et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » (DUDH, art. 1er). La fraternité unit ceux qui partagent un ensemble de caractéristiques communes : la raison qui anime chaque être humain suffit à affirmer que « tous les hommes sont frères »1. Puis, l'exercice d'une même profession permet de se traiter en « confrères », une alliance fait naître des « frères d'armes », une nourrice des « frères de lait ».

2. La fratrie désigne ainsi un ensemble de liens qui se tissent au gré des relations qu'entretient chaque individu au sein de l'humanité. Par l'intensité de ses liens, c'est naturellement dans le cadre familial que la fratrie a trouvé une place privilégiée et que le droit s'est employé à organiser les rapports entre frères et soeurs.

3. La fratrie dans la famille - Selon les fonctions qui lui sont dévolues - éducation, production, secours, transmission, etc. - la famille, véritable « accordéon »2, se déploie ou se rétracte sans qu'il n'ait jamais été possible d'en donner une définition unique3. Schématiquement, il serait possible d'opposer à une famille « des temps ordinaires » réduite aux parents ou au couple et aux enfants, une famille « des temps de crise »4, plus élargie. La fratrie, avec les ascendants, les alliés, voire les proches, n'interviendrait que dans le second cas, afin de suppléer l'État dans sa mission de sauvegarde de l'ordre public. Le frère se voit alors reconnaître des prérogatives particulières telles que l'opposition à mariage (C.civ., art. 174), l'organisation de mesures de protections (C.civ., art. 456) ou la mise en oeuvre des mesures d'assistance éducative (C.civ., art. 375-3).

4. Or, dans la famille nucléaire, la fratrie est dépassée par l'intérêt de l'enfant pris isolément tandis que dans la famille élargie, elle est absorbée par le cercle des proches auquel le droit n'accorde d'effets qu'au regard des « sentiments exprimés » par l'intéressé (C.civ., art. 456). L'autonomie de la fratrie semble difficile à admettre alors que le droit n'en tient compte qu'à travers les intérêts particuliers de ses membres. Aussi, la fratrie est-elle, « pour l'essentiel, un empêchement à mariage et une vocation successorale de deuxième ordre - un interdit, une espérance -, quelques bribes d'appoint et beaucoup

Nota : le terme de frère sera employé pour désigner indifféremment les frères et soeurs.

1 Dictionnaire de l'Académie Française, 9e éd., 1986, v° « frère » ; GANDHI, Tous les hommes sont frères, Folio, 2003, 313 p.

2 Raymond LINDON, « La "famille accordéon" », JCP, 1965, I, chron. 1965

3 Judith ROCHFELD, Les grandes notions du droit privé, PUF, 2011, p. 110

4 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille, PUF, 2011, p. 52

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de silence »5. Il s'ensuit une indifférence quasi-unanime à l'égard des frères et soeur ; la fratrie étant réduite à un schéma sommaire6, une « ligne collatérale »7, « humiliée »8, sinon « inutile [et] plutôt encombrante »9.

5. Ce désintéressement pour la fratrie résulte, semble-t-il, de deux postulats erronés. D'une part, la fratrie n'est abordée qu'à travers un droit contraignant, sans rechercher si des normes sociales ou des règles plus permissives ne participent pas également de sa définition. D'autre part, l'étude des liens fraternels est souvent limitée aux relations entre enfants d'un même parent et fait l'économie d'une réflexion indispensable sur la définition-même de la fratrie. Or, toute tentative de définition de la fratrie révèle d'emblée l'intérêt de l'histoire et du droit pour cette institution particulière.

6. Ambiguïté de la définition - La définition de la fratrie paraît, à première vue, évidente10. Le droit comme le langage courant désignent par ce terme « l'ensemble des frères et soeurs d'une même famille »11. En revanche, le sens de « frère » demeure imprécis12. Le vocabulaire juridique ne le définit qu'au pluriel, comme les « fils d'un même père et/ou d'une même mère »13. La fratrie juridique comprend alors sans distinction les frères germains, issus de deux parents communs et les demi-frères, utérins - de même mère - ou consanguins - de même père.

Alors que le droit se contente d'un lien de filiation commun, la sociologie intègre également la résidence de l'enfant pour délaisser ou dépasser la consanguinité. La fratrie se trouve alors enrichie des « quasi-frères », dont un parent de l'un est uni à un parent de l'autre. La définition de la fratrie dépend donc de l'importance respectivement donnée au lien d'affection ou de filiation. L'affectif peut alors prendre une place que le droit ignore, au risque de confondre fratrie et fraternité.

7. Fratrie et fraternité - L'équivoque est pourtant entretenue par les définitions juridiques de la fra-ternité14. Comme « synonyme de la fratrie », celle-ci désigne le « lien de parenté entre frères et soeurs » mais également l'« idéal d'affection entre ceux qui se traitent ou devraient se traiter comme frères »15. Le droit reste étrangement aussi imprécis que le langage courant qui associe à la fraternité

5 Gérard CORNU, « La fraternité. Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », dans Ecrits en l'honneur de Jean Sava-tier. Les orientations sociales du droit contemporain, PUF, 1992, p. 29 ; L'art du droit en quête de sagesse, PUF, 1998, p.85

6 Alain BENABENT, Droit de la famille, Domat, 2e éd., sept. 2012, p. 5

7 René MAURICE, « Les effets de la parenté et de l'alliance en ligne collatérale », RTD Civ., 1971, p. 251

8 Jean-Pierre MARGUENAUD, « L'affaire Burden ou l'humiliation de la fratrie », obs. sur CEDH, Gr. ch., 29 avr. 2008, Burden c. RU, RTDH, 2009, p. 513

9 Véronique DAVID-BALESTRIERO, « L'unité de la fratrie », dans Mélanges Gilles Goubeaux, Dalloz, 2009, p. 71

10 Le terme est cependant récent : il est encore absent de la 8e édition du Dictionnaire de l'Académie Française (1932-1935)

11 Dictionnaire de l'Académie Française, 9e éd., 1986, v° « fratrie »

12 Evelyne FAVART, « Désigner les frères et soeurs : différences lexicales et sémantiques », IS, mai 2012, n° 173, p. 8

13 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, (association H. CAPITANT), PUF, août 2011, v° « frères »

14 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », LPA, 2 nov. 1999, n° 218, p. 7

15 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., v° « fraternité », « fratrie »

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La Fratrie

aussi bien le « lien de parenté qui unit les enfants issus des mêmes parents » que celui « unissant des êtres qui, sans être frères par le sang, se considèrent comme tels » 16.

8. En effet, la fratrie a longtemps été perçue comme un rapport humain idéal, sur le modèle de la fraternité chrétienne. Le terme grec de phratria désigne le groupe se rattachant un même ancêtre, un clan organisé autour d'un culte commun, plus proche de la gens romaine que de la fratrie actuelle. Celui de frater, en latin, entretient la même ambiguïté. Il s'entend sous la République des enfants nés d'un même père et d'une même mère (Lettres de CICERON à ATTICUS, 68 av-JC), tandis que dès l'ère chrétienne, la Vulgate l'emploie indifféremment pour désigner les frères Caïn et Abel (Gen., 4, 9-10) ou l'ensemble des croyants (Epître de St Paul aux romains, 8, 29). La fratrie comprend l'ensemble des membres d'une même religion aussi bien dans la pensée chrétienne, hindou17 que musulmane18.

9. Par extension, la fratrie a aussi pu désigner des rapports sans aucun caractère familial, tels que les congrégations de moines, de francs-maçons ou des institutions proches de l'adoption ou de la société comme le parrainage, le compérage ou l'affrèrement19. Ces différentes institutions ont pour propriétés communes l'égalité entre les membres et l'organisation d'une entraide tendant à suppléer la carence de la famille, notamment dans les classes populaires. Elles illustrent ainsi un idéal d'égalité et de solidarité entre les membres de la fratrie qui n'a pourtant pas toujours été une réalité.

10. La fratrie dans l'histoire - L'évolution historique de la fratrie est loin d'être linéaire ; « l'histoire a ses à-coups »20. Certaines données de fait ou, à l'inverse, certains idéaux, perturbent la compréhension des rapports entre frères et soeurs. Appréhendée à travers sa composition, la fratrie a connu des évolutions qu'il convient de relativiser21.

11. Réduction de la fratrie -D'une part, la réduction de la taille des fratries doit être tempérée22. Il est vrai que la natalité a fortement décru avec le temps, et si le Moyen-âge connaissait fréquemment des fratries de plus de dix enfants, le taux de natalité n'était, en 2011, que de 2,02, en France. Cependant, le fort taux de mortalité infantile réduisait autrefois le nombre d'enfants atteignant l'âge adulte ; les fratries n'étaient, de fait, composées que de deux à quatre membres au Moyen-âge23. Avec la baisse

16 Dictionnaire de l'Académie Française, 9e éd., 1986, v° « fraternité »

17 GANDHI, Tous les hommes sont frères, op. cit., p. 205

18 « Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu'on vous fasse miséricorde » (S. 49, V. 10, Les Appartements)

19 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO, Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, p. 1524 ; Anita GUERREAU-JALABERT, « Les structures de parenté dans l'Europe médiévale », Économies, Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6, p. 1028

20 Jean CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ, 10e éd., 2007, p. 279

21 Michel ORIS et alii., Les fratries. Une démographie sociale de la germanité, Population, famille et société, vol. 6, 2007

22 Laurent TOULEMON, « Combiens d'enfants, combiens de frères et soeurs depuis cent ans ? », Population et Sociétés, déc. 2001, n° 374, p. 1

23 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire », IS, mai 2012, n° 173, p. 13

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de la mortalité infantile, un français de vingt ans avait en moyenne 3, 6 frères et soeurs au XVIIIe siècle24.

12. La décroissance de la fratrie ne s'est réellement manifestée que durant la seconde moitié du XXe siècle25 (Annexe 1). C'est ainsi qu'en 2006, plus de 45 % des enfants de 0 à 18 ans n'avaient qu'un frère ou soeur et près de 20 % étaient enfants uniques. La décomposition du couple parental réduit par ailleurs le nombre de membres de la fratrie (0-24 ans) vivant effectivement ensemble à 1,89.

13. Diversification des fratries - D'autre part, l'hétérogénéité des fratries n'est pas inédite. L'institution de l'adoption offrait au chef de famille, dès l'Antiquité romaine, la faculté de modifier la composition de la fratrie26. Par ailleurs, au gré du décès précoce de l'un ou l'autre des époux, le couple parental a toujours été amené à se remodeler. Au XVIIIe siècle, dans la région parisienne, 30 à 40 % des mariages célébrés comprenaient au moins un veuf27. Il n'a donc jamais été exclu que la fratrie comprenne d'autres membres que les seuls enfants de deux mêmes parents.

14. C'est dès le XIXe siècle que seraient apparus les termes de « demi-frères » ou « demi-soeurs »28. Ces situations n'ont donc rien d'inédit aujourd'hui et demeurent en une proportion significative mais toutefois limitée, tandis que « les recompositions familiales n'augmentent pas »29. Les fratries complexes représentaient, en 2010, seulement 4,4 % de l'ensemble des fratries (Annexe 3).

15. Au XXe siècle, à la suite de l'ouverture du divorce, se joignirent aux demi-frères des frères et soeurs par l'alliance, parfois qualifiés de « quasi-frères », unis par l'union d'un de leurs parents respectifs. Déjà envisageable en cas de remariage de veufs ayant des enfants issus d'un premier lit, cette situation demeure encore assez rare (0, 8 % des fratries, soit 1,1 % des enfants de moins de 25 ans, en 2006 ; Annexe 3). En revanche, la multiplication des divorces a pour conséquence le risque d'éclatement de la fratrie entre les deux parents, situation qui ne se concevait pas en cas de décès prématuré d'un des parents30. Toutefois, les enfants demeurent très majoritairement avec leur mère en cas de rupture du couple parental (78 % en 2007 ; Annexe 4)31, ce qui n'a là non plus rien d'inédit puisque les veuves ont toujours été plus nombreuses que les veufs.

16. Or, le rattachement de la fratrie à la mère contredit son fondement traditionnel reposant sur la soumission au chef de famille, et donc au père. Les évolutions les plus manifestes de la fratrie concernent, en effet, moins sa composition que sa nature et les fonctions qui lui sont dévolues.

24 Michel ORIS et alii,. Les fratries. Une démographie sociale de la germanité,, p. 16

25 Fabienne DAGUET, « La fécondité en France au cours du XXe siècle », INSEE Première, 2002, n° 873

26 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO, Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, n° 134, p. 177

27 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire », art. cit., p. 18

28 Dictionnaire de l'Académie Française, 6e éd., 1832-1835, v° « frère »

29 Catherine VILLENEUVE-GOKALP, « La double famille des enfants de parents séparés », Population, 1999 n°1, p. 15

30 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille éclatées, familles reconstituées », D. 1992, p. 133

31 Adeline GOUTTENOIRE, « Le logement de l'enfant », AJ Fam., 2008, p. 371

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La Fratrie

17. Soumission de la fratrie à la parenté - La fratrie n'est jamais déterminée qu'en référence à une parenté commune, par une soumission, ou à l'alliance, par la prohibition de l'inceste32 . Elle ne trouve pas, semble-t-il, de définition propre.

18. Exemple le plus frappant, « la parenté romaine est, de son cercle le plus étroit à son cercle le plus large, exclusivement assise sur l'unité de puissance domestique »33. Le cercle familial le plus étroit, la domus, englobe indifféremment sous l'autorité du paterfamilias les enfants, biologiques ou adoptés et leur propre famille, l'épouse et les domestiques. Au décès du paterfamilias, chaque frère devient à son tour maître de sa femme et de ses enfants, ainsi que de ses soeurs. Entre frères, subsiste un lien d'agnatio (puis de cognatio), source de droits successoraux, d'empêchements à mariage et d'une charge tutélaire à l'égard des agnats incapables34. Le lien d'agnation se mue, avec les générations, en un cercle purement social et politique, la gens, désignant l'ensemble des personnes revendiquant un ancêtre commun, le plus souvent mythique.

Quelle que soit l'étendue du lien familial envisagé, celui-ci n'a donc d'existence qu'au regard de sa dépendance à l'égard d'un auteur commun. Tout le long du Moyen-âge, le lignage reste également l'institution familiale prédominante. La fraternité dépend exclusivement de la filiation, tandis que la famille se resserre autour des descendants directs du chef de famille. Seule la fraternité spirituelle trouve une certaine autonomie sous forme de communautés monastiques.

19. Le Code civil n'a pas rompu avec cette approche, tout en faisant désormais prévaloir l'alliance sur la filiation. Si, en 1804, la grande famille lignagère se recentre sur un foyer conjugal plus étroit, la fratrie demeure définie principalement à travers l'interdiction de l'inceste. Puisque l'alliance a pris le rang de la filiation, la fratrie du XIXe siècle, autrefois soumise au lignage, place sa définition sous la dépendance du couple35.

20. Son autonomie n'a finalement été consacrée qu'avec la Loi du 30 décembre 199636, posant un principe de non séparation des frères et soeurs (C.civ, art. 371-5). Désormais, ceux-ci ne sont plus appréhendés uniquement à travers un lien de filiation commun ou l'interdiction d'une alliance, mais comme entité autonome et solidaire37. La fratrie serait alors « érigée en l'un des fondements de la cellule familiale, afin de lui permettre de se maintenir comme entité stable »38. Cette autonomie nouvelle

32 Elisabeth COPET-ROUGIER, « Alliance, filiation, germanité », Sociétés contemporaines, 2000, n°38, p.21

33 Jean-Philippe LEVY, Manuel élémentaire de droit romain, Dalloz, 7e éd., 2003, p. 157

34 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., p. 51 ; Jean GAUDEMET, Emmanuelle CHEVREAU, Droit privé romain, Domat, 3e éd., 2009, p.37

35 Pierre CATALA, « Rapport de synthèse », dans Aspects de l'évolution récente du droit de la famille, travaux de l'association Henri CAPITANT, Economica, tome XXXIX, 1988, p. 1

36 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996 », Rép. Defrénois, 1997, p. 897

37 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français, Thèse, PUAM, 2009, p. 524, n° 659

38 Thierry REVET, « Autorité parentale : loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 », RTD Civ., 1997, p. 229

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est pourtant paradoxale car, parallèlement, les droits des collatéraux, absorbés par des intérêts individuels, tendent à s'effacer devant la prééminence du couple ou de l'enfant39.

21. Egalité fraternelle - Si la dépendance de la fratrie à l'égard du chef de famille est une constante abandonnée que très récemment, l'égalité des frères et soeurs n'a jamais été consacrée de manière définitive. Dès le droit romain, il a existé une stricte égalité entre membres de la domus s'agissant de la dévolution de la succession40. « Il est de droit constant que les biens des pères et mères morts ab intestat doivent être divisés également entre les fils et les filles » (Justinien, C., 3, 36, 11). La rupture est là totale avec de nombreux droits contemporains, tel le droit hébraïque, prévoyant à la fois un privilège de masculinité et un droit d'aînesse41. L'égalité romaine cédait cependant s'agissant de la succession des agnats, collatéraux plus éloignés, au préjudice des femmes autres que la soeur du de cujus.

22. Le droit Franc ne connaît pas non plus de privilège d'aînesse. « Au moins jusqu'au IX-Xe siècle, prévaut une égalité des enfants mâles »42. En revanche, il existe en présence d'héritiers masculins, une exclusion des femmes des successions foncières. La règle trouve son fondement dans la crainte que la terre de la famille - principale richesse de l'époque - ne sorte de son patrimoine à l'occasion d'un mariage. Sous l'Ancien-Droit, des régimes spécifiques se développèrent, s'agissant notamment de la transmission du fief. En fonction de l'importance accordée au bien, l'aîné, mâle, se vit accorder une part successorale plus grande, voire exclusive.

Finalement, l'inégalité entre frères et soeurs procédait davantage de la diversité des coutumes, des régimes spéciaux et de la place laissée à la volonté du testateur dans la répartition des biens entre ses héritiers. En outre, et la règle est constante, les enfants naturels, considérés comme étrangers à la famille, n'héritaient pas : « Bâtards ne succèdent point ». Tout au plus, pouvaient-ils demander des aliments à leurs parents. L'égalité, relative entre les membres d'une fratrie légitime, cédait chaque fois que la filiation des héritiers était de nature différente.

23. Aussi, l'égalité, spécialement successorale, donna-t-elle lieu à de nombreux débats sous la Révolu-tion43. Elle fut d'abord garantie par la mise en place d'un droit national unifié. Après la nuit du 4 août, le Décret du 15 mars 1790 supprima tout droit d'aînesse et de masculinité. MIRABEAU s'exclama, devant la Constituante, qu'« il n'y [avait] plus d'aîné, plus de privilégiés dans la grande famille nationale »44. Mieux, la loi du 12 brumaire An II assimila, du point de vue successoral, l'enfant naturel simple à l'enfant légitime.

39 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille, PUF, 2011, p. 30

40 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., n°774, p. 1140

41 « Il reconnaîtra l'aîné dans le fils [...] en lui donnant double part » (Deut. 21, 17)

42 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire », IS, mai 2012, n° 173, p. 16

43 André BURGUIERE, « La Révolution et la famille », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1991, n° 1, p. 151

44 Ibid.

13

La Fratrie

24. Si le Code civil se montra tout aussi rigoureux dans la protection des enfants légitimes à travers l'instauration d'une réserve héréditaire stricte, il exclut du bénéfice de cette égalité les enfants naturels, a fortiori adultérins ou incestueux. Ces mêmes auteurs qui affirmaient que « tous les hommes sont égaux devant une législation conforme à la nature »45, défendirent ensuite une vocation successorale moindre pour les enfants naturels (C.civ., art. 340, anc.), nulle pour ceux issus de relations adultérines (C.civ., art. 331, anc.). La jurisprudence admit toutefois que le mariage des parents permît de purger la filiation de son vice originel46. Puis, malgré la résistance de certains auteurs47, l'opinion publique, la doctrine et le législateur se montrèrent de plus en plus favorables à une égalité entre membres de la fratrie, quelle que soit leur filiation.

25. Le droit ne pouvait, en effet, résister aux données de fait : alors que les naissances hors mariage ne représentaient que 8,5 % des cas en 1965, elles atteignaient 30 % en 199048 et 55 % en 2011 (Annexe 2). Les lois du 3 janvier 1972 et 3 décembre 2001, et enfin, l'ordonnance du 4 juillet 2005, mirent fin à la distinction entre filiation naturelle et légitime. Sous la seule réserve de l'interdiction pour les enfants incestueux d'établir leur double filiation, « tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère » (C.civ., art. 310). L'égalité juridique entre frères et soeur ne saurait pourtant effacer un privilège toujours patent dont jouit l'aîné49, à travers sa réussite scolaire et sociale50.

26. Fonctions historiques de la fratrie - Paradoxalement, l'avènement de la fratrie comme institution familiale autonome révèle un décalage entre les fonctions qui lui sont réellement associées et l'idéal de fraternité51. Alors que les institutions revendiquant une similitude avec la fratrie - affrère-ment, confréries, etc. - se caractérisent par une solidarité et un rapprochement de leurs membres, les fonctions de la fratrie sont tout autres.

27. Fonction d'éclatement - Sa fonction première est, historiquement, celle d'un éclatement, afin de garantir l'échange entre les familles52. Les mythes fondateurs de la pensée européenne reposent d'ailleurs sur des relations fratricides, tel le meurtre de Remus par Romulus ou l'affrontement de Caïn et Abel53. L'anthropologie et la psychanalyse décrivent la fratrie comme n'ayant pour seul but que l'organisation des rapports de concurrence entre frères et soeurs, afin de garantir l'exogamie et un affrontement pacifié. C'est cette fonction qui semble prévaloir en droit, toutes époques confondues, à

45 CAMBACERES, dans François EWALD, Naissance du Code civil, Flammarion, 2004, p. 367

46 Civ., 22 janv. 1867, DP, 1867, I, 5

47 Henri MAZEAUD, JCP, 1977, I. 2859, obs. sur Civ. 1re, 16 févr. 1977

48 Jean-Louis HALPERIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, PUF, 2001, p. 322

49 Anne CHEMIN, « L'aîné, ce héros », Le Monde - culture et idées, 7 févr. 2013

50 Guy DESPLANQUES, « La chance d'être aîné », Economie et statistiques, oct. 1981, n° 137, p. 53

51 Philippe CAILLE, « Fratries sans fraternité », CCTF., 2004, n° 32, p. 11

52 Claude LEVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté (extraits), Flammarion, 2010, 150 p.

53 Josy EISENBERG, Armand ABECASSIS, Moi, le gardien de mon frère ?, Albin Michel, 322 p.

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travers la prohibition de l'inceste - l'excès d'amour fraternel - et du fratricide - l'absence d'amour54. La réalité est donc très éloignée de l'idéal de fraternité qui irrigue la pensée juridique, jusqu'aux fondements de la Constitution française (Const., art. 2, al. 4)55.

28. Fonction de solidarité - La fonction de solidarité de la fratrie ne saurait être ignorée pour autant. La fratrie tend généralement à suppléer la carence des parents56. En droit romain, le frère dans l'opulence devait des aliments à celui dans le besoin, y compris au profit du frère naturel (Justinien, Nov. 89, 12,6) et assumait la charge tutélaire du cognat incapable57. Au Moyen-âge, la différence d'âge entre membres d'une même fratrie pouvait être considérable en raison de la forte natalité et le taux élevé de mortalité infantile. Il en résultait des relations « obliques »58 entre les collatéraux dont l'écart d'âge se rapprochait de celui existant entre générations différentes. Dès lors, en cas de décès des parents, l'aîné assurait naturellement une fonction de protection des cadets. Une obligation alimentaire demeura à des conditions strictes et se vit, dans les lignées nobles, suppléée par un devoir de protection presque vassalique des cadets mineurs par l'aîné majeur59. Aujourd'hui encore, l'assistance entre frères intervient avant tout en situation d'isolement (décès des parents, célibats) et subsidiairement à celles des parents en enfants (Annexe 5).

29. Pourtant, ces relations n'ont pas été consacrées par le droit français qui refusa d'établir une obligation alimentaire entre collatéraux. Il limita l'entraide fraternelle à un rôle secondaire dans l'organisation des tutelles - finalement dissout par la Loi du 5 mars 2007 (C.civ., art. 449). La fratrie aurait désormais perdu, en droit, toute dimension fraternelle.

30. Il ressort de son histoire houleuse que la fratrie, comme la famille, connaît des constantes - dimension, hétérogénéité, subordination à la puissance parentale, éclatement - et des aspects plus contingents - égalité, autonomie, solidarité. Comme la famille, la fratrie appartient à la fois au droit et aux moeurs et ne saurait être comprise à travers sa seule législation. Or, la loi et le fait évoluent et exigent une analyse dynamique de cette institution, à la marge du droit et du non-droit.

31. La fratrie dans la société contemporaine - D'une part, l'instabilité du couple n'est plus à dé-montrer60. L'étiolement de ce pilier traditionnel de la famille a pour conséquence un affaiblissement des liens de solidarité qui existaient entre alliés. Lorsque le couple survit, il se présente avant tout

54 Agnès FINE, « Liens de fraternité », IS, mai 2012, n° 173, p. 36 ; « Frères et soeurs en Europe dans la recherche en sciences sociales », CLIO, histoire, femmes et société, 2011, n°34, p. 167

55 Marcel DAVID, « Solidarité et fraternité en droit public français », dans La solidarité en droit public (Jean-Claude BEGUIN, Patrick CHARLOT, Yan LAIDIE), L'Harmattan, 2005, p. 11

56 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et gratuité, Thèse, L'Harmattan, 2004, n° 190, p. 203

57 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., n° 176, p.234

58 Didier LETT, « Les frères et les soeurs, "parents pauvres de la parenté" », Médiévales, 2008, n° 54, p. 5

59 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et gratuité, op. cit., n° 190, p. 203

60 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille, op. cit., p. 25

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comme un espace d'épanouissement personnel qui ne saurait impliquer le sacrifice de l'individu au profit de la communauté. D'autre part, l'allongement de la durée de la vie fait peser sur les générations actives une charge de plus en plus lourde. Les transferts de richesses verticaux ne garantissent plus une aide suffisante aux générations dans le besoin. Enfin, les ressources de la solidarité nationale ne sauraient faire face à la paupérisation de la société dans son ensemble61. L'Etat ne peut intervenir qu'en cas de défaillance de la famille62.

32. Déjà, lors du centenaire du Code civil, Julien BONNECASE pouvait affirmer que « la famille entendue [comme le groupe des ascendants et des descendants] ne se suffit pas organiquement à elle-même ; il lui faut, pour avoir toute sa vitalité et toute sa stabilité, un cadre de sympathie constitué par les collatéraux »63. Or, l'instabilité du couple, l'insuffisance de la solidarité intergénérationnelle, le désengagement inéluctable de l'État impliquent, aujourd'hui plus que jamais, la recherche de liens susceptibles de se substituer aux institutions sociales et familiales défaillantes.

33. Dans ce cadre, la fratrie, dévalorisée par le droit positif, présente une potentialité certaine64. Elle apparaît, premièrement, comme un lien moderne. Le statut de frère est, certes, imposé mais il appartient aux frères de déterminer les charges qu'ils souhaitent supporter en cette qualité. A l'opposée de la filiation ou de l'alliance, choisis mais liés à un statut contraignant, la fratrie est imposée mais ouvre un espace de liberté, privilégiant l'incitation à la contrainte, le permissif à l'obligatoire, l'affinitaire au statutaire. « La "modernité" de la germanité s'opposerait au "passéisme" du lien de filiation »65.

Deuxièmement, la fratrie joue un rôle de « substitut ». Ses liens deviennent d'autant plus étroits que les frères et soeurs n'ont pas de conjoint ou d'enfant et s'intensifient entre personnes âgées sans descendants, lorsque le parent commun est décédé (Annexe 5). Les liens fraternels s'expriment, spontanément, en cas de défaillance des autres institutions familiales. C'est donc dans les situations nécessitant une forme nouvelle de solidarité que la fraternité se renforce naturellement (cf. supra, n°29).

Sans entraver la liberté et l'épanouissement de ses membres, la fratrie pourrait alors répondre à la carence de la famille et de la solidarité nationale en développant ses effets encore embryonnaires66.

34. Les contradictions de la fratrie - Ce renouveau de l'intérêt de la fratrie commande d'en rechercher son identité. Or, une contradiction apparaît entre les fonctions qui y sont attachées et la définition qui en est donnée. Paradoxalement, alors qu'un statut semble découler de la seule qualité de frères et

61 Pascal BERTHET Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, Thèse, L'Harmattan, 2001, p. 9, n° 4

62 Jean HAUSER, « Une famille récupérée », dans Mélanges Pierre Catala, Litec, 2001, p. 327

63 Julien BONNECASE, La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, RGD, 2e éd., 1928, p. 11

64 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille, op. cit., p. 30

65 Emmanuelle CRENNER, Jean-Hugues DECHAUX, Nicolas HERPIN, « Le lien de germanité à l'âge adulte. Une approche par l'étude des fréquentations », Revue française de sociologie, 2000, n°41-42, p. 221

66Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs, les négligés du roman familial », dans La fratrie méconnue : liens du sang, liens du coeur (Brigitte CAMDESSUS), ESF Editeur, 1998, p. 27

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soeurs, indépendamment de toute référence à la filiation ou l'alliance, l'identification de la fratrie reste déterminée par le lignage. Le droit persiste à définir la fratrie par la parenté juridique commune aux frères et soeurs, tout en admettant qu'elle s'émancipe de la filiation comme institution autonome.

Un paradoxe réside donc dans le fait d'attacher un corps de règles à la fratrie, en raison des liens horizontaux, de droit ou de fait, qui unissent les frères et soeurs, tout en la définissant par une parenté commune, lien vertical réduit à sa dimension juridique. Précisément, la fratrie ne peut être définie uniquement par une parenté commune alors que les particularités de ses liens permettent d'y attacher des effets indépendants de la filiation.

35. Dépassement de la contradiction - Cette contradiction ne peut donc être dépassée qu'en recherchant les fondements des règles attachées à la fratrie. Si son régime se justifiait par la seule parenté commune aux frères et soeurs, la définition de la fratrie en référence à la filiation pourrait être ad-mise67. A l'inverse, s'il apparaît un régime propre à la fratrie, indépendamment de tout rapport à la filiation, sa définition doit être repensée afin de la faire coïncider avec ses fonctions. C'est pourquoi la définition de la fratrie ne pourra être appréciée qu'après avoir recherché si la fratrie existe en tant qu'institution autonome. La fonction commande la définition68.

36. Or, il apparaît que sont attachés à la fratrie des effets, certes, lacunaires mais indépendants du lien de filiation commun ou de la seule qualité de proches. Ces effets, en l'absence de fondements propres, ne suffiraient pas à identifier une institution autonome. Or, le régime de la fratrie repose sur deux fonctions qui lui sont historiquement attachées et indépendantes des rapports de filiation ou d'alliance : l'émancipation des frères et soeurs et une forme originale de solidarité. La fratrie pourvue d'effets et de finalités propres serait reconnaissable comme institution autonome.

37. Dès lors, l'existence d'un auteur commun ne peut plus justifier à elle seule les règles régissant les rapports entre frères et soeurs. Admettre l'autonomie de la fratrie comme institution commande de définir la qualité de frères et soeurs au regard des seuls liens qui les unissent, sans le recours à d'autres institutions familiales. Ce n'est qu'après avoir dégagé les critères permettant de qualifier deux personnes de frères ou soeurs qu'il sera possible d'apprécier si les distinctions effectuées entre frères germains, demi-frères, quasi-frères ou tiers sont justifiées.

Aussi, la découverte d'un corps de règles particulier à la fratrie reposant sur des fonctions propres (Chapitre Premier) permettra de déterminer quels rapports de droit ou de fait la fratrie doit recouper (Chapitre Second).

67 Péroline CHARLOT, « La fratrie », RRJ, 2001-2 (Volume I), n° XXVI - 88, p. 551

68 Rappr. comment l'atténuation de la fonction d'engendrement du mariage a permis une redéfinition de cette institution, y intégrant les transsexuels puis les couples de personnes de même sexe.

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CHAPITRE I : L'existence de la fratrie en droit

38. L'existence de la fratrie en droit n'est pas certaine. Les liens intrafamiliaux sont, le plus souvent, réduits aux rapports de parenté ou d'alliance. Aussi, la fratrie n'est-elle définie que par référence à une filiation commune ou la prohibition d'une alliance entre ses membres69. A première vue, « c'est par leurs parents que les enfants sont unis »70. Dans d'autres cas, les frères et soeurs seront assimilés à de simples proches.

39. Pourtant, les rapports fraternels ont une existence de fait que le droit n'ignore pas. Ces rapports répondent à des fonctions bien particulières que ne connaissent ni les parents, ni les alliés. Dès lors, l'hypothèse peut être formulée qu'il existerait des règles propres à la fratrie, la distinguant de la pa-renté, de l'alliance ou du cercle des « proches ». Ce corps de règles se différencierait des autres rapports familiaux à la fois par son objet et par ses fonctions.

40. En effet, l'organisation des rapports entre frères et soeurs repose sur une égalité et une unité dont certains aspects ne dépendent d'aucune autre institution familiale. Par ailleurs, la vocation de la fratrie est de favoriser une solidarité subsidiaire à celle des époux ou des parents ainsi que d'assurer une indépendance suffisante entre ses membres pour qu'ils puissent, à leur tour, fonder une famille. Or, ces fonctions sont biens distinctes de celles qui caractérisent le couple ou la parenté.

La découverte de règles propres aux rapports fraternels (Section 1) révèle ainsi les fonctions particulières attachées à ceux-ci (Section 2).

Section 1 : Les caractères autonomes de la fratrie

41. Souvent, la fratrie est soit fondue dans les rapports de parenté, soit assimilée aux liens entre proches. Il est donc délicat d'identifier des règles propres à la fratrie. Pourtant, dans les rapports entre frères et soeurs, existent des règles détachées de toute référence à la parenté commune des collatéraux et les distinguant de simples proches. D'ordre extrapatrimonial plutôt que pécuniaire, ces règles révèlent l'existence de la fratrie en droit, à travers l'égalité (§1) et l'unité (§2) de ses membres.

69 Elisabeth COPET-ROUGIER, « Alliance, filiation, germanité », Sociétés contemporaines, 2000, n°38, p.21

70 Gérard CORNU, « La fraternité. Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », art. cit.

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§1. L'égalité fraternelle

42. L'égalité régit l'ensemble des rapports humains (DDHC, art. 1er), notamment familiaux71, et non seulement la fratrie. Pourtant, l'égalité fraternelle doit, en droit, remédier aux inégalités de fait qui peuvent exister entre frères et soeurs (A) et constitue à ce titre une règle propre à la fratrie (B).

A/ Les manifestations de l'égalité des frères et soeurs

43. L'égalité fraternelle se manifeste à travers les différents liens qui constituent la fratrie72 : elle régit à la fois les rapports des frères et soeurs à l'égard de leurs parents et entre membres de la fratrie.

44. Egalité des frères - L'égalité des frères et soeurs à l'égard de leurs parents est affirmée avec force par l'article 310 du Code civil : « tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère ».

45. Premièrement, les frères et soeurs bénéficient de droits égaux. En dépit d'infléchissements récents, l'égalité successorale des collatéraux est toujours garantie par une réserve héréditaire, interdisant aux parents d'avantager excessivement l'un des frères (C.civ., art. 912 s.). En outre, toute inégalité fondée sur la nature du lien de filiation a été vigoureusement condamnée par la décision Mazurek rendue par la CEDH le 1er février 200173. Malgré les « embarras philosophiques »74 du législateur, l'inégalité qui a longtemps frappé les enfants adultérins a été abandonnée par la loi du 3 décembre 2001 (cf. supra n° 25). L'égalité des frères prime désormais l'intérêt de la famille légitime75.

46. Deuxièmement, l'égalité gouverne les devoirs de la fratrie envers ses auteurs. A ce titre, l'enfant supporte une obligation alimentaire envers ses parents dans le besoin (C.civ., art. 205). En présence d'une pluralité d'enfants, aucune hiérarchie n'existe au sein de la fratrie mais il est à craindre qu'un enfant - notamment l'ainé - supporte la majorité, sinon l'intégralité de cette charge76. Pragmatique, la Cour de cassation a admis que le descendant qui s'était investi davantage que ses collatéraux puisse exercer une action subrogatoire contre ses frères et soeurs77, afin de rétablir l'égalité en devoir au sein de la fratrie.

71 Jacques MASSIP, « Liberté et égalité dans le droit contemporain de la famille », Rép. Defrénois, 1990, p. 149

72 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006, n° 66, p.143

73 CEDH 1er févr. 2000, n° 34406/97, Mazurek c. France, D. 2000, 332, note J. THIERRY, ibid. 626, chron. B. VAREILLE, GAJC, 12e éd., 2007, n° 99, RDSS, 2000, 607, obs. F. MONEGER ; RTD civ., 2000, 11, obs. J. HAUSER ; ibid. 429, obs. J-P. MARGUENAUD ; ibid. 601, obs. J. PATARIN ; rappr. CEDH, gde ch., 7 févr. 2013, n° 16574/08, Fabris c. France, JCP G., act. 2013, p. 425, obs. F. SUDRE, Gaz. Pal., 21 mars 2013, n°80, p. 11

74 Jean CARBONNIER, « Isaac et Ismaël demi-frères », dans Mélanges Sassi Ben Halima, Tunis, CPU, 2005, p. 3

75 Marc NICOD, « La vocation successorale de l'enfant adultérin », LPA, 30 sept. 2002, n°195, p. 29

76 René SAVATIER, « Peut-on récupérer en droit sur ses frères et soeurs les soins et impenses faites pour ses parents ? », Rep. Defrénois, 1963, p. 549, art. 28419

77 Civ. 1re, 21 juin 1989, bull. n° 245 ; recours auquel a été substituée une action en enrichissement sans cause contre la succession ; Civ. 1re, 12 juil. 1994, JCP N., 1995, II, p. 1658, note A. SERIAUX, Rep. Defrénois, 1994, p. 1516, art. 35950, note R. SAVATIER, Rep. Defrénois, 1996, p. 842, art. 36363, obs. B. GELOT, Dr. Fam., oct. 1999, p. 4, obs. D. GRILLET-PONTON

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La Fratrie

47. Egalité entre frères - Les frères et soeurs sont également assurés d'une certaine égalité dans leurs rapports réciproques. Là encore, il s'agira d'une égalité en droits, à travers une égale vocation des collatéraux à la succession du frère ou de la soeur décédé (C.civ., art. 744). De plus, tout rapport hiérarchique est exclu entre frères et soeurs, comme l'illustre l'absence de circonstance aggravante des crimes sexuels commis contre un collatéral. Malgré une tentative avortée78, le droit pénal n'incrimine pas l'inceste en tant que tel ; seule est prise en compte l'autorité dont pourrait profiter un parent pour commettre une agression sexuelle ou un viol contre un membre de sa famille (CP, art. 222-24, 222-28 et 227-27)79. L'aggravation des peines a donc pour fondement la situation de supériorité de l'auteur, et non le caractère amoral de la relation80.

Exclure toute circonstance aggravante à l'encontre de celui qui abuse de son frère ou de sa soeur revient donc à postuler une égalité de principe dans les rapports fraternels. Seule la preuve d'une autorité de fait de l'auteur sur la victime permettra d'aggraver la peine qui lui sera infligée81.

48. Ainsi, les frères et soeurs jouissent d'une stricte égalité en droits et en devoirs à l'égard de leurs parents et dans leurs rapports réciproques. Or, cette égalité n'est pas inédite et régit l'ensemble des rapports humains. Que le fratricide ne soit pas davantage sanctionné qu'un « meurtre ordinaire »82 (CP, art. 221-4) semble priver la fratrie de toute consistance ou y assimiler l'humanité entière. L'ambiguïté étymologique du terme de fratrie (cf. supra n° 8) rejaillit ainsi sur son régime.

B/ Les particularités de l'égalité des frères et soeurs

49. Egalité lignagère et universelle - En grande majorité, l'égalité fraternelle repose soit sur l'ignorance des relations entre frères, soit sur l'égalité de droit attachée au lien de filiation, notamment en matière successorale : « ce n'est pas la fraternité que [l'égalité] célèbre, mais l'enfant »83. Cette égalité est donc définie en référence à la parenté - égalité lignagère - ou par indifférence à l'égard de la fratrie, dont les membres sont considérés comme tiers - égalité universelle. Finalement, la meilleure garantie de l'égalité fraternelle serait d'ignorer la fratrie, de considérer le frère « simplement comme un étranger »84. Or, asseoir l'égalité fraternelle sur une indifférence à l'égard de la qualité de frère ferait obstacle à la découverte d'une institution autonome dans la fratrie, alors fondue dans l'humanité toute entière.

78 Loi n° 2010-21, 8 févr. 2010, JCP G., 2010, p. 335, obs. A. LEPAGE

79 Jean PRADEL, Droit pénal spécial, Cujas, 5e éd., 2010, n° 744, p. 442

80 Marie-Laure RASSAT, « Inceste et droit pénal », JCP G., 1974, I, chron. 2614 ; Danièle MAYER, « La pudeur du droit face à l'inceste », D. 1988, chron. p. 213

81 Crim., 17 sept. 1997, bull. n° 302, Dr. pén., 1998, comm.. n° 2, RSC, 1998, p. 325, note Y. MAYAUD

82 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit.

83 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006, n° 66, p.144

84 René MAURICE, « Les effets de la parenté et de l'alliance en ligne collatérale », art. cit.

50.

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Egalité fraternelle - Cependant, il arrive que l'égalité fraternelle repose sur la seule qualité de frère, indépendamment de la filiation, sans pour autant être fondue dans une égalité universelle. Ainsi, la vocation successorale des collatéraux a longtemps été attachée à la filiation qui les unissait à leur auteur commun, par le « privilège du double lien ». En ligne collatérale, la succession était divisée en deux parts égales correspondant aux branches paternelles et maternelles, les germains héritant dans chacune, les consanguins et utérins dans une seule (C.civ., anc. art. 752)85. Puis, la restriction des droits des collatéraux les plus éloignés et l'accroissement corrélatif des droits du conjoint, en affaiblissant le caractère lignager de la succession, auraient privé ce mécanisme de toute justification86.

51. Par « souci d'une plus grande égalité entre frères et soeurs et de simplification des règlements successoraux »87, le législateur a alors abandonné cet « archaïsme »88. Depuis la Loi du 3 décembre 2001, les demi-frères ont donc, en ligne collatérale, une vocation successorale égale à celle des germains (C.civ., art. 744)89. Les travaux parlementaires expliquent cette évolution en raison de l'exigence d'égalité des frères et soeurs que la Cour européenne venait de rappeler par l'arrêt Mazu-rek90. Pourtant, la solution ancienne était tout aussi égalitaire, puisqu'à chaque lien de filiation commun correspondait une égale vocation successorale. L'affection réciproque que se portent les frères, fondement classique de la dévolution successorale, était présumée dépendre du nombre de leurs auteurs communs.

Seulement, le fondement de l'égalité a changé91 ; ce n'est plus le lien de filiation commun qui permet de mesurer la vocation successorale mais la seule qualité de frère92. La trop grande variété de situations interdit toute hiérarchie dans l'affection présumée que se portent les frères : dès lors, la dévolution successorale doit être strictement égale entre frères et demi-frères, à charge pour chacun d'avantager l'un d'eux au moyen de libéralité93. L'égalité, filiale, devient alors fraternelle.

52. L'égalité lignagère ou universelle ne suffit plus à expliquer les règles qui régissent les rapports fraternels : l'égalité qui caractérise la fratrie est donc, en partie du moins, attachée à la seule qualité de frère. En outre, l'unité de la fratrie confirme l'existence de règles propres à ce groupe.

85 Sabine LEVENEUR, Leçons de droit civil. Successions-Libéralités, Monchrestien, 5e éd., 1999, p. 72 ;

86 Michel GRIMALDI, Droit civil. Successions, Litec, 5e éd., 1998, p. 123

87 Nicolas ABOUT, SENAT, SO 2000-2001, Com. des lois, Rapport n° 378, 13 juin 2001

88 SENAT, SO 2000-2001, Rapport n° 378, préc., Annexe, audition de Pierre CATALA, 30 mai 2001

89 A l'exception, cependant, des successions anomales ; Gérard CHABOT, « De la portée du droit de retour légal au profit des frères et soeurs », RLDC, 2006, p. 33

90 CEDH 1er févr. 2000, n° 34406/97, Mazurek c. France, préc.

91 Jean CARBONNIER, « Isaac et Ismaël demi-frères », dans Mélanges Sassi Ben Halima, Tunis, CPU, 2005, p. 3

92 La solution peut être rapprochée de celle par laquelle le Conseil constitutionnel a refusé toute distinction fondée sur la situation du second parent pour fixer la pension de réversion des demi-frères au décès de leur auteur commun ; Cons. const. n° 2010-108 QPC,25 mars 2011, RFDC, 2011, n° 87, p. 600, obs. F. DARGENT ; RLDC, 2012, n° 90, actu L. LADOUX

93 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans les familles recomposées », LPA, 12 sept. 2012, n° 183, p. 72

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La Fratrie

§2. L'unité fraternelle

53. L'unité de la fratrie repose avant tout sur la soumission de l'ensemble de ses membres à une même autorité parentale. Pourtant, la fratrie ne saurait être réduite à une communauté de toit, un nom de famille unique et une vocation successorale de second ordre. L'unité fraternelle, principalement extrapa-trimoniale (A) révèle, à certains égards, une communauté indépendante de la lignée (B).

A/ L'expression de l'unité de la fratrie

54. Absence d'unité patrimoniale - L'unité patrimoniale de la fratrie est limitée. Notamment, la vocation successorale des collatéraux est écartée par les droits des descendants et du conjoint et limitée par ceux des parents. Il est impossible d'y voir la trace d'un patrimoine fraternel, pendant du patrimoine lignager qui demeure l'« effet le plus tangible de la parenté »94. De même, les immunités familiales relatives aux infractions contre les biens ne bénéficient qu'aux parents et alliés, et non aux frères95. Le cantonnement de ces règles dérogatoires, justifiées classiquement par l'idée d'une indivision familiale, marque bien l'absence de toute unité patrimoniale au sein de la fratrie.

55. Manifestations de l'unité extrapatrimoniale - L'unité de la fratrie se manifeste de manière remarquable dans ses dimensions extrapatrimoniales. Cette unité est tout d'abord exprimée à travers l'identité de nom des frères et soeurs96. Malgré le libre choix du nom par les parents, il est prévu que le premier nom « choisi vaut pour les autres enfants communs » (C.civ., art. 311-21). Les cadets portent donc - en principe (cf. infra n° 60) - le même nom de famille que leur aîné germain, extériorisant ainsi leur appartenance à une fratrie unique.

56. Par ailleurs le logement des frères et soeurs reste généralement commun (C.civ., art. 108-2). En cas de rupture du couple parental, la Loi du 30 décembre 199697 a organisé un principe de non séparation des frères et soeurs (C.civ., art. 371-5). Ce « pâté d'écolier alourdi d'un pavé de sénateurs »98, a été largement critiqué pour son inconsistance et pour les blocages qu'il risquerait d'engendrer face à la nécessaire individualisation de l'éducation de l'enfant. Souffrant de nombreuses exceptions, il n'ajouterait rien au droit positif qui prenait en compte, dès avant 1996, l'intérêt pour l'enfant de ne pas être séparé de ses frères et soeurs99. En outre, la possible séparation de la fratrie a été confirmée par la suite, en dépit de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle100, « inutile et mal venue »101. Pourtant, il est

94 Jean CARBONNIER, Droit civil, Tome II (La famille, l'enfant, le couple), PUF, 21e éd., 2002, p. 67

95 Pierre MOUSSERON, « Les immunités familiales », RSC, 1998, p. 291, spéc. p. 293

96 Jacques MASSIP, « Incidences de l'ordonnance relative à la filiation sur le nom de famille », Dr. Fam., 2006, étude n°8 ; Fanny VASSEUR-LAMBRY, « Le nom de famille : réforme achevée ou casse-tête en perspective », RJPF, 2005, p. 2

97 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996 », art. cit. ; Thierry REVET, « Autorité parentale : loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 », art. cit. ; Pierre MURAT, « La loi du 30 décembre 1996 », Dr. Fam., mars 1997, p. 4 ; Isabelle CORPART, « La séparation du couple parental et le choix de la résidence de l'enfant », Recherches familiales, 2005, n°2, p. 69

98 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006, n° 75, p.162

99 Civ. 2e, 2 juil. 1982, Rep. Defrénois, 1982, p. 992, obs. J. MASSIP

100 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144, note A. GOUTTENOIRE-CORNUT

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également rappelé en droit européen, s'agissant du droit d'asile des mineurs isolés, que, « dans la mesure du possible, les fratries ne sont pas séparées »102. Bien que la règle apparaisse davantage comme une incitation plus qu'une véritable prescription, elle consolide le principe découvert en 1996 en dépit des critiques qui avaient été formulées à son encontre.

57. Enfin, la jurisprudence protège le droit pour tout locataire d'héberger ses frères et soeurs, même majeurs, nonobstant toute clause contraire du bail103. Or, la Cour de cassation ne se réfère plus à la notion de « proches », mais bien aux « membres de la famille ». L'unité de la fratrie se trouve alors renforcée et distinguée des rapports qui unissent les proches.

La CEDH précise également que le droit à mener une vie familiale normale (Conv. EDH, art. 8 §1) implique la protection des rapports entre frères et soeurs ; un détenu ne saurait être éloigné de sa fratrie sans raisons objectives104. Dans le même esprit, le Conseil d'État, par un arrêt rendu en Assemblée, le 19 avril 1991, a rappelé que l'article 8 de la Convention s'oppose à l'expulsion d'un étranger n'ayant aucune attache avec son pays d'origine et ayant en France la charge de sa fratrie105.

58. Résumée à une communauté de toit durant l'enfance, l'unité de la fratrie pourrait, certes, être critiquée pour son inconsistance. Cependant, cette unité se manifeste à bien d'autres égards106, attestant de la réalité et de la vigueur du principe.

B/ L'autonomie de l'unité fraternelle

59. L'unité de la fratrie est pour une grande part attachée à la parenté commune des frères et soeurs.

60. Unité familiale - Le nom de famille représente principalement le lignage auquel il correspond, et non la fratrie qui le porte107. Lorsque ses deux liens de filiation ne sont pas établis simultanément, l'enfant porte le nom du parent qui l'a reconnu en premier, parfois différent de celui de ses frères et soeurs. Si l'ordonnance du 4 juillet 2005 a prévu que les parents puissent, par déclaration conjointe, modifier le nom de l'enfant à l'occasion de l'établissement de sa seconde filiation afin de l'assortir à celui de son frère (C.civ., art. 311-23), l'homogénéisation des noms de la fratrie dépend toujours d'une volonté parentale. Si la loi du 4 mars 2002 s'est employée à favoriser l'égalité et la liberté des parents

101 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996 », art. cit.

102 Dir. 2003/9/CE, 27 janv. 2003, JOUE, 6 févr. 2003, p. 18, art. 19-2

103 Civ. 3e, 10 mars 2010, D., 2010, p. 1531, note J-M. BRIGANT, RDC, 2010, n° 3, p. 913, obs. J-B. SEUBE, AJDI, 2010, p. 808, note N. DAMAS, RTD Civ., 2010, p. 343, obs. P-Y. GAUTIER ; contra. en matière de droit d'usage et d'habitation : Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p. 419, obs. V. ZALEWSKI, Dr. et patr., 2008, p. 92, obs. J-B. SEUBE et T. REVET, RTD Civ., 2008, p. 89, obs. J. HAUSER

104 CEDH, 9 déc. 1992, n° 18632/91, Mc Cotter c. RU , RFDA, 1993, p. 963, chron. F. SUDRE

105 CE, ass., 19 avr. 1991, Rec. Lebon, 1992, p. 152, D. 1992, p. 291, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE, RCDIP, 1991, p. 677, note D. TURPIN, AJDA, 1991, p. 551, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE

106 Rappr. C. Educ., art. L. 212-8, concernant les dérogations à la sectorisation scolaire au profit de la fratrie

107 Véronique DAVID-BALESTRIERO, « L'unité de la fratrie », art. cit.

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dans le choix du nom des enfants, elle s'est montrée indifférente à l'unité onomastique de la fratrie108. En outre, les mécanismes prévus apparaissent bien vite inadaptés aux familles recomposées, au préjudice de l'enfant dont l'intérêt a largement été passé sous silence à l'occasion de la réforme.

61. De même, la communauté de toit des frères et soeurs dépend avant tout de leur subordination à un même parent ou couple parental. C'est, en effet, l'interdiction qui est faite aux enfants mineurs de quitter le domicile parental qui unit les frères et soeurs (C.civ., art. 373-1 et 108-2). Quant au principe de non séparation des frères et soeurs (C.civ., art. 371-5), ses exceptions sont si souples qu'il ne garantit aucunement le maintien de l'unité fraternelle.

62. Unité fraternelle - Toutefois, en dépit de son caractère symbolique, le principe énoncé à l'article 371-5 du Code civil marque une transformation de la pensée juridique relative au « groupe des frères et soeurs »109. En effet, « désormais, les enfants ne sont plus unis par le seul truchement des parents, mais aussi naturellement par eux-mêmes »110. L'évolution atteste de la prise de conscience de l'incapacité du référent parental à assurer la stabilité du milieu dans lequel l'enfant se développe. Au gré des recompositions familiales, l'enfant risque d'être privé de ses frères et soeurs. La fratrie doit alors être protégée pour et par elle-même, en se détachant, le cas échéant, de l'un des auteurs communs dont elle est issue. La jurisprudence a alors su adopter des solutions pragmatiques, précisément motivées111, tenant compte de la présence de demi-frères ou de l'âge des membres de la fratrie112. La non séparation de la fratrie n'est pas toujours souhaitable et n'impose aucunement d'éduquer les enfants « par souche » comme certains avaient pu le craindre. En dépit des critiques doctrinales, la Loi du 30 décembre 1996 a produit des effets mesurables : en 1995, 21 % des fratries de plus de 3 enfants étaient séparées à l'issue d'un divorce ou d'une séparation de corps des parents113, tandis que la proportion était réduite à 2,9 % en 2006 (toutes fratries confondues ; Annexe 4).

63. Le paradigme sur lequel reposait le foyer familial est donc partiellement remis en cause par la soustraction du sort de la fratrie à l'autorité parentale. Notamment, lorsqu'un parent commet une agression sexuelle à l'encontre d'un de ses enfants, le juge se prononce sur le retrait de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant victime, mais également de ses « frères et soeurs » (CP, art. 222-31-2, 22727-3). La protection organisée par le Code pénal ne vise plus seulement l'enfant mais également la fratrie : l'atteinte à un de ses membres l'affecte dans sa globalité. Aux liens verticaux qui unissent

108 Jacques MASSIP, « Incidences de l'ordonnance relative à la filiation sur le nom de famille », art. cit.

109 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006, n° 75, p.162

110 Stéphane CHARPENTIER, « Maintien des liens entre frères et soeurs », RDHS, 1998, p. 19

111 CA Paris, 27 janv. 2011, RG n° 10/01367, JurisData : 2011-000885

112 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144, préc. ; Civ. 2e, 19 nov. 1998 et CA Paris, 16 juin 1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17, note P. MURAT ; CA Toulouse, 28 mars 2006, RG n° 05/01556, JurisData : 2006-304845

113 Robert PAGES, SENAT, SO 1996-1997, Com. des lois, Rapport n° 115, 3 déc. 1996 ; rappr. Claudine PRIUS, « Les enfants et leur logement : parcours familial et contexte social », Recherches familiales, 2005, n° 2, p. 5

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l'enfant à ses parents et, par la force des choses, les enfants entre eux, se joint un lien horizontal entre les membres de la fratrie, défendu indépendamment des évènements affectant les rapports de filiation et de l'intérêt du couple parental114.

64. Par l'égalité et l'unité qui caractérisent les rapports entre ses membres, la fratrie apparaît comme une composante autonome de la famille115, indépendante du lien de filiation qui unit les enfants à leur auteur commun ou du cercle des tiers. La fratrie trouve donc une place particulière entre la parenté et l'humanité, révélant les fonctions propres qui lui sont attachées.

Section 2 : Les fondements spécifiques de la fratrie

65. L'existence de règles propres à la fratrie ne suffit pas à en faire une institution autonome. En effet, ce régime pourrait simplement résulter de la mise en oeuvre de fonctions communes à la parenté ou au couple, tel que la solidarité familiale ; à l'inverse, il pourrait traduire des fonctions inédites. L'autonomie de la fratrie dépend donc également de la finalité propre des règles qui lui sont attachées. Or, si la fonction d'éclatement de la fratrie lui est spécifique (§1), la solidarité qui lie ses membres revêt un régime singulièrement différent des rapports de parenté ou d'alliance (§2), attestant de l'existence d'une réelle institution fraternelle.

§1. La fonction d'éclatement de la fratrie

66. La fonction d'éclatement de la fratrie n'a pas d'équivalent dans les autres rapports familiaux. Paradoxalement, c'est la vocation de la fratrie à disparaître qui permet le mieux de la définir. Cet éclatement résulte, avant tout, de l'exogamie imposée aux frères et soeurs à travers la prohibition de l'inceste, mais également de divers mécanismes favorisant l'indépendance et l'autonomie de chaque frère et soeur (A) qui traduisent une fonction propre à la fratrie (B).

A/ L'organisation de l'éclatement de la fratrie

67. La vocation à se séparer - L'éclatement de la fratrie apparaît, historiquement, comme sa fonction première (cf. supra n° 27). A travers le tabou universel de l'inceste, les interdits entre frères et soeurs ont pour but de favoriser l'échange entre les familles. En effet, les relations sociales impliquent le développement d'échanges de biens, mais aussi de personnes. La famille, « lieu le plus usuel des sensations à prédominance agréable », protectrice, refermée, retiendrait les frères et soeurs « dans la persévérance de l'être »116 et serait un frein au développement de relations exogames. Le droit a donc la

114 Sur la primauté de l'intérêt de la fratrie sur celui des parents : CA Nancy, ch. civ. 3, 16 août 2005, RG n° 05/01854, Juris-Data : 2005-303745 ; rappr. ; CA Toulouse, 28 mars 2006, RG n° 05/01556, JurisData : 2006-304845

115 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français, op. cit., p. 524, n° 659

116 Jean CARBONNIER, Flexible droit, op. cit., p. 255

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charge d'obliger les membres de la fratrie à se séparer117. Ces interdits interviennent, tout naturellement, s'agissant de l'inceste. Ignoré en droit pénal, ce tabou n'est interdit qu'en matière civile, à travers des empêchements dirimants au mariage (C.civ., art. 162) ou au PACS (C.civ., art. 515-2) et l'impossibilité de faire apparaître un double lien de filiation incestueux (C.civ., art. 310-2).

68. Unis contre leur gré en raison de leur parenté commune, retenus par la sécurité et l'affection inhérentes aux liens familiaux, les frères et soeurs ont l'obligation de se séparer pour fonder une famille, une entreprise indépendante, un projet de vie autonome. Si, en revanche, les frères et soeurs décident de s'associer dans une activité commune, le droit encadre les conséquences de leur mésentente sur la poursuite de l'activité commune et favorise alors leur séparation. Le juge peut « retenir comme justes motifs permettant d'autoriser le retrait d'un associé, des éléments touchant à [sa] situation personnelle », tel que le conflit qui l'oppose à ses collatéraux118. La collaboration des frères et soeurs est donc une situation jugée exceptionnelle et contingente qui, par conséquent, ne saurait être irréversible.

69. L'encadrement de la séparation - Par ailleurs, la séparation de la fratrie n'est pas anarchique, mais au contraire strictement encadrée. Cette fonction d'éclatement est complétée par la mise en place d'une concurrence loyale entre les frères et soeurs, afin qu'ils puissent s'émanciper avec une égalité de moyens, sans assumer la charge de leurs collatéraux. « Le naturel de la fraternité est la concurrence »119 : il appartient au droit de l'encadrer, de la réguler. Cette mise en concurrence s'exprime notamment par la stricte égalité en droit et en devoir entre les membres de la fratrie (cf. supra n° 45). Le mécanisme de réduction des libéralités excessives (C.civ., art. 918 s.) permet alors de rétablir, a posteriori, une allocation égalitaire des ressources de la famille entre les frères et soeurs120.

70. Le droit organise également une série de mécanismes permettant de remédier à la charge qui pourrait peser sur un des frères et soeurs et rompre en fait l'égalité de chances et de moyens devant bénéficier à chacun d'eux. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle admis l'allocation de dommages-intérêts pour compenser la naissance d'un frère handicapé, en dépit de l'entrée en vigueur de la Loi du 4 mars 2002 (CSP, art. L.114-5). Les juges ont pu condamner le médecin fautif à réparer les dommages subis par la fratrie tenant au bouleversement occasionné par l'arrivée au foyer du cadet en situation de handicap121.

C'est ainsi admettre que la survenance d'un enfant handicapé dans la fratrie est susceptible de nuire à l'égalité des chances de ses membres, les autres enfants risquant de se voir priver d'une attention certaine de la part de leurs parents, concentrés sur l'enfant souffrant du handicap, voire de devoir assumer

117 Claude LEVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté, op. cit. ; Anthropologie structurale, Agora, 1985, 478 p.

118 Civ. 1re, 27 févr. 1985, Rev. Soc., 1985, p. 620, note M. JEANTIN

119 Gérard CORNU, « La fraternité. Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », art. cit.

120 Christian JUBAULT, Droit civil, les successions, les libéralités, Domat, 2e éd., 2012, n° 539, p. 391

121 Isabelle CORPART, « Responsabilité médicale pour la naissance d'une enfant trisomique », obs. sur TGI Reims, 19 juil. 2005, RG n°05/00894, Journal des accidents et des catastrophes, n° 59, 12 déc. 2005

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eux-mêmes une part de la charge de ce dernier. La libre concurrence dans les rapports fraternels, postulant une stricte égalité de moyens, se trouverait là faussée : il appartient dès lors au droit de rétablir cette égalité, au moyen de l'allocation de dommages-intérêts.

71. A travers ces différents mécanismes, le droit prévoit la séparation des frères et soeurs, tout en organisant l'allocation de moyens égaux une fois l'éclatement de la fratrie réalisé. Cette fonction spécifique confirme l'autonomie de l'institution fraternelle au sein de la famille.

B/ La signification de l'éclatement de la fratrie

72. La fonction d'éclatement de la fratrie ne démontre aucunement son inexistence ; au contraire, elle définit une institution autonome.

73. Communauté d'intérêts - D'une part, elle révèle l'existence d'intérêts communs entre les frères et soeurs que le droit se doit de prendre en compte chaque fois qu'ils nuiraient à l'efficacité de la règle en cause. Les rapports affectifs qui existent entre frères et soeurs sont, notamment, contraires à la finalité du mariage qui est de fonder une famille nouvelle et incompatibles avec l'impartialité exigée pour l'exercice de certaines fonctions. Ainsi, nombre d'empêchements reposent sur la présomption d'une communauté d'intérêts, affectifs ou pécuniaires, au sein de la fratrie122. Le témoignage du frère ne peut être recueilli sous serment en matière pénale (CPP, art. 335 et 448) ; les liens de fraternités entretenus avec une des parties sont une cause de récusation du personnel judiciaire ou des jurés (CPP, art. 291). Contrairement à la prohibition du témoignage des descendants, fondés sur l'existence d'un lien de subordination, l'interdiction repose en ligne collatérale sur la partialité présumée du frère, qu'il veuille nuire ou protéger la personne poursuivie123.

74. Dès lors que cette communauté affective ou économique se heurte à l'autonomie de chaque frère et soeur, le droit organise des empêchements et incompatibilités de tout ordre. En revanche, lorsque ces liens ne portent aucune atteinte aux finalités de la règle en cause, ils sont pris en compte dans l'intérêt des membres de la fratrie, comme l'illustre la faculté de prouver par tout moyen les obligations contractées entre frères, en raison de l'impossibilité morale de produire un écrit124. Les règles qui organisent la séparation des frères et soeurs, loin de nier l'attachement qui existent entre eux, traduisent la communauté affective qui les unit et la combattent chaque fois qu'elle heurte l'ordre social.

75. Une mise en concurrence inédite - D'autre part, l'organisation d'une concurrence loyale entre frères et soeurs constitue une fonction inédite parmi les différentes institutions familiales. En effet, la

122 René MAURICE, « Les effets de la parenté et de l'alliance en ligne collatérale », art. cit.

123 Yves MAUSEN, « La famille suspecte. Liens familiaux et motifs de récusation des témoins à l'époque médiévale », dans Leah OTIS-COUR, Histoires de famille, Cahiers de l'institut d'anthropologie juridique, juil. 2012, n° 33, p. 161

124 CA Grenoble, 12 avr. 1967, D. 1967, p. 496, RTD Civ., 1967, p. 814, obs. J. CHEVALLIER

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fratrie est caractérisée par deux sentiments opposés de complicité et de rivalité, d'association et de jalousie125. Elle favorise la construction individuelle de l'enfant tout en constituant son premier réseau de lien social fondé sur un mimétisme spontané, oscillant entre ressemblance et individualisation des frères et soeurs, rapprochement et éclatement126. Ces relations n'ont d'équivalents ni dans l'alliance, où toute volonté d'indépendance est exclue là où les époux cherchent à s'unir, ni dans la filiation, caractérisée par une inégalité naturelle entre enfants et parents. La fratrie doit ainsi faire face à deux impératifs antagonistes : elle doit, d'une part, allouer une part égale de ressources économiques et affectives à chacun de ses membres et, d'autre part, veiller à favoriser le développement de chaque identité en son sein. Elle ne peut donc se contenter de prévoir sa disparition future : elle doit l'organiser. Or, parmi les fonctions traditionnellement attachées à la famille127, composée sommairement du couple et des enfants, la régulation des rapports de concurrence entre frères et soeurs est le plus souvent ignorée.

76. Le corps de règles impératives attachées à la fratrie afin d'organiser la séparation et la mise en concurrence des frères et soeurs est sans équivalent au sein de la famille. En outre, cette fonction d'éclatement est complétée par l'organisation d'une solidarité particulière confirmant l'autonomie de l'institution fraternelle.

§2. La fonction de solidarité de la fratrie

77. La solidarité caractérise, semble-t-il, l'ensemble des rapports familiaux, à travers, notamment, l'existence d'obligations alimentaires (C.civ., art. 205 et s.). En revanche, la fratrie semble ignorer tout devoir de secours et d'assistance, alors que, paradoxalement, y est attaché un idéal de fraternité. Cette fraternité n'est en effet pas à rechercher en termes d'obligation mais de faculté (A), ce qui la distingue d'autant des autres formes de solidarité familiale (B).

A/ Les moyens étendus de la fraternité

78. Si le Code de 1804 ne traite de la fratrie qu'incidemment au titre des empêchements à mariage, il l'ignore absolument s'agissant de l'obligation alimentaire. Cette indifférence a été vivement critiquée par les auteurs classiques, indignés que « le Code laissât par son silence un individu terrassé par la destinée mourir de faim sur le seuil du foyer de son frère aussi indifférent que favorisé par la vie »128. En réalité, le droit organise une réelle solidarité entre frères et soeurs, en leur permettant d'agir, de s'abstenir, ou de consentir des sacrifices au profit de celui dans le besoin129.

125 Philippe CAILLE, « Fratries sans fraternité », art. cit. p. 11

126 Brigitte CAMDESSUS, La fratrie méconnue : liens du sang, liens du coeur (dir.), ESF Editeur, 1998, p. 11

127 Dominique FENOUILLET, Droit de la famille, Dalloz, 2e éd., 2008, p. 4

128 Julien BONNECASE, La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, op. cit., p.109

129 Valérie BOUCHARD, « De la solidarité en ligne collatérale », LPA, 30 août 2001, n° 173, p. 4

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Facultés d'abstention - En premier lieu, le droit pénal prévoit un ensemble d'immunités au profit de certains membres de la famille afin de leur permettre de secourir leurs proches sans engager leur responsabilité130. Notamment, les frères et soeurs sont dispensés de dénoncer celui qui a commis une infraction (CP, art. 434-1)131. Mieux, le frère ne peut être poursuivi pour recel de malfaiteur (CP, art. 434-6)132 ni pour aide au séjour d'un étranger en situation irrégulière (CESEDA, art. L.622-4)133. Ainsi, ce pouvoir d'abstention du frère, pouvant aller jusqu'à héberger un délinquant ou un étranger en situation irrégulière en toute impunité, traduit une forme de fraternité reconnue et encouragée par le droit ; « la solidarité familiale [l'emporte] sur les nécessités de l'ordre public en ce domaine »134.

80. Facultés d'action - En deuxième lieu, la solidarité fraternelle se manifeste par un rôle actif de soutien des frères et soeurs. Une partie peut, par exemple, être assistée par son frère devant le Tribunal d'instance (CPC, art. 828). Mieux, les collatéraux ont la possibilité de participer aux mesures de protection de leur frère (C.civ., art. 449 al. 2, 456 al.2)135, d'exécuter certaines mesures d'assistance éducative (C.civ., art. 375), de s'opposer à une déclaration d'abandon (C.civ., art. 350) et même d'adopter leur frère mineur en cas de décès des parents. L'adoption fraternelle est alors favorisée par la jurispru-dence qui admet une dérogation à l'écart d'âge de 15 ans exigé entre l'adoptant et l'adopté136.

Le principe de non séparation de la fratrie repose également sur cette fonction de solidarité : le maintien d'une communauté de toit est présumée bénéfique à l'enfant puisqu'il ne connaît d'exception que si l'intérêt de ce dernier commande une séparation (cf. supra n° 57).

L'aîné majeur pourrait même se voir accorder l'hébergement de ses cadets, sur le fondement de l'article 373-3 du Code civil, en cas d'inaptitude des parents à les recueillir137.

81. Ces prérogatives d'ordre extrapatrimonial sont complétées par des facultés d'aide et d'assistance pécuniaire. Certes, il n'existe en ligne collatérale aucune obligation alimentaire138, mais la jurisprudence a reconnu de longue date l'existence d'une obligation naturelle entre frères et soeurs, traduisant une forme de solidarité spontanée139. Par ailleurs, si la famille collatérale semble délaissée par le droit des successions, elle est fortement encouragée par le droit fiscal à s'entraider au moyen de libéralités.

130 Pierre MOUSSERON, « Les immunités familiales », RSC, 1998, p. 291 ; Théo HASSLER, « La solidarité familiale confrontée aux obligations de collaborer à la justice pénale », RSC, 1983, p. 437

131 Solution étendue au délit de non obstacle (CP, art. 223-6) ; Crim., 7 nov. 1990, RSC, 1991, p. 569, obs. G. LEVASSEUR

132 Jean-Pierre DELMAS SAINT-HILAIRE, « "Vrai" et "faux" recel de malfaiteur », RSC, 2004, p. 645

133 Michel REYDELLET, « Les délits d'aide à l'étranger en situation irrégulière », D, 1998, p. 148

134 Jean-Pierre DELMAS SAINT-HILAIRE, « "Vrai" et "faux" recel de malfaiteur », art. cit.

135 Nathalie PETERKA, « La famille dans la réforme de la protection juridique des majeurs », JCP G, 2010, p.33

136 CA Paris, 10 févr. 1998, JCP G., 1998, II. 10130, note C. PHILIPPE, Dr. Fam., 1998, n°83, note P. MURAT

137 CA Papeete, ch. civ., 25 sept. 1997, JurisData : 1997-055551

138 Laurence MAUGER-VIELPEAU, « Les sujets et l'objet de la dette alimentaire », LPA, 24 juin 2010, n° 125, p. 21

139 Req., 5 mars 1902, D. 1902, I. 220, S. 1902, I. 312 ; Req., 7 mars 1911, D. 1913. I, 404 ; CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932, JCP, 1932, 607, note H. Mazeaud ; et arrêts cités dans George Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e éd., 1949, p. 375 ; Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français, PUAM, 2009, 679 p. 532

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L'article 796 O ter du Code général des impôts exonère de droit de mutation à cause de mort la part de succession du frère âgé de plus de 50 ans ou en situation de handicap et vivant depuis au moins cinq ans avec le de cujus. Le droit fiscal favorise ainsi les transmissions de biens aux frères et soeurs dans le besoin, les libéralités revêtant là un caractère alimentaire prédominant140. L'obligation de secours purement naturelle se traduit alors par la facilitation des transmissions du patrimoine à cause de mort. Le frère pourrait alors, si les circonstances le justifient, revêtir la qualité de « personne à charge », au sens de l'article L. 361-4 du Code de la sécurité sociale141.

82. Faculté de renoncement - En dernier lieu, le droit permet aux collatéraux, et à eux seuls, de consentir certains sacrifices au profit de leurs frères et soeurs dans le besoin. Ainsi, le droit prévoit des dérogations très strictes à l'interdiction pour tout mineur ou majeur protégé - vivant - de consentir à des dons d'organes (CSP, art. L. 1231-1 s.), concernant au premier chef les frères et soeurs142. Par ailleurs, les collatéraux peuvent renoncer à toute action en réduction des libéralités consenties à un de leur cohéritier au cas où celles-ci excèderaient la quotité disponible (C.civ., art. 929)143. Le mécanisme de la renonciation anticipée à l'action en réduction permet donc à la fratrie de consentir un sacrifice au profit de l'un des siens, sur l'initiative des ascendants concernés.

86. En dépit de l'absence de toute obligation alimentaire entre frères et soeurs, la solidarité fraternelle, reconnue et encouragée par le droit, ne peut être négligée et constitue une composante majeure des relations collatérales.

B/ Les moyens propres de la fraternité

87. L'existence d'une solidarité propre à la fratrie souffre de deux critiques. D'une part, sont invoquées l'absence de juridicité des rapports fraternels et « la spontanéité qui les caractérise »144 ; les sociologues observent que la fratrie est un lien « peu normé »145. D'autre part, est allégué le manque de spécificité de cette fonction également attachée à l'alliance ou à la parenté, voire à un cercle toujours étendu de proches146. Aucune de ces critiques ne parvient cependant à faire douter des spécificités de la fraternité.

140 Elie ALFANDARI, « Droit alimentaires et droits successoraux », Mélanges René Savatier, Dalloz, 1965, p.1

141 Ass.plén., 30 janv. 1970, D. 1970, somm. p. 221, concl. R. LINDON, note J-J. DUPEYROUX

142 Frédérique DREIFUSS-NETTER, « Les donneurs vivants ou la protection des personnes en situation de vulnérabilité », D. 2005, p. 1808

143 Nathalie LEVILLAIN, « La renonciation anticipée à l'action en réduction », JCP N., 2006, p. 1349 ; François SAUVAGE, « La renonciation anticipée à l'action en réduction », AJ Fam., 2006, p. 35

144 Valérie BOUCHARD, « De la solidarité en ligne collatérale », art. cit.

145 Jean-Hugues DECHAUX, « La place des frères et soeurs dans la parenté au cours de la vie adulte », art. cit..

146 Loi du 5 mars 2007, relative à la protection des majeurs (C.civ., art. 430) ; loi du 6 août 2004, relative à la bioéthique, concernant les donc d'organes (CSP, art. 1231-1 s.), etc.

88.

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Rejet de la thèse du non droit - L'absence de règle contraignante ne saurait être assimilée au « non-droit »147. En effet, le droit présente diverses « textures »148, et le critère de la contrainte n'est aucunement exclusif de toute juridicité de la règle en cause. Or, « beaucoup de gens [..] placent tous leurs espoirs dans le Droit pour la rénovation de la famille »149 : cette approche de la famille repose sur un postulat doublement erroné, selon lequel seul le droit pourrait organiser les rapports familiaux et que ce droit ne pourrait être que contraignant.

En réalité, il ne fait aucun doute qu'il existe, entre collatéraux, une obligation naturelle d'assistance et de secours que le droit reconnaît150. Les dérogations par ailleurs apportées à des règles d'ordre public - pénales, fiscales, successorales - ne sont concevables que par application d'une règle de droit. La question n'est donc « pas de savoir s'il existe une obligation à la fraternité, mais [..] si la fraternité est une faculté »151. Aussi, l'absence de contrainte pesant sur les collatéraux ne saurait-elle exclure tout rapport juridique entre frères et soeurs.

89. Cependant, certains ont pu souhaiter la création d'une obligation civile d'aliments entre frères et soeurs152 afin de permettre la défiscalisation de ces versements qui, selon une jurisprudence constante, sont imposées au titre de l'impôt sur le revenu du bénéficiaire sans être déductible de celui du sol-vens153. Une telle évolution ne semble toutefois pas souhaitable. La création d'une telle obligation aurait également pour corollaire la faculté pour l'Etat d'exercer une action récursoire contre les débiteurs d'aliments après avoir acquitté une dette de nature alimentaire (CASF, art. L132-7 ; CSP, art. L. 6145-11)154. Le frère pourrait alors être poursuivi par son collatéral ou l'Etat créancier, ce qui romprait l'égalité de chance devant exister au sein de la fratrie. Pour que la fonction de solidarité fraternelle soit compatible avec la mise en concurrence des frères et soeurs, elle doit rester une simple faculté155.

90. Subsidiarité de la fraternité - En dépit de l'extension de ces règles à un cercle élargi de proches, la solidarité fraternelle conserve une spécificité certaine résultant de son caractère subsidiaire, distinct des autres solidarités familiales. En premier lieu, la fraternité est strictement limitée aux situations de

147 Jean CARBONNIER, Flexible droit, op. cit., p. 25

148 Catherine THIBIERGE, « Le droit souple », RTD Civ. 2003, p. 599 ; Antoine JEAMMAUD, « La règle de droit comme modèle », D. 1990, p. 199

149 Julien BONNECASE, La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, op. cit., p.3

150 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et gratuité, op. cit., n° 190, p. 203 ; Pascal BERTHET, Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, op. cit., p. 83, n° 136

151 Yves GUILLON, « La fraternité dans le droit des sociétés », Rev. Soc., 1989, p.439

152 Jean DE GAULLE, AN, XIe Lég., 17 janv. 2002, Proposition n° 3548 ; Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français, op. cit., p. 533, n° 672 s.

153 Frédéric DOUET, « Pension alimentaire entre frères et soeurs », obs. sur CE, 28 mars 2012, L'essentiel-Droit de la famille et des personnes, 15 juin 2012, n° 6, p. 7 ; rappr. Marc FRANCINA, AN, XII Lég., Qu. n° 59868, JO, 05 juil. 2005, p. 6627

154 Jean HAUSER, « Une famille récupérée », dans Mélanges Pierre Catala, Litec, 2001, p. 327

155 Adeline GOUTTENOIRE-CORNUT, « L'obligation alimentaire, aspects civils », dans Luc-Henry CHOQUET, Isabelle SAYN Obligations alimentaires et solidarités familiales. Entre droit civil, protection sociale et réalités familiales), LGDJ, 200, p. 27 ; Elie ALFANDARI, « Droit alimentaires et droits successoraux », Mélanges René Savatier, Dalloz, 1965, p.1

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La Fratrie

besoin dans lesquelles pourrait se trouver un frère ; elle est donc subsidiaire aux obligations de contribution aux charges entre époux ou d'éducation des enfants qui dépassent largement les seuls besoins de leur bénéficiaire156. En second lieu, la fraternité n'intervient qu'en cas de défaillance des débiteurs d'aliments. L'assistance du frère reste toujours secondaire et en proportion moindre que celle des parents ou enfants : elle est donc subsidiaire aux obligations alimentaires de nature civiles (Annexe 5).

91. Cette subsidiarité que certains assimileraient à une inconsistance révèle en réalité une spécificité de la fraternité, instituée comme un dernier recours. Elle est la condition-même de sa compatibilité avec la fonction d'éclatement et de concurrence de la fratrie, concourant à la cohérence d'une institution complète.

* *

*

92. Conclusion du chapitre premier - Loin de constituer un sous-ensemble « dans les bas-côtés de la parenté »157, la fratrie apparaît comme une institution autonome, présentant un corps de règles propres et des finalités spécifiques. Le frère n'est pas « un tiers, en droit civil » 158. Caractérisée par une égalité et une unité particulières, l'institution fraternelle concourt à la séparation des frères et soeurs tout en organisant une mise en concurrence loyale et favorisant une solidarité non contraignante. A travers « une fonction sociale et le statut impératif qui la régit » 159, la fratrie présente les attributs d'une institution autonome, d'un « lien devant être distingué des autres »160.

Or, ces caractéristiques peuvent être détachées du lien de filiation qui unit chaque frère et soeur à un parent commun. « Le respect de la fratrie découle des rapports fraternels et non d'un quelconque rattachement aux parents »161. Il est donc possible de détacher le rapport de fraternité de la parenté, et d'apprécier la fratrie de manière autonome au sein de la famille.

93. Pourtant, le droit ne semble définir le frère qu'au regard d'une filiation commune. La fratrie est, en droit, l'ensemble des « fils [et filles] d'un même père et/ou d'une même mère »162. Or, dès lors que l'institution fraternelle est détachée de la parenté, il convient d'en rechercher la composition, indépendamment du critère tenant au lien de filiation commun.

156 Emmanuelle CRENNER et alii, « Le lien de germanité à l'âge adulte », Revue française de sociologie, 2000, 41-42, p.211

157 Gérard CORNU, « La fraternité. Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », art. cit.

158 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit.

159 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille, op. cit.,, p. 23

160 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français, op. cit., p. 524

161 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit., p. 7.

162 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., v° « frères »

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CHAPITRE II : La consistance de la fratrie en droit

94. La fratrie est soumise à un ensemble de règles qui lui sont propres, et détachées du rapport de filiation qui unit ses membres à un même parent. Pourtant, elle reste définie par le droit et les sciences humaines comme l'ensemble des enfants issus d'un ou deux auteurs communs. Une contradiction réside donc dans le fait de détacher la fratrie de la filiation dans son régime, tout en l'y rattachant dans sa définition. Or, la multiplication des recompositions familiales commande une réflexion nouvelle sur la consistance de la fratrie et impose de vérifier si les distinctions entre les différentes fratries sont justifiées au vu de la nature des liens qui fondent leur régime.

En effet, à travers le régime juridique des rapports fraternels, il est possible de déterminer ce qui justifie de traiter telles personnes en frères et soeurs ou en simple proches. Le fondement des règles régissant la fratrie révèle les particularités de ce sous-ensemble familial : son caractère imposé, l'importance de la vie commune durant l'enfance, sa subsidiarité à l'égard des autres liens familiaux. Or, la filiation commune n'apparaît pas comme un élément déterminant de la qualification de frères ou soeurs. D'autres critères sont à prendre en compte, voire à substituer à celui de la parenté.

95. Aussi, le décalage entre les éléments de définition et l'existence d'un régime propre à la fratrie conduit-il à des traitements inégaux parfois injustifiés selon les différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver des frères et soeur.

L'analyse des règles propres à la fratrie révèle la nature et l'origine des liens entre collatéraux (Section 1) et permet d'en déterminer l'étendue exacte, parfois en contradiction avec la définition que retient actuellement le droit positif (Section 2).

Section 1 : La nature des liens fraternels

96. Les normes et finalités attachées au rapport de germanité s'expliquent par la particularité des liens existant entre frères. Corrélativement, le corps de règles régissant la fratrie permet d'en déterminer l`étendue sans recourir à la seule référence à un parent commun. Le régime de la fratrie s'explique par le caractère imposé et vécu de ces liens (§1) et suppose d'accorder à la filiation commune des frères et soeurs une place moins déterminante dans la définition de cette institution (§2).

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La Fratrie

§1. Les caractères des liens fraternels

97. La fraternité est une situation subie. A l'opposé de l'alliance et de la filiation qui sont régies dans le but d'organiser volontairement l'avenir, la fratrie est ordonnée à partir d'une situation imposée (A) et tournée vers le passé (B).

A/ Des liens imposés

98. La fratrie se définit avant tout par son caractère imposé, ce qui la distingue d'autres institutions familiales que sont la filiation ou le mariage. « Fonder une famille est un acte de volonté »163 : les époux consentent à leur union, les parents désirent leur enfant. Lorsque cette volonté cesse, un divorce peut être demandé (C.civ., art. 229), un accouchement anonyme autorisé (C.civ., art. 326), une adoption prononcée avec le consentement des parents (C.civ., art. 348).

99. Un état subi - De toute autre nature, la fraternité est un état subi. La composition de la fratrie dépend de la volonté exclusive des parents, et il est impossible pour l'un de ses membres de la quitter. La fratrie impose « une forme irréductible de permanence »164.

La CEDH semble avoir fait de ce caractère un critère de distinction objectif justifiant une différence de traitement entre la fratrie et le concubinage165. Selon la Cour, concubinage et fratrie ne se différencient pas selon « la durée ou le caractère solidaire de la relation », mais en fonction de « l'existence d'un engagement public, qui va de pair avec un ensemble de droits et d'obligations d'ordre contractuel ». Ce critère est vivement critiqué, car l'absence d'engagement entre frère et soeur résulte justement de l'interdiction qui leur est faite de s'unir par le mariage ou toute autre forme de conjugalité166 : « l'origine des liens [serait] sans intérêt »167.

100. Il semble, bien au contraire, que l'origine des liens qui unissent les frères et soeurs importe. En effet, une chose est de vouloir s'assurer réciproquement une aide mutuelle ; une autre est d'avoir été unis par une filiation commune sans le souhaiter. La fratrie peut, dans ses effets, se rapprocher d'un concubinage mais, dans sa formation, elle s'en distingue par l'absence de choix du frère avec qui ces liens seront organisés.

101. Un régime justifié par son caractère subi - Ce caractère imposé confirme et explique la spécificité des règles applicables aux relations fraternelles. D'une part, la fonction d'éclatement de la fratrie répond au fait que les frères et soeurs n'ont pas décidé de leur union : le caractère subi de la fratrie im-

163 Jean CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ, 10e éd., 2007, p. 292

164 Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs, les négligés du roman familial », dans La fratrie méconnue : liens du sang, liens du coeur (Brigitte CAMDESSUS), ESF Editeur, 1998, p. 19

165 CEDH, 29 avr. 2008, n° 13378/05, Burden c. RU ; JDW, 2007, chron. 5 p. 683 ; RTDH, 2009, p. 513, obs. J-P. MARGUE-NAUD ; JCP G., 2008, I. 167, chron. F. SUDRE ; RTD Civ., 2008, p. 459, obs. J. HAUSER

166 Jean-Pierre MARGUENAUD, « L'affaire Burden ou l'humiliation de la fratrie », art. cit.

167 Jean HAUSER, « Pacs et concubinage : liberté, égalité, mais pas de fraternité ! », art. cit.

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plique une unité imposée168, perpétuelle, et l'impossibilité de rompre le lien fraternel par un acte de volonté. Cette fonction n'a de raison d'être que si les membres de la fratrie sont unis contre leur gré et ne peuvent accéder à l'autonomie qu'en dépassant les liens indéfectibles qui les retiennent entre eux.

D'autre part, la subsidiarité de la fonction de solidarité s'impose également en raison du caractère subi de la fratrie. N'existant aucun acte de volonté à l'origine des liens fraternels ni devoir de reconnaissance entre collatéraux, il ne saurait exister d'obligation contraignante à la charge des frères et soeurs. Si, à l'inverse, l'union est choisie, la solidarité devient nécessairement contraignante, car née d'un engagement volontaire. Il appartient en revanche au législateur de favoriser ou non la fraternité par des règles exclusivement incitatives (cf. supra n° 77).

102. Un caractère original - La fratrie, subie, mais dont les effets ne dépendent que de la volonté des frères et soeurs, se distingue donc radicalement de l'alliance ou de la filiation qui naissent d'un choix délibéré mais d'où découle un statut impératif. Ainsi, il convient de distinguer : « la qualité et l'intérêt des liens qui se nouent entre germains relèvent pour une part, du mode électif. Il n'en demeure pas moins qu'être frère résulte en premier lieu d'une contrainte et non d'un libre choix »169.

103. Le caractère imposé de la fratrie explique donc en partie son régime et la distingue des autres institutions familiales. La spécificité de l'institution fraternelle résulte également de son rapport au temps.

B/ Des liens tournées vers le passé

104. Contrairement à la parenté et à l'alliance reposant sur la volonté d'organiser l'avenir d'une famille en création, la fratrie se constitue au regard d'une situation passée sans appréhender son futur.

105. Orientation de la fratrie vers son passé - D'une part, la fratrie n'organise pas son avenir, mais au contraire, les modalités de sa séparation. Il ne s'agit aucunement de prévoir quels seront les rapports à venir des frères et soeurs mais de favoriser la rupture pacifiée des liens présents. Le rapport au temps est radicalement opposé à celui qu'entretiennent la parenté ou l'alliance, ayant pour finalité la transmission d'un capital patrimonial et moral à une descendance potentielle.

106. D'autre part, les règles permettant l'unité de la fratrie ne concernent que les membres existants au moment où elles s'appliquent. Notamment, le principe de non-séparation des frères et soeurs ne tend pas à regrouper la fratrie, mais à éviter la séparation de ceux qui sont unis à la date de désunion des parents. Il n'est aucunement exigé, lors de la naissance d'un enfant, que celui-ci soit rattaché au parent hébergeant le reste de la fratrie. Ce qui est recherché, c'est le maintien d'une communauté de vie exis-

168 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006, n° 75, p. 162

169 Monique BUISSON, La fratrie, creuset des paradoxes, L'Harmattan, 2003, p.59

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La Fratrie

tante et présumée protectrice, et non la réunion d'une fratrie au fur et à mesure de la naissance des cadets170.

107. Enfin, la fonction de solidarité de la fratrie peut s'exercer au préjudice des frères et soeurs à venir, là où la réserve héréditaire interdirait à un parent de priver un enfant futur de toute vocation successorale à venir en avantageant ses enfants déjà nés171. Le mécanisme de la réduction des libéralités permet de protéger la filiation à venir, d'éviter qu'un parent trop généreux ne porte atteinte aux droits de sa descendance future. A l'inverse, en privilégiant ses collatéraux existants, un frère peut exhéréder ceux à naître sans qu'ils puissent remettre en cause les libéralités ainsi consenties. La fraternité ne se soucie donc pas du sort des frères et soeurs à venir ; elle est attirée par le seul groupe des collatéraux existants.

108. Distinction entre fratrie actuelle et future - Toutefois, l'existence d'un traitement différencié entre aînés et cadets a été contestée. L'article L. 1241-1 du Code de la santé publique n'autorise ainsi le prélèvement de cellules du cordon à destination d'une personne déterminée qu'au profit de l'enfant ou de ses frères et soeurs atteints, au moment de sa naissance, d'une pathologie susceptible d'être guérie grâce à l'utilisation de ces cellules. Manifestement, « en privant les enfants à naître [..] de toute possibilité de bénéficier d'une greffe [..] alors que cette faculté est ouverte aux enfants malades de la même fratrie, ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité ».

Saisi de la question172, le Conseil constitutionnel a estimé la distinction entre les enfants nés et à naître objectivement justifiée au vu de la finalité de la règle en cause. Le Conseil valide ainsi la distinction entre fratrie existante et fratrie à venir, confirmant l'attrait de cette institution pour son passé173.

109. « Le lien de fratrie [..] est involontaire, tourné vers le passé, promis à une dissolution »174. La relation entre ces caractères et l'existence d'une parenté commune aux frères et soeurs n'est toutefois pas évidente et mérite d'être précisée.

§2. L'origine des liens fraternels

110. Les critères de définition de la fratrie semblent être naturellement réunis du fait de l'existence d'une parenté commune. Pourtant, il apparaît rapidement que la qualité de frère n'est pas indissociable de la filiation (A) et dépend également des liens de fait qui existent au sein de la fratrie (B).

170 Véronique DAVID-BALESTRIERO, « L'unité de la fratrie », art. cit.

171 Sophie DEVILLE, Marc NICOD, Réserve héréditaire-Réduction des libéralités, Répertoire Dalloz, 2012, n° 4

172 Cons. const., n° 2012-249 QPC, 16 mai 2012 ; Constitutions, 2012, p. 474, chron. X. BIOY, E. RIAL-SEBBAG ; RDSS, 2012, p. 851, obs. P. LOHEAC-DERBOULLLE

173 A l'inverse, en ligne directe, l'égalité entre enfants à naître et nés est strictement garantie. Ainsi, un enfant né après que ses frères ont représenté leur auteur commun indigne ou renonçant à la succession d'un ascendant pourrait obtenir au décès de cet auteur la part à laquelle il aurait eu droit s'il était né à la date de la représentation (C.civ., art. 754).

174 Philippe CAILLE, « Fratries sans fraternité », art. cit., p. 13

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A/ Le rôle de la filiation dans la construction de la fratrie

111. Filiation et fratrie - De manière évidente, la filiation commune aux frères et soeurs justifie certaines règles qui leur sont applicables. Les dérogations admises s'agissant des dons d'organes entre vifs au profit des frères et soeurs (cf. supra n° 82) s'expliquent par la compatibilité immunologique des donneur et receveur, découlant de leur même parenté biologique.

En dehors de ces hypothèses où le lien de sang est une condition patente, la place de la filiation biologique ou juridique ne semble pas devoir recevoir l'importance que certains y attachent175. Il arrive que l'existence d'une filiation commune ne suffise pas à justifier l'existence d'une fratrie, et que, réciproquement, la fratrie découle de liens non juridiques.

112. Filiation et éclatement - D'une part, la fonction d'éclatement de la fratrie se justifie par l'existence de liens susceptibles d'entraver l'émancipation des frères et soeurs (cf. supra n° 73). Certainement, l'existence d'une parenté commune peut faire présumer de tels liens, subis et tournés vers une généalogie passée : le lien entre fraternité et parenté semble si naturel qu'il n'est pas discuté.

113. Toutefois, le droit n'accorde pas toujours une place déterminante à la filiation biologique des frères et soeurs. En effet, en dépit de l'existence d'un patrimoine génétique identique, les enfants issus de mêmes dons de gamètes ne peuvent établir leur filiation à l'égard du donneur commun (C.civ., art. 311-19). Il en découle que les enfants issus de mêmes dons, biologiquement frères et soeurs, sont traités par le droit comme des tiers. La situation est inédite, car le droit a toujours maintenu les empêchements à mariage entre frères et soeurs biologiques, après une adoption plénière (C.civ., art. 356) ou lorsque l'établissement de leur filiation se heurtait à des obstacles de droit (C.civ., art. 342-7). Désormais, au hasard des rencontres, il se peut que les enfants issus du même géniteur entretiennent des relations qui seraient en principe qualifiées d'incestueuses176.

L'évolution des techniques d'assistance médicale à la procréation rend donc la parenté biologique impropre à justifier la prohibition de l'inceste et, plus généralement, la fonction d'éclatement de la fratrie177. Cette fonction semble se justifier bien davantage par les rapports de fait existant entre frères et soeurs que par lien juridique qui, lorsqu'il est purement abstrait, ne crée aucun obstacle à l'autonomie des collatéraux : la filiation n'y est pas déterminante.

114. Filiation et solidarité - D'autre part, la fonction de solidarité dépend peu du lien de parenté commun aux frères et soeurs. Cette fonction résulte, en majorité, de facultés offertes aux frères et soeurs

175 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit.

176 Didier GUEVEL, « La famille incestueuse », Gaz. Pal., 16 oct. 2004, n° 290, p. 2, spéc. n° 24

177 Agnès FINE, « Liens de fraternité », IS, mai 2012, n° 173, p. 36, spéc. p.42-43

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La Fratrie

en cas de défaillance des débiteurs légaux d'obligations alimentaires, le frère se présentant comme une « "réserve" face au manque ou à l'adversité qui affaiblirait la famille »178.

115. La fonction de solidarité de la fratrie repose sur la carence de la famille à laquelle appartiennent les frères aidant et aidé179. Selon le principe de subsidiarité (cf. supra n° 90), la justification de la fraternité réside donc dans l'existence d'une obligation d'assistance de la famille défaillante à l'égard du frère dans le besoin et l'appartenance du frère aidant à cette même famille180. Or, cette appartenance à une même famille peut résulter d'une parenté reconnue ou non juridiquement.

Un enfant légitime pourrait ainsi entretenir l'enfant incestueux de son père en cas de défaillance de ce dernier. Le frère aidé serait effectivement lésé par la carence du parent, débiteur d'une obligation natu-relle181, et le frère aidant appartiendrait incontestablement à la famille du défaillant. Seraient caractérisées les conditions de mise en oeuvre de la fraternité, en dépit de l'absence d'une fratrie juridiquement reconnue. Là encore, la filiation juridique est indifférente au régime de la fratrie.

117. Certainement, le critère de la parenté commune est déterminant dans l'attribution de qualité de frère. Toutefois, il n'apparaît ni exclusif, ni impératif, et doit être corroboré, voire suppléé par d'autres données plus factuelles.

B/ Le rôle des liens vécus dans la construction de la fratrie

118. Effets d'une fraternité vécue - Les liens affectifs ont, dans la construction de la fratrie, un rôle déterminant et ils permettent soit de consolider la fratrie de sang, soit de s'y substituer : « le vécu des enfants montre que le lien fraternel ne peut se rabattre sur la filiation génétique »182.

119. La durée de vie commune des frères et soeurs influence nécessairement les liens qu'ils entretiendront par la suite. Plus les liens auront été intenses durant l'enfance, plus la fratrie restera unie et solidaire (Annexe 4). Ainsi, « une longue vie commune dans l'enfance entraîne des relations plus suivies entre germains »183.

L'existence d'une affection réciproque entre frères et soeurs est juridiquement reconnue s'agissant de l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison du décès de l'un d'eux184 : l'indemnisation dépendra alors nécessairement de la force des liens existant entre la victime directe et son frère. Les liens vécus renforcent, ici, la fraternité issue d'une filiation déjà établie.

178 Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs, les négligés du roman familial », dans La fratrie méconnue, op. cit. p. 19

179 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et gratuité, Thèse, L'Harmattan, 2004, p. 205

180 Pascal BERTHET, Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, op. cit., p. 86, n° 141

181 Req., 3 avr. 1882, D. 1882, I. 250 ; George RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., p. 389

182 Samira BOURHABA, « Singularité et multiplicité des relations fraternelles », CCTF, janv. 2004, n° 32, p. 23, spéc. p. 28

183 Emmanuelle CRENNER, et alii, « Le lien de germanité à l'âge adulte », art. cit.

184 Jacques BRAUD, « L'indemnité réparatrice des blessures et de la mort : pour l'unité », JCP G., 1971, chron. 2372, spéc. n° 34 ; rappr. Crim., 2 mai 1952, JCP, 1952, II. 7354

120.

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Mieux, ces liens de fait devraient également suffire à identifier la fratrie. Puisque la filiation n'est pas déterminante de la fraternité, a contrario, la qualité de frère semble pouvoir résulter de seuls liens de fait185, tels que l'union des parents ou le placement dans une même famille d'accueil. En réalité, il ne s'agit pas d'asseoir la définition de la fratrie sur un choix réciproque des frères et soeurs, qui serait contraire à son caractère subi, mais de prendre en compte la proximité qui existe de fait entre les enfants ayant vécu sous un même toit pour corroborer une filiation juridique, voire la suppléer.

121. Absence d'effets d'une fraternité non vécue - A l'inverse, l'absence de liens affectifs paraît devoir exclure la qualification de frères et soeurs en dépit de l'existence d'une filiation juridique commune. L'importance des liens vécus justifie, notamment, la règle de non séparation de la fratrie qui n'a pour objectif que de maintenir les liens de fait - une communauté de toit - et non de protéger la filiation des frères et soeurs. En l'absence de liens affectifs suffisants entre les frères et soeurs, la séparation sera plus facilement admise par le juge, qui traitera ces derniers comme des tiers186.

La parenté commune n'est là qu'un critère secondaire, puisqu'elle n'implique pas nécessairement une communauté de toit et que, à l'inverse, des enfants peuvent se retrouver unis par leurs parents sans qu'il n'existe entre eux de liens de consanguinité.

De même, la fonction d'éclatement de la fratrie semble dépourvue d'utilité sociale lorsque les frères et soeurs, bien qu'unis par une parenté commune, n'ont jamais vécu ensemble. Réciproquement, il est possible de s'étonner qu'aucune prohibition n'existe au sein des fratries de fait, unies dès la plus jeune enfance par l'union de leurs auteurs187.

122. Ainsi, « c'est moins la place juridique dans la parenté qui fait le frère ou la soeur que la réalité des relations »188.

La fratrie désigne un ensemble de règles tendant à l'éclatement et la solidarité spontanée entre individus regroupés par des liens subis et orientés vers un passé commun. Or, ce passé n'est pas nécessairement constitué d'une filiation commune et peut désigner tout événement qui a imposé aux frères et soeurs une union de fait, important bien davantage qu'un lien de droit dépourvu de toute effectivité189.

La remise en cause de l'importance de la patenté dans la définition de la fratrie invite alors à discuter le postulat selon lequel tous les enfants d'un ou deux mêmes parents, et eux seuls, revêtent la qualité de frères.

185 Marcel RUFO, Christine SCHILTE, Frères et soeurs, une maladie d'amour, Le Livre de Poche, 2003, chap. IX

186 CA Paris, 16 juin 1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17, note P. MURAT ; rappr. CA Rouen, ch. fam., 14 mai 2009, RG n° 08/01878, JurisData : 2009-003198 ; CA Nîmes, ch. civ. 2, sect. C, 28 sept. 2005, RG n° 03/03451, JurisData : 2005-285431

187 Didier GUEVEL, « La famille incestueuse », Gaz. Pal., 16 oct. 2004, n° 290, p. 2

188 Agnès FINE, « Liens de fraternité », IS, mai 2012, n° 173, p. 36, spéc. p.42

189 Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens fraternels au sein des familles d'accueil : de la fratrie au groupe fraternel nourricier », Devenir, mars 2005, vol. 17, p.261, spéc. p. 265

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La Fratrie

Section 2 : L'étendue des liens fraternels

123. Par ses caractères vécus, imposés, la fratrie peut être détachée de la référence classique au lien de parenté partagé par ses membres. Cette nouvelle définition impose de vérifier si l'étendue actuelle de la fratrie est justifiée alors qu'elle reste définie en droit par l'existence d'une filiation commune. Or, tandis que la convergence des fratries utérines, consanguines et germaines conduit à une mise à l'écart critiquable des quasi-fratries (§1), le droit positif ne permet d'aménager que de manière imparfaite des rapports de fraternité lorsqu'ils sont ignorés par la loi (§2).

§1. La justification imparfaite du cantonnement de la fratrie

124. Fratries germaines, consanguines et utérines sont parfaitement assimilées par le droit. En revanche, en l'absence de filiation commune, les rapports entre quasi-frères sont ignorés. Si l'assimilation des demi-frères aux frères germains semble justifiée (A), la mise à l'écart des fratries de fait n'est pas toujours pertinente (B).

A/ La convergence des fratries germaine, consanguines et utérine

125. Assimilation des fratries - Il n'a jamais été contesté que les enfants issus d'un seul auteur commun reçoivent la qualité de frères. Toutefois, les droits des demi-frères ont longtemps été moindres que ceux des frères germains. Notamment, le privilège du double lien affectait la vocation successorale des frères utérins et consanguins (cf. supra n° 50) et le principe de non séparation avait d'abord été jugé inapplicable au groupe des demi-frères pour des considérations d'ordre pratique190.

126. Cette différence de traitement entre frères germains et demi-frères semble aujourd'hui dépassée.

Il est généralement admis que les empêchements à mariage s'appliquent indifféremment selon que les collatéraux sont issus d'un ou deux auteurs communs191. En outre, la jurisprudence a rapidement étendu l'application de l'article 371-5 du Code civil aux demi-frères192, sous réserve de la possibilité matérielle de réunir la fratrie sous un même toit - ce qui vaut également pour les frères germains193. De même, la dévolution d'un même nom aux frères et soeurs se heurte aux mêmes obstacles de fait, qu'ils aient un ou deux parents communs. Enfin, la réforme du 3 décembre 2001 accorde des droits successoraux égaux aux frères, quel que soit le nombre de leurs auteurs communs (cf. supra n° 51).

Ces quelques exemples démontrent l'assimilation parfaite des frères germains aux frères utérins et consanguins. L'existence d'un parent commun suffit à unir les enfants et oriente naturellement leur

190 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996 », art. cit.

191 CA Rouen, 23 févr. 1982, D. 1982, IR. p. 211, rappr. Req. 28 nov. 1877, DP. 1878, I. 1209

192 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144, A. GOUTTENOIRE, RTD Civ., 2003, p. 494, obs. J. HAUSER ; Civ. 1re, 19 nov. 2009, D. 2010, p. 1904, chron. A. GOUTTENOIRE, P. BONFILS

193 Dorothée BOURGAULT-COUDEVYLLE, « Les relations de l'enfant avec d'autres personnes que ses père et mère », Droit et Patr., 2000, p. 85

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union vers leur origine commune, passée. Elle satisfait alors aux critères d'identification de la fratrie ; dès lors, peu importe que la fratrie s'articule autour d'un ou deux auteurs.

127. Limites de l'assimilation - Cependant, si l'assimilation des fratries germaines, utérines ou consanguines se conçoit aisément lorsque les enfants sont élevés sous un même toit, il est moins certain que l'existence d'un unique auteur commun suffise à expliquer l'application du régime de la fratrie194. Il est en effet douteux que l'éclatement de la fratrie doive être encouragé et organisé par le droit ou qu'une solidarité spontanée puisse naître entre des demi-frères qui n'ont jamais vécu ensemble195. La fratrie est alors réduite au partage d'une filiation biologique, à laquelle le droit ne fait pas toujours produire d'effet (cf. supra, n° 111).

Or, les frères qui n'ont, du fait de la séparation de leurs parents, jamais vécu ensemble, ne partagent pas de passé commun intrinsèque à la fratrie. Leur union ne pourrait résulter que de la volonté de se regrouper, d'organiser un avenir commun ; il ne s'agirait alors pas seulement de déterminer la qualité des liens fraternels, mais de les nouer. Les rapports ainsi envisagés seraient donc voulus et tournés vers l'avenir, ce qui caractérise bien plus un couple qu'une fratrie.

128. Aménagements des fratries de droit - Il semble donc discutable d'assimiler totalement les demi-frères aux frères germains, lorsqu'ils n'ont jamais cohabité. Toutefois, le principe d'égalité - universelle - ferait obstacle à un traitement différencié à l'égard des demi-frères en raison du défaut de cohabitation : il serait inconcevable de limiter la vocation des demi-frères à la succession de l'unique auteur commun, droit attaché à la filiation et non à la fraternité.

129. En revanche, les fonctions spécifiquement attachées à la fratrie peuvent être aménagées de telle sorte qu'elles ne concernent que certains frères. Le droit offre là aux demi-frères les moyens suffisants d'avantager ceux avec lesquels ils entretiennent des liens de faits corroborant leur lien de filiation commun, notamment grâce à l'absence de réserve en ligne collatérale. Si la qualification de frère pourrait être discutable, elle n'entraîne aucune difficulté sérieuse s'agissant de ses effets. Face à la diversité des fratries de sang, une fois l'égalité instituée par la loi, la volonté semble le meilleur moyen de faire correspondre les droits des frères à la réalité des liens vécus, comme le postule la Loi du 3 décembre 2001 (cf. supra n° 51).

130. A l'inverse, de réelles complications surviennent lorsque ces facultés demeurent fermées à des personnes juridiquement tierces vivant comme frères.

194 En 1999, si 39,2 % des enfants séparés d'un parent avaient des demi-frères, seuls 21,9 % vivaient effectivement avec eux. De plus, 20 % des adolescents (13-17 ans) ignoraient la situation de leur second parent, et donc ne pouvaient connaître leurs éventuels demi-frères. La proportion diminue avec l'augmentation de l'âge des enfants lors de la séparation des parents ; Catherine VILLENEUVE-GOKALP, « La double famille des enfants de parents séparés », Populations, 1999, n° 1, p. 9

195 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille éclatées, familles reconstituées », D. 1992, p. 133 ; rappr. CA Rouen, ch. fam., 14 mai 2009, RG n° 08/01878, JurisData : 2009-003198

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B/ L'indifférence du droit à l'égard des quasi-fratries

131. Diversité des quasi-fratries - Le droit n'appréhende qu'imparfaitement les quasi-fratries, ce que justifient la pluralité et l'hétérogénéité des hypothèses envisageables et l'impossibilité de procéder à une complète « typologie des fraternités »196. Etrangement, les quasi-fratries les moins litigieuses sont les mieux organisées. Ainsi, l'article 356 du Code civil régit la fratrie biologique séparée par une adoption plénière tandis que la Loi du 11 juillet 1975 a mis fin à tout empêchement à mariage entre alliés en ligne collatérale, repoussant hors de la sphère juridique la fratrie « par alliance ».

En revanche, le droit ignore totalement la situation des enfants unis par le couple de leurs parents ou par le placement dans une famille d'accueil. Il n'existe entre eux aucun empêchement à mariage (C.civ., art. 161) ni, corrélativement, aucune vocation successorale (C.civ., art. 734). En outre, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale (C.civ., art. 111-4) interdirait de leur étendre les immunités pénales qui profitent aux frères.

132. Indifférence critiquable à l'égard des quasi-fratries - Deux lectures peuvent alors être faites de cette différence de traitement197.

Une première approche conduit à considérer qu'il n'y a pas de discrimination à traiter de manière différente des situations différentes. Objectivement, les quasi-frères ne peuvent être assimilés aux frères par le sang, et n'ont pas à recevoir la qualité de frères. L'ensemble serait, certes, un « groupe fraternel », mais pas une fratrie198.

133. Une seconde lecture tient compte des finalités de la règle en cause. Dès lors que la norme considérée s'attache à la seule qualité de frères, rien ne justifie d'en refuser l'application aux quasi-frères sur le fondement d'une absence de lien de sang indifférente. Or, les enfants « élevés comme frères alors qu'ils ne le sont pas »199 se trouvent, de fait, dans une situation similaire à celles des frères : leur union est subie et orientée vers un passé constitué du couple parental200. Les liens affectifs nés de la vie commune impliquent également la mise en place de règles tendant à l'éclatement et la mise en concurrence des quasi-frères, et justifieraient la reconnaissance d'une solidarité fraternelle.

196 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit.

197 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène THERY, Quels repère pour les familles recomposées ? (dir.), Droit et société (LGDJ), n° 10, 1995, p. 26

198Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit.

199 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille éclatées, familles reconstituées », art. cit.

200 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein de familles recomposées », Dossiers d'études. Allocations Familiales, n° 47, 2003, spéc. p. 18

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Les caractères et les fonctions de la fratrie se retrouvent donc manifestement dans ces rapports, à condition cependant que l'union des enfants soit intervenue à un âge suffisamment peu avancé, de telle sorte que leur construction individuelle ait intégré la place du quasi-frère201.

134. Dans ce cas, la distinction entre quasi-frères et frères de sang apparaît discriminatoire, la parenté biologique n'étant pas déterminante. Si les quasi-frères concentrent l'ensemble des critères de définitions de la fratrie, par le caractère subi et tourné vers le passé de leur union, il semblerait donc pertinent de réfléchir à l'extension, à leur égard, du statut de frères.

§2. L'évolution possible de l'étendue de la fratrie

135. Lorsque la fratrie est ignorée par le droit, certains mécanismes permettent d'aménager les relations existant entre personnes se prétendant frères. Or, ces aménagements ne doivent pas remettre en cause la nature de la fratrie, notamment son caractère imposé. Pour concilier le régime de la fratrie avec son étendue réelle, le droit n'offre que des moyens limités (A), ce qui commande la création d'un statut autonome de frère (B).

A/ Les aménagements possibles de la notion de fratrie

136. Le juge dispose de certaines prérogatives lui permettant d'accorder aux quasi-frères un statut comparable à celui de frères par le sang et de limiter les effets d'une fratrie purement biologique. L'extension du régime de la fratrie reste cependant incomplète.

137. Extension de la fraternité - S'agissant de la fonction de solidarité de la fratrie, le juge a la charge de protéger la fratrie de fait lorsqu'il constate que les liens tissés entre les enfants vivant sous un même toit correspondent à ceux que noueraient des frères et soeurs par le sang. Ainsi, alors que l'article 371-5 du Code civil ne trouverait pas à s'appliquer entre quasi-frères, le juge peut, sur le fondement de l'article 373-3, déterminer la résidence de l'enfant chez le mari de sa mère décédé202. Sera alors garantie l'unité d'une fratrie de fait unissant l'orphelin et les enfants du conjoint survivant, dépassant les règles de droit commun de la dévolution de l'autorité parentale203.

De même, le juge saurait accorder un droit de visite et d'hébergement au beau-parent (C.civ., art. 3714), tout spécialement pour maintenir les liens existant entre l'enfant et ceux de son beau-parent204. Plus généralement, l'exigence selon laquelle « le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel »

201 Marcel RUFO, Christine SCHILTE, Frères et soeurs, une maladie d'amour, op. cit.,, p. 27

202 Civ. 1re, 18 déc. 1990, D. 1990, chron. 56, J. HAUSER, D. 1991, p. 433, obs. J. MASSIP ; rappr. CA Colmar, ch. 5, sect. B, 5 oct. 2004, RG n° 03/01884, JurisData : 2004-267456

203 Dorothée BOURGAULT-COUDEVYLLE, « Les relations de l'enfant avec d'autres personnes que ses père et mère », art. cit. ; Maryline BRUGGEMAN, « Les familles recomposées : le(s) tiers et l'enfant », AJ Fam., p. 294

204 CA Pau, Ch. 2, sect. 2, 14 sept. 2010, RG n° 09/01945, JurisData : 2010-028725

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(C.civ., art. 375-2) devrait être interprétée largement pour permettre de protéger de tels liens de faits205, à l'occasion du prononcé d'une mesure d'assistance éducative.

138. En outre, rien n'interdit aux quasi-frères de se consentir des libéralités, puisqu'aucune réserve n'existe en ligne collatérale et que la fiscalité y serait égale206. De même, l'obligation naturelle d'assistance et de secours qui existe entre frères pourrait très aisément être étendue aux quasi-frères, puisqu'elle ne repose que sur un devoir moral, indifférent aux rapports de droit qui lient ses sujets207. La fonction de solidarité de la fratrie peut donc en grande partie être étendue aux quasi-frères.

Les lois des 4 mars 2002 et 23 juin 2006 ont par ailleurs accru les possibilités de transmission de biens au sein des familles recomposées, en permettant notamment d'inviter les enfants du conjoint à une donation-partage conjonctive. En renonçant simultanément à toute action en réduction, les membres de la quasi-fratrie peuvent ainsi s'entendre pour que chacun d'eux reçoivent la même part des parents non communs208. C'est ainsi la faculté de renonciation qui serait étendue aux quasi-frères.

139. Extension des interdits - Concernant la fonction d'éclatement, il convient de ne pas figer les empêchements à mariage en prohibant l'alliance entre enfants de parents mariés. La solution serait contraire au reflux général des empêchements209 et ne correspondrait pas à la situation où les quasi-frères ont été unis à un âge avancé210. En revanche, le juge pourrait, selon la théorie de l'apparence, étendre ces empêchements aux seuls quasi-frères ayant été élevés dès leur plus jeune âge comme des frères211, sur le modèle des empêchements existants entre créanciers et débiteurs de subsides (C.civ., art. 342-7). Sans que leur parenté ne soit juridiquement reconnue, enfants et créanciers de subsides d'une même personne sont assimilés, dans ce cas, à des frères.

L'exemple, résiduel, montre que le droit admet l'extension du régime prohibitif de la fratrie à ceux qui, sans lien de filiation commun, sont assimilables à des frères212. Volontairement, le « législateur n'a pas posé avec clarté la frontière entre le licite et l'illicite »213 : l'étendue et la force des interdictions varient, laissant à la règle morale une place au moins aussi importante que le droit dans la détermina-

205 Cependant, le « milieu actuel » désigne en principe la famille biologique de l'enfant, et non sa famille d'accueil ; Civ. 1re, 4 juil. 1978, bull. n° 249 ; Civ. 1re, 14 févr. 1990, bull. n° 47

206 Hugues FULCHIRON, « La transmission des biens dans les familles recomposées », Rép. Defrénois, 1994, p. 833

207 CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932, JCP, 1932, 607, note H. Mazeaud

208 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans les familles recomposées », art.cit.

209 CEDH, 13 sept. 2005, Dr. fam. 2005, n° 234, note A. GOUTTENOIRE, M. LAMARCHE

210 Agnès MARTIAL, S'apparenter. Ethnologie des liens de familles recomposées, Editions de la MSH, 2003, p.100

211 Didier GUEVEL, « La famille incestueuse », art. cit.

212 Marie LAMARCHE, Jean-Jacques LEMOULAND, Mariage. Conditions de formations, Répertoire Dalloz, 2010, n° 353 ; Philippe Antoine MERLIN, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 4e éd., 1821, tome quatrième, p. 552, v° « empêchements » ; l'auteur faisant également le rapprochement avec les empêchements existants entre l'enfant baptisé et la famille des ses parrains et marraines ; rappr. Anita GUERREAU-JALABERT, « Sur les structures de parenté dans l'Europe médiévale », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6, p. 1028, spéc. p. 1035

213 Annick BATTEUR, « L'interdit de l'inceste, principe fondateur du droit de la famille », RTD Civ., 2000, p. 759

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tion des empêchements à mariage214. La jurisprudence a d'ailleurs pu prendre l'initiative d'étendre les empêchements à mariage en se fondant sur une parenté non établie mais notoire215.

140. Extension de la concurrence fraternelle - La fonction de concurrence est celle dont la transposition aux quasi-frères est la plus délicate216.

Du fait de leur parenté distincte, les quasi-frères risquent de se voir allouer des ressources pécuniaires et affectives inégales, ce qui rompt l'égalité nécessaire à une libre concurrence dans le développement de chaque membre de la fratrie217. Le juge pourrait alors intégrer dans les charges du mariage l'entretien et l'éducation des enfants non communs, garantissant l'attribution de ressources égales aux enfants des époux, indépendamment de leur parenté218. Or, le mécanisme ferait dépendre le régime de la fratrie de la situation matrimoniale des parents, ce qui contredirait l'autonomie de cette institution. Il ne semble donc pas satisfaisant de faire reposer le statut de la quasi-fratrie sur la situation du beau-parent, laquelle se heurte déjà à des difficultés inextricables219.

141. Le droit permet donc d'attacher aux enfants regroupés dès leur plus jeune âge par l'union de leurs parents des effets proches de ceux qui découlent d'une fratrie de droit. Toutefois, des obstacles demeurent et rendent imparfaits les aménagements actuellement possibles : dès lors que le droit ne permet pas d'établir un régime satisfaisant au sein des quasi-fratries, seule une redéfinition de la fratrie peut permettre une prise en compte effective des rapports entre quasi-frères.

B/ Les aménagements souhaitables de la notion de fratrie

142. Le droit positif permet, de manière ponctuelle, d'étendre aux quasi-frères des droits dont bénéficient les frères. Aussi, serait-il souhaitable de permettre à ceux qui concentrent l'ensemble des qualités de frère, après les avoir qualifiés ainsi, d'être soumis au régime y afférent, notamment, afin d'organiser entre eux des rapports de concurrence pacifiés.

143. Les enjeux d'une redéfinition de la fratrie - L'aménagement complet de la fratrie suppose une double évolution : permettre au demi-frère d' « abolir le passé »220 avec une fratrie qu'il n'a jamais connue ; reconnaître l'existence d'une fratrie entre quasi-frères élevés ensemble. Or, ces évolutions se heurtent aux éléments-mêmes de définitions de la fratrie : admettre la construction d'une fratrie entre

214 Agnès MARTIAL, S'apparenter. Ethnologie des liens de familles recomposées, op. cit., p. 76

215 Paris, 18 mars 1850, DP. 1851. 2. 30 ; T. civ. Versailles, 13 janv. 1892, S. 1892. 3. 92

216 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries recomposées », art. cit. p. 15

217 CA Paris, 19 mai 1992, D. 1993, somm. 127 : l'obligation d'entretenir l'enfant ne pèse pas sur le beau parent.

218 CA Reims, Ch. civ., sect. 2, 1er mars 2013, RG n° 12/ 01804, 125, JurisData : 2013-00420

219 Irène THERY, Couple, filiation et parenté aujourd'hui, La documentation française, 1998, 413 p.

220 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène THERY, Quels repère pour les familles recomposées ?, op. cit. p. 16 s.

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quasi-frères ne doit pas en faire un état choisi, tandis que la destruction d'une fratrie non vécue ne doit pas entrer en contradiction avec l'orientation consubstantielle de la fratrie vers son passé.

La reconnaissance en droit d'une fratrie de fait ne doit pas non plus remettre en cause les liens de filiation respectifs de ses membres, spécialement lorsque l'hébergement de l'enfant par le tiers, parent des quasi-frères, n'avait vocation qu'à être temporaire221.

Il ne faudrait pas que, sous couvert de la recherche d'une adéquation entre le régime et le contenu de la fratrie, l'essence de cette institution ou d'autres liens familiaux soit altérée. Ces exigences impliquent la recherche d'un délicat équilibre entre le rôle de la volonté des frères, l'aspect nécessairement subi de leur état et l'intangibilité de leur filiation.

144. Solutions écartées - Dès lors, certaines solutions offertes par le droit doivent être écartées, car elles conduiraient à méconnaître le caractère imposé ou égalitaire de la fratrie. Ainsi, l'adoption simple d'un quasi-frère créerait un lien vertical entre adoptant et adopté, contraire à l'égalité qui existe au sein de la fratrie. De même, l'ouverture de partenariats civils aux frères et soeurs conduirait à confondre fratrie et couple en niant à la fois le caractère subi de cette première institution et la dimension élective et affective de la seconde222. En outre, un tel partenariat limiterait à deux le nombre de frères223. Enfin, l'adoption du bel-enfant par le second membre du couple n'est pas plus satisfaisante car elle risquerait de remettre en cause la fratrie biologique de l'adopté qui peut conserver un rôle important224, et ferait, là encore, dépendre le statut de frère d'une volonté parentale contingente225.

145. Statut autonome de frère - Aussi, dans le cadre des familles recomposées, « semblerait-il possible et utile de créer un statut officiel [...] des fratries »226 ou, du moins, d'en reconnaître l'existence en droit. Une telle qualification devrait être accordée en fonction des critères de définition de la fratrie, indépendamment du lien de filiation des intéressés. Une union subie du fait du couple de leurs parents ou du placement dans une famille d'accueil227, une communauté de toit durable, dès l'enfance228, l'absence de volonté de fonder un couple, seraient autant d'éléments à prendre en compte.

Seraient frères ceux qui, unis ou non par un lien de filiation commun, auraient été regroupés dès le plus jeune âge et auraient vécu ensemble durant une période continue et suffisamment

221 Anne-Marie LEROYER, « L'enfant confié à un tiers : de l'autorité parentale à l'autorité familiale », RTD Civ. 1998 p. 587

222 Jean-Marc FLORAND, Karim ACHOUI, « Vers un nouveau modèle d'organisation familiale : le contrat d'union civil », LPA, 9 avr. 1993, n° 43, p.11 ; rappr. CEDH, 29 avr. 2008, n° 13378/05, Burden c. RU ; préc.

223 Yves LEMOINE, « Mignonne allons voir si le Pacs ... », Libération, 2 déc. 1998

224 Brigitte CAMDESSUS, « Adoption et fratrie », CCTF, janv. 2004, n° 32, p. 135, spéc. p. 137

225 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène THERY, Quels repère pour les familles recomposées ? op.cit., p. 132 et s.

226 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille éclatées, familles reconstituées », art. cit.

227 Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit., p.274

228 Sur l'effet du temps dans la construction des liens familiaux dans une famille d'accueil ; Maryline BRUGGEMAN, « Droit au respect de la vie familiale d'une famille d'accueil : le temps est assassin », obs. sur. CEDH, 17 janv. 2012, n° 1598/06, Kopf et Liberda c/ Autriche, Dr. Fam., 2012, comm. 44

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longue pour faire naître entre eux des liens affectifs justifiant à la fois la facilitation d'une solidarité spontanée et la nécessité d'organiser la rupture loyale de ces liens.

La qualification des frères, et donc de la fratrie, ne pourrait résulter que d'une simple reconnaissance par le juge et non d'un choix constitutif, contrairement au modèle de l'affrèrement, plus proche d'une adoption229. Au vu de ce statut, le juge pourrait étendre de manière générale - et non ponctuelle - les droits des frères et soeurs à l'ensemble de la fratrie, de sang ou non, à l'exclusion de ceux liés à la filiation (succession en ligne directe, nom de famille, etc.).

146. Cette évolution ne serait que la suite logique de la réforme du 3 décembre 2001230. En admettant qu'une affection égale existe entre frères germains et demi-frères, le droit successoral a pris acte du pluralisme qui existe parmi les fratries : le législateur ne peut hiérarchiser l'affection des frères ni déterminer quelles fratries méritent telle qualification au regard du critère inopérant de la filiation.

Dès lors, il convient d'achever cette évolution en qualifiant de frères ceux qui vivent comme tels. Le régime de la fratrie étant avant tout permissif, il reviendrait alors à chaque frère de moduler les effets de la fraternité à l'égard des collatéraux avec lesquels il n'existe aucun lien vécu, comme cela est déjà permis entre frères germains et demi-frères.

* *

*

147. Conclusion du chapitre second - Découvrir l'existence de caractères et fonctions propres à la fratrie permet d'en révéler les éléments de définition. Dans sa qualification comme dans son régime, la fratrie peut être détachée de la filiation. Dès lors, limiter le statut de frères aux enfants d'un ou deux auteurs communs ne correspond plus aux critères de définition de la fratrie, reposant essentiellement sur une union subie et tournée vers le passé.

S'agissant des fratries juridiquement reconnues, la Loi se refuse à établir une hiérarchie entre demi-frères et frères germains, sur le fondement d'une présomption d'affection liée à la filiation. Elle postule donc une stricte égalité des frères germains, utérins et consanguins, laissant à chacun le choix d'exercer ou non les prérogatives attachées à cette qualité.

En revanche, le droit ignore toujours les quasi-fratries. Or, les quasi-frères doivent, à certaines conditions, tenant notamment à une vie commune durant l'enfance, recevoir la qualité de frères. Les moyens qu'offre le droit pour étendre aux quasi-frères le régime de la fratrie étant insuffisants, c'est donc à la reconnaissance d'une qualification autonome de la fratrie qu'il faut désormais tendre.

229 Philippe-Antoine MERLIN, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 4e éd., 1784, tome Ier, v° « affrèrement »

230 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans les familles recomposées », art.cit.

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CONCLUSION

148. La reconnaissance d'un statut du frère dans les familles recomposées ne semble pas être la priorité des recherches en droit de la famille, tant les difficultés liées aux fonctions et rôles du beau-parent présentent des enjeux pratiques bien plus importants. Toutefois, si l'aspect symbolique de la création d'un statut de frère l'emporterait sur ses utilités pratiques, une telle évolution permettrait d'affirmer en droit l'existence d'une solidarité autre que conjugale ou parentale parfois inadaptée231, et de renforcer corrélativement la spécificité du couple uni par un partenariat ou vivant en concubinage.

La fratrie est une institution autonome et originale, qui présente la particularité d'ouvrir un régime plus permissif que contraignant découlant d'un statut imposé et immuable, de liens subis et tournés vers un passé commun. Les spécificités d'une telle institution permettent d'y découvrir des potentialités certaines en termes de solidarité, d'assistance ou de secours. En somme, il apparaît possible de définir, avec la fratrie, un « troisième pan dans le système de parenté »232, concurrent des classiques rapports conjugaux et filiaux.

Alors que la famille semble fragilisée par l'avènement d'un individualisme que doit servir le groupe, l'institution fraternelle apparaît comme une alternative aux liens purement électifs de la parenté et de l'alliance. Aussi, appartient-il au droit de confirmer l'autonomie de l'institution fraternelle, de la détacher du référent parental qui masque encore sa nature profonde, afin de favoriser une solidarité spontanée qui serait plus que bienvenue dans une société en proie à un individualisme et une précarité croissante233.

231 Michel CHAUVIERE, « Les solidarités familiales comme espace de tensions entre droits et devoirs », RDSS, 2009 p. 53

232 Anita GUERREAU-JALABERT, « Sur les structures de parenté dans l'Europe médiévale », art. cit.

233 Marcel DAVID, « Solidarité et fraternité en droit public français », art. cit., p. 31

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La Fratrie

Bibliographie

I- Droit

· Ouvrages

Ouvrages, traités, manuels :

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- CARBONNIER (Jean), Droit civil, Tome II (La famille, l'enfant, le couple), PUF, 21e éd., 2002, XVI-756 p.

- CARBONNIER (Jean), Flexible droit - pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10e éd., 2007, 493 p.

- CORNU (Gérard), Droit civil. La famille, Domat, 9e éd., 2006, 654 p. - DREYER (Emmanuel), Droit pénal spécial, Ellipses, 2e éd., 2012, 732 p. - FENOUILLET (Dominique), Droit de la famille, Dalloz, 2e éd., 2008, 517 p. - GRIMALDI (Michel), Droit civil. Successions, Litec, 5e éd., 1998, 925 p.

- HAUSER (Jean), HUET-WEILLER (Danièle), Traité de droit civil. La famille, (Dir. Jacques GHESTIN), LGDJ, 1991, 156 p.

- JUBAULT (Christian), Droit civil, les successions, les libéralités, Domat, 2e éd., 2012, XVI-952 p. - LEROYER (Anne-Marie), Droit de la famille, PUF, 2011, 318 p.

- PLANIOL (Marcel), RIPERT (George), Traité élémentaire de droit civil, Tome I (La famille, les incapables, les biens), LGDJ, 1925, XIV-1063 p.

- PRADEL (Jean), Droit pénal spécial, Cujas, 5e éd., 2010, 730

- RIPERT (George), La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e éd., 1949, 421 p.

- ROCHFELD (Judith), Les grandes notions du droit privé, PUF, 2011, XII-576 p.

- TERRE (François), FENOUILLET (Dominique), Droit civil. La famille, Dalloz, 8e éd., 2011, 1109 p.

- TERRE (François), FENOUILLET (Dominique), Droit civil. Les personnes, Dalloz, 8e éd., 2012, X-934 p. Monographies et thèses :

- BERTHET (Pascal), Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, Thèse, (préf. Jacqueline RUBELIN-DEVICHI), L'Harmattan, 2001, 406 p.

- SIFFREIN-BLANC (Caroline), La parenté en droit civil français, Thèse (préf. Emmanuel PUTMAN), PUAM, 2009, 679 p.

- ZALEWSKI (Vivien), Familles, devoirs et gratuité, Thèse, L'Harmattan, 2004, 445 p.

Dictionnaires et répertoires :

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- CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique (Association H. CAPITANT), PUF, août 2011

- DEVILLE (Sophie), NICOD (Marc), Réserve héréditaire, Répertoire Dalloz, 2012, mise à jour juin 2012

- GRIMALDI (Michel), Droit patrimonial de la famille, Dalloz action, 2011-2012

- LAMARCHE (Marie), LEMOULAND (Jean-Jacques), Mariage. Conditions de formations, Répertoire Dalloz, 2010, mise à jour janv. 2013

- LE GUIDEC (Raymond), Successions, Répertoire Dalloz, janv. 2009, mise à jour mars 2012

- MERLIN (Philippe-Antoine), Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 4e éd., 1784, tomes I et IV

· 50

Articles Généralités sur la fratrie :

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- CARBONNIER (Jean), « Isaac et Ismaël demi-frères », dans Mouvements du droit contemporain - Mélanges offerts au professeur Sassi Ben Halima, Tunis, Centre de Publication universitaire, 2005, p. 3 ; repris dans VERDIER (Raymond), Jean Carbonnier - 1908-2003 - Ecrits, PUF, 2008, p. 366

- CHARLOT (Péroline), « La fratrie », Revue de la recherche juridique et de droit prospectif, 2001-2, Vol. 1, n° XXVI - 88, p. 551

- CHARPENTIER (Stéphane), « Maintien des liens entre frères et soeurs : réflexions sur le nouvel article 371-5 du code civil », RDSS, 1998, p. 19

- CORNU (Gérard), « La fraternité. Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », dans Ecrits en l'honneur de Jean Savatier. Les orientations sociales du droit contemporain, PUF, 1992, p. 29 ; repris dans L'art du droit en quête de sagesse, PUF, 1998, p.85

- DAVID (Marcel), « Solidarité et fraternité en droit public français », dans BEGUIN (Jean-Claude), CHARLOT (Patrick), LAIDIE (Yan), La solidarité en droit public, L'Harmattan, 2005, p. 11

- DAVID-BALESTRIERO (Véronique), « L'unité de la fratrie », dans Mélanges Gilles Goubeaux. Liber amico-rum, Dalloz-LGGDJ-Lextenso, 2009, p. 71

- FAVART (Evelyne), « Désigner les frères et soeurs : différences lexicales et sémantiques », Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 8

- GOUTTENOIRE-CORNUT, (Adeline), « Le logement de l'enfant », AJ Fam., 2008, p. 371

- KESTEMAN (Nadia), « Focus - Droit et obligations des fratries », Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 46

- MASSIP (Jacques), « La loi du 30 décembre 1996 tendant à éviter la séparation des frères et soeurs », Rép. Defrénois, 1997, p. 897

- MAURICE (René), « Les effets de la parenté et de l'alliance en ligne collatérale », RTD Civ., 1971, p. 251

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- REVET (Thierry), « Autorité parentale : loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 relative au maintien des liens entre frères et soeurs (JO 1er janv. 1997, p. 21) », RTD Civ., 1997, p. 229

- TARDY (Véronique), « Les fraternités intrafamiliales et le droit », LPA, 2 nov. 1999, n° 218, p. 7 Droit civil :

- ALFANDARI (Elie), « Droit alimentaires et droits successoraux », dans Mélanges René Savatier, Dalloz, 1965, p.1

- BATTEUR (Annick), « L'interdit de l'inceste, principe fondateur du droit de la famille », RTD Civ., 2000, p. 759

- BOURGAULT-COUDEVYLLE (Dorothée), « Les relations de l'enfant avec d'autres personnes que ses père et mère », dans Les nouvelles familles, dossier, Droit et Patr., 2000, p. 85

- BRAUD (Jacques), « L'indemnité réparatrice des blessures et de la mort : pour l'unité », JCP G., 1971, chron. 2372

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- CHABOT (Gérard), « De la portée du droit de retour légal au profit des frères et soeurs », RLDC, 2006, p. 33 - CATALA (Pierre), « La loi du 23 juin 2006 et les colonnes du temple », Dr. Fam., 2003, chron. 43, p. 5

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- CORPART (Isabelle), « Plus de solidarité familiale pour l'avenir des enfants handicapés », JCP G, 2006, I

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- DEKEUWER-DEFOSSEZ (Françoise), « Famille éclatées, familles reconstituées », D, 1992, p. 133

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- SAUVAGE (François), « La renonciation anticipée à l'action en réduction », AJ Fam., 2006, p. 35

- SAVATIER (René), « Peut-on récupérer en droit sur ses frères et soeurs les soins et impenses faites pour ses parents », Rep. Defrénois, 1963, p. 549, art. 28419

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- VASSEUR-LAMBRY (Fanny), « Le nom de famille : réforme achevée ou casse-tête en perspective », RJPF, 2005, p. 2

Droit pénal :

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- HASSLER (Théo), « La solidarité familiale confrontée aux obligations de collaborer à la justice pénale », RSC, 1983, p. 437

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- RASSAT (Marie-Laure), « Inceste et droit pénal », JCP G., 1974, I, chron. 2614

- REYDELLET (Michel), « Les délits d'aide à l'étranger en situation irrégulière (article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945) », D, 1998, p. 148

Droit médical

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· Notes et observations

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- DOUET (Frédéric), « Pension alimentaire entre frères et soeurs », obs . sur CE, 28 mars 2012, L'essentiel-Droit de la famille et des personnes, 15 juin 2012, n° 6, p. 7

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- HAUSER (Jean), « Pacs et concubinage : liberté, égalité, mais pas de fraternité ! », obs. sur CEDH, Gr. ch., 29 avr. 2008, Burden c. RU, RTD Civ., 2008, p. 458

- GARE (Thierry), « Le partage d'une fratrie après divorce », note sous Toulouse, 1re ch., 28 nov. 1995 ; C. c/ Mme C, .JCP G, 1997, II 22759,

- LOHEAC-DERBOULLE (Philippine), « Constitutionnalité de l'interdiction du prélèvement des cellules du sang de cordon dans un but égoïste », note sous Cons. const., QPC n°2012-249 16 mai 2012, RDSS, 2012, p. 851

- MARGUENAUD (Jean-Pierre), « L'affaire Burden ou l'humiliation de la fratrie », obs. sur CEDH, Gr. ch., 29 avr. 2008, Burden c. RU, RTDH, 2009, p. 513

- ZALEWSKI (Vivien), « Droit d'habitation : les collatéraux ne font pas partie de la famille du titulaire du droit », obs. sur Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p. 419

II- Histoire et religion

· Ouvrages

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- BONNECASE (Julien), La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, Revue générale de droit, 2e éd., 1928, XXIV-343 p.

- EISENBERG (Josy), ABECASSIS (Armand), Moi, le gardien de mon frère ?, Albin Michel, 322 p.

- EWALD (François), Naissance du Code civil, Flammarion, 2004, 409 p.

- GANDHI, Tous les hommes sont frères, Folio, 2003, 313 p.

- GAUDEMET (Jean), CHEVREAU (Emmanuelle), Droit privé romain, Domat, 3e éd., 2009, p.37

- HALPERIN (Jean-Louis), Histoire du droit privé français depuis 1804, PUF, 2001, p. 322

- LEVY (Jean-Philippe), Manuel élémentaire de droit romain, Dalloz, 7e éd., 2003, XVI-1223 p.

- LEVY (Jean-Philippe), CASTALDO (André), Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, IX-1619 p.

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La Fratrie

· Articles

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- CHASSAING (Jean-François), « Famille romaine, famille chrétienne », dans La famille, L'Harmattan, 2006, p.187

- GUERREAU-JALABERT (Anita), « Sur les structures de parenté dans l'Europe médiévale », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6, p. 1028

- LETT (Didier), « L'histoire des frères et soeurs », CLIO, histoire, femmes et société, 2011, n°34, p. 182 - LETT (Didier), « Les fratries dans l'histoire », Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 13

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III- Sociologie et anthropologie :

· Ouvrages

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- CAMDESSUS (Brigitte), La fratrie méconnue : liens du sang, liens du coeur (dir.), ESF Editeur, 1998, 189 p.

- LEVI-STRAUSS (Claude), Les structures élémentaires de la parenté (extraits), Flammarion (Les livres qui ont changé le monde), 2010, 150 p.

- LEVI-STRAUSS (Claude), Anthropologie structurale, Agora, 1985, 478 p.

- MARTIAL (Agnès), S'apparenter. Ethnologie des liens de familles recomposées, Editions de la maison des sciences de l'homme, 2003, 308 p.

- MEULDERS-KLEIN (Marie-Thérèse), THERY (Irène), Quels repère pour les familles recomposées ? (dir.), Droit et société (LGDJ), n° 10, 1995, p. 217

- ORIS (Michel), BRUNET (Guy), WIDMER (Eric), BIDEAU (Alain), Les fratries. Une démographie sociale de la germanité (dir.), Peter Lang, Population, famille et société, vol. 6, 2007, 363 p.

- RUFO (Marcel), SCHILTE (Christine), Frères et soeurs, une maladie d'amour, Le Livre de Poche, 2003, 283 p.

- THERY (Irène), Couple, filiation et parenté aujourd'hui. Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée (Rapport à la Ministre de l'emploi et de la solidarité et au Garde des sceaux), La documentation française (Odile Jacob), 1998, 413 p.

· Articles

- BOURHABA (Samira), « Singularité et multiplicité des relations fraternelles. Voyage en terre fraternelle », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 23

- CAILLE (Philippe), « Fratries sans fraternité », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 11

- CAMDESSUS (Brigitte), « Adoption et fratrie », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 135

- CHAPON-CROUZET (Nathalie), « L'expression des liens fraternels au sein des familles d'accueil : de la fratrie au groupe fraternel nourricier », Devenir, mars 2005, vol. 17, p.261

- COPET-ROUGIER (Elisabeth), « Alliance, filiation, germanité. Entre vérités biologiques et métaphoriques », Sociétés contemporaines, 2000, n°38, p.21

- CRENNER (Emmanuelle), « Famille, je vous aide », INSEE Première, 1999, n°631, p.211

- CRENNER (Emmanuelle), DECHAUX (Jean-Hugues), HERPIN (Nicolas), « Le lien de germanité à l'âge adulte. Une approche par l'étude des fréquentations », Revue française de sociologie, 2000, n°41-42, p.211

- DAGUET (Fabienne), « La fécondité en France au cours du XXe siècle », INSEE Première, 2002, n° 873

- DECHAUX (Jean-Hugues), « La place des frères et soeurs dans la parenté au cours de la vie adulte », Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 103

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- DESPLANQUES (Guy), « La chance d'être aîné », Economie et statistiques, oct. 1981, n° 137, p. 53

- FINE (Agnès), « Liens de fraternité. De quelques orientations de recherche en sciences sociales », Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 36

- FINE (Agnès), « Frères et soeurs en Europe dans la recherche en sciences sociales », CLIO, histoire, femmes et société, 2011, n°34, p. 167

- POITTEVIN (Aude), « Les liens dans les fratries recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein de familles recomposées », Dossiers d'études. Allocations Familiales, n° 47, 2003

- PRIUS (Claudine), « Les enfants et leur logement : parcours familial et contexte social », Recherches familiales, 2005, n° 2, p. 5

- TOULEMON (Laurent), « Evolution des fratries : les enseignements de la démographie », Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 24

- TOULEMON (Laurent), « Combiens d'enfants, combiens de frères et soeurs depuis cent ans ? », Population et Sociétés, déc. 2001, n° 374, p. 1

- VILLENEUVE-GOKALP (Catherine), « La double famille des enfants de parents séparés », Populations, 1999, n° 1, p. 9

IV- Jurisprudence

· CEDH :

- CEDH, 9 déc. 1992, n° 18632/91, Mc Cotter c. RU ; n° 190585/91, X. c. RU, RFDA, 1993, p. 963, chron. F. SUDRE

- CEDH 1er févr. 2000, n° 34406/97, Mazurek c. France, D. 2000, 332, note J. THIERRY, ibid. 626, chron. B. VAREILLE, GAJC, 12e éd., 2007, n° 99, RDSS, 2000, 607, obs. F. MONÉGER ; RTD civ., 2000, 11, obs. J. HAUSER ; ibid. 429, obs. J-P. MARGUÉNAUD ; ibid. 601, obs. J.. PATARIN

- CEDH, 29 avr. 2008, n° 13378/05, Burden c. RU, JDI, 2007, chron. 5 p. 683, RTDH, 2009, p. 513, obs. JP. MARGUÉNAUD, JCP G., 2008, I. 167, chron. F. SUDRE, RTD Civ., 2008, p. 459, obs. J. HAUSER

- CEDH, 17 janv. 2012, n° 1598/06, Kopf et Liberda c/ Autriche, Dr. Fam., 2012, comm. 44, obs. M. BRUGGEMAN

- CEDH, gde ch., 7 févr. 2013, n° 16574/08, Fabris c/ France, JCP G., act. 2013, p. 425, obs. F. SUDRE, Gaz. Pal., 21 mars 2013, n°80, p. 11

· Conseil constitutionnel :

- Cons. const. n° 2010-108 QPC, 25 mars 2011, RFDC, 2011, n° 87, p. 600, obs. F. DARGENT ; RLDC, 2012, n° 90, actu L. LADOUX

- Cons. const., n° 2011-163 QPC, 16 sept. 2011, JCP G., 2011, p. 1160, note A. LEPAGE, JCP G., 2011, p. 1372, chron. B. MATHIEU

- Cons. const., n° 2012-249 QPC, 16 mai 2012 ; Constitutions, 2012, p. 474, chron. X. BIOY, E. RIAL-SEBBAG ; RDSS, 2012, p. 851, obs. P. LOHEAC-DERBOULLLE

· Cour de cassation :

- Req., 3 avr. 1882, DP. 1882, I. 250

- Req., 5 mars 1902, DP. 1902, I. 220, S. 1902, I. 312

- Civ. 7 mars 1911, DP. 1913, I. 404

- Crim., 2 mai 1952, JCP, 1952, II. 7354

- Ass.plén., 30 janv. 1970, D. 1970, somm. p. 221, concl. R. LINDON, note J-J. DUPEYROUX

- Civ. 2e, 2 juil. 1982, Rep. Defrénois, 1982, p. 992, obs. J. MASSIP

- Civ. 1re, 27 févr. 1985, Rev. Soc., 1985, p. 620, note M. JEANTIN

- Civ. 1re, 21 juin 1989, bull. n° 245

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La Fratrie

- Crim., 7 nov. 1990, RSC, 1991, p. 569, obs. G. LEVASSEUR

- Civ. 1re, 18 déc. 1990, D. 1990, chron. 56, J. HAUSER, D. 1991, p. 433, obs. J. MASSIP

- Civ. 1re, 12 juil. 1994, JCP N., 1995, II, p. 1658, note A. SÉRIAUX, Rep. Defrénois, 1994, p. 1516, art. 35950, note R. SAVATIER, Rep. Defrénois, 1996, p. 842, art. 36363, obs. B. GELOT, Dr. Fam., oct. 1999, p. 4, obs. D. GRILLET-PONTON

- Civ. 3e, 6 mars 1996, D, 1997, p. 167, note B. DE LAMY

- Crim., 17 sept. 1997, bull. n° 302, Dr. pén., 1998, comm.. n° 2, RSC, 1998, p. 325, note Y. MAYAUD - Civ. 2e, 19 nov. 1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17, note P. MURAT

- Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p. 419, obs. V. ZALEWSKI, Dr. et patr., 2008, p. 92, obs. J-B. SEUBE et T. REVET, RTD Civ., 2008, p. 89, obs. J. HAUSER

- Civ. 3e, 10 mars 2010, D., 2010, p. 1531, note J-M. BRIGANT, RDC, 2010, n° 3, p. 913, obs. J.-B. SEUBE, AJDI, 2010, p. 808, note N. DAMAS, RTD Civ., 2010, p. 343, obs. P-Y. GAUTIER

- Civ. 1re, 19 nov. 2009, D. 2010, p. 1904, chron. A. GOUTTENOIRE, P. BONFILS

· Conseil d'État :

- CE, ass., 19 avr. 1991, Rec. Lebon, 1992, p. 152, D. 1992, p. 291, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE, RCDIP, 1991, p. 677, note D. TURPIN, AJDA, 1991, p. 551, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE

- CE, 28 mars 2012, L'essentiel-Droit de la famille et des personnes, 15 juin 2012, n° 6, p. 7, obs., F. DOUET

· Juridictions du fond :

- CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932, JCP, 1932, 607, note H. MAZEAUD

- CA Grenoble, 12 avr. 1967, D. 1967, p. 496, RTD Civ., 1967, p. 814, obs. J. CHEVALLIER

- CA Rouen, 23 févr. 1982, D. 1982, IR. p. 211

- CA Paris, 19 mai 1992, D. 1993, somm. 127

- CA Papeete, ch. civ., 25 sept. 1997, JurisData : 1997-055551

- CA Paris, 10 févr. 1998, JCP G., 1998, II. 10130, note C. PHILIPPE, Dr. Fam., 1998, n°83, note P. MURAT

- CA Paris, 16 juin 1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17, note P. MURAT

- CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144, A. GOUTTENOIRE, RTD Civ., 2003, p. 494, obs. J.

HAUSER

- CA Colmar, Ch. 5, sect. B, 5 oct. 2004, RG n° 03/01884, JurisData : 2004-267456

- TGI Reims, 19 juil. 2005, RG n°05/00894, Journal des accidents et des catastrophes, n° 59, 12 déc. 2005,

obs. I. CORPART

- CA Nancy, Ch. civ. 3, 16 août 2005, RG n° 05/01854, JurisData : 2005-303745

- CA Nîmes, Ch. civ. 2, sect. C, 28 sept. 2005, RG n° 03/03451, JurisData : 2005-285431

- CA Toulouse, 28 mars 2006, RG n° 05/01556, JurisData : 2006-304845

- CA Rouen, ch. fam., 14 mai 2009, RG n° 08/01878, JurisData : 2009-003198

- CA Pau, Ch. 2, sect. 2, 14 sept. 2010, RG n° 09/01945, JurisData : 2010-028725

- CA Paris, 27 janv. 2011, RG n° 10/01367, JurisData : 2011-000885

- CA Reims, Ch. civ., sect. 2, 1er mars 2013, RG n° 12/ 01804, 125, JurisData : 2013-00420

56

57

La Fratrie

Table des matières

Avertissement 3

Liste des principales abréviations 5

INTRODUCTION 7

CHAPITRE I : L'EXISTENCE DE LA FRATRIE EN DROIT 17

Section 1 : Les caractères autonomes de la fratrie 17

§1. L'égalité fraternelle 18

A/ Les manifestations de l'égalité des frères et soeurs 18

B/ Les particularités de l'égalité des frères et soeurs 19

§2. L'unité fraternelle 21

A/ L'expression de l'unité de la fratrie 21

B/ L'autonomie de l'unité fraternelle 22

Section 2 : Les fondements spécifiques de la fratrie 24

§1. La fonction d'éclatement de la fratrie 24

A/ L'organisation de l'éclatement de la fratrie 24

B/ La signification de l'éclatement de la fratrie 26

§2. La fonction de solidarité de la fratrie 27

A/ Les moyens étendus de la fraternité 27

B/ Les moyens propres de la fraternité 29

CHAPITRE II : LA CONSISTANCE DE LA FRATRIE EN DROIT 32

Section 1 : La nature des liens fraternels 32

§1. Les caractères des liens fraternels 33

A/ Des liens imposés 33

B/ Des liens tournées vers le passé 34

§2. L'origine des liens fraternels 35

A/ Le rôle de la filiation dans la construction de la fratrie 36

B/ Le rôle des liens vécus dans la construction de la fratrie 37

Section 2 : L'étendue des liens fraternels 39

§1. La justification imparfaite du cantonnement de la fratrie 39

A/ La convergence des fratries germaine, consanguines et utérine 39

58

B/ L'indifférence du droit à l'égard des quasi-fratries 41

§2. L'évolution possible de l'étendue de la fratrie 42

A/ Les aménagements possibles de la notion de fratrie 42

B/ Les aménagements souhaitables de la notion de fratrie 44

CONCLUSION 47

BIBLIOGRAPHIE 49

I- Droit 49

II- Histoire et religion 52

III- Sociologie et anthropologie : 53

IV- Jurisprudence 54

TABLE DES MATIERES 57

ANNEXES 59

ANNEXE 1 : Le rétrécissement de la fratrie 60

ANNEXE 2 : enfants nés hors mariage 62

ANNEXE 3 : la complexification des fratries 63

ANNEXE 4 : la vie commune des fratries 64

ANNEXE 5 : le rôle de substitut de la fratrie 65

Annexes

La Fratrie

59

1- De 1975 à 2008235 :

60

ANNEXE 1 : Le rétrécissement de la fratrie

1- De 1992 à 2006234 :

234 Claudine PIRUS, « Les conditions d'habitat des enfants : poids des structures familiales et de la taille des fratries », France, portrait social, 2011, p.173

235 Laurent TOULEMON, « Évolution des fratries : les enseignements de la démographie », IS, mai 2012 n° 173, p. 24

La Fratrie

3- De 1930 à 1960236 :

61

236 Ibid.

62

ANNEXE 2 : enfants nés hors mariage237

Année

Total

 

Dans le
mariage

Hors
mariage

Hors mariage
pour 100 enfants
nés vivants

Total

Dans le
mariage

Hors
mariage

Hors mariage pour 100 enfants nés sans

vie

1901

917

075

836

891

80

184

8,7

32

410

 

.

 

.

.

1910

828

140

756

278

71

862

8,7

28

566

 

.

 

.

.

1915

482

968

428

859

54

109

11,2

16

275

 

.

 

.

.

1920

838

137

754

844

83

293

9,9

30

808

26

401

4

407

14,3

1925

774

455

707

876

66

579

8,6

24

591

21

562

3

029

12,3

1930

754

020

691

304

62

716

8,3

21

977

19

274

2

703

12,3

1935

643

870

598

701

45

169

7,0

18

586

16

559

2

027

10,9

1940

561

281

521

143

40

138

7,2

15

719

13

997

1

722

11,0

1945

645

899

578

023

67

876

10,5

14

901

12

306

2

595

17,4

1950

862

310

801

880

60

430

7,0

16

866

15

140

1

726

10,2

1955

805

917

754

308

51

609

6,4

14

075

12

801

1

274

9,1

1960

819

819

770

043

49

776

6,1

14

155

12

925

1

230

8,7

1965

865

688

814

479

51

209

5,9

13

319

12

096

1

223

9,2

1970

850

381

792

227

58

154

6,8

11

469

10

354

1

115

9,7

1975

745

065

681

636

63

429

8,5

8

225

7

217

1

008

12,3

1980

800

376

709

261

91

115

11,4

6

942

5

906

1

036

14,9

1985

768

431

617

939

150

492

19,6

5

658

4

272

1

386

24,5

1990

762

407

533

300

229

107

30,1

4

488

2

900

1

588

35,4

1995

729

609

455

399

274

210

37,6

3

859

2

273

1

586

41,1

2000

774

782

444

667

330

115

42,6

3

559

1

900

1

659

46,6

2005

774

355

407

561

366

794

47,4

6

964

3

464

3

500

50,3

2010

802

224

368

063

434

161

54,1

8

206

2

934

5

272

64,2

2011

792

996

356

906

436

090

55,0

7

649

3

107

4

542

59,4

237 http://www.ined.fr/fr/france/naissances_fecondite/naissances_hors_mariage/ (mise à jour 16 janv. 2013)

1- De 2006 à 2010 et 2012239 :

63

La Fratrie

ANNEXE 3 : la complexification des fratries

1- En 1999238 :

238 Catherine VILLENEUVE-GOKALP, « La double famille des enfants de parents séparés », Population, 1999 n°1, p. 9

239 Laurent TOULEMON, « Évolution des fratries : les enseignements de la démographie », art. cit.

64

ANNEXE 4 : la vie commune des fratries

1- La résidence des enfants fixée par le jugement du divorce240

 

Tous divorces

Requête con-
jointe

Demande accep-

tée

Faute

Conv. de sép. de corps

Toutes décisions sur la mère

2 306

100

1 200

100

264

100

821

100

21

100

Résidence chez la mère

1 810

78,5

905

75,4

202

76,5

682

83,1

21

100

Résidence en alternance

265

11,5

193

16,1

38

14,4

34

4,1

 
 

Résidence chez le père

165

7,1

75

6,3

17

6,4

73

8,9

 
 

Fratrie séparée

66

2,9

27

2,2

7

2,7

32

3,9

 
 
 
 

Source : L. CHAUSSEBOURG, D. BAUX, L'exercice de l'autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents non mariés, Min. Justice, oct. 2007

2- Le rôle de la vie commune dans la construction des liens fraternels241 :

240 Adeline GOUTTENOIRE, « Le logement de l'enfant », AJ Fam., 2008, p. 371

241 Emmanuelle CRENNER, Jean-Hugues DECHAUX, Nicolas HERPIN, « Le lien de germanité à l'âge adulte. Une approche par l'étude des fréquentations », Revue française de sociologie, 2000, n°41-42, p.211

2- Proportion de personnes ayant aidé un proche243 :

4- Contacts avec la parenté selon l'âge :

65

La Fratrie

ANNEXE 5 : le rôle de substitut de la fratrie

1- Fréquentations des frères et soeurs selon la situation de couple242 :

242 Ibid.

243 Emmanuelle CRENNER, « Famille, je vous aide », INSEE Première, 1999, n°631, p.211

66






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