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Education et autonomisation. Défis et perspectives en faveur de la femme en République démocratique du Congo

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par Jules Muhindo Katsurana
Institut Panafricain pour le Développement - Master en Programmation du Développement et Intégration regionale 2016
  

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INTRODUCTION GENERALE

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1. Contexte et justification de l'étude

Afin d'assurer un développement durable et équitable, des Etats ont de plus en pris conscience de la nécessité d'investir dans la pleine participation des hommes et des femmes dans le processus de développement. La notion de « genre et développement » est devenue, d'une part omniprésente dans des discours politiques, de l'autre l'objectif prioritaire de plusieurs stratégies et politiques de développement.

L'émergence de la problématique des rapports hommes-femmes ne date pas de ce siècle. Cette problématique a conditionné la conception de différentes approches visant à traiter la situation de la femme dans le développement. En effet, vers 1970 les tenants de ce domaine imaginèrent la démarche d'Intégration des Femmes dans le Développement, (IFD) avec comme objectif de rendre le développement plus efficace et plus réel en faisant participer les femmes aux processus existants. Ainsi, l'IFD prévoyait des projets visant l'accroissement des revenus et la productivité des femmes de même que l'amélioration des moyens dont elles disposent pour s'occuper du ménage.

Par la suite, et avec l'influence de la décennie de la femme (1975-1985), les années 1980 furent marquées par un revirement d'attitude à l'égard d'un développement équitable et durable. Ainsi, l'approche Genre et Développement (GED) fut développée. Avec cette formule, les problèmes des femmes ne sont plus perçus sur le plan de sexe (différences biologiques entre hommes et femmes) mais plutôt sur le plan de genre, c'est- à-dire des rôles sociaux, des relations entre hommes et femmes. Le GED fait alors ressortir l'idée que, depuis plusieurs siècles, les femmes ont été systématiquement subordonnées et confinées à des rôles secondaires ou inférieurs à ceux de l'homme. Or, l'IFD était exclusivement focalisée sur les besoins pratiques des femmes et ne tenait pas compte du contexte général des inégalités. D'où la nécessité d'une démarche qui permettrait aux femmes de donner suite plutôt à leurs intérêts stratégiques et de susciter un changement social.

Dans cette optique, partant du fait que le changement social passe par un processus la socialisation, la garantie de l'éducation fut dès lors retenue comme objectif prioritaire dans des programmes de développement. A titre illustratif, l'éducation faisait l'objet d'un des huit objectifs du millénaire pour le développement, et elle sert de principal indicateur pour l'évaluation de l'autonomisation de la femme pour les Nations Unies. Ensuite, plusieurs rencontres internationales lui ont été dédiées. C'est le cas de la

En fin, le gouvernement a élaboré et lancé, en mars 2010, la Stratégie pour le développement de l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP),

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conférence mondiale sur l'éducation de 1990 ainsi que du forum mondial sur l'éducation de 2000.

En effet, la Conférence mondiale sur l'éducation, organisée à Jomtien (Thaïlande, mars 1990), a affirmé la nécessité de faire appliquer le droit à l'éducation et de répondre aux besoins éducatifs de base dans le monde. La Déclaration sur l'Éducation Pour Tous (EPT), issue de cette conférence, a fourni une vue large et complète de l'éducation et du rôle qu'elle joue dans l'autonomisation des individus et la transformation des sociétés. Quant à lui, le «Forum Mondial sur l'éducation», organisé à Dakar (Sénégal, avril 2000), a conduit les participants d'engager collectivement la communauté internationale à tenir ses promesses et à réaliser l'éducation pour tout citoyen dans chaque société. Pour y parvenir, six domaines prioritaires étaient identifiés et intégrés dans le document dénommé «Cadre d'action de Dakar» : le VIH/SIDA, la petite enfance, la santé scolaire, l'éducation des filles et des femmes, l'alphabétisation des adultes, et l'éducation en situation de crise et d'urgence.

En République Démocratique du Congo, les efforts du gouvernement ont été orientés vers cette tendance générale. Malgré des guerres récurrentes que le pays connait depuis 1997, le gouvernement congolais s'est engagé dans la voie de l'égalité de sexe dans l'éducation. Le pays a activement pris part aux différents forums précités; sa Constitution, en son article 14, garantie l'égalité entre le sexe dans l'éducation.

