Section 2 : Un contrôle juridictionnel
indispensable
Le contrôle juridictionnel dans la passation des
marchés revêt une importance capitale dans une exigence de
transparence. A cet effet nous aborderons d'abord ce contrôle comme
portant sur la régularité des procédures (paragraphe1) et
ensuite l'étendue d'un tel contrôle (paragraphe 2).
137 « Si l'autorité contractante n'accepte pas les
avis et recommandations qui, le cas échéant auront
été formulés par la Direction chargée du
contrôle des marchés publics concernant la possibilité
d'utiliser une procédure autre que l'appel d'offres ouvert ou relatives
à la proposition d'attribution du marché, elle ne peut poursuivre
la procédure de passation qu'en saisissant le Comité de
Règlement des Différends près l'organe chargé de la
régulation des Marchés Publics ».
Titre 1, Chapitre II : Garantie d'une transparence dans les
mécanismes de contrôle 51
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
Paragraphe 1 : Le contrôle de la
régularité des procédures
Le contrôle de la régularité des
procédures permet au juge d'avoir un droit de regard sur le processus de
passation. Ainsi, sera-t-il procédé au rappel des règles
de transparence (A) puis à la régulation économique par le
juge (B).
A- Un rappel des règles de transparence par le
juge
Au Sénégal, les marchés publics sont
soumis au principe de la publicité et de mise en concurrence
conformément à la charte de transparence et d'éthique en
matière des marchés publics, à la directive n°04 de
l'UEMOA, au décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant code des
marchés publics et au code de transparence dans la gestion des finances
publiques au sein de l'UEMOA. Ils relèvent de la même directive au
Togo mais sous la houlette du décret 2009/277 portant code des marches
et délégation de services publics.
Sous ce rapport, le juge administratif veille au respect
scrupuleux des règles fondamentales qui définissent la
transparence dans la passation des marchés publics. A bien des
égards, la commande publique se doit de respecter tout d'abord la
liberté d'accès qui consiste à permettre à toutes
les personnes remplissant les conditions nécessaires, de se porter
candidates à un marché public. Dès lors, toute
discrimination injustifiée dans le choix des candidats doit être
sanctionnée. Cette liberté d'accès des candidats
correspond, en réalité, à l'application
particulière de la liberté de concurrence dans le cadre des
marchés publics. Sur ce dernier aspect, il convient de rappeler que
l'obligation de mise en concurrence s'applique dans sa globalité
à l'administration conformément aux dispositions de l'article 24
et 3 nouveau du COA138. L'autorité contractante ne peut donc
violer les règles de concurrence et de libre accès aux
marchés publics sans encourir une sanction de la part du juge
administratif.
Dans ce contexte, le juge sénégalais dans
l'arrêt de la cour suprême « Société SARRE-CONS
contre ARMP »139 du 22 aout 2013 n'a pas manqué de
rappeler que l'autorité contractante ne peut violer les règles de
concurrence et de libre accès aux marchés publics en
insérant dans les
138 Loi n° 65-51 du 19 juillet 1965, portant code des
obligations de l'administration, modifiée par la loi 06-16 du 30 juin
2006.
139 CS, 22/08/2013, Société SARRE-CONS c/ ARMP
Bulletin des arrêts de la Cour suprême du Sénégal
2013.
Titre 1, Chapitre II : Garantie d'une transparence dans les
mécanismes de contrôle 52
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
dossiers d'appel d'offres une clause relative à
l'autorisation du constructeur à fournir par les candidats au
marché de véhicules neufs.
L'intervention du juge au regard du respect des
critères contenus dans le DAO s'affirme de plus en plus au
Sénégal et demeure dans un état quasiment latent en droit
positif togolais. En effet, le contentieux de la passation offre à la
Cour suprême, l'opportunité de recenser et de corriger les
irrégularités administratives constatées dans le cadre de
l'examen des candidatures au regard des critères inhérents
à la transparence.
En réalité, à travers le respect du
principe constitutionnel140 de la concurrence, le juge est parvenu
à imposer l'égalité des candidats dans la passation des
marchés publics et en a fait un élément
d'appréciation objective au regard de la légalité des
actes administratifs. Dans cette nouvelle donne, le juge administratif au
Sénégal comme au Togo apparait comme l'ultime rempart contre les
atteintes aux règles de transparence qui gouvernent la passation des
marchés.
Par ailleurs, le juge administratif s'assure également
de l'effectivité de la transparence par la vérification des
formalités de publicité par les autorités contractantes.
En effet, il faut bien convenir que les marchés publics doivent faire
l'objet de publicité sous réserve des marchés
requérant une procédure de passation non concurrentielle. Ainsi,
la soumission des marchés publics au Sénégal et au Togo
aux formalités de publicité n'échappe pas à
l'office du juge administratif. La tendance de favoritisme étant
toujours présente, l'autorité contractante peut être
amenée à procéder à la passation d'un marché
par entente directe et donc sans formalité de publicité, alors
que la nature du marché ne l'exigeait pas.
Dès lors, le juge administratif est intervenu au
Sénégal à travers des arrêts pour rappeler que
l'obligation de publicité n'a pas un caractère facultatif. En
effet, l'analyse des décisions rendues par la Cour suprême du
Sénégal atteste singulièrement de la permanence de
l'office du juge en la matière. C'est le lieu d'évoquer au regard
de la pertinence de son dispositif, l'arrêt Société
Angélique International Limited (A.I.L) contre ARMP141. Le
juge sénégalais considère à travers cet arrêt
qu'il y a violation de l'obligation de publicité lorsque les
critères et sous critère n'ont
140 Linotte Didier., « Existe-t-il un principe
général du droit de la libre concurrence » ?, AJDA, 2005,
p.1549.
141 CS Sénégal, 24/10/2013 Angélique
International Limited (A.I.L) contre ARMP.
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
pas été portés à la connaissance des
candidats au marché.
Par conséquent, conformément à l'exigence
de transparence, on peut considérer qu'un marché a
été passé dans des conditions satisfaisantes si les moyens
de publicité utilisés ont réellement permis aux potentiels
soumissionnaires d'en être informés et ont abouti à une
diversité des offres. En effet, l'efficacité de la
publicité constitue une composante essentielle de la
régularité du marché. Un avis de publicité
insuffisant comme le non-respect d'une procédure dont le formalisme est
défini par le code, est susceptible d'entrainer l'annulation du
marché pour violation des principes fondamentaux que sont la
liberté d'accès à la commande publique,
l'égalité de traitement des candidats, et la transparence des
procédures de passation142.
A ces différends égards, on peut conclure d'un
point de vue prétorien qu'au Sénégal, le respect de
l'exigence de publicité vise à assurer une meilleure conciliation
entre le principe de légalité et l'action des autorités
contractantes et cette situation s'impose dès lors comme une
méthode de raisonnement. Cependant, au-delà du rappel
juridictionnel des règles de transparence, s'opère une mission
technique qui se rapporte à la régulation économique par
le juge, de la passation des marchés publics.
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