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L'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage investisseur-état.

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par Michael Farchakh
Université Paris 1 : Panthéon-Sorbonne - Master 2 - Droit International et Organisations Internationales 2015
  

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MASTER 2 RECHERCHE

Droit international et organisations internationales

IREDIES

Mémoire :

L'ÉGALITÉ DES ARMES DANS LE CADRE DE L'ARBITRAGE INVESTISSEUR-ÉTAT

Par :

Michael FARCHAKH

Sous la direction du professeur Geneviève Bastid-Burdeau

2015-2016

L'Université n'entend donner aucune approbation ou improbation aux propos tenus dans le présent mémoire. Ceux-ci sont propres à leur auteur.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 3

CHAPITRE 1: LA CONSTATATION D'UNE CRISE DANS LE SYSTÈME INVESTISSEUR-ÉTAT 18

Section 1 : L'État pris au piège de l'arbitrage d'investissement 19

I- L'État, eternel défendeur 20

II- Les imprévisibilités inhérentes au système 30

III- Le déraillement de la fonction étatique 43

Section 2 : Les problèmes auxquels font face les investisseurs 49

I- L'exécution des sentences arbitrales 49

II- L'abus d'autorité par l'État 54

III- L'indépendance et l'impartialité des arbitres 58

CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL 63

Section 1 : La conceptualisation de l'Arbitrage Investisseur-État en tant que gouvernance globale 65

I- Une analyse structurelle de l'arbitrage d'investissement en tant que droit administratif internationalisé 65

II- La création de standards de comportement pour les États 71

Section 2 : Une théorie séduisante mais pas convaincante 74

I- Le danger posé par l'arbitrage d'investissement à l'intérêt public 75

II- Le problème d'accountability en arbitrage d'investissement 78

CHAPITRE 3 : LES SOLUTIONS PRATIQUES AVANCÉES 83

Section 1 : La refonte du régime des traités d'investissement 83

I- Les plans de réforme proposés 84

II- Les inconvénients d'une telle réforme 89

Section 2 : La création d'une cour internationale de l'investissement 93

I- Le renforcement du respect de l'égalité des armes 94

II- Les dangers posés par la création d'une juridiction permanente 99

CONCLUSION GÉNÉRALE 105

LISTE DES ABRÉVIATIONS

ALENA

Accord de Libre-Échange Nord-Américain

ASIL

American Society of International Law

BIT

Bilateral Investment Treaty

CCI

Chambre de Commerce Internationale

CEDH

Cour Européenne des Droits de l'Homme

CETA

Comprehensive Economic and Trade Agreement

CIADH

Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme

CIJ

Cour Internationale de Justice

CIRDI

Centre International pour le Règlement des Différents relatifs aux Investissements

CIRDI-MS

Mécanisme Supplémentaire du CIRDI

CNUDCI

Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International

CPA

Cour Permanente d'Arbitrage

EJIL

European Journal of International Law

FTA

Free Trade Agreement

i.e.

Id est

ICSID

International Center for the Settlement of Investment Disputes

ISDS

Investor-State Dispute Settlement

No.

Numéro

OCDE

Organisation de Coopération et de Développement Économiques

OECD

Organization for Economic Co-operation and Development

OMC

Organisation Mondiale du Commerce

ONU

Organisation des Nations Unies

Op.cit.

Opere citato

ORD

Organe de Règlement des Différends

p. / pp.

Page / pages

Para.

Paragraphe

RCADI

Recueil des Cours de l'Académie de Droit International de La Haye

STJE

Standard de Traitement Juste et Équitable

TAS

Tribunal Arbitral du Sport

TBI

Traité Bilatéral d'Investissement

TPIY

Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie

TPP

Trans-Pacific Partnership

TTIP

Transatlantic Trade and Investment Partnership

UNCITRAL

United Nations Commission on International Trade Law

UNCTAD

United Nations Conference on Trade and Development

Vol.

Volume

INTRODUCTION

«International Arbitration is not Arbitration», c'est par ces propos que Jan Paulsson inaugure une conférence tenue en 2008 à l'Université de McGill. «International arbitration is no more a type of arbitration than a sea elephant is a type of elephant. True, one reminds us of the other. Yet the essential difference of their natures is so great that their similarities are largely illusory»1(*). C'est dans ce même esprit qu'il faut également faire l'affirmation suivante : Investor-State Arbitration is not International Arbitration, une idée qui se manifestera à plusieurs reprises dans les développements qui suivront. Il convient cependant de commencer par une mise en contexte du sujet dans le cadre plus général du droit international public.

L'un des premiers pas dans le développement du droit international tel que connu aujourd'hui a été la création en 1922 de la « Cour Permanente de Justice Internationale ». Au lendemain de la Grande Guerre, la communauté internationale s'est aperçue de l'inefficacité du droit international en l'absence d'une « justice internationale », un mécanisme de garantie permettant d'assurer l'effectivité de ce droit, si ce n'est son existence même pour certains. Et si la Cour Permanente n'a pas tenu l'épreuve du temps, elle a pour mérite d'avoir inculqué cette notion de « justice internationale » dans la conscience commune de l'humanité ; La Cour Internationale de Justice a pris la relève, suivie de la création d'une pléthore de juridictions spécialisées et générales, régionales et universelles. Ce phénomène parfois décrit comme la « juridictionnalisation » du droit international2(*) a conduit à la popularisation d'un champ auparavant exclusif et a permis de donner une place de plus en plus expansive aux personnes privées en droit international.

Toute justice a besoin de justiciables, et pendant longtemps les seules entités à tenir ce rôle dans le cadre de la justice internationale ont été les États souverains. La catégorie des personnes de droit international s'est par la suite étendue aux organisations internationales formées par la volonté commune des États souverains, ce qui a été confirmé par un avis de la Cour Internationale de Justice en 19493(*). L'inclusion de l'individu en tant que sujet du droit international et justiciable de la justice internationale a été beaucoup plus tardive et demeure parfois contestée. La prise en compte de ce nouveau sujet du droit a été facilitée par la juridictionnalisation du droit international qui a permis à l'individu un accès directs aux forums mondiaux : l'émergence du droit international pénal par exemple, qui a pour but la poursuite de personnes physiques accusées de crimes internationaux. Que ce soit devant la Cour Pénale Internationale, Le Tribunal Pénal International pour l'Ex-Yougoslavie ou le Tribunal Spécial pour le Liban, le justiciable est toujours un individu. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a elle aussi donné la possibilité aux personnes privées de se prévaloir de la protection du droit international contre des États souverains pour des abus à l'encontre de leurs propres droits, reconnus par la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Mais le mécanisme examiné dans cette étude sort du cadre des cours internationales et des tribunaux permanents ou semi-permanents car il se dote des caractéristiques des modes alternatifs de résolution des différends.

Ce mémoire portera sur l'arbitrage d'investissement, le système connuégalement sous l'appellation « Arbitrage Investisseur-État ». Appellation qui révèle justement la juxtaposition de deux catégories de justiciables de natures très différentes au sein d'un même mécanisme. Un contraste qui sera au coeur de cette étude.

Cette asymétrie institutionnelle de l'Arbitrage Investisseur-État pose certaines questions : si l'arbitrage d'investissement est une manifestation de la justice internationale, est-il vraiment possible d'assurer une bonne administration de la justice quand les parties au litige sont dans des situations fondamentalement inégales ? Comment le système peut-il faire face au déséquilibre considérable entre ces deux types de parties et assurer le maintien d'une intégrité processuelle ?

L'une des lignes directrices qui a animé la conception de ce mécanisme a justement été de donner aux investisseurs, en tant que personnes privées, des moyens leur permettant d'obtenir gain de cause dans leurs griefs contre les États étrangers hôtes de leurs investissements. Mais la prolifération de ce type de litiges au cours des dernières années a conduit à de nombreuses critiques du système4(*) ; pour certains États, les investisseurs ont acquis beaucoup trop de pouvoir à travers ce mécanisme qui, plutôt que rééquilibrer la balance, l'a fait pencher en faveur des intérêts économiques privés. Mais cette vision n'est pas unanime, la popularité grandissante du système et l'élargissement constant du club des États qui y participent en atteste5(*). A en croire certains critiques, le contraire pourrait même être affirmé ; la nature arbitrale du mécanisme jouerait selon eux au profit de l'État en raison des modalités de cette procédure qui reste dépourvue de certaines garanties assurées par un système juridictionnel permanent.

L'arbitrage n'est pourtant pas une invention nouvelle, et bien que ce soit un système qui rencontre beaucoup de critiques, le non-respect de l'égalité des armes n'en fait ordinairement pas partie. Traditionnellement, le droit international a connu deux catégories d'arbitrage : l'arbitrage interétatique entre entités souveraines et égales en droit international et l'arbitrage commercial international entre personnes de droit privé entreprenant des relations d'affaires mutuelles. Le point commun de ces deux mécanismes est le fait qu'ils s'adressent à des justiciables d'une même classe, point que ne partage pas l'Arbitrage Investisseur-État. La transposition en arbitrage d'investissement de la procédure arbitrale traditionnelle connue de l'arbitrage interétatique et de l'arbitrage commercial international n'a donc pas pris en compte la nécessaire adaptation du système pour subvenir à un conflit naturellement déséquilibré. Comme le décrit le professeur Thomas Wälde «The Arbitration system has developed in order to free the parties' from state courts, and in particular from state courts in one party's state. So equality is the principle and fundamental assumption; the caveat emptor principle underlying commercial law means that each party submits to the arbitration procedures, institutional rules and powers of the arbitral tribunal, without being able to claim a one-sided privilege»6(*). Le professeur Wälde souligne donc que l'égalité des armes est au coeur de l'idée même de l'arbitrage international, un système créé en grande partie pour radier les avantages d'une partie sur l'autre, et dans ce sens, il poursuit : «the procedural rules, but also informal conventions and approaches inherent in international arbitration culture, are not perfectly fitted for the specific nature of investment arbitration»7(*).

Afin de développer le sujet d'une manière plus rigoureuse, il convient de retracer le contexte des notions centrales à son développement : il faudra d'abord revenir sur le concept de l'arbitrage d'investissement afin d'élucider les nombreuses subtilités de ce système complexe et controversé. On discutera par la suite de la notion d'« égalité des armes » tout en établissant l'étendue que l'on entend donner à cette notion aux fins de cette analyse.

Dans le vocabulaire juridique anglais, on parle d'investment arbitration, d'investment-treaty arbitration, d'ICSID arbitration ou encore d'investor-state dispute settlement (ISDS). Tous ces termes font référence à des processus similaires mais qui ne sont pas tout à fait identiques. L'idée cardinale qui sied à l'ensemble des différends Investisseur-État est celle de la protection de l'investissement étranger : un flux de capitaux d'un pays à un autre par le biais d'un investissement qui représente une contribution par un investisseur étranger au développement économique d'un pays qui n'est pas le sien. La définition de l'investissement est source de controverses et se trouve souvent au centre des litiges. Bien que ce soit une question fondamentale du droit international des investissements, cette problématique sort du cadre de cette étude, il sera donc suffisant de reprendre les caractéristiques de l'investissement tels qu'établis dans le « test Salini » qui semble représenter la définition la plus largement acceptée par les tribunaux : L'investissement représente un (i) apport en nature ou en espèce, (ii) qui s'inscrit dans une certaine durée de temps, (iii) qui est soumis à un élément de risque, (iv) et qui représente une contribution au développement économique de l'État hôte8(*).

Un point fondamental à rappeler est le caractère « étranger » de l'investisseur. Le système a été conçu afin d'assurer une meilleure protection à une catégorie de personnes particulièrement vulnérables : des investisseurs non-citoyens de l'État hôte de l'investissement. L'idée sous-jacente est qu'en l'absence de relations juridiques formelles avec l'État hôte, l'investisseur étranger se trouve dans une situation volatile où il se soumet à l'arbitraire et l'hostilité potentielle des autorités publiques locales. Il faut donc chercher à rassurer les investisseurs étrangers afin de favoriser les flux de capitaux et la création de relations d'affaires transnationales. La solution initialement conçue en droit international était celle de la protection diplomatique ; en cas d'atteinte à son investissement, l'investisseur devait recourir à son État d'origine qui prenait à son propre compte les réclamations de l'investisseur et pouvait par la suite se retourner contre l'État hôte auteur du fait litigieux. Ce mécanisme a pour fondement le principe selon lequel l'une des principales fonctions de l'État est la protection de ses nationaux à l'étranger9(*). Le recours à ce procédé est resté rare dans la pratique, en raison notamment du pouvoir discrétionnaire des État dans leur exercice de la protection diplomatique. Au cours du XIXème siècle, certaines situations litigeuses ont donné lieu à la création de « Commissions des Réclamations » (Claims Commissions), des instances ad hoc spécialement créées à l'initiative des États concernés pour résoudre de manière collective des différends relatifs à l'investissement étranger. Mais ce type de solutions n'a pas été suffisant, la protection diplomatique et les commissions ad hoc n'ont pas su suivre le développement fulgurant des relations économiques transnationales qu'a connu le XXème siècle. Il a donc fallu trouver un nouveau mécanisme de protection des investissements étrangers. C'est de cette nécessité que l'arbitrage d'investissement a vu le jour, notamment avec la création en 1965 du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) par le biais de la Convention de Washington.

Ce nouveau mode de résolution des différends liés à l'investissement a pour mérite de donner à l'investisseur un recours direct contre l'État hôte de l'investissement sans devoir passer par son État d'origine. Selon Aron Broches, principal architecte du régime CIRDI, «the host country and the foreign investors would be parties on an equal procedural footing»10(*); L'intention des créateurs de ce système était donc bien de maintenir l'égalité des armes entre les parties, mais ayant été très peu utilisé durant les premières décennies, ce n'est qu'avec son gain de popularité soudain dans les années 1990 que l'on a commencé à apercevoir les imperfections du système.

Quelques distinctions sont à faire, tout d'abord entre l'arbitrage CIRDI et l'arbitrage non-CIRDI ; rattaché au groupe de la Banque Mondiale, le CIRDI sert de secrétariat aux tribunaux arbitraux créés sous son égide et administre la plus grande partie des litiges liés à l'investissement de par le monde. Mais la constitution d'un tribunal ad hoc afin de résoudre un différend (souvent sous les règles CNUDCI) n'est pas chose rare, surtout lorsque l'État hôte de l'investissement ou l'État national de l'investisseur n'est pas partie à la Convention de Washington. Les avantages du système CIRDI sont d'abord la simplification des démarches administratives et l'apport d'un soutien aux arbitres dans l'accomplissement de leur mission, mais aussi et surtout la reconnaissance et l'exécutabilité directe des sentences CIRDI dans chacun des États membres à la Convention de Washington11(*).

Une autre distinction nécessaire est entre l'arbitrage sur le fondement d'un traité d'investissement et l'arbitrage sur le fondement d'un contrat. L'accès de la personne privé à l'arbitrage d'investissement est en effet conditionné par l'existence d'un instrument qui lui donne cette possibilité. Cet instrument peut notamment prendre la forme d'un contrat avec l'État hôte, souvent en exécution d'un marché public, qui contient une clause de résolution des différends stipulant le recours à l'arbitrage d'investissement (CIRDI ou non). Jusqu'en 1990 la majorité du contentieux arbitral provenait de stipulations contractuelles, mais la prolifération des Traités Bilatéraux d'Investissements (TBI), a conduit à une explosion du nombre d'arbitrages12(*).

Un Traité Bilatéral d'Investissement est un accord international conclu entre deux États afin de promouvoir les investissements réciproques et de garantir une protection renforcée des investissements réalisés par les ressortissants de l'un des États partis au sein de l'autre État parti. Les TBI ont été précédés par les Traités d'Amitié, de Commerce et de Navigation qui eux ne contenaient pas de clauses arbitrales13(*). Les plus de 2500 TBI en vigueur aujourd'hui14(*) constituent l'immense réseau formant le droit substantiel du droit international des investissements ; cette décentralisation crée des difficultés examinées plus loin dans ces développements. Ces TBI contiennent typiquement un nombre de standards de protections des investissements qui varient en substance et en étendu, on parle notamment de clause de traitement national, de clause de la nation la plus favorisée ou encore du standard juste et équitable qui alimentera une bonne partie de cette étude. Certains traités multilatéraux, souvent des accords de libre-échange, contiennent aussi des clauses compromissoires prévoyant le recours à l'arbitrage d'investissement. Les traités multilatéraux les plus communément invoqués sont la Charte de l'Énergie ainsi que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Une troisième catégorie d'instruments existe aussi, il s'agit des lois nationales d'investissement. Ces lois sont parfois invoquées par des demandeurs mais n'ont jusque-là pas eu beaucoup de succès, raison pour laquelle la doctrine y accorde peu d'attention et qu'on ne s'attardera pas non plus sur ce type de situations dans cette étude. La plus grande partie de ce travail portera sur les arbitrages sur le fondement d'un traité car c'est justement ces situations qui engendrent le plus grand nombre de problèmes relatifs à l'équilibre procédural.

Pour résumer, l'accès d'un individu à l'arbitrage d'investissement est possible, mais conditionné par l'existence d'un instrument contenant une clause arbitrale à cet effet ; cet instrument peut être un contrat signé avec l'État hôte, ou bien un traité d'investissement auquel sont partis l'État hôte ainsi que l'État national de l'investisseur. Pour accéder spécifiquement à l'arbitrage CIRDI, celui-ci doit être mentionné par la clause arbitrale en question et les deux États concernés doivent être partis à la Convention de Washington pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États. Des solutions alternatives au CIRDI existent tel que le recours à la Cour Permanente d'Arbitrage, au Centre d'Arbitrage de Stockholm ou simplement à un arbitrage ad hoc. Les protections garanties à l'investisseur seront énumérées au sein de l'instrument donnant accès à l'arbitrage.

Les notions de base relatives à l'investissement et la protection de l'investisseur venant d'être posées, il est encore nécessaire de décrire la notion d'« égalité des armes » pour pouvoir ensuite procéder au fond de cette étude. Le point qui intéressera plus particulièrement est la conjoncture entre ce principe processuel fondamental et le phénomène de l'arbitrage d'investissement. L'usage des termes « égalité des armes » est en elle-même un peu surprenante, surtout dans le cadre d'un droit aujourd'hui articulé autour de la résolution pacifique des différends ; en réalité l'expression trouve son origine dans le contexte du duel, un mode de procès que la justice moderne a abandonné depuis bien longtemps. La transposition contemporaine de cette notion aux enceintes judiciaires suit pourtant la même logique : «[equality of arms] would require that, while contestants in a courtroom battle need not possess equal skill or resources, they must, in terms of the procedural rights enabling each side to formulate and present its position, be equally armed for combat»15(*). Il s'agit donc essentiellement d'une égalité de moyens, une garantie de la part du juge que les adversaires au procès auront les mêmes opportunités pour établir leurs arguments et justifier leurs positions respectives, que la décision sera rendue en raison du bienfondé des demandes et non de la position dominante de l'une des parties.

Il faut noter que l'égalité des armes implique aussi le fait que ces « armes » soient utilisées par les justiciables de manière légale16(*). Une bonne administration de la justice exige que l'on ne puisse pas abuser des procédures pour arriver à des fins autres que celles prévues par la loi. Le détournement de la procédure est aussi dangereux que la méconnaissance de celle-ci, considération qui appellera de plus amples développements dans le corps de cette étude.

La notion d'égalité des armes s'inscrit dans le cadre plus général du « procès équitable »17(*), qui garantit aussi le caractère contradictoire de la procédure : chacune des deux parties doit être en mesure de contredire tous les arguments de l'autre partie. L'égalité des armes et le caractère contradictoire de la procédure sont étroitement liés mais ne se confondent pas ; dans le premier cas il s'agit plutôt de la construction institutionnelle du procès et de la procédure en question, alors que la contradiction se vérifie au cas par cas à chaque manifestation de la justice.

La question de l'égalité des armes est le plus souvent soulevée en matière de droit pénal et de procédure pénale. Dans la sphère du droit international elle a fréquemment été évoquée devant les cours et tribunaux pénaux internationaux18(*), mais il ne s'agit pas pour autant d'un principe réservé aux seules affaires pénales : « the equality of arms principle [is] an inherent element of the due process of law in both civil and criminal proceedings »19(*). La Cour Européenne des Droits de l'Homme a reconnu le principe comme faisant partie des exigences du procès équitable20(*). La Cour Internationale de Justice a quant à elle précisé dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci que « la Cour doit souligner que le principe de l'égalité des parties au différend reste pour elle fondamental »21(*) ; la Cour en parlant d' « égalité des parties au différend » utilise ici un synonyme de l'égalité des armes pour affirmer son importance capitale dans le cadre du contentieux international.

Comme beaucoup de notions juridiques, celle de l'« égalité des armes » peut prendre un sens large comme un sens étroit. Dans sa conception restrictive le principe décrit uniquement l'équilibre procédural garanti par le juge ou l'arbitre en cours d'instance. Dans le cadre de cette étude cependant une vision plus large du principe sera adoptée pour inclure non seulement les éléments de la procédure contentieuse, mais aussi certains facteurs parallèles qui conduisent à un déséquilibre entre les parties du fait de la nature du système Investisseur-État. Il faut noter par ailleurs que les tribunaux arbitraux étant par définition des instances non-permanentes, l'examen de l'équilibre entre les parties dépasse naturellement le seul cadre de l'instance en cours. En matière commerciale par exemple, l'arbitrage consommateur-professionnel présente un cas typique de déséquilibre où le respect de l'égalité des parties surpasse le seul cadre de la procédure arbitrale pour inclure les conditions d'acceptation de la clause compromissoire et des considérations sur la situation juridique de chacune des parties22(*).

«Equality of Arms is a foundation principle of investment arbitration procedure»23(*)déclare Thomas Wälde. L'intention est sans doute sincère, mais correspond-elle à la réalité des choses ? L'arbitrage d'investissement oppose systématiquement un État souverain à une (ou plusieurs) personne(s) privée(s). Mais l'État et l'individu n'occupent certainement pas des places égales dans le contexte du droit international. C'est justement ce point que l'on a cherché à résoudre en instituant l'arbitrage investisseur-État ; «the host country and the foreign investors would be parties on an equal procedural footing»24(*) précise Aron Broches. Mais à la lumière des critiques multiples qui ont visé l'arbitrage d'investissement depuis son gain de popularité dans les années 1990, peut-on vraiment affirmer qu'un équilibre a été atteint dans la mise en oeuvre de ce système ? Est-il juste que l'État souverain soit mis dans une telle situation de potestativité ? En voulant rapprocher David de Goliath, n'a-t-on pas recréé la scène biblique où le géant fini par succomber ?

Ce travail aura pour objectif d'étudier le phénomène de l'arbitrage d'investissement et les critiques qu'il subit, à la lumière du principe de l'égalité des armes. Tout au long des pages qui suivront, une tentative d'élucidation s'opérera quant à cette dynamique complexe qui se forme entre États et personnes privées dans le cadre de la résolution des différends relatifs à l'investissement. Il faut cependant noter que la nature du sujet reste en grande partie théorique et conceptuelle, ce qui signifie que ce travail ne se résumera pas à une analyse de la jurisprudence arbitrale comme c'est souvent le cas en matière d'arbitrage d'investissement. En se basant sur la pratique internationale, en se référant et en analysant les sentences pertinentes en lien avec cette étude, une réflexion plus abstraite sera élaborée autour de la théorie du droit international public et du droit de l'arbitrage, voir occasionnellement du droit administratif, pour rationaliser cette étude et mieux comprendre ses différentes facettes.

La question posée seradonc la suivante :

Quelle place accorde actuellement l'arbitrage d'investissement au respect de l'égalité des armes et quelle place devrait-il lui accorder ?

Le développement de l'analyse se fera en trois étapes successives : d'abord, dans une première partie, une étude sera faite sur les problèmes existant dans le cadre actuel de l'Arbitrage Investisseur-État qui entravent le respect de l'égalité des armes. Cette analyse portera sur des problèmes structurels et conjoncturels du système. Ces constatations seront suiviespar une proposition théorique en guise de deuxième partie, conceptualisant l'arbitrage d'investissement en tant que droit administratif internationalisé pour justifier le maintien d'un certain déséquilibre légitime. Enfin, latroisième partie s'ouvrira à l'étude de solutions proposées pour remédier aux problèmes auxquels fait face le système, la viabilité de ceux-ci et les modalités de leurs éventuelles implémentations.

Caricature représentant l'idée selon laquelle le système CIRDI serait biaisé en faveur des investisseurs - Kangaroo Court

CHAPITRE 1: LA CONSTATATION D'UNE CRISE DANS LE SYSTÈME INVESTISSEUR-ÉTAT

Avant d'attaquer le fond du problème, un bref préambule s'impose. Certains groupes qui se sont récemment levés contre le CIRDI et contre l'arbitrage d'investissement en général tendent à considérer que le problème du système provient en grande partie des arbitres eux-mêmes qui seraient à la solde des investisseurs. On a parfoisdécrit le systeme de «businessman's court»25(*) en considérant que «Arbitrators as merchants of adjudicative services, have a financial stake in furthering arbitration's appeal to claimants, resulting in a potential bias against the host country»26(*). Les développements qui suivrontne prendront pas en compte cette perspective car aucune preuve tangible ne supporte réellement ce postulat27(*).Les arbitres sont bien conscients de leur devoir de maintenir un équilibre entre les parties et une égalité des armes entre elles28(*), et font de leurs mieux pour faire respecter ces principes.Mais leurs pouvoirs sont limités en la matière29(*) et ils ne peuvent contourner certaines difficultés inhérentes au système ou certains facteurs qui sortent du cadre strict de l'instance qui se présente devant eux. Ce sera donc vers ce type de problèmes que l'étude se tournera et non pas vers une critique des arbitres et de leur travail.

Dans ce premier chapitre, un examen du fonctionnement même de l'arbitrage d'investissement sera mené pour essayer de découvrir d'où provient la perception selon laquelle ce système serait asymétrique. L'étude portera sur des arguments avancés de part et d'autre du forum arbitral,ceux-ci seront analysés à la lumière du principe de l'égalité des armes et de son non-respect en matière d'arbitrage d'investissement. Une partie de l'analyse concernera les éléments structurels du régime investor-state, la procédure et la construction institutionnelle du mécanisme. Certains aspects conjoncturels du problème seront également étudiés ; des effets indirects provoqués par l'arbitrage d'investissement mais aussi des comportements extrajudiciaires de certaines parties qui risquent de porter atteinte à la bonne administration de la justice.

Un article ou une contribution typique portant sur une critique de l'arbitrage d'investissement tend à être biaisé soit envers la position « pro-state » soit envers la position « pro-investor ». Plutôt que d'adopter un point de vue neutre, le problème sera analysé tour à tour dans chacune de cesperspectives pour pouvoir identifier le plus grand nombre de problèmes possibles. Cette vision élargie permettra par la suite d'évaluer avec plus deprécision les mérites de certaines solutions ou justifications avancées. Lapremière sectionse concentrera donc sur le point de vue pro-État pour mieux pouvoir comprendre les mécontentements exprimés par certains souverains quant au fonctionnement du mécanisme. La deuxième section s'inscrira quant à elle dans la perspective pro-investisseur,déplorant les insuffisances du système tel qu'il se présente aujourd'hui.

SECTION 1 : L'ÉTAT PRIS AU PIÈGE DE L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT

On observe aujourd'hui un mécontentement grandissant de certains États face à l'afflux des litiges Investisseurs-États. Trois d'entre eux (le Venezuela, la Bolivie et l'Equateur) ont d'ailleurs déjà dénoncé la Convention de Washington et abandonné le système CIRDI30(*). D'autres ont choisi de dénoncer ou de renégocier leurs Traités Bilatéraux d'Investissement31(*). On entend parler de « systematic bias »32(*) à l'encontre des États, celui qui été d'abord en position dominante se retrouve désormais dominé, pris à son propre piège. Jan Paulsson l'avait bien prédit en 1995:«Future prospects for this development in international arbitration may depend on whether national governments - many of whom may not have appreciated the full implications of [these] treaty obligations - take fright and reverse track»33(*).Comme l'observe George Kahale, «States are not likely to continue to play in a game they sense, justifiably or not, is rigged against them»34(*). D'où provident donc ce désenchantementdans un système qui semblait tellement prometteur ? Ce contrecoup à l'arbitrage d'investissement que l'on observe de la part de nombreux auteurs, activistes et politiciens se traduira-t-il en un abandon du système, ou représente-t-il simplement un cri de secours pour une réforme et une réorganisation de l'arbitrage d'investissement ?

Une chose est certaine, et c'est qu'un nombre grandissant d'acteurs souverains ressentent l'existence d'une menace à leurs droits ainsi qu'à leurs souverainetés dans le cadre actuel de l'Arbitrage Investisseur-État. Ils ont l'impression que l'équilibre des parties a réellement été dévié en faveur des investisseurs, une impression qui est certes ouverte à débat. Une analyse sera donc menéesur les différentsfacteursqui ont provoqué cette crainte. Le fait que l'État se trouve toujours en position de défense dans les litiges Investisseur-État et les implications de cette configurationpour le principe de l'égalité des armes sera le premier élément à analyser(I). Dans un deuxième temps, l'étude se tournera vers les imprévisibilités multiples du système qui affectent négativement la position des États (II), que ce soit au niveau procédural ou substantiel. Enfin, un intérêt sera porté à certaines conséquences inattendues du recours à l'arbitrage d'investissement qui portent atteinte au bon fonctionnement du pouvoir étatique (III).

I- L'ÉTAT, ÉTERNEL DÉFENDEUR

La raison d'être originelle de l'arbitrage d'investissement était de fournir à l'investisseur étranger un « bouclier » contre l'« épée » de l'État hôte35(*). Cette analogie par Thomas Schultz est particulièrement pertinente dans le cadre de notre étude car elle évoque spécifiquement l'idée de l'utilisation d'armes dans le combat Investisseur-État. Ce bouclier a été mis à disposition des personnes privées pour garantir une certaine égalité des armes contre les États dont l'épée se heurtait injustement à leurs intérêts économiques. Mais en survolant les 552 cas enregistrés au CIRDI depuis son fondement36(*), on remarque rapidement que la quasi-totalité d'entre eux ont été initiés par des investisseurs à l'encontre d'États.Seules quatre affaires ont été initiées par un État ou une entité infra-étatique37(*), ce qui laisse penser que le bouclier s'est transformé à son tour en épée : «while the shield is well used, it is increasingly coming to ressemble a sword [...] the repeated blows against states presumably contribute to the current backlash against interational investment arbitration, which is establishing a disproportionate balance of arms»38(*).

Une distinction importante doit cependant être faite sur ce point ; une demande d'arbitrage provenant d'un État ou d'une entité infra-étatique est uniquement possible dans le cadre d'un arbitrage sur fondement d'un contrat (A). En ce qui concernel'arbitrage sur fondement d'un traité (Investor-Treaty Arbitration) l'État n'a aucun moyen d'attaquer ou de contre-attaquer l'investisseur (B).

A) L'ARBITRAGE SUR FONDEMENT D'UN CONTRAT

Ce type d'arbitrage concerne en général les contrats publics tels que les concessions de services et les marchés publics, mais il peut également se fonder sur un contrat de droit privé où l'autorité publique agie dans sa capacité industrielle et commerciale. Le contrat en question doit alors contenir une clause compromissoire prévoyant le recours à l'arbitrage d'investissement pour la résolution de différends éventuels.Cet arbitrage peut se faire dans le cadre du CIRDI ou en dehors de celui-ci, selon les indications des parties et selon la situation de l'État contractant et de l'État national de l'investisseur quant à leurs adhésions respectives à la Convention de Washington.Le contrat servira d'instrument pour la constitutiond'un tribunal arbitral, tout comme en arbitrage classique l'existence de cette série de clauses négociées représente une claire manifestation de la volonté des parties. C'est pour cette raison que la question de compétence et de consentement à la juridiction sont rarement problématiques en matière d'arbitrage d'investissement sur fondement de contrat39(*). L'existence d'une relation synallagmatique bien établie et bien démarquée, où les parties au contrat ont chacune des obligations prédéfinies et un cadre juridique fixe permet alors à l'État contractant de présenter une demande d'arbitrage à l'encontre de l'investisseur pour se prévaloir de ses droits contractuels. Mais si l'arbitrage s'effectue sous l'égide du CIRDI, il faudra toujours que la situation des parties se conforme aux exigences de la Convention de Washington, surtout au niveau de l'article 25 qui détermine la compétence ratione personae et ratione materiae du tribunal et qui est de nature impérative40(*).

Mais malgré cette possibilité, très peu d'arbitrages ont en réalité été initiés par des États. Seules six affaires sont connues du public (les affaires non-CIRDI pouvant rester confidentielles) par contraste aux centaines de cas avancés par des investisseurs contractants. Ce déséquilibre exorbitant indique que malgré la possibilité pour les États de se porter demandeurs dans le cadre de l'arbitrage sur fondement d'un contrat, cette utilisation reste rarissime, ce qui semble souligner une inégalité des armes systémique.

Les quelques cas dont l'existence est connuen'apportent pas beaucoup à l'étude de ce phénomène car très peu est connu de leurs contenus. Le cas de l'Equateur c. BNDES (2011) avait été enregistré non pas au CIRDI mais à la Chambre de Commerce Internationale, la confidentialité de la procédure CCI empêche donc de connaitre les détails de l'affaire, la seule chose certaine est que l'Equateur n'a pas obtenu gain de cause41(*). L'affaire Nicaragua c. Grupo Barcelo Montelimar avait été reporté dans les medias mais n'a jamais été inscrite dans le registre du CIRDI, ce qui laisse supposer une résolution à l'amiable. Les cas du Pérou c. Caraveli Cotaruse Transmisora de Energia (2013) et du Gabon c. Société Serete (1978) se sont tous les deux conclus par une résolution du différend à l'amiable et une interruption de l'instance arbitrale conformément à l'article 43 (1) du Règlement de procédure relatif aux instances d'arbitrage CIRDI42(*).L'affaire Tanzania Electric Supply Company c. Independent Power Tanzania Limited (Tanesco c. IPTL) a été initiée non pas par un État mais par une entreprise publique entièrement détenue par l'État tanzanien, elle s'est conclue par un accord entre les parties consacré par une sentence des arbitres43(*). Enfin, dans East Kalimantan c. KPC, la province indonésienne du Kalimantan Oriental soumet un litige au CIRDI sans l'aval du gouvernement indonésien. Les déclarations subséquentes des autorités indonésiennes à cet effet conduisent le tribunal arbitral à se déclarer incompétent pour connaitre du litige, les exigences de l'article 25(3) de la convention CIRDI faisant défaut44(*).

A la lumière de ces informations, on pourrait légitimement se demander pourquoi les États ne se prévalent-t-il pas plus souvent de cette prérogative contractuelle ? Mais la vraie question à poser est : quelle est pour un État l'avantage de recourir à l'arbitrage d'investissement pour résoudre des conflits en matière contractuelle ? L'État a la possibilité d'user de ses prérogatives souveraines sur son territoire, un pouvoir qu'il peut mettre en oeuvre pour forcer l'investisseur à respecter ses obligations contractuelles. Le droit administratif offre à l'administration publique toute une panoplie de mécanismes pour garantir l'exécution des obligations contractuelles par le contractant privé. Le droit administratif français par exemple offre à l'État un pouvoir de direction et de contrôle, un pouvoir de modification et de résiliation ou encore un pouvoir de sanctionconsacré par la loi et la jurisprudence. Le Conseil d'État considère que ces pouvoirs existent même en l'absence de toute clause contractuelle à cet effet45(*). L'État peut même aller jusqu'à recourir à l'expropriation, laissant le choix à l'investisseur d'initier un arbitrage46(*). Si l'État ou l'autorité publique contractante croie sincèrement que son utilisation de prérogatives de droit public se conforme à la légalité, ça ne ferait pas beaucoup de sens de confier la question à un tribunal arbitral qui ne ferait que ralentir l'inévitable (du point de vue de l'État),prolongeant une situation délicate qui pourrait s'aggraver davantage.«When the host State is intent on bringing claims, it may have at its disposal avenues of relief more expedient than investment arbitration. Through its sovereign power, the host State may, within the bounds of legality, exert pressure upon a foreign investor in a myriad of ways»47(*).

Thomas Schultz et Mehmet Toral identifient un nombre de situations où l'État aurait intérêt à recourir à l'arbitrage, entre autres la situation où les avoirs de l'investisseur au sein du territoire de l'État ne sont pas suffisants pour éteindre ses obligations48(*). Une sentence arbitrale CIRDI serait sans doute plus facile à exécuter à l'étranger qu'un jugement national. Cet argument est intéressant mais il n'est pas très convaincant ; si cette option était réellement avantageuse pour l'État, la pratique l'aurait déjà démontré.

Schultz et Toral mentionnent aussi la situation où l'autorité publique contractante n'a pas confiance dans les institutions judiciaires locales, ou encore la situation où un conflit politique interne rend difficile une prise de mesures par l'autorité en question. Les auteurs illustrent ces deux arguments en discutant en profondeur les affaires East Kalimantan c. KPC et Tanesco c. IPTL49(*). Leurs arguments ont certainement un mérite quand on les considère dans l'optique de l'utilité du recours de l'autorité publique à l'arbitrage dans un cadre contractuel, mais dans le contexte de l'équilibre État-Investisseur ces arguments ajoutent du poids au problème ; ces deux cas de figure sont susceptibles de concerner des entités publiques infra-étatiques mais il est peu probable qu'elles concernent l'État lui-même. Ceci signifie qu'un tel recours à l'arbitrage pourrait aggraver le conflit interne (comme cela a été le cas pour le Kalimantan Oriental et le gouvernement indonésien) et donc encombrer l'État davantage.

En somme, l'arbitrage d'investissement sur fondement d'un contrat respecte peut-être l'égalité des armes d'un point de vue purement procédurale, les deux parties ayant la même possibilité d'accès à l'arbitrage en tant que demandeur, mais les avantages et les inconvénients sous-jacents à cette option effacent tout semblant d'équilibre. La pratique en atteste très clairement, l'État n'a pas de motivation réelle de recourir à l'arbitrage dans le cadre contractuel ce qui rend ce genre de clauses compromissoires quasiment unilatérales.

B) L'ARBITRAGE SUR FONDEMENT D'UN TRAITÉ

Une demande d'arbitrage initiée par un État dans le cadre d'un Investment Treaty Arbitration est structurellement impossible dans le cadre actuel du système. L'instrument moteur de ce procédé est le Traité Bilatéral d'Investissement qui contient la clause arbitrale. Mais les parties à cet accord sont deux États souverains, l'investisseur lui-même n'en est que tiers bénéficiaire. «Treaty Commitments of the host state toward the investor are unilateral and anyway the investor is not party to the BIT»50(*). L'arbitrage sur fondement de traité signifie que l'État donne son consentement de façon préalable,le consentement de l'investisseur ne se manifeste qu'au moment de la demande d'arbitrage.Par conséquent l'État ne peut pas initier une demande d'arbitrage contre l'investisseur.Shultz et Toral soulignent l'oxymore juridique de ce désiquilibre des armes : «This procedural bias is built into a dispute settlement system the lynchpin of which is mutual consent»51(*). L'État n'a donc aucune possibilité de recours dans ce type de litige (i) et peut difficilement présenter une demande reconventionnelle en tant que défendeur(ii).

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i) L'intérêt pour l'État de l'existence d'un recours arbitral contre l'investisseur

Ce n'est qu'en 1987, plus de deux décennies après sa création, que le CIRDI reçoit sa première affaire fondée sur un traité52(*). Depuis, ce type d'arbitrage constitue l'essentiel du contentieux Investisseur-État, représentant en moyenne six affaires sur sept enregistrées au CIRDI53(*). Les critiques dirigées envers l'arbitrage d'investissement concernent très souvent l'idéedu recours à un traité comme fondement de la compétence d'un tribunal arbitral. Jan Paulsson parle d'« arbitration without privity »54(*), privity étant un terme juridique anglais se rapprochant du principe de « l'effet relatif des contrats » connu du droit romano-germanique. Cette expression décrit le fait qu'un arbitrage peut avoir lieu entre deux personnes en l'absence de tout accord les liants de manière directe. L'investisseur a accès à l'arbitrage à travers un accord non signé par lui, ce qui lui permet de porter plainte contre l'État sans que l'inverse ne soit possible.«Foreign investors are to investment treaties what third-party beneficiaries are to contracts: parties with rights but no obligations»55(*).

Un déséquilibre très clair se dessine donc dans la construction même du système. Le juge Stephen Schwebel s'oppose à l'idée selon laquelle le système serait asymétrique, arguant plutôt qu'une demande par un État est possible mais que la formulation des clauses arbitrales TBI complique l'accès de l'État à la procédure56(*). La Convention de Washington ne contient aucune disposition en elle-même qui priverait un État de présenter une demande d'arbitrage, bien au contraire l'article 36(1) précise : « Un État contractant ou le ressortissant d'un État contractant qui désire entamer une procédure d'arbitrage doit adresser par écrit une requête à cet effet au Secrétaire Général, lequel envoie une copie à l'autre partie ». Il serait donc concevable qu'un État puisse initier un arbitrage contre un investisseur si les termes du TBI le lui permettent expressément.

La question qui se pose alors est de savoir quel serait l'intérêt pour l'État d'avoir la possibilité de recourir à l'arbitrage contre un investisseur. La responsabilité mise en oeuvre dans la cadre de l'arbitrage sur fondement d'un traité est une responsabilité internationale, le problème alors est que le droit international impose principalement, si ce n'est exclusivement, des obligations aux États57(*). L'impossibilité pour l'État d'initier un recours contre l'investisseur serait alors justifiée au niveau substantiel. Mais l'évolution du droit international, comme en atteste le développement assez récent du droit international pénal, tend à accepter la responsabilité des personnes privées pour violation de certaines normes internationales, notamment les droits de l'homme et le droit de l'environnement.

L'idée de base derrière la création de l'arbitrage d'investissement avait été de protéger l'investisseur étranger vulnérable de l'arbitraire de l'État tout-puissant.Mais les réalités économiques actuelles démontrent que ce cliché n'est pas toujours vérifiable ; certaines entreprises multinationales ont en effet une capacité économique plus grande que celle de certains États en voie de développement58(*).L'interaction entre ces deux types d'acteurspourrait donc inverser la présomption selon laquelle l'investisseur devrait être protégé des actions de l'État. Il n'est pas difficile d'imaginer que dans la gestion de son investissement, une entreprise multinationale pourrait méconnaitre certaines normes de droit de l'homme ou porter atteinte à l'environnement. L'intervention de l'État pour résoudre une telle situation pourrait cependant se traduire en violation des protections garanties dans un TBI. «Faced with the impossibility of bringing proceedings directly before the investor on the international level through arbitration or other means and the inability to deny the investor the benefit of International Investment Agreement protection for failure to comply with international human rights' standards, the state is left with two alternatives. The First is to ignore the human rights' violation [...] the second alternative is to take appropriate measures to safeguard the human rights at issue and leave it up to the investor to decide whether to initiate arbitral proceedings»59(*).

Ce type de dilemme illustre très bien quel serait l'intérêt pour l'État d'avoir un recours lui permettant de mettre en jeu la responsabilité des investisseur étrangers. L'investisseur viole le droit international en se cachant derrière la protection du droit international, et cela est dû à l'inégalité des armes inhérente au système. L'État ne peut prendre de mesures internes pour remédier au problème sans risquer de violer les clauses d'un TBI, et c'est pour cela qu'il aurait besoin d'un forum neutre et indépendant qui pourrait renier à l'investisseur sa protection si les violations alléguées se vérifient. La construction actuelle du régime TBI ne permet malheureusement pas ce type d'action, les solutions possibles à ce problème seront envisagées plus loin dans les développements.

ii) La question des demandes reconventionnelles

«It might be said that, absent the ability to submit a counterclaim, a state cannot win; the most it can hope for is not to lose»60(*).L'égalité des armes suppose que si une partie attaque une autre en justice, cette dernière a le droit non seulement de se défendre mais aussi de contrattaquer. Le droit du défendeur de présenter une demande reconventionnelle face à la demande principale est un principe reconnu par tous les systèmes juridiques dans le monde61(*).

L'intérêt pour l'État d'avoir une faculté de contrattaque est assez facile à comprendre ; de nombreux TBI conditionnent l'accès de l'investisseur aux garanties et protections énumérées à la conformité de l'investissement à la légalité imposée par la législation nationale62(*). Mais dans le cadre actuel du système, cette condition ne peut être évoquée par l'État qu'en tant que moyen défense. Ainsi, l'investisseur pourra être débouté dans sa demande pour non-conformité de son investissement à la loi, mais l'État ne sera pas pour autant dédommagé pour cette violation. L'illégalité peut se manifester de manières différentes, notamment à travers la corruption, la fraude et le non-respect de régulations impératives. La possibilité pour l'État d'avancer des demandes reconventionnelles exigeant des réparations pour remédier à ce type de comportement contribuerait à un rééquilibrage du système Investisseur-État. Dans le contexte actuel, l'investisseur n'a presque rien à perde et tout à gagner en initiant un arbitrage d'investissement en dépit de la possible illégalité de son entreprise.Le risque d'être tenu responsable pour de tels agissements conduirait à une réduction du nombre d'actions frivoles contre les États hôtes et leur permettrai par la même de mieux faire respecter leurs législations et réglementations.

La question des demandes reconventionnelles fait cependant face à un problème similaire à celui des demandes initiées par l'État : le consentement. Malgré le fait qu'une fois la demande d'arbitrage est déposée par l'investisseur, celui-ci est considéré avoir consenti à la clause arbitrale, le consentement à l'introduction par le défendeur d'une demande reconventionnelle devrait être explicite selon une majorité de la jurisprudence arbitrale63(*). Mais le professeur Reisman, dans une opinion dissidente à l'occasion de l'affaire Roussalis c. Roumanie adopte une vision différente : «in my view, when the State Parties to a BIT contingently consent, inter alia, to ICSID jurisdiction, the consent component of Article 46 of the Washington Convention is ipso facto imported into any ICSID arbitration which an investor then elects to pursue»64(*).L'article 46 mentionné par Michael Reisman dispose que :« Sauf accord contraire des parties, le Tribunal doit, à la requête de l'une d'elles, statuer sur toutes les demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles se rapportant directement à l'objet du différend, à condition que ces demandes soient couvertes par le consentement des parties et qu'elles relèvent par ailleurs de la compétence du Centre ». Le système envisage donc bien la possibilité de présenter une demande reconventionnelle, mais le consentement à ce procédé par l'investisseur a été interprété par les tribunaux de manière restrictive. Une exception s'est cependant manifestée récemment dans l'affaire Goetz c. Burundi65(*), le tribunal ayant adopté le point de vue du professeur Reisman a jugé recevable la demande reconventionnelle du Burundi pour ensuite la rejeter quant au fond66(*).

Un deuxième obstacle se pose cependant à la recevabilité des demandes reconventionnelles : le critère du rapport direct à l'objet du différend. Si le tribunal décide que le consentement des parties couvre également les demandes reconventionnelles, encore faut-il qu'une telle demande se fonde sur des faits identiques et de même nature que ceux de la demande initiale67(*). Peu de tribunaux en sont arrivés à examiner ce critère pour qu'une tendance restrictive ou extensive dans son interprétation puisse être reconnue. Si l'évolution de la jurisprudence arbitrale future suivra Goetz c. Burundi, on peut déjà prévoir que la prochaine complication à résoudre sera celle du lien de connexité.

La reconnaissance d'un droit de demande reconventionnelle pour l'État hôte serait favorable à l'efficacité procédurale, au respect de l'autorité de la loi, et à la légitimation du système Investisseur-État68(*). Ce mécanisme servirait à restaurer un degré de symétrie à un procédé qui semble avoir perdu de vue son objectif initial.

Que ce soit donc en matière de contrats ou en matière de traités, le problème reste le même ; comment peut-on parler d'égalité des armes alors que l'investisseur est toujours sur l'attaque et l'État sur la défense ? La construction actuelle du système ne permet pas la mise en oeuvre de la responsabilité de l'investisseur par l'État, non seulement les moyens d'actions sont-ils asymétriques, mais également les obligations endossées par l'une et l'autre des parties.

II- LES IMPRÉVISIBILITÉS INHÉRENTES AU SYSTÈME

«Arbitration is a creature of consent»69(*), un adage couramment cité dans le contexte de l'arbitrage commercialet de l'arbitrage interétatique. Cela semble pourtant être moins vrai en matière d'arbitrage d'investissement, du moins en ce qui concerne les procédures sur fondement de traité. L'État consent aux termes du traité bilatéral d'investissement avec son homologue, il négocie et réajuste ces termes jusqu'à ce qu'ils lui paraissent raisonnables, mais en signant ce document, l'État s'engage non pas envers son cosignataire, mais envers l'inconnu ; il ne connait de son future adversaire que sa nationalité et quelques critères nécessaires à sa qualification en tant qu'investisseur. De plus, il ne s'engage non pas seulement en son nom, mais aussi au nom de toutes les autres personnes publiques autonomes qu'il abrite sous son toit ; il répondra lui-même de leurs actions. D'un point de vue substantiel, la question se pose aussi quant au contenu de son engagement ; l'État connait-il vraiment l'étendu des obligations qu'il entreprend en incluant les différents standards de protection connus des TBI ?

«[Investment Arbitration] grants innumerable present and future investors the right to arbitrate a wide range of grievances arising from the actions of a large number of public authorities, whether or not any specific agreement has been concluded with the particular complainant»70(*). Toutes ces incertitudes placent l'État dans une situation précaire, il est de plus en plus difficile de prédire quand et sur quel fondement sa responsabilité sera mise en oeuvre. « Dans l'arbitrage transnational traditionnel, fondé sur l'accord ad hoc des parties, ces dernières sont en mesure d'envisager à l'avance quelles catégories de litiges elles s'exposent en acceptant des clauses compromissoires et vis-à-vis de qui. Telle reste encore la situation de l'investisseur dans tous les cas. En revanche la situation des États qui ont souscrit à des clauses CIRDI [...] est sensiblement modifiée »71(*). Une asymétrie importante se dessine donc ici aussi entre les justiciables de l'arbitrage d'investissement. L'élément de surprise dont dispose l'investisseur renforce le déséquilibre des armes, l'État n'ayant aucun moyen de prédire les conflits éventuels ou l'identité des demandeurs potentiels. Trois problèmes se posent fréquemment dans le cadre de l'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement : l'identité du demandeur (A), l'origine de l'acte litigieux (B) et le contenu de la protection garantie (C).

A) L'IMPRÉVISIBILITÉ QUANT À L'IDENTITÉ DU DEMANDEUR

En concluant un traité bilatéral d'investissement contenant une clause compromissoire l'État accorde son consentement, non pas à une personne prédéfinie comme ce serait le cas dans un arbitrage classique, mais à une catégorie entière de demandeurs potentiels. Ce consentement général est donné aux personnes physiques et morales ayant la nationalité de l'autre État partie au TBI, quelques critères additionnels peuvent être inclus dans le traité pour mieux définir les contours de la qualitéd'investisseur. Au moment de son consentement, l'État n'a donc qu'une idée très vague de l'identité possible de ces investisseurs, ce qui signifie qu'il pourrait potentiellement, sans s'en apercevoir, violer ses obligations envers un investisseur en exerçant des prérogatives étatiques ordinaires. Le déclenchement d'un arbitrage d'investissement résulte souvent de mesures discriminatoires ou coercitives prises directement à l'encontre un investisseur déterminé connu de l'État, c'est le cas par exemple en cas d'expropriation.Mais la responsabilité de l'État peut également être engagée du simple fait de l'implémentation d'une législation ou réglementation nouvelle ou tout autre agissement ordinaire de l'État si celle-ci porte atteinteaux garanties de protection énumérées dans un TBI72(*). «Investment Arbitration encompasses future disputes that involve an indeterminate classof potential claimants in relation to a broad range of governmental activity»73(*). L'État, constamment en position d'incertitude, est naturellement désavantagé par le système. Quand on ne connait pas son adversaire potentiel alors que lui nous connait, l'inégalité des armes est certaine ; même si les fusils sont du même calibre, celui qui tire en premier a un avantage certain. Ce consentement large et cette définition assez relâchée de l'investisseur ont conduit en pratique à des situations que l'on pourrait qualifierd'abusives74(*), on pensenotamment au problème du voile corporatif (i) mais aussi de phénomène plus récent des demandes de masses (ii).

i) Le problèmedu voile corporatif et des sociétés coquilles

Les bénéficiaires des garanties de protection et des clauses compromissoires contenues dans un TBI sont les investisseurs ressortissants des États partis au traité. Le terme « ressortissant » désigne non seulement les personnes physiques, mais aussi les personnes morales ayant la nationalité de l'État concerné. L'existence d'une personne morale est bien entendu une fiction juridique, et c'est pour cela qu'il faut déterminer dans le TBI quel est le mode d'attribution de la nationalité que l'on entend appliquer pour vérifier la nationalité d'une société. Le lieu d'incorporation, le siège social, le lieu des principaux intérêts ou encore la nationalité de l'actionnaire principal ou des actionnaires principaux sont des facteurs souvent pris en compte aux fins de cette détermination75(*). Les parties au traité sont libres de choisir l'un de ces critères ou une combinaison de plusieurs d'entre eux, mais l'option la plus populaire est de loin celle du lieu d'incorporation. Ce critère requière simplement que la personne morale soit constituée et enregistrée dans un État conformément à sa législation nationale76(*).

La relative simplicité avec laquelle on peut créer des sociétés dans différents États a permis à certains investisseurs d'abuser du système : une personne qui n'a normalement pas accès à l'arbitrage d'investissement (parce qu'elle est ressortissante d'un État n'ayant pas conclu de TBI avec l'État hôte, voir même ressortissante de l'État hôte lui-même) crée une « société coquille »(shell company) dans un État ayant conclu un TBI avec l'État hôte, elle transfert par la suite la possession de l'investissement à cette société. Ainsi, l'investisseur contourne le défaut de consentement de l'État et gagne indirectement accès à une clause compromissoire. «The putative investor is in reality a mere instrument used by a third person or entity that would not otherwise qualify as a protected investor with standing to bring a claim under the relevant [International Investment Agreement77(*).La survenance de ce phénomène de corporate nationality planning est de plus en plus fréquente ; l'investisseur prévoyant un risque de litige avec l'État hôte cours se cacher derrière de voile corporatif d'une société coquille, ou société boite à lettres, qui lui garantitde par son lieu d'incorporation,l'accès à un arsenal bien supérieur à celui qui est normalement à sa disposition. Quand le seul critère de détermination de la nationalité est le lieu d'incorporation, l'investisseur peut assez facilement réussir son stratagème, comme en atteste l'affaire Tokios Tokelèsc. Ukraine78(*).

La question du voile corporatif a aussi été à la source d'une autre controverse. Dans l'affaire CSOB c. Slovaquie79(*), l'investisseur était une société dont les actions étaient détenues principalement par la République Tchèque. La Slovaquie a contesté la compétence ratione personae du Tribunal en avançant que la République Tchèque se cachait derrière cette société écran et qu'il s'agissait donc non pas d'un différend Investisseur-État mais d'un différendinterétatique80(*), ce qui exclut le recours à l'arbitrage d'investissement.Le Tribunal a pourtant rejeté cette argumentation et s'est reconnu compétent pour connaitre du fond du litige.

Ces problèmes se sont résolus de manières radicalement différentes par les différents tribunaux qui y ont fait face. La bonne foi et l'abus de droit sont des thèses qui ont été avancés par des défendeurs pour demander aux tribunaux de percer le voile corporatifet déterminer la nationalité de l'investisseur, mais ces arguments n'ont pas eu beaucoup de succès81(*). Les Tribunaux ont préféré se tourner uniquement vers des règles clairement contenues dans les traités applicables ; quand le critère du contrôle effectif y est mentionné par exemple, les arbitres n'ont aucune difficulté à priver la société coquille de l'accès à l'arbitrage. Une solution subséquente au problème a été d'inclure dans les TBI nouvellement conclus des clauses dites « Denial of Benefits » qui permettent à l'État de priver l'investisseur des protections garanties par le traité si ce dernier n'est pas effectivement contrôlé à partir de son État d'incorporation82(*).

Certaines solutions existent donc face à ce problème, mais elles se rattachent surtout au contenu même des TBI qui lui seul peut renfermer les outils qui permettent à l'arbitre de percer le voile corporatif. Les États deviennent de plus en plus conscients de ce problème et veillent à y remédier dans la conclusion de nouveaux TBI.Cependant, l'essentiel des accords actuellement en vigueur ne prévoie pas de solution explicite,le risque d'abus reste donc très possible.Il s'agit donc là non pas seulement d'une inégalité des armes, mais d'un accès illégitime aux armes.

ii) Le phénomène des demandes de masse

Il est assez commun dans un arbitrage d'investissement d'avoir un litige comportant plusieurs investisseurs face à l'État hôte. Les scénarios classiques sont ceux des partenaires d'affaires agissant en tant que codemandeurs, des actionnaires d'une société agissant en leurs propre noms, ou encore celuid'une demande présentée par une société et ses actionnaires conjointement. La présence de deux, trois voir cinq ou six investisseurs face à l'État n'a jamais posé problème. Des premières difficultés se sont cependant dessinées avec des cas tels que Bayview c. Mexique83(*) et Anderson c. Costa Rica84(*) qui comportaient respectivement 46 et 137 demandeurs, compliquant ainsi beaucoup plus les données. Mais le bouleversement réel a lieu avec l'affaire Abaclat c. Argentine, dans laquelle plus de soixante mille demandeurs italiens, obligataires de la dette souveraine argentine, ont initié un recours collectif suite à la crise financière de 2001.

Cette affaire a été comparée aux class actions et mass actions connues essentiellement du droit américain. Ces procédures permettent d'unir les demandes d'un grand nombre victimes en une seule action contre un même demandeur. Le règlement CIRDI est complètement silencieux sur l'admissibilité de telles demandes, le Tribunal arbitral a donc décidé de trancher cette question par application de l'article 44 de la Convention de Washington85(*). Le 4 aout 2011, le tribunal se reconnait compétent par une majorité de deux contre un86(*). Le professeur Georges Abi-Saab dans son opinion dissidente argue la contrariété de la décision aux garanties du procès équitable:«handling mass claims in a single arbitral case or proceeding, or as one arbitral suit or action, necessarily undermines the due process rights of the Respondent and would be unmanageable»87(*). Face à un nombre tellement massif de requérants, il est difficile de concevoir comment l'État répondeur pourrait exercer son droit de défense de manière satisfaisante, une rupture de l'égalité des armes est presque assurée.  «Where due process in traditional judicial proceedings applies equally to both sides, mass claims procedural rules usually favor claimants»88(*). Les contentieux de masse prévus dans les procédures domestiques, ainsi que dans certains contextes internationaux, sont conçus de façon à respecter les exigences d'une bonne administration de la justice, mais les architectes du système CIRDI n'ont pas adapté sa structure à de tels scénarios. Rien dans la Convention de Washington ou dans les règles d'arbitrage CIRDI ne prohibe explicitement les demandes de masse, mais une telle interprétation extensive ne va-t-elle pas à l'encontre du consentement de l'État ? En l'absence de toute disposition à cet effet, l'Argentine n'avait aucun moyen de prévoir la possibilité d'un tel recours contre elle, on pourrait donc arguer qu'un consentement spécial aurait été requis pour permettre ce processus89(*)Consent to jurisdiction is the exception, not the default rule.Thus, when the Convention is silent as to whether the parties consented to jurisdiction, the tribunal should have found there was no consent and therefore no jurisdiction»90(*).

Toutes ces imprécisions dans la détermination de la qualité d'investisseur contribuent donc de différentes manières à l'érosion de l'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage d'investissement. Sans possibilité de prévoir contre qui et de quelle manière il pourrait être attrait devant les tribunaux, l'État n'a aucun moyen de se défendre adéquatement.

B) L'IMPRÉVISIBILITÉ QUANT À L'ORIGINE DE L'ACTE LITIGIEUX

Il s'agit ici de la question de l'imputabilité des actions d'entités infra-étatiques à l'État lui-même pour attraire ce dernier devant un tribunal arbitral. L'égalité des parties peut-elle vraiment être assurée quand l'une d'elles peut être attraite devant le tribunal pour des actions qu'elle n'a pas commises et qu'elle n'aurait pas pu prévenir ? Même si la jurisprudence arbitrale n'est pas uniforme sur ce point, plusieurs tribunaux se sont reconnus compétents ratione personae pour connaitre de la responsabilité des États pour des agissements commis par des entités infra-étatiques.Cette situationamplifie l'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement au détriment de l'État, pour qui il devient de plus en plus difficile de prédire la possibilité d'un contentieux Investisseur-État, ce qui affaiblit ses capacités de défense.

Il faut bien sûr distinguer entre différentes catégories d'entités infra-étatiques. Il est difficile par exemple de contester l'imputabilité d'une action à l'État quand elle a été commise par l'un de ses ministères ou une agence sur laquelle elle exerce un contrôle direct91(*). Les complications se posent surtout au niveau des entités ayant une personnalité juridique distincte de l'État. En droit privé ou public interne, la question ne se poserait pas, cette personnalité distincte obligerait le requérant à poursuivre l'entité elle-même et non pas l'État. Mais en droit international, l'État est normalement responsable des agissements de ses émanations, celles-ci n'ayant pas de personnalité juridique internationale. L'hybridité de l'arbitrage d'investissement complique donc l'adoption d'une solution uniforme en ce qui concerne l'attribution des actes.

L'article 25(3) de la Convention CIRDI précise que « Le consentement d'une collectivité publique ou d'un organisme indépendant de l'État contractant ne peut être donné qu'après approbation par ledit État, sauf si celui-ci indique au Centre que cette approbation n'est pas nécessaire ». L'interprétation de cet article n'a pas été uniforme ; l'approbation de l'État concerne-t-elle uniquement la possibilité pour ces entités d'être directement parties à un litige ou couvre-t-elle également le consentement de l'État à être liés par les agissements de tels organismes ? Le tribunal arbitral dans CTN c. Saint Christophe et Nevis par exemple a considéré qu'en l'absence de notification conforme à l'article 25(3), le gouvernement fédéral ne pouvait pas être tenu responsable des agissements d'une autorité fédérative92(*). Le tribunal dans l'affaire Vivendi c. Argentine arrive cependant à la conclusion contraire93(*), affirmant par ailleurs que «under international law, and for purposes of jurisdiction of this Tribunal, it is well established that actions of a political subdivision of federal state [...] are attributable to the central government»94(*).Dans l'affaire Maffezinic. Espagne95(*), le Tribunal a considéré que: «a private corporation operating for profit while discharging essentially governmental functions delegated to it by the State could, under the functional test, be considered as an organ of the State and thus engage the State's international responsibility for wrongful acts»96(*). La responsabilité de l'État a donc pu être mise en oeuvre du fait des agissements d'une partie privée concessionnaire d'un service public. Quant aux entreprises publiques, elles ont très souvent été à la source de litiges Investisseur-État97(*), mais la méthode d'attribution de ces agissements a oscillé entre différentes théories tel que celle de la Culpa in Vigilando de l'État ou encore celle de l'Alter Ego98(*). Les tribunaux ont souvent recours par ailleurs au droit international coutumier, notamment les articles 4 et 5 du projet d'articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite, pour justifier l'attribution d'un acte à l'État. James Crawford souligne cependant que le recours à ces règles doit rester subsidiaire et peut être contourné si le traité d'investissement contient des règles spéciales d'attribution99(*) comme l'illustre l'affaire UPS c. Canadaen ce qui concerne l'ALENA100(*).

L'État hôte est donc tenu responsable des agissements d'une multitude d'acteurs avec lesquels ses liens sont souvent assez minimes. L'inconsistance jurisprudentielle quant aux méthodes d'attribution ne fait qu'augmenter le risque d'un déséquilibre des armes entre les parties.

C) L'IMPRÉVISIBILITÉ QUANT AUX PROTECTIONS GARANTIES

Le mécontentement de certains États à l'égard du système Investisseur-État concerne non seulement les aspects procéduraux du mécanisme, mais également le droit substantiel mis en oeuvre devant ces tribunaux. La responsabilité de l'État est engagée pour violation des dispositions d'un traité d'investissement, celles-ci peuvent contenir des prohibitions spécifiques, comme l'interdiction de l'expropriation, ou font référence à des « standards de traitement ». L'expropriation est un concept assez facile à comprendre même pour un profane, il s'agit essentiellement de la confiscation par l'État de la propriété foncière d'un individu101(*). En effectuant une expropriation, l'État devrait donc ordinairement être conscient de la nature de ses agissements, mais cela se complique lorsqu'il s'agit d'« expropriation indirecte », construction jurisprudentielle qui mérite d'être examinée(i). En ce qui concerne les standards de protection, il faut en distinguer deux catégories : les standards contingents tels que les clauses de traitement national ou les clauses de la nation la plus favorisée, ceux-ci ne posent pas beaucoup de problèmes car ils sont relatifs à un point de référence objectif que l'État peut facilement identifier. Les standards non-contingents, notamment le standard de traitement juste et équitable, peuvent cependant être beaucoup plus problématiques ; leur contenu est largement ouvert à l'interprétation des arbitres qui en ont parfois fait un standard « fourre-tout »(ii).

i) L'expropriation indirecte

L'expropriation indirecte résulte de mesures prises par l'État dans l'exercice de ses prérogatives régaliennes aux fins de la régulation d'un secteur économique, et qui ont comme conséquence l'impossibilité pour un investisseur de jouir de son investissement. Cette forme d'expropriation n'implique pas nécessairement une privation du droit de propriété de l'investisseur sur son investissement, il suffit qu'elle conduise à une situation où l'investissement devient dépourvu d'utilité car impossible d'exploiter conformément à la législation ou aux régulations nouvellement introduites.

Les mesures pouvant conduire à une expropriation indirecte sont nombreuses : une privation de profits, une révocation de permis d'exploitation, une prohibition d'imports ou d'exports, une création de monopoles étatiques ou encore une taxation exorbitante. Toutes ces actions, connues de la jurisprudence arbitrale102(*),représentent des prérogatives qui peuvent être légitimement exercés par l'État dans certains contextes, ce qui rend difficile l'identification de situations qui cachent une expropriation indirecte.«There is no mechanical formula to determine when measures attributable to the Host State breach the dividing line between legitimate regulation and compensable indirect expropriation»103(*).Certains États ont souvent recours à de telles mesures, légales en apparence, mais qui cachent en réalité une intention de nuire à l'investisseur étranger en perturbant le bon fonctionnement de son investissement de manière à le priver de ses bénéfices. Mais un comportement étatique peut être qualifié d'expropriation indirecte même en l'absence de toute mauvaise intention de la part de l'État104(*). Ceci signifie donc que l'État peut être tenu responsable d'une violation de garanties de protection du fait de l'exercice ordinaire et légitime de ses fonctions.

Ce phénomène remet en question le droit de l'État de réguler105(*), un problème envisagé un peu plus loin dans cette étude. En ce qui concerne l'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement, il se manifeste à ce niveau par l'interprétation inconsistante par les tribunaux arbitraux du concept de l'expropriation indirecte. Il s'agit donc d'un élément additionnel à prendre en compte dans le cadre de cette nature imprévisible de l'arbitrage d'investissement qui se heurte à la bonne administration de la justice.

ii) Le standard de traitement juste et équitable

L'un des sujets les plus controversés en matière d'arbitrage d'investissement est celui de l'utilisation du standard de traitement juste et équitable (STJE) pour la constatation d'une violation de protections garanties dans un TBI. Alors que d'autres standards, tels que celui du traitement national ou encore du traitement de la nation la plus favorisée, sont assez facile à reconnaitre en raison de leur nature contingente, le STJE est une notion beaucoup plus vague dont la définition est difficile à cerner. Le STJE est aujourd'hui présent dans la quasi-totalité des traités d'investissement, et même quand il ne l'est pas, il peut y être incorporé par le biais d'une clause de la nation la plus favorisée. On a parfois considéré que le STJE est le standard de traitement le plus important, une demande alléguant la violation de ce standard étant souvent plus susceptible de réussite qu'une demande formulée sous un standard plus spécifique106(*).

Le contenu du standard de traitement juste et équitable est souvent débattu. L'une des visions avancées est que c'est une simple référence aux garanties minimales du droit international coutumier. Une autre vision perçoit le standard de manière plus élargie, incluant d'autres sources de protections existant en droit international ainsi que des principes généraux du droit. Enfin, on a parfois considéré qu'il s'agit d'un concept autonome non lié au contenu du droit international. Quoi qu'il en soit, l'existence même de cette controverse contribue à l'imprévisibilité du système. « Un certain nombre d'États semblent préoccupés par le fait que moins les arbitres reçoivent de précisions, plus grande est leur marge de manoeuvre et plus la procédure aboutit à des décisions ex aequo et bono »107(*).

«The standard of fair and equitable treatment is relatively imprecise. Its Meaning will often depend on the specific circumstances of the case at issue»108(*).Cette flexibilité est parfois saluée, elle permet en effet de couvrir certaines violations graves des protections garanties qui ne sont pas explicitement exprimés dans le traité. Mais cette caractéristique est une lame à double tranchant, car si elle permet de combler certaines lacunes du régime de protection, elle peut aussi conduire à une interprétation abusive que l'État n'aurait pas pu prévoir lors de sa souscription au TBI. «The current system of investment arbitration has not been designed in order to promote uniformity or consistency in either rule-making or rule -interpretation [...] [the inherently subjective nature] of the Fair and Equitable Treatment Standard, renders its application unpredictable and unmanageable»109(*).

Une conception uniforme de ce que représente le standard de traitement juste et équitable est impossible non seulement à cause des divergences dans les interprétations formulées par les tribunaux, mais aussi à cause de l'inconsistance dans le langage utilisé dans la rédaction de telles dispositions. «Even though many tribunals [...] tend not to find violations lightly, the different threshold that results from a different wording of the FET clause may potentially present a problem, particularly for those countries that have subscribed to treaties using different language. The threshold for qualifying conduct by the State towards one investor protected by one type of standard can be different from the finding of a violation with respect to another investor of a different nationality. The result would then [...] be unpredictable»110(*).

L'une des composantes fondamentales du STJE est sans doute la notion d'expectatives légitimes qui prescrit une certaine mesure de prévisibilité dans l'adoption par l'État de règles et de politiques nouvelles111(*). Une certaine ironie se dessine ici quand on constate qu'en voulant assurer à l'investisseur une sécurité juridique en garantissant la prévisibilité de l'action étatique, les États sont alors eux-mêmes victimes d'une imprévisibilité quant aux conséquences de leurs actions.

L'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement n'est donc pas limitée à la structure procédurale de ce système, mais s'étend aussi à une partie du droit substantiel qui régit la protection des investissements étrangers. « If the State and its subnational entities do not know in advance what type of conduct may be considered a breach of treaty, then it cannot organize its regulatory and administrative decision-making processes and delegation in a way that ensures its conduct will not incur liability»112(*).

Le manque de prévisibilité déstabilise considérablement l'égalité des armes en matière d'arbitrage d'investissement. L'effet de surprise qui résulte de la structure du système met l'État dans un désavantage constant ; d'une part il n'a aucun moyen de prévenir une possible mise en oeuvre de sa responsabilité et donc de conformer son comportement à la légalité (il ne connait pas l'identité de son adversaire potentiel et peut être tenu responsable d'agissements qui ne sont pas les siens), et d'autre part, une fois l'instance déclenchée, il n'a pas la possibilité de se défendre adéquatement car il ne connaît pas l'étendue réelle de ses obligations (l'interprétation faite par les arbitres des différentes garanties incluses dans les TBI étant inconsistante).

III- LE DÉRAILLEMENT DE LA FONCTION ÉTATIQUE

Le problème examiné ici sort du cadre strict de la question de l'égalité des armes. Il s'agit d'un problème se situant non pas au niveau du mécanisme lui-même mais au niveau des conséquences indirectes de l'utilisation du mécanisme sur la situation des parties. On regardera donc au-delà de la procédure arbitrale et du droit substantiel de l'investissement pour essayer de comprendre quelles sont lesrépercussionsde l'arbitrage d'investissement qui ont conduit au mécontentement grandissant des États envers ce système. De par sa nature, le système Investisseur-État a posé un fardeau excessif (undue burden) sur l'État qui se trouve de plus en plus souvent pris dans un dilemme entre le respect de ses obligations envers les investisseurs et l'exercice nécessaire de ses fonctions régaliennes. En plaçant l'État dans une telle situation, celui-ci est naturellement désavantagé par le système ; comme mentionné plus haut, ses options se résument alors à un choix entre une violation de ses obligations envers les investisseurs étrangers et une violation de ses obligations envers ses citoyens. L'égalité des armes (au sens large) est alors violée du fait que quoi que fasse l'État, il sera d'une manière ou d'une autre en violation de ses obligations. L'arbitrage d'investissement porte donc atteinte aux fonctions étatiques tantôt de manière active en se heurtant à l'intérêt public (A) tantôt de manière passive en privant l'État de sa capacité de réglementer (B).

A) LA MÉCONNAISSANCE DE L'INTÉRÊT PUBLIC

La souveraineté appartient au peuple, et dans toute société démocratique, le gouvernement est responsable devant ses citoyens. La promotion et la protection des investissements étrangers est loin d'être la seule fonction d'un gouvernement, celui-ci doit organiser et réguler d'innombrables secteurs d'activités conformément à une politique publique bien définie, afin de promouvoir l'intérêt public. De plus, un gouvernement est élu spécifiquement sur la base d'une politique qu'il entend mettre en oeuvre, celle-ci devient une mission du gouvernement et même une obligation envers ses citoyens. Si ce dernier n'arrive pas à tenir ses promesses électorales, l'intérêt public est alors lésé et le gouvernement aura manqué à ses obligations envers le peuple. Qu'arrive-t-il alors si cette politique publique se heurte avec les garanties de protection données aux investisseurs étrangers dans des contrats ou des traités ? Le tribunal arbitral dans l'affaire Soabi c. Sénégal apporte la réponse suivante :  «it is not the function of an arbitral tribunal to ensure compliance with the internal public policy of a country for discharging the government of that country of an obligation it recognizes»113(*).Cette position est fortement remise en question aujourd'hui, les États et leurs citoyens acceptent mal que les intérêts financiers d'acteurs étrangers prévalent sur l'intérêt public de tout un pays.

L'affaire Soabi date d'une époque où l'arbitrage d'investissement n'avait pas la même envergure qu'il connait aujourd'hui. La méconnaissance par les tribunaux de l'intérêt public de l'État partie au différend a déjà conduit à un nombre de sentences très controversées. Même dans certaines affaires qui au final n'ont pas été décidées en faveur du demandeur, la simple contestation d'une politique publique d'intérêt général avait suffi pour déclencher des troubles publics au sein de l'État concerné. Dans le contexte de l'ALENA par exemple, la responsabilité du Canada a été mise en cause dû à sa prohibition d'un produit cancérigène114(*), celle des États-Unis pour des mesures de protections culturelles et sanitaires115(*), et celle du Mexique pour le refus d'un permis de traitement de déchets dû à des risques environnementaux116(*). L'Allemagne s'est engagée en l'an 2000 à un abandon progressif du recours à l'énergie nucléaire ; cette décision a conduit à la contestation de ces mesures par un investisseur dans un arbitrage Vattenfall II c. Allemagne117(*). Selon Stephen Schill, la question de l'abandon du nucléaire représente «an issue which has marked Germany's social and political culture over the past decades like no other issue apart from the fall of the Berlin Wall»118(*), on peut donc comprendre que sa remise en question par un tribunal arbitral sorti de nulle part pourrait frustrer l'opinion publique allemande.

L'Argentine, le Venezuela et l'Espagne ont eu des expériences très amères avec le CIRDI. Suite à une crise financière en 2001, l'Argentine a dû prendre des mesures urgentes pour la sauvegarde de son économie, ces mesures ont donné lieu à une pléthore d'arbitrages CIRDI initiés contre l'État sud-américain qui lui ont couté des centaines de millions de dollars en dommages-intérêts, sans oublier les frais d'avocats et d'arbitres119(*). L'un des projets phares depuis 1998 du gouvernement socialiste du Venezuela a été la renationalisation de certains secteurs de l'énergie, une politique qui était au centre du schéma dessiné par Hugo Chavez pour la réforme de l'économie vénézuélienne et la réduction du taux de pauvreté endémique. Cette politique, très populaire parmi les citoyens du pays, a provoqué l'initiation de plus d'une dizaine d'arbitrages, ce qui a conduit à la dénonciation par le Venezuela de la Convention de Washington et d'un nombre de TBI120(*). La politique d'austérité menée par le gouvernement espagnol depuis 2011 comprend entre autres une réforme dans le système des subventions qui a lourdement affecté les investissements dans les énergies renouvelables, par conséquent, l'Espagne fait actuellement face à plus de 24 arbitrages enregistrés en moins de trois ans121(*).

Face à des crises économiques, environnementales et humanitaires, les États ont un droit légitime d'intervenir par le biais de régulations et de législations afin de remédier à ces problèmes122(*). Un gouvernement a une obligation envers ses citoyens non seulement de tenir ses promesses électorales, mais plus généralement de veiller au respect et à la promotion de l'intérêt public. Même si au final l'arbitrage ne va pas annuler la réglementation prise par l'État, le simple fait que celui-ci va devoir payer des millions de dollars en compensation à un investisseur étranger est assez pour frustrer l'opinion publique. Quoi que fasse le gouvernement, il risque l'érosion de son soutien populaire, il est constamment dans une position inconfortable qui le pousse souvent à résoudre ce genre de litiges à l'amiable123(*) ; face à des armes trop puissantes il préfère brandir le drapeau blanc.

B) LE RISQUE DE GEL RÉGLEMENTAIRE

Le « gel réglementaire » ou `regulatory chill', expression anglaise plus couramment utilisée, est une théorie avancée par plusieurs auteurs affirmant qu'en conséquence de la multiplication des recours à l'arbitrage d'investissement, les États sont désormais méfiants d'adopter de nouvelles réglementations et législations. «Regulatory chill in the face of litigious heat»124(*), le risque d'être poursuivi devant un tribunal arbitral par un investisseur étranger rendrait les États réticents d'exercer leurs pouvoirs réglementaires, créant ainsi une quasi-paralysie de la fonction créatrice de normes de l'État. L'État pourrait aussi choisir de ne pas assurer la mise en oeuvre de règles déjà existante de peur que leur application ne conduise à un contentieux Investisseur-État. «A State actor will fail to enact or enforce bona fides regulatory measures because of a perceived or actual threat of investment arbitration»125(*).

L'arbitrage d'investissement aurait donc pour effet non pas seulement la remise en cause de mesures prises en vertu de l'intérêt public, mais aussi la neutralisation du pouvoir de l'État de réglementer et de légiférer. Cette hypothèse est d'ailleurs au coeur des critiques dirigées envers l'adoption proposée du Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement (connu communément par l'abréviation anglaise TTIP) qui contient lui-même un mécanisme de résolution des différends Investisseurs-États126(*). Une constatation scientifique de ce phénomène est difficile à élaborer ; l'effet analysé a un caractère passif donc non quantifiable, ce qui rend compliqué l'apport de preuves tangibles qui pourraient confirmer l'hypothèse avancée. Kyla Tienhaara arrive quand même à illustrer le problème par le biais d'un exemple relatif à la régulation environnementale au Costa Rica : Harken Energy et Vanessa Venture dont deux affaires distinctes où, suite à l'instauration d'un moratorium sur l'exploitation des mines à ciel ouvert, des investisseurs étrangers ont menacé de recourir à l'arbitrage d'investissement. Tienhaara démontre le changement d'attitude de l'État centraméricain entre les deux affaires : après avoir ignoré la menace lors de la première affaire et par la suite subit les complications d'un arbitrage contre une société multinationale, le Costa Rica décide de ne pas mettre en oeuvre sa réglementation environnementale face à une menace renouvelée par une autre société de recourir à l'arbitrage d'investissement. Cet État a donc préféré abandonner sa politique environnementale plutôt que de devoir faire face à une nouvelle action par un investisseur127(*).

On peut par ailleurs s'apercevoir que certaines sociétés multinationales semblent avoir détourné le système pour exercer de la pression sur des États afin de les pousser à abandonner de nouveaux projets de réglementation. Deux affaires très médiatisées128(*) ont été initiées par le géant du tabac Philip Morris International à l'encontre de l'Australie et de l'Uruguay respectivement. Philip Morris allègue une violation de garanties TBI à la suite de campagnes anti-tabac menés par ces États. Le tribunal dans l'affaire contre l'Australie s'est récemment déclaré incompétent pour connaitre du fond du litige129(*), et l'affaire contre l'Uruguay est toujours pendante, mais l'important ici n'est pas vraiment le résultat final de ces arbitrages, mais le pouvoir de chantage dont disposent désormais les investisseurs étrangers à l'encontre des États. L'absence de force obligatoire du précédent jurisprudentiel, couplé avec l'impossibilité pour l'État de présenter des demandes reconventionnelles, signifie que celui-ci ne pourra jamais s'assurer qu'une menace d'arbitrage, même outrageuse, ne finira pas par aboutir et l'obliger à payer.

Malgré le fait que le phénomène du « gel réglementaire » ne peut pas vraiment être mesuré ou évalué objectivement, il n'est pas impossible d'imaginer que le système Investisseur-État pourrait être perverti par les entreprises multinationales pourexercer de la pression et mener un chantage à l'encontre d'États afin que ceux-ci renoncent à l'application ou à l'introduction de réglementations contraires à leurs intérêts financiers. On ne parle alors plus d'une inégalité des armes inhérente au système de l'arbitrage d'investissement, mais de l'utilisation du système lui-même en tant qu'arme pour contraindre les États à se plier à la volonté des multinationales, déraillant ainsi la souveraineté étatique.

En conclusion, un problème tangible existe aujourd'hui en arbitrage d'investissement. En voulant protéger la partie faible on l'a surarmé, de sorte qu'aujourd'hui l'État se trouve bien souvent en position de faiblesse, the State has been outgunned. La configuration actuelle de l'Arbitrage Investisseur-État a permis « an Over-Empowering of Investors »130(*), brisant ainsi l'égalité des armes, garantie fondamentale d'un procès équitable et pierre angulaire de la justice internationale. Une analyse a été portée sur l'asymétrie inhérente au système du fait de l'impossibilité pour l'État de se poser en demandeur, et les répercussions de cet état d'affaires sur le bon déroulement de la justice. L'étude des nombreux aléas du mécanisme a révéléqu'il est extrêmement difficile, si ce n'est impossible, pour l'État de préparer une bonne défense. Enfin, il a étédémontré comment, en raison de ces incertitudes et ces incapacités d'action, le système lui-même a été perverti pour servir de moyen de chantage des sociétés multinationales contre les États. Avant d'envisager les solutions possibles à ces problèmes, il convient de s'attarder d'abord sur certaines préoccupations des investisseurs concernant la structure du système. Il est vrai que cette étude penche plutôt vers l'hypothèse selon laquelle c'est l'État, et non pas l'investisseur, qui est désavantagé par la configuration actuelle de l'arbitrage d'investissement, mais cela n'empêche pas de prendre en considération certains arguments avancés par le camp pro-investisseur afin d'étudier les solutions possibles dans une perspective plus large et mieux informée, et d'élaborer des propositions susceptibles de satisfaire un plus grand nombre d'acteurs.

SECTION 2 : LES PROBLÈMES AUXQUELS FONT FACE LES INVESTISSEURS

Pour certains auteurs et certains acteurs, l'arbitrage d'investissement ne donne pas aux investisseurs toutes les « armes » nécessaires pour la réalisation de son but cardinal : la protection des investissements étrangers contre l'arbitraire et l'hostilité potentielle des autorités publiques locales. Selon Pierre Lalive, un facteur constant handicape le système à sa base:«the inherent and natural difficulty of a State (or State-controlled entity) to accept a basic tenet of arbitral procedure, i.e., the principle of equality of the parties»131(*). Les États ne joueraient donc pas fair-play, ils acceptent d'être liés par le système pour ensuite tout faire pour le contourner ou le mettre en échec. «Equality of arms can be impaired by abuse of a Respondent State's resources and powers»132(*) précise Thomas Wälde, «self-restraint is difficult for some governments, particularly if the investment dispute is seen as a domestic political risk»133(*).

L'État, de par sa nature souveraine, dispose de moyens de coercition très puissants, des armes qu'il accepte de ne pas utiliser quand il consent à l'Arbitrage Investisseur-État. Mais certains États ont apparemment du mal à respecter les règles du jeu et utilisent leurs pouvoirs supérieurs pour détraquer le processus arbitral. Cette étude envisagera trois reproches du « camp investisseurs » à l'encontre de l'arbitrage d'investissement : laquestion de l'exécution des sentences arbitrales (I), le problème de l'abus d'autorité par l'État (II) et la question de l'impartialité et l'indépendance des arbitres (III).

I- L'EXÉCUTION DES SENTENCES ARBITRALES

L'égalité des armes, même dans son sens strict, s'applique non seulement au déroulement du procès mais aussi à la phase post-décision. Un investisseur ayant obtenu gain de cause par le jugement d'un tribunal arbitral est alors en possession d'une sentence arbitrale stipulant la nature et le montant de ses droits de réparation. La matérialisation de ces réparations constitue cependant une toute autre bataille pour l'investisseur, une bataille où il semble effectivement ne pas disposer d'armes du même calibre que son adversaire souverain. «The enforcement of arbitral awards made in foreign investment disputes has been far more difficult an issue than the enforcement of an arbitral award made in other transnational disputes involving private parties. The difficulties stem from the presence of a sovereign party [which] immediately raises issues related to sovereign immunity and act of state»134(*).Une justice bien menée ne se contente pas d'apporter à un justiciable une constatation de ses droits, elle doit aussi lui donner les moyens de faire respecter ces droits. Ces moyens, dans tout système juridique, sont les moyens d'exécution : des procédures à travers lesquelles les autorités publiques assistent le justiciable dans l'accomplissement de la justice. Le problème se pose justement quand l'exécution est demandée à l'encontre des autorités publiques elles-mêmes, celles-ci pouvant choisir d'être non-coopératives. Au niveau de l'exécution dans un État étranger, on retrouve le principe des immunités étatiques qui viennent compliquer le recours du justiciable.

En matière d'exécution de sentences arbitrales issues d'arbitrages d'investissement, une distinction fondamentale doit être faite entre les sentences CIRDI et les sentences non-CIRDI (presque toujours des sentences CNUDCI). «The ICSID system, unique in the arbitration world, is by design divorced from national systems of law. This isolation brings with it an ease of enforcement that does not attach to awards rendered by UNCITRAL tribunals»135(*).Cette assertion est sans doute vraie en théorie, mais en pratique l'arbitrage CIRDI(A) et l'arbitrage CNUDCI(B) prennent deux chemins différents pour arriver à un même obstacle.

A) L'EXÉCUTION DE SENTENCES CIRDI

Le système CIRDI est souvent décrit comme étant un « régime auto-suffisant » (Self-Contained Regime) ; ceci signifie que les sentences CIRDI sont détachées de tout ordre interne d'un État136(*). Le siège de l'arbitrage n'a aucun impact sur la procédure et il est impossible pour les juridictions nationales de statuer sur la validité d'une sentence CIRDI. L'article 54(1) de la Convention de Washington dispose que : « Chaque État contractant reconnait toute sentence rendue dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure l'exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État ».

L'avantage incontestable de l'arbitrage CIRDI est la reconnaissance automatique de la validité de la sentence dans chacun des États membres. «As a consequence of recognition, the award becomes a valid title which can form the basis for execution»137(*).Ceci laisserait donc croire que l'exécution d'une sentence CIRDI serait chose facile même en cas de non-coopérativité de la part de l'État perdant. Cependant l'article 55 de la Convention précise que : « Aucune des dispositions de l'article 54 ne peut être interprétée comme faisant exception au droit en vigueur dans un État contractant concernant l'immunité d'exécution dudit État ou d'un État étranger ». Bruno Oppetit commente alors que « le souci d'efficacité dont témoigne la Convention de Washington dans son article 54 se trouve en effet fortement contrebalancé, sinon même annihilé, par la place faite dans l'article 55 au jeu de l'immunité d'exécution [...] on ne peut que redouter l'ineffectivité dont risquent de ce fait de pâtir les sentences CIRDI »138(*). Aron Broches précise que «Article 55 merely acknowledges the existence of a principle of public international law that would govern unless waived, or abolished in relation to a particular country by its legislation»139(*). En somme, ceci signifie qu'en dépit de la renonciation par l'État à l'immunité de juridiction de par sa souscription à une clause compromissoire CIRDI, l'immunité d'exécution est maintenue sauf indication contraire. Ce problème est partagé avec les sentences CNUDCI, ses conséquences seront donc examinées dans la sous-partie suivante.

Un facteur spécifique au système CIRDI, et contribuant à son caractère auto-suffisant, est l'existence d'un mécanisme d'annulation des sentences au sein de la Convention de Washington. La finalité des sentences CIRDI est donc quelque peu moins garantie que celles des sentences arbitrales ordinaires.  «While ease of enforcement is often cited as one of the main advantages of ICSID arbitration, a perceived drawback is the ability of a disgruntled party to seek annulment of the award. A significant number of ICSID Awards have been subject to annulment proceedings and the substantial majority of these have resulted in the award being partially or fully annulled»140(*). Bien que les motifs d'annulations soient limitativement énumérés à l'article 52, les États peuvent avoir recours à ce mécanisme pour compliquer et retarder le processus. Il ne s'agit pas vraiment ici d'une inégalité des armes, étant donné que les deux parties ont le pouvoir d'initier ce recours si elles ne sont pas satisfaites de la décision du tribunal. Cependant, le fait que l'État est toujours défendeur en arbitrage d'investissement signifie qu'il ne cherchera jamais l'exécution d'une sentence, ce qui fait qu'il est le seul à pouvoir utiliser ce recours de manière abusive alors que cela ne pourra jamais se poser pour un investisseur. On pourrait donc considérer que cela représente en quelque sorte une inégalité des armes, même s'il est plutôt question d'une utilisation déloyale de ces armes.«The frequency with which the annulment procedure has been invoked has led to the questioning of the effectiveness of the ICSID system. The much touted finality in the system is being proved a myth as it may be possible for a party to keep the process alive for a long time»141(*).

B) L'EXÉCUTION DE SENTENCES CNUDCI

Les sentences arbitrales Investisseur-État rendues sous le régime des règles CNUDCI (ou par ailleurs toutes autres règles non-CIRDI, tel que celles de la CCI ou de la Chambre de Commerce de Stockholm) suivent à peu près la même procédure d'exécution que les sentences arbitrales rendues en matière commerciale. Le principal véhicule garantissant la reconnaissance et l'exécution de ces sentences est la Convention de New York de 1958. Si en principe il n'y a pas de recours d'appel possible contre une sentence CNUDCI, le fait que ce type de sentences ne bénéficie pas du régime de reconnaissance automatique du CIRDI signifie que les juridictions du siège de l'arbitrage peuvent, conformément à la Convention de New York, priver la sentence de son efficacité. «Enforcing an investment treaty award against a reluctant State is generally [a] complex task, especially when the award is obtained outside the ICSID system»142(*). De plus, la Convention de New York permet aux juridictions nationales de refuser l'exécution des sentences sous certaines conditions, notamment si le fond du litige n'est pas arbitrable ou si la sentence est contraire à l'ordre public de l'État d'exécution143(*). L'exécution d'une sentence CNUDCI peut donc s'avérer compliquée, surtout que la Convention de New York n'a pas été conçue avec la préoccupation d'être appliquée dans un arbitrage comprenant un État souverain144(*). Par conséquent, l'immunité d'exécution peut ici aussi se poser en obstacle à la réalisation du but de l'investisseur.

«Sovereign immunity continues to be as much an impediment to the enforcement of ICSID awards as it is to the enforcement of any other arbitral award made in a foreign investment dispute»145(*). L'immunité d'exécution est donc un problème commun à l'arbitrage CIRDI et l'arbitrage non-CIRDI. Certains auteurs ont parfois théorisé qu'en souscrivant à la clause compromissoire, l'État renonce non seulement à l'immunité de juridiction mais aussi à l'immunité d'exécution ; «It is rather illogical that in matters of arbitration a waiver of immunity is accepted with respect to jurisdiction but not with respect to execution. If a State agrees to arbitration, it must be deemed to have accepted all its consequences, including compliance with an unfavorable award»146(*). Malgré la logique de ces propos, la pratique n'a jusque-làjamais adopté cette position, mais elle a quand même mis certaines limites à l'invocation de l'immunité souveraine ; certaines juridictions nationales ont adopté une approche fonctionnaliste, par opposition à l'approche absolutiste, quand elles font face à des questions d'immunité147(*). Cette approche distingue entre les activités gouvernementales et les activités commerciales de l'État, elle dispose que les biens de l'États liés à ses activités commerciales ne bénéficient pas d'immunités et peuvent donc faire l'objet d'une procédure d'exécution. Cette approche relaxe donc un peu le problème de l'immunité, mais elle n'empêche le fait que la distinction entre les deux catégories d'activités de l'État est rarement facile à établir. «Enforcement of an arbitral award can seldom be secured through a domestic court. [...]Unless the kind-hearted ambassador is willing to point to the commercial property that is held within jurisdiction by his country, the law offers no comfort to a plaintiff who wishes to have his award enforced»148(*).

Les investisseurs ont donc un reproche légitime à faire quant à l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Ils ont effet tous les moyens pour gagner la bataille, mais pas pour gagner la guerre. Une sentence arbitrale qui reste sans exécution ne vaut pas grand-chose, elle aura même couté à l'investisseur des sommes considérables en frais d'avocats et d'arbitres. Les États perdants se soumettent plus souvent que non à la décision du tribunal, mais ils ne manquent pas à compliquer et retarder la procédure autant que possible. Un État récalcitrant peut cependant s'abstenir de toute coopération et rendre quasi-impossible pour l'investisseur d'obtenir satisfaction.

II- L'ABUS D'AUTORITÉ PAR L'ÉTAT

L'un des déclencheurs les plus communs d'un arbitrage d'investissement est l'utilisation abusive par l'État de ses pouvoirs.Souvent, cet abus ne s'arrête pas une fois l'arbitrage initié, au contraire, certains États n'hésitent pas à user de leurs pouvoirs pour porter atteinte à un autre droit de l'investisseur : le droit à un procès équitable qui comprend notamment le droit à l'égalité des armes. Tout État, aussi faible qu'il soit, possède un arsenal fabuleux de moyens de coercition, le monopole de la contrainte étatique étant d'ailleurs un principede basedu droit constitutionnel. L'État devrait en principe s'abstenir de tout usage abusif de ses prérogatives, mais face à la menace d'un arbitrage qu'il perçoit comme une ingérence, il pourrait choisir de contrattaquer l'investisseur par le biais d'armes non-conventionnelles.«Some Governments, particularly in authoritarian states with weak `rule of law', find it difficult to refrain from using the many means at their disposal to frustrate the arbitration or steer it in their favor»149(*). L'État peut donc détourner des procédures légitimes pour exercer de la pression sur l'investisseur (A) ou peut tout simplement user de ses pouvoirs pour obstruer le bon déroulement de la justice (B).

A) L'USAGE DES PRÉROGATIVES ÉTATIQUES À DES FINS NON-LÉGITIMES

A la suite de l'initiation d'un arbitrage d'investissement, les autorités étatiques prennent parfois un intérêt sans précédent dans les activités de l'investisseur sur leur territoire. Cet intérêt se manifeste notamment par des procédures de contrôle visant à vérifier la conformité de l'investissement étranger aux régulations en vigueur.Les contrôles d'enviromental compliance deviennent par exemple une méthode favorite de certains États, comme la Russie, pour mettre de la pression sur les investisseurs litigants150(*) ; sous couvert de la protection de l'environnement, but noble et légitime, l'État complique la vie à l'investisseur et terni sa réputation, action qui pourrait avoir des conséquences importantes lors de l'arbitrage. L'État peut aussi décider de soumettre l'investisseur à des audits fiscaux, procédures lourdes un invasives qui permettent aux autorités publiques de contrôler la quasi-totalité des dossiers de l'investisseur. Les autorités fiscales peuvent ainsi procurer à l'État des informations et des preuves auxquels il n'aurait pas normalement accès à travers la procédure arbitrale. Il s'agit là d'un détournement de procédure dangereux qui pourrait peut-être en lui-même justifier un nouveau recours à l'arbitrage d'investissement. Les pouvoirs de police de l'État sont des attributs extrêmement importants sans lesquels il est impossible d'assurer une bonne gouvernance, mais l'usage abusif et discriminatoire de ces mesures à des fins de stratégie contentieuse constitue une violation flagrante du principe de l'égalité des armes.

Par ailleurs, une tactique assez fréquemment employée par les États défendeurs est le déclenchement d'enquêtes et de poursuites pénales à l'encontre de l'investisseur. Cette méthode a naturellement le double avantage de mettre une pression intenable sur l'investisseur et de permettre à l'État d'obtenir davantage d'informations sur son adversaire. La police turque a par exemple intercepté des communications confidentielles entre un investisseur et ses avocats dans l'affaire Libananco c. Turquie151(*)sous guise d'investigations pénales sans rapport avec l'affaire en cours d'arbitrage. Le tribunal arbitral dans l'affaire Quiborax c. Bolivie a ordonné à l'État sud-américain, dans une décision provisoire, de suspendre les procédures pénales entamées à l'encontre d'individus impliqués dans l'affaire152(*). Le tribunal a reconnu ne pas avoir le pouvoir d'interdire à un État de recourir à ses pouvoirs de poursuite pénale mais a aussi souligné que la préservation l'intégrité de la procédure arbitrale nécessitait une limitation de ces pouvoirs153(*).

Ce phénomène est particulièrement problématique car ces prérogatives sont étroitement liées à l'exercice par l'État de ses pouvoirs souverains, chose qu'un tribunal arbitral ne peut se permettre de méconnaitre. Le recours à de telles mesures est essentiel à la protection par l'État de l'intérêt public et est plus souvent que non légitime et justifié. Mais le potentiel d'abus existe et le tribunal arbitral a très peu de marge de manoeuvre lui permettant de rectifier ce déséquilibre des armes. «Tribunals faced with such challenges have to weigh the legitimate exercise of State powers against the equally imperative requirement to maintain and proactively restore the equality of arms»154(*).

B) L'OBSTRUCTION DE LA JUSTICE PAR L'ÉTAT

Pour saboter l'arbitrage, l'État peut aussi exercer son influence indirectement pour ralentir et compliquer l'arrivée à une décision par le tribunal. En matière de preuves par exemple, l'État peut refuser à l'investisseur et au tribunal l'accès à certains documents qu'il juge confidentiels. «Virtually every national government has some doctrine protecting military, diplomatic, and other State secrets. The rationale for the privilege is that the danger to the national interest from disclosure outweighs any public of or private interest in truthful fact-finding in a particular litigation»155(*). L'État est le seul juge de ce qui est ou n'est pas confidentiel, il peut ainsi choisir de classifier certains documents comme tel alors qu'ils sont essentiels à l'investisseur pour établir son préjudice. L'inégalité dans les moyens de production de preuves est une illustration parfaite de l'inégalité des armes, et c'est aussi un problème auquel le tribunal ne peut pas facilement remédier. L'État peut aussi soumettre des preuves falsifiées avec beaucoup plus d'aisance que ne peut le faire une personne privée156(*). «Investment tribunals, unlike State courts, have no way of effectively compelling a State party to comply with discovery requests or to punish concealment of documents, forgery, or fraudulent submission or testimony»157(*).

Quand l'État fait face à un investisseur modeste dont les ressources financières ne sont pas sans limites, il peut recourir à une stratégie dilatoire en abusant la procédure arbitrale. L'État, mieux financé pour le litige, fait de son mieux pour multiplier considérablement les coûts de l'arbitrage, de façon à mettre une pression financière sur le demandeur. L'État peut alors retarder la constitution du tribunal, contester l'indépendance et la neutralité des arbitres, soulever toutes les objections procédurales et juridictionnelles possibles, maximiser les temps de réponse pour chaque phase, insister sur le plus grand nombre d'audiences possible, changer d'avocats, multiplier les témoignages pour forcer le demandeur à y répondre, et initier tout recours possible post-décision pour contester la validité de la sentence158(*). Une inégalité financière des parties n'est pas à proprement parler une inégalité des armes, et l'État peut souvent se permettre d'utiliser cet avantage pour détraquer une procédure initiée par un demandeur aux fonds financiers limités. Le tribunal arbitral ne peut pas faire grand-chose pour contrer ce déséquilibre ce qui en fait en pratique une inégalité manifeste des armes.

L'État peut en arriver à l'intimidation et le harcèlement des personnes liées à l'affaire. Il peut par exemple refuser des visas aux experts et avocats venant de l'étranger, mettre ces personnes sur des listes noires, les noyers dans des complications bureaucratiques. Si le demandeur fait appel à des témoins qui sont fonctionnaires publics, l'État peut inventer des mesures disciplinaires ou des refus de promotion pour dissuaderses subordonnés. Il est intéressant par ailleurs de noter que la seulesentence connue où un tribunal arbitral fait explicitement référence à la notion d'égalité des armes concernait une possible interférence de la part des États-Unis dans les relations entre l'investisseur et ses avocats et une interception de leurs communications :«the Disputing parties each owed in this arbitration a general legal duty to the other and to the Tribunal to conduct themselves in good faith during these arbitral proceedings and to respect the equality of arms between them»159(*).

L'égalité des armes est donc sérieusement affectée par la détention par l'État de pouvoirs coercitifs pouvant considérablement affecter le bon déroulement de la procédure arbitrale. L'État, avec ou sans le couvert de l'utilisation de pouvoirs légitimes, peut mener une contre-offensive qui gênera énormément le processus arbitral et pourra même conduire à une renonciation de l'investisseur à sa demande et à ses droits. Il est vrai que l'investisseur peut lui aussi agir de manière déloyale quand il en a les moyens, mais les implications de cette possibilité sont très différentes de la situation où l'abus provient de l'État ; « With control of the levers of government, public, formal, legal or secret, the State as a rule will not be distrubed by the existing institutions of justice (police, prosecution, courts), they will be a part of its litigation conduct »160(*).

III- L'INDÉPENDANCE ET L'IMPARTIALITÉ DES ARBITRES

La question de l'indépendance et l'impartialité des arbitresa été évoquée en dernier lieudans ce chapitre car bien qu'elle soit le plus souvent soulevée par le camp pro-investisseur, elle pourrait également être soulevée par le camp pro-État. «No one with a dog in the fight should judge the competition. Nor should anyone serve as a referee in a game after having decided which team will win»161(*).L'indépendance et l'impartialité de l'arbitre sont des critères essentielsà la validité de tout arbitrage. Une sentence arbitrale peut d'ailleurs être annulée pour cause de corruption d'un membre du tribunal dans le régime CIRDI (Art. 52). Le tribunal arbitral est le gardien de l'égalité des armes, sa prédisposition envers l'une des parties violerait donc naturellement l'équilibre exigé pour le bon déroulement du procès. La question sera d'abord examinée du point de vue des investisseurs(A), avantde fermer enfin le cercle en démontrant que l'État peut aussi avoir des doutes légitimesquant à la neutralité des arbitres (B).

A) L'EXERCICE DE L'INFLUENCE DE L'ÉTAT SUR LES ARBITRES

En ce qui concerne d'abord les arbitres désignés par l'État parti au litige, il semblerait qu'ils se sentent souvent obligés de recevoir des instructions de la part des autorités gouvernementales impliquées, ou au moins de les tenir informés des développements, ceci étant la conséquence de l'aura de l'État en tant que souverain162(*). Il est bien sûr difficile de ramener des preuves de tels agissements, ceux-ci se faisant en toute discrétion, mais il s'agit d'un phénomène assez fréquemment mentionné par les praticiens du domaine163(*). Par ailleurs, ces arbitres sont particulièrement susceptibles d'être victimes du phénomène du client récurrent (repeat client). L'arbitre vie de dossier en dossier, contrairement au juge permanent il n'a aucune garantie quant au futur de sa carrière, il est donc conscient que son comportement à l'occasion d'un arbitrage peut avoir des conséquences considérables sur ses désignations futures. En arbitrage commercial, ceci a pour effet d'encourager l'arbitre d'être au summum du professionnalisme, notamment en maintenant une neutralité exemplaire, une telle réputation ne pouvant qu'augmentersa popularité en tant qu'arbitre. Mais en arbitrage d'investissement, il est de loin beaucoup plus fréquent pour un même État que pour un même investisseur d'être parti à multiples instances arbitrales. L'arbitre désigné par l'État aura donc plus de motivation que l'arbitre désigné par l'investisseur de favoriser la position de son désignateur, ou même plus généralement d'adopter sur les différentes problématiques des positions fermement pro-État. Le client récurrent forge alors une relation avec l'arbitre récurrent, ce qui nuit à la crédibilité du système:«multiple appointments of the same arbitrators could well be leading to an unhealthy perception of bias and credibility, putting at risk the very credibility of the ICSID system»164(*).

De plus, les arbitres peuvent eux-aussi, comme les avocats et les témoins, être victimes d'abus de pouvoirs par l'État défendeur. Hormis les exemples d'abus déjà mentionnés dans la partie précédente un État autoritaire peut en arriver à une intimidation flagrante des arbitres et même le recours à la violence. Une pratique de plus en plus fréquente est la délivrance par les tribunaux de l'État défendeur d'injonctions anti-arbitrages (anti-arbitration injunctions) ordonnant aux arbitres de s'abstenir de toute décision sous peine de nullité de leur sentence et potentiellement de poursuites pénales165(*).Dans l'affaire Himpurna166(*) par exemple, l'arbitre désigné par l'Indonésie a été arrêté à l'aéroport et interdit de participer à la procédure, ce qui a donné lieu à une décision rendue par un tribunal incomplet. Il a même été question d'assassinat d'un arbitre dans un arbitrage ad hoc confidentiel s'étant déroulé en 1980167(*). Face à de tels risques, l'intégrité du tribunal arbitral ne peut qu'être atteinte, l'État peut ainsi sérieusement entraver toute possibilité de résolution du litige.

B) LE PENCHANT NATUREL DES ARBITRES POUR LES INVESTISSEURS

Le camp « pro-État » a aussi avancé une série de reproches selon lesquels les arbitres seraient naturellement biaisés en faveur des investisseurs. Un premier argument est que les arbitrages d'investissement sont systématiquement initiés par les investisseurs, ce qui signifie que les arbitres ont plus à gagner en se ralliant à leurs causes qu'à celles des États168(*). Par ailleurs, il existe considérablement plus d'investisseurs que d'États de par le monde et il n'est pas très probable que ceux-ci désignent des arbitres qui ne sont pas connus pour être sympathiques à leurs positions. Le contraire pourtant n'est pas vrai: «it is remarkable how often states will consider appointing arbitrators with pro-investor records, substantially reducing or even eliminating any chance of success in defending the case»169(*). Ceci résulte du manque de préparation de certains États face à ce type de litiges ; pris par surprise par un investisseur, ils omettent souvent de recourir à un cabinet d'avocats spécialiste pour défendre leurs intérêts, ou du moins ils tardent à le faire et désignent entre temps un arbitre dont ils n'ont pas bien étudié l'histoire.

Un autre facteur important est le fait que ces arbitres sont presque toujours des avocats de profession ayant représenté des dizaines do sociétés privées dans leurs carrières, ce qui fait qu'ils ont une tendance inhérente, ou même un réflexe, d'adopter le point de vue d'un avocat d'affaires en analysantles différentes problématiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que Brigitte Stern regrette le manque de publicistes parmi les arbitres170(*). Le problème se pose d'autant plus dans les cas où un arbitre dans un tribunal agi en tant que conseil devant un autre tribunal ; quand des questions juridiques similaires se présentent, l'arbitre aura tendance à trancher de la manière qui lui convient en tant qu'avocat dans l'autre arbitrage171(*). Cette possibilité de porter deux chapeaux différents a d'ailleurs été fortement critiquée par certains praticiens du domaine qui ont quitté leurs cabinets d'avocats pour se consacrer à la vocation d'arbitre ou qui sont restésavocats en refusant toute nomination en tant qu'arbitre172(*). Des exemples existent aussi quant à des arbitres qui opèrent en dehors du cadre d'un cabinet d'avocat, offrant leurs services en tant qu'adjudicateurs neutres, tout en conseillant des entreprises privées sur la navigation des réglementations des États où elles sont installées173(*).

De plus, selon une étude empirique menée par Gus Van Harten174(*), une tendance très claire s'affirme en arbitrage d'investissement selon laquelle les arbitres adoptent presque toujours des méthodes d'interprétation expansives sur les points de débat les plus contentieux. L'interprétation de ces problématiques, tels que le champ d'application des clauses de la nation la plus favorisée ou le champ de protection garantie par le STJE, ne sont jamais favorable à l'État quand elles sont expansives. Bien qu'une telle étude ne puisse pas être concluante quant à l'existence d'un biais systémique, elle donne des indices corroborant l'hypothèse selon laquelle les arbitres tendent à examiner ces questions du point de vue d'un corporate attorney.

Les deux camps présentent donc de bons arguments sur ce sujet. L'essentiel n'est pas de trancher lequel d'entre eux a davantage raison, mais il suffit de constater qu'un souci réel existe quant à l'indépendance et l'impartialité des arbitres dans le cadre de ce système. Qu'il tende vers l'investisseur ou vers l'État, un arbitre qui a des prédispositions envers un camp ne peut que nuire à l'égalité des armes entre les parties.

Plus généralement, il faut reconnaitre que le camp « pro-investisseur » a bien certains reproches légitimes à présenter quant au respect de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Un État malveillant peut en effet user de ses pouvoirs souverains pour saboter le processus arbitral et même menacer la sécurité des participants à ce processus. Sans oublier que la question de l'exécution des sentences est une préoccupation importante de l'investisseur à laquelle le système ne semble pas avoir adéquatement répondu.

Un problème réel et palpable se pose donc quant au respect de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Si notre analyse tend surtout à démontrer un biais systémique à l'encontre des États, cela n'exclut par pour autant certains arguments légitimes présentés par le camp pro-investisseur. La question ultime sera donc de savoir comment remédier à ce problème ? Mais peut-être faudrait-il d'abord se demander si un remède est réellement nécessaire ?

CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL

A l'occasion d'une conférence tenue à Genève sur la nature publique ou privée de l'arbitrage d'investissement, le professeur José Alvarez tient les propos suivant : «Equality of arms is a private law concept useful in commercial arbitration, which assumes that the two parties in ISDS, private and state, are to be treated the same. But the proper public principle is in dubio mitius,the margin of appreciation, and other standards of deference to the sovereign because these are concepts of public law»175(*).José Alvarez fini par conclure que le système est en fait hybride, mais le cheminement de son argument passe par une présentation de l'arbitrage d'investissement en tant que mécanisme de droit public, une théorie avancée par un nombre d'auteurs dont notamment Gus Van Harten qui y a consacré un ouvrage176(*). Cette théorie s'inscrit dans le cadre plus large de la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que mode de gouvernance globale177(*).

Le concept de la « gouvernance globale »n'est pas facile à définir. C'est essentiellement l'idée selon laquelle il n'existe pas de « gouvernement global », mais qu'un nombre d'institutions publiques et privées agissent d'une manière qui crée des règles et des standards affectant la conduite des États et des sociétés multinationales178(*). L'idée de la gouvernance globale est souvent associée au droit des organisations internationales, la raison pour cela est que certaines organisations possèdent d'importantes prérogatives de droit public dans leur domaine de spécialisation. L'exemple classique est celui de l'Organisation Mondiale du Commerce et de son rôle dans la gouvernance du commerce international : l'OMC en tant qu'organisation internationale exerce des pouvoirsde régulation et d'adjudication qui affectent directement les politiques publiques des États. La gouvernance globale tend donc à assurer une certaine harmonie dans le respect par la société internationale de l'autorité de la loi. Par ailleurs, si on parle de gouvernance « globale » et non pas « internationale », c'est pour maintenir un certain degré d'ambigüité179(*) ; la gouvernance globale ne se dote pas d'un système uniforme et hiérarchique mais se manifeste à travers une série de mécanismes indépendants les uns des autres mais qui ont tous en facteur commun le pouvoir d'influencer le comportement étatique par la création de normes transnationales. On parle de « gouvernance » par opposition à « gouvernement » car ce terme représente plus adéquatement l'idée de coordination, de coopération et de contrôle informels qui est au coeur de la notion de gouvernance globale.

Cette notion, dont la nature est plutôt « politique », a donné lieu au concept plus « juridique » du droit administratif global : l'idée selon laquelle le transfert de pouvoirs réglementaires du niveau national au niveau international nécessite une transposition correspondante du système juridique qui encadre ces pouvoirs. Ce droit administratif « internationalisé » assure que les détenteurs des pouvoirs réglementaires sont tenus responsables (accountable) de l'exercice de leurs prérogatives. «Like domestic administrative law, [Global Administrative] Law focuses on the authority of the regulatory agency, on its decision making process including representation, transparency, participation, reason-giving and liability»180(*).La gouvernance globale va au-delà des États et de leurs droits nationaux, elle tend à mettre en place des structures qui peuvent créer des règles et les faire respecter au niveau international, le droit administratif global quant à lui s'intéresse l'exercice de prérogatives de droit public en dehors du cadre étatique interne. «Global administrative law is concerned with the exercise of public authority by bodies outside the State, and by States in ways that reach beyond the State and its law. It thus imports, at least as an ideal, an aspiration to publicness»181(*).

L'Arbitrage Investisseur-État serait donc une catégorie de gouvernance globale : un système de régulation et d'adjudication qui va au-delà de la volonté individuelle des États dans le but d'harmoniser, de coordonner et de contrôler l'exercice d'une certaine activité, en l'occurrence celle des investissements étrangers et des flux de capitaux internationaux. Cette théorie est intéressante dans le cadre de cette étude car elle permet d'expliquer pourquoi l'égalité des armes n'aurait pas de place en arbitrage d'investissement : parce qu'il s'agit d'un mécanisme de droit public qui se rapproche plus du droit administratif interne que de l'arbitrage commercial international. Investment arbitration is not international arbitration, on retrouve donc l'idée avancée en tout début de ce mémoire. Cette analogie sera expliquée en ayant recours à certains points de discussion déjà examinés dans le chapitre premier(Section 1). La critique de cette théorie comportera également certains parallélismes intéressants(Section 2).

SECTION 1 : LA CONCEPTUALISATION DE L'ARBITRAGE INVESTISSEUR-ÉTAT EN TANT QUE GOUVERNANCE GLOBALE

A l'occasion de la session 2015 de l'Académie Internationale du Droit de l'Arbitrage, le professeur Donald Francis Donovan intitule son cours général « Investor-State Arbitration as Global Governance »182(*),une conceptualisation reprise par Martin Loughlin qui avance que : « rather than being viewed as an offshoot of commercial arbitration, investment arbitration should be treated as a unique, internationally-organized strand of the administrative law systems of states»183(*). Afin de mieux comprendre cette analogie, une comparaison structurelle sera d'abord établie(I) avant de procéder à un examen portant sur l'identité des buts recherchés par les deux systèmes (II).

I- UNE ANALYSE STRUCTURELLE DE L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT EN TANT QUE DROIT ADMINISTRATIF INTERNATIONALISÉ

La fonction de l'Arbitrage Investisseur-État est d'abord et avant tout la résolution des différends relatifs aux investissements étrangers. Dans le contexte de la gouvernance globale, il s'agit de l'exercice d'une fonction adjudicative, un rôle dans lequel cette institution contrôle la légalité d'un certain comportement. «Investment disputes arise from the host state's exertion of public authority»184(*) et en contrôlant la légalité de l'utilisation de telles prérogatives de droit public, les tribunaux arbitraux sont essentiellement entrain d'agir en tant que cours administratives internationalisées. Certains auteurs ont même considéré que ce phénomène représente «the only exemplar of global administrative law, strictly construed, yet to have emerged»185(*). Cette internationalisation d'un domaine auparavant réservé aux seuls juridictions internes rappelle d'une certaine façon l'émergence du droit international pénal qui lui aussi a été parfois décrit comme manifestation de la gouvernance globale186(*). L'une des similarités frappantes entre ces deux domaines est d'ailleurs l'introduction de la personne privée en tant que justiciable du droit international, un facteur important dans le cadre del'analogie examinée(A). Il convient de s'intéresser également à la nature des réparations accordées par ces tribunaux (B) avant de revenir une fois de plus sur la question de l'exécution des sentences arbitrales (C).

A) UN RECOURS INDIVIDUEL CONTRE L'ÉTAT DANS UN CONTEXTE INTERNATIONALISÉ

L'une des caractéristiques fondamentales du contentieux administratif classique est qu'il donne aux personnes privées un recours contre l'État (ou d'autres personnes de droit public) pour connaitre de la légalité des agissements de cet État. Il s'agit là de la comparaison la plus simple et la plus directe entre l'arbitrage d'investissement et les juridictions nationales de droit administratif qui existent dans les systèmes juridiques modernes. Emmanuel Gaillard avait d'ailleurs remarqué que « l'importance de ce contrôle naissant de la légalité des agissements des États au regard des exigences du droit international est telle que l'on a pu comparer cette évolution à celle qui, au XIXème siècle, a vu la naissance du contrôle de la légalité des actions de l'administration française par le Conseil d'État »187(*). Cette possibilité pour des parties privées, de mettre en jeu la responsabilité internationale de l'État est d'une nature exceptionnelle dans le contexte historique du droit international. Certes le régime de la Cour Européenne des Droits de l'Homme vient à l'esprit, mais la différence majeure est que contrairement au système européen, l'arbitrage d'investissement ne requière pas l'épuisement des voies de recours internes. Cette distinction marque aussi le contraste avec le régime de la protection diplomatique qui lui aussi nécessitait un épuisement des voies de recours internes. La présomption selon laquelle les juridictions nationales de l'État hôte ne sont pas suffisamment neutres est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquels le système Investisseur-État a été mis en place188(*) ; afin de garantir aux investisseurs étrangers un forum impartial et indépendant qui pourrait convenablement évaluer la légalité des agissements de l'État.

Cet abandon du critère de l'épuisement des voies de recours interne, couplé avec la limitation de l'immunité de juridiction de l'État permet alors un recours direct de l'investisseur contre l'État-hôte dans un contexte internationalisé, sans besoin de passer par l'État national de l'investisseur. Une parallèle se dessine alors très clairement avec les recours administratifs internes. «By accepting the investor guarantees accorded in BITs and FTAs, States have accepted an international form of supervision. They accept that their own laws, courts and administrative agencies can be judged by objective international standards»189(*). De plus, un autre facteur est à prendre en considération pour perfectionner l'analogie : alors que la plupart des modes de mise en oeuvre de la responsabilité d'un État requièrent le consentement subséquent de celui-ci à être jugé, l'arbitrage d'investissement, comme le contentieux administratif interne, bénéficie d'un consentement préalable de l'État. «Under the Investment regime, unlike interstate mechanisms like the [World Trade Organization], States no longer control which claims are brought, or, equally significantly, how such claims are litigated. States are no longer in control of the legal issues that are given to arbitrators to decide»190(*). On retrouve donc l'une des premières questions analysées dans cette étude ; le recours asymétrique de l'investisseur contre l'État se justifie par une transposition internationalisée du recours de droit administratif interne qui lui aussi met les autorités publiques toujours en position de défendeurs contre les personnes privées (sauf bien sûr en matière contractuelle, similarité supplémentaire).

B) L'ALLOCATION D'INDEMNISATIONS À TITRE DE RÉPARATION DE DROIT PUBLIC

Un autre élément qui distingue l'arbitrage d'investissement d'autres contentieux internationaux, et le rapproche des systèmes administratifs nationaux, est la possibilité pour le tribunal d'accorder au requérant des indemnisations à titre de réparation de droit public. C'est une possibilité qu'on ne retrouve pas devant les autres juridictions internationales telles que la CIJ ou l'ORD de l'OMC où il est impossible pour une partie privée de réclamer des indemnisations par un État en raison de ses agissements illégaux. Cette faculté pour l'individu de faire une demande en dédommagement pour des préjudices subis du fait du comportement d'un État est donc elle-même innovatrice dans le contexte de la résolution des litiges internationaux. Il est vrai que la CEDH et la CIADH ont aussi une faculté d'accorder des réparations aux individus, mais celle-ci est beaucoup plus limitée que le mécanisme existant en arbitrage d'investissement191(*), sans oublier que l'épuisement des voies de recours internes est nécessaire avant que ces cours ne puissent statuer sur une demande d'indemnisation.

Le régime des TBI qui a évolué au cours des décennies précédentes a mis en place un système qui permet aux investisseurs étrangers de directement poursuivre un État devant un tribunal arbitral international pour l'obliger à réparer le préjudice subi du fait de ses agissements. «Investment treaties replace public law remedies with international remedies»192(*)Never before has international law enjoyed so much authority over the regulatory state on a permanent basis and without the previous intervention of domestic courts» remarque Santiago Mott, «this effectively converts investment treaty arbitration into a form of global governance»193(*). La violation des garanties contenues dans un TBI se dessine donc en parallèle aux agissements illégaux auxquels doit répondre l'État devant les juridictions administratives nationales.

Il faut cependant noter que, comme en droit public interne, l'État maintient une certaine marge de discrétion lui permettant de nuire à l'investisseur dans un but d'intérêt public. «The regulatory state has the `right to harm' citizens and investors, but only if acting diligently and legitimately, and only if the resulting allocation of burdens and benefits complies with the constraints posed by the anti-distributive strength of property rights and investments»194(*). La simple constatation d'un préjudice économique n'est donc pas suffisante pour exiger réparation d'un gouvernement, il faut qu'un certain seuil de gravité soit franchi pour que la responsabilité de l'État soit mise en oeuvre. Ici aussi, une parallèle avec le droit administratif interne semble s'affirmer.La nature publique des réparations accordées par les tribunaux d'investissement résulte de l'objectif qu'elles cherchent à atteindre : décourager l'État de l'adoption de mesures illégales et incompatibles avec les garanties accordées aux investisseurs étrangers par le biais des TBI.«Although awards are compensatory and usually do not include exemplary or punitive damages, the award of damages, by imposing retrospective sanction, has a deterrent effect on the state»195(*).

Un nombre de points problématiques analysés à l'occasion du premier chapitre résultent directement de la structure du régime TBI. Une conceptualisation de ce régime en tant que droit public internationalisé donne donc une optique différente sur les mérites et les critiques du système.« International Investment Law, though based mainly on BITs, is in fact a multilateral order that introduces principles of an emergent `global administrative law' into the regulation of state conduct in relation to foreign investors and their investments»196(*).

C) L'EXÉCUTION DES SENTENCES ARBITRALES

L'exécution de sentences arbitrales contre un État est un sujet qui a déjà été examiné dans le cadre de cette étude, la constatation étant que les difficultés auxquelles font face les investisseurs dans ce processus conduisent à une rupture de l'égalité des armes. Cependant, il faut remarquer qu'en droit public interne la situation n'est pas très différente ; l'immunité de juridiction de l'État n'existe pas au niveau national, et cela est reflété en arbitrage d'investissement, mais le maintien d'une immunité d'exécution rappelle le fait qu'en droit interne l'État est maitre des procédures d'exécution et peut donc également refuser de se conformer aux décisions des juridictions administratives. Dans les deux situations l'État est entrain de perpétuer l'illégalité, mais dans les deux cas l'égalité des armes ne joue pas de rôle car on est dans la sphère du droit public.

Cependant, il est important de préciser que malgré ces difficultés, dans la majorité des arbitrages, comme en droit administratif interne, l'État fini par se conformer à la décision rendue. Ce niveau élevé de conformité des États aux sentences arbitrales est en partie dû aux régimes puissants posés par la Convention CIRDI et la Convention de New York197(*), mais une autre raison importante est l'intégration du CIRDI dans l'architecture du groupe de la Banque Mondiale198(*). Cette situation décourage les États de défier les sentences du CIRDI par crainte qu'un tel comportement ne conduise à des représailles de la part d'une organisation internationale aussi puissante que la Banque mondiale. Ce phénomène renvoi au concept de la gouvernance globale dans laquelle un acteur non-étatique peut influencer le comportement des États. Le CIRDI profite ainsi indirectement de l'aura et de l'autorité de la Banque Mondiale pour faire valoir sa propre autorité.

On peut donc conclure que d'un point de vue structurel, en donnant aux individus un recours direct contre l'État pour exiger des réparations à titre de droit public qui peut aboutir à une décision très susceptible d'être respectée par le souverain, l'arbitrage d'investissement ressemble en effet en beaucoup de points au contentieux administratif interne. Cette ressemblance structurelle permet de pousser l'analogie plus loin pour écarter le jeu du principe de l'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage d'investissement.

II- LA CRÉATION DE STANDARDS DE COMPORTEMENT POUR LES ÉTATS

Au-delà des seules ressemblances structurelles qui permettent de percevoir l'arbitrage d'investissement en tant que droit administratif internationalisé, le système Investisseur-État partage aussi un but avec le domaine émergeant du droit administratif global : En rendant des sentences qui définissent des standards pour le comportement des États, les tribunaux arbitraux sont entrain de contribuer au développement de la gouvernance globale. «Arbitral tribunals are placed in a position of having to develop concrete norms of state behavior towards foreign investors»199(*). En créant ces normes, l'arbitrage d'investissement joue donc non seulement un rôle adjudicatif dans le contexte du mécanisme de la gouvernance globale, mais aussi un rôlerégulateur. La jurisprudence arbitrale contribue donc à la création de règles qui définissent ce qu'un État peut et ne peut pas faire en relation à l'investissement étranger présent sur son territoire. Malgré l'absence de stare decisis en arbitrage d'investissement, la publicité de la plupart des sentences rendueset l'adoption par les tribunaux de solutions similaires (en se référant les uns aux autres) donne lieu à un corps jurisprudentiel important qui indique aux États quel comportement ils sont supposés adopter. Par ailleurs ce développement de règles par voie jurisprudentielle rappel le processus connu en droit administratif interne. Ce phénomène se manifeste par le recours au standard de traitement juste et équitable (A) et l'utilisation du principe de proportionnalité (B).

A) LE STANDARD DE TRAITEMENT JUSTE ET ÉQUITABLE

Un titre a déjà été consacré dans cette étude à la notion du standard de traitement juste et équitable dans le contexte de l'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement. Il a été question de l'ambigüité de la notion, de la marge d'interprétation qu'elle laisse aux arbitres et des risques qui cela posent alors quant au respect de l'égalité des armes. Mais c'est justement cette flexibilité et cette adaptabilité qui a permis aux tribunaux arbitraux de développer une jurisprudence considérable quant au contenu de la notion. Les définitions que les arbitres ont donné au standard servent alors à déterminer quels comportements de l'État sont ou ne sont pas conformes aux exigences de la légalité.

Le standard de traitement juste et équitable peut concerner un très grand nombre d'activités étatiques. En matière normative par exemple, le standard exige un degré de prévisibilité afin d'assurer la sécurité économique de l'investisseur. «There can be no doubt that a stable legal and business environment is an essential element of fair and equitable treatment» explique le Tribunal dans CMS c. Argentine200(*). Un État ne peut donc pas changer sa législation ou ses régulations de manière brusque sans risquer de violer le STJE, « the core aspect of normativity of law allows individuals and entities to adapt their behavior to the requirements of the legal order and form stable social and economic relationships, it is an aspiration of most legal systems»201(*). La gouvernance globale, comme la gouvernance nationale, requière une mesure de stabilité et de prévisibilité qui est alors assurée à travers le STJE.

Le respect des expectatives légitimes de l'investisseur est un autre élément fondamental de la notion : «For the individual concerned, legal certainty first and foremost means that individual expectations are protected, that public authorities act in a forseeable and reliable way»202(*). L'État doit donc maintenir un comportement cohérent notamment en agissant conformément à ses déclarations et actions précédentes, il ne doit pas vexer les intérêts de l'investisseur en changeant de façon considérable la manière dont il exécute ses devoirs. «Legitimate expectations refer to expectations arising from the foreign investor's reliance on specific host state conduct»203(*).

Enfin, les autorités judiciaires doivent veiller au respect du due process, de la bonne administration de la justice. «Due process is closely linked with denial of justice which is traditionally defined as any gross misadministration of justice by domestic courts resulting from the ill-functioning of the State's judicial system»204(*). L'exigence de due process est considérée comme l'antithèse du déni de justice et il incombe au pouvoir judiciaire de veiller à son respect205(*).

Il est difficile d'établir une liste exhaustive des éléments qui composent le STJE, mais comme on a pu le constater, ce standard permet aux tribunaux arbitraux de scruter le comportement de l'État dans l'exerciceses différentes fonctions, qu'elles soient normatives, exécutives ou adjudicatives.  «[This Standard] relates to the exercise of public power by governmental agencies, as well as by national courts and legislatures. [It is] used as a standard of evaluation of national governmental action, a classic administrative law function»206(*). L'ambigüité du STJE renforce donc l'idée selon laquelle l'arbitrage d'investissement est une forme internationalisée du droit administratif national.

B) LE RECOURS AU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ

Le recours au « principe de proportionnalité » par les tribunaux arbitraux, principe fondamental de droit administratif interne, n'a jusque-là pas été très fréquent, mais augmente progressivement en popularité. Le respect de ce principe est essentiel à toute bonne gouvernance, globale ou nationale, Alec Stone Sweet le décrit en définissant la gouvernance commeétant : « the process through which the rule systems in place in any social setting are adapted to the needs and purposes of those who live under them »207(*). Le principe de proportionnalité est utilisé pour essayer de concilier les intérêts divergents de deux parties de manière équitable ; dans le contexte du droit administratif interne la proportionnalité régit les relations entre les intérêts de l'administration et ceux des citoyens, en droit des investissements elle appelle à un équilibrage entre la protection de l'investisseur et le droit de réglementation de l'État208(*).

Le principe est parfois utilisé en conjoncture avec le STJE, mais son rôle le plus important a été dans l'identification des situations d'expropriation indirecte. Une analyse de la proportionnalité requiert un examen de trois éléments : d'abord, la conformité à un objectif légitime de gouvernance, le but recherché devant être lié à l'intérêt public. Deuxièmement, un test de « nécessité » est exigé pour savoir s'il n'y aurait pas une manière moins intrusive de réaliser l'objectif fixé. Et enfin, le critère de non-disproportion qui exige que les actions prises ne soient pas démesurées quant à l'importance de l'objectif recherché209(*). Cette triple détermination est utilisée dans la majorité des systèmes nationaux de droit public pour déterminer la légalité des agissements de l'État dans des situations à caractère complexe. En adoptant ce principe, les tribunaux arbitraux écartent considérablement les risques d'imprévisibilité posés par la notion d'expropriation indirecte.

Il y a donc une forte corrélation entre l'arbitrage d'investissement et la théorie de la gouvernance globale. Cette analogie avec les régimes de droit public interne a permis de réévaluer sous une perspective différente un nombre des points discutés dans le chapitre premier. Les similarités de structures et d'objectifs justifieraient ainsi la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que droit public internationalisé, écartant par conséquent le jeu du principe de l'égalité des armes. Les justiciables du droit des investissements ne sont donc pas égaux.Comme en droit administratif interne on est en présence d'un régime d'exceptions qui permet occasionnellement une remise en question de l'exercice par l'État de ses pouvoirs souverains.

SECTION 2 : UNE THÉORIE SÉDUISANTE MAIS PAS CONVAINCANTE

La conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que mode de gouvernance globale n'a pas connu un enthousiasme universel. Un reproche important est fait quant au« déficit démocratique » créé par l'arbitrage d'investissement. Le transfert de pouvoirs administratifs du national à l'international a eu des conséquences dangereuses,«[it] has eroded the traditional checks and balances found in many democracies»210(*). La gouvernance globale comme la gouvernance nationale a besoin d'une structure d'équilibrage de ses différents pouvoirs, chose qui sembleabsente dans le cadre de l'arbitrage d'investissement. «There is room to question whether the world of BITs, FTAs and investor-state arbitral rulings really constitute a form of global governance»211(*);la critique se concentrera essentiellement sur la question du respect de l'intérêt public (I) et sur le problèmed'accountability de l'arbitrage d'investissement (II).

I- LE DANGER POSÉ PAR L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT À L'INTÉRÊT PUBLIC

Un système ne peut vraiment être conçu en tant que système de droit public sans qu'il n'accorde une place centrale au respect de l'intérêt public. La gouvernance globale ne peut s'effectuer que dans le cadre des principes de la démocratie212(*), ce qui exige une prise en compte de l'intérêt public avec chaque décision prise par l'autorité gouvernante. L'arbitrage d'investissement peut-il alors être qualifié de mode de gouvernanceen dépit de la perceptionpartagée par beaucoup, notamment les opposants du TTIP, selon quoi il représenterait une menace à la démocratie ? Le manque de contributions publiques dans lesystème (A) ainsi que sur le risque de paralysie institutionnelle (B) sont les principales inquiétudes exprimées dans cette optique.

A) LE MANQUE DE CONTRIBUTION PUBLIQUE

Le mouvement anti-arbitrage d'investissement que l'on voit actuellement surgir dans l'opinion publique est dû en grande partie à une crainte que ce système ne conduise à une érosion de la démocratie. «Concerns arise with investment arbitration's curtailment of democratic expression through its ability to counter a state's sovereign decision-making authority»213(*). L'investisseur étranger peut aujourd'hui influencer la politique publique de l'État hôte de l'investissement ; le gouvernement, qui devrait être guidé par la volonté du peuple et le mandat qu'il a reçu de celui-ci lors des dernières élections, devra adapter ses réglementations non-pas à la volonté de ses citoyens mais aux intérêts des investisseurs étrangers bénéficiant du régime de protection des TBI. Ceci nuit sérieusement à la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que droit public internationalisé. «Public law requires the availability of processes and forums through which citizens can participate in shaping the policies and structures of their regulatory regimes»214(*).

En exerçant un pouvoir normatif sur l'État sans aucune contribution publique, l'arbitrage d'investissement porte atteinte au processus démocratique, un facteur qui ne peut pas être concilié avec la possibilitéd'appartenance de ce système au régime de la gouvernance globale. Toute gouvernance doit être légitime, et la légitimité provient du peuple par le biais d'une procédure lui permettant d'exprimer son opinion quant à la construction des politiques publiques et quant à la prise en considération de l'intérêt public dans les décisions gouvernementales215(*). Il n'est plus question de protection de l'investisseur opprimé contre l'arbitraire de l'État, mais de la protection du peuple de cet État des multinationales et des investisseurs multimillionnaires qui chercher à maximiser leurs marges de profits au détriment de l'intérêt public.«If democratically elected governments enact public interest regulations in response to public concerns or to address democratic ideals, how can investment arbitrators make decisions affecting such regulation without public input216(*)

Une solution partielle au problème du déficit démocratique a été introduite par la permission d'interventions amicus curiae par des tierces-parties lors de la procédure arbitrale217(*). Ces intervenants sont le plus souvent des Organisations Non-Gouvernementales qui cherchent à défendre des politiques publiques qui risquent d'être violées par la décision du tribunal. Certaines interventions ont été faites par des acteurs internationauxtel que la Commission Européenne qui souligne fréquemment aux tribunaux les complexités de la conciliation d'objectifs divergeant du droit international218(*). «Amicus submissions aim to protect important public interests such as environmental and health protection, human rights, worker's rights, sustainable development, cultural heritage, the fight against corruption, and governmental policies. The significance of these public interests emphasizes the importance of bringing them to the attention of arbitrators through amicus submissions»219(*).

Mais cette solution reste en réalité très limitée; l'institution amicus curiae est surtout connue des États de common law, les États à tradition civiliste pourraient donc en être méfiants. De plus, cette pratique ne se concilie pas très bien avec les caractéristiques de l'arbitrage car elle méconnait la nature consensuelle de celui-ci. Elle pose par ailleurs un risque aux stratégies contentieuses des parties, un risque à la confidentialité de certaines informations et peut considérablement ralentir la procédure et multiplier les coûts220(*). Enfin, n'oublions pas que ces contributions ne lient en rien le tribunal dans sa décision et peuvent au final n'avoir aucune influence concrète sur la décision des arbitres.

B) LE RISQUE DE GEL RÉGLEMENTAIRE

Beaucoup a déjà été dit sur ce problème dans le chapitre premier de cette étude. Ce qui a été discuté plus haut reste vrai ici car ce phénomène porte atteinte à la fois à l'égalité des armes et à la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que gouvernance globale. L'État, victime d'une paralysie institutionnelle, ne peut plus prendre les mesures et les politiques publiques nécessaires pour la garantie du bien-être social et économique de son peuple. Ce « gel » affecte des domaines d'importance primordiale tels que les droits de l'homme, les standards du travail et la protection environnementale. C'est pour cette raison qu'il est difficile de concevoir comment l'arbitrage d'investissement serait une composante de la gouvernance globale ; il serait contre-productif pour la gouvernance globaled'abriter un mécanisme qui risque de saboter les efforts de coordination et de coopération internationaux en matière de protection des droits de l'homme et de l'environnement. La gouvernance globale ne peut être entrain de promouvoir ces causes d'une part et de gêner leur mise en oeuvre par les États d'autre part à cause des conséquences inattendues du système Investisseur-État.

La méconnaissance de l'intérêt public et le risque de paralysie institutionnelle sont donc des thèmes communs aux deux premiers chapitres de notre étude. Ces phénomènes contribuent à une érosion de la démocratie, ce qui se heurte à la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que droit public et à son appartenance à la sphère de la gouvernance globale.

II- LE PROBLÈME D'ACCOUNTABILITY EN ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT

Le terme accountability est en manque d'équivalent exact dans le vocabulaire français. Cette notion évoque essentiellement une mise en oeuvre de la responsabilité et une reddition de comptes. L'arbitrage d'investissement est en lui-même, dans sa fonction adjudicative, un mécanisme d'accountability des États hôtes face aux investisseurs étrangers. Mais dans son rôle créateur de normes et de règles de comportement pour les États, il devrait subir lui-même un processus d'accountability. «Some attribute the problems of global regulatory governance to the erosion, as a result of globalization, of domestic and international mechanisms of regulatory accountability»221(*). Quand une juridiction nationale façonne le droit par le biais de sa jurisprudence, les contrepoids constitutionnels des pouvoirs exécutif et législatif assurent que le judiciaire ne dépasse pas ses pouvoirs. L'accountability est une pierre angulaire de la gouvernance démocratique, et notamment de la gouvernance globale222(*), or l'arbitrage d'investissement ne connait aucun contrepoids qui puisse garantir sa reddition de comptes. Dans cetteoptiqueil convient de présenter les problèmes du manque de transparence de l'arbitrage d'investissement (A) et de la non-accountability des arbitres (B).

A) LA TRANSPARENCE EN ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT

La mise en oeuvre de l'accountability d'un système requière que celui-ci soit transparent. «Transparency supports democracy, and democracy confers legitimacy to a system of governance»223(*). La transparence permet d'obtenir l'intégralité des informations nécessaires à l'évaluation de la performance d'un mécanisme. En l'absence de telles informations, une critique constructive et réparatrice devient impossible, et c'est précisément ce problème qui se pose en arbitrage d'investissement. La nature décentralisée et non-hiérarchique du système Investisseur-État rend difficile une définition concrète des exigences de la transparence, on peut toutefois procéder à une énumération indicative des informations qui pourraient être pertinentes : le contenu précis des instruments invoqués par l'investisseur (TBI, contrat, législation), le contexte factuel du litige (identité de l'investisseur, nature de son activité, relation avec l'État), les survenances procédurales de l'instance (requêtes, plaidoiries, décision et raisonnement des arbitres, termes d'une résolution amicale). Toutes ces informations devraient être mises à disposition du public pour assurer que celui-ci puisse exercer le mode suprême d'accountability dans un système de gouvernance démocratique.

Certaines bases de données collectionnent et publient les instruments contenant les garanties accordées aux investisseurs, mais un nombre considérable de ces textes restentconfidentiels ou difficiles d'accès224(*). Quant au contexte factuel des litiges, le CIRDI essaye au mieux de fournir un minimum d'information sur les arbitrages inscrits à son registre, mais les arbitrages non-CIRDI peuvent rester complètement secrets, parfois même sans que leur existence ne puisse être révélée par les institutions administrant. Quant aux développements procéduraux, le CIRDI ne publie que des informations très générales sur ses affaires, et les autres institutions ne publient presque rien. Normalement, tous les documents du procès restent confidentiels, la publication de la sentence requière le consentement des deux parties qui est généralement, mais pas systématiquement, accordé225(*). Comment garantir alors l'accountability du système en l'absence de la disponibilité du dossier arbitral dans son intégralité ?Les preuves, les témoignages et les autres éléments qui ont pu nourrir la décision des arbitres sont nécessaires pour pouvoir évaluer le bon fondement de celle-ci. De plus, très peu d'informations sont connues sur le coût d'un arbitrage ; les frais d'avocats, d'arbitres, d'administration, et les éventuels dommages-intérêts à payer sont puisés directement du trésor public ce qui a des implications directes pour le citoyen contribuable226(*). Absence de transparence équivaut à absence de légitimité, compliquant d'avantage la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que gouvernance globale ou droit public internationalisé.

B) L'ACCOUNTABILITY DES ARBITRES

Une difficulté considérable est posée par l'analogie entre droit des investissements et droit administratif internequand on considère le contraste entre avoir d'une part des adjudicateurs privés désignés à chaque occasion et d'autre part des magistrats de carrière. Dans un système juridictionnel national, la séparation des pouvoirs et les contrepoids constitutionnels garantissent l'indépendance du pouvoir judiciaire. L'inamovibilité des juges et leur mode de recrutement sont essentiels au maintien de l'indépendance du pouvoir judicaire, ce sont des facteurs qui rassurent les citoyens et justiciables que leur sort est entre les mains d'une personne neutre, indépendante et impartiale. L'arbitrage quant à lui se distingue spécifiquement par la possibilité de composer un tribunal sur-mesure selon le litige qui se présente. Cette spécificité de l'arbitrage convient très bien aux litiges de droit commercial et de droit international privé, mais elle est moins appropriée au droit des investissements. Quand bien même l'investisseur et l'État seraient contents de pouvoir constituer le tribunal de leur choix, il est plus que probable que le litige touche à des questions d'intérêt public, ce qui signifie que les citoyens de l'État défendeur ont unintérêt légitime dans le bon déroulement de l'instance. Au niveau national, si une solution rendue par une juridiction déplait au public, le pouvoir législatif peut remédier à cela pour le futur en adoptant de nouvelles législations. En arbitrage d'investissement, une telle mesure par le législatif pourrait elle-même être considérée comme une nouvelle violation des garanties de protection des investisseurs.

Les arbitres ne rendent pas de comptes au public, et c'est l'une des principales raisons pour laquelle la légitimité de l'arbitrage d'investissement est mise en cause227(*). «Because investment arbitrators may have no relationship to the state whose regulation is under scrutiny, the degree to which the arbitrators can be held responsible to the affected public is negligible»228(*). Cet argument se joint également aux différents reproches à l'indépendance et l'impartialité des arbitres qu'on a présentés dans le chapitre premier, notamment celui relatif à la possibilité pour les mêmes personnes d'être arbitres dans un litige et conseils dans un autre ; envisager cette possibilité dans un système de justice national serait presque une hérésie.

«Three normative conceptions can be identified for an administrative law of global governance, with potential relevance also to Investor-State arbitration as a form of governance: (1) promotion of democracy, (2) promotion of internal administrative accountability, (3) protection of private rights and the rights of States»229(*). Si l'on suit cette logique posée par Benedict Kingsbury et Stephan Schill, de sérieux doutes se posent alors quant à la qualification de l'arbitrage d'investissement en tant que mode de gouvernance globale, et par extension en tant que droit public. L'arbitrage d'investissement ne semble pas se conformer aux trois éléments énumérés, notamment au critère de l'accountability.

«As a public law system, investment treaty arbitration engages the regulatory relationship between state and individual rather than a relationship between juridical equals»230(*).Mais l'arbitrage d'investissement est-il vraiment un système de droit public ? Une réponse positive justifierait la plupart des constations du premier chapitre par un écartement du jeu du principe de l'égalité des armes. Cependant, la réponse n'est pas concluante ; une forte corrélation avec le droit administratif interne existe, mais de nombreuses divergences marquent profondément le système.

Le droit des investissements s'imprègne sans doute de caractéristiques de droit public, mais ceux-ci ne sont pas exclusifs. Alex Mills avance que:«the argument is not that a public or private perspective has to be `chosen', or that a decision has to be made as to which one is `correct', but rather that international investment law inherently brings together these apparently contradictory perspectives, and that it is the amalgamation of these oppositions which gives it such uncertain foundations»231(*). La complexité conceptuelle de l'arbitrage d'investissement provient donc en grande partie de l'aspect hybride qui semble le définir. Le dilemme public-privé ne correspond pas vraiment à la qualification de ce système qui présente un caractère sui generis.

Un équilibre entre principes de droit public et principes de droit privé doit être atteint pour un bon fonctionnement du système. Certaines des problématiques posées par l'arbitrage d'investissement se heurtent d'ailleurs à la fois au respect de l'égalité des armes et à la conceptualisation de ce mécanisme en tant que système de droit public. Les solutions envisagées doivent donc tenir compte de cette dualité afin d'arriver à un résultat satisfaisant.

CHAPITRE 3 : LES SOLUTIONS PRATIQUES AVANCÉES

Après avoir constaté l'existence d'un problème palpable d'égalité des armes en arbitrage d'investissement, et après avoir examiné la théorie selon laquelle ce mode de résolution de différends appartient à la sphère du droit public, il faut maintenant rechercher une solution possible à la multitude de problèmes qui se posent dans le cadre de ce sujet. Il n'y a aucun doute que l'arbitrage d'investissement est imprégné de caractéristiques de droit public, mais cela ne veut pas pour autant dire que l'égalité des armes n'y a pas de rôle à jouer. Les solutions envisagées devraient donc tenir compte non pas seulement de l'équilibre des parties mais aussi du droit légitime des États de réguler. Les propositions d'abolition de l'arbitrage Investisseur-État232(*) ne seront pas examinées, il faut plutôt essayer de trouver des solutions positives qui pourraient assurer une restructuration efficace du système. Plusieurs solutions pratiques ont déjà été proposées pour essayer de résoudre les différentes complications issues de l'arbitrage d'investissement. Notre examen de ces solutions se fera dans l'optique de la promotion de l'égalité des armes.

Pour bien résoudre un problème, il faut chercher sa source. On remarque qu'un élément problématique récurrent est le régime TBI et sa construction particulière(Section 1), la réforme de ce régime serait donc une solution à envisager.Une autre solution proposée est la création d'une Cour Internationale d'Investissement à caractère permanent(Section 2).

SECTION 1 : LA REFONTE DU RÉGIME DES TRAITÉS D'INVESTISSEMENT

Cettesolution ne concernerait bien sûr que les arbitrages sur fondement de traité, mais étant donné que ce régime a causé beaucoup plus de controverse que celui des arbitrages sur fondement de contrat, l'examen de cette proposition reste très pertinent. «A shared view is emerging on the need to reform the International Investment Agreement regime to ensure that it works for all its stakeholders. The question is not about whether to reform or not, but about what, how and extent of such reform»233(*).Aucun acteur ne peut vraiment prétendre être complètement satisfait de la configuration actuelle du système Investisseur-État, d'où la nécessité certaine de réformes (I). Un tel effort n'est cependant pas sans difficultés(II).

I- LES PLANS DE RÉFORME PROPOSÉS

Les traités d'investissement déterminent par leur contenu une grande partie des facteurs aléatoires qui sont à la source des critiques du système Investisseur-État. Ces traités ont plus souvent que non été négociés par des fonctionnaires et politiciens ayant peu d'expérience en droitdes investissements. Ces personnes n'auraient donc pas pu prévoir les conséquences du choix délicat de formulation des différents standards et définitions contenues dans un TBI. Par ailleursles signataires de TBI adoptent souvent le texte d'un traité modèle qui aurait été élaboré avant l'émergence des problèmes contemporains de l'arbitrage d'investissement. La révision et la renégociation des traités existants pourraient donc constituer un premier pas important dans la réforme du système (A). Dans ce même esprit, il a été suggéré qu'une réforme bien menée nepeut être accomplie que par une multilatéralisation du droit des investissements (B).

A) LE CONTENU DE LA RÉFORME

Par des éclaircissements et des définitions plus élaborées, une révision du langage des traités d'investissement pourrait contribuer considérablement à un renforcement de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. L'asymétrie institutionnelle de ce mécanisme peut être remédiée par une définition plus précise des droits et obligations des États et des investisseurs. Le juge Stephen Schwebel considère que le système n'est pas asymétrique en lui-même, mais que c'est la formulation des articles contenus dans les TBI qui donne cet effet : «The BIT arbitral process is not asymmetrical, in point of fact, some BITs provide that `either' of the disputing parties may bring a claim to arbitration»234(*). La clé du problème est alors d'inclure dans le traité une provision expresse permettant à l'État de présenter une demande contre un investisseur. Il serait opportun de mentionner par la même occasion la possibilité pour l'État de présenter des demandes reconventionnelles face à une demande initiale par un investisseur. Encore faut-il cependant que le traité impose des obligationssur l'investisseur pour que celui-ci puisse être tenu responsable. Des propositions ont été avancées pour l'incorporation d'obligations positives de respect des droits de l'homme et de la protection de l'environnement par l'investisseur235(*), une telle inclusion jouerait non seulement en faveur de l'égalité des armes au sens strict, mais aussi en faveur de la lutte contre le phénomène du gel réglementaire. Par ailleurs, la possibilité de mettre en oeuvre la responsabilité de l'investisseur a été illustrée par une décision d'un tribunal arbitral constitué sur le fondement de l'Accord des membres de l'Organisation de la Coopération Islamique relatif à la promotion et la protection des investissements. L'article 9 de cet accord pose une obligation pour l'investisseur de respecter la loi de l'État hôte, le tribunal a alors considéré que: «An investor of course has a general obligation to obey the law of the host state, but article 9 raises this obligation from the plane of domestic law (and jurisdiction of domestic tribunals) to a treaty obligation binding on the investor in an investor-state arbitration»236(*).

Les imprévisibilités multiples du système peuvent elles aussi être remédiées par une meilleure rédaction des traités d'investissement. Les problèmes liés à l'identité de l'investisseur par exemple peuvent être résolus en ajoutant des critères supplémentaires à la définition de l'investisseur237(*). Le problème du voile corporatif notamment peut être contré par une provision expresse exigeant que l'investisseur ait une activité réelle et effective dans son lieu d'incorporation, ou alors par l'insertion d'une « denial of benefits clause » comme discuté plus haut238(*). Il serait également utile de donner au tribunal la faculté de déterminer la nationalité d'une société selon le critère de contrôle effectif. La question des demandes de masses peut quant à elle être résolue en prévoyant une prohibition explicite de ce type de recours, ou du moins une restriction du nombre maximum de codemandeurs. Le tribunal n'aura alors plus de marge d'appréciationen la matière.

Sur la question de l'attribution des agissements d'entités infra-étatiques à l'État lui-même, le projet d'articles sur la responsabilité de l'État apporte lui-même la solution dans son article 55 lorsqu'il précise que « les présents articles ne s'appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les conditions de l'existence d'un fait internationalement illicite ou le contenu ou la mise en oeuvre de la responsabilité internationale d'un État sont régis par des règles spéciales de droit international ». Une explicitation dans le traité d'investissement des modes d'attributions acceptés par l'État serait alors une lex specialis qui pourrait écarter la possibilité d'être lié par les agissements d'une autorité infra-étatique indépendante. «The ILC Articles are residual articles and an adjudicator must first look at the treaty under review and see what it says on the subject. If the treaty (such as a BIT) covers the field of the issue at stake, the ILC Articles have no role to play»239(*).

L'imprévisibilité quant aux protections garanties peut aussi être minimisée par une définition plus rigoureuse du contenu des différends standards. L'une des approches suggéréesest par exemple l'exclusion des standards non-contingents dans les TBI nouvellement négociés. Une autre approche possible est l'énumération exhaustive du contenu de ces standards ou leur rattachement explicite aux normes de traitement minimales du droit international coutumier240(*). Une référence au principe de proportionnalité dans le traité d'investissement peut aussi servir à tempérer l'interprétation du tribunal quant à la violation possible des garanties de l'investisseur, notamment en matière d'expropriation indirecte241(*).

Une nullification de l'effet de surprise dont est souvent victime l'État devient possible par l'introduction de « notices de différend » (notice of dispute). Ainsi, la demande de l'investisseur ne pourra procéder qu'après un certain laps de temps où celui-ci devra négocier une possible résolution à l'amiable. Cette période de « cooling off » permettra alors à l'État de mieux appréhender le problème et d'être mieux préparé lorsque l'éventuel arbitrage sera initié. L'Inde par exemple a décidé d'inclure ce type de mécanisme dans tous les TBI conclus ou renégociés à partir de 2015242(*).

En contrepartie de ces nombreuses modifications qui confortent la position des États, il serait judicieux pour eux de renoncer à leur immunité d'exécution dans le traité révisé. Le jeu de l'article 55 de la Convention de Washington peut être écarté par la volonté explicite de l'État. On peut même trouver parmi les clauses modèles proposées par le CIRDI la formulation suivante : « L'État d'accueil renonce par la présente à se prévaloir pour lui-même et pour ses biens de toute immunité souveraine afin de faire échec à l'exécution d'une sentence rendue par un Tribunal arbitral constitué conformément au présent accord »243(*).

B) LA MULTILATÉRALISATION DU DROIT INTERNATIONAL DE L'INVESTISSEMENT

Une révision du contenu des traités d'investissement pourrait donc contribuer considérablementà la promotion de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Cependant, l'introduction de telles réformes gagnerait en efficacité en étant mise en oeuvre sur une échelle plus grande. Un abandon progressif des traités bilatéraux d'investissement en faveur de traités multilatéraux régionaux, voir même d'un traité global sur l'investissement a donc été proposé.

Dans les parties précédentes de cette étude, il a été démontré que l'une des causes directes du non-respect de l'égalité des armes et l'interprétation inconsistante par les tribunaux des différentes notions problématiques de l'arbitrage d'investissement. Ceci est en grande partie dû à la fragmentation du droit international de l'investissement qui est contenu dans des milliers de traités différents qui adoptent des langagescomparables mais non identique244(*). «As of now, there is no coherent regime concerning investment at the multilateral level»245(*).Une multilatéralisation du régime de protection des investissements servirait donc à promouvoir une cohérence du droit et de la jurisprudence de l'arbitrage d'investissement.

«The fragmentation into bilateral treaties would make it impossible to understand international investment law as a system of law or perceive it as part of an overarching order for international economic relations»246(*).Une uniformisation du droit international de l'investissement contribuerait au renforcement de la prévisibilité du système en résolvant une série de controverses sur l'interprétation de certaines notions telles que le standard de traitement juste et équitable, la clause de la nation la plus favorisée ou encore la définition de l'investisseur et de l'investissement. Une telle initiative limiterait par la même occasion le recours au « forum-shopping »par le biais de création de sociétés écrans. «Investor-state arbitration causes issues of conflicting awards and forum shopping; all of this would be solved by creating a stable non-discriminatory multilateral investment treaty»247(*).

La réforme du système Investisseur-État par le biais de la révision et de la renégociation des traités d'investissement est une solution qui pourrait permettre de remédier considérablement au problème de l'égalité des armes. En confortant la position de l'État, une telle réforme assurerait par la même la prise en compte de l'intérêt public par le régime arbitral. Idéalement, cette mise en oeuvre devrait s'opérer dans un cadre multilatéral pour assurer le plus haut niveau de conformité et d'harmonisation possible. Le renforcement de la sécurité juridique des parties par une telle multilatéralisation du droit international des investissements favorisera certainement un équilibrage entre justiciables de l'arbitrage d'investissement. Par ailleurs, une tendance à la multilatéralisation semble se dessiner aujourd'hui:«Evidenced by the consensus achieved in some of the major investment treaties concluded or currently under negotiation, such as the Trans-Pacific Partnership Agreement (TPP), TTIP, CETA, and the China-USA BIT, it seems that a new generation of BITs of global import is taking shape»248(*).

II- LES INCONVÉNIENTS D'UNE TELLE RÉFORME

La solution présentée n'agit que sur un seul élément du mécanisme. Cet élément est certes le plus problématique, mais il ne constitue qu'une seule pièce parmi tant d'autres qui forment la mécanique de l'arbitrage d'investissement. Cette solution ne peut donc qu'être partielle ; elle peut soulager mais elle ne peut pas éradiquer le problème du respect de l'égalité des armes (A). De plus, la mise en oeuvre d'un tel projet, qu'elle soit faite de manière bilatérale ou multilatérale, serait extrêmement difficile (B).

A) LES INSUFFISANCES DE LA SOLUTION PROPOSÉE

Le traité d'investissement est l'instrument sur lequel se fonde la compétence du tribunal arbitral, il contient l'essentiel du droit substantiel applicable et un nombre de règles procédurales facultatives249(*). Mais les règles pertinentes à une possible réforme de l'arbitrage d'investissement vont au-delà du seul contenu des traités d'investissement, elles comprennent notamment les règles arbitrales applicables et les règles institutionnelles qui encadrent le litige. «From a procedural or institutional perspective, focusing on arbitral rules and processes may be more effective than focusing on individual investment treaties [...] since treaties typically build on and refer to existing rule and frameworks such as those under ICSID or UNCITRAL, reform to these rules can affect some 3,000 treaties at once»250(*). Une réforme plus complète devrait donc tenir compte de ces éléments pour atteindre le plus grand nombre de buts possibles. En ce qui concerne l'égalité des armes, un nombre de points discutés plus haut ne peuvent pas se résoudre par la seule modification des traités d'investissement ; une action plus large, incorporant notamment des réformes au CIRDI et aux règles CNUDCI serait nécessaire.

La carence la plus prononcée concerne les moyens d'action du tribunal arbitral ainsi que l'indépendance et l'impartialité de ses membres. Le traité d'investissement a très peu à contribuer à ces questions, une réforme concentrée sur cet instrument aura donc un effet très limité quant à ces enjeux. En cas d'abus d'autorité par l'État, le tribunal dispose de certains pouvoirs pour enjoindre l'État à respecter l'égalité des armes, les mesures conservatoires prévues à l'article 39 des règles CIRDI et l'article 26(3) des règles CNUDCI en sont un exemple. Cependant l'efficacité de telles mesures laisse à désirer251(*), un État obstinément récalcitrant ne se conformera pas aux ordres du tribunal, et ce dernier n'a aucun moyen concret à sa disposition pour l'y obliger. Une réforme plus vaste du système est alors nécessaire pour répondre à ce type de problèmes. Les abus procéduraux que peut commettre l'État en tant que défendeur ne peuvent être adéquatement résolus en agissant sur les traités d'investissement, il faut là aussi une réforme plus intégrale pour restaurer l'équilibre des parties.

Sur la question de la neutralité des arbitres, toute tentative de réforme doit nécessairement impliquer une révision des règles arbitrales et institutionnelles ; le CIRDI devrait suivre l'exemple du Tribunal Arbitral du Sport qui a révisé ses règles en 2010 pour préciser que « les arbitres et médiateurs du TAS ne peuvent pas agir comme conseil d'une partie devant le TAS »252(*). Par ailleurs, la procédure prévue dans le cadre du CIRDI pour la récusation des arbitres en cas de doute sur leur indépendance et impartialité a été fortement critiquée253(*). Les articles 57 et 58 de la Convention de Washington prévoient que le tribunal arbitral lui-même doit statuer sur une demande de récusation de l'un de ces membres. Ceci met les deux membres non-contestés dans une position embarrassante et inconfortable, ce qui a conduit à une inefficacité systémique du mécanisme de récusation CIRDI comparé aux mécanismes du CNUDCI ou de la Chambre de Commerce de Stockholm par exemple254(*). A ce jour, une seule demande de récusation CIRDI sur plus de quarante a abouti255(*).

D'autre part, cette solution n'adresse que partiellement le problème de cohérence de la jurisprudence arbitrale qui est au coeur du problème de la sécurité juridique de l'État qui menace l'égalité des armes entre les parties. Une multilatéralisation du droit international de l'investissement contribuerait à la centralisation du système, mais celui-ci resterait marqué par une structure non-hiérarchique et donc susceptible de donner lieu à des décisions contradictoires.

Enfin, une bonne réforme doit se fonder sur des critères objectifs et quantitatifs. L'absence de transparence du système Investisseur-État limite l'accès à ces informations qui peuvent être déterminantes pour une bonne réorganisation du mécanisme. Ce problème lui aussi ne peut être résolu que par une réforme institutionnelle profonde qui dépasse le seul cadre des traités bilatéraux et multilatéraux d'investissement256(*).

B) LES OBSTACLES À SA MISE EN oeUVRE

Malgré ses lacunes, le projet de refonte du régime TBI reste une proposition intéressante qui pourrait au moins constituer un premier pas vers une solution plus intégrale. Mais la mise en oeuvre d'un tel projet présente des difficultés considérables. L'idée n'est d'ailleurs pas nouvelle, en 1995 les membres de l'OCDE ont commencé à négocier une adoption possible d'un Accord Multilatéral sur l'Investissement qui devait être un premier pas vers l'harmonisation du droit international de l'investissement257(*). Cependant, le projet fut abandonné en 1998quand il était devenu apparent que les divergences d'opinions entre les différents États étaient trop grandes pour pouvoir arriver à un terrain commun258(*). On peut donc imaginer que quand un groupe d'États développés ne peuvent pas arriver à un consensus sur une vision uniforme du droit des investissements, la mission sera encore plus difficile lorsque dans un traité global les intérêts des pays du sud et des pays du nord s'affronteront.«The willingness of countries to enter into regional and bilateral investment agreements does not necessarily signify the unconditional willingness to sign onto a global investment agreement that grants all states, rights vis-à-vis all other potential host states of investments»259(*).Le consentement accordé dans un tel traité multilatéral est sans doute trop large, le régime TBI actuel permet aux États de choisir prudemment avec quels homologues s'associer pour une protection mutuelle de leurs ressortissants investisseurs. Dans un traité global, l'État perdrait ce contrôle et pourrait se trouver dans des situations indésirables. Un autre problème potentiel serait la question de la structure encadrant un tel traité ; devrait-il se développer dans le cadre de l'ONU, de l'OMC, de la Banque Mondiale, ou peut-être dans une nouvelle organisation créée spécialement à cet effet ? La résolution des différends se fera-t-elle dans le cadre du régime CIRDI ou laisserons-t-on le choix libre quant à l'institution administrant et les règles d'arbitrage applicables ?

«It is no secret that the complexity of treaty negotiations has increased: first, because of the number of parties generally involved; second, because of the sensitivities, political and otherwise, of the issues at stake; third and last, because experience has made States more mindful of the implications of international agreements and more cautious as to the consequences of their application»260(*). La refonte du régime TBI, qu'elle soit opérée au niveau multilatéral ou bilatéral, impliquerait un processus de négociations très lourd. Il est difficile d'imaginer qu'une telle initiative pourrait aboutir, les tentatives d'harmonisation précédentes ayant toutes échouées même lorsque les critiques envers le système étaient plus modérées et moins vocales qu'aujourd'hui.

Une refonte, même partielle, du régime TBI pourrait conduire à une amélioration du respect de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Un nombre important de solutions peut être obtenu en agissant sur les traités d'investissement et en tentant d'harmoniser et d'élucider leurs contenus. Cependant, même si l'on arrive à franchir les obstacles considérables de la négociation d'un tel projet, celui-ci ne pourrait pas remédier à l'intégralité du problème. Un plus grand nombre d'éléments constitutifs de l'arbitrage d'investissement devrait être pris en compte pour une solution plus complète et plus réaliste.

SECTION 2 : LA CRÉATION D'UNE COUR INTERNATIONALE DE L'INVESTISSEMENT

Dans le cadre de la négociation du Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement, la Commission Européenne a proposé en 2015 la créationd'une Cour Internationale Permanente comme forum pour la résolution des différends relatifs à l'investissement261(*). Cette étude a commencé avec le postulat selon lequel « Investor-State Arbitration is not International Arbitration », elle se conclue par une proposition qui écarte le processus arbitral du mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et États. En agissant sur la structure même du contentieux investisseur-État, une réforme plus complète serait possible tant au niveau procédural que substantiel.

«If the governments of the world preferred an investment court to arbitration, or a court of international arbitral appeals they could constitute them; they have not»262(*). Cette Remarque de Stephen Schwebel est intéressante, mais elle n'est pas entièrementcorrecte : une cour permanente d'investissement existe déjà dans le cadre de la Ligue des États Arabes263(*). Cette juridiction peu connue, ainsi que de la proposition de la Commission Européenne, pourront donc servir d'inspiration pour évaluer les avantages d'une telle solutiondans la perspective du renforcement de l'égalité des armes dans le contentieux Investisseur-État (I). Les propos de Stephen Schwebel seront cependant retenus pour essayer de comprendre pourquoi cette solution n'a toujours pas réussià gagner de momentum(II).

I- LE RENFORCEMENT DU RESPECT DE L'ÉGALITÉ DES ARMES

A travers la création d'une Cour Internationale d'Investissement, un remodelage intégral du contentieux Investisseur-État serait possible. SelonGus Van Harten, une institution permanente correspondrait mieux au caractère public du droit des investissements264(*).Une telle transformation serait en effet suffisamment radicale pour permettre multiples réformes simultanées ; elle pourrait à la fois répondre aux préoccupations des États et des investisseurs quant aux défauts actuels du système Investisseur-État. Une Cour Permanente garantirait aux justiciables un accès égal aux armes du procès (A), et la protection de cette égalité par des magistrats de carrière(B).

A) DES JUSTICIABLES AUX ARMES ÉGALES

Le premier avantage à considérer dans le contexte de cette solution est de nature purement technique : une Cour permanente nécessitera un secrétariat et des employés permanents. Une telle structure répond beaucoup mieux aux exigences d'un litige auquel participe un État souverain. Il a été remarqué par exemple que les demandes d'arbitrages non-CIRDI étaient souvent mal notifiées aux États, ce qui les laisse sans possibilité de préparer une défense adéquate265(*). Une institution permanente permet d'établir un contact plus direct avec les États ce qui garantit alors une meilleure notification des différents développements procéduraux, surtout en début d'affaire lorsqu'il est critique pour une partie défenderesse de pouvoir comprendre quelles sont les allégations avancées à son encontre. Cet avantage est illustré par exemple dans l'article 37 du statut de la Cour Arabe d'Investissement qui encadre la coordination entre le secrétariat de la Cour et les autorités concernées des États partis266(*). Cet élément pourrait également favoriserune meilleure transparence du système:«[the]staff, appointed prior to the existence of a dispute, could be said to solve one of the issues of transparency in the system, insofar as their role in the dispute will be clear and public at all times, and thus would not give rise to the concerns that have been expressed about the role performed by administrative secretaries of tribunals or lawyers that assist arbitrators»267(*).

Un système symétrique d'introduction de demandes pourrait être envisagé dans une Cour permanente. Du côté de l'investisseur, des incertitudes ont été exprimées sur les modalités de son accès à la juridiction nouvellement créée268(*) ; dans la configuration actuelle, ce sont les traités d'investissement comportant des clauses compromissoires qui donnent à l'investisseur un recours international contre l'État. Ces clauses compromissoires prévoient normalement quelles seront les règles arbitrales applicables et l'institution arbitral administrant en cas de litige. On pourrait alors penser qu'une révision de ces traités bilatéraux serait nécessaire pour inclure un recours à la Cour permanente, mais une solution bien moins encombrante est disponible : l'État peut consentir de manière générale à la compétence de la cour par un acte unilatéral semblable aux déclarations facultatives de juridiction obligatoires connues de la CIJ. Une autre solution envisageable serait l'adoption par l'État d'une législation nationale reconnaissant la compétence de la Cour dans les litiges l'opposant à des investisseurs étrangers, à l'instar de la législation syriennerelative à la Cour Arabe d'Investissement269(*).

Du côté de l'État, la possibilité d'une demande contre l'investisseur est facile à envisager d'un point de vue procédural ; la compétence de la Cour serait obligatoire par l'effet de l'incorporation du traité constitutif de la Cour dans la législation nationale, une telle compétence serait alors fondée dans la loi et non pas dans le consentement des parties comme en matière arbitrale. Cependant, d'un point de vue substantiel, il est moins clair comment la responsabilité de l'investisseur pourrait être mise en oeuvre. Le droit substantiel est essentiellement contenu dans les traités d'investissement qui prévoient rarement des obligations positives pour les investisseurs. Une solution possible est l'inclusion d'une charte des obligations de l'investisseur dans le traité constitutif de la Cour. En matière contractuelle cependant, la présence de magistrats permanents restaure l'utilité du recours de l'État contre l'investisseur ; dans le cadre de l'arbitrage il faut attendre la constitution du tribunal pour que celui-ci puisse prendre les mesures nécessaires, les États préfèrent alors, par souci de rapidité, prendre les mesures rectificatrices eux-mêmes plutôt que de recourir à l'arbitrage270(*). Le magistrat permanent, contrairement à l'arbitre, serait prêt pour connaitre du litige dès que celui-ci survient ; une procédure de référés serait même envisageable.

En ce qui concerne la possibilité de demandes reconventionnelles, celles-ci ne devraient pas poser problème étant donné que le problème du consentement de l'investisseur271(*) est écarté dans le cadre d'une juridiction permanente. Le traité constitutif pourra alors prévoir la possibilité de demandes reconventionnelles dans lesquelles un État peut exiger des réparations adéquates du fait de l'illégalité de l'investissement.

Les demandes de masses,qui se réconcilient mal avec la structure arbitrale du contentieux Investisseurs-État et qui ne sont pas explicitement prévus par le système CIRDI272(*), pourraient désormais trouver place dans une juridiction permanente. Le nouveau mécanisme pourra être adapté aux exigences procédurales que présente un recours de masse, garantissant ainsi le respect de l'égalité des armes tout en donnant aux investisseurs un mode de recours fiable et légitime.

En contrepartie des garanties assurées aux États par la création d'une telle juridiction, etnotamment par la prise en compte de l'intérêt public et du droit de l'État de réguler, l'immunité d'exécution maintenue dans le système CIRDI par le jeu de l'article 55 devrait alors être écartée. Les État accorderaient alors à cette nouvelle institution leur confiance et en lui permettantde prendre des décisions exécutables dans leurs territoires respectifs et dans les territoires de tous les États partis au traité constitutif. Ainsi, l'investisseur obtient des garanties de protections plus complètes et l'État est réconforté quant au souci de légitimité de ces décisions internationales.

B) DES ADJUDICATEURS GARDIENS DE L'ÉGALITÉ DES ARMES

L'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement est sans doute son plus grand défaut. L'inconsistance jurisprudentielle qui imprègne le système actuel menace sérieusement l'égalité des armes et la bonne administration de la justice. «Any system where diametrically opposed decisions can legally coexist cannot last long»273(*).Des questions cruciales telles que l'admissibilité des demandes de masses, la nationalité des personnes morales, l'attribution d'actes d'entité infra-étatiques à l'État, l'identification de situations d'expropriation indirecte ou encore et surtout la détermination du contenu du standard de traitement juste et équitable, ont toutes été interprétée de façons contradictoires par la jurisprudence arbitrale274(*).Selon Christoph Schreuer «the creation of a permanent investment court is [a] possible solution to the problem of inconsistencies»275(*).Une juridiction permanente pourra plus facilement établir une jurisprudence constante qui garantira la sécurité juridique des parties et contribuera à une construction plus cohérente du droit international de l'investissement. Les juges de cette Cour seront également guidés par un souci de respect de l'intérêt public et du droit légitime de réguler de l'État, qui pèsera dans leur appréciation de la légalité des agissements du souverain. «Effectiveness may be further strengthened by establishing a permanent institutional mechanism, which produces consistent and authoritative judicial decisions»276(*).

Une solution alternative parfois proposée est le maintien du système arbitral actuel et la création d'un mécanisme d'appel surplombant qui assurerait une cohérence dans le développement de la jurisprudence277(*). Un tel mécanisme contribuerait certainement à l'harmonisation du droit des investissements, mais il ne serait pas d'une grande utilité dans la résolution des autres problèmes liés à l'égalité des armes.

Les critiques de cette solutionavancent le fait que la nouvelle institution permanente coexistera obligatoirement avec certains tribunaux arbitraux qui subsisteront pour les États non-partis au nouveau mécanisme, perpétuant ainsi l'inconsistance jurisprudentielle278(*). Il est cependant beaucoup plus probable que ces tribunaux arbitraux s'inspirent de la jurisprudence de l'institution permanente, même en l'absence de force obligatoire du précédent, de la même manière que les arbitres dans des arbitrages interétatiquesqui citent fréquemment les arrêts et opinions de la Cour Internationale de Justice.

Un point qui est resté jusque-là problématique dans toutes les parties de cette étude est la question de l'indépendance et l'impartialité des arbitres ; le danger posé à l'égalité des armes en l'absence de cette garantie a étéconstaté dans le premier chapitre, le second chapitre a vu une dénonciation de l'impossibilité de responsabiliser ces adjudicateurs et enfin dans ce troisième chapitre, la première solution formulée n'a pas su répondre à ce problème. Orla distinction cardinale entre la création d'une Cour permanente et la configuration actuelle du système est le remplacement des arbitres désignés par des magistrats permanents.Cette cour serait composée de juges à mandat fixe élus par l'assemblée des États partis selon des critères stricts.Le problème de l'indépendance et l'impartialité des adjudicateurs sera alors largement résolu. L'article 28 de l'accord de la ligue arabe et l'article 9 du projet de la commission européenne279(*)illustrent des exemples de modes de sélection de juges qui garantissent à la fois leur neutralité et leur expertise. «Security of tenure insulates the adjudicator from influence by powerful private interests, so as to ensure that no one can say that the judge was predisposed to decide a case or interpret the law in a way that would increase his or her prospects for future income and career advancement»280(*).La sécurité professionnelle qui va de pair avec un mandat fixe réconforte les parties quant à l'impartialité de l'adjudicateur. De plus, il serait naturellement impossible pour ces magistrats d'agir en tant que conseils ou experts dans d'autres litiges281(*), ce qui écarte le problème de conflits d'intérêt. Par conséquent, les demandes de récusation d'adjudicateurs deviendront beaucoup plus rares, et même quand elles auront lieu, un mécanisme plus efficace pourra être prévu pour leur examen282(*).

Enfin, une Cour permanente pourrait être dotée de moyens de contrainte contre les États récalcitrants qui abuseraient de leurs pouvoirs pour pervertir le procès. L'efficacité de ces mesures serait liée à l'intégration de cette Cour permanente à une organisation internationale influente telle que l'ONU ou l'OMC283(*). Ainsi, les magistrats auront les moyens de garantir le respect de l'égalité des armes en assurant qu'aucune des deux parties ne puisse abuser de ses pouvoirs ou de ses ressources ; les investisseurs ne pourront pas opérer de chantages à l'encontre des États pour les forcer à adopter une politique règlementaire qui leur est favorable, et les États ne pourront pas user de leurs forces de contrainte pour dissuader les investisseurs de poursuivre leurs revendications.

«Given the numerous challenges arising from the current Investor-State dispute settlement regime, it is timely for States to examine it, weighing options for reform and then decide upon the most appropriate route [...] some voices have advocated for the creation of permanent investment tribunals»284(*). L'abandon de l'arbitrage comme mécanisme de résolution des différends Investisseur-État serait donc nécessaire pour garantir le respect de l'égalité des armes de façon intégrale. La création d'une juridiction permanente permettrait de reconcevoir le système de manière à garantir une meilleure symétrie entre justiciables, de favoriser une prévisibilité des décisions, et d'assurer la neutralité des adjudicateurs.

II- LES DANGERS POSÉS PAR LA CRÉATION D'UNE JURIDICTION PERMANENTE

«Naturally international arbitral tribunals place the litigants on the same plane. Equality of arms is the essence of the judicial and arbitral process» rappel Stephen Schwebel, «to assume that a tenured court, national or international, is objective, while international tribunals are not, does not comport with the facts»285(*).L'arbitrage partage avec le contentieux traditionnel, du moins en théorie, une révérence au prince de l'égalité des armes. Malgré les nombreuses inconsistances de l'adoption du système arbitral pour la résolution des différends Investisseur-État, son abandon par la création d'une Cour permanente conduirait à la perte de certains bénéfices de l'arbitrage (A). Par ailleurs, une telle juridiction permanente disposerait d'un degré de puissance et de légitimité qui pourrait être par la suite regretté par les États (B).

A) L'ÉROSION DES AVANTAGES LIÉS À L'ARBITRAGE

L'attrait de l'arbitrage en tant que mode de résolution des différends tient à plusieurs caractéristiques qui le rendent plus flexible que le contentieux traditionnel devant des cours permanentes. La constitution d'une Cour internationale de l'investissement conduirait nécessairement à l'abandon d'un nombre de ces caractéristiques qui définissent l'arbitrage. Or la perte de certaines de ces spécificités, qui conviennent parfaitement à la nature transnationale des litiges Investisseur-État, pourrait à son tournuire à l'équilibre des parties.

La confidentialité par exemple est une qualité de l'arbitrage qui le rend très désirable en matière commerciale. En arbitrage d'investissement, cette caractéristique se heurte au souci de transparence comme constatédans cette étude. Toutefois, malgré l'importance primordiale de la transparence, il ne faut pas négliger le fait que ces investisseurs risquent par l'absence de confidentialité des pertes collatérales liées à la divulgation de secrets commerciaux286(*). Ce risque pourrait dissuader l'investisseur de poursuivre ses revendications, le risque économique étant plus grand que le gain éventuel. Du côté de l'État, si celui-ci fait face à plusieursdemandes parallèles ayant des contextes factuels similaires, sa stratégie de défense risque d'être révélée dans l'un de ces litiges avant les autres, ce qui pourrait conduire à un désavantage subséquent considérable287(*). La confidentialité du processus a donc certains mérites et son écartement pourrait avoir des répercussions sur l'égalité des armes des parties.

Un autre facteur important à considérer est la possibilité en arbitrage de choisir le siège du tribunal. En anglais, une distinction est faite entre seat of arbitration et venue ; la première notion est liée aux choix des autorités compétentes pour une éventuelle contestation de la sentence arbitrale et pour la demande de certaines mesures provisoires, son importance dans le cadre de l'arbitrage d'investissement est marginale. Le choix de venue par contre, le lieu de rencontre du tribunal, est un aspect purement logistique mais qui peut avoir une importance considérable dans un litige transnational. Une Cour permanente aurait un siège fixe dans une ville déterminée où tous les litiges seraient examinés. Dans le cas de la Cour Arabe d'Investissement par exemple, les parties doivent obligatoirement se rendent au Caire pour les différentes phases du procès: «The seat of the Court shall be at the permanent headquarters of the League of Arab States in Cairo and shall not be transferred unless the Court takes a substantial decision to convene its sessions or undertake its functions in another location»288(*).Ce manque de flexibilité pourrait sérieusement affecter la possibilité pour des partiesaux capacités économiques modestes de bien suivre la procédure.

Enfin, l'abandon de l'arbitrage signifie que les parties ne pourront pas choisir leurs adjudicateurs. «The legitimacy if investment-dispute arbitration rests, to a large extent, on the fact that the parties to the proceedings can participate in the appointment of arbitrators. This ensures that the decision-making process is not perceived as something wholly extraneous to the parties, but instead as a legitimate mode of resolving disputes»289(*). Le mandate fixe des juges dans une Cour permanente garantie certainement que ceux-ci ne seraient pas biaisés en faveur d'une partie ou d'une autre, mais il ne faut pas oublier que ces juges seraient au final élus par l'assemblée des États parties. Et même si ces juges seraient indépendants et ne favoriseraient pas un État en particulier, il est peu probable que les États élisent des personnes à tendance idéologique « pro-investisseur ». La liste des magistrats serait donc composée d'individus aux idéologies modérées, voir « pro-État », ce qui risque de sérieusement désavantager les investisseurs.

La création d'une Cour Internationale de l'Investissement ressouderait sans doute l'essentiel du problème d'égalité des armes dans le système actuel, mais elle pourrait apparemment créer de nouveaux types de déséquilibre. L'arbitrage a certainement ses vertus et une réforme du contentieux Investisseur-État ne devrait pas négliger ces qualités dans la création d'un mécanismenouveau.

B) LE RISQUE DE DÉVELOPPEMENTS JURISPRUDENTIELS NON-ANTICIPÉS

Une Cour Internationale d'Investissement telle que conçue dans notre hypothèse sert essentiellement à réconforter les justiciables, notamment les États, quant à la légitimité et l'équilibre procédural du contentieux Investisseur-État. L'adoption d'un tel projet par la communauté internationale mettrait alors en place une institution ayant une autorité et une notoriété importantes. Le contentieux Investisseur-État deviendra donc moins élusif, moins flexible et moins contournable. En consolidant le pouvoir d'adjudication et d'interprétation entre les mains d'une seule juridiction permanente, le régime Investisseur-État se rapprocherait alors davantage à un système gouvernance globale290(*). Les décisions de cette Cour deviendront essentielles à la régulation des investissements internationaux, et affecteront donc des transactions chiffrées à des centaines de milliards de dollars. Dans cette perspective, les États pourraient en arriver à regretter la création d'une institution d'une telle puissance.

«Permanent institutions may display stronger dynamics in enlarging their jurisprudential powers than a system of one-off arbitral tribunals. After all, a permanent institution would be able to develop international investment law much more consistently in ways that governments do not agree with»291(*).Dans le système actuel, la communauté des États peut prendre le risque de tomber sur un tribunal dont la décision ne se conforme pas à leur conception du droit international de l'investissement ou du droit international général. Une telle sentence sera fortement critiquée et remise en question, elle déplaira certainement à l'État concerné mais elle ne risque pas de créer de jurisprudence affectant le reste de la communauté internationale. Une Cour Internationale d'Investissement pourrait par contre, par un système de précédents, façonner le droit substantiel d'une manière qui serait contraire à la volonté d'une majorité d'États. Il serait alors beaucoup plus difficile d'isoler ou de contourner cette jurisprudence pour le futur en raison de la légitimité et de l'autorité dont disposerait cette Cour. «The obvious problem with this model of global governance is that it converts judges into policymakers»292(*).Le pouvoir créateur de normes du juge risque alors de s'étendre au-delà de la volonté des États ; La communauté internationale aura consenti au cadre juridique encadrant le droit international de l'investissement, mais son consentement ne sera plus pertinent pour le développement futur de ce droit.« The one-off nature of arbitration [serves] to control the interpretative powers of the investment dispute settlement [by] limiting their authority. Creating a permanent investment court, by contrast, would necessarily raise the question of how to further concretize the substantive standards and how to set up a political organ that controls the decision-making of such institutions without a truly multilateral system»293(*).

Une réforme structurelle du contentieux Investisseur-État semble répondre plus pertinemment aux soucis d'égalité des armes qu'une action dirigée uniquement vers les traités d'investissement. Certes, la négociation du traité constitutif d'une potentielle Cour Internationale d'Investissement ne serait pas aisée, mais cette solution reste beaucoup plus pragmatique que celle de la révision des milliers de TBI actuellement en vigueur. «The creation of permanent investment tribunals may seem like a titanic task at the moment, requiring political consensus and diplomatic maneuvering of many States. Yet the consensus would not need to be universal: a standing investment court might well start as a multilateral initiative, with an opt-in mechanism for those that wish to join»294(*).Mais la solution des problèmes évoqués par l'introduction d'une structure nouvelle pourrait donner lieu à de nouveaux problèmes d'équilibre entre les parties. Une solution tellement radicale pourrait avoir des effets inattendus ce qui explique sans doute pourquoi les États sont réticents à poursuivre une telle initiative.

Les deux solutions présentées ne seraient pas faciles à implémenter, mais tout espoir de corriger les défauts du système et de combler ses lacunes doit nécessairement passer par une réforme monumentale du système. Des révisions ponctuelles au niveau bilatéral ou régional ne seraient pas suffisantes pour répondre au problème systémique du non-respect de l'égalité des armes, toute initiative sérieuse devrait passer par une multilatéralisation du régime. «Even if, in the abstract, multilateralism and a world investment court could be more efficient, it is now very difficult for this mutation to occur; today's benefits of a multilateral treaty must outweigh today's costs of negotiating a multilateral treaty and replacing thousands of BITs and a variety of arbitral institutions with a world investment court»295(*).La tâche n'est pas facile mais elle est nécessaire. La proposition formulée par la Commission Européenne en ce qui concerne la possible introduction d'un tribunal permanent dans le cadre du partenariat transatlantique donne espoir ; l'idée commence à s'incruster dans les esprits des acteurs concernés, elle pourra peut-être aboutir d'ici quelques années. Aucune des deux solutions avancées n'est parfaite, mais elles se complémentent mutuellement : dans unesituation idéale un corps de règles uniformes régissant le droit international de l'investissement serait mis en place aux côtésd'une instance permanente universelle résolvant les différends Investisseurs-États.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Quelle place accorde actuellement l'arbitrage d'investissement au respect de l'égalité des armes ?

«Equality of Arms is a foundation principle of investment arbitration procedure»296(*) affirme Thomas Wälde, «equality of arms is the essence of every judicial and arbitral process»297(*) ajoute Stephen Schwebel. Mais les constatations faites dans cette étude ont démontré qu'un nombre important d'éléments entravent l'observance de ce principe fondamental de la justice internationale. Il faut bien constater que le système Investisseur-État a été mal conçu ; on a voulu mettre États et personnes privées sur un même pied d'égalité298(*) mais on a fini parse trouver face à une asymétrie institutionnalisée. Que cette asymétrie joue en faveur de l'État ou de l'investisseur est sans importance dans la perspective de cette discussion, quel que soit la réponse elle ne fait qu'affirmer le fait que l'égalité des armes ne trouve aujourd'hui pas de place dans le cadre de l'arbitrage d'investissement.

Mais l'arbitrage d'investissement devrait-il vraiment tenir compte de ce principe ?

Cette question peut légitimement se poser dans le contexte du débat conceptualiste qui cherche à classer l'arbitrage d'investissement soit dans la case du droit privé soit dans celle du droit public. Cette qualification a des implications qui dépassent le seul cadre théorique299(*). L'appartenance de l'arbitrage d'investissement au régime de la gouvernance globale expliquerait peut-être pourquoi un déséquilibre entre les parties serait souhaitable et même nécessaire. Mais une analyse plus minutieuse de ce mécanisme démontre que cette qualification n'est pas très convaincante. Le contentieux Investisseur-État ne peut pas être confiné à la sphère du droit public ou celle du droit privé, il flotte entre ces deux mondes, d'où la nécessité d'envisager la question avec un esprit plus ouvert. Oui, l'arbitrage d'investissement devrait tenir compte de l'égalité des armes entre États et investisseurs, car en l'absence de cette garantie le système ne pourra pas survivre. Les États ne peuvent plus piétiner impunément les droits des personnes privées et les investisseurs ne devraient pas pouvoir dicter aux États leurs politiques publiques. Une bonne justice requière la confiance de ses justiciables, chose qui ne peut être assuré quand l'une des parties ressent qu'un biais systémique existe dans ce processus.

Comment garantir alors une place pour l'égalité des armes dans le contentieux Investisseur-État ?

Le problème de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement se rattache aux fondements du système. Une réforme profonde de cette structure serait donc nécessaire pour ajuster l'équilibre des parties de manière à optimiser la bonne administration de la justice. «There is no easy blueprint for patching up the system, and there is no magic wand that can scrap it so we can start from scratch. The infrastructure of investor-state arbitration is, by design, so elaborate that it is almost impossible to dismantle. That does not mean that the issue should not be discussed, as heightened sensitivity to the problems plaguing the system is better than the ostrich approach»300(*).La tâche est monumentale, mais elle est incontournable. L'abolition de l'arbitrage Investisseur-État est une demande irréaliste, mais une restructuration du système reste possible et devrait même être une priorité pour la communauté internationale.

Investor-State Arbitration is not International Arbitration. Que ce soit en matière d'égalité des armes ou dans tout autre problème touchant à l'arbitrage d'investissement, un changement d'optique est nécessaire. On ne peut plus se fier aux analogies posées avec l'arbitrage commercial international pour essayer d'apporter des réponses aux nombreuses questions qui se posent avec le développement fulgurant de ce domaine. Le contentieux Investisseur-État représente une catégorie sui generis de mode de résolution des différends, un champ du droit international qui cherche encore son identité.

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Wälde (T.), «Equality of Arms in Investment Arbitration: Procedural Challenges», in Yannaca-Small (K.), Arbitration under International Investment Agreements: A guide to the Key Issues, Oxford University Press, 2010, pp. 161-188

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III- Jurisprudence:

Conseil d'État Français, Union des Transports Publics Régionaux, Arrêt du 2 février 1983

CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis Consultatif du 11 avril 1949

CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis), Arrêt du 27 Juin 1986

TPIY, Chambre d'appel, Tadic c. Procureur, Décision du 15 juillet 1999

CEDH, Neumeister c. Autriche, Arrêt du 27 juin 1968

CIRDI, Société Ouest-Africaine des Bétons Industriels c. Sénégal, Sentence du 25 févier 1988

CIRDI, Asian Agricultural Products Limited c. Sri Lanka, Sentence du 27 juin 1990

CIRDI, Cable Television of Nevis LTD c. Fédération de Saint Christophe et Nevis, Sentence du 13 janvier 1997

CIRDI, Emilio Augustin Maffezini c. Royaume d'Espagne, Sentence du 13 novembre 2000

CIRDI, Compania de Aguas del Aconquija et Vivendi Universal c. République Argentine, Sentence du 21 novembre 2000

CIRDI, Salini c. Maroc, Décision sur la compétence du 23 juillet 2001

CIRDI, Ceskoslovenska obchodni banka c. République Slovaque, Sentence du 29 décembre 2004

CIRDI, CMS Gas Transmission c. Argentine, Sentence du 12 mai 2005

CIRDI, Bayview Irrigation District et autres c. États-Unis du Mexique, Sentence du 19 juin 2007

CIRDI, Tokios Tokelès c. Ukraine, Sentence du 26 juillet 2007

CIRDI, Glamis Goldc. États-Unis d'Amérique, Sentence du 8 juin 2009

CIRDI, Government of the Province of East Kalimantanc. PT Kaltim Prima Coal, Sentence du 28 décembre 2009

CIRDI, Quiborax et Non-Metallic Minerals c. État plurinational de Bolivie, Mesure provisoires du 26 février 2010

CIRDI, Alasdair Ross Anderson et autres c. Costa Rica, Sentence du 19 mai 2010

CIRDI, Libananco c. Turquie, Sentence du 2 septembre 2011

CIRDI, Abaclat et autresc. Argentine, Opinion dissidente de Georges Abi-Saab du 28 octobre 2011

CIRDI, Roussalis c. Roumanie, déclaration du professeur W. M. Reisman du 28 novembre 2011

CIRDI, Caratube International Oil Company LLP c. République du Kazakhstan, Sentence du 5 juin 2012

CIRDI, Antoine Goetz et Autres c. République du Burundi, sentence du 21 juin 2012

CIRDI, Vattenfall AB et autres c. Allemagne, affaire pendante

CIRDI-MS, Metalclad c. États-Unis du Mexique, Sentence du 30 aout 2000

CIRDI-MS, Methanex c. États-Unis d'Amérique, Sentence du 3 aout 2005

CIRDI-MS, United Parcel Services c. Canada, Sentence du 11 Juin 2007

CPA, Philip Morris Asia Ltdc. Australie, Sentence du17 décembre 2015

CNUDCI, Ethyl Corporation c. Canada, Sentence du 24 Juin 1988

CNUDCI, Himpurna California Energy Ltd c. République d'Indonésie, Sentence du 16 octobre 1999

CNUDCI, Hesham T.M.. Al Warraq c. République d'Indonésie, Sentence du 15 décembre 2014

IV- Textes Juridiques

Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)

Accord des membres de l'Organisation de la Coopération Islamique relatif à la promotion et la protection des investissements

Accord unifié pour l'investissement de capitaux arabes dans les États arabes

Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États (Convention de Washington / Convention CIRDI)

Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (Convention de New York)

Projet d'articles sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite

Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International (Règles CNUDCI)

V- Sites internet

icsid.worldbank.org

investmentpolicyhub.unctad.org

trade.ec.europa.eu

www.arbitrationacademy.org

www.corporateeurope.org

www.courdecassation.fr

www.economist.com

www.ejiltalk.org

www.herbertsmithfreehills.com

www.iisd.org

www.italaw.org

www.kluwerarbitrationblog.org

www.pvyap.org

www.theguardian.com

www.vimeo.com

www.who.int

www.un.org

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 3

LISTE DES ABRÉVIATIONS 5

INTRODUCTION 7

CHAPITRE 1: LA CONSTATATION D'UNE CRISE DANS LE SYSTÈME INVESTISSEUR-ÉTAT 18

Section 1 : L'État pris au piège de l'arbitrage d'investissement 19

I- L'État, eternel défendeur 20

A) L'arbitrage sur fondement d'un contrat 21

B) L'arbitrage sur fondement d'un traité 25

i) L'intérêt pour l'État de l'existence d'un recours arbitral contre l'investisseur 25

ii) La question des demandes reconventionnelles 28

II- Les imprévisibilités inhérentes au système 30

A) L'imprévisibilité quant à l'identité du demandeur 31

i) Le problème du voile corporatif et des sociétés coquilles 32

ii) Le phénomène des demandes de masse 34

B) L'imprévisibilité quant à l'origine de l'acte litigieux 36

C) L'imprévisibilité quant aux protections garanties 38

i) L'expropriation indirecte 39

ii) Le standard de traitement juste et équitable 40

III- Le déraillement de la fonction étatique 43

A) La méconnaissance de l'intérêt public 43

B) Le risque de gel réglementaire 46

Section 2 : Les problèmes auxquels font face les investisseurs 49

I- L'exécution des sentences arbitrales 49

A) L'exécution de sentences CIRDI 50

B) L'exécution de sentences CNUDCI 52

II- L'abus d'autorité par l'État 54

A) L'usage des prérogatives étatiques à des fins non-légitimes 55

B) L'obstruction de la justice par l'État 56

III- L'indépendance et l'impartialité des arbitres 58

A) L'exercice de l'influence de l'État sur les arbitres 59

B) Le penchant naturel des arbitres pour les investisseurs 60

CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL 63

Section 1 : La conceptualisation de l'Arbitrage Investisseur-État en tant que gouvernance globale 65

I- Une analyse structurelle de l'arbitrage d'investissement en tant que droit administratif internationalisé 65

A) Un recours individuel contre l'État dans un contexte internationalisé 66

B) L'allocation d'indemnisations à titre de réparation de droit public 68

C) L'exécution des sentences arbitrales 69

II- La création de standards de comportement pour les États 71

A) Le standard de traitement juste et équitable 71

B) Le recours au principe de proportionnalité 73

Section 2 : Une théorie séduisante mais pas convaincante 74

I- Le danger posé par l'arbitrage d'investissement à l'intérêt public 75

A) Le manque de contribution publique 76

B) Le risque de gel réglementaire 77

II- Le problème d'accountability en arbitrage d'investissement 78

A) La transparence en arbitrage d'investissement 79

B) L'accountability des arbitres 80

CHAPITRE 3 : LES SOLUTIONS PRATIQUES AVANCÉES 83

Section 1 : La refonte du régime des traités d'investissement 83

I- Les plans de réforme proposés 84

A) Le contenu de la réforme 84

B) La multilatéralisation du droit international de l'investissement 87

II- Les inconvénients d'une telle réforme 89

A) Les insuffisances de la solution proposée 89

B) Les obstacles à sa mise en oeuvre 91

Section 2 : La création d'une cour internationale de l'investissement 93

I- Le renforcement du respect de l'égalité des armes 94

A) Des justiciables aux armes égales 94

B) Des adjudicateurs gardiens de l'égalité des armes 97

II- Les dangers posés par la création d'une juridiction permanente 99

A) L'érosion des avantages liés à l'arbitrage 100

B) Le risque de développements jurisprudentiels non-anticipés 102

CONCLUSION GÉNÉRALE 105

BIBLIOGRAPHIE 107

TABLE DES MATIÈRES 122

* 1 Paulsson (J.), International Arbitration is Not Arbitration, John E.C. Brierley Memorial Lecture 2008, McGill University, p. 2

* 2Société Française pour le Droit International, La juridictionnalisation du droit international, Pedone, Lille, 2003

* 3 CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis Consultatif du 11 avril 1949

* 4 Waibel (M.), «The Backlash against Investment Arbitration: Perceptions and Reality», in Kaushal (A.) & Waibel (M.), The Backlash against Investment Arbitration, Kluwer Law International, 2010, p. xxxvii

* 5 Au jour même de la rédaction de ce paragraphe (Le 17 novembre 2015), l'Irak signe et ratifie la Convention CIRDI : https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/Pages/News.aspx?CID=172&ListID=74f1e8b5-96d0-4f0a-8f0c-2f3a92d84773&variation=en_us

* 6 Wälde (T.), «Procedural Challenges in Investment Arbitration under the Shadow of the Dual Role of the State», in Arbitration International, Vol. 26 No. 1, 2010, pp. 5-6

* 7Ibidem, p. 6

* 8 CIRDI, Salini c. Maroc, Décision sur la compétence du 23 Juillet 2001

* 9 Sornarajah (M.), The Settlement of Foreign Investment Disputes, Kluwer Law International, 2000, p. 7

* 10 Broches (A.), The Convention on the Settlement of Investment Disputes between States and Nationals of other States, RCADI, La Haye, 1972, p. 344, Ci-suit [Broches (A.) 1972]

* 11 Paulsson (J.) & Reed (L.), Guide to ICSID Arbitration, Kluwer Law International, 2010, p. 179

* 12Ibidem, p. xii

* 13 Reisman (M.), International Law in Contemporary Perspective, University Casebook Series, 1980, p. 460

* 14 Dolzer (R.) & Scheuer (C.), Principles of International Investment Law, Oxford University Press, 2008, p. 2

* 15 Sterling Silver (J.), «Equality of Arms and the Adversarial Process: A New Constitutional Right», in Wisconsin Law Review, 1990, p. 1009

* 16 Dintilhac (J.P.), « L'égalité des armes dans les enceintes judiciaires », in Rapport Annuel de la Cour de Cassation, 2003 https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2003_37/deuxieme_partie_tudes_documents_40/tudes_theme_egalite_42/enceinte_judiciaires_6255.html (24 Novembre 2015)

* 17 Didier (J.P.), « Le principe de l'égalité des armes », in Revue de la recherche juridique, 1993, p. 489

* 18 TPIY, Chambre d'appel, Tadic c. Procureur, Décision du 15 juillet 1999, Para. 30

* 19 Negri (S.), «The Principle of `Equality of Arms' and the Evolving Law of International Criminal Procedure», in International Criminal Law Review, Vol. 5, 2005, p. 513

* 20CEDH, Neumeister c. Autriche, Arrêt du 27 juin 1968, Para. 22

* 21 CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis), Arrêt du 27 Juin 1986, Para. 31

* 22 Belohlavek (A.), Consumer Protection in Arbitration, Juris, 2012, p. 216

* 23 Wälde (T.), «Equality of Arms in Investment Arbitration: Procedural Challenges», in Yannaca-Small (K.), Arbitration under International Investment Agreements: A guide to the Key Issues, Oxford University Press, 2010, p. 161 [Ci-suit: Wälde (T.) 2]

* 24 Broches (A.) 1972, op.cit., p. 344

* 25 Van Harten (G.), Investment Treaty Arbitration and Public Law, Oxford Monographs in International Law, 2008, p. 175

* 26 Waibel (M.) & Wu (Y.), «Are arbitrators political?», in Public International Law Discussion Group, Oxford, 2014, p. 4

* 27 Park (W.), «Arbitrator Integrity», in Kaushal (A.) & Waibel (M.), op.cit., p. 213

* 28Lalive (P.), «Some Threats to International Investment Arbitration», in ICSID Review, Vol. 1 No. 1, 1986, pp.

* 36-37

29 Wälde (T.), op.cit., pp. 40-41

* 30 Weiniger (M.) «Venezuela follows Bolivia and Ecuador with plans to denounce ICSID Convention», in Herbert Smith Arbitration e-bulletin, 19 Janvier 2012, see http://www.herbertsmithfreehills.com/-/media/HS/L-190112-18.pdf (1 décembre 2015)

* 31 Lavopa (F.) & Barreiros (L.), «How to kill a BIT and not die trying: Legal and political challenges of denouncing or renegotiating Bilateral Investment Treaties», in Society of International Economic Law 3rd Biennial Global Conference, 2012, pp. 2-3

* 32 Park (W.), op.cit., p. 213

* 33 Paulsson (J.), «Arbitration without privity», in ICSID Review, Vol. 10 No. 2, 1995, p. 257 [Ci-suit: Paulson (J.) 1995]

* 34 Kahale (G.), «A Problem in Investor/State Arbitration», in Transnational Dispute Management, Vol. 6 No. 1, 2009, p. 1

* 35 Schultz (T.) & Toral (M.), «The State, a Perpetual Respondent in Investment Arbitration? Some Unorthodox Considerations», in Kaushal (A.) & Waibel (M.), op.cit., pp. 577-578

* 36 Nombre indiqué au 1er Décembre 2015, voir https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/cases/Pages/AdvancedSearch.aspx

* 37 Titi (C.), The Right to Regulate in International Investment Law, Baden-Baden, 2014, pp. 69-70

* 38 Schultz (T.) & Toral (M.), op.cit., p. 577

* 39Ibidem, p. 589

* 40 Schreuer (C.), «Commentary on the ICSID Convention», in ICSID Review, Vol. 11 No. 2, 1996, pp. 325-326

* 41 Grupo de Estudos em Arbiragem:http://gearbpucminas.blogspot.com/2011/02/latin-lawyer-brazilian-bank-prevails.html (2 décembre 2015)

* 42 Voir https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/cases/Pages/casedetail.aspx?CaseNo=ARB/13/24 et https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/cases/Pages/casedetail.aspx?CaseNo=ARB/76/1 (2 décembre 2015)

* 43 Voir http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw6313_0.pdf (2 décembre 2015)

* 44 CIRDI, Government of the Province of East Kalimantanc. PT Kaltim Prima Coal, Sentence du 28 Décembre 2009, para. 219

* 45 Conseil d'État Français, Union des Transports Publics Régionaux, Arrêt du 2 février 1983

* 46 Shultz (T.) & Toral (M.), op.cit, p. 590

* 47 Laborde (G.), «The Case for Host State Claims in Investment Arbitration», in Journal of International Dispute Settlement, Vol. 1 No. 1, 2010, p. 98

* 48 Schultz (T.) & Toral (M.),op.cit., p. 590

* 49Ibidem, p. 591-600

* 50 Crawford (J.), «Treaty and Contract in Investment Arbitration», in Arbitration International, Vol. 24 No. 3, 2008, p. 364

* 51 Schults (M.) & Toral (M.), op.cit., pp. 578-579

* 52 CIRDI, Asian Agricultural Products Limited c. Sri Lanka, Sentence du 27 Juin 1990

* 53 McArthur (K.), «International Investor-State Arbitration: An Empirical Analysis of ICSID Decisions on Jurisdiction», in The Review of Litigation, Vol. 28, No. 3, 2009, p. 572

* 54 Paulsson (J.) 1995, op.cit., p. 232

* 55 Laborde (G.), op.cit., p. 112

* 56 Schwebel (S.), «A BIT about ICSID», in ICSID Review, Vol. 23, No. 1, 2008, pp. 5-6

* 57 Schultz (T.) & Toral (M.), op.cit., p. 580

* 58 Davarnejad (L.), «Strengthening the Social Dimension of International Investment Agreements by Integrating Codes of Conduct for Multinational Enterprises», OECD Global Forum on International Investment, 2008, p. 2

* 59 Schultz (T.) & Toral (M.), op.cit., pp. 584-585

* 60 Bjorklund (A.), «The Role of Counterclaims in Rebalancing Investment Law», in Lewis and Clark Law Review, Vol. 17 No. 2, 2013, p. 464

* 61 Hazard (G.), ALI/UNIDROIT Principles of Transnational Civil Procedure, International Institute for the Unification of Private Law, Rome, 2005, p. 45

* 62 Kriebaum (U.), «Illegal Investments», in Austrian Yearbook on International Arbitration,2010, p. 307

* 63 Hoffmann (A.), «Counterclaims in Investment Arbitration», in ICSID Review, Vol. 28 No. 2, 2013, p. 440

* 64 CIRDI, Roussalis c. Roumanie, déclaration du professeur W. M. Reisman du 28 novembre 2011

* 65 CIRDI, Antoine Goetz et Autres c. République du Burundi, sentence du 21 juin 2012, para. 279

* 66 Steingruber (A.), «Consent and Arbitral Tribunal Competence to Hear Counterclaims in Treaty-Based ICSID Arbitration», in ICSID Review, Vol. 28 No. 2, 2013, p. 300

* 67 Veenstra-Kjos (H.), «Counter-claims by Host States in Investment Dispute Arbitration `without Privity'», in Kahn (P.) & Wälde (T.), New Aspects of International Investment Law, Brill, 2004, p. 623

* 68 Bjorklund (A.), op.cit, pp. 475-477

* 69 Moses (M.), The principles and Practice of International Commercial Arbitration, Cambridge University Press, 2012, p. 19

* 70 Paulsson (J.) 1995, op.cit., p. 233

* 71 Burdeau (G.), « Nouvelles perspectives pour l'arbitrage dans les contentieux économiques intéressant les États », in Revue de l'Arbitrage, Vol. 1995 No. 1, p. 14

* 72 Shirlow (W.), «Addressing the Problem of the `Unknown' Claimant in Investor-State Arbitration», in Kluwer Arbitration Blog, at http://kluwerarbitrationblog.com/2015/11/25/addressing-the-problem-of-the-unknown-claimant-in-investor-state-arbitration/ (9 décembre 2015)

* 73 Loughlin (M.) & Van Harten (G.), «Investment Treaty Arbitration as a Species of Global Administrative Law», in European Journal of International Law, Vol. 17 No. 1, 2006, p. 129

* 74Nikièma (S.), «Definition of Investor», in Best Practices Series, International Institute for Sustainable Development, 2012, p. 7

* 75 Doucleff (J.) & Thorn (R.), «Disregarding the Corporate Veil and Denial of Benefits Clauses: Testing Treaty Language and the Concept of Investor», in Kaushal (A.) & Waibel (M.), op.cit., p. 6

* 76Ibidem, p. 7

* 77 Mitchell (A.), Munro (J.), Voon (T.), «Legal Responses to Corporate Maneuvering in International Investment Arbitration», in Journal of International Dispute Settlement, Vol. 5 No. 1, 2014, p. 42

* 78 CIRDI, Tokios Tokelès c. Ukraine, Sentence du 26 Juillet 2007

* 79 CIRDI, Ceskoslovenska obchodni banka c. République Slovaque, Sentence du 29 décembre 2004

* 80 Badia (A.), Piercing the Veil of State Enterprises in International Arbitration, Kluwer Law International, 2014, pp. 184-185

* 81 Feldman (M.), «Setting Limits on Corporate Nationality Planning in Investment Arbitration», in ICSID Review, Vol. 27 No. 2, 2012, pp. 284-285

* 82 Mitchell (A.), Munro (J.), Voon (T.), op.cit., p. 54

* 83 CIRDI, Bayview Irrigation District et autres c. États-Unis du Mexique, Sentence du 19 juin 2007

* 84 CIRDI, Alasdair Ross Anderson et autres c. Costa Rica, Sentence du 19 mai 2010

* 85 Donovan (D.), «Abaclat and others v Argentine Republic As a Collective Claims Proceeding», in ICSID Review, Vol. 27 No. 2, 2012, p. 261

* 86 Wiessner (S.), Democratizing International Arbitration? Mass Claims Proceedings in ABACLAT v ARGENTINA, St. Thomas University School of Law Legal Studies Research Papers, 2014, p. 60

* 87 CIRDI, Abaclat et autresc. Argentine, Opinion dissidente de Georges Abi-Saab, Para. 120

* 88 Van Houtte (H.) & Yi (I.), «Due Process in International Mass Claims», in Erasmus Law Review, Vol. 1 No. 2, 2008, p. 70

* 89 Demirkol (B.), «Does an Investment Treaty Tribunal Need Special Consent for Mass Claims?», in Cambridge Journal of International and Comparative Law, Vol. 2 No. 3, 2013, p. 613

* 90 Raviv (A.), «ITA-ASIL 2014: Mass and Class Claims in Arbitration», in Kluwer Arbitration Blog, at: http://kluwerarbitrationblog.com/2014/04/22/ita-asil-conference-mass-and-class-claims-in-arbitration/ (10 décembre 2015)

* 91 Larsen (C.), «ICSID Jurisdiction: The Relationship of Contracting States to Sub-States Entities», in Horn (N.) & Kroll (S.), Arbitrating Foreign Investment Disputes: Procedural and Substantive Legal Aspects, Kluwer Law International, 2004, p. 359

* 92 CIRDI, Cable Television of Nevis LTD c. Fédération de Saint Christophe et Nevis, Sentence du 13 janvier 1997, para. 2.33

* 93 CIRDI, Compania de Aguas del Aconquija et Vivendi Universal c. République Argentine, Sentence du 21 novembre 2000, paras. 51-52

* 94Ibidem, para. 49

* 95 CIRDI, Emilio Augustin Maffezini c. Royaume d'Espagne, Sentence du 13 novembre 2000, para. 52

* 96 Larsen (C.), op.cit., p. 373

* 97 Badia (A.), op.cit., pp. 163-169

* 98 Silva Romero (E.), «Are States Liable for the Conduct of their Instrumentalities?», in iai series on international arbitration, No. 4, 2008, pp. 49-53

* 99 Crawford (J.), «Investment Arbitration and the ILC Articles on State Responsibility», in ICSID Review, Vol. 25 No. 1, 2010, p. 131

* 100 CIRDI-MS, United Parcel Services c. Canada, Sentence du 11 Juin 2007, Para. 59

* 101 Cornu (G.), Vocabulaire Juridique, Presses Universitaires Françaises, 2009, p. 392

* 102 Newcombe (A.) & Paradell (L.), Law and Practice of Investment Treaties: Standards of Treatment, Kluwer Law International, 2009, pp. 327-328

* 103 Douglas (Z.) & Paulsson (J.), «Indirect Expropriations in Investment Treaty Arbitrations», in Horn (N.) & Kroll (S.), op.cit., p. 145

* 104CIRDI, Antoine Goetz et Autres c. République du Burundi, sentence du 21 juin 2012, para. 211

* 105 Nikièma (S.), «Indirect Expropriation», in Best Practices Series, International Institute for Sustainable Development, 2012, p. 8

* 106 Newcombe (A.) & Paradell (L.), op.cit., p. 255

* 107 OCDE, La norme de traitement juste et équitable, OECD Working Papers on International Investment, 2004, p. 3

* 108 Schreuer (C.), «Fair and Equitable Treatment in Arbitral Practice», in The Journal of World Investment & Trade, Vol. 6 No. 3, 2005, p. 364

* 109 Dolzer (R.), «Fair and Equitable Treatment: Today's Contours», in Santa Clara Journal of International Law, Vol. 12 No. 1, 2014, p. 15

* 110 UNCTAD, «Fair and Equitable Treatment», in UNCTAD Series on Issues in International Investment Agreements II, 2012, p. 13

* 111 Diehl (A.), The Core Standard of International Investment Protection, Kluwer Law International, 2012, pp. 338-339

* 112 UNCTAD, op.cit., p. 12

* 113 CIRDI, Société Ouest-Africaine des Bétons Industriels c. Sénégal, Sentence du 25 févier 1988

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