En plus, toujours pour réduire les inégalités entre les sexes, le pays a lancé la stratégie nationale genre. Dans le cadre de cette stratégie, un groupe de travail genre (GTG) a été mis en place non seulement au niveau du gouvernement central, mais aussi dans des provinces. Ce GTG comprend les représentants de tous les ministères ; l'objectif de cette stratégie étant d'intégrer la dimension genre dans tous les secteurs de la vie publique. Sur terrain, des points focaux genre ont été placés dans des divisions. Ils jouent des rôles de conseillers en matière de genre dans leurs domaines spécifiques. Mais à l'état actuel, il n'existe pas des référentiels officiels pour l'analyse genre dans les différents domaines. Les points focaux genre sont aussi, pour la plus part, faiblement formés sur l'analyse de la dimension genre. Cette lacune pourrait évidement avoir un impact sur l'appréciation de l'équité qui, comme cela se vit au quotidien, risque d'être réduite à la parité.

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stratégie visant l'accroissement de l'accès, de l'équité et de la rétention ainsi que l'amélioration de la qualité de l'enseignement.

Toute cette mobilisation en faveur de l'éducation et de l'égalité de sexe eut comme effet positif l'amélioration de l'accès à l'éducation aussi bien pour les filles que pour les garçons. Le taux net de scolarisation est passé, entre 2005 et 2011, de 87 à 97 % au primaire, et de 62 à 75 % au secondaire2 ; le rapport entre les sexes indique qu'en 2015, l'on comptait globalement à l'école primaire 97 filles contre 100 garçons. La disparité, en défaveur des filles, devient plutôt profonde au fur et à mesure que le niveau de l'éducation augmente.

Cependant, ces efforts n'ont pas contribué à l'accroissement de l'équité entre les sexes. Les disparités entre garçons et filles restent élevées en ce qui concerne le taux d'achèvement à tous les niveaux de l'enseignement, le taux de scolarisation au secondaire et le taux de décrochage scolaire.

Pour preuve, en février 2013 le Ministère de l'EPSP a publié le rapport d'une enquête nationale menée sur les enfants et adolescents en dehors de l'école. Ce rapport montre que 28,9% des enfants et adolescents âgés de 5 à 17 ans sont en dehors de l'école, c'est-à-dire non scolarisé (31,7% des filles contre 26,5% des garçons); et que cette proportion est beaucoup plus élevée en milieu rural qu'aux centres urbains (33,4 % contre 20%). Le rapport révèle aussi que 6 ans après l'entrée à l'école, 16,6 % des filles et 12,1% des garçons abandonnent les études. L'écart devient profond à 12 ans après l'entrée à l'école où 38,8% pour les filles quittent l'école contre 30,7% pour les garçons. De manière brute, il est clair que les abandons scolaires chez les garçons sont également inquiétants. Toutefois, si ceux-ci ont la possibilité de regagner l'école après une certaine période, il n'en est pas le cas pour certaines filles, surtout celles qui décrochent pour être rendues grosses (27,5 %3). Les règlements de certaines écoles, surtout celles mises sous la coordination des confessions religieuses, ne donnent pas la possibilité aux «fille-mères» de regagner les études. Cette situation devient d'autant inquiétante que la plus part des écoles des milieux ruraux sont organisées par les confessions religieuses. La pratique elle-même n'est pas respectueuse des dispositions contenues dans la convention relatives aux droits de l'enfant ainsi que dans la constitution du pays.

Ainsi, au moment où la RDC s'investit dans la voie de l'égalité des sexes et de l'autonomisation de la femme, il est important que les actions menées soient pertinentes.

2Cfr Annuaire EPSP 2009-2010

3 Cfr résultat de nos enquêtes menées dans les Uélés (une zone rurale)

4UNESCO (opcit)

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Elles doivent traiter les vrais causes et facteurs des inégalités. C'est cet appel qui justifie la nécessité d'une recherche sur le pourquoi de l'absence de l'équité dans l'éducation en RDC malgré tant d'engagements. Car, comme nous allons le démontrer dans ce travail, l'équité constitue le gage de l'autonomisation.

Il est certes vrai que l'autonomisation ne peut pas être uniquement atteinte grâce l'équité dans l'éducation ; elle nécessite le recours aux autres domaines tels la santé, l'économie, la justice, etc. Ce travail se focalise sur l'éducation étant attendu que c'est elle qui est le principal porteur du changement social. En plus, plusieurs expériences ont prouvé l'efficacité de l'éducation dans la promotion de l'équité et de l'autonomisation.

Dans une publication réalisée en 2011, l'UNESCO mentionne un exercice de modélisation des acquis conduit par HANUSHEK et all. dans 50 pays entre 1960 et 2000. Cette étude a démontré qu' «une année de scolarisation supplémentaire pourrait augmenter les revenus d'un individu de 10 % et la moyenne annuelle du Produit Intérieur Brut de 0,35% ». L'étude ajoute que de manière générale, le bénéfice économique pour les individus et les sociétés apparait plus élevé dans les pays à bas revenu que dans les pays à haut revenus, et plus observés également pour l'enseignement secondaire ou supérieur. Sur ce point, l»Internationale de l'Education' ajoute que seuls des citoyens éduqués peuvent espérer la croissance économique (inclusive) et cela nécessite, aujourd'hui plus que jamais, une égalité d'accès à une éducation de qualité.

Dans le même sens, le Programme des Nations Unies pour le Développement signale qu'en Papouasie-Nouvelle-Guinée, les personnes vivant dans une famille dont le chef n'a pas reçu d'éducation formelle représentent plus de 50 % des pauvres, et qu'en République de Serbie, le niveau de pauvreté dans ces familles est trois fois plus élevé que la moyenne nationale4. Il ne faut également pas ignorer que, avec plus de compétences, les filles sont plus compétitives sur le marché de travail et peuvent aspirer à des emplois mieux rémunérés.

En fin, en réduisant l'isolement social des femmes, l'éducation renforce leurs capacités d'organisation et de mobilisation. Elle leur permet de développer leur capital social ainsi que des aspirations et l'aptitude à prendre des décisions.

Dans ce sens, en 1997, ZUNIGA a partagé, dans une publication de l'UNESCO

(1997), l'expérience du `Projet multinational de l'éducation et de travail de
l'organisation des Etats américains PME/OEA' mis en place par la Colombie. Ce projet

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a permis de doter les femmes de ce pays des capacités à assumer efficacement les rôles de reproduction, de production et de direction.

Cependant, l'éducation ne constitue toujours pas un moteur pour l'autonomisation de la femme. Elle peut, dans certaines circonstances, en constituer des blocages. L'éducation peut par exemple être utilisée pour assoir la domination de l'homme sur la femme. Ainsi faut-il garder une vigilance sur les règles qu'elle transmet.

Car, ne l'oublions pas, l'école est le reflet des pratiques sociales dominantes. Ainsi, au lieu de favoriser un changement des comportements discriminatoires, l'éducation peut se transformer en reflet des pratiques discriminatoires de la société et perpétuer l'injustice entre hommes et femmes. Par exemple, dans leurs propos ou illustrations des faits sociaux, les enseignants peuvent, inconsciemment, reproduire des pratiques discriminatoires plutôt que d'y réfléchir.

En plus, étant entendu que l'éducation ne se limite pas à l'école, les enfants peuvent recevoir de leurs parents une socialisation sexiste. Certes, dès les jeunes âges, les enfants reçoivent de leurs parents des valeurs, convictions et cultures. Ces valeurs, qui peuvent s'avérer discriminatoires, seraient transmises, consciemment ou inconsciemment, aux travers des échanges que les parents ont avec les filles et les garçons, des jouets qu'ils leur offrent, des comportements qu'ils acceptent et des règles qu'ils imposent aux enfants de tel ou tel autre sexe.

En conclusion, l'éducation peut constituer un levier important à l'autonomisation de la femme. Mais cela dépend des actions développées pour atteindre ce but. Les stratégies visant l'autonomisation de la femme et se focalisant uniquement sur les aspects quantitatifs de l'éducation produisent très peu d'impact sur l'égalité de sexe.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand