La célérité de la justice se
traduit par le respect d'un délai raisonnable dans le cadre des
procédures du Panel.  Le principe du délai raisonnable est
prévu par différents textes internationaux. C'est principalement
la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui s'est prononcée sur
la question en se fondant sur les articles 5§3 et 6§1 de la CEDH.
Bien plus, « toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue dans un délai raisonnable ... », dispose l'article 7
de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. La
célérité ainsi requise est une exigence du droit
processuel international.  Le Protocole créant la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples l'évoque dans deux
dispositions :  - l'article 27 alinéa 2 autorise la Cour
à prendre des mesures provisoires pertinentes en cas d'extrême
gravité et d'urgence, lorsqu'il s'avère nécessaire
d'éviter des dommages irréparables à des personnes ;
- l'article 28 alinéa 1 dispose que
l'arrêt est rendu dans les 90 jours suivant la clôture de
l'instruction de l'affaire. Nul doute que ce Protocole n'ouvre ainsi qu'un pan
du voile sur la célérité de la procédure qui doit
être enserrée, en tout état de cause, par des délais
stricts et raisonnables du règlement de procédure, la bonne
administration de la justice s'accommodant mal des lenteurs
injustifiées. Le principe de célérité est aussi
consacré par l'article 14§3 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques qui n'en utilisent pourtant pas le terme.
Au sein du Panel, la célérité est
garantie par les délais courts200(*). Toute la procédure dure au maximum selon les
textes une centaine de jours soit plus de 14 semaines environs201(*). Dans la pratique, on constate que
cette procédure se déroule en général pendant une
durée d'un an. Mais, on constate que les règles qui
régissent le Panel ne prévoient pas de mesures provisoires de
manière explicite. Mais si l'on entre dans l'esprit de la
Résolution, de ses modifications et de ses politiques et pratiques
opérationnelles, on constate qu'il est fait exigence à la
Direction de la Banque de toujours donner des réponses et de proposer
des mesures palliatives aux contestations des plaignants.
 « Même si pour respecter le délai
raisonnable, il convient d'assurer la célérité des
procédures, les deux ne se confondent pas car l'exigence de
célérité va au-delà et reste parfois en
deçà. Il faut que les procédures ne soient pas
excessivement longues, certes, mais encore qu'elles soient tenues promptement
sans perte de temps inutile. Une procédure pourrait en ce sens
être conforme au délai raisonnable mais ne pas satisfaire à
l'exigence de célérité. À l'inverse, le terme de
raisonnable comprend une dimension supplémentaire éminemment
subjective et concrète qui met l'accent sur un temps aux mesures de
l'affaire en question. Le raisonnable suppose la pondération par la
prise en compte de l'attitude de l'ensemble des acteurs, de la nature et de la
complexité de l'affaire. L'appréciation se fait in concreto et in
globo. Or, le seul terme célérité, d'après sa
définition classique, n'emporte pas cette dimension. Il apparaît
de prime abord ne viser que le seul souci de durée quantitative et non
qualitative des procédures ». La
célérité signifie que la procédure doit être
promptement menée, sans perte temps. Elle ne se réduit cependant
pas à la simple rapidité car elle contient en elle une part de
qualité dans l'exécution. Or, si elle dispose qu'il ne faut pas
être jugé sans retard excessif, elle précise aussi que la
partie doit disposer du temps et des facilités nécessaires
à la préparation de sa défense. Au vrai,
célérité rime avec efficacité. Il n'est d'ailleurs
pas anodin que, tout comme la célérité,
l'efficacité a en son temps été érigée en
principe de procédure. Il convient de préciser en ce sens que
« l'examen préliminaire » décrit dans le Premier Bilan
de 1996 n'est plus nécessaire aux termes de l'article 11 du
Deuxième Bilan du Panel202(*). Ce qui nous amène aux avancées
procédurales proprement dites. 
 §II) Les avancées procédurales
proprement dite
La non exigence de l'épuisement des voies de recours
internes (A) et l'inexistence de la clause du consentement préalable de
l'Etat à l'action feront l'objet d'analyse dans ce paragraphe (B). 
A) La non exigence de l'épuisement des voies de
recours internes dans la procédure
 Il s'agit ici d'étudier la notion
d'épuisement des voies de recours internes et l'importance de son
absence dans le cadre du recours (1) et les avancées au niveau de la
célérité, l'indépendance et l'impartialité
du Panel (2). 
1) L'absence d'exigence de l'épuisement des
voies de recours internes  
La  règle  de  l'épuisement  des  voies de 
recours  internes  fait,  en  droit  international  général, 
partie  de  la matière de  la  «  protection  diplomatique 
»203(*) et de la
protection des droits de l'homme. La responsabilité en matière de
droits de l'homme relevant en principe de la compétence des
autorités internes, les règles de droit  internationales
disposent qu'il faut épuiser les voies de recours internes avant
d'introduire une requête auprès d'un mécanisme
international. Épuiser toutes les voies de recours internes signifie
utiliser toutes les procédures disponibles dans un pays pour
protéger ses droits ou chercher réparation pour une violation
passée de ses droits. Pour épuiser les voies  de  recours 
internes,  au  sens de  l'article  26  de  la Convention,  il  est 
nécessaire de  s'adresser  d'abord  à  toutes  les  instances  de
l'ordre judiciaire  interne  qui  auraient normalement  eu  la
possibilité  d'effacer  les effets  de  la  prétendue  violation 
des droits  de  l'Homme  ou  même  de mettre  fin  à 
celle-ci204(*).  L'
article  26  de  la  Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés fondamentales prévoit les dispositions suivantes :
«  La  Commission  ne  peut  être  saisie  qu'après 
l'épuisement  des  voies  de  recours internes,  tel  qu'il  est 
entendu  selon  les  principes  de  droit  international 
généralement reconnus  et  dans  le  délai  de  six mois, 
à  partir  de  la  date  de  la décision  interne 
définitive ». L'article 35 de cette Convention dispose
également que : « La Cour ne peut être saisie
qu'après l'épuisement des voies de recours internes ».
Cela signifie qu'on ne peut poursuivre un Etat devant le Cour européenne
que si on lui a laissé la possibilité de remédier à
la violation invoquée au niveau national. L'épuisement des voies
de recours comporte deux aspects : Primo, l'épuisement des griefs :
c'est à dire que le requérant doit avoir invoqué « en
substance » devant les juridictions nationales le grief qu'il fait valoir
devant la CEDH205(*). Le
fait de ne pas avoir expressément invoqué la CEDH devant le juge
national n'est pas forcément rédhibitoire si le grief
invoqué devant le juge national est équivalent au grief
tiré de la Convention. Secundo, l'épuisement des instances :
l'épuisement des voies de recours doit être démontré
par le requérant; quant à l'Etat défendeur qui invoquerait
le non épuisement des voies de recours, il devra prouver l'existence au
niveau interne d'un recours effectif qui n'aurait pas été
exercé206(*). 
Ces  dispositions  sont  complétées par  les
prescriptions de  l'article 27,  al.  3 de  la  Convention,  selon  lesquelles 
« la  Commission  rejette  toute  requête qu'elle 
considère  comme  irrecevable »  par  application  de 
l'article  26.  
II ressort  de  la jurisprudence  de  la Commission des 
Droits  de  l'Homme que  celle-ci  a  jusqu'ici  toujours  admis  qu'une 
exception  au  principe  de l'épuisement  des  recours  internes  peut 
être  faite,  lorsque  les  circonstances de  la  cause sont  telles que 
l'on ne peut  raisonnablement exiger du requérant d'exercer  tous les
recours  qu'il avait,  ou qu'il  a  encore  à  sa disposition : Dans sa 
décision du  5  septembre  1958  au sujet  de  la  recevabilité
de  la  requête  n°  359/58,  la Commission  des  Droits  de 
l'Homme  a  reconnu qu'un requérant peut  être  relevé  de 
l'obligation d'épuiser un  certain  recours interne  lorsqu'il  est 
évident  que  ce  recours  aurait  « vraisemblablement 
été inefficace  ou insuffisant »207(*). D'autres solutions
semblables sont prévues devant certaines instances onusiennes (le
Comité contre la torture (art.20) et le Comité pour
l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes
(art.8 et 9)). La règle de l'épuisement des voies de recours
internes existe également dans la Charte africaine des droits de l'Homme
et des Peuples, avec la réserve dans les cas où ces recours
nationaux sont trop longs.  
Ces exceptions témoignent à suffisance que
l'inexistence de cette règle de l'épuisement des voies de recours
internes est idoine dans un conteste où le Panel veut traiter les
plaintes avec célérité et diligence. 
2) Les avancées au niveau
de la célérité, l'indépendance et
l'impartialité du Panel 
On gagne dans cette procédure en
célérité, en impartialité et indépendance
des membres du Panel. En effet, la durée de la procédure du
recours auprès du Panel est plus courte, simplifiée et moins
onéreuse que celle auprès des juridictions internes. Il suffit de
connaître l'outil informatique, pour aller sur le site de la BM et
télécharger un modèle de plainte. Il est vrai que dans la
plupart des pays en développement où s'exerce la
quasi-totalité de ces recours, l'on n'a pas déjà
accès à l'électricité, à plus forte raison,
l'outil Internet. Mais si l'on compare cela à un recours gracieux
préalable ou un recours hiérarchique qu'il faille rédiger
par le biais d'un Conseil dont les honoraires ne sont pas toujours moins
onéreuses, autant mieux faire un effort d'aller au Bureau national de la
BM déposer sa plainte ou passer par le biais d'une ONG. La
célérité de la procédure se manifeste aussi par la
simplicité du formalisme. Une fois que la demande est
déposée, le demandeur n'a plus véritablement qu'un
rôle passif, sauf si des éléments complémentaires
lui sont demandés.   
Dans le traitement du recours, le Panel cherche une solution
consensuelle, plutôt que de sanctionner la Banque. C'est la raison pour
laquelle l'une des conditions de recevabilité est l'inefficacité
des mesures déjà entreprises par la Direction suite à la
demande des intéressés. Le Panel a été
créé afin d'assurer à tous ceux qui souffrent directement
des effets d'un projet financé par la Banque, disposent d'un organe
indépendant par l'intermédiaire duquel ils peuvent demander
à la Banque d'agir conformément à ses propres
règles et à ses procédures. Il s'ensuit que les plaignants
peuvent recourir à cette instance s'ils estiment que la Banque n'a pas
appliqué, ou n'a pas fait appliquer ses règles et
procédures, et ce, seulement après avoir épuisé
toutes les autres voies de recours auprès de la Direction de la
Banque208(*). La Cour
africaine de Justice et des Droits de l'homme a une compétence
contentieuse209(*) et
non contentieuse (consultative et Règlement à l'amiable des
conflits). Dans ce dernier sillage, elle promeut en conformité avec les
dispositions de la Charte, un règlement à l'amiable dans les
affaires pendantes devant la Cour. Mais à la différence de ces
instances, l'obligation pour le Panel de veiller à ce que les plaignants
aient saisi la Banque pour une solution amiable est une condition de
recevabilité de la requête. Ce qui rend la conciliation encore
plus contraignante dans le cadre des recours auprès du Panel.  
Bien plus, l'indépendance et l'impartialité des
membres du Panel sont aussi mieux garantis que ceux des organes internes qui ne
sont pas toujours prompte à condamner l'Administration. En plus, les
moyens financiers dont disposent les membres du Panel  que ce soit à
titre de rémunération ou pour réaliser toutes les
enquêtes leur permettent de traiter les plaintes avec plus
d'impartialité.   
* 200 Force est de relever
que  selon Alain PELLET, la célérité est  une
modalité d'appréciation de l'efficacité d'une juridiction
internationale, de même que la composition de ses membres et son
coût.  A ces éléments il ajoute  « la
diversité  linguistique  et la concurrence des  cultures  juridique au 
sein  des  juridictions  internationales comme  le  recours  abusif par les 
Parties aux  facilités  offertes par les  technologies modernes 
constituent  des  freins  au  prompt  règlement  des  affaires.  Cette 
lourdeur est en en outre aggravée par le mode de  fonctionnement  de 
ces  juridictions  - même  si  cette  remarque  concerne  peut-être
 davantage  la Cour  internationale  de  Justice  que  ses 
congénères  ou  épigones ». V. A. PELLET,
« Remarques  sur  l' (in)efficacité de  la  cour 
internationale de  justice  et d'autres  juridictions
internationales »,  
www.alainpellet.fr,
consulté le 09 décembre 2011. 
* 201 21
jours (pour la réponse de la Direction à partir de la
notification de la demande) + 21 jours (pour le rapport du Panel à
partir de la réception de la réponse de la Direction, le Panel
propose s'il faut  une enquête ou non ; correspond aussi à la
période d'éligibilité) + durée indéfinie
pour la décision du Conseil, si ce dernier a admis une enquête +
durée indéfini pour le déroulement de l'enquête + 6
semaines (pour le rapport de la direction suite aux recommandations du Panel
après l'enquête) + 15 jours à partir de la réception
de la réponse de la direction et de l'examen par les administrateurs du
rapport d'enquête (date à laquelle le Panel informe le demandeur
des résultats de l'enquête et de la décision
éventuelle du Conseil. Donc, le Conseil doit attendre que la direction
lui présente sa réponse suite au rapport d'enquête avant de
décider. 
* 202 Étant
donné qu'en vertu de la Résolution, la première phase du
processus d'inspection consiste simplement à vérifier si une
demande est recevable, elle doit normalement s'achever dans le délai de
21 jours stipulé dans la Résolution. Cependant, lorsque le Panel
d'inspection estime qu'il conviendrait d'effectuer un « examen
préliminaire » du préjudice allégué par le
demandeur (en particulier lorsque ledit examen préliminaire peut aboutir
à un règlement de la question sans qu'il y ait lieu de
procéder à toute une enquête), il peut entreprendre ledit
examen préliminaire et indiquer au Conseil à quelle date il
compte présenter ses constatations et recommandations sur la
nécessité éventuelle d'une enquête. Si le Panel
estime que cette date tombera plus de huit semaines après
réception des observations de la Direction, le Panel devra obtenir que
le Conseil donne son approbation -éventuellement tacite- à cette
prolongation. À ce stade préliminaire, il ne s'agit pas
d'établir si une grave violation de la politique de la Banque a
effectivement porté préjudice à la partie affectée,
mais de savoir si, de prime abord, la plainte est justifiée et
mérite une enquête, parce qu'elle est recevable en application de
la Résolution. Les enquêtes du Panel continueront de donner lieu
à des « constatations » et le Conseil continuera de donner la
suite voulue aux enquêtes, compte tenu des recommandations
présentées par la Direction concernant les mesures de
dédommagement qui pourront être nécessaires. 
* 203 La  résolution
 de  l'Institut  de  Droit  International  adopté à la session de
Grenade du avril 1956 est  conçue  en  ces termes  (1)  :  
« Lorsqu'un  Etat  prétend  que  la 
lésion  subie par  un  de  ses  ressortissants  dans  sa personne  ou 
dans  ses  biens  a  été  commise  en  violation  du  Droit 
International,  toute réclamation  diplomatique  ou  judiciaire  lui 
appartenant  de  ce  chef  est  irrecevable, s'il  existe  dans  l'ordre 
juridique  interne  de  l'Etat  contre  lequel  la  prétention  est
élevée,  des voies  de  recours  accessibles  à la 
personne  lésée  et  qui,  vraisemblablement, sont  efficaces  et
 suffisantes,  et  tant  que  l'usage  normal  de  ces  voies  n'a  pas 
été épuisé.  
La règle  ne  s'applique pas :  
a) au  cas  où  l'acte  dommageable  a  atteint 
une  personne  jouissant  d'une  protection internationale  spéciale ;
 
b) au  cas où  son  application  a 
été  écartée par  l'accord  des Etats 
intéressés  ». 
* 204 
H.
 WIEBRINGHAUS, « La règle de l'épuisement
préalable des voies de recours internes dans la jurisprudence de la
Commission européenne des Droits de l'Homme »,  
AFDI,
 Volume  5, 1959, pp. 685-704.
* 205 Guzzardi c/ Italie,
10 mars 1977, D. et R., p. 185, paras 70 s. 
* 206C. MERCARY « la CEDH et la notion
d'épuisement des voies de recours internes : mode
d'emploi »
www.avocats.fr, consulté le 08
août 2011. 
* 207 Cf.  dans ce  sens  :
 la décision de la Commission  des  Droits  de l'Homme  du  9  juin 1958
 sur  la recevabilité  de  la  requête  n°  214/56.  
* 208 Règlement du
Panel du 19 août 1994. 
* 209 La Cour peut traiter
toutes les affaires et tous les conflits portés devant elle en ce qui
concerne l'interprétation et l'application de la Charte, du Protocole de
la Cour et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme qui
a été ratifié par les États concernés. 
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