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Comprendre le concept de conscience en classe de philosophie au lycée : approche phénoménologique.

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par Sylvère Gildas NGOMO
École Normale Supérieure de Libreville - Master 2 2016
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

La préoccupation principielle de la phénoménologie est le retour à la conscience, c'est d'ailleurs en cela que la conscience se veut être l'objet de la phénoménologie. Jeanne Hersch, dans le souci de mettre en lumière la célèbre formule d'Edmund Husserl,  le retour aux choses mêmes, marquait déjà :

« Sa devise bien connue `'Allons aux choses mêmes!'' n'appelle nullement à un réalisme naïf. Elle signifie qu'il est indispensable de saisir l'essence de la conscience si l'on veut comprendre comment un `'étant quel qu'il soit devient accessible à la conscience intentionnelle''1(*) ».

Ceci pour dire que la base de toutes connaissances en phénoménologie serait la saisie de l'essence de la conscience comme donatrice de sens aux objets et au monde. Cela revient à dire que la conscience occupe une place importante en phénoménologie. Aussi, dirions-nous qu'il n'y aurait pas de phénoménologie sans la description des actes et des données de la conscience, mais qu'il n'y aurait pas non plus de compréhension profonde du concept de conscience sans impliquer ou appliquer une forme de phénoménalisation de celle-ci. Il y aurait donc une sorte de consubstantialité entre la phénoménologie et la conscience. A bien comprendre, il serait très difficile objectivement de comprendre le concept de conscience sans se référer à la phénoménologie qui en a fait son objet d'étude. De ce fait, si nous nous sommes donné pour tâche de mieux comprendre le concept de conscience, l'approche phénoménologique nous semble assez pertinente. Ceci en ce que finalement le concept de conscience est indissociable de la phénoménologie, car le concept conscience permet même de dire ce qu'est la phénoménologie. D'ailleurs, Husserl écrit ceci à propos de la définition de la phénoménologie :

«  Mettre au claire dans son principe la nécessité du retour à la conscience, déterminer de manière radicale et expresse le chemin et les procédures de ce retour, délimité (...) explorer (...) le champ de la subjectivité pure, voila ce que signifie la phénoménologie.2(*) »

Cette citation montre clairement en quoi le concept de conscience peut nous permettre de définir la phénoménologie, et donc de comprendre la relation directe qu'il peut y avoir entre la conscience et la phénoménologie, étant donné que toute la phénoménologie n'est finalement que retour à la conscience. Tout ceci pour montrer finalement qu'il est fondamental de se fonder sur la phénoménologie afin de comprendre le concept de conscience. Car, la phénoménologie serait l'une des voies privilégiées afin de comprendre le fonctionnement de la conscience. C'est donc à juste titre que Sartre dit «  La phénoménologie est une étude scientifique et non critique de la conscience3(*) ». En clair, la phénoménologie se serait donc donnée pour tâche l'analyse scientifique du concept de conscience. Il s'agit bien évidement ici de mettre en lumière la nécessité d'un retour à l'approche phénoménologique pour mieux comprendre l'essence et le sens du concept de conscience.

C'est clairement dans cette logique d'idées que nous nous sommes proposé d'intituler notre travail de recherche «  Comprendre le concept de conscience en classe de philosophie au lycée : Approche phénoménologique ». Le sujet, tel que formulé, se propose donc d'interroger le concept de conscience dans son logis, c'est-à-dire, sous la lueur d'une approche fondamentalement phénoménologique. Clairement énoncé, notre sujet a donc pour vocation d'aborder le concept de conscience sous l'angle de la science de la conscience. Nous sommes pour notre part convaincus de l'importance de travailler sur ce sujet, aussi, l'objectif de ce travail est double : d'une part, comprendre le concept de conscience sur une approche phénoménologique. D'autre part, procéder à une initiation à la phénoménologie en classe de philosophie au lycée.

L'intérêt de l'étude ce sujet réside dans le fait de déjà ramener la compréhension du concept de conscience en phénoménologie toute en initiant les élèves de classe de philosophie au lycée à cette doctrine qu'est la phénoménologie. Le concept de conscience doit donc être ramené et compris dans sa perspective phénoménologique, étant donné que la phénoménologique fait de la conscience en philosophie une affaire sérieuse. La conscience, dans les programmes de classes de philosophie au lycée reste un concept central, cela sous-entend bien évidement que la compréhension des autres concepts dépend de la saisie de cette dernière. D'où l'intérêt de son examen et le souci de bien la comprendre.

Notre travail sera construit autour de quelques questions fondamentales, auxquelles la recherche des réponses fera l'objet de notre argumentaire. De ce fait, qu'est ce que la conscience dans son acception générale ? Quel serait l'enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie ? Qu'est ce que la conscience dans sa perspective empiriste, métaphysique et existentialiste ? Qu'est ce que la conscience phénoménologique a proprement parlé, et en quoi elle se distinguerait des autres approches ? Dans quel sens la saisie du concept de conscience dans son acception phénoménologique, via la notion d'intersubjectivité, peut nous aider à mettre en oeuvre une éducation au vivre ensemble, afin de lutter contre la xénophobie et le tribalisme en classe de philosophie au lycée ?

En vue de la recherche des réponses à toutes ces questions fondatrices, il convient d'adopter certaines stratégies et certains moyens d'investigations. Pour notre part, nous avons délibérément fait le choix de se fonder sur des lectures et la documentation pour le travail théorique, et sur les entretiens et questionnaires pour le travail pratique afin d'intégrer la dimension professionnelle à notre travail.

Concernant notre cadre théorique, nous avons construit notre réflexion dans le sillage de certains auteurs tels que : Edmund Husserl, Jean Paul Sartre, Merleau-Ponty etc.

Dans l'objectif de faire le point sur les concepts utilisés pour répondre à la problématique choisie, de cerner les différentes pensées des auteurs de référence, puis de confronter les différentes pistes dégagées, nous nous sommes proposé d'adopter en même temps un plan par point de vue ( consistant à présenter chaque point de vue) et un plan par aspects et critères ( consistant à la sélection des angles d'approches). De ce fait, notre argumentaire s'articulera autour de quatre grandes parties, chacune des parties comptant environ trois sous parties. La première partie s'intitulera « Approche générale, critique et enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie ». Dans cette partie il sera question d'une approche générale du concept de conscience, et d'élucider l'enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie. « Le concept de conscience selon les courants de pensée philosophiques » sera le titre de notre deuxième partie. Nous tenterons dans cette partie de mettre en lumière la perspective empiriste, métaphysique et existentialiste de la conscience. Comme troisième partie on aura le centre du travail à proprement parler : « Approche phénoménologique du concept de conscience ». Dans celle-ci nous allons naturellement mettre en exergue la vision phénoménologique du concept de conscience, tout en montrant en quoi celle-ci serait distincte des autres représentations. La quatrième partie sera intitulée « Perspective pratique : approche phénoménologique du concept de conscience comme piste de solution aux problèmes de xénophobie et du tribalisme à travers la notion d'intersubjectivité dans les classes de philosophie au lycée ». Dans cette dernière nous allons montrer comment ce travail théorique, philosophique et scientifique peut nous aider à résoudre certains problèmes pratiques d'ordre social, en l'occurrence la xénophobie et le tribalisme.

PARTIE I

APPROCHE GENERALE, CRITIQUE ET ENJEU DE L'ETUDE DU CONCEPT DE CONSCIENCE EN PHILOSOPHIE

L'inventeur de la définition serait, selon Aristote, Socrate. Pour Socrate, la définition des termes sur lesquels nous allons débattre permet de mettre à l'épreuve notre prétendu savoir sur ces derniers, surtout quand il montre à ses interlocuteurs qu'ils ne savent pas produire une définition cohérente de ce qu'ils pensent : ils ne pensent donc rien de défini, rien qui n'ait une extension précise et bien déterminée. En effet, l'analyse des concepts et de ce que l'on veut dire, la recherche de l'extension des concepts que nous utilisons est l'un des aspects majeurs de la philosophie.

C'est ainsi que dans la première sous-partie de la première partie de notre travail, nous nous sommes proposé d'abord de définir dans toute sa généralité le concept de conscience sur lequel nous allons naturellement porter notre réflexion. C'est donc un préalable philosophique majeur qui semble s'imposer à nous. A la suite donc de cette définition générale, nous allons mettre en lumière les enjeux de l'étude du concept de conscience en philosophie, et enfin exposer en dernier lieu les différentes critiques du concept de conscience.

I-Approche générale

Peu de mots dans la langue française ont autant de significations que la « la conscience ». De ce fait, s'il avait fallu attendre de trouver un langage commun pour pouvoir parler de la conscience, ce travail de réflexion n'aurait jamais eu lieu. Il y a la conscience du neurologue, du neuropsychologue, du psychologue expérimentaliste, du neurophysiologiste, du bio-informaticien, du psychanalyste, du philosophe. Toutes ces personnes, quelle que soit leur obédience, s'accordent au moins sur deux points :

-Ce mot n'est applicable qu'à un individu vivant ;

-Il implique une faculté de connaissance de soi-même et de l'environnement.

Mais la tendance actuelle est de ne pas considérer la conscience comme une seule fonction dépendante d'un seul centre, mais d'en faire la somme de plusieurs activités cognitives : vigilance ou éveil, mémoire, attention, perception, planification des actes etc. Cette pluralité fonctionnelle rend l'étude de la conscience difficile, car elle intéresse de nombreux domaines de connaissances.

La conscience comme « donnée immédiate » nous introduit d'emblée au coeur même de la réflexion philosophique. L'étymologie latine « Conscientia » nous suggère l'idée de connaissance, alors qu'un sens moral s'attache à la notion dans le français du XVIe siècle. Il faut attendre Descartes pour que le terme, en prenant une signification psychologique, devienne l'un des objets privilégiés de la démarche des philosophes. En posant la réalité de la «substance pensante », Descartes affirme la souveraineté de l'esprit sur l'ensemble de ses productions et identifie la pensée à la conscience.

1-La conscience comme connaissance de soi et du monde

Selon Le Petit Larousse Illustré, la conscience serait : « Une perception, connaissance plus ou moins claire que chacun peut avoir du monde extérieur et de soi-même.4(*)» A bien comprendre la définition proposée par Le Petit Larousse Illustré, la perception de chacun ici serait une perception directe, plus ou moins claire et précise du monde extérieur, de la réalité, c'est serait comme avoir conscience d'un bruit ou un son. C'est donc la présence de l'esprit à lui-même dans ses représentations, mais elle est aussi un redoublement réflexif par lequel le sujet se sait percevant. La connaissance ici renvoie à la connaissance d'une situation, c'est-à-dire la découverte par l'esprit d'une situation ou d'un problème. C'est en ce sens que les expressions telles que prise de conscience sont souvent utilisées. En parlant de conscience comme connaissance de soi et du monde extérieur, Le Dictionnaire Axis rebondit en disant que la conscience : « C'est la connaissance intuitive, immédiate que l'être humain possède de son existence, de ses facultés, de ses actes. 5(*)» De cette définition, nous pouvons déduire finalement que les concepts, les idées, les manifestations de la volonté sont des expressions les plus élaborées de la conscience. A bien comprendre, l'ensemble de pensées, d'émotions, de sentiments, d'images qui se succèdent en nous et constituent notre vie mentale serait appeler « Etat de conscience ».

Au regard de toutes ces différentes définitions, nous pouvons finalement comprendre que la conscience n'est pas une chose, une propriété, ou une fonction, mais plutôt une faculté. La conscience serait donc l'organisation dynamique et personnelle de la vie psychique, elle est cette modalité de l'être psychique par quoi il s'institue comme sujet de sa connaissance et auteur de son propre monde. La conscience est donc l'instance suprême et transcendantale qui anime le sujet. La conscience, en tant qu'elle est l'organisation même de l'être psychique constitue le lieu des relations du sujet à son monde.

Avoir connaissance de soi, c'est « être conscient d'être quelqu'un », et avoir connaissance du monde extérieur, c'est « avoir conscience de quelque chose », tout ceci pour dire que la conscience est la connaissance prospective que le sujet peut avoir de lui-même et de son monde. De ce fait, dire d'un être qu'il sent, qu'il perçoit, qu'il se souvient de quelque chose, qu'il prépare une action, ou qu'il se sent ou se sait être quelqu'un qui dirige son existence vers tel ou tel fin, c'est toujours et nécessairement dire qu'il est conscient.

2- La conscience comme juge : la conscience morale

Dans son fort intérieur, l'homme aperçoit l'existence d'une loi qu'il ne s'est pas donné lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix qui ne cesse de le pousser d'affectionner et de réaliser le bien et de déjouer le mal. La conscience morale est donc l'espace le plus profond et le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul, où sa voix interne se fait entendre. En clair, la conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnait le caractère moral d'une action concrète qu'elle va poser. En tout ce qu'il dit et fait, l'homme est tenu de suivre scrupuleusement ce qu'il sait être juste et droit. C'est par le verdict de sa conscience que l'homme distingue et reconnait ce qui est bien ou mal. C'est dans cet enchainement d'idées que Rousseau rédige :

« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe.6(*) »

Au regard de cet texte, la conscience morale se comprend comme étant un principe inné de justice et de vertu qui nous permet de juger de nos actions comme bonnes ou mauvaises. Au-delà de cela, celle-ci est aussi un guide naturel pour l'homme en matière de morale, étant donné qu'elle est la preuve de la ressemblance de l'homme à Dieu. La voix dont nous parle Rousseau est exclusivement intérieure, privée, nonobstant son caractère commun à tous les hommes. La conscience morale est donc universelle et ne relève pas d'un principe acquis, mais d'un sentiment congénital. Pour le philosophe français, la conscience fait donc partie de l'essence de l'homme. L'homme responsable de ce fait, est un homme conscient en quelque sorte. L'homme conscient, serait donc capable de prendre de la distance par rapport à ce qui l'entoure, agir en connaissance de cause, à la différence du règne animal. Voila pourquoi sans la conscience, je ne sens rien en moi qui m'élève au dessus des bêtes. Autrement dit, sans la conscience, l'homme aurait un comportement identique à celui des bêtes. Cette conscience morale, qui nous différencierait des bêtes, est également perçue comme juge par Kant :

« Le sentiment d'un tribunal intérieur en l'homme (devant lequel ses pensées s'accusent ou se disculpent l'une l'autre) est la conscience. Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière tenu au respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur, et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Sa conscience le suit comme son ombre lorsqu'il pense lui échapper. Il peut bien s'étourdir ou s'endormir par des plaisirs ou des distractions, mais il ne saurait éviter de revenir à lui ou de se réveiller de temps en temps dès lors qu'il en perçoit la terrible. Il peut arriver à l'homme de tomber dans l'extrême abjection ou il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre7(*) ».

Dès le début de cet extrait de texte, Kant séduit ses lecteurs à travers une approche définitionnelle de la conscience. Pour le philosophe allemand, la conscience serait ce devoir de l'homme envers lui-même comme juge de lui-même. En l'homme apparait donc la force d'une voix, celle de la conscience, qui l'assujettit, le reproche. Cette conscience est présente en tout homme, de ce fait, elle est universelle et également propre à l'être humain. Pour Kant, cette conscience nous détermine, car tout homme est inévitablement un être conscient. Cela revient à dire que chacun de nous est doué de conscience, voila pourquoi nous sommes tous égaux. A travers sa conscience, l'homme se sent observé. En d'autres termes, rien ne fuit à l'attention de notre conscience, étant donné que nous connaissons que nous avons à répondre de ce que nous réalisons ou de ce que nous avons réalisé. En conséquence, nous portons en nous ce juge intérieur, voilà pourquoi nous nous sentons menacé, tenu eu respect. Lorsque nous éprouvons de telles sentiments, d'angoisse et de subordination, c'est parce que nous sommes face à quelque chose qui nous dépasse. Kant pense que ce qui définit la conscience, c'est la manifestation d'une puissance. La conscience morale est une puissance qui veille sur les lois. Les lois dont parle Kant ici, sont les lois morales, les lois de la raison pratique, qui nous contraignent intérieurement et nous ordonne d'agir d'une manière universalisable. A bien voir, la raison pratique en fin de compte est synonyme de conscience morale chez Kant. Voila pourquoi Kant estime que la conscience morale est inhérente à l'homme, consubstantielle à son essence. La conscience est inséparable de l'être humain. L'homme ne peut s'en affranchir. Il peut essayer d'y échapper, de l'éviter, mais la conscience est forcément existence à soi et retour sur soi. Nous ne pouvons échapper à nous-mêmes, cette voix nous appartient, elle est nous. Ainsi, nous ne pouvons pas ne pas l'entendre. De façon claire distincte, nous nous accordons avec Rousseau et Kant sur le fait que la conscience morale soit un juge intime, qui accepte ou conteste nos intensions, d'ailleurs, Le Senne rappelle une idée analogue lorsqu'il note :

« Ce qui constitue [...] essentiellement la conscience morale, [...] c'est de promouvoir une intention ou refouler un projet, c'est, implicitement ou explicitement, approuver ou reprouver. L'approbation et la réprobation, voila donc l'essence bipolaire de la conscience morale8(*)

Pour le philosophe français, la conscience morale aurait donc une essence double, celle de l'acquiescement et de la désapprobation de nos actions. Elle est donc de ce point de vue, comprise comme étant un juge, juge de nos actes et de nos réalisations.

II-Enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie

1-Comprendre la conscience, c'est comprendre l'Homme

« Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. 9(*)»

Dans cet aperçu de texte, Descartes montre comment il aboutit au fondement ultime de la métaphysique, c'est-à-dire, au premier principe de la philosophie : « je pense, donc je suis ». Pour Descartes, il ne suffit pas de douter de toutes les opinions reçues, il ne suffit pas d'abattre « le logis où on demeure » : encore faut-il le rebâtir ensuite en s'appuyant sur des principes clairs et distincts, si clairs et si distincts qu'ils ne soient contestables par personne.

De ce fait, le principe fondamental sur lequel Descartes part pour construire sa métaphysique, c'est l'évidence du Cogito. «  Je pense, donc je suis », telle est la certitude première de l'ordre de la métaphysique cartésienne.

Ce que nous voulons montrer ici, c'est que le « je pense, donc je suis » est la première vérité ou la conscience s'apparait à elle-même comme sujet, sujet libre et sujet existant. Descartes n'emploie certes pas le mot conscience, mais plutôt celui de pensée. Mais, on peut pourtant les identifier si l'on remarque que cette pensée est essentiellement réflexive, comme l'indique son caractère intuitif. En effet, le « donc » n'est pas ici un terme déductif. La pensée n'est pas déduite du doute, et l'être n'est pas déduit de la pensée. Il s'agit d'une intuition, d'une saisie immédiate de l'esprit, d'une évidence ponctuelle. Au moment où le sujet se saisit doutant, il se saisit pensant et étant. C'est donc au vu du caractère intuitif du Cogito cartésien, que nous nous sommes proposé de l'identifier à la conscience.

Le « je pense, donc je suis » étant identifié à la conscience, ce principe signifie donc que l'Homme est conscient et qu'il n'existe que parce qu'il est conscient. Le « je pense, donc je suis » pourrait naturellement aussi s'écrire, « je suis conscient, donc j'existe ». L'essence de l'Homme est donc la conscience. A bien comprendre, être Humain, c'est donc avoir conscience de soi. De plus, pour être humain, il faut être conscient d'être humain. De ce fait, pour comprendre l'Homme, il faudrait comprendre la conscience, d'où l'enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie, car à travers l'étude du concept de conscience, nous comprenons en même temps ce qu'est l'Homme. La question « qu'est ce que la conscience ? » serait donc une question philosophico-anthropologique ; philosophique parce qu'il s'agit de questionner la conscience en tant que concept, et anthropologique, parce qu'il s'agit de questionner la conscience en tant qu'elle renvoie à l'Homme.

Tout ceci pour finalement dire que, la conscience n'est pas seulement de l'ordre de l'abstraction, mais qu'elle peut aussi être appréhendée dans l'ordre du réel, de l'existant, car la conscience renvoie à l'Homme : d'où l'enjeu de son étude en philosophie.

Mais, si la conscience renvoie à l'Homme, et que l'enjeu de son étude en philosophie se situerait en cela, reste à savoir, en quoi l'étude et compréhension de l'Homme serait centrale en philosophie.

2-La question de l'Homme est au centre de la philosophie

Dans sa Logique, Kant circonscrit le domaine de la philosophie à partir de quatre questions.

1- Que puis-je savoir?

2- Que dois-je faire?

3- Que m'est-il permis d'espérer?

4- Qu'est-ce que l'homme?

« A la première, poursuit Kant, répond la métaphysique, à la seconde la morale, à la troisième la religion, à la quatrième l'anthropologie. Mais, au fond, on pourrait tout ramener à l'anthropologie, puisque les trois premières questions se rapportent à la dernière.10(*) »

Se demander ce qu'est l'homme, c'est tout à la fois s'enquérir de ce qu'il peut savoir, doit faire, peut espérer, mais aussi de ce vers quoi il tend, de ce dont il a besoin, etc. On saisit alors que « qu'est-ce que l'homme ? », c'est une question englobante dont toute autre qui viserait quelque aspect de l'homme ne serait qu'un démembrement. Et, si cette interrogation contient les autres, elle ne peut plus renvoyer à une subdivision de la philosophie; elle traduit bien plutôt le tout, la philosophie elle-même.

Ainsi, cette citation permet de retrouver les grandes composantes classiques de la philosophie en même temps qu'ils insistent sur le privilège donné à l'homme en philosophie. Gaétan Saint-Pierre semble donc avoir raison lorsqu'il écrit : « Qu'en est-il de l'homme?» Il n'est pas de problèmes philosophiques hors celui-là. Les autres en découlent et y trouvent leur solution.11(*)». Nous comprenons très bien ici que l'Homme est au centre de toute la philosophie, et que toutes les autres questions philosophiques trouvent inévitablement leurs réponses en celle de l'Homme.

III- Critiques du concept de conscience

Semblablement à ce que nous avons vu antérieurement, le cogito de Descartes « Je pense donc je suis » est l'affirmation que je suis en toute certitude une chose qui cogite, un sujet doué de conscience. La conscience serait alors, en ce sens, une faculté que possède notre esprit de saisir ce qui se passe en nous ou hors nous. La conscience serait le paroxysme de l'activité psychologique. D'ailleurs, la conscience psychologique peut se prolonger en une conscience morale qui, selon Rousseau, permet à l'homme de se rendre « semblable à Dieu ».

Or, la conscience, même lorsqu'elle se fait réflexive, n'a pas que des vertus. C'est ainsi qu'indépendamment de son intermittence, on observe parfois son caractère accessoire, voire perturbateur, quand elle s'interpose dans le déroulement d'une action habituelle. Il est alors permis de penser qu'elle n'est peut être pas nécessaire à l'action, qu'elle s'oppose même à la vie dont elle n'éclairerait que les aspects superficiels.

1-Nietzsche : de la superficialité de la conscience

Nietzsche va être amené à contester la philosophie traditionnelle de la conscience qui stipulait que la conscience serait l'apanage exclusif de l'homme. La tradition philosophique pensant l'homme, définissait la conscience comme l'aptitude de savoir ce qui se passe en nous et autour de nous. De ce fait, elle institue la conscience, comme l'aspect la plus élevée de l'activité mentale. Nonobstant, Nietzsche paraît ne pas être de cet avis, c'est d'ailleurs en ce sens qu'il écrit :

« La pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus médiocre, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu'il pense : car il n'y a que cette pensée qui s'exprime en paroles, c'est-à-dire en signes d'échanges, ce qui révèle l'origine même de la conscience.12(*)»

Nietzsche considère la conscience comme la partie « la plus médiocre, disons la plus superficielle, la plus mauvaise de tout ce qu'il pense ». La conscience n'est donc pas toute l'activité humaine, seule une partie superficielle nous apparait. De plus elle est « la plus mauvaise » car elle est la plus lacunaire, elle est imparfaite. La conscience n'est donc pas toute la vie psychique, car elle ne correspond qu'à cette partie de l'activité psychique qui se développe dans la vie en société.

Nietzsche fait la critique de la philosophie classique de la conscience. Dans la philosophie classique il s'agit d'une conscience réflexive, c'est-à-dire que c'est le retour de l'esprit sur ses propres contenus afin d'organiser et trier les données qui s'y trouvent. Ce retour de l'esprit est ce qui définit la réflexivité de la conscience. L'être humain est un être conscient et un être dont l'esprit réfléchit et se réfléchit. C'est d'ailleurs ce que Descartes va expliquer dans son cogito. Descartes explique que la conscience est une introspection de nous même. Il s'agit de l'effet d'une résolution, c'est la résolution de douter selon un cheminement méthodique. Ainsi l'être humain parvient à une connaissance de soi même et de sa nature d'être pensant. C'est une conscience qui, loin d'être naturelle, est accessible par une méditation « métaphysique ». Le cogito de Descartes est tout simplement l'affirmation que je suis une chose qui pense. Quoi que je pense, je ne peux pas nier que je pense. L'homme doute et douter c'est penser. Au moment où l'on doute je pense et donc si je doute je suis. Je peux douter de tout mais je ne peux pas douter de l'acte de douter. Or, Nietzsche montre dans ce texte que la conscience n'est pas l'expression d'une substance pensante, c'est la partie la plus superficielle, la plus légère, il ne s'agit pas de toute vie psychique en tant qu'acte même de la pensée. Elle est intimement liée au corps de l'homme ainsi qu'au langage, la conscience n'est que la partie médiocre en nous qui est intelligible afin de pouvoir vivre en société. Nietzsche fait donc une critique de la conscience.

2-Marx : la conscience comme produit social

Pour davantage saisir les hommes, il faut comprendre où ils vivent et où s'expriment leurs idées. Nous remarquons que les hommes sont dans une société capitaliste et que leurs idées se manifestent dans cette société et leur parviennent d'elle. En conséquence, c'est notre être social qui détermine notre conscience. C'est ce que pense Marx, puisqu'il affirme dans l'une de ses préfaces :

« L'ensemble de ces rapports (rapports entre les hommes) forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s'élève un édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n'est pas donc la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience.13(*) »

Marx est donc l'un des penseurs à avoir sérieusement mis en doute le statut central de la conscience chez l'homme. Pour Marx, c'est la société qui fabrique et détermine jusqu'à notre propre conscience personnelle, et c'est l'économie, les forces productives matérielles qui sont à l'origine des idées. On avait cru jusqu'à présent que la conscience, en tant qu'individuelle, était notre propriété, a l'abri de toutes les influences extérieures. Or, non seulement notre conscience est déterminée par notre existence sociale, mais encore, elle est le reflet de la classe sociale à laquelle on appartient. C'est ainsi qu'un « être » prolétarien pense en prolétaire, et un « être » bourgeois pense en bourgeois. Engels ne pense pas le contraire lorsqu'il reprend l'affirmation de Feuerbach suivante: «  On pense autrement dans un palais que dans une chaumière.14(*) »

3-Freud et l'émergence de l'inconscient

Le terme inconscient est étymologiquement composé de « In » et « Conscient ». Etant un préfixe privatif, « In » renvoie à ce qui est opposé au radical « conscient ». Composé lui-même de « con » comme préfixe signifiant « avec », le mot conscient est aussi formé d'un suffixe « scientia » qui veut dire « savoir ».

Dans une approche générale, l'inconscient est éventuellement compris comme étant un ensemble de représentations repoussées par le moi, parce qu'elles sont antinomiques aux valeurs morales. Le terme d'inconscient sous la lueur de la pensée freudienne indique les processus psychiques spécifiques, qualitativement différents des processus conscients. Cela revient à dire qu'il n'y a pas prolongement, mais plutôt une cassure fondamentale avec la conscience. Cependant, la découverte de l'inconscient conduit à une sérieuse restructuration de l'idée du sujet. Dorénavant, il serait impossible d'identifier le sujet à la conscience semblablement fait dans les habitudes philosophiques depuis Descartes. La psyché de l'homme ne peut davantage se réduire, ainsi le pensait Descartes, à une conscience de soi absolument claire à elle-même. Le sujet est à partir de là composé à la fois d'une conscience et d'un inconscient, tout en soulignant bien que l'inconscient contient beaucoup plus de représentations que la conscience. C'est d'ailleurs ce que souligne Freud lui-même en ces termes :

« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme [...] parce que ta conscience te l'apprendrait alors. Et quand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas. Tu vas même jusqu'à tenir `'psychique'' pour identique à `'conscient'', c'est-à-dire connu de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse se passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à ta conscience. [...] les processus psychiques sont eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maitre dans sa propre maison.15(*) »

Il est évident qu'avec Freud, on ne peut plus faire de la conscience le fondement de la certitude comme le faisait Descartes. Avec Freud, la conscience (moi) ne connaît nullement la majorité du temps ce qui se passe dans son psychisme (maison). Il faut en conséquence penser que le médecin et psychiatre s'oppose à l'idée d'une unité du sujet. Le sujet est à l'avenir précisément divisé entre sa conscience et son inconscient. Le sujet de ce fait n'est plus libre et maitre de lui-même. Il est beaucoup plus définit par ses pulsions que par sa conscience désormais. A partir de Freud, la notion du sujet n'apparait plus que comme une erreur ou un égarement. Cette originale manière de concevoir le sujet lui provoquera suffisamment de critiques, malgré cela, le fondateur de la psychanalyse reste confiant, étant donné que son hypothèse de l'inconscient garde un gain de sens, aussi bien qu'il affirme :

« On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychisme inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient. Elle est nécessaire parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l'homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience.16(*) »

Au regard de tout ce qui vient d'être analysé, le conscient revoie a ce que chacun de nous voit clairement dans sa conscience. Néanmoins, suivant Freud, cette conscience paraît ne pas détenir entièrement le pouvoir sous son toit, c'est ainsi qu'il prône l'hypothèse d'un inconscient qui jouirait d'une supériorité sur la conscience. Selon Freud, l'inconscient est cette couche dissimulée du psychisme où le clair regard de la conscience ne peut pénétrer, il s'agit en clair de la profondeur de ce qui n'est pas conscient.

PARTIE II

LE CONCEPT DE CONSCIENCE SELON LES DIFFERENTS COURANTS DE PENSEES PHILOSOPHIQUES

I-Approche empiriste du concept de conscience

L'abandon des grands systèmes comme ceux édités par Malebranche, Leibniz ou Spinoza, au siècle précédent, marque le début du XVIIIe siècle. Ces grandes métaphysiques traditionnelles, sous l'inspiration de Descartes se sont développées suivant les perspectives du rationalisme. Suivant le rationalisme, toute connaissance certaine découle de la raison. Cependant, sous la double influence de Locke et de Hume, émerge un courant de pensée s'opposant au rationalisme : l'empirisme. Cette nouvelle doctrine de la connaissance prend son point de départ dans les critiques adressées par Locke à la doctrine cartésienne des idées innées. En clair, l'empirisme part de l'hypothèse que toute connaissance tire son origine des sens. Cette hypothèse est très ancienne, puisqu'on la trouve déjà, formulée de manière différente dans la philosophie ancienne, en particulier chez Aristote à travers la maxime rien n'est dans l'esprit qui ne fût d'abord dans les sens. Toutefois, dans notre travail, nous allons précisément voir comme ces empiristes formulent l'idée qu'ils ont de la conscience. En clair, qu'est ce que la conscience selon les empiristes ?

1-Approche lockéenne du concept de conscience

La conception lockéenne de la conscience, traduit non seulement l'appartenance de Locke à la doctrine empiriste de la connaissance, mais aussi son désaveu à l'égard de la métaphysique cartésienne. Suivant Locke, la pensée cartésienne se révèle problématique, puisqu'elle opère une réduction de la pensée à la conscience, ce qui conséquemment fait de la conscience une entité immatérielle : une substance. La philosophie empiriste de Locke a ceci d'originale qu'elle remet en cause cette manière de saisir la conscience. Selon Locke, il faut disjoindre la conscience et la substance. La procédure lockéenne consiste donc à dé-substantialiser la conscience. Ainsi, il écrit :

« Après ces préliminaires [...], il nous faut considérer ce que représente la personne ; c'est, je pense, un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même, une même chose pensante en différents temps et lieux. Ce qui provient uniquement de cette conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu'il me semble : car il est impossible à quelqu'un de percevoir sans percevoir aussi qu'il perçoit. Quand nous votons, entendons, sentons par l'odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons. Il en va toujours ainsi de nos sensations et de nos perceptions présentes : ce par quoi chacun est pour lui-même précisément ce qu'il appelle soi, laissant pour l'instant de coté la question de savoir si le même soi continue d'exister dans la même substance ou dans plusieurs. Car la conscience accompagne toujours la pensée, elle est ce qui fait que chacun est ce qu'il appelle soi et qu'il se distingue de toutes les autres choses pensantes. [...] aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passées, aussi loin s'étant l'identité personnelle.17(*) »

A partir de ce texte, nous saisissons principalement que la définition de la conscience chez Locke résulte de celle de la personne (sujet). En d'autres mots, c'est la conscience qui fait le sujet chez Locke. Le sujet ne peut être sujet que s'il se perçoit ainsi. Toutefois, il ne peut se percevoir comme tel, que par le biais d'une perception intérieure personnelle, qui lui permet de s'appréhender lui-même : cette perception est la conscience. Parce que le sujet est `'un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion'', de ce fait, la conscience en conséquence a un rapport étroit avec la pensée. C'est donc à juste titre que Locke écrit `'ce qui provient uniquement de cette conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu'il me semble.'' Quand Descartes assimile la conscience à la pensée, Locke en revanche, les distingue. Il les différencie certes, mais ne les sépare pas, car ils sont inséparables. Suivant Locke, la conscience est la perception intérieure par laquelle qui que ce soit se perçoit comme soi, étant donné qu'il est utopique pour le sujet de `'percevoir sans percevoir aussi qu'il perçoit.'' Avec Locke, le concept de conscience n'a plus le même statut que celui qu'il avait avec Descartes. Loin d'être une substance, la conscience désigne dorénavant la perception que le sujet a de lui-même, et qui lui permet de se concevoir comme tel. Cependant, lorsqu'on aborde les dernières lignes du texte, on se rend bien compte que la conscience n'est pas exclusivement la sensation intérieure qui accompagne chaque perception, elle est aussi une mémoire, puisque Locke dit aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés, aussi loin s'étant l'identité personnelle. Somme toute, la conscience n'est plus une substance avec Locke, parce que n'étant plus assimilée à la pensée, elle indique à l'avenir cette perception intérieure par laquelle le sujet se perçoit comme un soi. En termes clairs, la conscience chez Locke est la perception de ce qui se passe dans l'esprit propre d'un homme.

2-Perspective humienne de la conscience

Il est essentiel, pour la suite de notre analyse, de savoir au préalable que la conscience s'entend sous plusieurs déclinaisons lexicales ; l'Entendement, l'Ego, le Je, le Sujet, l'Esprit ou encore le Moi. C'est d'ailleurs les deux dernières déclinaisons qui vont nous intéresser, puisque Hume appréhende la conscience sous ces appellations.

« Pour ma part, quand j'entre le plus intimement dans ce que j'appelle moi-même, je bute toujours sur quelque perception particulière [...] Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception. Quand mes perceptions sont supprimées pour un temps, comme par un sommeil profond, aussi longtemps que je suis sans conscience de moi-même, on peut vraiment dire que je n'existe pas. Et si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort [...], je serais entièrement annihilé, et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité. [...] Je peux m'aventurer à affirmer du reste des hommes qu'ils ne sont rien qu'un ensemble, une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. [...]. L'esprit est une sorte de théâtre où différentes perceptions font successivement leur apparition, passent, repassent, glissent et se mêlent en une infinie variété de positions et de situations. Il n'y a en lui proprement ni simplicité en un moment, ni identité en différents moments, [...] Ce sont seulement les perceptions successives qui constituent l'esprit18(*) »

Dans cet extrait de texte, Hume emploie les termes tels que moi-même, ou encore esprit pour designer la notion de conscience. Toutefois, qu'est ce que l'Esprit ou le Moi suivant Hume ? Suivant le philosophe anglais, lorsqu'on tente de percevoir le Moi, lorsqu'on essaie d'en avoir conscience, on est préalablement en présence de nombreuses perceptions. On ne se perçoit jamais comme un sujet seul, détaché du monde, on se perçoit toujours comme un sujet dans le monde, c'est-à-dire comme un sujet qui a des impressions et des idées. On ne peut donc pas percevoir le Moi sans avoir au même moment des idées ou des `'impressions successives'' qui portent sur autre chose que le Moi. D'ailleurs, dès qu'on cesse d'avoir des perceptions, comme lorsqu'on dort, on perd la conscience du Moi. Les `'perceptions successives'' d'un homme changent constamment, elles se succèdent les unes aux autres à tout instant. Il n'existe pas d'impression ou d'idée qui soit éternelle, immuable, invariable, qui ne soit jamais remplacée par une autre. Selon le moment, le Moi est perçu à travers l'une ou l'autre impression, l'une ou l'autre idée, et il n'est pas lié, ce faisant, à une seule d'entre elles. Il n'y a donc pas d'idée ou d'impression fixe du Moi. Davantage le Moi, par conséquent, n'est pas seulement quelque chose de changeant ; c'est également quelque chose qui peut être fragmenté. Le Moi ou l'Esprit peut, fondamentalement, être considéré comme un amas de perceptions distinguables liées les unes aux autres. En d'autres termes, le Moi n'est qu'un faisceau de perceptions, étant donné que, suivant Hume, `'ce sont seulement les perceptions successives qui constituent l'esprit''.

II-Approche existentialiste du concept de conscience

1-Sartre : la conscience comme Être-pour-soi

Suivant son ouvrage, l'Être et le Néant, Sartre procède à une interrogation phénoménologique de l'être, examen qui abouti à la distinction d'un couple de modalités de l'être :

«''L'être de la conscience, écrivons-nous dans l'Introduction, est un être pour lequel il est dans son être, question de son être'' .Cela signifie que l'être de la conscience ne coïncide pas avec lui-même dans une adéquation plénière. Cette adéquation, qui est celle de l'en-soi, s'exprime par cette simple formule : l'être est ce qu'il est. Il n'est pas, dans l'en-soi, une parcelle d'être qui ne soit à elle-même sans distance. Il n'y a pas dans l'être ainsi conçu la plus petite ébauche de dualité. [...] La caractéristique de la conscience, au contraire, c'est qu'elle est une décompression d'être. Il est impossible en effet de la définir comme coïncidence avec soi [...] La loi d'être du pour-soi, comme fondement ontologique, c'est d'être lui-même sous la forme de présence à soi. [...] En effet toute `' présence à `' implique la dualité, donc séparation au moins virtuelle. La présence de l'être à soi implique un décollement de l'être par rapport à soi. [...] la présence à soi suppose qu'une fissure impalpable s'est glissée dans l'être. S'il est présent à soi, c'est qu'il n'est pas tout à fait soit. La présence est une dégradation immédiate de la coïncidence, car elle suppose la séparation. [...] Le pour-soi est l'être qui se détermine lui-même à exister en tant qu'il ne peut pas coïncider avec lui-même. [...] L'être de la conscience, en tant que conscience, c'est d'exister à distance de soi comme présence à soi 19(*)»

En clair, Sartre spécifie dans ce texte deux modes d'être, à savoir : l'être-en-soi et l'être-pour-soi. L'être-en-soi, caractéristique de l'opacité des choses, incapable de distance avec soi-même, désigne l'être du phénomène. A l'inverse, l'être-pour-soi, capable de se rapporter à lui-même, renvoie à l'être de la conscience. La première approche, celle de l'être du phénomène nous enseigne que l'être est en-soi. Autrement dit, il n'a aucun rapport avec soi, ni avec ce qui l'entoure, il est simplement ce qu'il est et il ne peut être rien d'autre que soi. La particularité fondamentale de l'en-soi, c'est donc sa positivité : l'en-soi est tout ce qu'il est, il ne peut même pas devenir autre chose que soi. L'être-en-soi est donc totalement contingent : il ne se fonde sur rien et ne se déduit de rien, mais il est. L'en-soi se donne clairement et totalement dans sa phénoménalité.

A contrario, le pour-soi est le mode d'être de la conscience. Alors que l'en-soi s'explique par le fait d'être ce qu'il est, la particularité foncière de la conscience est au contraire d'être ce qu'elle n'est pas ou de n'être pas ce qu'elle est. Ce qui définit en effet ontologiquement la conscience chez Sartre, c'est le rapport à soi : « l'être de la conscience [...] est un être pour lequel il est, dans son être, question de son être.» La conscience chez Sartre est de ce fait relation à soi ou encore conscience de soi, c'est ce que veut dire être-pour-soi. Nonobstant, ce rapport de la conscience à soi suppose que celle-ci soit capable de prendre une certaine distance avec soi. Elle n'est donc soi qu'à condition de pouvoir se distinguer de soi, de n'être pas soi. En conséquence, ce qui définissait l'en-soi étant la coïncidence avec soi, ce qui définit le pour-soi, c'est la disjonction d'avec soi. Cette séparation désigne l'apparition du néant au sein même de l'être. Le pour-soi est ainsi un trou d'être au milieu de l'en-soi. Cette définition de la conscience comme pour pour-soi permet donc à Sartre de mener une véritable approche ontologique de la conscience, irréductible à une simple approche psychologique.

2-Merleau-Ponty : la conscience comme Être-au-monde

Afin de mettre en lumière sa définition de la conscience, Merleau-Ponty distingue d'abord deux types de conscience : la conscience naïve et la conscience transcendantale.

Suivant Merleau-Ponty, la conscience naïve est réaliste, et son réalisme est empirique. La conscience naïve c'est la conscience perceptive (la perception comprise comme étant le contacte naïf avec le monde). La conscience naïve est particulièrement une conscience du monde : « la conscience du monde n'est pas fondée sur la conscience de soi, mais elles sont rigoureusement contemporaines : il y a pour moi un monde parce que je ne m'ignore pas ; je suis non dissimulé à moi-même parce que j'ai un monde20(*) ». Avec Merleau-Ponty, la conscience naïve est spontanée, immédiate, c'est la conscience perceptive ou conscience du monde. La conscience naïve expose notre accès au monde, parce que nous sommes condamnés à nous ouvrir au monde au même titre que Sartre parle de l'homme condamné à être libre. Cette ouverture au monde se réalise à travers la perception, d'où l'idée d'une conscience perceptive. Avec la conscience naïve, le sujet percevant vit dans un univers de sensations et de perceptions. Le sujet percevant est dans une relation directe avec le monde, parce qu'il n'y pas d'intermédiaire entre le sujet percevant et le monde perçu. La conscience naïve est de ce fait conscience du monde vécu. Cette conscience du monde vécu est au préalable une conscience empirique de mon corps, étant donné qu'on ne peut percevoir que grâce à notre corps. Quand avec Husserl, toute conscience est conscience de quelque chose, avec la conscience naïve de Merleau-Ponty, on dira plutôt que toute conscience est conscience perceptive.

Toutefois, suivant Merleau-Ponty, la conscience transcendantale est plutôt la source radicale de significations d'intelligibilité : « la conscience transcendantale est le foyer où tous les objets dont l'homme puisse parler et tous les actes mentaux qui les visent empruntent une clarté indubitable21(*) ». Selon Merleau-Ponty, la conscience transcendantale est ce sans quoi les mots tel que réflexion ou penser n'auraient aucun sens. La conscience transcendantale est donc le point de départ de toute réflexion philosophique : « l'idée d'une philosophie transcendantale, c'est-à-dire, celle d'une conscience constituant l'univers devant elle et saisissant les objets même dans l'expérience externe indubitable, nous parait une acquisition définitive comme première phase de la réflexion22(*)Seulement, pour le philosophe français, avec la conscience transcendantale, le sujet transcendant reste finalement relié au monde, inséparable de celui-ci, même si cette fois-ci ce rapport au monde reste transcendant : « Le monde est inséparable du sujet, mais d'un sujet qui n'est rien que projet du monde, et le sujet est inséparable du monde, mais d'un monde qu'il projette lui-même. Le sujet est être-au-monde et le monde reste `'subjectif'' puisque sa texture et ses articulations sont dessinées par le mouvement de transcendance du sujet23(*)

Ceci nous conduit donc à une certaine synthèse entre la conscience naïve et la conscience transcendantale.

La conscience naïve et celle transcendantale expriment donc la même composition, mais à des degrés divers de perception. L'un n'exclut pas l'autre, il y a plutôt un entrelacement entre les deux. La conscience transcendantale suppose inlassablement l'existence de la conscience naïve. Le sujet se situant dans l'attitude transcendantale, n'oublie jamais qu'il est un sujet ayant un corps qui se situe dans le monde : « La réflexion ne peut jamais faire que je cesse de percevoir le soleil à deux cents pas un jour de brune, de voir le soleil `'se lever'' et `'se coucher'', de penser avec les instruments culturels que m'ont préparés mon éducation, mes efforts précédents, mon histoire. Je ne rejoins donc jamais effectivement, je n'éveille jamais dans le même temps toutes les pensées originaires qui contribuent à ma perception ou à ma conviction présente.24(*)»

Résultat, quelle soit naïve ou transcendantale, la conscience chez Merleau-Ponty reste éternellement inséparable du monde, et le monde indissociable de cette dernière, c'est en conséquence une conscience comme Être-au-monde.

III-Approche métaphysique du concept de conscience

1-Kant : la conscience comme unification des représentations

« En résumé, l'affaire des sens, c'est l'intuition ; celle de l'entendement, c'est de penser. Or penser, c'est unifier des représentations en une conscience. [...]. L'unification des représentations en une conscience, c'est le jugement. Donc penser équivaut à juger ou à rapporter des représentations à des jugements en général. [...]Les moments logiques de tous les jugements sont autant de manières possibles d'unifier les représentations en une conscience. Mais si ces mêmes moments servent de concepts, ce sont des concepts de l'unification nécessaire de ces représentations en une conscience, par conséquent les principes de jugements valables objectivement. Cette unification en une conscience est ou bien analytique, par l'identité, ou bien synthétique par la composition ou l'addition de représentations distinctes les unes avec les autres. L'expérience consiste dans la connexion synthétique des phénomènes (perceptions) en une conscience, en tant que cette connexion est nécessaire.25(*)»

Suivant Kant dans ce texte, l'identité de la conscience n'advient que par l'unification de toutes les représentations que nous avons du monde. C'est-à-dire que la conscience est le rassemblement de toutes nos représentations. L'association de toutes nos représentations est la conscience, et elle ne se tient nulle part ailleurs que dans l'acte d'intégration de nos représentations. Le travail d'unification des représentations est en quelque sorte le processus de formation de l'être de la conscience. Sans cette fusion des représentations, il n'y a pas de conscience. Mieux, sans la conscience, il n'y a pas de faculté de `'penser'' chez le sujet, car penser, c'est unifier des représentations en une conscience nous dit Kant. Suivant le philosophe allemand, la faculté de penser ne peut s'obtenir que par l'assimilation de nos représentations en une conscience. De ce fait, la conscience chez Kant peut être assimilée à l'entendement, puisque le rôle de l'entendement, c'est de penser.

Toutefois, seule l'activité unifiante des représentations que nous avons du monde est la condition de possibilité de la conscience chez Kant.

Seulement, cette conscience, synonyme d'entendement ou faculté de penser, Kant la nomme le « Je » dans Anthropologie du point de vue pragmatique et pense que ce « Je » est ce qui place l'homme au-dessus des autres créatures : « Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au dessus de tous les autres êtres vivants sur terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire, un être entièrement différent [...]. Car cette faculté (de penser) est l'entendement.26(*)» Le pouvoir dont parle Kant indique en effet la disposition qu'à l'homme de penser, en conséquence d'être conscient. Le « je » renvoie de ce fait à cette capacité de penser qui est l'entendement. Cette capacité de penser est synonyme de la conscience comme unification des représentations que nous avons du monde. En clair, c'est donc la conscience qui installe l'être humain considérablement au-dessus de toutes les autres créatures vivantes sur la planète terre.

S'agissant de la conception métaphysique du concept de conscience, nous allons essentiellement nous focaliser sur la lecture cartésienne de la conscience. De ce fait, nous allons principalement rechercher cette conception de la conscience chez Descartes dans l'un de ses ouvrages les plus célèbres, à savoir : Discours de la méthode. Dans celui-ci il écrit :

« Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.(...) Je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaitre que lui, et qu'encore qu'il ne fut point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est. »

Descartes exprime ici sa conception de la conscience à travers son célèbre « je pense, donc je suis ». Cette formule sous entend que l'homme reste un sujet conscient, et que c'est à travers sa conscience qu'il saisi intuitivement son existence. Saisie intuitive en ce sens qu'elle est immédiate, sans intermédiaire. La conscience chez Descartes renvoie donc à son cogito. Mais, en quoi cette dernière est-elle métaphysique ?

Descartes à la suite de la saisie intuitive, immédiate de son existence via son cogito, va finalement montrer que ce cogito est une substance, et c'est à ce instant qu'il met en lumière le coté métaphysique de sa conception de la conscience. La conscience est donc métaphysique chez Descartes en ce sens qu'elle est substantielle, c'est-à-dire que la conscience est une chose qui existe de telle manière qu'elle n'a besoin que d'elle-même pour exister. En clair, c'est la substantialisation de la conscience qui fait de cette dernière soit une conscience métaphysique chez Descartes.

PARTIE III

APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE DU CONCEPT DE CONSCIENCE

I-Qu'est ce que la phénoménologie ?

La phénoménologie vient étymologiquement du grec « phainomenon » désignant « se qui apparait » et de « logos », c'est-à-dire « étude ». En clair, elle signifie l'étude des phénomènes.

1-Phénoménologie comme science

Edmund Husserl (1859-1938), philosophe allemand, considéré comme le père fondateur de la phénoménologie, a consacré toute sa vie à fonder une nouvelle philosophie, ou plutôt de fonder la philosophie comme science, et c'est cette philosophie qu'il appellera en fin de compte « phénoménologie ». En clair, la phénoménologie est donc une science en ce sens que l'ambition de Husserl était de constituer une philosophie qui soit une science, précisément en la fondant sur des principes absolument indubitables. C'est à juste titre que Husserl le pense, puisque la philosophie à toujours depuis ses origines prétendu être une science. Mais, malheureusement elle n'a jamais pu satisfaire cette prétention. La preuve en est, aujourd'hui cette dernière s'est éparpillée en plusieurs points de vue distincts les uns des autres. Or, l'idéal de la science, c'est la possession de vérités absolues. En clair, la science veut des vérités valables une fois pour toutes et pour tous. En d'autres termes, la science exige des vérités absolument indubitables, c'est-à-dire, des vérités qui excluent tout doute concevable. Mais, si la phénoménologie se veut être une science, et atteindre les vérités indubitables, elle doit donc respecter les exigences de la scientificité d'une science classique. En termes clairs, elle doit avoir une problématique, un objet d'étude et la méthode à travers laquelle on doit étudier cet objet.

Concernant la problématique, la phénoménologie tente de répondre à ces différentes questions, à savoir : comment se fait-il que nous puissions, en général, être certains ? Comment la vérité nous est-elle donnée ? Quelle relation il y a-t-il entre la conscience et le monde ?

La phénoménologie a pour objet le phénomène. C'est d'ailleurs en ce sens qu'on voulant fonder la philosophie comme science, Husserl choisit, pour designer sa philosophie, le terme de phénoménologie. C'est donc à juste titre que Husserl écrit dès les premières lignes d'Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologiques pures :

« La phénoménologie pure à laquelle nous voulons ici préparer l'accès, en caractérisant sa situation exceptionnelle par rapport aux autres sciences, et dont nous voulons établir qu'elle est la science essentiellement nouvelle ; (...) elle se nomme une science des phénomènes27(*) »

En clair, le phénoménologue ne devrait pas viser les choses dans le monde, mais plutôt la manière dont ces choses là se donnent elles-mêmes à nous, c'est-à-dire les choses en tant phénomènes. Mais, il ne faut pas comprendre les phénomènes ici au sens de ce qui apparait comme chez Kant, les phénomènes chez Husserl désignent plutôt l'apparait lui-même. Les phénomènes sont de véritables corrélats de la conscience, c'est-à-dire les données de la conscience, données à travers lesquelles la conscience donne sens aux choses et au monde. En clair, la phénoménologie vise l'analyse immédiate, intuitive et sans intermédiaire du phénomène en tant que vécu dans l'expérience.

Mais, si les phénomènes sont les données de la conscience, cela revient à dire que le phénoménologue pour avoir accès aux phénomènes doit nécessairement faire un retour à la conscience, du moins, à l'essence de la conscience. C'est à la conscience seule que les phénomènes sont donnés, et elle à son tour leur donner un sens. De ce fait, il ne peut pas y avoir saisi des phénomènes en dehors de la conscience car seule la conscience est porteuse et donatrice de sens. A bien comprendre, la phénoménologie tient exclusivement à l'expérience immédiate de la conscience, à analyser l'acte de conscience où le phénomène nous est donné. De ce fait, le « retour aux choses mêmes » dont Husserl en fait le chemin du phénoménologue ne pourrait être compris que comme le retour à l'essence de la conscience afin de comprendre comment un phénomène peut nous être accessible en tant qu'apparait. En termes clairs, la phénoménologie est la science de la conscience en ce sens qu'elle s'intéresse à la conscience afin de saisir l'apparait des phénomènes. C'est donc à juste titre que Husserl écrit ceci : «(...) la phénoménologie s'occupe de `'la conscience'', en y comprenant tous les modes de vécu, les actes et les corrélats de ces actes -phénomènes-(...)28(*) ». Mais la phénoménologie ne s'occupe pas de la conscience en tant que fait, mais plutôt du point de vue de son essence, c'est d'ailleurs en ce sens qu'elle est une science eidétique, c'est-à-dire une science des essences. C'est en ce sens que Husserl écrit : « Au contraire, la phénoménologie pure ou transcendantale ne sera pas érigée en science portant sur des faits, mais portant sur des essences ; une telle science vise à établir uniquement des `'connaissances d'essence'' et nullement de `'fait''29(*) ». Ce n'est d'ailleurs pas Merleau-Ponty qui nous dira le contraire, puisqu'il écrit dans l'avant propos de phénoménologie de la perception : « La phénoménologie, c'est l'étude des essences, et tous les problèmes, selon elle, reviennent à définir des essences : l'essence de la perception, l'essence de la conscience, par exemple 30(*)»

Après avoir disserté sur la problématique et l'objet de la conscience, finalement, qu'en est-il de sa méthode ? C'est cette interrogation qui va nous conduire à notre deuxième sous titre intitulé la réduction phénoménologique.

2- La réduction phénoménologique

Nous avons vu que la tache principale de Husserl était celle de fonder la philosophie comme science. Un pré requis nécessaire à l'amorce de ce projet était la suspension de notre croyance naïve et dogmatique en l'existence du monde. La réduction phénoménologique est donc cette méthode husserlienne, qui se veut être un procédé intellectuel consistant à mettre entre parenthèses, à mettre hors jeu, à suspendre certains jugements et certaines connaissances. De manière précise, la réduction phénoménologique consiste donc à suspendre la croyance au monde réel afin de mettre l'esprit en présence de purs phénomènes. Comme se veut toute science, la phénoménologie à travers sa réduction a pour but principal d'aboutir à une vérité absolument indubitable, vérité valable une fois pour toutes et pour tous. A cet effet, la réduction phénoménologique de Husserl est clairement toute proche du doute méthodique de Descartes, car elle suspend toute connaissance en quoi on pourrait imaginer le moindre doute. Mais elle s'en distingue cependant en ce qu'elle ne fait pas disparaitre de la conscience ce qu'elle met entre parenthèses. C'est donc à juste titre que Husserl s'évertua d'expliquer clairement cela dans Idées directrices pour une phénoménologie en ces termes :

« C'est plutôt quelque chose d'absolument original. Nous n'abandonnons pas la thèse que nous avons opérée ; nous ne changeons rien à notre conviction qui en soi-même demeure ce qu'elle est, tant que nous ne faisons pas intervenir de nouveaux motifs de jugement : ce que précisément nous ne faisons pas. (...) nous la mettons pour ainsi dire « hors jeu », « hors circuit », « entre parenthèses ». Elle est encore là, comme est encore là dans la parenthèse ce que nous y enfermons, et comme est là, hors des connexions du circuit, ce que nous en excluons.31(*) »

De plus, retenons que la réduction phénoménologique s'applique principalement au monde, l'existence du monde ne jouit pas d'une certaine évidence selon Husserl, car on peut concevoir qu'il n'existe pas, et que l'ensemble des expériences sensibles qui nous le donnent pourrait n'être qu'un rêve cohérent. Mais en même temps, cette mise entre parenthèses du monde se signifie pas que le phénoménologue nie l'existence de ce dernier. C'est d'ailleurs ce que Husserl exprime clairement en ces mots :

« Ce que nous mettons hors de jeu, c'est la thèse générale qui tient à l'essence de l'attitude naturelle ; nous mettons entre parenthèses absolument tout ce qu'elle embrasse dans l'ordre ontique : par conséquent tout ce monde naturel qui est constamment « là pour nous », « présent », et ne cesse de rester là à titre de « réalité » pour la conscience, lors même qu'il nous plait de le mettre entre parenthèses. Quand je procède ainsi, comme il est pleinement au pouvoir de ma liberté, je ne nie donc pas ce « monde », comme si j'étais sophiste ; mais j'opère la réduction phénoménologique qui m'interdit absolument tout jugement portant sur l'existence spatio-temporelle.32(*) »

La réduction phénoménologique est donc une sorte de conversion intellectuelle, le phénoménologue passant de l'attitude naturelle, mondaine, naïve, ou dogmatique, à l'attitude phénoménologique. Dans la première, il croit à l'existence réelle du monde. Dans la seconde, il suspend sa croyance et considère toutes choses strictement comme des phénomènes. C'est donc finalement qu'à travers la réduction phénoménologique que la philosophie se trouve finalement fondée comme science rigoureuse. Elle n'est pas une science exacte au sens des mathématiques, car les phénomènes ne sont pas mesurables. Mais elle reste science rigoureuse en ce sens que qu'avec le phénomène elle tient l'absolu. En effet, ce que Husserl entend par absolu, ce n'est pas un être qui existe par soi sans dépendre d'aucune cause au sens de la substance chez Descartes, mais seulement l'être connu d'une manière immédiate et indubitable, l'être absolument donné.

 Que peut-il donc bien subsister quand on met hors circuit le monde entier, y compris nous-mêmes ?

La réduction phénoménologique permet donc d'atteindre l'absolu, et le seul absolu qu'elle permet d'atteindre, c'est la conscience phénoménologique elle-même. Car, avec la réduction, nous découvrons en somme ceci : nous pouvons, certes, mettre entre parenthèses la thèse de la réalité du monde, mais il ne nous est jamais possible de mettre entre parenthèses la réalité de la conscience intentionnelle. Ainsi donc, ce qui apparait dans l'intuition reste toujours contingent, alors que la conscience intentionnelle est absolue. Cette conscience n'a jamais été constituée, au contraire : c'est elle qui se constitue les phénomènes en leur donnant un sens. Ce n'est pas Husserl lui-même qui nous dira le contraire puisqu'il affirme : « Nous venons de mettre la nature hors circuit : ce procédé de méthode nous a permis de manière générale de tourner le regard vers la conscience transcendentalement pure33(*) ». La phénoménologie a donc pour domaine la conscience phénoménologique, la conscience pure, la conscience transcendentalement pure ou encore la conscience intentionnelle. Ce qui nous conduit à notre deuxième chapitre intitulé la conscience phénoménologique.

II-La conscience phénoménologique

1-L'influence cartésienne

Selon ce qu'écrit Husserl, la phénoménologie ne pourrait comprendre sa situation philosophique actuelle, son présent, sans passer par un examen historique, à tout le moins de la philosophie moderne depuis Descartes. Voilà pourquoi dès l'introduction de Méditations cartésiennes, Husserl écrit ceci :

« Les impulsions nouvelles que la phénoménologie à reçues, elle les doit à René Descartes, le plus grand penseur de la France. C'est par l'étude de ses Méditations que la phénoménologie naissante s'est transformée en un type nouveau de philosophie transcendantale. Descartes inaugure un type nouveau de philosophie. Avec lui la philosophie change totalement d'allure et passe radicalement de l'objectivisme naïf au subjectivisme transcendantal.34(*) »

Ceci nous amène donc à une étude brève de la conscience chez Descartes afin de mieux saisir la conscience phénoménologique. De ce fait, Descartes écrit ceci dans Discours de la méthode :

«  Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la revoir sans scrupule pour premier principe de la philosophie que je cherchais. (...) je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été ; je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle35(*). »

En clair, pour Descartes, la conscience est métaphysique, donc substantielle. Substantielle en ce sens que la conscience pour Descartes est une chose qui existe de telle manière qu'elle n'a besoin que de soi-même pour exister. En d'autres mots, cette conscience est renfermée est indépendante et renfermée sur elle-même. C'est cette conception de la conscience que Husserl va porter des limites en usant du concept d'intentionnalité.

2-L'intentionnalité de la conscience

L'intentionnalité est cette propriété commune à tous les états de conscience de toujours se rapporter à un objet. Voici ce qu'écrit Husserl à propos dans Méditations Cartésiennes : «Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité foncière et générale qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose (...)36(*) ». La conscience est conscience de quelque chose. Cela signifie que la conscience est ouverte sur autre chose qu'elle-même et devient elle-même en se pénétrant de cet autre. Simultanément, cette chose qui est visée (perçue) par la conscience n'acquiert une existence que sous le regard de celle-ci. L'intentionnalité est donc cet échange interactif continuel de la conscience et du monde, par quoi ce dernier prend sens pour la conscience, et la conscience pour le monde. Husserl poursuit dans Idées Directrices pour une Phénoménologie en disant ceci :

« Nous entendions par intentionnalité cette propriété qu'ont les vécus `' d'être conscience de quelque chose `'. (...) une perception est perception de..., par exemple d'une chose ; un jugement est jugement d'un état de chose ; une évaluation, d'un état de valeur ; un souhait porte sur un état de souhait, ainsi de suite. Agir porte sur l'action, faire sur le fait, aimer sur l'aimé, se réjouir sur ce qui est réjouissant, etc.37(*) »

La conscience phénoménologique est donc une conscience intentionnelle, une conscience qui est essentiellement rapport à un objet. C'est la un des principes de la phénoménologie : « toute conscience est conscience de quelque chose ». A bien comprendre Husserl, l'essence de la conscience phénoménologique serait fondamentalement de viser un objet. De ce fait, l'intentionnalité définit donc la conscience phénoménologique, en ce sens que celle-ci n'est pas connaissable en elle-même, mais seulement par rapport à ses objets. A bien voir, la conscience phénoménologique est à l'opposé de la conscience conçue par Descartes. D'une part, on a une conscience fondamentalement renfermée sur elle-même, indépendante puisqu'étant une substance, et d'autre part nous avons une conscience portée vers l'extérieur et dépendante des choses et du monde en ce sens qu'elle est essentiellement intentionnelle. La conscience phénoménologique refuse donc d'être substance et s'ouvre aux choses et au monde dont elle dépend d'ailleurs. Ce n'est pas Jean-Paul Sartre qui nous dira le contraire, puisqu'il affirme :

« Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire dans un grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ;si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous serez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors, près de l'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de « dedans », elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience.(...)Cette nécessité pour la conscience d'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme « intentionnalité38(*) ».

En clair, la conscience phénoménologique « refuse d'être substance », ce n'est pas une conscience qui n'a besoin que d'elle-même pour exister, au contraire, elle est intentionnelle et est dépendante des choses et du monde. En d'autres termes, si on supprimait les objets et le monde, ce serait faire évanouir la conscience phénoménologique, en ce sens que celle-ci finalement n'est essentiellement que rapport au monde et aux objets.

III-La conscience phénoménologique comme intersubjectivité

« Ce qui est vrai de moi vaut aussi, je le sais bien, pour tous les autres hommes que je trouve présents dans mon environnement. Par l'expérience que j'ai d'eux en tant qu'homme, je les comprends et je les accueille comme des sujets personnels au même titre que moi-même, et rapportés à leur environnement naturel. En ce sens toutefois que je conçois leur environnement et le mien comme formant objectivement un seul et même monde qui accède seulement de façon différente à toutes nos consciences. (...)En dépit de tout cela nous arrivons à nous comprendre avec nos voisins et posons en commun une réalité objective d'ordre spatio-temporel qui forme ainsi pour nous tous l'environnement des existants, bien qu'en même temps nous en faisons nous-mêmes partie.39(*) »

Parler d'intersubjectivité revient donc à signifier que l'expérience humaine n'est pas celle d'un être isolé, coupé du monde et des autres, mais plutôt celle d'un être en rapport avec d'autres. C'est la méconnaissance de ce fait qui selon Husserl fut la plus grande erreur de Descartes. En faisant du sujet pensant le point de départ de toute expérience, Descartes ne pouvait qu'être certain de sa propre existence. Or, affirme Husserl, ce qui est le principe de toute expérience possible, ce n'est pas le sujet solitaire, c'est plutôt la communication des consciences. Chaque conscience reconnait l'existence d'autres consciences de manière immédiate dans un sentiment originaire de coexistence. De ce fait, autrui est toujours et déjà présent à ma conscience. Il faut renoncer à l'idée que la subjectivité est une donnée originaire. Au contraire, le sujet se constitue et constitue son monde dans et par sa relation d'avec les autres.

PARTIE IV

CAS PRATIQUE :

APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE DU CONCEPT DE CONSCIENCE EN CLASSE DE TERMINALE COMME PISTE DE SOLUTION AUX PROBLEMES DE XENOPHOBIE ET DU TRIBALISME AU GABON VIA LA NOTION D'INTERSUBJECTIVITE

I-De la xénophobie au Gabon

1-Qu'est-ce que la xénophobie ?

Le mot xénophobie vient étymologiquement du grec « xénos » qui signifie « étranger » et de « phobos » qui veut dire « rejet, peur ou effroi ». De ce fait, au sens littéral, la xénophobie est une hostilité manifestée à l'égard des étrangers ou de ce qui est étranger, c'est en quelque sorte la peur parfois irraisonnée, ou même maladive de ce qui est étranger. En clair, la xénophobie désigne l'ensemble des sentiments systématiques de crainte, d'hostilité, voire de haine envers les étrangers. La xénophobie peut se manifestée envers ceux qui ne partagent pas la même nationalité, ethnie, race, culture ou religion que soi. Pour le xénophobe, l'étranger est perçu comme une menace pour l'équilibre de la vie de soi, donc comme un ennemi, ce qui entraine des réactions de peur ou d'hostilité voire les deux en même temps. Dans les formes les plus extrêmes, la xénophobie peut dégénérer en violences morale, psychologique ou physique.

2-De la xénophobie au Gabon

Nous nous souviendrons de l'article de Georges DOUGUELI, (journaliste et rédacteur chez l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique) intitulé « Gabon : le poison xénophobe40(*) » dans lequel le journaliste tente de mettre en lumière l'existence des comportements xénophobes au Gabon et cela de la part des gabonais. Le diplômé de l'Ecole de journalisme de Science Po montre qu'il y a « une compagne xénophobe » au Gabon qui se manifeste par « des attitudes discriminantes envers les étrangers, car, « à Libreville, il ne fait pas bon être identifié comme étranger » estime Georges DOUGUELI. Pour le journaliste camerounais, au Gabon, les étrangers sont détestés, et pour preuve, le drame arrivé en Avril 2015 lorsque des émeutes ont mis le feu à l'embrassade du Benin à Libreville.

Clotaire MESSI ME NANG, enseignant-chercheur au département d'histoire et archéologie de la faculté des lettres et sciences humaines de l'université Omar Bongo de Libreville, tente lui aussi dans un article publié le 22 Juillet 2016 dans le journal gabonais d'information en ligne Gabon review d'étaler ce qui peut être considérer comme étant des comportements xénophobes de la part des gabonais. Pour le Docteur de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, les attitudes xénophobes se donnent à voir au Gabon par exemple à travers le sempiternel « refus de l'intégration sous régionale exprimé depuis toujours par les gabonais ». Mais le maître-assistant CAMES en histoire de l'Afrique ne s'arrête point là, puisqu'il souligne aussi que « les séries d'incidents politico-sportifs » montrent bien que les gabonais sont xénophobes, à l'exemple des rencontres de football qui ont souvent donné lieu au Gabon à une déferlante de violence contre certaines communautés étrangères. Pour l'universitaire gabonais, l'expulsion de 12 000 Béninois du Gabon a qui tous les commerces situés au marché Mont-Bouët fut incendiés et pillés en 1978 montrent clairement les attitudes xénophobes des gabonais. Clotaire MESSI ME NANG pense que cette xénophobie est même constatée par les étrangers eux-mêmes, puisqu'il affirme :

« Une xénophobie que les étrangers voient en outre dans des multiples tracasseries policières et les opérations de rapatriement des immigrés africains en situation irrégulière. A coté de ces opérations policières, il faut aussi mentionner les mauvais traitements, les insultes et les quolibets quotidiens dont sont victimes les étrangers au Gabon.41(*) »

Ce n'est pas Patrick MOUGUIAMA-DAOUDA, linguiste et professeur à l'Université Omar Bongo de Libreville qui nous dira le contraire, puisqu'il a lui à son tour recensé une rhétorique xénophobe dans le langage courant des gabonais. On peut par exemple souligner des expressions telles que « gabonais de souche », « néo-gabonais », « gabonais fraichement naturalisé », ou encore « gabonais sans attaches ». Le professeur titulaire au CAMES cité dans un site d'actualité juridique et politique Que Dit La Loi pense qu'il y a manifestation de la xénophobie au Gabon à travers des « Attitudes discriminantes(...) des actes d'intimidation des étrangers (insulter ou menacer). (...) violences morales et d'escroquerie envers les étrangers(...) des actes de violence physique, de pillage et de saccage42(*) »

II-Du tribalisme au Gabon

1-Qu'est ce que le tribalisme ?

Le tribalisme est un mode d'organisation sociale fondée sur un sentiment d'appartenance à une tribu. La tribu étant un groupe social présentant une certaine homogénéité culturelle et linguistique. Le tribalisme conduit souvent à la valorisation de son identité propre, de sa tribu ou de son ethnie au détriment de celle des autres. On assiste donc à une affirmation excessive de soi qui passe par la négation de l'autre. La volonté de puissance pousse à la domination de l'autre ou, pire encore, à son mépris.

2-Du tribalisme au Gabon

Le professeur Joseph John-Nambo, agrégé des facultés de droit à l'Université Omar Bongo, dans un article intitulé Du tribalisme au Gabon montre que les attitudes et pratiques tribalistes au Gabon se manifestent par exemple à travers des expressions devenues péjoratives, et souvent utilisées pour désigner l'autre qui n'est pas de la même ethnie que soi, en l'occurrence « d'anongoma » chez les miènè, et « bilop » chez les fangs. Dans le même article, l'universitaire conclu d'ailleurs que peu avant la fin de ses jours, Omar Bongo Ondimba, président de la République Gabonais pendant 42 ans avait reconnu : « Qu'en plus de l'affairisme et la corruption, l'ethnisme, le clanisme, le régionalisme et le tribalisme avait fait beaucoup de mal au Gabon43(*) »

III-De la nécessite de l'intersubjectivité comme lutte contre le tribalisme et la xénophobie au Gabon ; initiation à l'éducation du vivre ensemble en classe de terminale.

La description de l'approche phénoménologique qui permettrait de décrire la constitution d'un monde socioculturel ambiant se donne à voir dans l'approche intersubjective de la société chez Husserl. On retrouve plusieurs textes consacrés à l'analyse de la formation d'une socialité chez le philosophe autrichien, et l'un d'entre eux nous fournit une analyse très succincte du moment essentiel de la constitution d'une communauté interpersonnelle harmonieuse, loin des vises analogues à la xénophobie et au tribalisme. Il s'agit du texte n°21 des Hua XIV, datant de 1927, où le phénoménologue y écrit:

« Le lien social se constitue par conséquent dans des actes qui passent de l'un à l'autre sur le mode d'un va-et-vient, actes que moi-même et l'autre portons à l'unité dans le cadre d'une action réciproque, qui, comme les actes subjectifs individuels, passent consciemment de l'ego à l'alter ego et se recouvrent en empiétant l'un sur l'autre. Ma volonté est consciemment en même temps dans la volonté de l'autre, et inversement. [...] Ainsi, dans une socialité donnée, une subjectivité s'avance au-delà d'elle-même a l'intérieur d'une autre subjectivité: la vie individuelle du sujet ne reste pas en elle-même mais se trouve liée consciemment et dans une certitude expérientielle a celle d'une autre, par quoi des actes corrélatifs se rapportant réciproquement l'un a l'autre y sont afférents pour chacun. Nous pouvons aussi dire la chose suivante: dès que l'expérience intersubjective, qui se déroule dans ma subjectivité pure, a jeté un pont entre moi et l'autre qui existe a présent pour moi, et dès que, en lui, une expérience consciente, en miroir, a jeté un pont vers moi, dès ce moment-là, ne faisant a présent tous les deux plus qu'un, nous n'avons pas seulement connaissance l'un de l'autre, mais nous nous connaissons aussi en tant que, nous connaissant l'un l'autre réciproquement, dès ce moment, des actes de toute sorte, mentaux, d'amour, de haine, de souhait, de volonté, etc. entrent en scène en nous liant réciproquement l'un à l'autre et lient ainsi nos sujets en tant que sujets. La réduction à la subjectivité pure s'accomplit par conséquent de telle sorte que moi, qui accomplit la réduction, je ne pose comme valide que la subjectivité pure et rien d'autre, et puis, pas seulement la mienne propre, [...] mais aussi la subjectivité d'autrui et, en général, les autres. [...] Or, pourtant, je ne dois pas seulement poser, comme ayant une validité, les autres qui, en tant que sujets purs, se donnent à ma conscience en s'exprimant, mais dans mon intérêt élargi pour tout ce qui purement subjectif, je dois aussi poser comme ayant une validité ces entrelacements de la conscience qui délivrent mon moi, tout autant que celui des autres, de leur isolement. En mettant hors circuit tout ce qui n'est pas subjectif, toute nature et toute objectivité grevée de nature qui se trouve en moi et dans les autres, tous les actes sociaux deviennent également purement subjectifs; par le biais de la relation qu'entretiennent le Je et le Tu, ils relient mon sujet pur et le sujet de l'autre qui concerne, jusqu'a former une unité purement subjective.44(*) »

Husserl nous présente ici le moment essentiel de la communautarisation spécifiquement sociale, à savoir la constitution intentionnelle de sa forme spécifique d'unité intersubjective, qui se tisse entre les humains. En effet, dans leurs interrelations en tant que sujets, les humains ne sont pas simplement conscients les uns des autres séparément, ou chacun de leur côte isolement, mais ils sont aussi conscients de l'effet que leur conscience entraine chez celle d'autrui et vice-versa, ce qui permet la constitution d'actes personnels réciproques. Autrement dit, dans ma relation en tant que humain avec un autre humain, je ne suis pas simplement conscient de lui, tout comme il n'est pas simplement conscient de moi, mais je suis conscient qu'il est conscient de moi au moment même ou j'ai conscience de lui, de sorte que je puis entrer avec lui dans des formes de relations interpersonnelles qui outrepassent ma «simple connaissance» de lui. Pour illustrer ce genre de relation, Husserl emploie l'exemple d'exaucer la volonté d'autrui: pour qu'un tel acte soit possible, la simple position d'existence d'autrui ne suffit pas, car il faut également avoir pose comme valide la conscience qu'autrui a de moi en tant que je suis conscient de lui, de sorte que c'est l'enchevêtrement de nos consciences qui rend possible le fait d'exaucer ou non sa volonté, de même que tous ces autres actes que Husserl mentionne dans ce passage (actes d'amour, etc.). En clair, l'intersubjectivité règle le problème de la xénophobie et du tribalisme tout en initiant une éducation au vivre ensemble en ce sens qu'elle prône la communication obligatoire et harmonieuse entre des consciences, communication qui peut conduire à l'adoption de certaines qualités telles que la tolérance, et la considération de l'autre comme une fin en soi. L'être humain est caractérisé selon Husserl du point de vue de son essence par un sentiment originaire de coexistence. Cela revient à dire que le vivre ensemble devrait être l'objectif premier des êtres humains entre eux, quelque soit leur origine, leur langue, leur nationalité ou leur couleur de peau. Ce n'est pas Alain qui nous dira le contraire, puisqu'il affirme : « Les hommes eurent toujours un grand besoin de s'aimer les uns les autres45(*) .» Alain voulait par là nous faire comprendre que les relations entre les hommes sont foncièrement harmonieuses.

IV-Ebauche d'une leçon illustrative de philosophie sur la conscience en classe de terminale

Fiche de préparation

Nom de l'enseignant : NGOMO Sylvère Gildas

Cours : Philosophie

Intitulé de la leçon : La conscience

Niveau d'étude : Terminale

Objectifs généraux : Cette leçon vise la compréhension du concept de conscience et la saisie des enjeux du débat entre la conscience métaphysique et phénoménologique.

Objectifs spécifiques : Au terme de cette leçon, les élèves devront être capables d'intégrer les biens fondés du vivre ensemble et accueillir autrui comme faisant partie de leur quotidien.

Vocabulaires spécifiques : Métaphysique, phénoménologie, substance, intentionnel, intersubjectivité.

Problématique : Qu'est-ce qu'une conscience métaphysique selon Descartes? Qu'est-ce qu'une conscience phénoménologique selon Husserl ? La conscience est-elle finalement caractérisée par sa substantialité ou son intentionnalité ? Peut-on parler d'une conscience phénoménologique sans aborder la notion d'intersubjectivité ? Qu'est-ce que l'intersubjectivité, et en quoi celle-ci peut-elle nous préparer à une éducation à l'amour de l'autre ?

LA CONSCIENCE

Plan :

Introduction

I- La conscience métaphysique chez Descartes (1596-1650)

II- La conscience phénoménologique chez Husserl (1859-1938)

III- l'intersubjectivité

IV- l'intersubjectivité comme préparation à l'éducation à l'amour de l'autre

Conclusion

Introduction

Le mot conscience vient du latin « conscientia », composé du préfixe « con » qui signifie « avec », et de « scientia » qui veut dire «connaissance». De manière exacte, la conscience veut donc dire « avec la connaissance ». A bien comprendre, ce mot n'est applicable qu'à un individu vivant, puisqu'il implique une faculté de connaissance de soi-même et de l'environnement. C'est au XVIIe siècle que le mot conscience prend un caractère métaphysique, notamment avec René Descartes, puisque selon le philosophe français, la conscience est une substance. Nonobstant, au XXe siècle, avec Edmund Husserl précisément, la conscience adopte un caractère phénoménologique, d'autant puisque pour le phénoménologue, la conscience est intentionnelle. A ce moment-là, qu'est-ce qu'une conscience métaphysique selon Descartes? Qu'est-ce qu'une conscience phénoménologique selon Husserl ? La conscience est-elle finalement caractérisée par sa substantialité ou son intentionnalité ? Peut-on parler d'une conscience phénoménologique sans aborder la notion d'intersubjectivité ? Qu'est-ce que l'intersubjectivité, et en quoi celle-ci peut-elle nous préparer à une éducation à l'amour de l'autre ?

I- La conscience métaphysique chez Descartes (1596-1650)

Descartes à la suite de la saisie intuitive, immédiate de son existence via son cogito, va finalement montrer que ce cogito est une substance, et c'est à ce instant qu'il met en lumière le coté métaphysique de sa conception de la conscience. La conscience est donc métaphysique chez Descartes en ce sens qu'elle est substantielle, c'est-à-dire que la conscience est une chose qui existe de telle manière qu'elle n'a besoin que d'elle-même pour exister. En clair, c'est la substantialisation de la conscience qui fait de cette dernière soit une conscience métaphysique chez Descartes. C'est ce que Descartes tente de nous expliquer dans un passage de Discours de la méthode : « Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée(...) je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.(...) Je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle »

II- La conscience phénoménologique chez Husserl (1859-1938)

La conception de la conscience chez Husserl est en quelque sorte une objection à l'approche cartésienne de la conscience. Descartes, comme nous venant de le voir, pense que ce qui fait la conscience c'est son caractère substantielle, c'est-à-dire qu'elle est une chose qui existe de telle sorte qu'elle n'a besoin que d'elle-même pour exister. Nonobstant, Husserl lui va montrer que la conscience est conscience de quelque chose. Cela signifie que la conscience est ouverte sur autre chose qu'elle-même. C'est ce que Husserl appelle l'intentionnalité. La conscience phénoménologique est donc intentionnelle, toujours et déjà portée vers le monde et les choses. C'est ce que Husserl explique succinctement dans Idées directrices pour une phénoménologie en ces termes : «Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité foncière et générale qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose. » 

L'intentionnalité est donc cet échange interactif continuel de la conscience et du monde, par quoi ce dernier prend sens pour la conscience, et la conscience pour le monde. A bien comprendre, la conscience avec Husserl n'est plus refermée sur elle-même comme la conscience substantielle chez Descartes, mais plutôt jetée vers le monde et les choses. Mais dans ce monde vers lequel la conscience phénoménologique est foncièrement tournée, au delà des choses qui y existent, il existe aussi d'autres consciences ? De ce fait, toute conscience est aussi conscience d'autres consciences. C'est ce qui va nous conduire à aborder la notion d'intersubjectivité qui revoie à la communication entre les consciences.

III- l'intersubjectivité

L'intentionnalité de la conscience chez Husserl nous conduit impérativement à la notion d'intersubjectivité qui est ce rapport intersubjectif des consciences. Parler d'intersubjectivité revient donc à signifier que l'expérience humaine n'est pas celle d'un être isolé, coupé du monde et des autres, mais plutôt celle d'un être en rapport avec d'autres. De ce fait, ce qui est le principe de toute expérience possible, ce n'est pas le sujet solitaire, c'est plutôt la communication des consciences. En clair, chaque conscience reconnait l'existence d'autres consciences de manière immédiate dans un sentiment originaire de coexistence.

IV- l'intersubjectivité comme préparation à l'éducation à l'amour de l'autre

Auguste Compte dans Système de politique positive, précisément au tome II nous disait déjà : « Toute l'éducation humaine doit préparer chacun à vivre pour autrui, afin de revivre dans autrui. ». De l'intersubjectivité qui revient à dire que l'existence de l'homme n'est pas celle d'un être solitaire, écarté du monde et des autres, mais plutôt celle d'un sujet qui soit en relation avec les autres, nous pouvons donc en tiré une éducation du vivre ensemble. La notion d'intersubjectivité nous permet donc de nous préparer à une éducation qui nous permet de vivre avec et pour autrui afin d'avoir une vie socioculturelle harmonieuse. On est contraint de vivre avec les autres puisque nous partageons un même monde. L'autre devrait plutôt être atout et non un frein à notre épanouissement. L'amour est ce qui a toujours lié et réuni les hommes à en croire Emile Chartier, d'autant plus qu'il affirme : « Les hommes eurent toujours un grand besoin de s'aimer ».

Conclusion

En somme, la conscience métaphysique renvoie à une conscience substantielle, c'est-à-dire, une conscience qui n'a besoin que d'elle-même pour exister. Cependant, la conscience phénoménologique est une conscience intentionnelle, conscience qui est toujours et déjà porté vers les choses et le monde dont elle en dépend. Cette notion intentionnalité nous conduit à la notion d'intersubjectivité qui sous entend que l'expérience humaine n'est pas celle d'un être isolé, coupé du monde et des autres, mais plutôt celle d'un être en rapport avec d'autres. De cette notion d'intersubjectivité, nous pouvons donc en ressortir qu'il n'y a pas d'existence solitaire, de ce fait, il faut accepter et accueillir l'autre comme faisant partie de notre vie quotidienne. Cela nous amène donc à éducation aux valeurs du vivre ensemble et de tolérance.

Sujets de réflexion :

Sujet de type 1 : La conscience fait-elle de l'homme un être responsable ?

Sujet de type 2 : « la conscience n'a pas de « dedans », elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience »

Sujet de type 3 :

« Nous entendions par intentionnalité cette propriété qu'ont les vécus `' d'être conscience de quelque chose `'. (...) une perception est perception de..., par exemple d'une chose ; un jugement est jugement d'un état de chose ; une évaluation, d'un état de valeur ; un souhait porte sur un état de souhait, ainsi de suite. Agir porte sur l'action, faire sur le fait, aimer sur l'aimé, se réjouir sur ce qui est réjouissant, etc. » HUSSERL E., Idées directrices pour une phénoménologie, Paris, Gallimard, 2013. P.283.

CONCLUSION GENERALE

« Comprendre le concept de conscience en classe de Terminale : Approche phénoménologique » est la thématique centrale et principale que nous nous sommes proposé de disséquer tout au long de notre travail. Ce travail de recherche avait somme toute pour finalité de mettre en lumière la conception du concept de conscience dans sa perspective phénoménologique. A cet effet, notre éventaire était centré autour d'une problématique bien observée, problématique d'ailleurs que nous nous sommes donné pour tâche d'apporter des réponses tout au long de ce travail.

Ce travail nous a permis de comprendre que la conscience de manière générale n'est applicable qu'à un individu vivant et implique une faculté de connaissance de soi-même et de l'environnement. D'où la nécessité de l'interrogation du concept de conscience en philosophie. Car, pénétrer la conscience, c'est interpréter l'Homme, parce que la conscience est la nature de l'Homme. Cet appétit de l'examen du concept de conscience en philosophie se donne à voir en ce que la philosophie de manière globale met la question de l'Homme au centre de toute sa réflexion. Cette célèbre conscience est traduite par le cogito chez Descartes, elle est comprise comme étant une impression chez Hume, psychologique chez Locke, néant chez Sartre, et elle est à réaliser chez Merleau-Ponty.

Nous avons démontré dans notre travail que toutes ces acceptions de l'idée de conscience enfin de compte n'étaient qu'une sorte d'introduction à la finalité à proprement parler de notre travail, qui était celle de mettre en exergue la perspective phénoménologique du concept de conscience. La phénoménologie étant l'examen des phénomènes, elle se comprend de ce point de vue comme étant une science, la science des phénomènes. Or, ces phénomènes auxquels s'attache la phénoménologie, ne sont accessibles qu'à travers la conscience, car les phénomènes en somme ne sont que des données de la conscience. De ce point de vue, la phénoménologie peut être aussi bien assimilée à une science de la conscience, car, en voulant s'intéresser aux phénomènes, elle finira avant tout par saisir l'essence de la conscience afin de mieux comprendre la nature des phénomènes. En se donnant donc pour tâche d'obtenir l'essence de la conscience, afin de saisir la nature des phénomènes, la phénoménologie se veut de ce fait être la science des essences. En clair, la phénoménologie peut avoir une triple définition, au-delà du fait qu'elle soit étymologiquement la science des phénomènes, elle peut aussi être considérée comme étant la science de la conscience d'une part, et d'autre part la science des essences.

La phénoménologie étant une science, elle possède inévitablement de ce fait une méthode qui est la réduction phénoménologique afin de mieux examiner son objet d'étude. Cette réduction phénoménologique consiste donc à placer l'existence du monde réel entre parenthèse afin de fixer l'esprit en présence des purs phénomènes. Cette transformation intellectuelle permet donc de purifier la conscience de toute impureté, afin d'obtenir ce qu'on va désigner : la « conscience pure », la « conscience transcendantale », la « conscience transcendentalement pure », l' « être absolu de la conscience », la « conscience donatrice originaire », la « conscience phénoménologique » ou encore la « conscience intentionnelle ».

C'est exactement ce qui va nous amener à pénétrer ce qu'est exactement la conscience dans sa signification phénoménologique. Nous sommes précisément arrivé au résultat selon lequel, la conscience phénoménologique est intentionnelle, intentionnelle en ce sens qu'elle est continuellement rapport à un objet. Cette conscience se définie fondamentalement par sa relation au monde et aux choses, en ce sens qu'on ne peut nullement définir la conscience sans mettre en exergue sa jonction au monde. Ce qui fait la conscience phénoménologique, c'est donc son intention, et cette intention se dirige inlassablement vers les choses. Ce n'est pas le célèbre et grand philosophe chinois Wang YANGMING qui nous dira le contraire, puisqu'il l'exprime très bien en ces termes : « Ce qui émane de l'esprit, c'est l'intention. Ce qui constitue originellement l'intention, c'est l'aptitude à connaitre. Là où se dirige l'intention, ce sont les choses. (...) Il n'est pas de principe en dehors de l'esprit, il n'est pas de chose en dehors de l'esprit.46(*) » Sachant qu'en phénoménologie, l'esprit est synonyme de conscience, nous comprenons très bien l'expression de la consubstantialité qui existe entre la conscience et le monde à travers ces propos du philosophe de Yuyao. Ce jugement n'est que la conséquence du rejet de la substantialité de la conscience prôner par Descartes. Comme nous le disait déjà Sartre, c'est « le refus d'être substance » qui fonde la conscience intentionnelle.

En étant intentionnelle, donc portée vers le monde et les choses, la conscience est aussi relation à d'autres consciences. D'où l'idée de la notion d'intersubjectivité, qui signifierai que l'activité humaine n'est pas celle d'un personne isolé, mais plutôt celle d'un être toujours en rapport avec d'autres êtres comme lui. C'est cette compréhension de la vie sociale par la notion d'intersubjectivité qui nous amène donc à considérer qu'à travers cette notion, nous pouvons prêcher une éducation au vivre collectif harmonieux dans nos classes de terminales. Cet apprentissage aura donc pour objectif de batailler contre les souffrances qui minent le vivre ensemble, tels que la xénophobie et le tribalisme dans le contexte de la société gabonaise en générale, et les salles de classe en particuliers.

* 1 HERSCH J., L'étonnement philosophique. Une histoire de la philosophie, Paris, Gallimard, 2011, p.398.

* 2 HUSSERL E., Notes sur Heidegger, Paris, Les Editions de Minuit, 1993, p.94.

* 3 SARTRE J.P., cité par De COOREBYTER V., SARTRE la transcendance de l'Ego et autres textes, Paris, Vrin, 2003, p.95.

* 4Cf. Le Petit Larousse Illustré, 2008, p.238

* 5 Cf. Dictionnaire Axis, volume 2, Hachette, p.658

* 6 ROUSSEAU J.J., Emile, ou De l'éducation, Paris, Garnier, 1961, p.378

* 7 KANT E., Métaphysique des moeurs, IIe partie, Doctrine de la vertu, introduction et traduction par PHILONENKO A., Paris, J.Vrin, 1996, pp.112-113

* 8 LE SENNE R., Traité de morale générale, Paris, P.U.F., 1961, p.316.

* 9 DESCARTES R., Discours de la méthode, quatrième partie, Paris, Gallimard, 1953, pp.147-148.

* 10 KANT E., Logique, Paris, Vrin, 1965, p. 25.

* 11GAETAN S.P., «Mort et Survie d'une Philosophie», dans Pourquoi la Philosophie?, Les Cahiers de l'Université du Québec, P.U.Q., 1970, p. 30.

* 12 NIETZSCHE F., Le Gai Savoir, Édition électronique, Les Échos du Maquis, 2011.5ème livre, pp.91-92

* 13 MARX K.., préface de la Contribution à la critique de l'économie politique, Editions sociales, 1947, p.4

* 14FEUERBACH L. cité par ENGELS F., Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Editions sociales, 1946, p.29

* 15 FREUD S., Essais de psychanalyse appliquée, « Une difficulté de la psychanalyse », Paris, Gallimard, 1993, pp.144-146.

* 16 FREUD S., Métapsychologie, « l'Inconscient », Paris, Gallimard, 1968, pp.96-98.

* 17 LOCKE J., Essai sur l'entendement humain, Livre II, chap. 27, paragraphe 9, traduit et commenté par BALIBAR E., Paris, Seuil, 1694, pp.149-151.

* 18 HUME D., Traité de la nature humaine, Livre I : De l'entendement, traduit par FOLLIOT P., Édition numérique réalisée le 28 janvier 2005 à Chicoutimi au canada, pp.242-243.

* 19 SARTRE J-P., L'Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1976, pp.134-135.

* 20 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p.344.

* 21 MERLEAU-PONTY M., La structure du développement, Paris, P.U.F., 1942, pp.300-301.

* 22 MERLEAU-PONTY M., La structure du comportement, op. cit., p.293.

* 23 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, op. cit., p.491-492.

* 24MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, op. cit., pp.74-75.

* 25 KANT E., Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science, Paris, J.Vrin, 2001, 304-305.

* 26 KANT E., Anthropologie du point de vue pragmatique, Paris, J.Vrin, 1798, p.17.

* 27 HUSSERL E., idées directrices pour une phénoménologie et philosophie phénoménologique pures, Paris, Gallimard, 2013, p.3.

* 28 Ibid., p.5.

* 29 Ibid., p.7.

* 30 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, Paris, La librairie Gallimard, 1945, p.9.

* 31 HUSSERL E., op. cit., pp.98-99

* 32 Ibid., p.102

* 33 Ibid., p.187

* 34 HUSSERL E., Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie, Paris, Vrin, 1992

* 35 DESCARTES R., Discours de la méthode, quatrième partie, Paris, Gallimard, 1953, pp.147-148.

* 36 HUSSERL E., op. cit. p.2.

* 37 HUSSERL E., Idée directrices pour une phénoménologie et philosophie phénoménologique pures. P.283.

* 38 SARTRE J-P cité par COOREBYTER V., SARTRE La transcendance de l'Ego et autres textes phénoménologiques, Paris, LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J.VRIN, 2003, p.89.

* 39 HUSSERL E., Idée directrices pour une phénoménologie et philosophie phénoménologique pures. P.93.

* 40 DOUGUELI G., « Gabon : le poison xénophobe », Jeune Afrique (en ligne), N°2851, 1 septembre 2015, http://www.jeuneafrique.com/mag/260602/societe/gabon-le-poison-xenophobie/, (consulté le 22 aout 2016).

* 41 MESSI ME NANG C., « Tribune libre : Quid de la xénophobie des Gabonais ? », Gabonreview (en ligne), Vendredi 22 Juillet 2016, http://gabonreview./bolg/tribune-libre-quid-de-xenophobie-gabonais/, (consulté 22 Août 2016).

* 42 MOUGUIAMA-DAOUDA P., cité par Que Dit La Loi  « Sur la postface « Discours sur la Xénophobie » : le Gabon et ses « étrangers » », Que Dit La Loi (en ligne), 22 Juillet 2015, http://www.queditlaloi241.com/sur-la-postface-sur-la-xenophobie-le-gabon-et-ses-etrangers/ , (consulté le 22 Août 2016).

* 43 JONH-NAMBO J., « Tribune : Du tribalisme au Gabon », KOACI.COM (en ligne), http://koaci.com/m/tribune-tribalisme-gabon-22592-i.html (consulté le 25 Aout 2015).

* 44HUSSERL E., Sur l'intersubjectivité, tome II, p. 123-125, [Hua XIV, n°21, p. 402]

* 45 CHARTIER E., propos II, 22 décembre 1910, pléiade. P.193.

* 46 YANGMING W. cité et traduit par CHENG A., « Chuanxi lu I », in Wang Yangming quanji, Histoire de la pensée chinoise, Edition du Seuil, 1997, p.6.






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