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Foncier et stratégies d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun. L'exemple de la compagnie ouest Cameroun.

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par Jonas Aubert Nchoundoungam
Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2016
  

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II. LA CREATION DES ANCIENNES PLANTATIONS COLONIALES EN PAYS

BAMOUN : LE CAS DE LA C.O.C

L'administration coloniale s'est entourée d'un aréopage de dispositions juridiques inspirées du droit moderne romain pour régir la tenure des sols des peuples aux droits différents. La situation de floue qui existe en la matière traduit la pluralité des normes sensées règlementées le droit au Cameroun. Entre norme de sécurisation moderne romain garanti par le titre foncier et celui du droit coutumier, au Cameroun en général et en pays Bamoun en particulier, les rapports de force sont en faveur des gouvernants, les gouvernés doivent se

22 Njoya, 1952, p.119

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conformer aux directives des premiers. Depuis la conquête coloniale, s'est superposée à ces systèmes fonciers locaux, une législation nationale imposée par le colonisateur où, les colonisateurs successifs fondée sur des principes différents et surtout orientée vers les intérêts du colonisateur (Lavigne Delville et al. 2002). En effet, les législations coloniales relatives à la terre et aux ressources foncières en général étaient inspirées de celles en cours dans les pays colonisateurs, nuancées en fonction de leur compréhension des systèmes locaux et des intérêts coloniaux (Lavigne Delville et Chauveau, 1998).La création de ces anciennes plantations coloniales en pays Bamoun, en particulier la C.O.C obéit à cette logique mais néanmoins, renferme quelques zones d'ombres, qui font aujourd'hui à ce que cette plantation soit une arène perpétuelle de confrontation entre les différents acteurs du jeu foncier dans cette localité, un terreau de conflit à caractère sanglant qui fragilise le devenir même des ruralités existantes ainsi que celui des paysanneries de cet espace rural.

a) Les titres fonciers hérités de la C.O.C : entre légitimité et légalité

La réglementation du droit de propriété au Cameroun ne reconnait qu'un seul document pour sécuriser la propriété foncière : le titre foncier. Ce dernier est le document officiel attestant de la propriété inaliénable d'un individu sur une portion du territoire national qui devient de fait sa propriété privée. Ce titre n'existe pas nécessairement dans tous les pays. Il apparaît dans les pays où le droit de propriété est reconnu par l'autorité administrative. Quand le principe de l'immatriculation est appliqué comme c'est le cas au Cameroun et dans les anciennes colonies françaises, le titre foncier est une copie de l'inscription des droits du propriétaire au livre foncier.

Avec une superficie de 2400 hectares pour quatre titres fonciers, la C.O.C est l'exemple type d'une compagnie agricole à caractère industrielle. Celle-ci a été acquise pour 59340 francs par un groupe de banquier de Lyon (France). Dongmo (1987) dira que c'est au prix de rien qu'ils (colons français) ont acquis des terres dans les hautes de l'Ouest Cameroun en général et du plateau Bamoun en particulier.

concession

Numéros de titres fonciers

Superficie totale (ha)

1

Monoun

T.F n°2 inséré au livre foncier de Dschang Volume I

928,4867

2

Noun

T.F n° 15 et 19 : inséré au livre foncier de la région du Noun volume I

997,7964

3

Lounga

224,7949

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4

 

Foumbèn

T.F n° 509 inséré au livre foncier du département Bamoun volume II

241,6420

Total

2400ha

Tableau 5 : Concessions et titres fonciers de la C.O.C

Ces titres fonciers acquis de la C.O.C, en l'occurrence quatre, ont été inscrit dans le livre foncier et fait partie intégrante du domaine français. En effet, la France dans l'administration sous mandat de la S.D.N du Cameroun, prit des mesures réglementant la tenure foncière et le droit des communautés indigènes en la matière. Parmi les autres lois foncières qui ont été passées en revue mais qui ne sont plus en vigueur figurent :

- l'arrêté du 15 septembre 1921, déterminant les conditions d'application du décret du 11 août 1920 sur le domaine privé de l'État dans les territoires du Cameroun ;

- le décret du 21 juillet 1932 instituant au Cameroun le régime foncier de l'immatriculation ;

- le décret du 12 janvier 1938 et son arrêté d'application du 31 octobre 1938 sur les questions foncières et la loi n° 59-47 du 17 juin 1959 portant organisation domaniale et foncière.

DROIT SUPREME

Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 (en vigueur depuis 2001).

DROIT EN MATIERE DE REGIME FONCIER

Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier et intégrant la modification de 1977.

Loi n° 83-19 du 26 novembre 1983 modifiant les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance n° 74-1du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier.

LOI RELATIVE A L'IMMATRICULATION FONCIERE (DROIT DE LA
PROPRIETE PRIVEE).

Loi n°76/25 du 14 décembre 1976 portant organisation cadastrale.

Décret n° 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, tel que modifié.

Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant en complétant certaines dispositions du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier. Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n° 76-165.

LOIS FONCIERES NATIONALES/ETATIQUES

Ordonnance n° 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial.

Décret n° 76-166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national.

DOMAINES DU GOUVERNEMENT

Décret n° 76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'État.

Décret n° 95-146 du 4 août 1995 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n° 76-167.

Loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale.

Décret n° 84/311 du 22 mai 1984 fixant les conditions d'application de la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale. ACQUISITION DE TERRES POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

Loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à L'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant modalités d'application de la loi n° 8509 du 4 juillet 1985.

Instruction n° 000005/I/Y.25/MINDAF/D220 du 29 décembre 2005 portant rappel des règles de base sur la mise en oeuvre du régime de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

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TENURE DES RESSOURCES NATURELLES

Loi n° 94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche,

ainsi que la législation subséquente dont la liste figure dans l'encadré n° 3 (chapitre

3).

Loi n° 96-12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de

l'environnement.

Loi n° 2001-1 du 16 avril 2001 portant Code minier.

Loi n° 2002-003 du 19 avril 2002 portant Code général des impôts de la

République du Cameroun.

Loi n° 2002-013 du 30 décembre 2002 portant Code gazier.

Décret n° 97/116 de 1997 fixant les conditions et modalités d'application de la loi n°

96/14 du 5 août 1996 portant régime du transport par pipeline des hydrocarbures

en provenance des pays tiers.

DROIT RELATIF AUX COLLECTIVITES LOCALES

Loi n° 2004-17 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation, ainsi que la loi n° 2004-18 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes et la loi n° 2004-19 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.

Encadré n° 2 - Les principales lois foncières en vigueur affectant les intérêts des propriétés communales rurales au Cameroun

Le décret du 11 août 1920 complété par l'arrêté d'application du 15 septembre 1921 distingue en dehors des terrains vacants et sans maitre,

? Les terrains appartenant à des indigènes ou à des collectivités indigènes en vertu de la coutume et de la tradition mais pour lesquels n'existe aucun titre de propriété écrit.

? Les réserves, terrains situés autour des villages sur lesquels les indigènes pratiquent leurs cultures, recueillent ce qui est nécessaire à leur existence, font paitre leur troupeau, etc..., mais sur lesquels ils n'ont en fit qu'un droit d'usage et non un droit de propriété.

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Ce même décret leur permettait de faire constater leurs droits fonciers. Les décrets du 20 août 1927, du 21 juillet 1932 et du 2 février 1949 abondent dans le même sens (Moupou, 1991 ; p.67).

Le décret du 11 août 1920 attribue à la France, les terres vacantes et sans maitre suivant la formule de l'article de l'article 539 du code civil français. Ce décret est abrogé et remplacé par celui qui constate et déclare domaniales, les terres vacantes et sans maitre et attribue la propriété au territoire. Le décret n° 55-581 du 20 mai 1955 modifiant et complétant celui du 22 octobre 1938 fixant les modalités d'applications des décrets des 12 et 19 janvier 1938, portant organisation du régime des terres domaniales au Cameroun, maintient le principe selon lequel les terres vacantes et sans maitre appartiennent au territoire.

Les cessions et les concessions, régies par les décrets du 15 septembre 1921 et du 12 janvier 1938 distinguent les concessions urbaines des concessions rurales et permettent aux populations d'obtenir des droits réels sur des espaces dans des régions où ils sont considérés comme étrangers. Ainsi, suivant le décret du 20 mai 1955, une concession est accordée suivant les dispositions du décret du 12 janvier 1938 après constatation des droits coutumiers pouvant exister sur le terrain et lorsqu'il est déclaré vacant et sans maitre. S'il est au contraire soumis à des droits coutumiers, le détenteur de ces droits peut les abandonner au profit du demandeur de concession. Ainsi, « le territoire n'intervient plus dans la transaction pour imposer à ce dernier des conditions de mise en valeur. Avant d'en arriver là, il a fallu attendre longtemps » (Auber, 1956)

Brassé dans ce cortège juridique, les titres fonciers de la C.O.C, furent établit et acquis au nom de celle-ci par des banquiers français. Cette situation n'était pas de nature à engendrer un conflit, or en 1974, l'Etat du Cameroun opte pour des reformes. l'ordonnance n°74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier et le décret 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier modifié par celui n° 2005/481 du 16 décembre 2005 qui, instituent la propriété privé au détriment de la propriété collective, fait de l'immatriculation le seul moyen d'accès légal et de sécurisation des droits fonciers et met toutes les terres non immatriculées sous la garde de l'Etat. Ainsi leurs terres énumérées, les détenteurs de titre de propriété doivent s'acquitter de taxe sur la redevance foncière.

Cette ordonnance du 6 juillet 1974 laissait une période allant de un à dix ans pour la retranscription des anciens titres de propriétés qui avaient été délivré avant la publication de cette ordonnance de 1974, or les titres de la C.O.C, se retrouvent dans ce sillage. Par ailleurs d'après le principe de territorialité, en matière foncière au Cameroun, la retranscription ou la

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mutation des titres de propriété d'un domaine ou d'un terrain doit se faire par devant une autorité juridique compétente, en l'occurrence l'autorité notariée de la circonscription administrative dans laquelle se situe le bien.

Au sujet de la légalité des titres fonciers hérités de la C.O.C, il y aurait donc un problème de compétence juridique : des juridictions française et camerounaise, laquelle est-elle compétente du point de vue territoriale?

Les camerounais ignorent la loi foncière, ils ne savent pas que toutes les terres du Cameroun appartiennent à l'Etat, car celui-ci a le droit de préhension.

Fochivé aurait obtenu une mutation des titres de la C.O.C au quai d'Orsay, ce qui est à l'encontre du principe de territorialité, car c'est devant le notaire de Foumban que devait se faire cette mutation. C'est une fraude, et jusqu'à présent au conservatoire, ces titres fonciers de la C.O.C restent inchangés, le nom de Fochivé ne figurent nulle part ailleurs. A propos même de ces anciennes plantations (C.O.C) le ministre des Domaines Cadastre et des Affaires Foncières, a parlé de cause d'utilité publique et bientôt même il y aura des commissions pour le rebornage de ces domaines...

C'est délicat, ça fait problème énorme, tous ces titres abandonnés par les blancs font problème.

Chef service départemental du MINCAF de Foumban .

Source : enquête de terrain, Avril 2016

Encadre 3 : entretien avec le chef section départemental des Affaires Foncières du Noun

A la mort de Fochivé, les ouvriers n'étaient plus payés. Des groupes de personnes s'installèrent de force, arguant qu'il s'agit d'un legs colonial, et donc pas question de partir. Or, de son vivant Fochivé la gérait (C.O.C) par l'entremise des personnes (déléguer la gestion à quelqu'un). Quand il meurt, ses enfants font appel à des partenaires nationaux qui pour la plupart sont des natifs de la région. Quand la société (C.O.C) fait faillite, chacun des actionnaires veut se tailler la part du lion d'où certains conflits fonciers enregistrés.

Depuis cinq ans que je suis en service ici au TPI de Foumbot, je n'ai jamais vu un enfant de Fochivé venir se plaindre. Mieux encore, dans nos archives et dans les dossiers qu'on nous transmet, il n'y a jamais eu de plainte pour atteinte à la propriété foncière, mais juste des plaintes pour trouble de jouissance.

Quand bien même quelqu'un se plaint, il réclame les retombés des transactions avec la famille Fochivé...

Le procureur du TPI de Foumbot

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Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 4: entretien avec monsieur le procureur du T.P.I de Foumbot

Les encadrés précédents sont des extraits d'interview faite à un personnel d'administration du MINDCAF et au procureur de la république du Cameroun, près le TPI de Foumbot. Ils traduisent une certaine insuffisance sur la clarté de la reprise des titres de la plantation de la C.O.C par Jean Fochivé, car l'on se pose bien la question de savoir : comment ce personnage d'un tel calibre, qui n'ignore sans doute pas la loi, va-t-il préféré retranscrire ses titres fonciers au Quai d'Orsay (France) ? Cette situation est d'autant plus floue et très embarrassante pour comprendre et analyser l'histoire et le fonctionnement de cette plantation quand l'on sait que malgré tous les troubles et les multiples assauts villageois sur ce domaine, les enfants de ce dernier n'ont jamais porté plainte pour atteinte à la propriété foncière, la plupart des plaintes enregistrés au tribunal de première instance de la ville de Foumbot, étant de l'ordre des troubles de jouissance. La question de la légalité des titres fonciers ou de la légitimité réclamer par les populations et par les paysans, au sujet de l'occupation de ce domaine, trouve son sens dans cet ordre d'idée, car si les enfants du défunt Fochivé ne sont pas propriétaires légaux de cette ex-plantation coloniale à caractère industrielle, les populations et paysans qui occupaient ce domaine se revendiquent comme légitimes à l'occupation et à la mise en valeur de celle-ci.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein