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L'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage investisseur-état.

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par Michael Farchakh
Université Paris 1 : Panthéon-Sorbonne - Master 2 - Droit International et Organisations Internationales 2015
  

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B) L'OBSTRUCTION DE LA JUSTICE PAR L'ÉTAT

Pour saboter l'arbitrage, l'État peut aussi exercer son influence indirectement pour ralentir et compliquer l'arrivée à une décision par le tribunal. En matière de preuves par exemple, l'État peut refuser à l'investisseur et au tribunal l'accès à certains documents qu'il juge confidentiels. «Virtually every national government has some doctrine protecting military, diplomatic, and other State secrets. The rationale for the privilege is that the danger to the national interest from disclosure outweighs any public of or private interest in truthful fact-finding in a particular litigation»155(*). L'État est le seul juge de ce qui est ou n'est pas confidentiel, il peut ainsi choisir de classifier certains documents comme tel alors qu'ils sont essentiels à l'investisseur pour établir son préjudice. L'inégalité dans les moyens de production de preuves est une illustration parfaite de l'inégalité des armes, et c'est aussi un problème auquel le tribunal ne peut pas facilement remédier. L'État peut aussi soumettre des preuves falsifiées avec beaucoup plus d'aisance que ne peut le faire une personne privée156(*). «Investment tribunals, unlike State courts, have no way of effectively compelling a State party to comply with discovery requests or to punish concealment of documents, forgery, or fraudulent submission or testimony»157(*).

Quand l'État fait face à un investisseur modeste dont les ressources financières ne sont pas sans limites, il peut recourir à une stratégie dilatoire en abusant la procédure arbitrale. L'État, mieux financé pour le litige, fait de son mieux pour multiplier considérablement les coûts de l'arbitrage, de façon à mettre une pression financière sur le demandeur. L'État peut alors retarder la constitution du tribunal, contester l'indépendance et la neutralité des arbitres, soulever toutes les objections procédurales et juridictionnelles possibles, maximiser les temps de réponse pour chaque phase, insister sur le plus grand nombre d'audiences possible, changer d'avocats, multiplier les témoignages pour forcer le demandeur à y répondre, et initier tout recours possible post-décision pour contester la validité de la sentence158(*). Une inégalité financière des parties n'est pas à proprement parler une inégalité des armes, et l'État peut souvent se permettre d'utiliser cet avantage pour détraquer une procédure initiée par un demandeur aux fonds financiers limités. Le tribunal arbitral ne peut pas faire grand-chose pour contrer ce déséquilibre ce qui en fait en pratique une inégalité manifeste des armes.

L'État peut en arriver à l'intimidation et le harcèlement des personnes liées à l'affaire. Il peut par exemple refuser des visas aux experts et avocats venant de l'étranger, mettre ces personnes sur des listes noires, les noyers dans des complications bureaucratiques. Si le demandeur fait appel à des témoins qui sont fonctionnaires publics, l'État peut inventer des mesures disciplinaires ou des refus de promotion pour dissuaderses subordonnés. Il est intéressant par ailleurs de noter que la seulesentence connue où un tribunal arbitral fait explicitement référence à la notion d'égalité des armes concernait une possible interférence de la part des États-Unis dans les relations entre l'investisseur et ses avocats et une interception de leurs communications :«the Disputing parties each owed in this arbitration a general legal duty to the other and to the Tribunal to conduct themselves in good faith during these arbitral proceedings and to respect the equality of arms between them»159(*).

L'égalité des armes est donc sérieusement affectée par la détention par l'État de pouvoirs coercitifs pouvant considérablement affecter le bon déroulement de la procédure arbitrale. L'État, avec ou sans le couvert de l'utilisation de pouvoirs légitimes, peut mener une contre-offensive qui gênera énormément le processus arbitral et pourra même conduire à une renonciation de l'investisseur à sa demande et à ses droits. Il est vrai que l'investisseur peut lui aussi agir de manière déloyale quand il en a les moyens, mais les implications de cette possibilité sont très différentes de la situation où l'abus provient de l'État ; « With control of the levers of government, public, formal, legal or secret, the State as a rule will not be distrubed by the existing institutions of justice (police, prosecution, courts), they will be a part of its litigation conduct »160(*).

* 155 Ginsburg (T.) & Mosk (R.), «Evidentiary Privileges in International Arbitration», in The International and Comparative Law Quarterly, Vol. 50 No. 2, 2001, p. 363

* 156 Kolo (A), «Witness Intimidation, Tampering, and Other Related Abuses of Process in Investment Arbitration», in Arbitration International, Vol. 26 No. 1, 2010, pp. 47-49

* 157 Wälde (T.) 2, op.cit., p. 175

* 158Ibidem, p. 174

* 159 CIRDI-MS, Methanex c. États-Unis d'Amérique, Sentence du 3 aout 2005, para. 54

* 160 Wälde (T.), op.cit., p. 164

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille