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Tribunaux administratifs de proximité et accès à  la justice administrative au Cameroun. Cas de la région de l'est.

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par cédric rodrigue NTOUAL AMOUGOU
Université Catholique dà¢â‚¬â„¢Afrique Centrale/Institut Catholique de Yaoundé - Master 2015
  

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Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de l'Est

Sommaire

Sommaire i

Dédicace ii

Remerciements iii

Résume iv

Abstract v

Liste des tableaux vi

Liste des figures vii

Liste des sigles et abréviations viii

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE :LES POLITIQUES PUBLIQUES INSTITUTIONNELLES D'ACCES

A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 20

CHAPITRE I-LE DISPOSITIF ORGANIQUE D'ACCES A LA JUSTICE

ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 23

CHAPITRE II-L'AMENAGEMENT PROCEDURAL DE L'ACCES A LA JUSTICE

ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 45

DEUXIEME PARTIE :L'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE PAR LES

POPULATIONS DE LA REGION DE L'EST 66

CHAPITRE III :LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DANS LA REGION DE L'EST : UN

CAS LIMITE D'INANITE INSTITUTIONNELLE 68

CHAPITRE IV :VERS UNE JUSTICE ADMINISTRATIVE ACCESSIBLE A TOUS : ESSAI DE THERAPIE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE LA JUSTICE

ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 87

CONCLUSION GENERALE 111

BIBLIOGRAPHIE 113

ANNEXES 121

TABLE DES MATIERES 127

Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de l?Est

Dédicace

A ma Maman adorée...

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Remerciements

Je remercie

Mon directeur, le Professeur Kiamba Claude Ernest, qui a bien voulu diriger ce travail de recherche, pour l'encadrement, le suivi et les multiples conseils.

Ma mère, madame Alima Marie Solange épouse Ntoual, pour tous les sacrifices consentis pour ma formation, que ce travail en soit le reflet !

Mon père, monsieur Ntoual Elie, pour les encouragements distingués.

Ma marraine madame Andjongo Isabelle Monique épouse Ntoual, pour les encouragements, encadrement et ses conseils.

Tous mes frères et soeurs, Eric Willy, Dorgelès, Hervé, Armelle, Steve, Christophe, Gaëlle, Parfait, Christelle, Vivien et Pamela, pour leur inconditionnel soutien et leurs encouragements protéiformes.

Mon ami Bindzi joseph Fabrice pour les critiques qui n'ont faits que renforcer mon engagement.

Mes camarades du Master Gouvernance et Action Publique avec qui j'ai cheminé tout au long de ces deux années

Tous ceux qui, de près ou de loin ont contribué d'une manière que ce soit à la production de ce travail de recherche.

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Résume

L'accès à la justice administrative au Cameroun est consacré par des politiques publiques institutionnelles fortes, qui déterminent aussi bien le dispositif organique que l'aménagement procédural du droit d'accès au juge qui s'affirme comme étant un droit fondamental. En effet, si au regard de ces politiques publiques institutionnelles, le droit d'accès à la justice administrative est consacré, force est de noter que ce droit connait une expression limitée. A l'épreuve des faits, les populations de la région de l'Est sont en majeure partie ignorantes de la justice administrative et l'appréhendent comme une matière ésotérique. Le droit matériel et le droit processuel administratifs font de ce point de vue, partie des domaines les moins connus ou davantage les plus méconnus par les justiciables de la région de l'Est, érodant ainsi l'expression d'un droit fondamental. Au regard de ce constat, si la socialisation juridique des populations de la région de l'Est se pose en s'imposant comme une nécessité, il importe de réformer la justice administrative au Cameroun aussi bien au niveau de la forme qu'au niveau du fond pour permettre à tous les citoyens d'y avoir accès, car le droit d'accès au juge est un droit qui permet à chacun d'être protégé par le droit.

Mots clés : justice administrative, procédure administrative contentieuse, politique publique, action publique, tribunal administratif

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Abstract

Access to administrative justice within Cameroon is prescribed by strong institutional public policies which determine the organic device as well as the development of the process to have the right of a judge which is a fundamental right. Hence so far as these institutional public policies are concerned, the right to administrative justice is determining whereas it present some limits. As a matter of fact, the populations of the Eastern region are for the most ignorant of this administrative justice and see in it a mysterious fact. Material law and administrative process law are less known within the Eastern region as well it undervalues the fundamental law connotation known to it. Following this fact, if the juridical socialization of the population of the Eastern region imposes itself as a necessity, it is worth reforming the administrative justice of Cameroon in its configuration as well as its content so as to permit each citizen to have access, thus the right to have access to a judge is a right which permits each one to be protected by the law.

Keywords: administrative justice, administrative process, public Policy, government policy, administrative court.

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Liste des tableaux

Tableau n°1 : transfert des recours contentieux dans quatre régions au Cameroun 36

Tableau n°2 : comparaison de l'activité contentieuse de quelques T.A au Cameroun 71

Tableau n°3 : connaissance de l'existence d'un T.A par les populations de la région de l'Est 74

Tableau n°4 : connaissance de la justice administrative et possibilité pour les populations de

se confronter à l'administration 75

Tableau n°5 : connaissance de l'utilité du juge administratif chez les populations de la région

de l'Est 76

Tableau n°6 : connaissance de la procédure administrative contentieuse dans la région de l'Est

79

Tableau n°7 : connaissance de l'existence de l'assistance judiciaire par les populations de la

région de l'Est. 85

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Liste des figures

Figure 1 : Découpage territorial de la région de l'Est 5

Figure 2 : la possible architecture institutionnelle de la juridiction administrative

camerounaise 93

Figure 3 : cycle de causes à effets de la sensibilisation 102

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Liste des sigles et abréviations

C.A : Chambre Administrative

C.A/CS : Chambre Administrative de la Cour Suprême

C.C.A : Conseil du Contentieux Administratif

C.F.J : Cour Fédérale de Justice

C.S : Cour Suprême

Dir : Sous la direction de

F.S.S.G : Faculté de Sciences Sociales et de Gestion

I.C.Y : Institut Catholique de Yaoundé

M : Monsieur

M.G.A.P : Master Gouvernance et Action Publique

N° : Numéro

P : Page

R.F.S.P : Revue Française de Sciences Politiques

T.A : Tribunaux Administratifs

T.E : Tribunal d'Etat

U.C.A.C : Université Catholique d'Afrique Centrale

Vol : Volume

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INTRODUCTION GENERALE

La création de l'Etat moderne en sa qualité de société est en accord avec l'impératif de l'instauration, sinon de la mise sur pied d'un Etat de droit, c'est-à-dire d'un Etat qui non seulement produit un droit, lui-même respectueux dudit droit, mais aussi qui permet aux citoyens d'y avoir accès. Cette préoccupation qui est clairement définie dans la maxime célèbre de droit ubi societas ibi jus1, met en filigrane la problématique de la justice. Le questionnement sur la justice depuis plusieurs décennies révèle le sens et la puissance de cette notion, en ceci qu'elle constitue un droit fondamental du citoyen, car elle est à la fois« conquête et instrument de l'Etat de droit »2, les justiciables ne devant rencontrer aucun écueils de jure ou de facto, procéduraux ou matériels, structurels voire temporels et qui sont de ce fait rédhibitoires ou de nature à rendre difficile sinon impossible l'accès à cette justice. Cette problématique d'accès à la justice administrative participe ainsi « du devoir de protection juridictionnelle de l'Etat »3, car, « si l'on reconnait au justiciable un droit à obtenir que la justice soit rendue sur sa requête, le sujet passif de ce droit n'est ni le juge personnellement désigné, ni une juridiction déterminée : c'est l'Etat tout entier, parce que c'est en son nom que la justice est rendue »4

1Partout où il y a société il y a droit.

2 Jean Rideau, « Droit au juge : conquête et instrument de l'Etat de droit », in droit au juge dans l'Union

Européenne, J. Rideau (dir), Paris LGDJ, 1998, pp 3-7.

3Louis Favoreu, Du déni de justice en droit français, Paris, LGDJ, 1964, p555.

4Marcel Waline, préface à la thèse de Louis Favoreu, ibid., p2.

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I- Contexte de l'étude

La problématique du jeu politique en contexte africain n'occupe très souvent qu'une place restreinte et parfois incomplète dans les diagnostics portant sur les dynamiques locales de l'action étatique. Pourtant un retour sur la littérature en sciences sociales permet de montrer que les politiques locales changent parfois la politique globale5, au sens où, les programmes d'action mis en oeuvre au niveau local bouleversent de plus en plus les règles d'action collective au sein du système politique dans son ensemble. Un tel constat est révélateur de l'importance accordée par l'Etat à une localisation de la justice administrative. Cette dernière s'inscrit dans une sphère étatique de « gestion publique territoriale »6et permet de ce fait de la situer dans des contextes aussi bien politico-juridiques que social.

1- contexte politico-juridique

La décentralisation de la justice administrative aujourd'hui s'inscrit dans une posture globale de jonction de la norme au fait dans la mesure où, il s'agit ici de l'émergence d'un contexte particulier au Cameroun de mise en place des institutions prévues par la constitution du 18 janvier 1996. En effet la norme constitutionnelle du 18 janvier 1996 prévoit la mise sur pied d'un nombre important d'institutions pour ainsi parfaire l'architecture institutionnelle du Cameroun. Les institutions nouvellement créées et prévues par la constitution sont au nombre de quatre ; il s'agit en effet, de la Haute Cour de Justice7, du Conseil Constitutionnel8, du Sénat9 et des Tribunaux Administratifs.

Ainsi, après avoir mis sur pied le Sénat, il est question aujourd'hui, de mettre en place les Tribunaux Administratifs tel que prévus dans constitution car, « les nouvelles institutions de la république prévues (...) seront progressivement mises en place »10. De plus, la République du Cameroun étant un Etat unitaire décentralisé11, il est impératif dans cette vague contextuelle de décentralisation de rapprocher la justice administrative des justiciables locaux, pour ainsi leur permettre d'y avoir accès de manière plus facile et plus rapide.

5Lire dans cette direction et avec intérêt, Alain Faure, « L'action publique locale entre territorialisation, territorialité et territoires, pour une lecture politique des politiques locales », RFSP, vol 7, n°5, 2005.

6Patrice Duran, Jean Claude Thoenig, « L'Etat et la gestion publique du territoire », in Revue française de science politique, Août, vol 46, n°4, 1996.

7Dont le statut et les compétences sont définis au titre VIII de la constitution, notamment en son article 53. 8Dont le statut et les attributions sont définis au titre VI de la constitution, notamment aux articles 43 à 52. 9Dont le statut et les compétences sont définis au chapitre II du titre III de la constitution, notamment aux articles 20 à 24.

10Article 67 alinéa 1 de la constitution du 18 janvier 1996.

11Article 1 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

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2- Contexte social

Le contexte social d'émergence des Tribunaux Administratifs est révélateur de la dichotomie centre-périphérie. Une première piste d'analyse la plus en vue en sciences sociales et la plus prégnante en science juridique et même politique, concerne certainement les modes de régulation locale qui caractérisent l'action publique dans la double dialectique entre l'Etat central et le local, et entre l'administration et les administrés locaux.

Les Tribunaux Administratifs instituant ainsi la proximité du juge administratif, s'inscrivent dans un contexte social particulier et par là révélateur du caractère régional desdits tribunaux. Aboutirons-nous dans cette veine à une socialisation de la justice administrative de par la décentralisation de celle-ci, compte tenu du départ du moins au niveau des pratiques, qui existe entre l'administration centrale et l'administration décentralisée.

II- Délimitation du travail

La délimitation d'un travail scientifique est d'une importance capitale car, les aspects spatiaux et temporels rendent compte des logiques de bornage d'un travail de recherche. Relativement à ce postulat, notre étude n'étant pas faite ex nihilo, s'inscrit dans une dialectique espace/ temps bien déterminée.

1- Délimitation temporelle [2012-2015]

S'il est admis que le temps conditionne dans une certaine mesure, la recherche en science en général et dans les sciences sociales en particulier, c'est que la trajectoire temporelle de la mise sur pied des Tribunaux Administratifs au Cameroun est d'une traçabilité indéniable car prévus depuis 1996, mais la date qui nous servira de support de recherche est celle relative à l'opérationnalité sinon à l'ouverture de ces Tribunaux Administratifs. A ce titre, c'est donc la date 2012 relativement au décret consacrant l'ouverture des tribunaux administratifs qui nous servira de base temporelle. Aussi nous souhaitons étendre notre champ temporel d'étude jusqu'en 2015 car cette année marque la première phase de la vision du Cameroun à l'horizon 2035 et peut de ce fait faire objet d'évaluation à mi-parcours. Au demeurant et de manière claire et synthétique, les années 2012 à 2015 marquent le champ temporel de notre étude.

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2- Délimitation spatiale

Le libellé de notre thème de recherche est assez révélateur du cadre spatial de notre champ d'investigation. « Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de l'Est » ainsi libellé marque le pôle d'ancrage de notre travail.

L'Est, région du soleil levant, est une zone aux élites peu nombreuses et disparates. Elle est composite et abrite une population de plus de 833 523 habitants12, pour une superficie d'environ 109 012 km2 et une densité qui tourne autour de 7,64 habitants/km2. Cette région abrite également l'un des grands projets structurants13 de la République du Cameroun et à ce titre a fait l'objet d'indemnisation des populations de la localité de LOM PANGAR14. La population est en majeure partie villageoise car elle vit encore de la chasse de l'agriculture et de la pêche.

La croyance en la toute-puissance de l'administration est encore très ancrée dans la mentalité et la conscience populaires. Cette région comporte une élite peu nombreuse, et le quadrillage administratif du moins au niveau de la décentralisation technique, y est peu égal. La région de l'Est Cameroun compte 4 départements (voir figure n°1) et est la moins développée du Cameroun. Les langues de cette région se subdivisent en deux grandes familles : les langues de famille Bantou (Maka et Kako), et les langues de famille oubanguiennes (Gbaya, Baka et Bangandu).

12Bureau Camerounais pour de Recensement de la Population. 13En l'occurrence le barrage hydroélectrique. 14Localité abritant le barrage hydroélectrique.

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Figure 1 : Découpage territorial de la région de l'Est

Source : Le Cameroun en bref15

La région de l'Est Cameroun est sous représentée dans la plus haute administration16.Elle constitue l'une des régions camerounaises où l'administration exerce encore un monitoring fort, une région dans laquelle l'autorité administrative est encore si l'on peut s'exprimer ainsi vénérée. Une telle localité constitue donc pour nous, un terrain fertile pour mesurer la confrontation entre les populations et l'administration dans une arène juridictionnelle que constitue le Tribunal Administratif dans cette région.

15Google.fr, consulté le 8 mai 2014 à 14h 23 minutes.

16En faisant une sociographie du gouvernement du 09 décembre 2011, l'on ne décompte que 02 ministres portefeuilles ressortissants de la région de l'Est sur un total de 36 ministres, soit un pourcentage de 5,55%.

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3- Délimitation matérielle

L'analyse de la décentralisation de la justice administrative nous impose l'usage d'un certain nombre d'outils théoriques.

L'ancrage disciplinaire de notre travail de recherche est celui de la sociologie de l'action publique. Cette discipline nous permettra de saisir les dynamiques de l'action publique camerounaise de décentralisation de la justice administrative dans une logique relationnelle centre-périphérie, et jeter un regard sociologique sur la compétence rationae loci dont jouit le tribunal administratif de la région de l'Est.

De plus, nous mobiliserons le droit administratif pour rendre compte du cadre normatif et règlementaire de la décentralisation sinon de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité au Cameroun. Ces disciplines nous permettrons de mener à bien nos investigations sur l'accès à la justice administrative dans la région de l'Est.

III- Objectifs de l'étude

Nos objectifs dans le cadre de travail se déclinent en un objectif général et en deux objectifs spécifiques

Ainsi, dans le cadre de notre travail de recherche, nous entendons comprendre et analyser l'impact qu'ont les Tribunaux Administratifs de proximité sur le contentieux administratif camerounais ; il s'agit en clair de voir dans quelle mesure, la proximité du juge administratif multiplierait les saisines de celui-ci.

De plus, il s'agira pour nous de voir, d'analyser et de comprendre la réception du Tribunal Administratif par les populations ainsi que par les autorités administratives, et de vérifier si l'institutionnalisation d'un juge administratif de proximité changerait la donne dans les pratiques administratives quotidiennes de cette région.

Nous entendons au demeurant faire ressortir la logique d'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs suivant soit une dimension top down ou Botton up de l'action publique étatique de décentralisation de la justice administrative en la faveur de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, en relation avec les préoccupations réelles des populations locales.

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IV- Intérêt de l'étude

Mener une étude sur la justice administrative au Cameroun dans son aspect décentralisé en la faveur des Tribunaux Administratifs de proximité, n'est pas chose aisée. Une telle initiative n'est donc pas sans intérêt. Cet intérêt qui se veut d'abord scientifique car il s'agit pour nous de faire une contribution à l'avancement de la science, se veut également social, car les enjeux de ce travail sont locaux et donc sociaux.

1- Intérêt scientifique de l'étude

L'intérêt scientifique de cette étude s'articule autour de la compréhension de la nécessité de l'institution des Tribunaux Administratifs en contexte camerounais aujourd'hui. En d'autres termes, les populations locales ont-elles été éduquées et par là prêtent à accueillir une nouvelle juridiction sur leur territoire ? Cette institution des Tribunaux Administratifs s'inscrit dans une logique top down, donc celle d'une politique publique, c'est-à-dire ce que « le gouvernement décide de faire ou de ne pas faire »17. L'identification de cette politique publique de décentralisation de la justice administrative peut être vérifiée au travers de trois critères :

- Le cadre normatif d'action, qui est précisé dans la loi du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs

- Un facteur de coercition, expression de la puissance publique, qui consiste à une décentralisation de la justice administrative conforme à la politique

- Un ordre social, que sont les chefs-lieux de chaque région.

Or, l'on est passé des politiques publiques à l'action publique18, c'est-à-dire à la prise en compte de la multiplicité d'acteurs et de la configuration sociale. De ce fait, la décentralisation de la justice administrative serait donc un choix politique, c'est-à-dire une appréhension empirique de « l'évolution des rationalités qui transforment l'action publique dans un environnement changeant »19. Ainsi, dans ce registre de mutation du droit administratif camerounais, les Tribunaux Administratifs nouvellement créés sont un terrain

17Cette définition est celle de Howet et Ramesh, et regroupe les définitions minimalistes des politiques publiques 18Il convient en effet de souligner que les définitions modernes au sujet des politiques publiques mettent l'accent sur sa nature processuelle, sur sa nature démographique hétérogène des acteurs pertinents, sur sa nature spatiale « multi-niveaux », dès lors comme le souligne Patrice Duran, « il est souvent préférable de parler d'action publique plutôt que de politique publique, car, si le concept de politique publique souligne clairement le caractère volontaire de l'action, il évoque aussi une activité trop linéaire et unilatérale [...] trop bien maîtrisée qui n'est le plus souvent qu'une représentation erronée et embellie de la réalité ».

19Balme et Sylvain Brouard, Les conséquences des choix politiques, Paris, PUF, 1994.

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fertile pour des investigations et les résultats récoltés, apporterons une plus-value aussi bien dans les sciences sociales que dans le droit administratif car il relancera les débats relatifs à l'accès au juge comme étant un droit fondamental.

2- Intérêt social de l'étude

L'intérêt social de ce travail de recherche s'articule autour des résultats qu'il aura produits. Ainsi, une fois achevé, il devrait avoir une utilité pratique compte tenu de la multiplicité d'informations qu'il regorgera. De ce fait, les lecteurs s'y intéresseraient en la faveur de l'éducation qu'il fera ressortir sur les procédures de saisines du juge administratif, sur la compétence des juridictions administratives de proximité. Pourront-ils y retrouver une sociogenèse de la juridiction administrative au Cameroun, et comprendre au demeurant que l'accès à la justice, tout comme à la justice administrative est non seulement un droit fondamental tout comme le droit à la vie, à la santé ou encore à la justice, mais également un service public auquel ils ont droit.

Pour les apprenants du droit, il sera un outil de consultation sur les logiques qui gouvernent à l'expression de la justice administrative au Cameroun. Pour les professionnels et les praticiens du droit, ce travail de recherche se présente comme un instrument qui permet de faire une sociologie du droit dans une logique de saisine du juge administratif dans la région de l'Est relativement à l'activité contentieuse de cette région.

V- Cadre conceptuel

Il est important et nécessaire, voire impératif de procéder à une définition des expressions clefs, afin de faire ressortir les logiques d'appréhension des mots et concepts dans le but de nous approprier certains termes. De ce fait, les concepts ici définis ont fait l'objet d'une adaptation au thème de travail dans l'idée de mieux orienter la recherche.

Le terme « Tribunal » peut être apprécié suivant une logique triangulaire. Il peut être considéré d'un point de vue organique, comme un organe de l'Etat composé d'un ou de plusieurs magistrats chargé de trancher les litiges en appliquant les règles de droit. Aussi, peut -il être appréhendé sous son aspect institutionnel, c'est-à-dire un lieu où siègent les magistrats qui forment une juridiction, tout comme il peut enfin être entendu comme une instance qui porte un jugement. Le terme tribunal ainsi défini, force est de noter que dans le cadre de ce travail nous nous intéressons à un type particulier de tribunal qu'est le tribunal administratif.

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Ce dernier s'entend comme une juridiction charger de juger les litiges entre les particuliers et l'administration ou encore de régler les conflits relevant du droit administratif

L'expression « justice » quant-à elle, est passible d'une double définition, car, elle constitue aussi bien un organe qu'une fonction ;

- Au sens organique, il s'agit de l'ensemble des institutions juridictionnelles mises en place, pour trancher et régler les litiges et différends par la voie de jugement et au terme d'une procédure donnée et bien définie.

- Au sens fonctionnel, la justice est l'activité qui consiste à juger, mieux à « trancher les litiges sur la base du droit, (...), statuer sur les contestations juridiques qui naissent de la vie en société »20.

Il est également impératif d'apporter un éclaircissement sur la notion

d' « administration ».Il importe, toutefois, de préciser que nous sommes dans le champ spécifique de l'administration publique. De ce fait, elle est définie par Jacques Chevalier et Daniel Lochak comme « l'ensemble des moyens humains et matériels, chargée sous l'autorité des gouvernants, d'assurer l'exécution des lois et le fonctionnement des services publics au bénéfice du citoyen ».L'administration publique est ainsi, non seulement un organe c'est-à-dire un corps de l'Etat, mais également une fonction, véritable bras séculier de l'Etat, chargée d'assurer l'intérêt général.

La « justice administrative » est donc un sous ensemble de la justice, qui est chargée de trancher les litiges administratifs. C'est donc un service public qui doit « répondre à un certain nombre de principes généraux du service public que sont le libre recours, l'égalité d'accès, le traitement et la gratuité, ainsi que la continuité du service »21.

VI- Revue de littérature

Aborder la thématique de l'accès à la justice administrative revient d'abord à recadrer la problématique de la justice administrative dans le vaste champ du droit administratif.

20 Daniel Lochak, La justice administrative, op.cit., p. 159.

21 F.M Sawadogo, « L'accès à la justice en Afrique francophone : problèmes et perspectives. Le cas du Burkina Faso », RJPIC, n°2, 1995, p168.

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Lato sensu, le droit administratif s'entend comme l'ensemble des règles juridiques applicables à l'activité de l'administration, que celles-ci soient des règles de droit privé ou qu'elles soient différentes de ces dernières.

Stricto sensu, on réserve l'expression de droit administratif pour désigner les seules règles originales, c'est-à-dire distinctes de celles du droit privé. En effet, si de nombreux ouvrages étudient les seules règles spéciales à l'administration, il faut noter qu'ils ne décrivent pas dans sa totalité, les règles applicables à cette l'administration22.

La construction d'un édifice de droit administratif est symptomatique du principe de la soumission de l'administration au droit de par la responsabilité administrative23 qui peut être soit contractuelle24 soit extracontractuelle25. En effet, si le maintien de l'irresponsabilité de l'Etat a été pendant plusieurs années condamné, l'ampleur des dommages dus à l'administration relativement au développement de son action et de la puissance de ses moyens faisait de leur réparation une nécessité. La responsabilité de l'Etat devait ainsi avoir un fondement et un régime bien établis26. Cette responsabilité de l'administration puissance publique ainsi établie et consacrée, met en érection la problématique du contrôle de l'administration et donc de la justice administrative qui somme toute est un service public, c'est-à-dire « la clé de l'application du droit administratif »27.

En effet, le service public dont parle Jacques Chevallier dans son opuscule, se caractérise principalement et généralement par le droit d'accès car aux yeux de tous les citoyens, la justice est un recours, une sécurité, un rempart et surtout un symbole, qui est celui de l'égalité de tous devant le droit.

Ce postulat aussi exact et porteur de sens soit-il ne satisfait pas pour autant André Rials qui pousse la réflexion en alléguant du fait que, pour que la justice soit rendue, il faut encore que le justiciable puisse la saisir et qu'il ne soit pas retenu par des contraintes matérielles compte tenu du fait que « l'accès à la justice est un corollaire de l'Etat de

22Lire sur la question et avec intérêt, Réné Chapus, Le service public et la puissance publique, RD. Publ. ,1968 et P. Amseleck, Le service public et la puissance publique, AJDA, 1968, 492 pages.

23 Jean Moreau, « La responsabilité administrative », Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, 1995.

24A. De Laubadère, Les éléments d'originalité de la responsabilité contractuelle de l'administration, Mélanges Mestre, p383.

25 Jean Waline, « L'évolution de la responsabilité extracontractuelle des personnes publiques », EDCE, 1995, n°46, p459.

26Lire dans cette direction, Benoit, « Le régime et le fondement de la responsabilité de la puissance publique », JCP, 1954, I, n°1178.

27Jacques Chevallier, Le service public, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, p 18.

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droit »28. Pour l'auteur, cela signifie et est coextensif à la possibilité pour chaque citoyen de pouvoir recourir à la justice. Il s'interroge de ce fait, sur la valeur de cette égalité de droit, pour le citoyen lambda, qui n'aurait pas les moyens de supporter la charge d'une procédure.

Or, Bernard Raymond Guimdo, pense que l'accès à la justice et par conséquent à la justice administrative est un droit fondamental. Il le démontre en prenant pour cadre référentiel l'Etat du Cameroun, notamment dans son article « le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun : Contribution à l'étude d'un droit fondamental »29. L'auteur y démontre que, le droit d'accès au service public de la justice administrative est consacré, parce qu'il est d'une part reconnu par les textes internationaux applicables au Cameroun, ainsi que par la constitution et la jurisprudence nationales, notamment les affaires CS/CA, jugement n°7/79-80 du 29 novembre 1979, Essomba Marc Antoine/Etat du Cameroun et CS/CA, jugement n°40/79-80 du 29 mai 1980, Monkam Tientcheu David/Etat du Cameroun, et d'autre part, parce que le constituant et le législateur camerounais ont organisé la structure organique et matérielle du service public de la justice administrative ainsi que la procédure qui permet d'y accéder.

Mais cette conception réductionniste et « pro- juridiciste » de l'accès à la justice administrative ne semble pas convaincre certains chercheurs et doctrinaires administrativistes. Dans cette veine, Maurice Kamto30 et Luc Sindjoun31 pensent que, si la procédure que le justiciable doit respecter devant le juge administratif demeure encore une bastille à prendre en raison du fait qu'elle est le domaine le moins connu ou le plus méconnu par les justiciables, « elle est devenue le cimetière où vont s'enterrer les prétentions contentieuses des requérants ». Ces auteurs formulent des réserves à l'égard de l'enthousiasme et du constat établi par Bernard Raymond Guimdo, sur la consécration de l'accès à la justice administrative en qualité de service public car en la réalité, bien que- il importe de le noter- il n'ait pas entièrement tort, Bernard Raymond Guimdo célèbre le primat de sa chapelle car, son constat, son analyse et son raisonnement subissent la dictature de son positionnement, c'est-à-dire un positionnement « pro-juridiciste », mettant ainsi en avant le sens et l'interprétation. Sommes-

28André Rials, L'accès à la justice, Paris, Presses universitaires de France, 1ère édition, 1993, p 9.

29Bernard. R. Guimdo, « le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun : contribution à l'étude d'un droit fondamental », op.cit., p 159-216.

30Notamment dans son ouvrage, Droit administratif processuel du Cameroun. Que faire en cas de litige avec l'administration, guide pratique, Presses Universitaires du Cameroun, 1990.

31Luc Sindjoun, « A propos du droit administratif processuel au Cameroun : l'invention du bon justiciable, la production de la croyance dans le juge et la distinction contentieuse de l'Etat », in Revue juridique Africaine, Maurice Kamto et Paul Gérard Pougoué (dir), 1992, 1993, p 215.

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nous donc surpris par les réserves émises par Maurice Kamto qui lui, a certainement fait usage des procédés « pro-sociologiques » c'est-à-dire le terrain, par exemple la consultation des minutes des greffes de la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour pouvoir rendre compte du déclin du contentieux administratif camerounais « en volume mais surtout en qualité au regard de son potentiel »32, et conclure qu'il s'agit dans une certaine mesure d'une « matière ésotérique »33.

Toutefois, un autre débat aussi important et houleux à diviser la doctrine administrativiste. Le débat dont il s'agit oppose les adversaires aux partisans de la juridiction administrative. En effet, les adversaires de la juridiction administrative mettent en avant l'argument de la pluralité de l'ordre de juridiction dans la résolution des litiges auxquels fait partie l'administration comme inanité de l'existence d'une juridiction spécialisée dans le contentieux de l'administration. Ainsi, compte tenu du fait que les litiges auxquels l'administration est partie peuvent être connus aussi bien par un juge judiciaire que par un juge constitutionnel, il est peu nécessaire de créer une juridiction spécialisée dans le contentieux né de l'action de l'administration puissance publique.

Au demeurant, il est possible de lire dans les pensées de ceux que nous pouvons nommer sous le vocable des « adeptes de l'inanité de la juridiction administrative », le fait que, la mise sur pied ou la création d'une juridiction administrative ne serait qu' une exaltation princière de la chose publique dont on voudrait en restreindre la portée et le contrôle.

Cette lecture des choses et de la réalité ne satisfait pas les partisans de la juridiction administrative qui eux, voient en elle un réel moyen de contrôler l'administration de son arbitraire et une réelle soumission de l'Etat au droit, qui se caractérisent par la responsabilité de la puissance publique. A l'analyse des arguments proposés par les partisans de la juridiction administrative, qui la considère comme un véritable rempart contre l'arbitraire administratif, l'on est tenté de s'interroger sur l'impact du contexte d'émergence de la responsabilité administrative ou tout simplement du droit administratif. En effet, la monarchie parlementaire dont la fin a été consacrée par la révolution de 1789 en France a certainement laissé des séquelles dans l'imagerie et la nostalgie populaires. Les extrémistes y afférents avaient alors induit une attitude contestataire auprès des populations, car l'administration était

32Maurice Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op.cit., avant-propos. 33Idem.

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toute puissante. Compte tenu de cet état des choses, il fallait restreindre l'expression de cette toute puissance de l'administration à l'aune d'un droit qui devait consacrer également sa responsabilité juridique, laquelle devrait être établie par une juridiction administrative.

Au regard de toutes ces considérations et à la consultation de cette littérature nous avons deux tendances qui se dégagent : la première consiste à considérer la justice administrative comme un service public dont les modalités d'accès sont brillamment consacrées, et nécessaires pour soumettre l'administration au droit, dans cette logique, la juridiction administrative est d'une nécessité impérieuse et l'autre en revanche consiste à dire que la justice administrative est un service public dont l'accès est limité.

Le positionnement qui est nôtre consiste d'une part à corroborer que la justice administrative est non seulement un service public à part entière à l'instar de l'éducation ou encore de la santé, et que la juridiction administrative- au grand dam de ses adversaires- à toute sa place, et d'autre part à penser que l'accès à la justice administrative est un service public spécial.

VII- Formulation de la problématique

La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs est venue répondre dix années plus tard, à une prévision constitutionnelle relativement à la mise en place des Tribunaux Administratifs.

En effet, si ces deux textes n'avaient qu'une préoccupation théorique, le décret n°2012/119 du 15 mars 2012 consacrant l'ouverture des Tribunaux Administratifs est venu rendre opérationnel ce qui auparavant avait été textuellement prévu. De ce fait, il a fallu à l'Etat camerounais une quinzaine d'années pour mettre sur pied les Tribunaux Administratifs dans chaque région sur l'étendue de son territoire ; cette considération s'inscrit ainsi dans une logique du temps long.

Aujourd'hui, la thématique des Tribunaux Administratifs révèle l'aspect de la décentralisation de la justice administrative de par les ressorts territoriaux de la juridiction administrative. La préoccupation se révèle ainsi en termes d'accès, d'où la question centrale de notre travail qui est celle de savoir : la proximité du juge administratif garantit-elle l'accès des populations à la justice administrative dans la région de l'Est du Cameroun ?

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VIII- Hypothèses de recherche

Aborder la question de la décentralisation de la justice administrative nous amène à établir un rapport entre le central et le local. Pour pouvoir mettre à nu ce rapport, il est important pour nous d'adopter une posture hypothétique. Cette considération nous amène à formuler une hypothèse principale et quatre hypothèses secondaires.

? Hypothèse principale

Malgré un dispositif institutionnel fort, la justice administrative reste difficilement accessible par les populations de la région de l'Est.

? Hypothèses secondaires

? Les populations de la région de l'Est sont ignorantes des procédures de saisine du juge administratif ;

? Le niveau des populations de vie constitue encore un obstacle important à l'accès au juge administratif dans la région de l'Est ;

? La toute-puissance de l'administration est encore ancrée dans les mentalités des populations de la région de l'Est ;

? La politique de décentralisation de la justice administrative n'a pas fait l'objet d'une vulgarisation auprès des populations de la région de l'Est.

IX- Méthodologie de recherche

En pénétrant dans le champ social, le chercheur encourt des risques d'erreurs34, car il est exposé à y recevoir une pseudo science sociologique tout comme il s'expose aussi à conserver les pensées, pratiques et les intérêts de l'acteur social qu'il représente lui-même. En effet, la connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres, et comme le dit Gaston Bachelard, « accéder à la science c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé »35. Toutes ces considérations témoignent à foison de l'importance accordée à la méthode dans l'univers des sciences sociales. Ainsi, la méthode par nous employée aux fins de réalisation de ce travail se veut duale : un cadre d'analyse et un cadre technique de collecte des données.

34Lire dans cette direction et avec intérêt, Emilie Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Alcan, 1895.

35 Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, Paris, J. Vrin, 1986.

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1- Le cadre d'analyse

La problématique de l'accès à la justice administrative via l'institutionnalisation d'un Tribunal Administratif dans la région de l'Est s'analysera à l'aune d'une approche propre au domaine des politiques publiques qu'est le néo-institutionnalisme. Toutefois, il s'agira également de flirter de manière complémentaire avec des approches de droit, que sont la dogmatique et la casuistique. Cette combinaison des méthodes est nécessaire pour la réalisation de ce travail de recherche car il s'agit ici de mesurer l'impact d'une mesure d'ordre juridique quant-à l'accès à un service public dans la région de l'Est Cameroun.

Le néo-institutionnalisme est un courant qui s'inscrit dans la trajectoire de développement de la science politique américaine et est légèrement moins connu dans les réseaux francophones. C'est un courant né de la critique et de la crise du vieil institutionnalisme qui se caractérisait par un légalisme et un formalisme importants, et par sa nature descriptive et a-théorique36. Le néo-institutionnalisme a été développé par des auteurs tels que March et Olson. Cette approche postule de l'influence des institutions sur les phénomènes sociopolitiques, qui s'articulent autour de deux questionnements, voire problématiques. La première concerne l'influence des institutions sur l'action, et pousse à l'exploration de l'impact qu'ont les institutions sur les manières et les logiques d'actions des acteurs, leurs préférences, leurs identités, leurs stratégies et même leur nature.

La seconde préoccupation est celle du développement institutionnel qui consiste à s'interroger sur les origines et le caractère des institutions tout en examinant comment leur production et leur reproduction s'inscrivent dans un processus où l'univers institutionnel existant conditionne la possibilité et la trajectoire du changement institutionnel. Il permet ainsi de structurer le politique en conférant aux institutions une importance théorique.

Le néo-institutionnalisme se subdivise en trois branches : le néo-institutionnalisme historique qui insiste sur la dimension contingente du poids des institutions sur l'action, le néo-institutionnalisme du choix rationnel qui se concentre sur l'importance stratégique des institutions et le néo-institutionnalisme sociologique qui postule que, la création de nouvelles institutions se fait dans une logique de compatibilité avec celles qui existent déjà.

36Peter Hall et Rosemary Taylor, « La science politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue Française de Science Politique 47e année n°3-4, 1997, Pp. 469-496

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Dans le cadre de ce travail de recherche, nous mobiliserons le néo-institutionnalisme sociologique, car il permet de lier la société aux institutions par le sens que celles-ci acquièrent et diffusent. Il met donc l'accent sur l'aspect cognitif des institutions et non sur l'effet contingent ou sur leur dimension stratégique37.

Etant donné que les institutions existent parce qu'elles remplissent un besoin social, cette approche nous permettra de montrer que le Tribunal Administratif dans la région de l'Est est non seulement un site de conflits, mais également et davantage une entité en soi. En d'autres termes, le Tribunal Administratif de proximité serait une arène pour les forces sociales en confrontation, en même temps qu'il est des procédures, des collections standards et des structures qui définissent et défendent des valeurs, normes, intérêts et des identités. Ce Tribunal Administratif serait donc une institution à part entière et donc au sens de March et Olson, des règles de comportement, des normes, des rôles, des aménagements physiques, des bâtiments et des archives , de ce fait, il est un type de comportement relativement durable (Roger Smith) car comme le dit si bien Jean Monnet, rien n'est possible sans les hommes et rien n'est durable sans les institutions. Au regard de toutes ces considérations, nous pensons donc que l'analyse institutionnelle38sociologique est appropriée pour réaliser notre travail de recherche.

Les Tribunaux Administratifs s'inscrivent dans un corpus de droit public qu'est le droit administratif. Compte tenu de ce postulat, ce serait un dédouanement méthodologique que de ne pas convoquer les méthodes propres au droit public dans une logique d'interdisciplinarité et de complémentarité méthodologique. Dans cette veine, nous mobiliseront certaines approches méthodologiques propres au droit, à l'instar de la dogmatique qui est l'étude des textes. La dogmatique permettra de faire une exégèse juridique des textes relatifs à la justice administrative au Cameroun, et de les interpréter relativement à la possibilité qu'ils offrent aux citoyens de saisir le juge administratif camerounais dans la conformité.

37L. Zucker, « The role of institutionalization in cultural persistence », in W.W. Powell et P. DiMaggio (eds), The new institutional in organization analysis, Pp. 83-107.

38Lire dans cette direction, R. Laurau, L'analyse institutionnelle, Paris, 1970.

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2- Technique de collecte des données, échantillonnage et identification de la population cible

Il est question dans cette partie de préciser les méthodes opérationnelles, qui permettront de réaliser les enquêtes de terrain et de collecter les données qui serviront à vérifier nos hypothèses.

a- la technique de collecte des données

Pour mener à bien cette étude, nous optons pour une combinaison des méthodes qualitatives et des méthodes quantitatives. En effet, si l'on a tendance à opposer ces deux types de techniques, force est de constater que leur rapport relève de la complémentarité car, comme le souligne Madeleine Grawitz39 « vouloir opposer méthodes qualitatives et quantitatives alors qu'elles se complètent, c'est renoncer à trouver la solution efficace des problèmes et risquer de freiner le développement des sciences sociales au moment où l'on a plus que jamais besoin d'elles ». Dans cette veine, force est alors de constater et de conclure que, les techniques qualitatives complètent les résultats obtenus au moyen de l'utilisation des méthodes quantitatives et vice-versa. Dans le cadre de ce travail, cette combinaison de méthodes nous permettra de quantifier les recours introduits auprès du juge administratif de la région de l'Est, et de faire ressortir le pourcentage de la population connaissant la procédure de saisine du juge administratif d'une part, et d'analyser la qualité de la saisine sous le prisme des rejets des pourvois devant le juge administratif pour des questions de procédure d'autre part.

Ainsi dit, pour collecter nos données, nous mobiliserons la recherche documentaire, l'entretien semi directif et le questionnaire :

? La recherche documentaire permettra de consulter les archives publiques et les documents officiels des services publics juridictionnels de l'ordre administratif, les textes de loi sur la justice administrative au Cameroun, les textes de loi spécifiques sur l'organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs de proximité.

? l'entretien semi directif sera mobilisé ici, dans l'optique d'annoncer à nos enquêtés, le thème de l'entretien, selon un déroulement sans protocole, c'est-à-dire sans

39Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1990, page 413.

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standardisation de la forme ou de l'ordre des questions, le plus important étant que les sujets aborder devraient tous être traités.

? Nous avons également fait usage d'un questionnaire à réponses fermées pour pouvoir rendre compte de manière assez précise des données quantitatives sur la connaissance des procédures, le taux des saisines ; ceci nous permettra d'obtenir des réponses précises, traduisant la réalité que nous étudierons.

b- Identification de la population cible et échantillonnage

Etant donné que l'administration ne fait pas partie des personnes pouvant saisir le juge administratif d'un recours contentieux dans la mesure où c'est l'administration qui est à l'origine des décisions querellées, litigieuses et dommageables, celle-ci tient toujours la position de défendeur.

Tout au plus, peut-elle contre-attaquer au cours de l'instance par le canal d'une demande reconventionnelle, afin de protéger ses intérêts. Dans ce cas, elle apparait alors un instant, comme le demandeur. Eu égard à ces considérations, notre population cible se limitera à tout particulier, pouvant saisir le juge administratif en adoptant de ce fait, la posture du demandeur. Nous avons identifié une population en la subdivisant en catégories pertinentes. Nous distinguons de ce fait :

? la population active, c'est-à-dire celle-là qui exerce soit une fonction, soit une activité à but lucratif, lui permettant d'être aux prises avec l'administration.

? la population dite inactive qui intègre les citoyens n'exerçant pas une fonction ou une activité rémunérée ou productive ; cette catégorie regroupe les élèves et étudiants, les chômeurs.

? la troisième catégorie est la population villageoise, c'est-à-dire les autochtones qui détiennent les lopins de terre dans cette région et qui ont été indemnisés par l'administration en la faveur de la construction du barrage hydroélectrique de LOM PANGAR.

De plus, nous allons interroger un certain nombre d'autorités qui sont pour nous des personnes ressources. Il s'agit du juge du Tribunal Administratif de la région de l'Est, du greffier en chef du Tribunal Administratif et du Superviseur Scientifique du Programme National de formation des magistrats administratifs camerounais en Contentieux administratif.

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Cette subdivision nous permettra ainsi de réaliser notre échantillon.

L'échantillon « est la partie de l'univers qui sera effectivement étudiée et qui permettra par extrapolation de connaitre les caractéristiques de la totalité de l'univers »40 . La réalisation de l'échantillon passe par sa détermination et le respect de la représentativité. La détermination de l'échantillon peut se faire suivant deux grands procédés : la technique du choix au hasard ou sondage probabiliste, et la technique dite de quota.

Dans le cadre de ce travail de recherche la réalisation de l'échantillon se fera par la technique de quota. Il s'agira, d'une part, de monter un modèle réduit de la population de la région de l'Est, en suivant des caractéristiques précises. Ainsi, pour la population active, l'échantillon se construit à partir de la répartition en seule une catégorie : les commerçants.

Pour la population inactive, nous distinguerons les chômeurs des élèves et étudiants, et enfin pour ce qui est de la population villageoise, une seule catégorie sera prise en compte, c'est-à-dire celle autochtone ou des propriétaires terriens.

Il s'agira d'autre part, de déterminer les quotas en construisant un contingent de personnes à interroger suivant une marge d'erreur qui croîtra selon la population à interroger. Dans cette logique, et selon la proportion de la population de la région de l'Est, nous avons interrogé 100 personnes réparties comme suit :

60 Commerçants et activistes, 25 étudiants et élèves et chômeurs et enfin 15 autochtones et propriétaires terriens.

De plus, nous avons interrogé les personnes ressources, c'est-à-dire les personnes détentrices d'informations solides et certaines, qui nous ont permis d'étoffer notre devoir et de vérifier nos hypothèses. Nous avons ainsi interrogé quatre personnalités que sont : le Greffier en chef du Tribunal Administratif de la région de l'Est, deux juges administratifs près du Tribunal Administratif de l'Est le Superviseur Scientifique du Programme National de Formation des Magistrats Administratifs camerounais en Contentieux Administratif.

40Jean-Louis Loubet Del Bayle, Introduction aux méthodes des sciences sociales, Toulouse, Privat, 1978, p 48.

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LES POLITIQUES PUBLIQUES INSTITUTIONNELLES D'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN

PREMIERE PARTIE :

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« La crainte du juge est le commencement de la sagesse ».Cette affirmation de Jean Rivéro démontre de fort belle manière que, la seule institutionnalisation d'un juge ou d'une juridiction est vectrice de modification des comportements et d'actions dans la gestion du domaine et de la chose publics, quand l'on se trouve dans le champ du droit ou du contentieux administratifs.

« En la réalité, la juridiction administrative, loin d'être une anomalie ou un anachronisme est étudiée avec sympathie dans les autres pays comme par les institutions internationales »41. Dans cette veine, la juridiction administrative française a servi de modèle parfois d'exemple pour la formation et la maturation de l'organe juridictionnel en charge du contrôle de l'administration42 dans bon nombre de pays à travers le monde. Ainsi, dans certains pays comme la Belgique43, l'Egypte44, la Tunisie45 ou encore le Cameroun46 la juridiction administrative française a très souvent été le miroir de l'institutionnalisation d'une juridiction administrative. Ces aspects de transfert des politiques publiques institutionnelles se caractérisent parfois et même fortement par une logique de mimétisme institutionnel, or les politiques publiques ont toujours été présentées comme une opération d'ingénierie institutionnelle qui agit sur les règles du jeu en modifiant les enjeux, et recadre le comportement et les modes de coordination des acteurs. Or, tel n'a pas été explicitement le cas au Cameroun dans une perspective d'élaboration et de mise en oeuvre des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative, d'où l'on voit que le jeu des acteurs n'a pas considérablement et explicitement été pris en compte dans la conception et l'implémentation de ces politiques publiques relatives à l'accès à la justice administrative.

Quoiqu'il en soit, la photographie du balisement de l'accès à la justice administrative au Cameroun, fait ressortir un dispositif institutionnel fort, qui s'est formé dans le temps et a subi des transformations et réformes souvent liées aux conjonctures ou aux conjectures

41Raymond Odent, Contentieux administratif, Tome 1, Paris ? Dalloz, 2007, p 37.

42Lire dans cette direction, Samson Dossoumon, « Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l'administration dans les pays en voie de développement d'Afrique noire francophone », Revue Béninoise de Sciences Juridiques et Administrative n°3, Juin 1985, p 1-22.

43Sur la juridiction administrative en Belgique, Puget, Le nouveau Conseil d'Etat belge, ED, 1948, 105 pages ou Buch, Le nouveau Conseil d'Etat de Belgique , ED, 1964, p 175.

44Lire dans cette direction, Watrin, Le Conseil d'Etat égyptien, ED, 1948, p 119.

45Sur la question, Ladhari, « Le Tribunal Administratif en Tunisie », Bulletin International d'Administration Publique n°35, 1975, p 163 ; ou Mestre, Conseil d'Etat français et Tribunal Administratif tunisien, Mélanges, Waline, Tome 1, p 59.

46Maurice Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op.cit. Ou Philippe Ngole Ngwese, et J. Binyoum, Eléments de contentieux administratif Camerounais, Paris, L'Harmattan, 2010, 264 pages. , Joseph Owona, Le contentieux administratif de la République du Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2011, 230 pages.

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relatives à la maturation ou encore à la facilitation de l'accès au juge (chapitre I). L'exploration poussée de cette photographie exhume formidablement un aménagement procédural de l'accès à la justice administrative au Cameroun car les logiques de saisines du juge administratif correspondent au respect d'une grille processuelle et même procédurale (chapitre II).

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CHAPITRE I-

LE DISPOSITIF ORGANIQUE D'ACCES A LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN

INTRODUCTION

« Rien n'est possible sans les Hommes, mais rien n'est durable sans les institutions »47. Cette affirmation témoigne clairement de la centralité du dispositif institutionnel dans une logique de régulation sociale et macro sociale. De ce point de vue, les institutions jouent un rôle incontournable dans le maintien et la pérennité de l'équilibre et du lien entre les différentes perceptions des acteurs formant le tissu social. La résurgence des institutions comme référent théorique fondamental représente un développement théorique important dans l'évolution de la science politique et des sciences sociales en général. Les institutions politiques en l'occurrence, s'affirment davantage comme étant des centres d'intérêt de construction théorique et des recherches empiriques48.

En effet, le phénomène institutionnel se manifeste par un large programme d'enquêtes et de recherches, toutes centrées sur l'influence qu'ont institutions sur les phénomènes sociopolitiques49. De ce point de vue, les institutions auraient une influence considérable sur les comportements des acteurs, leurs actions, leurs stratégies et parfois même leur identité. Le développement institutionnel conduisant ainsi à examiner la façon dont la production, la reproduction sinon la coproduction des institutions s'inscrivent dans un processus contingent et continu, et où le tissu institutionnel existant conditionne dans une certaine mesure la trajectoire d'institutionnalisation.

47Affirmation de Jean Monnet, père fondateur de l'Union Européenne.

48Peter Evans et al., Bringing the State back in, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.

49R. Kent Weaver et Bert, A. Rockman (dir), Do institutions matter? Government capabilities in the United States and Abroad, Washington, the Brookings Institution's, 1993.

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Sous cet angle, analyser la problématique de l'institutionnalisation dans le domaine des politiques publiques ou encore de la sociologie de l'action publique, revient de prime à bord à appréhender la notion d'institution. Un tel effort de clarification conceptuelle ne peut trouver d'ancrage que dans un registre propre au déploiement institutionnel, et à l'analyse du système d'acteurs dans une logique de conception et de maturation des institutions. De ce fait, le néo-institutionnalisme offre une grille d'appréhension assez panoramique du concept, et apporte deux réponses à la préoccupation. Ainsi,

D'un côté, on retrouve les néo-institutionnalistes qui suivent au plus près l'idée du retour de l'Etat et adoptent une définition matérialiste des institutions qui inclut les organes de l'Etat, par exemple la structure des législatures, des exécutifs, des bureaucraties et des tribunaux ; les constitutions, les arrangements de division territoriale du pouvoir tels le fédéralisme et le système d'autonomie ; et les systèmes de partis. De l'autre côté, il y'à les néo-institutionnalistes qui voient les institutions en termes de normes, explicitement définies ou non, qui peuvent prendre la forme de paramètres culturels et cognitifs ou des règles et de procédures50.

De cette considération notionnelle, l'on s'aperçoit du fait que l'institutionnalisation de la juridiction administrative au Cameroun a été le fruit des relations entre des dynamiques d'acteurs, et s'appréhende comme un phénomène social total. Aussi, il en ressort que, les institutions sont non seulement des organes, c'est-à-dire des aménagements physiques et/ou des bâtiments, mais également des normes, des comportements et des procédures.

Vu sous cet angle, la mise en place des institutions d'accès à la justice administrative au Cameroun s'est posée en s'imposant comme une nécessité impérieuse, car,« La justice administrative est l'expression concrète de la protection des citoyens contre les risques d'arbitraire de l'administration, elle apparait en effet comme un moyen de défense des individus contre les abus de pouvoir, non pas en vue de compromettre l'autorité de celui-ci, mais pour lutter contre d'éventuelles dérives despotiques »51.

De cette considération, la juridiction administrative s'affirme comme étant d'une extrême nécessité et comme étant une composante essentielle de l'Etat de droit. La

50André Lecours, « L'approche néo institutionnaliste en science politique : unité ou diversité ? », in Politiques et Sociétés, vol 21 n°3, 2002, Pp. 10-11.

51Maurice Kamto, Idem, p 7.

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soumission de l'administration et partant, de l'Etat au droit, se forge et se déploie autour d'un corpus de règles de droit objectif et des lois positives52. C'est donc cette préoccupation qui a gouverné dans les modalités de formation de la juridiction administrative dans le temps et dans l'espace.

Cette juridiction s'est formée et a évolué progressivement, ses intempéries et les débats sur la nécessité de son institutionnalisation n'ont fait que renforcer et accroitre sa légitimité et sa maturation. De nos jours, ses propriétés présentistes révèlent éloquemment sa dimension utilitaire car aujourd'hui et plus que jamais, la juridiction administrative est un instrument de l'Etat de droit. La trajectoire de l'institutionnalisation de la justice administrative au Cameroun revient à appréhender la juridiction administrative comme un ensemble d'aménagements physiques qu'il conviendrait de saisir comme une institution organe qui a évolué (section I) et a changé dans le temps (section II).

52Léon Duguit, L'Etat, le droit objectif et la loi positive, PUF, 1901, p 581.

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Section I- Les dynamiques du changement des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative au Cameroun

L'évolution institutionnelle de la juridiction administrative au Cameroun correspond nettement à une importation relative de la juridiction administrative française. « En effet, le phénomène de transfert d'institutions n'est pas nouveau. Imposées ou empruntées, les institutions ont souvent régi des populations auxquelles elles n'étaient pas destinées »53. Les transferts de droit54 sont depuis plusieurs décennies devenus de plus en plus importants, et correspondent dans certains cas à une sorte d'importation55 ou davantage à une hybridation56.

En effet, la sociologie de l'action publique saisie par les institutions permet de caractériser le changement institutionnel sous le prisme du rôle des institutions57, de leurs impacts sur les comportements, les valeurs, la culture58 et parfois même sur la religion59. L'évolution du changement institutionnel60 de la justice administrative au Cameroun est relative à l'archéologie de la juridiction administrative. L'analyse de l'évolution de la juridiction administrative au Cameroun révèle une pluralité d'institutions et permet de ce fait d'apprécier les logiques et les dynamiques du changement institutionnel.

La dynamique du changement institutionnel de la juridiction administrative au Cameroun peut être subsumée en deux époques, dont l'une consiste à appréhender la justice administrative sous la colonisation (paragraphe 1) et l'autre, à faire un état de la justice administrative dans l'Etat indépendant (paragraphe 2).

53Communication de Camille Kuyu Mwissa, Les institutions de la démocratie et l'Etat de droit, point de vue anthropologique.

54M. Alliot, « Les transferts de droit ou la double illusion », Bulletin de liaison du LAJP, n°5, Paris, 1983. 55Bertrand Badié, L'Etat importé ; l'occidentalisation de l'ordre politique, Paris, Fayard, 1992.

56P.L Agondjo Okawe, « L'Etat africain, un Etat hybride néocolonial », in l'Etat moderne à l'horizon 2000, Mélanges offerts à P.F Gonidec, Paris, LGDJ, 1985.

57Claude Menards, Institutions, contracts and organizations, Northampton (mass), Edward Elgar, 2000. 58Harrisson Lawrence, Samuel Huntington, Culture matters. How values shape human progress? New York, Basics Books, 2000.

59Francis Fukuyama, Trust. The socials virtues and the creation of prosperity, New York, Free Press/Simon and Schuster, 1996.

60A.J. Hoffman, « Institutional evolution changes: Environmental and the U.S Chemical Industry », Academy of Management Journal, Vol 42, n°4, p. 351-371.

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Paragraphe 1- La garanti institutionnelle de l'accès à la justice administrative dans l'Etat colonial

La colonisation qui a si profondément et considérablement bouleversé les structures sociales en Afrique en général et en Afrique noire francophone en particulier, n'aurait pas pu épargner les institutions judiciaires. La juridiction administrative Camerounaise en l'occurrence, en ce qui concerne les prémices de son institutionnalisation, est un héritage de la justice coloniale française61. La justice administrative au Cameroun à l'ère coloniale révèle que la juridiction administrative camerounaise serait le fruit d'une importation des technologies institutionnelles françaises sous prétexte de leur efficacité.

En effet, la justice administrative fait son apparition au Cameroun par le biais de la colonisation française62 qui (la France), au lendemain de la première guerre mondiale dont elle ressortît vainqueur, avait institué un régime juridique administratif identique au sein de toutes ses colonies. Ainsi, depuis 1916, la France a pris pied au Cameroun et a introduit un système juridictionnel fondé sur la distinction entre les juridictions administratives et les juridictions judiciaires63. Ce transfert ou cette importation des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative fut initié par la mise sur pied d'une juridiction administrative dénommée Conseil du Contentieux administratif (A). L'évolution du temps relative à l'approche de l'indépendance de l'Etat camerounais allait ainsi modifier l'appellation de la juridiction administrative, quoique les compétences et les attributs de cette juridiction ne connurent pas une modification fondamentale (B).

A- L'institutionnalisation du Conseil du Contentieux Administratif en 1920

Le Conseil du Contentieux administratif fut la toute première juridiction administrative au Cameroun. Il a été créé par le décret du 14 Avril 1920.Cette juridiction n'était pas propre au Cameroun, mais commune à toutes les colonies françaises depuis le décret du 7 septembre 1881. Même s'il allait acquérir une autonomie par le décret du 8 Juillet 1952, le Conseil du Contentieux Administratif était une juridiction particulière, car il était

61Joseph John- Nambo, « Quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et Société 51/52, 2002, p. 325-344.

62Voir sur l'ensemble de la question, les travaux de : M. Henri Jacquot, « Le contentieux administratif au Cameroun », in Revue Camerounaise de Droit, n°7, Janvier- Juin 1975 pp 16-21 ; Maurice Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la cours suprême au Cameroun », in Les Cours Suprêmes et Hautes Juridictions D'Afrique, Paris, Economica, 1988 ou encore Carlson Anyangwe, The camerounian judicial system, Yaoundé, CEPER, 1987.

63J. Goudem, L'organisation juridictionnelle du Cameroun, Thèse, droit, Yaoundé, 1985.

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considéré comme un simple prolongement de l'administration (1), ceci, en violation flagrante du principe de la séparation de la juridiction administrative de l'administration active (2).

1- Le Conseil du Contentieux Administratif comme prolongement de l'administration active

L'institutionnalisation du Conseil du Contentieux Administratif (C.C.A) ne s'est pas véritablement émancipée de l'administration active car sa composition laissait entrevoir sa dépendance vis-à-vis de l'administration.

Ainsi, le Conseil du Contentieux Administratif était présidé par un magistrat du siège, assisté de deux assesseurs licenciés en droit, qui étaient des administrateurs de la France d'Outre-mer. De manière exceptionnelle, pouvaient être nommés comme Commissaire du Gouvernement, des administrateurs adjoints, licenciés en droit et ayant fait cinq années de service effectif dans l'administration. Cette composition du C.C.A au Cameroun témoigne des logiques de prolongement de l'administration qui en effet pouvait être juge et partie en la faveur du déficit de formation des magistrats spécialisés dans le domaine du contentieux administratif.

Cette tare inhérente à la composition du Conseil du Contentieux Administratif camerounais n'était donc pas exempte d'une violation du sacro-saint principe de la séparation de la juridiction administrative de l'administration active.

2- La violation du principe de la séparation de la juridiction administrative de l'administration active par le Conseil du Contentieux Administratif

La quête et la conquête de l'autonomisation de la juridiction administrative et même du juge administratif reposent fortement sur la séparation de l'administration active de la juridiction administrative.

En effet, l'évolution de la formation de la juridiction administrative depuis la France et sa maturation aujourd'hui ont été bâties sur ce principe, pour ne pas permettre à l'administration d'administrer et de juger de peur d'être à la fois juge et partie. Comme si l'on voulait doter la juridiction administrative camerounaise d'une histoire, et la faire passer par les étapes qu'a connues la formation de la juridiction administrative française, le Conseil du Contentieux Administratif camerounais ne faisait que reproduire même dans la dévolution de ses compétences, la prégnance de l'administration qui pouvait intervenir et qui intervenait

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dans l'instance administrative contentieuse au Cameroun à cette époque. Il s'agissait ainsi là d'une tare, qui n'allait pas totalement être éliminée, avant que le Conseil du Contentieux Administratif ne soit remplacé en 1959 par le Tribunal d'Etat.

B- L'institutionnalisation d'un Tribunal d'Etat en 1959

L'évolution et l'impact du temps dans l'introduction et la formation de la juridiction administrative au Cameroun allait induire un premier mouvement du changement institutionnel. Ainsi, le décret du 4 juin 1959 va remplacer le Conseil du Contentieux Administratif par le Tribunal d'Etat. Comme le Conseil du Contentieux Administratif, le Tribunal d'Etat ne va pas s'émanciper de cette violation de principe car ne va s'inscrire que dans la continuité (1). Mais, force est de constater que les compétences contentieuses du Tribunal d'Etat sont considérablement détachables de celles dévolues au Conseil du Contentieux administratif (2).

1- Le Tribunal d'Etat : une rupture dans la continuité

L'évolution de la situation politique du Cameroun qui entraine la création du Tribunal d'Etat, consacre l'abrogation du Conseil du Contentieux Administratif comme juridiction administrative au Cameroun. Crée par le décret n°59-83 du 4 juin 195964, le Tribunal d'Etat (T.E) est une juridiction souveraine, préservée de toute emprise du Conseil d'Etat français.

A l'opposé du Conseil du Contentieux Administratif dont le Conseil d'Etat était la juridiction d'appel, le Tribunal d'Etat statue en premier et en dernier ressort ; c'est alors une véritable juridiction administrative qui commençait à prendre corps au Cameroun, car le Tribunal d'Etat avait la plénitude de compétences pour connaitre aussi bien du contentieux pour excès de pouvoir que du contentieux en indemnisation. A contrario, le Tribunal d'Etat n'obéit pas davantage que le Conseil du Contentieux Administratif, au principe de la séparation de la juridiction administrative de ladministration active. Au regard des logiques de sa composition et de son fonctionnement, le Tribunal d'Etat jouait subrepticement, le rôle de juge et de partie, maintenant ainsi un système d'administrateur-juge sous-jacent, hérité du Conseil du Contentieux Administratif. Quoiqu'il en soit, le T.E se forgeait en véritablement juridiction administration car son institutionnalisation instituait en même temps, un double degré de juridiction.

64Voir Journal Officiel du Cameroun, 1959, p.832.

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2- Le Tribunal d'Etat et l'institutionnalisation du double degré de juridiction au Cameroun

Le double degré de juridiction peut être saisi comme étant la possibilité de faire juger une affaire à nouveau, en faisant appel devant une cour d'appel, après une première décision rendue par un tribunal, qui ne nous satisfait pas.

Le double degré de juridiction est un principe fondateur de la justice. Il s'agissait là, d'une innovation Camerounaise en matière de contentieux administratif car, le Tribunal d'Etat venait sonner le glas à la compétence du Conseil d'Etat Français comme juridiction d'appel des décisions rendues par la juridiction administrative Camerounaise.

Ce rapprochement tacite de la juridiction administrative caractérisé par la compétence du Tribunal d'Etat qui connaissait le contentieux administratif en premier et en dernier ressort, présageait alors une nationalisation complète de la juridiction administrative au Cameroun. Si l'institutionnalisation d'un Tribunal d'Etat en 1959 a valu son pesant d'or, l'évolution conjoncturelle du Cameroun ne va pas lui permettre de se déployer en véritable juridiction administrative, car l'accession du Cameroun à l'indépendance allait encore induire un changement institutionnel.

Paragraphe 2- La consécration institutionnelle de l'accès à la justice administrative dans l'Etat indépendant

Les logiques du changement institutionnel sont très souvent saisies par la conjoncture et l'avènement des évènements, qui viennent parfois justifier le pourquoi du changement institutionnel. Les développements institutionnels65 posent en effet la question des relations entre les politiques publiques et le changement institutionnel, tout en appelant à la prudence sur les conditions d'acceptabilité et de recevabilité de l'ingénierie institutionnelle.

Les théories institutionnelles qui permettent d'appréhender le changement institutionnel66, rendent compte des effets de l'institutionnalisation67 sur la modification des comportements sociétaux. La trajectoire de l'institutionnalisation de la juridiction

65Colin Crouch et Henry Farell, «Breaking the path institutional development? Alternatives to a new determinism» Working paper, Institut Européen de Florence, 2002.

66T. Dacin et al, « Institutional theory and institutional change: Introduction to the Special Research Forum », Academy of Management Journal, Vol 45, n°1, p. 45-57.

67R.L. Jepperson, « Institution, institutional effects and institutionalism », in W.W. Powel and P.J. DiMaggio (Eds), The new Institutionalism in Organizational Analysis, University of Chicago Press, p. 143- 163.

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administrative dans l'Etat indépendant n'a pas fondamentalement changé, quoiqu'il faut tout de moins distinguer les institutions d'accès à la justice administrative dans l'Etat fédéral (A) des institutions d'accès à la justice administrative dans l'Etat unitaire (B).

A- L'accès à la justice administrative dans l'Etat fédéral

L'évolution institutionnelle de l'accès à la justice administrative au Cameroun a connu une mutation consécutive à l'accession de l'Etat camerounais-oriental notamment- à l'indépendance. Cette donnée conjoncturelle a ainsi abouti à la création d'une Cour Suprême qui malheureusement n'a pas fait long feu (1), car quelques mois plus tard, le Cameroun Oriental et le Cameroun Occidental devaient se réunir pour former l'Etat Fédéral du Cameroun, induisant ainsi l'institutionnalisation d'une nouvelle juridiction administrative appelée Cour Fédérale de Justice (2).

1- L'existence éphémère de la Cours Suprême

Après l'accession du Cameroun -oriental notamment- à l'indépendance le 1er Janvier 1960, la loi n° 60-12 du 20 Juin 1961 créa la Cour Suprême qui devait être juge de cassation et juge de conflit. En effet, comme le note si bien Maurice Kamto,

La création de la Cour Suprême, consécutive à l'accession du pays à la souveraineté internationale allait régler cette imperfection juridictionnelle [...] Elle sera juridiction d'appel du Tribunal d'Etat qui est maintenu, en même temps qu'elle jouera le rôle de Tribunal de Conflits en cas de conflits de compétences entre le Tribunal d'Etat et les juridictions judiciaires68.

L'institutionnalisation de cette nouvelle juridiction administrative ne venait pas remettre en question le principe du double degré de juridiction institué par les juridictions qui l'ont précédée. En effet, en remplissant les compétences de juge de cassation et juge de conflit, la Cour Suprême étoffait considérablement le contentieux administratif camerounais et garantissait la pérennité d'un principe juridictionnel fort. Toutefois, la Cour Suprême instituée en 1960 n'allait pas faire long feu, car quelques mois plus tard, elle fut remplacée par la Cour Fédérale de Justice69.

68Idem, p 11.

69Créée par l'article 33 de la constitution du 1er septembre 1961.

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2- L'institutionnalisation d'une Cour Fédérale de Justice

L'existence de la Cour Suprême n'aura été qu'éphémère car un an plus tard, elle fut remplacée par la Cour Fédérale de Justice (C.F.J).Cette nouvelle juridiction administrative devait alors être une juridiction à compétence pleinement nationale70, car elle devait connaitre l'ensemble des litiges administratifs de la République Fédérale, des Etats Fédérés, des collectivités publiques et des établissements publics administratifs. Ainsi, avec la Cour Fédérale de Justice, « le contentieux administratif camerounais s'étoffe substantiellement et la justice administrative prend vraiment racine dans les moeurs juridiques de l'élite administrative camerounaise »71.

La Cour Fédérale de Justice exerce les fonctions de juridiction administrative, constitutionnelle et de régulation des conflits nés de la compétence entre les juridictions les plus élevées de l'ordre de juridiction des Etats fédérés. L'organisation de la Cour Fédérale de Justice est fixée par une ordonnance du 4 octobre 1961. Les lois du 29 novembre 196572 et du 14 juin 196973 viendront bouleverser sa conception initiale, en la rendant en une juridiction administrative de pleine compétence. Cependant, une autre donnée conjoncturelle allait encore bouleverser l'aménagement institutionnel d'accès à la justice administrative au Cameroun, car l'avènement de l'Etat unitaire fera disparaitre la Cour Fédérale de Justice au profit d'une nouvelle juridiction administrative.

B- Les institutions d'accès à la justice administrative dans l'Etat unitaire

Le changement institutionnel d'accès à la justice administrative saisi par la conjoncture permet de relever une réorganisation organique et procédurale de la justice administrative au Cameroun. En effet, si la loi du 2 juin 1972 consacre la création d'une nouvelle Cour Suprême (1), celle-ci n'a véritablement pas gagné en qualité et en légitimité, ceci en raison de la composition et de la formation des magistrats qui devaient y instruire les affaires (2).

70Joseph Owona, Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Paris, EDICEF, 1985.

71Maurice Kamto, Droit administratif processuel de la République du Cameroun, op. Cit, p. 11.

72Loi n°65/LF/29 du 29 novembre 1965 portant réforme du contentieux administratif. Journal officiel du République Fédérale du Cameroun, 1er décembre 1965.

73Loi n°69/LF/1 du 14 juin 1969 fixant la composition, les conditions de saisine et la procédure devant la Cour Fédérale de Justice.

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1- La Constitution du 2 juin 1972 et la création d'une nouvelle Cour Suprême

Avec l'avènement de l'Etat unitaire en 1972, les choses allaient encore changer. La loi du 2 juin 1972 entraina ainsi la réorganisation organique et procédurale de la justice administrative au Cameroun, tout en gardant et en conservant son statut constitutionnel et ses compétences. L'article 32 qui crée une nouvelle Cour Suprême, rénove complètement sa structure. Désormais, la nouvelle Cour Suprême regroupe en son sein, tout l'ordre juridictionnel administratif. Elle est ainsi composée d'une juridiction de premier niveau ou de premier ressort et d'une juridiction d'appel.

L'ordonnance n°72/06 du 26 Août 1972 fixait ainsi l'organisation et le fonctionnement de cette juridiction. L'étendue des compétences de cette nouvelle juridiction administrative camerounaise était fixée par l'article 32 alinéa 3 de la loi du 2 juin 197274. Elle était de ce fait constituée d'une Chambre Administrative et d'une Assemblée Plénière. Toutefois, la nouvelle Cour Suprême ne faisait pas l'unanimité au sein de l'opinion publique car elle ne semblait pas avoir beaucoup gagné en qualité.

2- La Nouvelle Cour Suprême face au défi de l'ingénierie institutionnelle

La Nouvelle Cour Suprême instituée grâce à l'avènement de l'Etat unitaire ne s'est pas véritablement émancipée de la Cour Fédérale de Justice, car elle y avait reconduit la presque totalité de la jurisprudence. De plus, comme la Cour Fédérale de Justice, la Nouvelle Cour Suprême emprunte tous ses magistrats à l'ordre judiciaire. De ce point de vue, « la non spécialisation de ces magistrats formés à d'autres types de contentieux serait à l'origine du caractère incertain de la jurisprudence administrative camerounaise »75. En outre, les décisions rendues par la Nouvelle Cour Suprême étaient entachées d'une incertitude juridique dont les causes se trouveraient dans une explication plausible. En effet,

L'inclination originaire du juge administratif camerounais à se penser principalement comme le protecteur de l'Etat contre les particuliers [...], s'inscrit en droite ligne dans la conception des rapports entre l'Etat et l'individu qui prévaut dans la société : l'Etat est tout, l'individu n'est rien

74Cet article disposait que la Cours Suprême devait « statuer souverainement sur les recours en indemnité ou en excès de pouvoir dirigés contre les actes administratifs ».

75Maurice Kamto, op.cit. p.11.

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f...].[de plus], La justice camerounaise souffre de la plupart des maux qui corrompent la société76.

De ce point de vue et compte tenu de cet état des choses, une réforme de la justice administrative au Cameroun relativement à son accès s'est posée en s'imposant comme impérieuse nécessité. Une réforme des politiques publiques institutionnelles de l'accès à la justice administrative s'est imposée, ce qui a été consacré par la Constitution du 18 janvier 1996.

Section II- La réforme des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative au Cameroun.

L'omniprésence des politiques publiques dans les sociétés contemporaines témoigne du volontarisme des pouvoirs publics à vouloir traiter les situations qui se sont posées ou se posent comme étant anormales, donc comme étant des problèmes publics. Dans le domaine de la sociologie politique, si le droit, l'économie ou encore l'histoire ont longtemps permis d'analyser les politiques publiques, aujourd'hui, l'accent est davantage mis sur la dimension cognitive de celles-ci (politiques publiques), nous plongeant ainsi dans une sociologie politique de l'action publique77.

La réforme des politiques publiques s'inscrivant ainsi dans cette trajectoire explicative permet de saisir les politiques publiques de décentralisation de l'accès à la justice administrative sous sa dimension institutionnelle, par le biais d'une sociologie politique de l'action publique, car les politiques publiques sont une sorte d'institutionnalisation du travail politique gouvernemental. De ce point de vue, saisir les réformes des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative revient de prime à bord à analyser la substance de la réforme en relation avec les objectifs visés par la politique (paragraphe 1), et à faire ressortir les impacts de cette réforme dans l'aménagement institutionnel présentiste de l'accès à la justice administrative au Cameroun (paragraphe 2).

76Ibidem.

77Pierre Muller, « L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique », Revue Française de Science Politique, 50e année, n°2, 2000, p.189-208.

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Paragraphe 1- La sociologie politique de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité

L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, substance essentielle de la réforme des politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun, saisie sous le prisme de la sociologie politique, permet en effet d'analyser la visée de la politique publique sous l'angle des objectifs. Un tel effort d'analyse dans le cas échéant, nous permet d'appréhender l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité comme véhicule du décongestionnement contentieux de la Chambre Administrative de la Cour Suprême (A), et comme une politique permettant de rapprocher la justice administrative des administrés locaux (B).

A- L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs au Cameroun et le décongestionnement contentieux de la Chambre Administrative de la Cour Suprême

De 1972 à 201478, soit quarante-deux années de monitoring fort sur le contentieux administratif camerounais, la Chambre Administrative de la Cour Suprême a connu une congestion contentieuse poussée. De ce point de vue, importe-t-il de faire un état des lieux des recours en instance à la Chambre Administrative de la Cour Suprême (1), avant de comparer les recours transférés dans les Tribunaux Administratifs dans certaines régions au Cameroun (2).

1- Etat des lieux des recours en instance à la Chambre Administrative avant l'opérationnalité des Tribunaux Administratifs.

Avant l'opérationnalité des Tribunaux Administratifs, l'on observait une forte concentration contentieuse des recours introduits auprès de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, car tous les litiges nés de l'activité administrative étaient connus par ladite chambre. De ce point de vue, la Chambre Administrative de la Cour Suprême qui était la seule juridiction compétente pour connaitre l'ensemble du contentieux administratif camerounais se vît très souvent submergée par l'activité contentieuse des citoyens, témoignant de ce fait du volume des fautes de l'administration publique dans son

78Les Tribunaux Administratifs ont été ouverts par le décret n°2012/119 du 15 mars 2012 portant ouverture des Tribunaux Administratifs, les magistrats du siège auprès de ces Tribunaux ont été nommés par le décret n° 2012/194 du 18 avril 2012 portant nomination des magistrats du siège dans les Tribunaux Administratifs, mais les Tribunaux en soi, n'ont été opérationnels qu'à partir du début de l'année civile 2014.

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fonctionnement quotidien. Le caractère extrêmement secret de la justice administrative au Cameroun ne nous a pas permis de quantifier les recours introduits auprès de la Chambre Administrative avant l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, mais l'entretien mené auprès du greffe de ladite chambre nous a révélé une surabondance des recours contentieux, et est venu corroborer l'idée selon laquelle la mise sur pied des Tribunaux Administratifs est une mesure salutaire, les affaires seront plus rapidement traitées, et le personnel de la justice administrative sera de ce fait bien déployé dans toute l'étendue du territoire national. De ces considérations, il ne restait plus que les Tribunaux Administratifs entrent directement, dès leur opérationnalité, en activité et c'est ce qui a été fait par la Chambre Administrative de la Cour Suprême qui a procédé à un transfert du contentieux administratif dans les dix régions où ont été institués les Tribunaux Administratifs.

2- Le transfert des recours contentieux dans les Tribunaux Administratifs de proximité

L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité au Cameroun est arrivée comme une mesure salutaire. Elle a ainsi permis un décongestionnement contentieux de la C.A/C.S qui en était déjà quelque peu submergée. De ce point de vue, pour que les Tribunaux Administratifs entrent directement en activité, la Chambre Administrative a procédé à un transfert du contentieux administratif dans les dix régions, en tenant compte de l'origine régionale du recours introduit. Dans cette veine, le tableau ci-après compare l'activité contentieuse des citoyens de quatre régions, sur la base des recours transférés.

Tableau n°1 : transfert des recours contentieux dans quatre régions au Cameroun

Tribunaux administratifs

Chefs- lieux

Recours reçus

Ouest

Bafoussam

1800

Est

Bertoua

15

Littoral

Douala

4000

Centre

Yaoundé

2000

Total

 

7815

Source : Greffes de Chaque Tribunal Administratif

A l'évidence, nous nous rendons compte du fait que le T.A de la région de l'Est est celui qui a reçu le moins de recours parmi les quatre T.A. sur l'ensemble du volume du

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contentieux de ces quatre régions, la région de l'Est ne représente que 0,19% de l'ensemble du contentieux de ces quatre régions, alors que le littoral représente les 51% du volume contentieux de ces régions. Cet état des choses témoigne à foison du caractère dérisoire de l'activité contentieuse dans la région de l'Est avant l'institutionnalisation des T.A dans chaque région du Cameroun. Espoir reste ainsi nourrit, car la mise sur pied des T.A est perçu comme une mesure salutaire car elle revêt a priori plusieurs vertus.

B- Les Tribunaux Administratifs au Cameroun : un rapprochement de la justice administrative des administrés locaux

Outre le décongestionnement contentieux de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs avait pour objectif, un rapprochement de la justice administrative des administrés locaux, car le droit d'accès au juge est « l'expression de l'égalité des personnes »79. De plus, avec la poussée démographique camerounaise et la multiplication des domaines de la gestion publique, « le devoir de l'Etat n'est plus tant seulement de conférer l'accès à la justice et d'en sanctionner les entraves, mais encore d'en assurer l'effectivité pour chacun »80.

De ce point de vue, ce rapprochement de la justice administrative des administrés locaux permettra ainsi une rapidité dans la saisine du juge administratif (1) en même qu'il garantira une certaine efficacité de la justice administrative au Cameroun (2).

1- Proximité des Tribunaux Administratifs et rapidité dans l'accès à la justice administrative

L'avènement des Tribunaux Administratif de proximité au Cameroun a donné un coup de pouce au contentieux administratif camerounais. En effet, en rapprochant la justice administrative des administrés locaux, l'Etat camerounais garanti ainsi la rapidité quant à l'accès au juge administratif, car avec la concentration de la juridiction administrative, la distance représentait un obstacle important pour la saisine du juge administratif, paralysant dans certains cas la réparation du préjudice causé par l'activité administrative lorsque celle-ci se manifeste en puissance publique.

79M.A. Frison- Roche, « Le droit d'accès à la justice et au droit », in Libertés et Droit Fondamentaux, 12e Edition, sous la direction de R. Cabrillac, M.A. Frison- Roche, Th. Revet, Paris, Dalloz, 2006, p.458

80Idem, p.457.

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En garantissant la célérité dans la saisine du juge administratif et dans l'instruction des recours, l'institutionnalisation les Tribunaux Administratifs permet en effet, de sanctionner l'arbitraire administratif par l'annulation des actes administratifs illégaux et par la réparation des dommages que l'action ou l'inaction de l'administration a causé aux tiers.

Cette rapidité dans la saisine du juge administratif, induite par l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, permet d'accroitre la substance du contentieux administratif camerounais, et par là, de garantir l'efficacité de la justice administrative au Cameroun.

2- Tribunaux Administratifs de proximité et efficacité de la justice administrative au Cameroun

La problématique de l'efficacité a toujours été posée dans le domaine des politiques publiques et a fait l'objet d'une abondante littérature. En effet, si l'atteinte des objectifs a toujours été la principale préoccupation dans l'implémentation ou la mise en oeuvre des politiques publiques, c'est que l'accent aujourd'hui est davantage mis sur la dimension référentielle81 de l'action publique dans son ensemble.

Saisir ainsi l'efficacité de la justice administrative au Cameroun via l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité revient à exhumer l'impact qu'ont les Tribunaux Administratifs sur la justice administrative camerounaise. De ce point de vue, l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs permet d'assurer l'encadrement des prérogatives de l'administration dont la finalité est de servir l'intérêt général et de maintenir l'ordre public pour une meilleure expression des droits et libertés des citoyens. De cette considération, la justice administrative camerounaise gagnerait en efficacité et promouvrait la maturation de l'Etat de droit. L'avènement des Tribunaux Administratifs a été coextensif à une redéfinition des rôles, qui a ainsi abouti à la répartition des compétences entre la Chambre Administrative de la Cour Suprême et ces Tribunaux Administratifs de proximité.

Paragraphe 2- Le partage des compétences entre la Chambre Administrative et les Tribunaux Administratifs

L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité au Cameroun a induit une mutation de son contentieux administratif. En effet, avec l'adoption des lois sur

81A. Faure, G. Pollet, Ph. Warin, Construction du sens dans les politiques publiques. Débats autour de la notion de référentiel, Paris, L'Harmattan, 1995.

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l'organisation judiciaire, notamment la loi n°2006/016 du 27 décembre 2006 fixant l'organisation de la Cour Suprême, et la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs, les compétences dévolues aux Tribunaux Administratifs (A), diffèrent considérablement des compétences reconnues à la Chambre Administrative de la Cour Suprême (B).

A- La dévolution des compétences des Tribunaux Administratifs de proximité

La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs condense brillamment, les compétences reconnues aux Tribunaux Administratifs.

En effet, l'exploration de cette loi amène à adopter une double qualification des compétences reconnues à ces Tribunaux Administratifs. Ainsi, la substance de leurs compétences s'articule autour des attributions ordinaires, qui sont les compétences reconnues et dévolues de manière principale et directe au Tribunaux Administratifs, lesquelles portent sur le contentieux pour excès de pouvoir et le contentieux de pleine juridiction ou en indemnisation (1). En outre il est reconnu aux Tribunaux Administratifs, des compétences dites accessoires ou additionnelles, qui consistent substantiellement en le traitement des cas d'urgence en matière de contentieux administratif (2).

1- L'étendue des attributions principales des Tribunaux Administratifs au Cameroun

L'étendue de la compétence de la juridiction administrative renvoie au principe de la séparation des fonctions administratives et des fonctions judiciaires. Cette séparation de fonctions permet à la juridiction administrative de connaitre de la responsabilité pouvant incomber à l'Etat par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public. Au Cameroun, le constituant82 et le législateur ont précisé le champ de compétence de la juridiction administrative.

Ainsi, au sens de l'article 40 de loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, les Tribunaux administratifs sont des juridictions inférieures en matière de contentieux administratifs. Ils sont compétents pour connaitre « en premier ressort, du contentieux des élections régionales et municipales et, en dernier ressort, de l'ensemble du contentieux administratif concernant

82Voir article 38 et 40 de la constitution du 18 janvier 1996

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l'Etat, les collectivités publiques territoriales décentralisées et les établissements publics administratifs »83. De ce point de vue, relève de la compétence des Tribunaux Administratifs les recours en annulation pour excès de pouvoir84 et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de la légalité. Aussi, les Tribunaux Administratifs sont compétents pour connaitre les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif. De plus, les Tribunaux Administratifs sont compétents pour connaitre les litiges concernant les contrats ou les concessions de services publics, les litiges intéressant l'ordre public et enfin, les liges concernant les opérations de maintien de la paix85.

Les Tribunaux Administratifs jouissent en effet, d'une compétence rationae loci, qui leur confère la compétence contentieuse exclusive dans le ressort territorial duquel, l'autorité ayant pris la décision querellée a légalement son siège, de la résidence du demandeur, du lieu d'exécution du contrat, du fait dommageable si ledit fait est imputable à une décision. De plus, le Tribunal territorialement compétent pour statuer sur une demande principale l'est également pour toute demande accessoire, incidente ou reconventionnelle relevant de la compétence des Tribunaux Administratifs86. En outre, le Tribunal Administratif du siège de l'autorité ayant pris la décision attaquée est compétent pour connaitre de l'action en indemnisation, imputable à la décision querellée, ainsi que des recours en interprétation et en appréciation de la légalité de l'acte administratif litigieux intervenant sur renvoie de l'autorité judiciaire87. En dehors de ses compétences principales, les Tribunaux Administratifs remplissent également des attributions dites additionnelles qui consistent pour l'essentiel, en le traitement de l'urgence.

2- Les Tribunaux Administratifs et l'urgence au Cameroun : les compétences additionnelles

Du fait de la lenteur avérée de la justice administrative au Cameroun, certaines décisions peuvent n'avoir qu'une portée symbolique s'ils interviennent de manière tardive. Par ailleurs, l'exécution de certaines décisions de justice peut entrainer des dommages irréparables. C'est

83Article 2 alinéas 1 et 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs

84Est constitutif d'excès de pouvoir : le vice de forme ; l'incompétence, la violation d'une disposition légale ou règlementaire et le détournement de pouvoir.

85Article 2 alinéa 3 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.

86Idem, article 16

87Idem, article 15 alinéa 2

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dans cette logique que le législateur camerounais a organisé deux procédures d'urgence88 pour solutionner ce constat ; il s'agit du référé administratif et du sursis à exécution.

Le référé administratif est une procédure permettant au juge, de prendre des mesures urgentes afin de préserver les intérêts des parties, mais sans préjuger du fond de l'affaire. En effet pour employer le référé administratif, il faut qu'il y'ait urgence, et qu'il ne fasse pas obstacle à l'exécution de la décision administrative. Ainsi, le président du Tribunal ou le magistrat qu'il aura délégué, peut sur requête, et si le demandeur justifie de l'introduction d'un recours gracieux, convoquer les parties et après conclusions du ministère public, ordonner en référé, toutes mesures utiles89.

Le sursis à exécution quant-à lui, permet au juge d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision litigieuse. En principe, le recours gracieux introduit contre un acte administratif n'en suspend pas l'exécution90. Mais, si l'exécution dudit acte « est de nature à causer un préjudice irréparable et [qu'il] n'intéresse ni l'ordre public ni la sécurité publique ou la tranquillité publique, le président du tribunal administratif peut, saisi d'une requête, après communication à la partie adverse et conclusions du ministère public ordonner le sursis à exécution »91 . Ainsi, le président du Tribunal Administratif compétent statue sur la demande de sursis à exécution par ordonnance, laquelle est dans les vingt-quatre heures notifiée aux parties en causes. L'effet de l'acte attaqué est alors suspendu à compter du jour de cette notification. Ce champ compétentiel des Tribunaux Administratifs, autrefois dévolu à la Chambre Administrative de la Cour Suprême a ainsi induit un recadrage des compétences de ladite chambre.

B- La dévolution compétentielle de la Chambre Administrative de la Cour Suprême

Avec l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité, la Chambre Administrative de la Cour Suprême a vu ses compétences redirigées. En effet, depuis 2006, la Chambre Administrative se cantonne à remplir des compétences relatives soit à l'appel, soit à

88Bernard Raymond Guimdo Dongmo, Le juge administratif camerounais et l'urgence. Recherches sur la place de l'urgence dans le contentieux administratif camerounais, Thèse de Doctorat d'Etat en droit public, Université de Yaoundé II, 2004, 610 pages.

89Loi n°2006/022, op.cit., article 27 alinéa 1

90Idem, article 30 alinéa 1

91Idem, article 30 alinéa 2.

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la cassation (1), ou encore à remplir des compétences consultatives ou indirectes qui s'articulent autour de l'avis et de l'exception préjudicielle (2).

1- Les attributions directes ou contentieuses de la Chambre Administrative

La dévolution des compétences directes ou contentieuses de la Chambre Administrative de la Cour Suprême est précisée par la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, et s'articule autour de l'appel et du pourvoi en cassation.

Ainsi, au terme de l'article 38 de ladite loi, la Chambre administrative est compétente pour connaitre des appels formés contre les décisions rendues en matière de contentieux des élections régionales et municipales. L'appel concerne les décisions rendues en premier ressort dans les conditions fixées par des textes particuliers et les décisions rendues en premier ressort en matière électorale et en matière de référé.

La lecture de l'article 38 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, nous permet de déceler une autre compétence qui s'articule autour du pourvoi en cassation. Ainsi, d'après cet article, la Chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour connaitre des pourvois formés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif. A côté de ses compétences directes, la Chambre Administrative de la Cour Suprême dispose également des compétences dites indirectes ou consultatives.

2- Les compétences indirectes ou consultatives de la Chambre Administrative de la Cour suprême

Les compétences indirectes de la Chambre administrative de la Cour Suprême s'articulent autour de l'avis et de l'exception préjudicielle en matière d'emprise et de voie de fait. En effet, au terme de l'article 14 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs, les Tribunaux Administratifs doivent, lorsqu'ils se retrouvent dans une difficulté d'interprétation ou d'appréciation de la légalité d'un acte administratif, surseoir à statuer et renvoyer la question

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devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Ainsi, la Chambre Administrative rend, dans les trois mois de sa saisine, un avis sur la difficulté à elle déférée92.

En outre, l'article 3 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 dispose que : « [...] Il est statué par la Chambre administrative de la Cour Suprême sur l'exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative et d'emprise ». L'emprise est une atteinte à la propriété immobilière portée sous forme de dépossession provisoire ou permanente. Le juge administratif de la Chambre Administrative de la Cour Suprême la constate, mais c'est le juge judiciaire qui la répare.

La voie de fait administrative peut être soit un acte juridique, soit une opération immatérielle représentant une irrégularité manifeste. Il doit donc avoir un acte manifestement irrégulier ou une irrégularité grossière qui attente à la propriété mobilière ou immobilière ou davantage à une liberté fondamentale pour qu'il soit constatée la voie de fait administrative par le juge administratif. Mais tout comme l'emprise, c'est le juge judiciaire qui est compétent pour connaitre de cette irrégularité, à titre exclusif, en matière d'action en réparation et en extinction.

92Article 14 alinéa 3 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006.

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CONCLUSION

L'institutionnalisation, dans le domaine de la sociologie de l'action publique permet rendre compte des dynamiques qui confèrent aux institutions une place importante et prépondérante dans le tissu social. En effet, la sociologie politique de l'action publique de la mise sur pied des T.A dans chaque région du Cameroun se veut être un emblème, quoiqu'il puisse poser certains problèmes. Le souci de rapprocher la justice administrative des administrés locaux s'est fait sans consultation du volume du contentieux issu de chaque région, et s'est affirmé davantage comme étant un programme d'actions gouvernementales, et dont une politique publique.

Le dispositif institutionnel d'accès à la justice administrative au Cameroun a évolué et a changé dans le temps. Il a connu des fractures et des césures liées le plus souvent aux données conjoncturelles. L'emprunte coloniale qui lui conférait son caractère mimétique s'estompe progressivement au point où l'on assiste à l'avènement d'une juridiction administrative « à la camerounaise », car les institutions sont le reflet d'un ordre social et sont censées régir les comportements d'une société propre, garantissant ainsi la cohésion du tissu social et la stabilité sociétale dans son ensemble. Aujourd'hui, l'institutionnalisation des T.A a induit une réelle métamorphose du contentieux administratif camerounais en qualité et en quantité ; leur avènement est un coup de souffle à la gouvernance judiciaire au Cameroun, notamment dans le domaine du contentieux où l'administration est en cause, ceci participant somme toute à la promotion et à l'édification de l'Etat de droit au Cameroun.

CHAPITRE II-

L'AMENAGEMENT PROCEDURAL DE L'ACCES A LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN

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INTRODUCTION

Les politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun se présentent également sous forme de règles de procédure, applicables à tous citoyens, et qui conditionnent véritablement l'accès au juge administratif. En la matière, le législateur camerounais a balisé un corpus de procédures, dont le respect détermine le déclenchement, la continuation ou la suite du procès enclenché par l'introduction d'un recours contentieux. De ce point de vue, la procédure administrative est une exigence fondamentale d'une bonne justice, car elle se présente comme une garantie sérieuse pour les citoyens93.

Toutefois, la notion de procédure devrait en droit public ou en sociologie de l'action publique, être utilisée avec beaucoup de prudence, de précaution et de minutie, car les juristes privatistes sont très jaloux et regardant en ce qui concerne l'utilisation de ce concept. En droit privé en l'occurrence la procédure peut être passible d'une double appréhension notionnelle. Elle peut être saisie comme un ensemble de règles, comme elle peut être appréhendée comme une branche du droit. En tant qu'ensemble de règles, la procédure désigne des formalités à observer ainsi que des actes à accomplir afin de parvenir à un règlement juridictionnel. En qualité de branche du droit, la procédure détermine les règles relatives à l'organisation judiciaire, aux compétences, à l'instruction d'un procès et aux logiques de jugement et d'exécution des décisions de justice. C'est sous ce rapport que l'on peut ainsi parler de procédure pénale ou de procédure civile. La notion de procédure ainsi contextuellement appréhendée, est nécessairement contentieuse.

93René Cassin, « De l'unité de la justice dans les pays de dualité de juridiction », in La justice, Paris, Presses Universitaires de France, 1961, p. 270-271.

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Or, en droit public administratif en l'occurrence, la notion de procédure peut être contentieuse ou non contentieuse94. Toutefois, certains auteurs ont eu le mérite d'identifier la notion de procédure avec celle relative au procès, en l'appréhendant comme « l'ensemble des règles suivant lesquelles s'exerce la juridiction contentieuse des tribunaux »95. De toutes ces considérations, il est possible d'appréhender la notion de procédure administrative comme « la procédure suivie devant les juridictions administratives, régies par les règles spécifiques caractérisées par l'importance des éléments écrits par rapport aux éléments oraux ainsi que ses traits inquisitoires »96.

Au Cameroun en l'occurrence, l'aménagement procédural de l'accès à la justice administrative a lui aussi connu une réforme. Avant 2006, trois textes fondamentaux régissaient la procédure administrative contentieuse au Cameroun97, mais depuis 2006, deux textes couvrent les aspects relatifs à la procédure administrative contentieuse98. De ce point de vue le cycle de vie de la procédure administrative contentieuse débute par l'introduction d'un recours contentieux, et se termine par un jugement. Cependant, l'examen ou l'instruction du recours introduit constitue une phase assez spéciale de la justice administrative car, c'est à cette étape que se déploient véritablement les aspects qui confèrent à la justice administrative son caractère particulier. Ainsi, importe-t-il de faire un état sur l'instance administrative contentieuse au Cameroun (section I), avant d'analyser à la fois l'instruction des recours et la portée des décisions de justice (section II).

94Guy Isaac, La procédure administrative non-contentieuse, Thèse en droit, Paris, LGDJ, 1968, Préface de Olivier Dupeyroux, p. 46.

95Charles Debbash, Procédure administrative contentieuse et procédure civile, Thèse en droit, Paris, LGDJ, 1962, préface de Jean Boulouis, note n°1, p. 1.

96Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 6e édition, 1985, P.535.

97Il s'agissait de : l'ordonnance n°72-6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême modifié par la loi n°76-28 du 14 décembre 1976 ; la loi n°75-16 du 8 décembre 1975 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour Suprême, et enfin la loi n°75-17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative.

98Il s'agit en l'occurrence de la loi n°2006/016 du 27 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, et de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.

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Section I- L'aménagement de l'instance administrative contentieuse au Cameroun

L'existence d'un ordre juridictionnel administratif distinct de l'ordre judiciaire est un des éléments caractéristique de la spécialité et de l'originalité du contentieux administratif. En effet, c'est par l'existence et la consécration de cette séparation d'ordres de juridictions que le système camerounais en l'occurrence diffère encore radicalement de nos jours du système dit anglo-saxon.

Au Cameroun, les textes offrent plusieurs possibilités aux administrés de contester une action, de revendiquer une inaction ou davantage de contester un comportement de l'administration auprès d'un juge administratif. Toutefois en la matière, il importe de noter l'existence des domaines de saisine du juge administratif camerounais relativement aux types des recours que les administrés peuvent introduire auprès de la juridiction administrative (paragraphe 1). L'introduction des recours ciblés auprès de la juridiction administrative n'est pas exempte de conditions, car la recevabilité d'un recours obéit à certaines règles, visant à conférer à la justice administrative une dose de qualité et de légitimité (paragraphe 2).

Paragraphe 1- L'organisation aspectuelle de la saisine du juge administratif au Cameroun

La saisine du juge administratif camerounais est fondamentalement différente de la saisine du juge judiciaire. En effet, il existe des aspects se saisine intimement liés à la compétence du juge administratif dans l'ambition du règlement des différends opposant l'administration et les particuliers. Dans le cas limitatif relatif au déclenchement de la procédure administrative contentieuse qui se fait auprès des Tribunaux Administratifs, nous allons occulter la saisine juge administratif de la Chambre Administrative de la Cour Suprême statuant soit en appel, soit en cassation, car la décision rendue par un Tribunal Administratif peut mettre fin au litige et partant, à la procédure.

Dans cette veine, les administrés ayant un différend avec l'administration peuvent saisir le juge administratif camerounais en introduisant des recours contentieux qui peuvent être subsumés en deux catégories dont l'une relève des recours dits principaux (A), et l'autre des recours incidents ou accessoires (B).

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A- L'articulation des recours principaux introduits auprès du Tribunal Administratif au Cameroun

Les mécanismes juridictionnels de la justice administrative au Cameroun sont mis en relief par les requêtes contentieuses que les requérants peuvent porter devant le juge administratif. Ces recours principaux, déterminants fondamentaux de la compétence du juge administratif camerounais s'articulent autour du contentieux de la légalité ou le recours pour excès de pouvoir (1), ou autour du contentieux subjectif, de pleine juridiction ou le recours en indemnisation (2).

1- La compétence du juge administratif camerounais en matière de recours pour excès de pouvoir

Encore appelé contentieux de la légalité, le recours pour excès de pouvoir est un recours introduit par un justiciable, relatif à la légalité d'un acte administratif. En effet, si le requérant prétend que l'acte pris par une autorité administrative est illégal, il demande ainsi au juge administratif de l'annuler.

Le recours pour excès de pouvoir fait partie du corpus du contentieux dit objectif, car il soulève une question relative à la violation par l'administration, d'une règle de droit objectif. Le recours pour excès de pouvoir au Cameroun s'articule autour du vice de forme, de l'incompétence, de la violation d'une disposition légale ou règlementaire ou encore du détournement de pouvoir99. Le recours pour excès de pouvoir est déclaré ouvert en principe d'un principe général du droit selon lequel, toute décision administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif100.

Dans l'affaire Monkam Tientcheu David en l'occurrence, le juge administratif camerounais à clairement adopté et mis en application ce principe général de droit, dans une de ses jurisprudences101, lorsqu'il affirma :

Il a été jugé que même dans l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte

ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire ; cette
disposition ne saurait être interprétée comme excluant le recours pour excès

99Voir dans cette direction l'article 2 alinéas 3, a) de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.

'°°Voir décision du Conseil d'Etat français du 17 février 1950, Dame Lamote.

'°'CS/CA, jugement, n°40 du 29 mai 1980.

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de pouvoir qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour effet d'assurer conformément aux principes généraux de droit de légalité.

D'après cette considération d'ordre jurisprudentielle, nous constatons que le juge administratif produirait donc le droit102 et aurait ainsi un pouvoir normateur103. Cette possibilité donnée au juge administratif d'évoquer un principe général de droit pour contourner la loi est connue par la doctrine administrativiste, sous le nom d'écran transparent104. A côté de ce contentieux objectif, ou de la légalité, il existe un autre contentieux dit subjectif, qui relève également de la compétence du juge administratif.

2- Le juge administratif camerounais face au contentieux subjectif : le recours de pleine juridiction

Le recours de pleine juridiction est encore appelé recours en indemnisation, en réparation ou encore en responsabilité. En introduisant un recours de pleine juridiction, le requérant prétend avoir droit à quelque chose de la part de l'administration, qui peut s'articuler autour d'une prestation, d'une dette d'argent, ou d'une réparation d'un dommage.

Le recours de pleine juridiction comprend le contentieux des contrats, où le requérant prétend avoir droit, à la suite d'un contrat passé avec l'administration, à une situation individuelle telle qu'une créance d'argent dont l'administration conteste le montant ou l'existence ; et le contentieux de la responsabilité qui est une situation où le requérant est victime d'un dommage dont il attribue la responsabilité à l'administration qui en conteste le

102 Sur la question lire, De Bechillon Denys, Le juge et son oeuvre, un an de fabrication du droit administratif dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, Mélange Michel Troper, Economica, 2006.

103De Bechillon Denys, « Comment traiter le pouvoir normatif du juge ? », Mélanges Philippe Jestaz, libre propos sur les sources du droit, Dalloz, 2006.

104La théorie de l'écran transparent s'applique dans deux cas de figure : d'une part, lorsque la loi écran est vide dans le fond, et d'autre part, lorsque l'acte administratif viole un principe général de droit. Dans ces deux cas, le juge administratif peut procéder à un contrôle de l'acte administratif litigieux.

Dans le premier cas en effet, arrive que la loi investisse simplement le gouvernement de la mission de prendre certaines mesures sans aucune vocation à mettre en oeuvre des principes. La loi ne permet pas au gouvernement de méconnaitre la constitution à l'occasion de l'édiction des mesures administratives. L'écran législatif ne joue désormais plus que pour disposition de fond, et le juge administratif va ainsi s'affranchir de l'écran législatif et contrôler directement les dispositions de l'acte administratif contesté par rapport à la constitution (dans ce sens, Conseil d'Etat, 19 novembre 1986, société Smanor).

Dans le second cas, le juge administratif interprète dans le sens de la compatibilité aux principes généraux du droit, les lois présentes dans certaines matières pour statuer sur la juridicité de l'acte administratif querellé. En effet, la référence aux principes généraux du droit permet au juge administratif de procéder au contrôle dudit acte dans le cas où ce dernier serait écarté par une loi manifestement contraire à un principe général de droit ; la loi en question devient donc transparente, le juge administratif pouvant s'en passer.

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bien-fondé ou le montant. Dans le recours en indemnisation, le rôle du juge administratif camerounais est plus complexe à cause du caractère que présente la prétention du requérant.

De ce fait, la décision du juge administratif aura donc une portée particulière car elle consistera à fixer les droits du requérant et à condamner l'administration dans le rétablissement ou la réalisation de ses droits. Il ne s'agit alors plus d'annuler un acte administratif, mais de condamner une des parties, à savoir l'administration. Le juge administratif camerounais, à côté de ces recours que les administrés peuvent introduire auprès de la juridiction administrative, peut aussi être saisi par des recours dits accessoires ou incidents.

B- Les autres types de recours ou les requêtes incidentes

L'aménagement aspectuel des recours qu'il est possible introduire devant la juridiction administrative au Cameroun correspondent, à la compétence du juge administratif camerounais. En effet, à côté du recours en indemnisation ou du recours pour excès de pouvoir qui constituent les recours principaux, il existe d'autres types de recours qui peuvent être instruits par le juge administratif (1), lesquels ont une portée originale (2).

1- L'appréciation de la légalité d'un acte administratif par le juge administratif camerounais

Dans le cadre du recours en appréciation de la légalité d'un acte administratif, le juge administratif camerounais est appelé à déterminer la validité juridique dudit acte. Ce type de recours en donc incident, car il est la dérivation d'une instance en cours devant un tribunal judiciaire, et la question relative à la légalité, posée au juge administratif est directement liée à cette instance.

En effet, c'est dans l'hypothèse où un tribunal judiciaire est saisi d'une affaire qu'il est compétent pour juger, mais qu'il ne peut pas sans qu'ait été résolue une difficulté relative à la légalité de l'acte administratif. Le tribunal judiciaire, alors incompétent pour se prononcer sur cette difficulté, va surseoir à statuer et renvoyer ainsi l'affaire et les parties devant la juridiction administrative, notamment le tribunal administratif territorialement compétent, non pas pour qu'il annule l'acte, mais pour qu'il en apprécie la légalité. Ce pouvoir du juge administratif a donc une portée originale.

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2- La portée du recours en appréciation de la légalité d'un acte administratif

La compétence du juge administratif camerounais en matière d'appréciation de la légalité d'un acte administratif correspond à sa dévolution originaire qui le place et le pérennise comme gardien de la légalité administrative.

Le juge administratif camerounais serait finalement spécialisé dans le règlement du contentieux né de l'activité administrative dans son fonctionnement quotidien et dans la préservation de la légalité administrative. Dans cette veine le juge administratif camerounais serait non pas gardien administratif de la légalité, mais gardien de la légalité administrative105, car il est en principe au service du seul droit dont il est le défenseur vigilant, protégeant avec la même rigueur, le droit des particuliers et ceux de l'Etat, dans l'optique de promouvoir au Cameroun, l'Etat de droit. Toutefois, les types de recours ainsi identifiés pour la saisine du juge administratif camerounais, le législateur a aménagé des conditions de recevabilité desdits recours.

Paragraphe 2- L'introduction des requêtes contentieuses auprès des Tribunaux Administratifs : les conditions de recevabilité

Au Cameroun, les règles qui gouvernent la procédure administrative contentieuse ont formulées par les textes et par les principes généraux de droit énoncés par le juge administratif. Cette procédure a deux caractéristiques essentielles ; elle est inquisitoire, c'est-à-dire que c'est le juge administratif qui dirige la procédure ; et elle est écrite.

Outre ces caractéristiques, la requête du recourant doit remplir certaines conditions liées à la recevabilité de celle-ci. Au Cameroun en l'occurrence l'exercice d'un recours contentieux devant le juge administratif est conditionné par l'introduction auprès de l'autorité administrative, auteur de l'acte administratif querellé, d'un recours gracieux préalable (A). En dehors de cette condition, l'introduction de la requête doit se faire dans le strict respect des délais, et la personne du recourant n'étant pas également exempte de toute conditionnalités (B).

105Jean Rivéro, Le juge administratif : gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité ?, Mélanges Waline, Tome 2, Paris, LGDJ ? 1974.

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A- L'exigence de l'introduction d'un recours gracieux préalable

De manière générale, pour que la requête du justiciable soit recevable, il faut d'abord que celui-ci ait introduit un recours gracieux préalable auprès de l'autorité auteur de l'acte administratif lui faisant grief. Le recours gracieux préalable, qui relève d'une formalité relative à la procédure administrative non contentieuse permet de régler autrement les conflits et a une substance important au Cameroun (1). Toutefois, l'exigence de l'introduction préalable d'un recours gracieux permet à l'administration elle-même, de réparer le tort qu'elle a causé au particulier ; c'est la toute la problématique de la portée du recours gracieux préalable au Cameroun.

1- La substance du recours gracieux préalable en contentieux administratif camerounais.

D'après l'article 17 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs, « le recours devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité publique ou l'établissement public en cause ».

En tant que conditions sine qua non du déclenchement du procès administratif, le recours gracieux est cloisonné dans les délais. De ce point de vue, il doit à peine de forclusion, être formé dans les trois mois de la notification ou de la publication de l'acte administratif querellé, et en cas de demande en indemnisation, il doit être formulé dans les six mois suivant la réalisation du dommage ou sa connaissance, et en cas d'abstention d'une autorité ayant compétence liée, il doit être formulé dans les quatre ans à compter de la date à laquelle ladite autorité était défaillante106. Le non-respect de ces délais donne systématiquement lieu au rejet du recours par le juge107 car ils ont un caractère impératif.

En cas de silence de l'autorité administrative à qui le recours gracieux a été adressé pendant une durée de trois mois, le demandeur doit ainsi considérer que le recours a été

'°6Voir sur l'ensemble de la question, l'article 17 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.

'°7Voir dans cette veine, CS/CA jugement n°34/82-83, du 24 février 1983, Beng Elouga Jean louis c/ Etat du Cameroun ou encore CS/CA, jugement n°8 du 25 novembre 1976, Libam Kouang Melchaide contre Etat du Cameroun.

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rejeté108. En cas de demande en indemnisation, l'autorité dispose d'un délai de trois mois pour proposer le montant de l'indemnisation, après s'être prononcé favorablement sur le principe de ladite demande en indemnisation du demandeur. En contentieux administratif camerounais, le recours gracieux peut avoir plusieurs inférences, parce qu'il a une portée assez importante.

2- La portée de l'introduction préalable d'un recours gracieux

Le recours gracieux préalable peut être saisi comme un instrument au service du bon accomplissement de la gestion de la chose publique par l'administration. Dans cette direction, il serait ainsi considéré comme une instance de reconsidération de la position administrative initiale. En effet, le recours gracieux repose sur le principe selon lequel, l'administration étant censée garantir l'intérêt général, peut elle-même réparer le tort qu'elle a causé à l'administré. Le recours gracieux serait donc un mode alternatif109 de règlement des litiges entre l'administration et l'administré et permettrait de désengorger les Tribunaux Administratifs110.

Le recours gracieux préalable est en principe une règle d'application générale. De ce point de vue et sauf dispositions textuelles contraires111, le requérant à l'obligation de s'adresser préalablement à l'administration avant de saisir le juge, quel que soit la forme du contentieux en cause. En tout état de cause, l'introduction préalable d'un recours gracieux par le justiciable n'est pas la seule condition à laquelle il fait face pour que sa requête soit recevable par le juge administratif.

B- Les conditions temporelles et personnelles de recevabilité des recours contentieux

La saisine du juge administratif camerounais est également conditionnée par des pesanteurs liées au temps et à la personne du requérant. En effet, la procédure administrative contentieuse au Cameroun est coextensive à l'aménagement des délais (1), sous peine de forclusion, qui font en sorte que la justice administrative respecte les droits des requérants. De

1°8Voir Maurice Kamto et Bernard Raymond Guimdo, « Le silence de l'administration en droit administratif camerounais », Lex lata n°5, 1994, p.10 et suivants, notamment sur la notion de silence de refus ou silence normateur de sens négatif.

1°9Jean Marie Auby, Les modes alternatifs de règlement des litiges. Les recours administratifs préalables, AJDA, 1997, p.11

11°M. Courtin, Les recours précontentieux : une voie de désengorgement des tribunaux administratifs, Gaz. Pal, 1987, p. 467.

111Il en est ainsi du contentieux de la dissolution ou de la suspension des associations et des organisations non gouvernementales ; du contentieux de la législation, de la dissolution et de la suspension des partis politiques, et du contentieux des élections municipales.

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plus, le justiciable doit également remplir certaines conditions, directement liées à sa personne pour ainsi justifier de l'opportunité de sa requête (2).

1- Le temps dans le déclenchement de la procédure administrative contentieuse au Cameroun

De manière générale, le requérant doit préalablement obtenir de la part de l'administration, une décision contraire à l'objet de sa requête avant d'intenter un recours contentieux devant le juge administratif.

Ainsi, d'après la législation en vigueur au Cameroun, le demandeur dispose d'un délai de 60 jours sous peine de forclusion pour saisir le juge administratif, s'il n'a pas obtenu satisfaction ou gain de cause auprès de l'autorité compétente, saisie d'un recours gracieux112. Ce délai court à compter du lendemain du jour de la notification à personne ou à domicile élu113, et est prorogé seulement si le requérant a saisi une juridiction incompétente ou a déposé une demande d'assistance judiciaire114.

A l'analyse, ces délais de prescription peuvent être perçus comme étant un garde four pour la saisine du juge administratif camerounais. Ce « légicentrisme » poussé du droit administratif processuel camerounais en matière de délais, pourrait être perçu comme un obstacle à l'accès à la justice administrative et par là, anéantirait les prétentions contentieuses des requérants, lorsque un acte posé par l'administration puissance publique leur fait grief. Mais, ces délais ne sont opposable qu'aux justiciables remplissant certaines conditions liées à la personne du recourant.

2- Les conditions tenant à la personne du requérant

De manière générale, pour intenter une action en justice, notamment dans le domaine de la justice administrative au Cameroun, le requérant doit remplir certaines conditions pour que sa requête soit recevable. L'effort de qualification de ces conditions liées à la personne du recourant nous permet de les subsumer en trois en trois catégories.

112Article 18 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs. 113Idem, article 18 alinéa 2 114Idem, article 19 alinéa 1

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De ce point de vue, le recourant doit avoir la qualité pour agir car la qualité est en soi, une condition de recevabilité de l'action en justice115. La notion de qualité doit ainsi être entendue comme « le titre qui permet au plaideur d'exiger du juge qu'il statue sur le fond du litige »116. Cela signifie en clair que, « l'on puisse se prévaloir d'un titre qui justifie que l'on engage le procès »117car le défaut de qualité est un motif d'irrecevabilité du recours introduit par le requérant118.

De plus, le requérant doit avoir la capacité à agir, c'est-à-dire qu'il doit avoir l'aptitude légale pour ester en justice, et le juge administratif camerounais est regardant sur cette clause car il en exige le respect119. La capacité suppose une majorité, un équilibre mental et une personnalité juridique pour les personnes morales.

En définitive, le recourant doit avoir un intérêt à agir, c'est-à-dire qu'il doit justifier d'un intérêt à demander l'annulation d'un acte administratif lui ayant causé grief de manière individuelle120 et parfois de manière collective121. L'intérêt à agir peut être soit matériel, c'est-à-dire quand la décision attaquée concerne l'atteinte du patrimoine du recourant, il peut également être moral. L'inobservation ou l'irrespect de ces conditions plombe directement l'examen des recours et partant le jugement de l'affaire.

Section II- L'examen des recours contentieux au Cameroun et la portée des décisions de justice

En droit administratif camerounais, l'examen des recours introduits par le requérant n'est pas en soi conditionné par des délais. L'examen des requêtes est une procédure qui est destinée à déboucher sur des mesures définitives et portant ainsi autorité de la chose jugée (paragraphe 2) . L'examen des recours contentieux au Cameroun par le juge administratif est ainsi l'expression profonde de la particularité du procès administratif par rapport aux autres types de procès, et met ainsi en exergue de manière assez significative, les pouvoirs du juge administratif camerounais (paragraphe 1).

115Claude Giverdon, La qualité, condition de recevabilité de l'action en justice, D.I, 1952, p.85.

116Ibidem

117Maurice Kamto, op.cit., p.21

118Voir dans cette direction, les affaires CS/CA, Jugement n°75/8283 du 26 mai 1983, Syndicat National des Producteurs Agricoles et Paysans camerounais contre Etat du Cameroun ; T.E, 8 mars 1963, Sieurs Olle Mathieu et Engamba Emile contre Etat du Cameroun et Société Forestière du Dja et Lobo

119Voir dans cette direction l'affaire CCA, Arrêt n°662 du 25 octobre 1957, Kamdem Ninyim Pierre contre Etat du Cameroun

120Voir dans cette veine, CS/CA, Jugement n°51 du 29 mars 1979, Baba Youssoufa contre Etat du Cameroun 121T.E, Arrêt n°216 du 12 avril 1962, Syndicat National des Administrateurs civils contre Etat du Cameroun.

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Paragraphe 1- L'examen des recours en contentieux administratif Camerounais

L'introduction des recours contentieux auprès de la juridiction administrative camerounaise fait l'objet d'une instruction par le juge administratif. En effet, l'exploration de l'examen des requêtes contentieuses nous permet de voir en filigrane, les pouvoirs du juge relativement dans ses rapports avec l'administration et dans ses rapports avec les administrés (B). Toutefois, l'instruction a pour objet de réparer la décision du juge administratif, en l'éclairant sur l'ensemble des données de fait ainsi que de droit du litige (A).

A- L'instruction des requêtes contentieuses par le juge administratif au Cameroun

De manière générale, l'instruction des recours contentieux se caractérise et se traduit par l'examen des mémoires produits par chacune des parties au procès, dans lesquels elles développent les moyens destinés à justifier les conclusions par elle émises, ainsi que par le prononcé des moyens d'instruction (2). L'instruction des recours en contentieux administratif camerounais a ainsi un caractère particulier, parce qu'elle présente des caractéristiques singulières (1).

1- La particularité de l'instruction des recours en contentieux administratif camerounais

L'instruction des recours en droit administratif camerounais est assez particulière, car elle présente des caractéristiques qui se démarquent considérablement de l'instruction des recours en matière judiciaire. Cette particularité qui s'articule autour des caractéristiques de l'instruction des recours contentieux, révèle qu'elle est d'abord principalement écrite, c'est-à-dire qu'elle se fait à partir de la rédaction et de l'échange des mémoires des parties au procès ainsi qu'à partir de l'élaboration des procès-verbaux des mesures d'instruction. Le caractère principalement écrit de la procédure administrative a toujours constitué un trait spécifique du contentieux administratif122. Cette procédure principalement écrite n'est entachée d'aucun formalisme, les requêtes pouvant être rédigées comme toute lettre de réclamation.

La procédure administrative est également inquisitoriale, c'est-à-dire exclusivement rédigée par le juge qui organise les échanges de mémoires et prescrit les délais. Et enfin elle est contradictoire, et impose donc que tous les éléments de l'affaire soient connus du juge et

122Rémy Schwartz et Myriam Kacmarek, La procédure contentieuse devant les juridictions administratives, La Gazette, avril 2004, p. 211.

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discutées par les parties. Le principe du contradictoire est un principe général de droit qui oblige l'information d'une partie sur l'existence d'une procédure contentieuse la concernant par une communication de la requête et une invitation à produire des réponses et des observations relatives à l'objet de la requête. Toutefois, ces caractéristiques sont ainsi remplies au niveau des mesures d'instruction.

2- Les mesures d'instruction en contentieux administratif camerounais

La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs prévoit six mesures d'instruction dans la procédure administrative contentieuse au Cameroun : les enquêtes, la descente sur les lieux ; l'audition des parties, la vérification des écritures et les expertises.

Les enquêtes sont ordonnées soit d'office, soit à la demande des parties, et la décision qui ordonne l'enquête, indique les traits sur lesquels elle doit porter.123Toutefois, la décision qui ordonne l'enquête est notifiée aux parties, mais elle devient sans objet si les parties sont présentes au moment du prononcé de la décision124.

La descente sur les lieux relève de la compétence du tribunal administratif qui peut directement de transporter sur les lieux ou commettre un juge pour effectuer toutes les vérifications et constatations essentielles à l'avancée du procès125. De plus, la décision qui ordonne le transport précise les points à constater ou à vérifier et fixe l'heure et le jour du transport126. Les frais de transport liés à la descente sur les lieux sont fixés par la même décision, et font l'objet d'une avance de la part du demandeur, laquelle avance est ainsi consignée au greffe du Tribunal Administratif compétent127.

Selon l'article 77 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de Tribunaux Administratifs, « le tribunal peut d'office ou sur demande, ordonner l'audition des parties », laquelle audition a lieu devant le tribunal128. Mais si une

123Voir dans cette direction, l'article 65, alinéas 1 et 2 de loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant

organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.

124Idem, article 66 alinéas 1 et 2

125Idem, article 72

126Idem, article 73 alinéa 1

127Ibidem, alinéa 2

128Idem, article 78 alinéa 1

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partie est dans l'impossibilité de comparaitre, le tribunal peur commettre un de ses juges qui se déporte auprès d'elle accompagné d'un greffier129.

En ce qui concerne la vérification des écritures, « si une partie allègue la fausseté d'un acte sous seing privé, public ou authentique, elle doit en rapporter la preuve conformément au droit commun »130.

En définitive, pour ce qui est des expertises, le tribunal peut, même d'office, ordonner qu'il soit procédé à une expertise qui est confiée à un ou plusieurs experts, suivant la nature et les circonstances de laffaire. De plus, Les parties peuvent s'entendre sur le choix des experts. En cas de désaccord entre les parties, la juridiction en désigne d'office.

Toutefois, La décision qui ordonne l'expertise fixe les points sur lesquels elle doit porter et la date à laquelle les experts doivent prêter serment devant le Président ou devant le magistrat délégué ainsi que le délai qui leur est imparti pour accomplir leur mission. Les experts peuvent être dispensés de la prestation de serment, d'accords entre les parties131. De ce point de vue, peuvent être récusé les experts commis d'office, qui sont parents ou alliés de l'une des parties jusqu'au quatrième degré inclusivement ou qui ont été condamnés pour crime ou délit contre la probité132.

Somme toute, l'instruction des recours contentieux par le juge administratif lui confère des pouvoirs important, en lui conférant le statut de pierre angulaire de la procédure administrative contentieuse.

B- Les pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen des recours contentieux

L'examen des recours contentieux en droit administratif camerounais par le juge administratif lui confère des pouvoirs importants. En effet, au Cameroun tout comme le juge judiciaire, le juge administratif doit statuer dans les limites des conclusions des parties. Il ne doit ainsi statuer « ni ultra petita, ni infra petita »133. L'articulation des pouvoir du juge administratif en la matière peut ainsi s'analyser autant au niveau de leur important (1), qu'au niveau de leur limitation (2).

129Ibidem, alinéa 2

130Idem, article 83

131Idem, article 84 alinéas 1,2 et 3

132Idem, article 85

133Dans le langage juridique cela signifie : ni au-delà, ni en deçà.

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1- L'importance des pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen des recours contentieux

Après avoir statué sur la recevabilité du recours contentieux introduit par le requérant, le juge administratif devient la pierre angulaire de la procédure administrative contentieuse.

En effet, le caractère inquisitorial de la procédure administrative contentieuse lui confère le pouvoir d'élever d'office certains moyens, notamment ceux qui ressortissent de l'ordre public. En la matière et lorsque les parties ont négligé de les évoquer, il convient de les relever d'office. Sont d'ordre public, les moyens tirés de la méconnaissance des moyens intéressant le fond du droit, c'est-à-dire par exemple, la méconnaissance d'une annulation pour excès de pouvoir, ou davantage le fait qu'il y'ait matière à statuer sur la base d'un régime de responsabilité sans faute de l'administration puissance publique.

Toutefois, l'importance des pouvoirs du juge administratif camerounais connait une relativité, parce qu'elle connait des limitations liées aux rapports entre le juge administratif et l'administration active.

2- La limitation des pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen des recours contentieux

La limitation des pouvoirs du juge administratif camerounais en matière d'examen des recours contentieux est intimement liée à ses rapports avec l'administration ou davantage avec le pouvoir exécutif. En effet, en dehors du fait ne peut annuler les mesures prises par l'administration relativement à l'exécution de ses contrats, il ne dispose pas du pouvoir de condamner l'administration à des obligations de faire ou de ne pas faire, c'est-à-dire à adresser à l'administration des injonctions. Toutefois, si l'on a souvent allégué du mimétisme institutionnel dans le cadre de la justice administrative au Cameroun relativement à celle en vigueur en France, le cas échéant démontre une émancipation progressive de la justice administrative camerounaise quoique le fond de ladite émancipation reste encore sujet à caution.

En effet en France, la loi investie le juge administratif du pouvoir d'adresser à l'administration des injonctions134 en vue de l'exécution d'une décision de justice qui revêt la

'3'Ces injonctions s'appliquent dans deux cas précis : celui où la chose jugée nécessite qu'une mesure d'exécution soit prise, et celui où elle implique nécessairement qu'une décision soit prise au terme d'une décision de l'affaire.

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toge d'autorité de la chose jugée, tel n'est pas encore le cas pour le juge administratif camerounais. Après avoir examiné les recours et les conclusions des parties, le juge administratif juge ainsi l'affaire selon le droit et selon sa conscience135et la décision qu'il prendra aura autorité de la chose jugée

Paragraphe 2- Les décisions du juge administratif en contentieux administratif camerounais

Une fois l'affaire jugée, les décisions prises par le juge administratif camerounais revêtent l'autorité de la chose jugée, de ce fait, les parties se doivent de les exécuter. Toutefois, les décisions du juge administratif camerounais ne sont pas absolues c'est-à-dire susceptible d'aucune voie de recours ; en la matière en l'occurrence, le législateur camerounais a parfaitement aménager les voies de recours aux décisions du juge administratif (A), quoique l'exécution de ces décisions se fait à géométrie variable (B).

A- L'aménagement juridictionnel des voies de recours aux décisions du juge administratif camerounais

Les décisions de rendues par la juridiction administrative n'ont pas valeur absolue au Cameroun ; il existe des voies qui permettent aux justiciables d'intenter un recours contre une décision du juge administratif. En la matière, la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs a prévu des voies dites de rétractation (1), ainsi que les voies dites de réformation (2).

1- Les voies de rétractation aux décisions de la juridiction administrative au Cameroun

A la lecture de loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs, nous pouvons dénombrer quatre voies de rétractations en matière de décisions du juge administratif. Il s'agit en effet de l'opposition, de la tierce-opposition, du recours en révision et du recours en rectification d'erreur matérielle.

L'opposition est une voie de droit, ouverte à la partie contre laquelle la décision a été rendue. Le délai de l'introduction d'un recours en opposition est de 15 jours, à compter de la date de notification du jugement. Pendant ce délai, le jugement ne peut être exécuté à moins

135Article 37 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996

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que, en cas d'urgence ou de péril à la demeure, l'exécution provisoire avec ou sans caution n'ait été ordonnée136. La tierce opposition quant-à elle est une voie ouverte à toute personne contre une décision qui porte atteinte à ses droits et au prononcé de laquelle ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été appelés. La tierce opposition est soumise aux règles édictées par le droit commun, et la demande y relative est soumise aux conditions de la requête introductive d'instance137.

Pour ce qui est du recours en révision, il constitue une exception de la chose jugée, car il ne peut être formé que dans trois hypothèses ; lorsqu'il y'a dol personnel, lorsqu'il a été statué sur des pièces reconnues ou déclarées fausses depuis la décision, ou lorsqu'un partie a succombé, faute de présenter une pièce décisive retenue par son adversaire138. Ce recours doit être formé dans les trente jours de la connaissance de la cause ouvrant le droit à révision, et il est instruit et jugé par le tribunal qui a rendu le jugement prétendument vicié et selon la procédure suivie devant lui139. Enfin, le recours en rectification d'erreur matérielle présente un caractère exceptionnel car il a une portée limitée due au fait qu'il ne peut être adressé qu'en dehors de lapsus, de fautes de calcul ou d'expression. Dans le cas échéant, c'est-à-dire que lorsque le jugement du tribunal est entaché de telles erreurs, la partie intéressée peut ainsi introduire un recours en rectification devant son président140. Ce recours peut être introduit par simple requête dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement en cause aux parties141. En dehors de ces voies, le législateur camerounais a prévu d'autres dispositifs pour faire recours aux décisions de justice.

2- La réformation des décisions des Tribunaux Administratifs au Cameroun

Les décisions des juridictions inférieures rendues en premier ressort sont susceptibles d'appel, sauf prescription législative contraire, et celles rendues en premier et dernier ressort par les mêmes juridictions sont susceptibles de pourvoi.

L'appel des décisions rendues par les Tribunaux Administratifs en premier ressort est introduit devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême142. Il a un effet suspensif sauf

136Article 110 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux

Administratifs.

137Idem article 115 alinéas 1 et 2

138Idem, article 118, alinéa 1

139Idem, article 118 alinéa 2

140Idem, article 117 alinéa 1

141Idem, article 117 alinéa 2

142Idem, article 114

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décision contraire de la Chambre Administrative143. La déclaration d'appel doit être faite au greffe du tribunal ayant rendu la décision contestée, soit par le demandeur ou par son avocat, soit par un mandataire muni d'un mandat spécial.

Le pourvoi en cassation est prévu par la constitution de la république du Cameroun, auprès de la Chambre Administrative de la Cour Suprême contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives inférieures. En effet, le pourvoi doit être exercé dans les formes et les délais prévus par la loi144. Le pourvoi a été organisé par la loi n°2006/016 du 27 décembre 2006. A peine de forclusion, le pourvoi doit être formé dans les quinze jours de la notification de la décision de la juridiction inférieure en matière de contentieux administratif145. Le pourvoi est fait par déclaration au Greffe de la juridiction inférieure en matière de contentieux administratif dont émane la décision querellée, soit par le demandeur en personne ou son avocat, soit par un mandataire muni, à peine d'irrecevabilité, d'un pouvoir spécial. Le greffier qui enregistre le pourvoi est également chargé de dresser le procès-verbal et de délivrer une expédition au demandeur146.

Les décisions rendues par la juridiction administrative sont entachées de l'autorité de la chose jugée. Pour cela elles doivent automatiquement être exécutées car cela participe de l'édification de l'Etat de droit.

B- L'exécution des décisions de justice au Cameroun

L'autorité de la chose jugée s'impose aussi bien à l'administration qu'aux particuliers. Toutefois, s'il existe des moyens ou des voies d'exécution des décisions de la juridiction administrative pour les particuliers au Cameroun (2), l'exécution de ces décisions par l'administration se fait encore à géométrie variable, car il n'existe pas de voie d'exécution pour contraindre l'administration à exécuter ces décisions (1).

1- L'absence des voies d'exécution des décisions de justice contre l'administration

En principe, l'administration est dans la stricte obligation d'exécuter les décisions rendues à son encontre en vertu de l'autorité de la chose jugée. Au Cameroun, il n'existe pas de voie d'exécution à l'encontre de l'administration. En effet, l'on ne peut pas faire usage

'43Idem, article 114 alinéa 2

'44Idem, article 116

'45Article 89 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant '46Idem, article 90 alinéas 1, 2 et 3

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contre l'administration, des voies d'exécution forcée ni lui donné des ordres147. Le juge administratif peut annuler les actes de l'administration, il peut la condamner au paiement de telle somme, mais il ne peut pas lui prescrire ou lui interdire de faire un acte ou une opération, encore moins se substituer à elle. Il est possible par contre, de faire recours à des méthodes de contrainte contentieuse par le recours pour excès de pouvoir, mais « l'efficacité d'une telle procédure est cependant limitée, car elle conduit à faire procès sur procès plutôt qu'à obtenir une exécution effective de la décision de justice »148. De ce point de vue, pour que l'administration exécute les décisions de justice, il n'est que possible de compter sur sa bonne foi149. Toutefois, l'exécution des décisions de justice révèlent une dimension asymétrique des relations entre l'administration et les administrés car à contrario, il a été aménagé des voies d'exécution des décisions de justice contre les particuliers.

2- L'aménagement des voies d'exécution contre les particuliers

L'autorité de la chose jugée au Cameroun s'impose inconditionnellement aux particuliers. En effet, à l'opposé de l'administration, le législateur a prévu et aménagé des voies d'exécution des décisions de justice administrative qui sont prononcées contre les particuliers.

Il en est ainsi par exemple de la saisie immobilière où la partie initialement demanderesse est condamnée à payer des indemnités à l'administration, et dans le cas où elle ne le fait pas ou le fait hors délais, il peut arriver ses biens meubles et immeubles pour ainsi soit lui obliger à payer les indemnités auxquelles elle a été condamnée ou davantage procéder par compensation.

D'autres voies d'exécution telles que la saisie-arrêt ou davantage la saisie-exécution. Quoiqu'il en soit à l'analyse nous constatons une asymétrie dans l'exécution de la justice administrative qui varie selon le statut et la relation que les parties éventuellement condamnées entretiennent avec la justice administrative, la carrière des magistrats au Cameroun étant gérée par le pouvoir exécutif.

147CS/AP, Arrêt n°4/A du 16 février 1978, Etat du Cameroun, Procureur près la Cour Suprême contre Dame Veuve née Perrier Danièle

148Maurice Kamto, op.cit., p. 98.

149Ibidem.

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de la région de l'Est

CONCLUSION

Les politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun n'ont pas seulement été des aménagements physiques ou encore des organes qui permettront de garantir les droits des justiciables, mais elles également été une institutionnalisation des normes et des procédures par lesquelles, les administrés pourront faire valoir et prévaloir leurs droits.

L'aménagement procédural de l'accès à la justice administrative est une donnée fondamentale dans l'exerce de la justice administrative dans son ensemble, car son inobservation ou son irrespect entraine automatiquement la perte des réclamations issues des dommages que l'administration puissance publique aurait causés aux particuliers, dans l'exercice de ses missions de service public. La procédure administrative contentieuse se révèle donc être une condition sine qua non pour toute personne désireuse de voir ses droits rétablis lorsque ceux-ci ont été violés par l'administration.

Toutefois, la procédure administrative contentieuse se révèle être d'une extrême complexité, car le langage juridique qu'elle emprunte n'est pas à la portée du citoyen lambda ; de plus, la durée de cette procédure, depuis l'introduction du recours contentieux jusqu'au jugement, ajoutée à l'intervention du ministère public qui peut considérablement ralentir cette procédure, est une dissuasion d'ordre fonctionnel pour les administrés qui veulent promouvoir l'Etat de droit, en faisant respecter leurs droits initialement bafoués par l'Etat.

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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Les politiques publiques d'accès à la justice administrative camerounaise ont connu dans le temps, des réformes assez importantes et inhérentes au développement de l'Etat camerounais. Ce développement qui a induit un changement des politiques publiques d'accès à la justice administrative a aussi impacter sur la logique d'institutionnalisation en matière de juridiction administrative camerounaise.

De ce point de vue, la dynamique du changement des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative au Cameroun permet de saisir ces juridictions comme reflet des logiques comportementales des acteurs pertinents, desquels elle est censée régler les différends. Cette juridiction s'est affirmée dans le temps comme une forme de régulation sociale car réguler est aussi le rôle et le devant être d'une institution. Toutefois, si la colonisation française a remarquablement marqué de son empreinte dans les logiques de formation et de maturation de la juridiction administrative camerounaise, force est de noter que les propriétés présentistes de cette juridiction laissent échapper des aspects de rupture de celle en vigueur en France car l'ingénierie institutionnelle camerounaise s'arroge le mérité de s'arrimer aux problèmes qui se posent avec acuité, tout ceci dans l'intérêt de l'Etat camerounais.

L'ingénierie institutionnelle de la justice administrative au Cameroun est ainsi consacrée d'une part au regard de la mise en place d'un dispositif organique solide qui passe par l'institutionnalisation d'une juridiction administrative inférieure en matière de contentieux administratif que constituent les Tribunaux Administratifs et d'une juridiction administrative suprême qu'est la Chambre Administrative de la Cour Suprême, et d'autre, elle est consacrée par un aménagement procédural fort qui en conditionne l'accès.

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de la région de l?Est

L'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE PAR LES

POPULATIONS DE LA REGION DE L'EST

DEUXIEME PARTIE :

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La sociologie de l'action publique saisie par les institutions permet en effet, de rendre compte des dynamiques sociales des politiques publiques dans les rapports qu'entretiennent le centre et la périphérie. Les nouvelles stratégies gouvernementales d'intervention publique dans le domaine de la justice administrative au Cameroun permettent de mener une sociologie de la réception des Tribunaux Administratifs de proximité par les populations de la région de l'Est.

Les dynamiques sociales de l'action publique de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs au Cameroun et particulièrement dans la région de l'Est permettent d'analyser l'ancrage sociologique desdits tribunaux dans les mentalités, les pratiques quotidiennes et dans l'habitus des populations de la région de l'Est. Cette sociologie de l'implémentation s'inscrit dans une dimension cognitive qui permet de saisir l'impact des institutions de justice administrative sur les comportements des populations, en fournissant des schèmes de représentation cognitifs que se taillent les administrés de la région de l'Est.

Cette partie au détail, s'attèle à faire une évaluation de la politique de décentralisation de la justice administrative, via la réception du Tribunal Administratif dans la région de l'Est. Elle permet de mesurer l'impact qu'a eu l'institutionnalisation de la juridiction administrative à l'Est, sur les comportements des populations et des autorités administratives de cette région. De plus dans cette partie, il sera question d'analyser la connaissance par les populations de la région de l'Est, des règles de procédure pour saisir le juge administratif et avoir ainsi accès à la justice administrative. A l'épreuve des faits, l'on constate une sous connaissance des règles de procédures par les populations pour saisir le juge administratif, ceci en raison de plusieurs causes liées soit à l'organe de la justice administrative, soit à la politique de décentralisation de cette justice. C'est la raison pour laquelle, nous nous lançons dans une ébauche de thérapie visant à garantir l'accès à la justice administrative au citoyen lambda au Cameroun.

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CHAPITRE III :

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DANS LA REGION DE L'EST :
UN CAS LIMITE D'INANITE INSTITUTIONNELLE

INTRODUCTION

Evaluer l'institutionnalisation du Tribunal Administratif dans la région de l'Est revient à exhumer les logiques qui sou tendent l'atteinte des objectifs fixés par la politique de la décentralisation de la justice administrative au Cameroun. Dans cette direction, les Policy analysis permettent ainsi d'évaluer l'ingénierie sociale du Tribunal Administratif de la région de l'Est pour ainsi faire ressortir les instruments qui permettront de mesurer l'adéquation entre les objectifs visés par la politique, et les résultats présentistes.

La sociologie politique du Tribunal Administratif de la région de l'Est, dans son rapport avec la société révèle, davantage les dimensions de sa nécessité que celles de son utilité. En effet, l'institutionnalisation dans le domaine de la sociologie de l'action publique ne permet pas seulement d'appréhender les actions des institutions, mais les actions des divers acteurs pris en réseaux d'interdépendance, impliquant ainsi à différents niveaux ces logiques d'institutionnalisation. Compte tenu de cela, l'institutionnalisation serait multi acteurs et multi niveaux. La décentralisation de la justice administrative au Cameroun analysée sous l'angle de la sociologie de l'action publique revient à exhumer les dimensions verticales et top down d'une telle action relativement à son utilité dans l'analyse de la relation entre le tribunal et les populations de la région de l'Est.

La sociologie de l'action publique saisie par les institutions met en exergue la nécessité de penser l'action publique150 de l'institutionnalisation car une institution de caractérise par sa durabilité et sa relation avec les acteurs qui l'incarnent.

150P. Duran, Penser l'action publique, Paris, LGDJ, 1999.

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L'institutionnalisation d'une juridiction administrative dans la région de l'Est analysée sous l'angle du néo institutionnalisme sociologique permet en effet de mettre en relation la politique de décentralisation de la justice administrative dans ses rapports avec les populations de la région de l'Est mettant ainsi à la lumière le déficit d'information (section I), tout comme l'ignorance révélée des procédures de saisine du juge administratif par les populations n'en constitue pas moins un déficit de formation (section II).

Section I- La décentralisation de la justice administrative au Cameroun et les populations de la région de l'Est

Les dimensions multi acteurs et multi niveaux de l'action publique aujourd'hui, mettent en exergue les logiques de participation, sinon de concertation, du moins d'implication des différents acteurs dans les processus de façonnement, de fabrication et d'implémentation des politiques publiques, car elles sont censées refléter une réalité sociale qui s'est posée et s'est imposée en tant que problème public. De ce point de vue, la décentralisation de la justice administrative au Cameroun relativement à son implémentation dans la région de l'Est correspond peu, à la vision ou à l'effet qu'a voulu lui donner le politique151 (paragraphe 1). De plus, l'épreuve des faits et les descentes sur le terrain permettent d'extraire chez les populations, les aspects liés à une absence de vulgarisation de la décentralisation de la justice administrative dans la région de l'Est (paragraphe 2).

Paragraphe 1- L'inadéquation de la vision de décentralisation de la justice administrative dans la région de l'Est

La décentralisation de la justice administrative telle que pensée au Cameroun, avait pour intention et vision, de rapprocher la justice administrative des administrés locaux, afin de combattre l'arbitraire administratif dans toute l'étendue du territoire. Mais, à l'épreuve des faits, cette vision n'en reste qu'une dans la région de l'Est car, si le rapprochement du juge administratif des administrés locaux a été l'un des points focaux de cette politique, la distance demeure encore un obstacle important pour l'accès à la justice administrative dans la région de l'Est (A), car il était en effet possible de rapprocher la justice administrative administrés locaux d'une autre manière (B).

151Entendu ici comme polity, c'est-à-dire le système politique.

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A- Etat de la proximité entre la juridiction administrative et les populations dans la région de l'Est

L'institutionnalisation d'un Tribunal Administratif, dit de proximité dans la région de l'Est, n'a pas fondamentalement changé les aspects liés à la distance, appréhendée comme obstacle dans l'accès à la justice administrative. C'est état des choses se vérifie brillamment dans le fait que la région de l'Est est la plus vaste du Cameroun, et les distances entre les départements, les arrondissements et les villages (1) sont d'autant plus considérables que, les saisines du juge administratif frisent le néant dans cette région (2).

1- Le maintien de l'obstacle lié à la distance dans l'accès au juge administratif dans la région de l'Est.

La région de l'Est qui a une superficie d'environ 109 002 Km2 compte quatre départements qui sont considérablement éloignés l'un par rapport à l'autre. Le Tribunal Administratif est logé dans la ville de Bertoua chef-lieu du département du Lom- et-djérem. Cet état de la décentralisation de la justice administrative dans la région de l'Est ne peut pas facilement permettre aux populations de certains villages qui sont considérablement éloignés de Bertoua d'avoir accès au juge administratif.

Ainsi les descentes auprès des populations du nouveau village Lom Pangar et du village Lom 2152 révèlent que la distance entre ces villages et la ville de Bertoua demeure un obstacle important dans la saisine du juge administratif, car 110 Km séparent la ville de Bertoua et le village Lom 2. De plus, la distance qui sépare les départements, les arrondissements et les villages de la région de l'Est s'apprécie également comme des écueils à l'accès à la justice administrative.

De ce point de vue, en prenant simplement les chefs-lieux des départements, la ville de Batouri est séparée par 90 Km de la ville de Bertoua, celle de Yokadouma nécessité un parcours de 279 Km pour les populations si celles-ci prétendent saisir le juge administratif et la ville d'Abong-Mbang est séparée par 30 Km de la ville de Bertoua. Cette distanciation entre les villes et les villages est peut être à l'origine du caractère insignifiant du taux de saisine du Tribunal Administratif de la région de l'Est.

152Villages où ont été recasées les populations déguerpies pour la construction du Barrage hydroélectrique de Lom Pangar

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2- L'insignifiante activité contentieuse du Tribunal Administratif de la région de l'Est

L'exploration des minutes de greffes du Tribunal Administratif de la région de l'Est révèle une activité contentieuse qui frise le néant. En effet, le taux de saisine du juge administratif y est encore insignifiant, en comparaison par exemple avec le taux de saisine du juge administratif à Douala, à Yaoundé ou encore à Bafoussam (voir tableau n°1). Le diagnostic d'un tel état de choses exhume plusieurs causes et permet ainsi de corroborer l'idée selon laquelle l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs est davantage une politique publique qu'elle en est une action publique.

Tableau n°2 : comparaison de l'activité contentieuse de quelques T.A au Cameroun

Tribunaux
Administratifs

recours introduits par mois

recours introduits par
trimestre

recours introduits
par an

Bafoussam

15

45

180

Bertoua

1

3

12

Douala

60

180

720

Yaoundé

30

90

360

Source : Greffe de chaque Tribunal Administratif.

Le tableau ci-dessus démontre le caractère insignifiant de l'activité contentieuse du T.A de la région de l'Est en comparaison avec l'activité contentieuse des autres T.A au Cameroun, en l'occurrence de celui de Bafoussam, de Yaoundé et de Douala. En effet, pendant que l'on note une presque submersion contentieuse chez les juges administratifs de Douala ou encore de Yaoundé, les juges administratifs de Bertoua se tordent les pouces car l'activité contentieuse frise avec le néant. Ainsi, sur l'ensemble des recours introduits dans ces quatre juridictions depuis leur opérationnalité c'est-à-dire de janvier 2014 à janvier 1015, ceux introduits à l'Est ne représentent que 0,94% de la totalité des recours contentieux. De plus même au niveau des décisions rendues, le T.A de la région de l'Est n'a rendu sur la même période qu'un référé administratif, un sursis à exécution et deux jugements153.

153Entretien mené avec le Greffier en chef du T.A de l'Est, le jeudi 9 avril 2015 à 12h 10 minutes.

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B- Un difficile combat contre l'arbitraire administratif local

L'une des visées de la politique de décentralisation de la justice administrative au Cameroun était non seulement de rapprocher le juge administratif des administrés locaux, mais également de combattre l'arbitraire administratif dans toute l'étendue du territoire. Dans la région de l'Est en l'occurrence, l'opérationnalité de cette vision est difficile, compte tenu de la quasi-spécialisation du contentieux administratif dans le domaine foncier (1), c'est la raison pour laquelle il importait certainement de rapprocher autrement cette justice administrative des administrés locaux (2).

1- La quasi-spécialisation du contentieux administratif en le domaine foncier à l'Est

Au Cameroun, les domaines du contentieux administratif sont de plusieurs ordres, parmi lesquels le domaine foncier. A la consultation des minutes de greffe du tribunal administratif de la région de l'Est, l'on peut extraire une forte spécialisation contentieuse. Les litiges fonciers dans la région de l'Est sont les affaires plus connues par les juges administratifs. En effet, même si le taux de saisine de la juridiction administrative frise le néant dans cette région, les litiges fonciers représentent plus de 80% des recours transférés par la Chambre Administrative de la Cour Suprême au Tribunal Administratif, et de plus, les décisions rendues jusqu'ici par le T.A de l'Est ressortissent presque ou en totalité du domaine foncier. Cette forte spécialisation du contentieux administratif dans cette région suscité ainsi une interrogation sur l'utilité de l'institutionnalisation de cette juridiction et laisse ainsi penser qu'il était possible de rapprocher la justice administrative des populations par le biais d'un tout autre procédé.

2- De l'échec de la proximité à la révision du rapprochement

Il est clair que, compte tenu du volume du contentieux dans le Tribunal Administratif de l'Est et le nombre de recours transférés par la Chambre administrative de la Cour Suprême à cette juridiction, il était possible de rapprocher autrement la justice administrative des administrés locaux. En effet, d'après un de nos enquêtés, « il était possible de rapprocher autrement la justice administrative des administrés locaux en organisant des audiences foraines qui réuniront les litiges administratif des régions à faible volume contentieux »154.

154Ibidem

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Au regard de cette considération, il est évident que sous un rapport actuel comme nous le démontrerons par la suite, l'institutionnalisation d'un Tribunal Administratif dans la région de l'Est est en quête de pertinence, car le domaine de la justice administratif dans la région de l'Est est encore très embryonnaire, le confort aussi bien intellectuel que financier n'en favorisant pas l'exercice, tout comme l'absence de vulgarisation de la politique de décentralisation de la justice administrative au Cameroun.

Paragraphe 2- Une absence de vulgarisation de la politique de décentralisation de la justice administrative dans la région de l'Est

La politique de décentralisation de la justice administrative n'a pas fait l'objet d'une vulgarisation dans la région de l'Est. A l'épreuve des faits, l'information n'a pas été véhiculée et relayées auprès des populations de cette localité qui ignorent en majorité, l'existence d'un T.A dans leur région (A), affichant de ce fait un désintérêt important et prégnant pour les causes de justice administrative car connaissant très peu l'utilité d'une juridiction administration et dont du juge administratif. (B).

A- Une méconnaissance de l'existence d'un Tribunal Administratif à l'Est par les populations

L'analyse des rapports entre le T.A de l'Est et les populations révèle que celles-ci n'ont pas été impliquées dans les logiques de formation et d'institutionnalisation dudit T.A. En effet, les descentes sur le terrain nous ont permis de constater dans l'ensemble de l'échantillon, une méconnaissance accrue de l'existence d'un T.A dans la région de l'Est (1), ceci dû à une forte paupérisation des populations qui se sentent moins concernées pas les affaires de justice administrative (2).

1- Etat de la connaissance de l'existence d'un Tribunal Administratif à l'Est dans

l'ensemble de l'échantillon

Les résultats obtenus lors de nos descentes sur le terrain relativement à la connaissance même de la part des populations de la région de l'Est, de l'existence d'un T.A, ont été très négatifs. Dans les catégories de l'échantillon, l'on note le fait majoritaire de la méconnaissance de l'institutionnalisation d'un T.A dans la région de l'Est. Le tableau ci-dessous fait alors l'état de la connaissance au sein des catégories de l'échantillon, de l'existence d'un T.A dans la région de l'Est.

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Tableau n°3 : connaissance de l'existence d'un T.A par les populations de la région de l'Est

Populations cibles

Nombres
d'enquêtés

Réponses
positives

Réponses
négatives

1. Commerçants et activistes

60

8

52

2. Etudiants, élèves et chômeurs

25

5

20

3. Autochtones/propriétaires terriens

15

3

12

 

Total

100

16

84

Source : enquête menée auprès des populations de la région de l'Est les7, 8, 9 et 10 avril 2015.

Ce tableau fait ainsi l'état de la connaissance de l'existence d'un T.A dans la région de l'Est. Dans toutes les catégories de l'échantillon, l'on note une forte méconnaissance de l'existence d'un T.A à l'Est. Ainsi, 84% de la population de la région de l'Est est ignorante de l'existence d'un T.A à l'Est. A l'analyse dans chacune des catégories de l'échantillon, les commerçants et activistes sont paradoxalement, les moins avisés en ce qui concerne la connaissance de l'existence d'un T.A à l'Est car seulement 13,33% de cette population est au parfum de son existence, contre 20% chez les étudiants, élèves et chômeurs, et 20% chez les autochtones et propriétaires terriens.

De plus, dans la catégorie intégrant les commerçants et les activistes, la connaissance de l'existence d'un T.A à l'Est est encore plus dérisoire, car seuls les propriétaires des grands magasins et les grandes boutiques connaissent l'existence d'un T.A à l'Est. Cet état des choses trouverait, certainement, une explication en le caractère des populations de la région de l'Est, qui se sentent moins concernés par les causes de justice administratives que par leur survie.

2- Un désintérêt prégnant des populations pour les causes de justice administrative

L'intérêt pour les causes de justice administrative est la chose du monde la moins partagée pour les populations de la région de l'Est. Un tel désintérêt trouverait une explication dans les relations entre l'administration et les administrés dans la région de l'Est. Les descentes sur le terrain nous ont en effet permis de comprendre et d'extraire chez les enquêtés une crainte assez poussée de l'autorité administrative. Le tableau qui suit, fait état de

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la peur ressentie par les populations de la région de l'Est vis-à-vis de l'autorité administrative ou de l'administration toute entière.

Tableau n°4 : connaissance de la justice administrative et possibilité pour les populations de se confronter à l'administration

 

Raisons accusées

Populations cibles

Nombre d'enquêtés

connaissance
de la justice
administrative

impossibilité de
se confronter à
l'administration

L'Etat
est tout
puissant

Manque de

moyens

1. Commerçants et activistes

60

9

52

50

2

2. Etudiants, élèves et chômeurs

25

2

23

12

11

3.

Autochtones/propriétaire s terriens

15

9

13

12

1

 

Total

100

20

88

74

14

Source : enquête menée auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10 avril 2015.

Ce tableau multi colonnaire établie la photographie à la fois de la connaissance de la justice administrative chez les populations de la région de l'Est, en même temps qu'il exhume la possibilité qu'ont les populations de se confronter à l'administration tout comme il fait état des raisons accusées par ces populations ayant répondues par la négative.

Ainsi, seulement 20% de la population de la région de l'Est connait ce qu'est la justice administrative ; de plus 88% de la population de la région de l'Est pense être incapable de se confronter à l'administration car 74% de la population estime que l'Etat est tout puissant et que par conséquent il leur est impossible d'intenter une action en justice contre lui, et 14% de la population de la région de l'Est évoque le manque de moyens comme impossibilité pour eux d'intenter un procès contre la puissance publique. Cet état des choses justifierait ainsi l'ignorance des populations de la région de l'Est, relativement à l'utilité du juge administratif.

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B- La connaissance de l'utilité du juge administratif chez les populations de la région de l'Est

La connaissance de l'utilité ou de l'importance d'un juge administratif au sein des populations de la région de l'Est est d'un caractère extrêmement dérisoire. Les populations de la région de l'Est sont en majorité ignorantes de l'utilité d'un juge administratif (1), et n'opèrent cependant pas une distinction entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire dans les litiges qui les opposeraient à l'administration puissance publique (2).

1- Le caractère dérisoire de la connaissance de l'utilité d'un juge administratif au sein de l'échantillon

La connaissance de l'utilité de juge administratif par les populations de la région de l'Est n'est pas importante. En effet, dans l'ensemble de l'échantillon on peut observer les logiques liées à une prégnante ignorance de ce à quoi servirait un juge administratif. Le tableau ci-après, fait état de la connaissance de l'importance sinon de l'utilité d'un juge administratif par les populations de la région de l'Est.

Tableau n°5 : connaissance de l'utilité du juge administratif chez les populations de la région de l'Est

Populations cibles

Nombre d'enquêtés

Réponses positives

Réponses négatives

1. Commerçants et activistes

60

7

53

2. Etudiants, élèves et chômeurs

25

1

24

3. Autochtones/propriétaires terriens

15

7

8

 

Total

100

15

85

Source : enquête menée auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10 avril 2015.

Dans l'ensemble de la population de la région de l'Est, le juge administratif est encore méconnu, un point de vue de son utilité. Ainsi, 85% de la population de la région de l'Est est ignorante de l'utilité d'un juge administratif.

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La consultation des minutes de greffe du T.A de l'Est révèle une forte spécialisation du contentieux dans le domaine foncier. Ce serait donc analysé comme un paradoxe, que de constater que plus de la moitié de la population autochtone et des propriétaires terriens, soit 53,33%, ignore l'utilité d'un juge administratif. Ceci expliquerait peut être le fait qu'il n'existe pas chez les populations de la région de l'Est, une forte distinction entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire.

2- Une indifférenciation entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire chez les populations de la région de l'Est

La distinction entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire n'est pas très légion dans la région de l'Est. Les descentes sur le terrain nous ont permis d'extraire une forte indifférenciation entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire de la part des populations.

En effet, à l'analyse, nous nous rendons compte du fait que, dans toutes les catégories de l'échantillon, les populations sont encore très majoritairement cantonnées dans des règles de procédures de droit privé qui régissent les rapports entre les particuliers mais par contre, les règles de droit public administratif ou davantage de contentieux administratif restent et demeurent une bastille à prendre pour elles. Ce constat est donc à l'origine de plusieurs irrecevabilités des recours introduits auprès des juges judiciaires de l'Est, pour incompétence. L'entretien mené avec le Greffier en chef du T.A de l'Est nous a ainsi permis de dénombrer deux recours renvoyés auprès du T.A par la juridiction judiciaire, les populations de la région de l'Est font preuve d'un sous-développement juridique important car elles sont majoritairement ignorantes des procédures de saisine du juge administratif camerounais.

Section II- Le sous-développement juridique des populations de la région de l'Est

Dans la région de l'Est et en matière de contentieux administratif, l'ignorance des procédures par les populations reste et demeure « un cimetière où vont s'enterrer les prétentions contentieuses des requérants »155. En la réalité, les populations de la région de l'Est font preuve d'un sous-développement juridique important dans le domaine du contentieux administratif camerounais. Dans toutes les catégories de l'échantillon, les règles

155Luc Sindjoun, « A propos du droit administratif processuel au Cameroun : l'invention du bon justiciable, la production de la croyance dans le juge et la distinction contentieuse de l'Etat », in Revue Juridique Africaine, Maurice Kamto et Paul Gérard Pougoué (dir), 1992- 1993, p.215.

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de procédures sont les moins connues par les populations (paragraphe 1), de plus l'exploration du niveau de vie de ses populations laisse présager et comprendre que le coût de la procédure administrative contentieuse demeure encore un obstacle important pour l'accès à la justice administrative (paragraphe 2).

Paragraphe 1- Les populations de la région de l'Est et la procédure administrative contentieuse

La procédure est ce qui dans le fond, fait la particularité et la singularité du contentieux administratif camerounais. C'est en effet ces règles de procédure qui permettent aux populations Camerounaises en général, de voir le contentieux administratif comme une matière ésotérique. Les populations de la région de l'Est ne se départissent pas de ce constat. Dans toutes les catégories de l'échantillon, et à l'analyse, il est possible de conclure que la procédure administrative contentieuse reste encore le domaine le moins connu, ou davantage le plus méconnu par les populations de la région de l'Est (A). Ceci s'expliquerait certainement par l'environnement sociétal de la région de l'Est où l'on note une théorie et une pratique du droit très dérisoires (B).

A- L'ignorance des procédures de saisine du juge administratif par les populations de la région de l'Est

Les populations de la région de l'Est connaissent très peu la procédure administrative contentieuse. En effet, les descentes sur le terrain permettent de comprendre que la procédure administrative contentieuse est un obstacle à l'accès à la justice administrative pour ces populations qui d'une part l'ignore complètement (1), mais préfèrent en majorité les autres types de règlements de litiges, corroborant ainsi l'idée selon laquelle vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès (2).

1- Une méconnaissance accrue des procédures dans toutes les catégories de l'échantillon

La sociologie de la connaissance des procédures de saisine du juge administratif dans la région de l'Est révèle une ignorance profonde chez les populations de ladite région. De ce point de vue, le tableau ci-dessus se propose de faire l'état de la connaissance des procédures de saisine du juge administratif dans les catégories de l'échantillon.

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Tableau n°6 : connaissance de la procédure administrative contentieuse dans la région de l'Est

Populations cibles

Nombre
d'enquêtés

Réponses
positives

Réponses
négatives

1. Commerçants et activistes

60

2

58

2. Etudiants, élèves et chômeurs

25

3

22

3. Autochtones/propriétaires terriens

15

1

14

Total

100

6

94

Source : enquête menée auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10 avril 2015

A l'analyse il est clair et visible que la procédure administrative contentieuse est très méconnue des populations de la région de l'Est. Ainsi, 94% de la population de la région est ignorante des procédures de saisine du juge administratif. Dans les catégories de l'échantillon l'on note que seul 6,66% de la population autochtone et des propriétaires terriens de la région de l'Est connait la procédure de saisine du juge administratif. Or, dans la population constituée des étudiants des élèves et des chômeurs, 12% de la population connait comment intenter un procès contre l'administration si celle-ci a posé un acte ou s'est abstenue d'en poser. A l'observation, l'on constate que les commerçants et activistes et commerçants constituent la population la moins avisée en termes de connaissance de la procédure administrative contentieuse car 96,66% est ignorante des s modalités et formalités à remplir pour pouvoir ester devant la juridiction administrative. Ces données font ressortir de manière profonde, le sous-développement des populations dans la région de l'Est car en réalité,« la procédure administrative est très complexe ; c'est une affaire de professionnel étant donné qu'il y'a trop de formalisme, par exemple trop de délais imposés à peine de nullité, la plupart des justiciables bute sur ces formalités d'entrée et cela conduit l'irrecevabilité des recours »156.Toutefois, dans leur rapport conflictuel avec l'administration, les populations de la région de l'Est optent le plus souvent, pour des modes de résolutions autres que les règlements contentieux.

156Entretien mené avec un juge administratif dans la région de l'Est, mercredi, 8 avril 2015, à 13h 50 minutes.

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2- La prééminence des modes alternatifs de règlement chez les populations de la région de l'Est

De manière générale, nous pouvons lire chez les populations de la région de l'Est, une phobie du juge, quoiqu'elle trouve des explications dans leur déficit de formation et d'information. En effet, de la croyance en la toute-puissance de l'administration se développe un cadre sui generis de règlement des différends qui parfois opposent l'administration avec certains citoyens.

Les entretiens menés avec deux dans deux structures, dont l'une était une quincaillerie et l'autre une poissonnerie, nous ont permis de comprendre que dans la région de l'Est, le règlement amiable est la plus adéquate et la plus usuelle. A un des enquêtés de penser que « le règlement amiable quand tu as les problèmes avec l'Etat est le meilleur moyen de te sortir des problèmes, et en plus il permet de nouer de bonne relations avec l'Etat ; vos histoires de juge là sont très longues... ». Ces affirmations permettent ainsi de comprendre que les modes alternatifs de règlements des différends entre l'administration et les administrés prennent véritablement le pas sur les modes juridictionnels, car même si le règlement amiable est prévu par les textes au Cameroun, les mêmes textes pourraient insidieusement institutionnaliser157 et légitimer en même temps les pratiques de corruption étant en outre donné que la pratique du droit dans cette région n'est pas très prisée.

B- Une faible pratique du droit public administratif dans la région de l'Est

Dans la région de l'Est, la pratique du droit, notamment du droit administratif ou encore du contentieux administratif n'est pas légion. Au regard de cela, le faible pourcentage des praticiens du droit dans cette région (2) s'expliquerait certainement par l'absence ou le caractère insuffisant des formations universitaires de droit dans ladite région (1).

1- L'absence des formations universitaires de droit dans la région de l'Est

L'une des particularités de la région de l'Est est qu'on n'y retrouve aucune université d'Etat. Qu'à cela ne tienne, il existe néanmoins une université privée dans ladite région qui offre quand même une formation en droit au sein de la Faculté des Sciences Sociales et de Gestion ; il s'agit de l'Institut Catholique de Bertoua. Si cette université s'attèle autant que

157G.S Bakoa Bakoa, L'institutionnalisation de la corruption au Cameroun, Mémoire de DEA en science politique, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Yaoundé II, 2007.

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faire se peut à mettre à la disposition des populations de la région de l'Est des connaissances en matières de droit, force est de noter que toutes les populations de la région de l'Est ne peuvent avoir accès à cette institution car le coût de la formation est important en comparaison avec le niveau de vie des citoyens.

De plus, en faisant la sociographie des étudiants inscrits dans la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion de l'Institut Catholique de Bertoua, l'on note le fait minoritaire des populations originaire de la région de l'Est. Cette quasi absence des formations universitaires de droit dans la région de l'Est expliquerait le fait qu'il y'ait une faible pratique du droit dans cette région car la théorie n'est pas assise par les populations, ce qui dresse le lit du pessimisme du point de vue de la pratique proprement dite, car «confort intellectuel des populations pose un problème »158.

2- Une faible présence des praticiens du droit dans la région de l'Est

Si dans le contentieux administratif camerounais le service de l'avocat n'est pas indispensable, l'on observe néanmoins dans la région de l'Est une absence notoire de praticiens du droit, en termes d'avocats ou encore de professeur d'université.

Dans le domaine du contentieux administratif, en l'occurrence, la région de l'Est n'enregistre jusqu'ici, aucun avocat formé et spécialisé dans la justice administrative, encore moins aucun professeur de droit public administratif qui dans certains cas pourrait venir en aide à certains citoyens désireux de se confronter à l'administration quand celle-ci a posé ou s'est abstenue de poser un acte qui leur fait grief. Cette absence de professionnels du droit en l'occurrence du droit public administratif peut ainsi être analysée comme étant à l'origine d'une faible pratique administrative contentieuse au sein du Tribunal Administration de la région de l'Est car ceci pourrait également être appréhendé comme un écueil quant à l'accès au juge administratif, étant donné que les procédures de saisine sont encore très méconnues par les populations de la région de l'Est qui, non seulement se heurtent à cet obstacle, mais également, rencontrent des dissuasions d'ordre financier quand ils prétendent recourir au règlement juridictionnel dans les différends qu'il auraient eu avec l'administration puissance publique.

158Idem

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Paragraphe 2- Le coût de la procédure comme obstacle à l'accès à la justice administrative pour les populations de la région de l'Est

L'accès à la justice administrative est subordonné à certaines conditions financières que doit remplir tout requérant voulant intenter un procès contre l'administration. Etant donné la nécessité de faire fonctionner les Tribunaux Administratifs il importe de verser certaines sommes qui seront utilisées pour des causes diverses et visant à garantir la bonne administration de la justice administrative (A), quoique, l'importance de ces conditions financières peut être appréhendée comme un frein à l'accès au juge pour les populations de la région de l'Est (B).

A- Consistance panoramique du coût d'une procédure administrative contentieuse au Cameroun

Le coût de la procédure administrative contentieuse au Cameroun se trouve être assez consistant pour le citoyen lambda. En effet, lorsqu'on comptabilise les frais que peut débourser un justiciable du début de la procédure jusqu'au jugement, l'on se rend compte du fait qu'intenter une action auprès du juge administratif n'est pas une action à la portée de tout citoyen camerounais encore moins du citoyen de la région de l'Est, car les émoluments auxiliaires de justice (1), et les honoraires d'avocat (2) sont assez consistants.

1- La substance des émoluments auxiliaires de justice au Cameroun

Concernant la consistance du coût de la procédure administrative, un de nos enquêtés pensait « qu'il vaut mieux parler de la gratuité de la justice administrative au Cameroun ».Peut-être voyait-il juste car sa position présageait une certaine opulence qui le mettait à l'abri d'un u certain nombre de besoins. Toutefois, est-ce pareil chez le citoyen lambda qui vit en dessous du seuil de pauvreté ?

L'exploration de la consistance des émoluments de justice dans le domaine de la justice administrative révèle que la requête introductive d'instance donne lieu à la consignation d'une provision de vingt mille francs159, de plus, une consignation supplémentaire peut en cas de nécessité, être ordonnée par le président du tribunal160. Les descentes sur le terrain et les expertise sont aux frais du requérant, tout comme les indemnités des témoins qui varient de

159Article 34 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.

160Ibidem, alinéa 3

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500 à 7000 Francs. De ces considérations, ces frais peuvent considérer un obstacle important pour l'accès à la justice administrative par le citoyen lambda.

2- Les honoraires d'avocat

Dans le procès administratif, le ministère d'avocat n'est pas indispensable, car la procédure y est majoritairement, voire essentiellement inquisitoriale. Mais, le ministère d'avocat s'avère être important pour le citoyen lambda qui ne maitrise pas le droit, et dont doit se faire représenter.

Mais d'entrée de jeu, cette représentation n'est pas gratuite, car l'avocat vit de son art. Dans cette logique le justiciable doit lui verser une certaine somme d'argent pour que celui-ci le représente et défende ses droits. Le requérant qui a solliciter un avocat, devrait en principe lui verser cinq milles (5000) pour les droits fixes de constitution du dossier et dix à deux cent mille pour les droits proportionnels selon la difficulté de l'affaire et l'importance de la procédure. Compte tenu de ces données, il est difficile au citoyen lambda, en l'occurrence celui de la région de l'Est, d'avoir accès à la justice administrative, le confort économique de l'ensemble des populations permettant difficilement de supporter les frais de justice.

B- Le niveau de vie des populations de la région de l'Est comme entrave à l'accès au juge administratif

L'analyse du niveau de vie des populations de la région de l'Est se présente comme un obstacle pour elles, quant à l'accès au juge administratif. En effet, les populations de la région de l'Est sont en majorité commerçantes, c'est-à-dire que l'activité la plus en vogue est le commerce, non pas forcément au sens prévu les statuts et les textes de loi, mais au sens où il est un moyen de survie pour toutes les populations de cette région. Ainsi, si les populations de la région de l'Est ne peuvent pas facilement avoir accès au juge administratif en raison de leur niveau de vie (1), elles n'en demeurent pas moins ignorantes de la possibilité existante de se voir attribuer une aide judiciaire pouvant leur permettre de garantir le respect et le rétablissement de leurs droits, lorsque ceux-ci ont été bafoués par l'administration puissance publique (2).

1- La vie économique de l'ensemble de l'échantillon

Les populations cibles ne présentent pas une vie économique et financière assez fructueuse. A l'épreuve des faits, la vie économique et financière des populations de cette

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région relativement à leur revenu journalier ne place pas l'accès à la justice administrative au premier rang des priorités, même lorsque leurs droits ont été violés. Ainsi, les autochtones et les propriétaires terriens ne disposent pas de revenus stables pour ainsi permettre d'intenter un procès contre l'administration. L'exploration du niveau de vie de quelque enquêté nous a permis de comprendre que, dans la région de l'Est, les populations ont davantage des besoins physiologiques que des besoins de sécurité, d'appartenance, d'estime ou encore d'auto-détermination161 ; à un des enquêtés d'affirmer que, « nous, nous sommes les populations de bas échelle, nous faisons notre petit commerce pour pouvoir vivre et subvenir aux besoins de nos enfants. Aller encore en justice, et contre l'administration, mon frère, ça c'est nous ruiner quand l'on sait même que gagner un procès contre l'administration c'est faire Yaoundé-Bertoua à pied »162.

De ce point de vue, elles ne peuvent lancer une action en justice contre l'administration, car cette action leur prendrait non seulement beaucoup de temps dans la quête de la satisfaction de leur besoin physiologique, mais également beaucoup d'argent pour ainsi suivre quotidiennement le dossier en instance auprès de la juridiction administrative, étant donné qu'un très petit nombre de la population est au courant de la possibilité d'octroi d'une assistance judiciaire lorsque le justiciable ne dispose des moyens matériels ou financiers pour faire valoir ses droits auprès de la juridiction administrative.

2- La connaissance de l'existence d'une assistance judiciaire par les populations de la région de l'Est

Dans l'optique de promouvoir l'Etat de droit au Cameroun via la protection des droits des justiciables contre l'arbitraire administratif, il est aménagé une assistance judiciaire pour les populations ou les justiciables qui se trouvent dans l'incapacité matérielle ou financière de veiller elles même, à ce que la justice leur soit rendue.

Toutefois, force est de constater et de noter que cette possibilité d'assurer que le droit soit dit sur un différend que le justiciable aurait contre un autre particulier ou contre l'administration, reste encore un secret des dieux. Dans le domaine de la justice administrative en l'occurrence, la connaissance de l'existence de l'assistance judiciaire reste encore une

161 Abraham H. Maslow théorise la hiérarchie des besoins ; il part du principe selon lequel, les individus ont un ensemble complexe de besoins exceptionnellement forts, qui peuvent être classés dans un ordre hiérarchique. Voir dans cette direction, Abraham H. Maslow, « Theory of human motivation », Psychological Review, 1943, n°80, p370-396 ou son ouvrage Motivation and personnality, New York, Harper and Row, 1970.

162Entretien mené avec une commerçante, buyam sellam, le jeudi 9 avril 2015 à 9h 05 minutes.

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bastille à prendre, notamment par les populations de la région de l'Est. Le tableau ci-contre fait état de la connaissance de l'existence d'une assistance judiciaire dans l'ensemble de l'échantillon.

Tableau n°7 : connaissance de l'existence de l'assistance judiciaire par les populations de la région de l'Est.

Populations cibles

Nombre d'enquêtés

Réponses positives

Réponses négatives

1. commerçants et activistes

60

1

59

2. Etudiants, élèves et chômeurs

25

3

22

3. Autochtones/propriétaires terriens

15

0

15

Total

100

4

96

Source : enquête menée auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10 avril 2015

Au regard des descentes sur le terrain, nous constatons que l'assistance judiciaire dans la région de l'Est est encore très méconnue. En effet, dans toute la région de l'Est, 96% de la population est ignorante de l'existence d'une assistance judiciaire, contre 4% des populations qui en sont au courant. Les propriétaires terriens et les autochtones sont la population la plus ignorante de cette possibilité, avec un pourcentage de 0%, contre 1,66% chez les commerçants et activistes. Les étudiants et les élèves arrivent ainsi en première position, avec un pourcentage de 12% de la population connaissant l'existence d'une assistance judiciaire. Somme toute, l'accès à la justice administrative dans la région de l'Est demeure encore enfouit dans les décombres des obstacles financiers qui restreignent considérablement l'exercice des droits des citoyens.

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CONCLUSION

Les politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun ne se sont pas intégrées dans une logique relationnelle, mais plutôt dans un registre unilatéral. Elles ont été implémentées par le biais des instruments de l'action publique à l'instar des normes et des lois. Mais cette politique ne trouve réellement pas ça pertinence dans la région de l'Est car l'exercice de la justice administrative y reste encore très prisée.

Ce manque de pertinence de la politique publique d'accès à la justice administrative notamment dans la région de l'Est, se démontre de par la connaissance de l'existence d'un T.A dans cette région par les populations, qui est de 16%, ou encore par le biais de la connaissance même ce qu'est la justice administrative par les populations dont le pourcentage est de 20%. En outre, seul 15% de la population de la région de l'Est connait l'utilité d'un juge administratif, et la procédure de saisine de ce juge administratif n'est connue qu'à 6% par les populations de la région de l'Est. Cette quasi-ignorance et ce désintérêt profond pour les causes de justice administrative dans la région de l'Est-ce caractérise également par une méconnaissance accrue de l'existence d'une assistance judiciaire qui n'est connu qu'à 4% par l'ensemble de la population.

Cette crise de la pertinence de la politique de décentralisation de la justice administrative ne peut donc pas lui permettre d'être efficace. Dans cette direction il importe de réaménager ou davantage de réformer l'accès à la justice administrative au Cameroun aussi bien dans son exercice que dans son expression, pour en garantir l'accès à tous, la protection des droits de justiciables, la bonne administration de justice administrative et enfin la promotion de l'Etat de droit.

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CHAPITRE IV :

VERS UNE JUSTICE ADMINISTRATIVE ACCESSIBLE A TOUS :
ESSAI DE THERAPIE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE LA
JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN

INTRODUCTION

La réforme des politiques publiques d'accès à la justice administrative n'a pas fondamentalement résolu le problème de l'accès au juge administratif dans toute l'étendue du territoire camerounais en général et davantage dans la région de l'Est. En effet, l'évaluation des politiques publiques appréhendée comme un avatar de la planification163témoigne du déficit de concertation dans les logiques d'implémentation de la politique de décentralisation de la justice administrative au Cameroun.

De prime à bord, une politique publique est censée avoir des impacts considérables sur les perceptions et les comportements des populations cibles auxquelles elle s'applique. La pertinence d'une politique publique se mesurant ainsi par ce biais, permet dans le cas échéant de remarquer que l'institutionnalisation de la juridiction administrative dans la région de l'Est n'a pas fondamentalement modifié les représentations et perceptions des populations de cette région. La redécouverte de l'institutionnalisation constitue le point de départ d'une lecture et même d'une relecture du politique, car met en évidence de nouvelles interrogations sur le rôle politique des institutions en tant que forme de régulation et de cohésion sociales. Les institutions d'accès à la justice administrative au Cameroun permettent ainsi de corroborer la thèse de l'émergence de l'Etat régulateur, qui se développe dans les ruines de l'Etat producteur164. En tout état de cause, ce retour de l'Etat qui est d'un caractère tâtonnant165 ajouté à la mise en oeuvre des politiques publiques qui dévoile le visage de l'Etat

163Vincent Spenlehauer, L'évaluation des politiques publiques, avatar de la planification, Thèse de doctorat, en science politique, Université Pierre Mendes-France de Grenoble, 1998, 357 pages.

164Auguste Nguelieutou, « L'évolution de l'action publique au Cameroun : l'émergence de l'Etat régulateur », Polis, RCSP/CPRS ; Vol 15 n°1et 2, 2008.

165B. Jessop, « Le retour tâtonnant de l'Etat », in F. Arcy, et L. Rouban (eds), De la 5e République. Hommage à Jean-Louis Quermonne, Paris, FNSP, 1996.

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aujourd'hui166 nécessite dans la plus part des cas de penser à nouveau, sinon de repenser l'action publique et même le service public. Cette préoccupation qui se pose et s'impose avec acuité permet d'exhumer et d'implémenter l'action publique dans une logique ascendante où administrateurs, usagers, citoyens, chercheurs, agents, coproduisent les réponses aux problèmes à tous les niveaux du tissu social et s'affirment comme référent essentiel de cette politique.

Sous ces rapports, repenser les politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun nécessite ainsi, de réformer dans une double logiques matérielle et fonctionnelle, les modalités qui en restreignent l'exercice tout en balisant un cadre idoine, fondamental et propice à l'accès au juge administratif par le citoyen lambda. Dans cette logique, si l'accès à la justice administrative au Cameroun nécessite une réforme profonde (section I), l'information et la formation des populations s'affirment comme étant un canal important et indispensable dans la vulgarisation de cette justice, dans la professionnalisation du droit public administratif notamment enfin, dans l'édification de l'Etat de droit au Cameroun (section II).

166P. Hassenteufel, « L'Etat mis à nu par les politiques publiques ? », in Bertrand Badié et Yves Deloye, Le temps de l'Etat, Mélanges à l'honneur de Pierre Birnbaum, Paris, Fayard, 2007.

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Section I- Nécessité d'une réforme de la justice administrative au Cameroun

Les défis posés à l'action publique tiennent généralement à la situation sociale, économique et parfois politique des sociétés humaines. Ces défis institutionnels qui conditionnent très souvent la mobilisation et l'innovation publiques semblent recéler une réelle aptitude thérapeutique quand bien même ils sont relevés, reflétant par là une cohésion sociale. Les politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun se sont affirmées comme étant pensées dans une logique assez verticale. Or, les mutations de l'Etat dues à la redéfinition de ses rôles imposent une autre logique dans la conception et la maturation d'une politique publique, la société politique étant déjà multi acteurs et multi niveaux.

Au regard des politiques de développement local, l'affirmation et la détermination des populations locales occupent une place prépondérante dans la fabrique de l'action publique localisée, quoique le centre impulse toujours la dynamique d'implémentation. De ce point de vue, il est d'essence nécessaire de repenser le service public et l'action publique de l'accès à la justice administrative au Cameroun. Cette réforme porterait ainsi sur deux considérations majeures dont l'une serait structurelle et matérielle (paragraphe 1), et l'autre essentiellement fonctionnelle (paragraphe 2).

Paragraphe 1- La substance des réformes matérielles et structurelles

Réformer l'accès à la justice administrative au Cameroun impose de repenser le service public de la justice administrative dans son ensemble. En effet, l'expression de la justice administrative au Cameroun est parsemée d'embuches qui ne favorisent pas la bonne administration de cette justice et partant, l'accès au juge administratif. La justice administrative au Cameroun est régie par un ensemble de textes épars qui imposent une lecture diagonale pour en exhumer la substance ; or, le droit romano-germanique se particularise et se démarque du droit anglo-saxon non seulement par son caractère écrit, mais également par son caractère codifié.

Ainsi, la codification de la justice administrative au Cameroun se pose en s'imposant comme une nécessité impérieuse permettant ainsi la production d'un code de justice administrative (A) pour une meilleure condensation de la justice administrative et une facilitation de l'information des populations. Toutefois, cette préoccupation serait sans intérêt fécond si la justice administrative n'était pas davantage rapprochée des administrés locaux.

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De ce point de vue, importerait-il d'arrimer l'architecture juridictionnelle de la justice administrative à celle de la justice judiciaire, pour réellement être plongé dans une logique de décentralisation du juge administratif (B).

A- Nécessité de l'institutionnalisation d'un code de justice administrative au Cameroun

La codification dans le domaine du droit à ceci de particulier qu'elle regroupe et condense les textes au sein d'un seul et unique document qui organise les aspects liés à l'objet de ladite codification. Il s'agit donc d'une opération consistant essentiellement à convertir les règles coutumières, en un corpus de règles écrites et systématiquement regroupées dans un document unique qui en rend compte. Dans le domaine de la justice administrative au Cameroun en l'occurrence, la codification serait d'une importance capitale car elle est perçue dans son ensemble comme un canal de transmission du droit (2), quoiqu'en soi il n'est pas aisé de codifier le droit administratif (1).

1- La justice administrative : un droit difficilement codifiable

D'une manière générale, la différence qui existe entre la justice administrative de la justice judiciaire au Cameroun réside au niveau de l'institutionnalisation des codes. En effet, si dans le domaine de la justice judiciaire au Cameroun, il existe un Code Civil, un Code Pénal, un Code de Procédure Civile ou encore un Code de Procédure Pénale, tel n'est pas le cas dans le domaine de la justice administrative, où se sont de simples textes épars qui en régissent la substance.

Les difficultés de codification de la justice administrative résident pour l'essentiel, dans la nature du droit administratif qui est un droit mouvant et vivant. De plus la jurisprudence administrative notamment a joué et joue encore un très grand rôle dans la formation et la maturation du droit administratif. En sa qualité de droit vivant, il s'adapte ainsi aux réalités de la société à laquelle il s'applique, et les juges administratifs contribuent énormément à le façonner à partir des jugements et des décisions de justice qu'ils rendent ; de ce point de vue, la justice administrative serait un droit essentiellement prétorien.

Ce caractère inhérent au droit administratif et partant à la justice administrative favorise peu sa codification au Cameroun, quoique dans certains Etats, l'on est parvenu à réunir l'ensemble des textes dans un seul document appelé code de justice administrative ; ce cette

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considération, l'Etat camerounais pourrait adopter cette mesure, pour ainsi permettre aux citoyens de disposer d'un référent juridique lorsqu'ils ont un contentieux avec l'administration, comme ils en disposent lorsqu'ils ont des litiges avec leurs compatriotes.

2- La codification comme vecteur de transmission du droit

De nos jours, la fabrique du droit positif passe par une forte codification des règles qui régissent les rapports entre les individus dans la société. En tant que vecteur de transmission du droit, la codification permet en effet de mieux condenser les textes, afin de les réunir dans un document appelé code.

Dans le domaine de la justice administrative au Cameroun en l'occurrence, la codification à la fois du droit matériel et du droit processuel dans un document unique appelé code de justice administrative permettra aux citoyens d'avoir des références exactes et précises, et de posséder un document qui sera pour eux comme une boussole qui les orienterait quand un acte posé par l'administration leur fera grief. De ce point de vue, la codification de la justice administrative au Cameroun serait ainsi une courroie de transmission du droit de générations en générations. De plus, si dans l'ordre judiciaire, le droit est totalement codifié, pourquoi afficher une attitude craintive relativement à l'institutionnalisation d'un code de justice administrative qui en la matière ne serait pas une première167.

L'entretien mené avec un de nos enquêtés nous a permis de comprendre que la mise sur pied d'un code de justice administrative serait de bon ton au Cameroun car il permettra « la facilitation de la compréhension des règles de procédures et l'information des justiciables et des praticiens du droit », car le droit administratif ne peut pas être indéfiniment jurisprudentiel168

Toutefois, si l'institutionnalisation d'un code de justice administrative s'affirme comme étant une mesure salutaire, il importe tout de même de reconnaitre que le droit administratif dans son ensemble est difficilement codifiable en raison de son caractère extrêmement mouvant. De toute façon, si l'institutionnalisation d'un code de justice administrative au Cameroun s'impose, une amélioration de la proximité entre le juge administratif et les

167Bon nombre d'Etat ont déjà codifié la justice administrative. Ainsi, en France notamment il existe un Code de Justice Administrative, pour l'exemple de l'Europe, et en Afrique les Etats comme le Burundi dispose également d'un Code de Justice Administrative.

168George Vedel, « Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? » in Etudes et documents du Conseil d'Etat, 1970-80, n°31, p.31.

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populations se pose avec acuité dans les logiques de saisine du juge administratif camerounais.

B- Nécessité d'une localisation poussée de la juridiction administrative au Cameroun

Le rapprochement de la justice administrative des administrés ou des justiciables locaux constitue une condition «sine qua non« dans la facilitation de l'accès au juge administratif. L'effort camerounais de rapprochement de cette juridiction administrative, matérialisé par l'institutionnalisation des T.A, se veut davantage être densifié. En effet, même si les possibilités d'avoir un litige avec l'administration ne sont pas comparables aux possibilités des particuliers d'entrer en litige entre eux il importe, tout de même, d'arrimer l'architecture institutionnelle de la justice administrative à celle de la justice judiciaire pour un réel quadrillage juridictionnel du territoire camerounais (1), pour permettre aux populations où qu'elles soient de pouvoir avoir accès au juge administratif. Cet état des choses permettra ainsi à la justice administrative camerounaise de gagner en rapidité et en célérité (2).

1- Le quadrillage juridictionnel du territoire camerounais par la juridiction administrative

Le quadrillage juridictionnel a pour principale vertu, l'extension de la juridiction administrative sur toute l'étendue du territoire. En effet pour que la justice administrative soit davantage proche des justiciables Camerounais, il importerait de mettre sur pied des juridictions administratives dans chaque départements.

De ce point de vue, l'on aurait des T.A au niveau des départements, les cours administratives d'appel au niveau des régions et enfin la cassation administrative au niveau de la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Ce remodelage de l'architecture institutionnelle de la juridiction administrative au Camerounais permettra ainsi de mettre fin au double degré de juridiction au niveau de la C.A/C.S qui statue en appel et en cassation, et permettra de ce point de vue de mieux organiser l'accès à la justice administrative au Cameroun. De cette considération, la juridiction administrative camerounaise se présenterait comme suit.

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Figure 2 : la possible architecture institutionnelle de la juridiction administrative camerounaise

COUR SUPRÊME
(CHAMBRE
ADMINISTRAIVE
)

ETAT

COUR ADMINISTRATIVE
D'APPEL

REGION

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DEPARTEMENT

Cette figure pyramidale représente la possible architecture institutionnelle de la juridiction administrative camerounaise, relativement aux soucis de la rapprocher des justiciables et de spécialiser chaque niveau de juridiction en matière administrative contentieuse. De ce point de vue, les T.A seront des juridictions administratives d'instance, les Cours Administratives d'Appel seront compétentes pour l'appel des décisions rendues par les T.A, et la C.A de la C.S connaitra exclusivement des pourvois en cassation formés contre les décisions rendues par les Cours Administratives d'Appel.

Dans cette logique la France, notamment a emboité le pas à l'Etat camerounais en hiérarchisant la justice administrative relativement à la mise sur pied de trois niveaux de juridiction institutionnellement et fonctionnellement distincts, à savoir le Conseil d'Etat qui constitue la juridiction suprême, les Cours Administratives d'Appel qui sont compétentes pour les recours en appel, et les Tribunaux Administratifs qui constituent des juridictions de premier degré en matière administrative contentieuse, ce qui permet une rapidité et une célérité de la justice administrative.

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2- Pour plus de célérité et de rapidité de la justice administrative au Cameroun

En décomposant ainsi la juridiction administrative au Cameroun, on se rapproche considérablement de l'architecture institutionnelle de la juridiction judiciaire qui fait l'objet d'un quadrillage effectif du territoire. Dans cette logique, la juridiction administrative au Cameroun serait mieux rapprochée des justiciables et favoriserait la rapidité dans la saisine du juge et la socialisation les citoyens au contentieux administratif et à la justice administrative.

Cette décentralisation et cette spécialisation contentieuse de chaque juge administratif à son niveau de juridiction va permettre une célérité de la justice administrative. Dans cette logique, dans la région de l'Est en l'occurrence, l'on disposera de quatre T.A, relativement à l'existence de quatre départements dans cette région, et les obstacles relatifs à la distance entre la juridiction administrative et les administrés locaux seraient considérablement amenuisés, et les populations pourraient ainsi avoir facilement accès au juge administratif, même s'il importe encore pour cela, de réformer la justice administrative au Camerounais d'un point de vue fonctionnel.

Paragraphe 2- Importance d'une réforme fonctionnelle de la justice administrative au Cameroun

Au Cameroun, les règles régissant le fonctionnement de la justice administrative ne favorisent pas considérablement l'accès au juge administratif car elles constituent dans certains cas, des écueils pour le justiciable, quand celui-ci veut la réparation d'un préjudice qui lui a été causé par l'administration, la loi étant censée assurer à tous les hommes le droit de se faire rendre justice. Vu dans cette logique, il importe d'opérer une réforme fonctionnelle de la justice administrative camerounaise, non seulement en élargissant les délais et en spécialisation l'assistance judiciaire en matière administrative (A), mais également en conférant au juge administratif camerounais un véritable statut de jurislateur qui lui permet d'être lui-même administrateur de ses décisions (B).

A- Extension des délais et spécialisation de l'assistance judiciaire en matière administrative

Si les politiques publiques sont censées résoudre des problèmes qui se sont posés comme étant des préoccupations publiques, c'est qu'elles doivent être le reflet de la société sur laquelle elles s'appliquent. En effet,

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si l'analyse des politiques publiques a contribué à renouveler de manière spectaculaire un certain nombre d'interrogations fondamentales de la science politique, cette entreprise se heurte aujourd'hui à un certain nombre d'obstacles pour répondre à ce qui reste l'une des questions centrales de la science politique : comment fabrique-t-on de l'ordre dans une société complexe ? Dans la mesure où elle considère que l'objet des politiques publiques n'est plus seulement de résoudre les problèmes, mais de construire des cadres d'interprétation du monde169

Dans cette logique, importe-t-il de réformer les politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun sous son rapport fonctionnel, non seulement en élargissant les délais de saisine du juge administratif (1), mais également en spécialisant l'assistance judiciaire en matière administrative (2).

1- Nécessité d'une réforme des délais de saisine du juge administratif au Cameroun

Le formalisme poussé de la justice administrative camerounaise se présente généralement aux yeux des populations comme un écueil important dans la saisine du juge administratif. Les délais impartis à la saisine du juge administratif camerounais nécessitent dans certains cas, d'être élargis et dans d'autres d'être raccourcis, pour donner la possibilité à tous les justiciables de faire valoir leurs droits.

Dans cette direction le délai de soixante jours prévu pour saisir le juge administratif lorsque le recours gracieux à fait l'objet de rejet mérite d'être élargi pour ainsi permettre aux justiciables de réunir toutes les données matérielles ou financières pour se lancer dans un procès contre l'administration. Ce délai de soixante jours pourrait donc être élargi à quatre-vingt-dix jours, soit un trimestre, dans l'optique de mieux garantir les droits des citoyens.

A contrario, un autre délai mérite d'être raccourci, car pouvant véritablement plomber la célérité de la justice administrative camerounaise. Il en est ainsi du délai de trente jours imparti au ministère public, pour rendre ses conclusions. En effet, « la présence du ministère public est un frein à la célérité de la justice administrative au Cameroun, car malgré le délai

169Pierre Muller, « L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique », op.cit., p. 189

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de trente jours qui lui est imparti, il peut arriver qu'il ne respecte pas ces délais, car celui attend les ordres de la chancellerie ; ainsi, on est obligé d'attendre au siège »170.

De ce point de vue, importe-t-il de non seulement de raccourcir ce délai à 20 jours, mais également d'en assurer le respect pour permettre à la justice administrative camerounaise de gagner en rapidité et en célérité. Les nécessaires réformes fonctionnelles de la justice administrative camerounaise sont abondantes, car si la justice administrative s'affirme comme étant une justice spéciale, certaines règles régissant sont fonctionnement méritent également d'être spécialisées. Il est ainsi de l'assistance judiciaire qui somme toute nécessité d'être adaptée et spécialisée dans le domaine du contentieux administratif, pour maintenir et pérenniser la séparation des ordres de juridiction au sein de l'Etat.

2- Nécessité d'une assistance judiciaire spécialisée dans le contentieux administratif

Au Cameroun, l'assistance judiciaire est régie par un seul texte à savoir le décret n°2009/004 du 14 avril 2009 portant assistance judiciaire. L'exploration de ce texte révèle qu'il n'institue pas une commission d'assistance judiciaire devant les Tribunaux Administratifs171. Cette commission est, en revanche, instituée auprès des juridictions de l'ordre judiciaire, et le texte prévoit en matière administrative, une assistance judiciaire seulement auprès de la Cour Suprême.

Cet état des choses peut laisser croire que l'assistance judiciaire est inopérante devant les Tribunaux Administratifs, ce qui somme toute est une aberration dans un registre de décentralisation de la justice administrative au Cameroun. De ce point de vue, les réformes s'imposent et l'assistance judiciaire doit être spécialisée en matière administrative. Dans le fond, l'organisation de l'assistance judiciaire en matière administrative doit être réformée, et adaptée aux nécessités et à la particularité de l'ordre de juridiction administratif. Au demeurant, dans le souci de faire respecter les droits des justiciables et de construire l'Etat de droit, il importe de mettre sur pied des mesures qui obligeront l'administration à exécuter les décisions de justice ; cette réforme porte ainsi pour l'essentiel, sur l'extension des pouvoirs du juge administratif camerounais.

170Entretien mené avec un juge administratif, le mercredi 8 avril 1015 à 15h45 minutes.

171 En effet, cette loi prévoit que les demandes d'assistance judiciaire sont instruites par des commissions instituées auprès des tribunaux de première instance, des tribunaux de grande instance, des tribunaux militaires, des cours d'appel, et auprès de la cours suprême.

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B- Le nécessaire accroissement des pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'exécution des décisions de justice

Au Cameroun l'exécution des décisions de justice par l'Etat camerounais se fait à géométrie variable172. L'absence des voies d'exécution des décisions contre l'administration permet souvent à l'Etat camerounais de n'exécuter que les décisions qu'il trouve opportunes. Or, dans un registre de promotion et d'édification de l'Etat de droit au Cameroun, cela se révèle être une aberration quand l'on s'est qu'en France notamment, le juge administratif est un véritable juge jurislateur, administrateur de ses décisions, dont la substance se résume dans le droit d'injonction (1) et le droit d'astreinte (2), droits dont doivent jouir le juge administratif camerounais.

1- Le juge administratif camerounais et l'exécution des décisions de justice : son droit d'injonction

Mener une réflexion sur l'injonction consiste à réfléchir sur la portée opérationnelle de l'autorité de la chose jugée. Au Cameroun, les décisions rendues par les juridictions administratives sont relativement exécutées par l'administration. Or, l'obligation d'exécuter les décisions de justice répond à un impératif constitutionnel car, si les administrateurs ont le devoir de se conformer aux décisions de la juridiction administrative, c'est parce que dans le système de l'unité de l'Etat, tout acte posé par une autorité administrative opérant dans le cadre de sa compétence régulière, doit normalement valoir comme manifestation de l'activité de la personne Etat, une et indivisible173.

Au Cameroun en effet, il est légion de constater et de voir que l'administration est un peu voyou, dans l'exécution des décisions de justice prononcées à son encontre car, « l'inexécution des décisions de justice par l'administration est ce qui fait le plus problème dans la justice administrative »174ceci en raison du fait que le juge administratif camerounais n'est pas lui-même, administrateur des décisions qu'il prononce. Or dans les Etats comme la France, le juge administratif s'affirme comme véritable juge jurislateur, garant inconditionnel de la légalité administrative au point où il lui est permis d'adresser des injonctions à l'administration lorsque celle-ci est réticente dans l'exécution des décisions qu'il prononce.

172Jean Magloire Nlate, Les psychodrames consécutifs au boycott des décisions de la Cour Suprême par l'Etat du Cameroun : étude de cas avec les affaires CMC/Sam Mbendé contre Etat du Cameroun, Conseil de paroisse EPCO Ekounou contre Etat du Cameroun, Yaoundé, Editions Magolo Makele, 2013, 227 pages.

173Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'Etat, Tome 1, p.727.

174Maurice Kamto, op.cit., p. 97

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Le but de l'injonction est en effet de rééquilibrer les outils, pour ainsi conforter la place du juge et par ce biais renforcer ses moyens ; elle participe d'une subjectivation du contentieux et d'une « fondammentalisation » du droit175. L'injonction fait partie du pouvoir de juger ; il exprime de ce fait l'impérium du juge administratif. L'injonction a ainsi deux principales fonctions dont l'une s'affirme être pédagogique et l'autre davantage préventive.

Sous son rapport pédagogique, l'injonction est non seulement une démarche d'appui, mais une réponse à l'incertitude des parties au procès, sur les mesures d'exécution des décisions de justice176. En France en l'occurrence, Pierre Méhaignerie avait brillamment éclairci la notion d'injonction en considérant que par elle, « le juge administratif ne fait qu'aider et éclaircir l'administration. En lui indiquant des mesures précises, il évite que le justiciable ne revienne devant la juridiction pour non-exécution, ou simplement mauvaise exécution de la décision rendue ».

Sous un rapport préventif, l'injonction permet pour l'essentiel d'anticiper l'inertie supposée ou redoutée de l'administration dans l'exécution des décisions de justice. Au regard de ces considérations, il importe donc pour le juge administratif camerounais de disposer de ce pouvoir, non pas pour amenuiser l'autorité de l'Etat, mais pour renforcer son autorité et celle des décisions qu'il rend, dans l'optique de promouvoir l'Etat de droit. A côté de ce moyen dont devrait disposer le juge administratif camerounais, il existe un autre moyen pour lui permettre d'être administrateur des décisions qu'il rend ; ce pouvoir se trouve au sein du droit d'astreinte.

2- Le droit d'astreinte du juge administratif camerounais et l'exécution des décisions de justice

L'exécution des décisions rendue par les juridictions, qu'elles soient judiciaires ou administratives est un baromètre de l'Etat de droit. De ce point de vue, il importe que les jugements soient exécutés même si certaines mesures infléchissent l'autorité de l'Etat. Pour cela, il importe dans certains cas pour le juge administratif de disposer du pouvoir d'astreinte pour que ses décisions soient exécutées.

Au Cameroun, le juge administratif ne peut pas encore utiliser la procédure d'astreinte contre l'administration. Cela signifie qu'il n'existe aucune pénalité d'ordre pécuniaire de

175Communication colloque Montpellier, « le besoin d'injonction », 5 septembre 2014, p. 5. 176Idem, p. 6.

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nature à obliger l'administration à exécuter les décisions de justice. A l'analyse, nous nous rendons compte du fait que cette impossibilité d'usage des mesures d'astreinte par la juge administratif donne une marge de manoeuvre et une liberté à l'administration dans l'exécution des décisions qu'il rend. Or, le respect et l'exécution des décisions de la juridiction administrative permet en effet de saisir certains contours de l'Etat de droit et de la protection des justiciables. Si en France par exemple, le juge administratif dispose de cette prérogative ou de ce pouvoir, le juge administratif camerounais en devrait également disposer car en infligeant des sanctions pécuniaire à l'administration, celle-ci se verrait certainement dans l'obligation d'exécuter les décisions rendues par les juridictions administratives, dans le but de garantir l'intérêt général.

Section II- Importance de la socialisation juridique des populations en matière de justice administrative

De manière générale la socialisation est un moyen d'apprentissage de la société et de ses règles ; elle permet en effet, d'adapter les individus ou les citoyens à leur société ou davantage à l'habitus culturel public, en leur permettant d'acquérir et d'intérioriser les valeurs et normes, afin d'être membre à part entière de cette société car, sans l'intériorisation de ces valeurs et normes, la société ne pourrait harmonieusement fonctionner. De ce point de vue, la justice administrative, en tant que norme et valeur régulant le comportement des individus dans toutes les sociétés en en particulier au Cameroun mérite une initiative de socialisation juridique des populations.

Sous ce rapport, étudier les phénomènes de socialisation juridique, c'est analyser les développements des représentations citoyennes et populaires vis-à-vis du droit. Pour les juristes purs, cette socialisation se résume aveuglement dans la célèbre maxime du « nul n'est censé ignorer le droit » ; or le problème se pose avec acuité dans la mesure où, la loi et société ne forment qu'un seul corps et que dans cette veine il importe de socialiser le droit177, dont la substance se subsume autour de l'information (paragraphe 1) et de la formation (paragraphe 2) citoyennes.

177J.P Tapp, « Socialization, the law, and society: Reflections », Journal of Social Issues, 1971, 27/2, pp. 4-5.

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Paragraphe 1- la socialisation juridique par l'information

Effectuer des analyses sur la socialisation juridique c'est essentiellement mettre un accent sur les facteurs qui déterminent l'apprentissage des populations dans la maitrise des aspects liés à la justice administrative. Il s'agit en effet ici, d'étudier le phénomène de socialisation juridique relativement à la justice administrative sous crible des outils de socialisation qui permettront aux citoyens camerounais de saisir les logiques liées à la possibilité d'intenter une action en justice contre l'Etat, et dont de vulgariser dans son ensemble, la justice administrative sur toute l'étendue du territoire camerounais. Cette initiative passerait pour l'essentiel, par des campagnes de sensibilisation que nous appréhendons ici, comme une condition sine qua non de socialisation juridique des populations camerounaises (A). De plus, cette socialisation citoyenne par l'information passerait également pour nous, par la vulgarisation de la possibilité qui existe, d'obtenir une assistance judiciaire pour ainsi assurer la protection des droits des justiciables (B).

A- Les campagnes de sensibilisation sur la justice administrative comme vecteur de socialisation juridique

La sensibilisation du public constitue un élément de réussite des politiques publiques. Dans le domaine de la justice administrative en l'occurrence, les politiques publiques d'accès méritent de faire l'objet d'une sensibilisation citoyenne. De ce point de vue, la sensibilisation se pose en s'imposant comme une condition un instrument au service de la socialisation juridique dont l'efficacité exhume brillamment les pesanteurs utilitaristes (1). En outre ces campagnes de sensibilisation, qui permettront aux citoyens camerounais en général et aux citoyens de la région de l'Est en particulier de s'informer sur la justice administrative, permettront également de la vulgariser (2).

1- La consistance des campagnes de sensibilisation dans l'efficacité des politiques publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun

Dans la gestion de l'incertitude en politique publique ou en sociologie de l'action publique, l'information constitue un pouvoir important pour palier à d'éventuels risques auxquels encourt la politique ou l'action publique. Dans cette direction, la sensibilisation se présente ainsi comme une donnée importante pour l'information des populations sur les aspects relatifs à la justice administrative. Sous ce regard, les activités de sensibilisation dans le domaine de la justice administrative feraient usage d'une multitude de moyens pour

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informer les citoyens ; ainsi, cette sensibilisation se déclinerait en l'occurrence en termes d'ateliers d'information qui permettraient de dynamiser les populations et d'accroitre leur information dans le domaine. Dans la région de l'Est en l'occurrence, ces ateliers d'information pourraient se tenir tous les premiers jeudis du mois178. De plus, la sensibilisation tournerait également autour des rencontres avec les autorités, les rencontres et les manifestations grand public, ou davantage les campagnes publiques d'action comme l'inscription des citoyens aux formations de droit.

L'usage des outils et instruments de communication politique peut également être féconds pour cette initiative de sensibilisation. Sous ce rapport, les campagnes d'affichage, la distribution des tracts, des dépliants ou encore des prospectus et des autocollants s'avèreraient être importantes dans cette logique. De plus, l'usage des médias pourrait être un instrument nécessaire dans la sensibilisation des populations sur les causes de justice administrative ; dans cette veine, les campagnes médiatiques y compris les émissions radiophoniques et télévisuels s'affirment être des instruments importants de sensibilisation dans une optique de socialisation juridique des populations au Cameroun. Cette sensibilisation revêt ainsi une portée qui consiste pour l'essentiel à vulgariser la justice administrative au Cameroun.

2- La vulgarisation de la justice administrative au Cameroun saisie par la sensibilisation

La sensibilisation a pour fonction, de vulgariser la politique publique, pour que celle-ci ait un ancrage plus important dans les représentations et perceptions sociales. La vulgarisation de la justice administrative au Cameroun saisie par la sensibilisation permet de saisir les dynamiques relatives au processus des politiques publiques qui plongent l'analyse dans une approche linéaire. Dans cette veine le schéma ci-contre fait état du processus de causes à effets de la sensibilisation.

178Dans la région de l'Est, notamment à Bertoua, le premier jeudi du mois constitue le jour du ménage au grand marché et par ricochet, une occasion de réunir tous les commerçants afin d'organiser des ateliers d'information sur la justice administrative.

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Figure 3 : cycle de causes à effets de la sensibilisation

Attirer l'attention des acteurs et
susciter leur intérêt

Elever le niveau de
connaissance et de
compréhension du grand public

Renforcer les aptitudes et
compétences de la société en
vue du changement

Renforcer les capacités pour la
mise en oeuvre du changement

Mettre en oeuvre le changement
et évaluer les progrès réalisés

? Phase1 : prise de contact + identification des acteurs.

? Phase 2 : collecte et partage de l'information

? Phase 3 : développer l'initiative des acteurs

? Phase 4 : mobilisation des ressources nécessaires

? Phase 5 : évaluation + suivi post-évaluation

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Source: Adapté de « Raising awareness of forest and foresty » joint FAO/ECE/ILO Committee on Forest Technology, Managment and Training, Geneva, 2003.

Ce schéma représentant la vulgarisation de la justice administrative au Cameroun par le biais de la sensibilisation permet de retracer le cycle de la sensibilisation ainsi que les objectifs par phase. Ainsi dans la première phase, il s'agit en effet, d'identifier les acteurs, d'analyser le contexte, de définir les buts de la politique, et enfin d'identifier les centres d'intérêt des acteurs et adapter les messages. Dans la deuxième phase, la sensibilisation

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consiste en la collecte et le partage de l'information ; de plus, elle consiste à améliorer l'auto-analyse la situation et à forger la confiance dans les prises de décisions.

Quant-à la troisième phase, il s'agit de donner aux populations les moyens de briser les barrières relatives à la toute-puissance de l'administration et de développer les initiatives de saisine du juge administratif lorsque l'administration a posé un acte faisant grief à un citoyen. Cette phase est suivie d'une quatrième au cours de laquelle on mobilise les ressources nécessaires en vue du changement, et enfin d'une cinquième, au cours de laquelle l'on observe le changement dans les représentations et les perceptions des acteurs sociaux ; ce cycle se clôture ainsi par un suivi des progrès réalisés relativement à l'augmentation du volume du contentieux dans les T.A de chaque départements179, et une évaluation des résultats escomptés à l'initiative de la sensibilisation. Au demeurant, il importe également que les justiciables au Cameroun, soient informés sur l'existence de l'assistance judiciaire et de ses conditions d'octroi.

B- Nécessité d'une vulgarisation des textes sur l'assistance judiciaire au Cameroun

Les textes sur l'assistance judiciaire au Cameroun sont très peu connus, ou davantage très méconnus par les citoyens. A cet effet il importe de vulgariser ces textes afin de permettre à chaque citoyen d'avoir une connaissance sur la question pour ainsi lui permettre d'en avoir accès quand celui-ci rempli les conditions (1). Cet effort de vulgarisation de la possibilité existante de jouir de l'assistance judiciaire permet ainsi de faire ressortir son importance et son utilité relativement à ses effets (2).

1- Information sur les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire

Le droit de se faire rendre justice est un droit fondamental de l'homme garanti par la constitution. En effet, au terme de la lecture de l'article 8 de la loi du 29 décembre 2009 portant sur l'organisation judiciaire au Cameroun, « la justice est gratuite sous réserve des dispositions fiscales et celles concernant la multiplication des dossiers d'appel et de pourvoi ».Au regard de cet article, l'accès à la justice, notamment la justice administrative devrait être garanti à toute personne, mais à l'épreuve des faits, nous nous rendons compte du fait que l'accès à la justice occasionne diverses charges qui incombent aux justiciables. De ce point de vue, et dans l'optique de promouvoir et de consolider l'Etat de droit au Cameroun, il

179En référence à l'architecture institutionnelle que nous avons modélisée plus haut.

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a été adopté une loi sur l'assistance judiciaire180. Mais cette loi reste encore inconnue du point de vue de son contenu. Il importe ainsi d'édifier les populations sur les conditions d'obtention de cette assistance judiciaire, car tout le monde n'est pas éligible par ledit texte.

A la lecture de cette loi, les catégories de personnes éligibles sont les indigents, les hommes de rang de toute armée pendant la durée de leur service, les personnes assujetties à l'impôt libératoire et le conjoint en charge d'enfants mineurs, en instance de divorce qui ne dispose d'aucun revenu propre. De plus, les personnes qui ne sont pas expressément visées par le texte de loi, peuvent demander une assistance judiciaire lorsque les frais exposés ne peuvent pas être supportés par leurs ressources réputées initialement insuffisantes. Ces conditions ainsi brillamment prévues dans les textes méritent en effet de faire l'objet, par les pouvoirs publics ou davantage par les organisations de la société civile, d'une large diffusion sinon d'une vulgarisation dans l'optique de permettre à tous les citoyens d'en avoir accès car les effets produits par cette assistance judiciaire permettent de redorer le blason de l''Etat de droit au Cameroun.

2- Nécessité d'un renseignement des populations sur les effets de l'assistance judiciaire

Dans un registre de décentralisation de la justice administrative, l'information sur les procédures joue un rôle déterminant sur la portée des décisions rendues. En effet, les citoyens méritent de connaitre les effets produits par l'assistance judiciaire quand ils en ont fait la demande. De ce point de vue, l'assistance judiciaire produit des effets aussi bien sur les frais de justice que sur l'instance.

Les effets de l'assistance judiciaire sur les frais de justice se déclinent en la dispense du paiement total ou partiel, de toute les sommes dues au trésor public, notamment le droit de timbre, le droit d'enregistrement et le droit de greffe ou encore toute consignation. De ce point de vue, les émoluments de justice, les honoraires d'avocat, si le justiciable veut être représenté, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire dans le procès administratif, ou encore les droits dus aux officiers publics ou ministériels, commis d'office pour lui prêter leur concours, sont tous à la charge du trésor public. Mais force est de relever que, si le justiciable initialement bénéficiaire de l'assistance judiciaire retrouve des ressources

180Il s'agit de la loi n°2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l'assistance judiciaire.

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suffisantes en cours de procès ou suite à l'exécution de la décision, les sommes exposées par l'Etat au titre de l'assistance judiciaire sont remboursées.

Les effets de l'assistance judiciaire sur l'instance se déclinent en le fait que, celle-ci s'applique sur le territoire national, aux procédures et actes de décisions obtenues avec son bénéfice et à ceux postérieurs à la décision vidant l'instance pour laquelle elle a été accordée. Elle est ainsi valable devant toutes les juridictions appelées à connaitre le déroulement du litige jusqu'à son jugement. Quoiqu'il en soit, il importe également pour les populations camerounaises d'être formées dans le domaine de la justice administrative.

Paragraphe 2- Importance de la formation des populations en matière de justice administrative

La socialisation juridique des populations camerounaises passe également par leur formation en matière de justice administrative. En effet, la formation est un moyen nécessaire à la vulgarisation de la justice administrative et à la protection des droits des justiciables qui désormais intérioriseront la possibilité d'intenter un procès contre l'administration tout en ayant les moyens juridiques nécessaires. Cet effort de formation ressortit non seulement de la compétence de l'Etat, mais également des organisations de la société civile, dans une logique d'action publique multi acteurs (A) dans le but de promouvoir une gouvernance judiciaire au Cameroun (B).

A- Le suivi citoyen de l'action publique et la formation des populations : une responsabilité des organisations de la société civile

La formation des populations dans le domaine de la justice administrative s'affirme être une nécessité fondamentale, car tous les citoyens ne disposent pas des moyens, pour suivre des cours de droit ou tout simplement pour se former en droit. Dans cette direction les organisations de la société civile, qui se posent comme des intermédiaires importants entre l'Etat et les populations doivent non seulement former les populations dans le domaine de la justice administrative (1), mais également faire un suivi post-formation dans le but de consolider les acquis (2).

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1- La mise sur pied des projets d'appui à la vulgarisation de la justice administrative

Dans un mécanisme de gouvernance concertée, il serait intéressant que les organisations de la société civile (OSC) travaillant dans le domaine de la justice mettent sur pied des projets, pour appuyer les populations et vulgariser la justice administrative au Cameroun. Cette formation participe ainsi d'une responsabilité sociale des OSC qui s'appréhende de par leur niveau d'intégration dans la fabrique et l'implémentation des politiques publiques.

Substantiellement, la formation des populations en matière de justice administrative par les OSC, s'articule autour de l'organisation des ateliers de formations, des colloques ou davantage des séminaires de formation et d'apprentissage de la saisine du juge administration avec mise en scène. L'implémentation de ces projets permettra aux populations et au citoyen lambda, d'avoir un aperçu sur les domaines et litiges qui ressortissent de l'ordre administratif, sur l'utilité d'un juge administratif et les modalités et aspects relatifs à sa saisine. Ces projets s'avère ainsi être d'une importance capitale dans la promotion et le renforcement de droit, quoiqu'il importe encore de suivre ces populations après la formation pour ainsi consolider les acquis reçus.

2- Le suivi post-formation des populations par les organisations de la société civile

La formation des populations dans le domaine de la justice administrative est importante, mais elle ne saurait à elle seule suffir car la justice administrative est une matière assez délicate ; pour cela, il importe de suivre les populations après leur formation pour leur permettre de consolider les acquis. Le suivi post-formation est une mesure d'accompagnement qui permettra aux populations de mettre en pratique les connaissances acquises tout au long de la formation, de s'engager réellement dans l'apprentissage et de mettre en pratiques les compétences. Ce suivi post-formation se présente ainsi comme un moyen pour la société civile de s'affirmer au sein de la sphère publique camerounaise et notamment dans le domaine de la justice administrative dans une relation horizontale de l'action publique, pour la construction, l'édification, la promotion de l'Etat de droit et la gouvernance judiciaire au Cameroun.

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B- Pour la gouvernance judiciaire et la consolidation de l'Etat de droit au Cameroun

Au Cameroun, la formation des populations dans le domaine de la justice administrative ne peut que renforcer l'Etat de droit. En effet, pour les citoyens, la justice administrative se présente comme étant un rempart ou davantage un symbole car elle permet à ce que leurs droits les plus fondamentaux et inaliénables soient protégés. Dans cette veine, il est important que l'accès à cette justice ne soit pas recouvert d'obstacles matériels et davantage processuels d'où l'utilité de la formation et de l'information des populations dans le but de promouvoir la gouvernance judiciaire et l'Etat de droit qui passent par la bonne administration de la justice administrative (1) et la protection des droits des justiciables (2).

1- Bonne administration de la justice administrative et gouvernance judiciaire au Cameroun

La bonne administration de la justice administrative au Cameroun engage d'entrée de jeu, la responsabilité des juges. En effet, l'inscription de la justice administrative camerounaise dans une logique de promotion de l'Etat de droit passe nécessairement par le sérieux du travail dans les Tribunaux Administratifs, notamment la rapidité dans le traitement des dossiers, l'accueil des justiciable ainsi le fait de dire le droit.

Toutefois, cette possibilité est sérieusement compromise par la présence du ministère public dans la procédure administrative, qui constitue une pierre dans la chaussure de la célérité et de l'efficacité de la justice administrative camerounaise. La présence du ministère public dans le procès administratif peut considérablement ralentir et influencer une décision de justice car celui-ci reçoit très souvent des instructions de la chancellerie ; et quand nous savons qu'au Cameroun la carrière des magistrats est gérée par le pouvoir exécutif, le chef de l'Etat étant président du Conseil Supérieur de la Magistrature, l'attitude des juges administratifs peut être craintive du point de vue de la sanction et surtout du point de vue de l'innovation érodant ainsi la protection des droits des justiciables.

2- Une protection des droits des justiciables au Cameroun

La protection des droits des justiciables est un baromètre de l'Etat de droit dans un pays. Dans cette veine, cette protection juridictionnelle des citoyens s'impose comme une

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nécessité qui se caractérise non seulement par le droit d'accès aux tribunaux mais également par le droit à un procès équitable.

L'information et la formation, socle de la socialisation juridique des citoyens camerounais constituent le point nodal de la protection des droits fondamentaux des justiciable. Cette protection multidimensionnelle des droits des justiciables s'affirme ainsi comme étant un principe constitutionnel car tout le monde a le droit de se faire rendre justice. Au Cameroun en l'occurrence la protection des droits des justiciables se détermine comme étant un principe constitutionnel. En effet, la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 n'a pas remis en cause ce principe en prévoyant en son article 2, l'égalité de tous devant la loi et en son préambule, le droit dont dispose tout citoyen camerounais de se faire rendre justice. De ce point de vue, protection des droits des justiciables au Cameroun a des bases constitutionnelles et est donc opposable à toutes les juridictions, notamment les juridictions administratives qui sont chargées de protéger les justiciables contre les éventuelles dérives administratives.

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CONCLUSION

Au demeurant, pour garantir l'accès à la justice administrative à tous les citoyens camerounais, le service public de justice administrative mérité d'être réformé aussi bien du point de vue structurel et matériel, que du point de vue fonctionnel.

Il s'agit de repenser les politiques publiques camerounaises d'accès à la justice administrative sous un rapport relationnel qui permettra de les insérer dans un tissu institutionnel fort et révélateur des dynamiques qui sou tendent les logiques de perceptions et représentations des populations auxquelles elle s'applique. Réformer ainsi la justice administrative camerounaise c'est élever au pinacle le droit d'accès qui, de plus en plus s'affirme comme un droit fondamental et inaliénable du citoyen. Mais pour que le citoyen jouisse de ce droit, il faut encore qu'il ait des moyens aussi bien matériels que financiers. Mais le plus important à notre avis s'articule autour de socialisation juridique qui marquera une rupture importante de par l'assimilation et l'acceptation populaire de la possibilité existante d'intenter un procès contre l'administration, puissance publique ; cette socialisation est à la fois information sur les modalités et de saisine du juge, d'octroi de l'assistance judiciaire, et formation qui consiste à donner aux citoyens des outils procéduraux et matériels pour leur permettre de protéger leurs droits lorsque ceux-ci sont violés par l'administration.

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

La décentralisation de la justice administrative au Cameroun, qui d'un point de vue structurel, matériel et fonctionnel devait fondamentalement rapprocher le juge administratif des administrés ne reflète pas cette préoccupation majeure, dans la région de l'Est. En effet à l'épreuve des faits, l'on s'aperçoit du fait que l'institutionnalisation d'un tribunal administratif dans la région de l'Est est plus une conformité à la politique de décentralisation de la justice administrative lancée par le pouvoir politique.

Aux yeux des populations de la région de l'Est, la justice administrative reste et demeure encore une matière ésotérique. Les populations de cette région sont en majeure partie ignorantes de la matière et des règles de procédure pour saisir le juge administratif et par ce biais protéger leurs droits lorsque ceux-ci sont violés par la puissance publique. Au regard des faits, la justice administrative est sérieusement ignorée par les populations de la région de l'Est, qui ne constitue qu'un échantillon, car d'un point de vue général, hors-mis les villes de Yaoundé, de Douala ou encore de Bafoussam, la justice administrative reste encore une bastille à prendre par les populations des autres régions. Dans cette perspective et compte tenu de ce constat, il importe de réformer les politiques d'accès à la justice administrative au Cameroun pour permettre à tous les citoyens de se faire rendre justice.

Cette réforme permettra ainsi d'insérer la justice administrative dans une logique relationnelle de l'action publique. Substantiellement, ces réformes portent aussi bien sur le fond que sur la forme de la justice administrative, dans le souci de la rapprocher davantage des citoyens et de permettre son exercice qui ne fera qu'édifier l'Etat de droit au Cameroun. De plus, importe-t-il dans une logique de gouvernance concertée et de responsabilité sociale, pour les OSC d'informer et de former les populations sur la matière de la justice administrative et sur le droit administratif processuel. Cette socialisation juridique des populations permettra ainsi de garantir la protection des droits des justiciables et de promouvoir l'Etat de droit.

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CONCLUSION GENERALE

La dynamique politique qui consacra l'avènement ou l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité au Cameroun a été construite pendant plusieurs décennies. Les épisodes politiques et juridiques qui ont précédés l'institutionnalisation d'une juridiction administrative de proximité ont été relatifs aux propriétés contextuelles et plus souvent conjoncturelles.

L'accès à la justice administrative au Cameroun s'est affirmé être un problème crucial et fondamental dans les logiques de renforcement de l'Etat de droit. L'érection de l'accès à la justice administrative en tant que problème public a connu règlement progressif intimement lié à la conjoncture et la conjecture des faits politiques au Cameroun. Depuis l'avènement de du Conseil du Contentieux Administratif, la problématique juridique et sociale de l'accès au juge et notamment au juge a commencé subrepticement à prendre corps pour ainsi donner ce qu'elle est aujourd'hui. De nos jours et plus qu'avant, l'accès à la justice administrative est devenu un droit fondamental. L'Etat camerounais a ainsi pris en compte cette problématique et l'a consacré ce droit dans les textes constitutionnel, législatif et dans des dispositions décrétales. Le législateur camerounais brillamment aménagé le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun mettant sur pied un ensemble d'institutions, entendues ici au sens organique et au sens normatif pour garantir l'expression juridictionnelle du droit administratif et la protection du droit des justiciables.

Mais à l'épreuve des faits, cette architecture institutionnelle se heurte aux réalités sociales camerounaises, ce qui permet ainsi d'extraire les dynamiques verticales de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs. En effet l'on constate sur le terrain que le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun est limité ; les obstacles qui en sont liés sont de plusieurs ordres. Dans la région de l'Est en l'occurrence, les populations rencontrent encore des difficultés aussi bien matérielles que financières, mais aussi fonctionnelles dans l'accès au juge administratif. L'exploration des minutes de greffe du Tribunal Administratif de la région de l'Est ne viendra que confirmer ce postulat. L'ignorance des procédures, la méconnaissance de l'utilité d'un juge administratif, ajoutées à l'inconfort intellectuel et financier des populations de cette région obstruent considérablement l'expression de ce droit fondamental.

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Ce constat peut en effet être généralisé ; la région de l'Est qui s'est présentée pour nous comme un échantillon d'investigation, mais les résultats peuvent faire l'objet de généralisation car ce qui est réel au Cameroun en général c'est le caractère ésotérique, technique et quasi insaisissable de la justice administrative par les populations camerounaises, or l'activité contentieuse des tribunaux est un instrument et un baromètre de l'Etat de droit. De ce point de vue, avons-nous postulé pour une réforme profonde de la justice administrative au Cameroun aussi bien dans le fond qu'au niveau de la forme, pour permettre à tous les citoyens quels qu'ils soient de voir en la justice une garanti inconditionnelle de protection des droits, lorsque ceux-ci violés par l'administration. A ces réformes, doivent se greffer une culture juridique forte des populations camerounaises, laquelle ne peut être possible que par une socialisation des populations aux aspects liés à la justice administrative, responsabilité des organisations de la société civile dans un registre de gouvernance concertée.

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TABLE DES MATIERES

Sommaire i

Dédicace ii

Remerciements iii

Résume iv

Abstract v

Liste des tableaux vi

Liste des figures vii

Liste des sigles et abréviations viii

INTRODUCTION GENERALE 1

I- Contexte de l'étude 2

1- contexte politico-juridique 2

2- Contexte social 3

II- Délimitation du travail 3

1- Délimitation temporelle [2012-2015] 3

2- Délimitation spatiale 4

Figure 1 : Découpage territorial de la région de l'Est 5

3- Délimitation matérielle 6

III- Objectifs de l'étude 6

IV- Intérêt de l'étude 7

1- Intérêt scientifique de l'étude 7

2- Intérêt social de l'étude 8

V- Cadre conceptuel 8

VI- Revue de littérature 9

VII- Formulation de la problématique 13

VIII- Hypothèses de recherche 14

IX- Méthodologie de recherche 14

1- Le cadre d'analyse 15

2- Technique de collecte des données, échantillonnage et identification de la population

cible 17

PREMIERE PARTIE : LES POLITIQUES PUBLIQUES INSTITUTIONNELLES

D'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 20

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CHAPITRE I- LE DISPOSITIF ORGANIQUE D'ACCES A LA JUSTICE

ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 23

Section I- Les dynamiques du changement des politiques publiques institutionnelles d'accès à

la justice administrative au Cameroun 26

Paragraphe 1- La garanti institutionnelle de l'accès à la justice administrative dans l'Etat

colonial 27

A- L'institutionnalisation du Conseil du Contentieux Administratif en 1920 27

1- Le Conseil du Contentieux Administratif comme prolongement de l'administration

active 28

2- La violation du principe de la séparation de la juridiction administrative de

l'administration active par le Conseil du Contentieux Administratif 28

B- L'institutionnalisation d'un Tribunal d'Etat en 1959 29

1- Le Tribunal d'Etat : une rupture dans la continuité 29

2- Le Tribunal d'Etat et l'institutionnalisation du double degré de juridiction au

Cameroun 30

Paragraphe 2- La consécration institutionnelle de l'accès à la justice administrative dans l'Etat

indépendant 30

A- L'accès à la justice administrative dans l'Etat fédéral 31

1- L'existence éphémère de la Cours Suprême 31

2- L'institutionnalisation d'une Cour Fédérale de Justice 32

B- Les institutions d'accès à la justice administrative dans l'Etat unitaire 32

1- La Constitution du 2 juin 1972 et la création d'une nouvelle Cour Suprême 33

2- La Nouvelle Cour Suprême face au défi de l'ingénierie institutionnelle 33

Section II- La réforme des politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice

administrative au Cameroun. 34

Paragraphe 1- La sociologie politique de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs

de proximité 35

A- L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs au Cameroun et le

décongestionnement contentieux de la Chambre Administrative de la Cour Suprême 35

1- Etat des lieux des recours en instance à la Chambre Administrative avant

l'opérationnalité des Tribunaux Administratifs. 35

2- Le transfert des recours contentieux dans les Tribunaux Administratifs de

proximité . 36

Tableau n°1 : transfert des recours contentieux dans quatre régions au Cameroun 36

B- Les Tribunaux Administratifs au Cameroun : un rapprochement de la justice

administrative des administrés locaux 37
1- Proximité des Tribunaux Administratifs et rapidité dans l'accès à la justice

administrative 37

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Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas
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2- Tribunaux Administratifs de proximité et efficacité de la justice administrative au

Cameroun 38

Paragraphe 2- Le partage des compétences entre la Chambre Administrative et les Tribunaux

Administratifs 38

A- La dévolution des compétences des Tribunaux Administratifs de proximité 39

1- L'étendue des attributions principales des Tribunaux Administratifs au Cameroun 39

2- Les Tribunaux Administratifs et l'urgence au Cameroun : les compétences

additionnelles 40

B- La dévolution compétentielle de la Chambre Administrative de la Cour Suprême 41

1- Les attributions directes ou contentieuses de la Chambre Administrative 42

2- Les compétences indirectes ou consultatives de la Chambre Administrative de la

Cour suprême 42

CONCLUSION 44

CHAPITRE II- L'AMENAGEMENT PROCEDURAL DE L'ACCES A LA JUSTICE

ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 45

Section I- L'aménagement de l'instance administrative contentieuse au Cameroun 47

Paragraphe 1- L'organisation aspectuelle de la saisine du juge administratif au Cameroun 47

A- L'articulation des recours principaux introduits auprès du Tribunal Administratif au

Cameroun 48

1- La compétence du juge administratif camerounais en matière de recours pour excès

de pouvoir 48

2- Le juge administratif camerounais face au contentieux subjectif : le recours de pleine

juridiction 49

B- Les autres types de recours ou les requêtes incidentes 50

1- L'appréciation de la légalité d'un acte administratif par le juge administratif

camerounais 50

2- La portée du recours en appréciation de la légalité d'un acte administratif 51

Paragraphe 2- L'introduction des requêtes contentieuses auprès des Tribunaux

Administratifs : les conditions de recevabilité 51

A- L'exigence de l'introduction d'un recours gracieux préalable 52

1- La substance du recours gracieux préalable en contentieux administratif

camerounais. 52

2- La portée de l'introduction préalable d'un recours gracieux 53

B- Les conditions temporelles et personnelles de recevabilité des recours contentieux 53

1- Le temps dans le déclenchement de la procédure administrative contentieuse au

Cameroun 54

2- Les conditions tenant à la personne du requérant 54

Section II- L'examen des recours contentieux au Cameroun et la portée des décisions de

justice 55

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Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas
de la région de l'Est

Paragraphe 1- L'examen des recours en contentieux administratif Camerounais 56

A- L'instruction des requêtes contentieuses par le juge administratif au Cameroun 56

1- La particularité de l'instruction des recours en contentieux administratif camerounais 56

2- Les mesures d'instruction en contentieux administratif camerounais 57

B- Les pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen des recours

contentieux. 58

1- L'importance des pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen des

recours contentieux 59

2- La limitation des pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen des

recours contentieux 59

Paragraphe 2- Les décisions du juge administratif en contentieux administratif camerounais

60

A- L'aménagement juridictionnel des voies de recours aux décisions du juge

administratif camerounais 60

1- Les voies de rétractation aux décisions de la juridiction administrative au Cameroun 60

2- La réformation des décisions des Tribunaux Administratifs au Cameroun 61

B- L'exécution des décisions de justice au Cameroun 62

1- L'absence des voies d'exécution des décisions de justice contre l'administration 62

2- L'aménagement des voies d'exécution contre les particuliers 63

CONCLUSION 64

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 65

DEUXIEME PARTIE : L'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE PAR LES

POPULATIONS DE LA REGION DE L'EST 66

CHAPITRE III : LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DANS LA REGION DE L'EST : UN

CAS LIMITE D'INANITE INSTITUTIONNELLE 68

Section I- La décentralisation de la justice administrative au Cameroun et les populations de

la région de l'Est 69

Paragraphe 1- L'inadéquation de la vision de décentralisation de la justice administrative

dans la région de l'Est 69

A- Etat de la proximité entre la juridiction administrative et les populations dans la

région de l'Est 70

1- Le maintien de l'obstacle lié à la distance dans l'accès au juge administratif dans la

région de l'Est. 70

2- L'insignifiante activité contentieuse du Tribunal Administratif de la région de l'Est 71

Tableau n°2 : comparaison de l'activité contentieuse de quelques T.A au Cameroun 71

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Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas
de la région de l'Est

B- Un difficile combat contre l'arbitraire administratif local 72

1- La quasi-spécialisation du contentieux administratif en le domaine foncier à l'Est 72

2- De l'échec de la proximité à la révision du rapprochement 72

Paragraphe 2- Une absence de vulgarisation de la politique de décentralisation de la justice

administrative dans la région de l'Est 73

A- Une méconnaissance de l'existence d'un Tribunal Administratif à l'Est par les

populations 73

1- Etat de la connaissance de l'existence d'un Tribunal Administratif à l'Est dans

l'ensemble de l'échantillon 73

Tableau n°3 : connaissance de l'existence d'un T.A par les populations de la région de l'Est 74

2- Un désintérêt prégnant des populations pour les causes de justice administrative ... 74

Tableau n°4 : connaissance de la justice administrative et possibilité pour les populations de

se confronter à l'administration 75

B- La connaissance de l'utilité du juge administratif chez les populations de la région de

l'Est 76

1- Le caractère dérisoire de la connaissance de l'utilité d'un juge administratif au sein

de l'échantillon 76

Tableau n°5 : connaissance de l'utilité du juge administratif chez les populations de la région

de l'Est 76

2- Une indifférenciation entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire

chez les populations de la région de l'Est 77

Section II- Le sous-développement juridique des populations de la région de l'Est 77

Paragraphe 1- Les populations de la région de l'Est et la procédure administrative

contentieuse 78

A- L'ignorance des procédures de saisine du juge administratif par les populations de la

région de l'Est 78

1- Une méconnaissance accrue des procédures dans toutes les catégories de

l'échantillon 78

Tableau n°6 : connaissance de la procédure administrative contentieuse dans la région de l'Est

79

2- La prééminence des modes alternatifs de règlement chez les populations de la région

de l'Est 80

B- Une faible pratique du droit public administratif dans la région de l'Est 80

1- L'absence des formations universitaires de droit dans la région de l'Est 80

2- Une faible présence des praticiens du droit dans la région de l'Est 81

Paragraphe 2- Le coût de la procédure comme obstacle à l'accès à la justice administrative

pour les populations de la région de l'Est 82

A- Consistance panoramique du coût d'une procédure administrative contentieuse au

Cameroun 82

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Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas
de la région de l'Est

1- La substance des émoluments auxiliaires de justice au Cameroun 82

2- Les honoraires d'avocat 83

B- Le niveau de vie des populations de la région de l'Est comme entrave à l'accès au

juge administratif 83

1- La vie économique de l'ensemble de l'échantillon 83

2- La connaissance de l'existence d'une assistance judiciaire par les populations de la

région de l'Est 84

Tableau n°7 : connaissance de l'existence de l'assistance judiciaire par les populations de la

région de l'Est. 85

CHAPITRE IV : VERS UNE JUSTICE ADMINISTRATIVE ACCESSIBLE A TOUS : ESSAI DE THERAPIE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE LA JUSTICE

ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 87

Section I- Nécessité d'une réforme de la justice administrative au Cameroun 89

Paragraphe 1- La substance des réformes matérielles et structurelles 89

A- Nécessité de l'institutionnalisation d'un code de justice administrative au Cameroun

90

1- La justice administrative : un droit difficilement codifiable 90

2- La codification comme vecteur de transmission du droit 91

B- Nécessité d'une localisation poussée de la juridiction administrative au Cameroun 92

1- Le quadrillage juridictionnel du territoire camerounais par la juridiction

administrative 92

Figure 2 : la possible architecture institutionnelle de la juridiction administrative

camerounaise 93

2- Pour plus de célérité et de rapidité de la justice administrative au Cameroun 94

Paragraphe 2- Importance d'une réforme fonctionnelle de la justice administrative au

Cameroun 94

A- Extension des délais et spécialisation de l'assistance judiciaire en matière

administrative 94

1- Nécessité d'une réforme des délais de saisine du juge administratif au Cameroun 95

2- Nécessité d'une assistance judiciaire spécialisée dans le contentieux administratif 96

B- Le nécessaire accroissement des pouvoirs du juge administratif camerounais dans

l'exécution des décisions de justice 97

1- Le juge administratif camerounais et l'exécution des décisions de justice : son droit

d'injonction 97

2- Le droit d'astreinte du juge administratif camerounais et l'exécution des décisions de

justice 98

Section II- Importance de la socialisation juridique des populations en matière de justice

administrative 99

Paragraphe 1- la socialisation juridique par l'information 100

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Tribunaux Administratifs de proximité et accès à la justice administrative au Cameroun : cas
de la région de l'Est

A- Les campagnes de sensibilisation sur la justice administrative comme vecteur de

socialisation juridique 100

1- La consistance des campagnes de sensibilisation dans l'efficacité des politiques

publiques d'accès à la justice administrative au Cameroun 100

2- La vulgarisation de la justice administrative au Cameroun saisie par la sensibilisation

.101

Figure 3 : cycle de causes à effets de la sensibilisation 102

B- Nécessité d'une vulgarisation des textes sur l'assistance judiciaire au Cameroun 103

1- Information sur les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire 103

2- Nécessité d'un renseignement des populations sur les effets de l'assistance

judiciaire 104

Paragraphe 2- Importance de la formation des populations en matière de justice

administrative 105

A- Le suivi citoyen de l'action publique et la formation des populations : une

responsabilité des organisations de la société civile 105

1- La mise sur pied des projets d'appui à la vulgarisation de la justice administrative106

2- Le suivi post-formation des populations par les organisations de la société civile . 106

B- Pour la gouvernance judiciaire et la consolidation de l'Etat de droit au Cameroun 107

1- Bonne administration de la justice administrative et gouvernance judiciaire au

Cameroun 107

2- Une protection des droits des justiciables au Cameroun 107

CONCLUSION 109

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 110

CONCLUSION GENERALE 111

BIBLIOGRAPHIE 113

ANNEXES 121

TABLE DES MATIERES 127






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite