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De la loi application en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sur internet.

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par afrique karake
universite nationale du rwanda - licence en droit 2012
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE NATIONALE DU RWANDA
FACULTE DE DROIT

ANNEE ACADEMIQUE 2011

LA PROBLEMATIQUE DU CONFLIT DE LOI ET DE
JURIDICTION EN CAS DE VIOLATION DES DROITS
DE PROPRIETE INTELLECTUELLE SUR
L'INTERNET

Mémoire présenté en vue de l'obtention du diplôme de licence en droit

PRESENTE PAR : KARAKE Afrique

DIRECTEUR : Me NGABONZIZA Julien (LLM)

Huye, Octobre 2011

II

EPIGRAPHE

« L'homme doit supporter les
Conséquences de ses actes,
du moment qu'ils portent préjudice à l'autrui »

SALEILLES

III

DEDICACE

A Dieu Tout Puissant,

A ma famille,

A mes amis,

Afin que Transcende et Resplendisse, Dans le profond respect du très - haut, Même à travers les ronces et les épines, Ce memoire est dédié.

iv

REMERCIEMENTS

Ce travail est le fruit de plusieurs efforts conjugués pendant longtemps. Nous ne pouvons le terminer sans remercier du fond du coeur tous ceux qui, de loin ou de près, ont contribué, moralement, intellectuellement ou matériellement à sa réalisation.

Nos remerciements s'adressent a Me Julien NGABONZIZA, Directeur de ce mémoire, qui a fait preuve de patience, d'encouragement à notre égard, et dont l'esprit critique, les conseils, les réflexions , et les discussions nous ont guidé et éclairé tout au long de notre travail. Ses conseils pertinents nous ont permis de surmonter bien d'écueils et d'éviter quelques faux pas. Qu'il en soit remercié.

En second lieu, nous remercions le corps académique et administratif de l'UNR, ainsi que tous les éducateurs dont les efforts ont contribué à notre mémoire.

Bien entendu, nous remercions particulièrement Maitre MUTABAZI K.Thomas dont le soutien s'est manifesté depuis toujours dans tous le parcours qui nous a conduits jusqu'ici.

Enfin, nous remercions également Maitre Sylivain NTAMUGABUMWE ainsi que Maitre Bernadette UWINGABIRE et pour tout ce qu'ils ont su nous apporter comme réflexions, pour leurs disponibilités, leurs écoutes et leurs amitiés tout au long de notre travail.

Qu'à travers ces lignes, tous ceux qui nous ont soutenu tant matériellement que moralement, trouvent l'assurance que nous ne pouvons jamais les oublier.

KARAKE Afrique

V

SIGLES ET ABREVIATIONS

§ : Sous section

Al. : Alinéa

ADPIC : Accord sur les aspects des Droits de la Propriété Intellectuelle

touchant au Commerce

Bull. Crim.: Bulletin des arrêts de la chambre Criminelle

Cass.: Cassation

CCLIII : Code Civil Livre Troisième

civ.: Civil

Et. al. : et alii (et autres)

Ibid. : Même endroit (même auteur, même endroit, même page)

Idem : Même auteur, même ouvrage

J.O / JORR : Journal Officiel de la République Rwandaise

N° : Numéro

Oct.: Octobre

OMPI : Organisation Mondiale de la propriete intellectuelle

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

Op. cit., : Opere citato (déjà cité)

P.: Page/ pages

Para.: Paragraphe

T. : Tome

UE : Union Européenne

Vol.: Volume

§1. De La loi du pays d'origine (la lex loci originis) 16

vi

TABLE DES MATIERES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS iv

SIGLES ET ABREVIATIONS v

TABLE DES MATIERES vi

INTRODUCTION GENERALE 1

I. Présentation du sujet 1

II. Problématique 3

III. Choix et intérêt du sujet 3

IV. Méthodologie du travail 3

V. Délimitation et subdivision du travail 4

CHAP I. CONSIDERATION GENERALE SUR LE DROIT DE PROPRIETE 5

INTELLECTUEL 5

Section 1. Notions des concepts clés 5

§1. Définition 5

Section 2. Composants du droit de propriété intellectuelle 7

§1. Le droit de la propriété littéraire et artistique 7

§2. Le droit de la propriété industrielle 9

§3. Quid des bases de données en droit de propriété intellectuelles 10

Section III. Nature juridique des droits de propriété intellectuelle. 11

§1. Convention de Berne de 1886. 12

§2. Les traités de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) 12
§.3 L'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle touchant au Commerce

(A.D.P.I.C). 13

§4. En droit interne des Etats 15

CHAPITRE II. LA PROBLEMATIQUE DE LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE ET

LA JURIDICTION COMPETANTE AU DROIT DE PROPRIETE INTELLECTUELLE 16

SECTION I. DE LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE 16

VII

§2. La loi du pays de protection (lex loci protectionis) 19

SECTION 2. DE LA DETERMINATION DE LA JURIDICTION COMPETANTE 22

§1. Analyse de la théorie d'émission (loi du pays d'émission) 23

§2. Analyse de la théorie de réception ( lex ratione loci) 24

§3. Applicabilité de la théorie d'émission et de réception 25

§4. Quid de la juridiction compétente en cas de violation des Droits de propriété 28

intellectuelle sur internet 28

CHAPITRE III. LES MECANISMES JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELLES

ENVISAGEABLES POUR LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE

SUR INTERNET 31

Section I. Les mécanismes juridiques 31

§1. De la nécessite des conventions internationales à la matière 31

§2. Adaptation des conventions et lois existantes aux exigences actuelles 32

§3. De la réparation en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sur internet 34

Section II. Les mécanismes institutionnels 35

§1. La mise en place d'une institution multinationale de protection de droit 35

intellectuelles sur internet 35

§2. De la nécessité de l'institut d'arbitrage international pour un litige de propriété intellectuelle 36

CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION 37

BIBLIOGRAPHIE 41

1

INTRODUCTION GENERALE

I. Présentation du sujet

Le développement récent des nouvelles technologies, et plus particulièrement d'internet, bouleverse considérablement la conception classique des échanges et des relations entre les hommes, tout type d'information circule entre tous les utilisateurs, sur l'ensemble de la planète, de façon rapide et immatérielle. Les caractéristiques d'internet, qui en font un réseau mondial et complètement décentralisé, lui permettent de s'affranchir à la fois du temps et de l'espace1. Le réseau ne connaît pas de frontières, et aucune structure n'a vocation à le diriger globalement. Il en découle une apparente liberté ainsi qu'une absence de contrôle administratif du comportement des différents acteurs en présence2. Pour autant, on ne peut parler de vide juridique sur Internet, la loi existe et est censée s'y appliquer comme ailleurs.

En matière de propriété intellectuelle, la question du droit d'auteur sur Internet semble particulièrement prégnante, en raison des moyens qui y sont offerts pour la piller. Elle apparaît comme déterminante pour apporter la confiance nécessaire, entre les différents acteurs, à l'essor du commerce électronique.3 On constate en effet qu'à l'heure actuelle, tant les éditeurs traditionnels que les producteurs de musique ou d'oeuvres audiovisuelles demeurent réticents à proposer leurs oeuvres sur le réseau. Pour cela, le contrefaçon et piratage les ont vu une ampleur très sérieuse4.

Le domaine le plus touché, sans doute, et en tout cas le plus bruyant, est celui de la musique. Mais les autres ne sont pas en reste ; tous, d'une façon ou d'une autre, à un degré quelconque, sont affectés par la difficulté qu'il y a à faire respecter les droits d'auteur sur Internet.

Nous avons relevé trois caractéristiques de ce nouveau support qui perturbent l'application des lois sur la propriété intellectuelle :

Le caractère international d'internet, la facilité qu'il offre pour la reproduction, et enfin la difficulté qu'il peut y avoir à contrôler efficacement l'exploitation des oeuvres ainsi qu'à identifier avec exactitude l'origine d'une infraction.

1 A. BERTRAND, « Le droit d'auteur et les droits voisins », Paris, Dalloz, 1999.

2 Ibidem.

3 C. COLOMBET, « Propriété littéraire et artistique et droits voisins ». Paris, Dalloz, 1999.

4X., Propriété intellectuel sur Web, en ligne sur

http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle&action=submit, consulte le 12/09/2011.

2

Pour ce qui est de la dimension mondiale du réseau, les problèmes sont essentiellement d'ordre juridique. Ils ne se posent en réalité qu'en cas de litige, lorsqu'une plainte est déposée pour piratage ou exploitation illicite d'une oeuvre. En fait, devant un tel cas, on se heurte à deux questions principales :

Premièrement, celle de savoir quel est le tribunal compétent pour trancher le différend qui oppose les deux parties, et, deuxièmement, celle de savoir la loi qui doit être prise en compte. Il est en effet fréquent que le litige soit entre deux parties de nationalité différente, de sorte que chacune relève à la fois d'une législation et d'un tribunal qui lui sont propres5. Or toute la difficulté est de déterminer s'il faut appliquer la loi du pays du plaignant et juger l'affaire dans un tribunal de sa nationalité, ou si, au contraire, c'est du côté de l'accusé, et donc généralement du lieu où s'est produit l'infraction, qu'il faut se tourner.

La deuxième caractéristique d'Internet et plus généralement de toutes les nouvelles technologies est la facilité qu'elles offrent pour la reproduction. Rien n'est plus aisé en effet que de télécharger un logiciel piraté, des fichiers de musique, des images, pour les stocker sur son disque dur ou sur des CD. Il est vrai qu'en cela Internet n'a rien de nouveau, les cassettes audio ou vidéo nous permettaient déjà des copies illégales, et les photocopieuses, des reproductions de livres ou d'images à bon marché. Aussi, si ce support n'est pas directement la cause du problème, il l'a quand même lourdement aggravé en entraînant l'explosion d'un phénomène qui existait déjà avant lui.

La troisième caractéristique d'Internet que nous mentionnerons est la difficulté qu'il peut y avoir pour contrôler efficacement l'exploitation qui est faite d'une oeuvre, et après, lorsqu'une exploitation détournée est remarquée, pour en identifier l'origine. Avec Internet, n'importe quel connecté, de n'importe où, peut sans difficulté reprendre une oeuvre, la détourner, et l'exploiter comme il l'entend6. Contrôler cela exigerait pour les parties concernées qu'elles soient sans cesse à l'affût, effeuillant toutes les 500 milliards de pages à la recherche du détournement ou de l'exploitation illicite7.

En outre, rien ne leur garantirait qu'ils soient en mesure d'identifier l'origine de ce détournement ou de cette exploitation, et donc qu'ils puissent condamner le coupable. Ainsi, si, comme nous le disions, l'exploitation illicite des oeuvres n'est pas apparue avec le Net, celui-ci permet de le faire dans une quasi-impunité.

5 F., BATTIFOL, Droit International Privé, ed. 1967, n 557, cité par J. de BURLET, Précis de Droit International Prive Congolais, Larcier, Bruxelles, 1971, n.376, p.307.

6 Y. POULLET, "Les diverses techniques de réglementation d'Internet: l'autorégulation et le rôle du droit étatique", Ubiquité n°5, Juin 2000, p. 55.

7 Y. GENDREAU, Le droit de reproduction et l'Internet, R.I.D.A., octobre 1998, n°178, P. 3 et suiv.

3

II. Problématique

A présent, il nous sied à démontrer quelques lacunes sur le plan juridique d'une part et de la nécessité de créer une réglementation favorable aux innovations technologique d'autre part :

1. La première préoccupation est celle relative à la compétence du tribunal et de la loi applicable en cas d'exploitation illégal du droit de propriété intellectuelle sur internet.

2. Quels sont les efforts législatifs et juridiques visant à renforcer la protection et les traitements des données personnelles en ligne ?

III. Choix et intérêt du sujet

Le choix de cette thématique, se justifie par l'envie de savoir s'il ya des moyens de protection des droits de l'auteur d'un oeuvre exposé sur l'internet. Scientifiquement, la présente étude permet d'analyser les lois et la jurisprudence relatives au sujet enfin d'en faire critique et d'en donner les mécanismes d'amélioration.

Pédagogiquement, elle nous conditionnera à revisiter et à approfondir les notions déjà acquises dans différentes disciplines du droit notamment en droit international privé et droit de propriété intellectuel .

Enfin, sans être prétentieux, il reste vrai que cette étude permettra également de mettre à la disposition d'autres chercheurs, désirant se pencher sur cette thématique dans la vue de l'approfondir, un instrument de travail et de référence facilement exploitable.

Et pour mener à bien notre étude, certaines méthodes et technique nous ont été utiles.

IV. Méthodologie du travail

Dans le cadre d'enrichir notre travail, les techniques et méthodes se sont avérées nécessaires.

D'une part, la technique documentaire nous a facilité de collecter des données relatives à cette étude à travers les ouvrages, revues, sites internet et autres documents.

D'autre part, la méthode analytique nous a permis d'essayer d'analyser les instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs à notre sujet, Si la méthode comparative nous a mené à porter notre regard sur la législation étrangère en matière de protection du droit intellectuel sur internet , la méthode synthétique nous a facilité à effectuer un résumé de toutes nos données tandis que la méthode exégétique nous a permis d'interpréter nos données avec des explications détaillées à l'appui des différents textes de lois ainsi que la jurisprudence étrangère et nationale sur la nature de cette protection.

4

Ce sujet, bien qu'ayant déjà circonscrit son champ de recherche, requiert quand même qu'il en soit rappelé les contours.

V. Délimitation et subdivision du travail

Malgré la sérieuse difficulté de délimiter temporellement le champ de notre étude, il est de bon aloi d'en énoncer les limites.

Au plan spatial, la réflexion au cours de cette étude porte sur la protection des droits de la propriété intellectuelle sur internet dans l'ensemble des pays qui se trouvent sur l'espace terrestre.

Mais si la délimitation est ainsi conçue, la subdivision du travail s'impose. Outre l'introduction et la conclusion générales, le travail est subdivisé en deux chapitres.

D'abord, la première porte sur la problématique de la détermination de la loi applicable et la juridiction compétente au droit de propriété intellectuelle, le deuxième chapitre va focaliser sur les mécanismes juridiques envisageables pour la protection des droits de propriété intellectuelle sur internet.

5

CHAP I. CONSIDERATION GENERALE SUR LE DROIT DE PROPRIETE

INTELLECTUEL

Dans ce chapitre, il est question d'analyser les concepts clés de la notion du droit de propriété intellectuel en faisant une comparaison entre les différentes notions du droit de propriété intellectuel avec les notions connexes (section1), on verra aussi les composants du droit de propriété intellectuel (section 2)puis sa nature juridique (section 3).

Section 1. Notions des concepts clés

Avant d'aborder la présente section en détail, il nous sied de donner les éclaircissements complet et concret de quelques notion utile que ce chapitre va tourner autour, entre autre la propriété intellectuelle.

§1. Définition

A. Propriété intellectuelles

Selon A. CAZENOBE, les droits de la propriété intellectuelle peuvent se définir comme l'ensemble des droits attachés à l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit impliquant création ou invention, droits dont les titulaires sont légalement reconnus comme tels et qui, à ce titre, peuvent bénéficier de droits économiques et aussi pour certains, de droits dits moraux8.

Selon la convention de Berne9, droit de propriété intellectuelle est définie comme l'ensemble des droits exclusifs accordés sur les créations intellectuelles.

D'après Wikipedia, On entend par « propriété intellectuelle, l'ensemble des droits de propriétés intellectuelles et des stratégies appliquées : non seulement les dépôts pour la constitution des droits, mais également la valorisation, l'exploitation, la défense par exemple en cas de contrefaçon, et aussi les recherches d'antériorités, les consultations juridiques, la rédaction d'actes sous seing privé, la formation et l'évaluation financière » 10.

Au Rwanda, la loi portant protection de la propriété intellectuelle définit la propriété intellectuelle comme droits relatifs aux oeuvres littéraires, artistiques et scientifiques ; interprétations des artistes interprètes et exécutions des artistes exécutants ; droits relatifs aux

8 A. CAZENOBE, le droit de la propriété intellectuelle et les collections audiovisuelles, en ligne sur http://www.cncpi.fr/iaa145-45-enjeux-pi-france-valorisation-recherche-brevet-marque.htm?level, consulté le 21/09/2011.

9 Convention de Berne de 1886en ligne sur

http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Berne_pour_la_protection_des_%C5%93uvres_litt%C3%A9raires_ et_artistiques, consulté le 12/09/2011.

10X., Propriété intellectuelle, ligne sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle, consultée le 02/09/2011.

6

phonogrammes ; émissions de radiodiffusion ; découvertes scientifiques et autres inventions dans tous les domaines de l'activité humaine ; dessins et modèles industriels ; marques de fabrique, de commerce et de service ; noms et dénominations commerciaux ; protection contre la concurrence déloyale ; tout autre droit afférent à l'activité intellectuelle dans les domaines industriel, scientifique, littéraire et artistique11.

B. Le droit intellectuel et moral.

Au côté du droit intellectuel, les auteurs possèdent également un intérêt non pécuniaire dans leur oeuvre, principalement celui de décider de rendre leur oeuvre publique, d'en réclamer la paternité ainsi que de s'opposer à toute utilisation susceptible de porter atteinte à l'intégrité de l'oeuvre. Ces prérogatives sont communément appelées les « droits moraux » de l'auteur12.

Les droits moraux sont caractéristiques de la tradition de droit civil. D'autres systèmes juridiques, particulièrement ceux des pays de Common Law, accordent parfois de tels droits sur une base juridique autre que le droit d'auteur, tel que la responsabilité civile, la concurrence déloyale et le droit des contrats13.

Le droit intellectuel et moral renvoie tout d'abord au droit pour l'auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est perpétuel, inaliénable et imprescriptible14. Il comprend aussi, le droit exclusif de l'auteur à la divulgation de son oeuvre. Autrement dit, il appartient à l'auteur seul, de décider non seulement si, oui ou non, son oeuvre sera mise à la disposition du public, mais aussi par quel(s) procédé(s) et sous quelles conditions15.

C. Le droit intellectuel est un droit patrimonial

Les droits patrimoniaux de l'auteur lui donnent la possibilité de vivre de son oeuvre16. Ils confèrent dès lors à l'auteur le droit exclusif d'autoriser d'autres personnes à utiliser son oeuvre selon des conditions approuvées et de prendre action contre toute utilisation non autorisée17. Les droits patrimoniaux sont reconnus par toutes les lois sur le droit d'auteur du monde et concernent généralement toutes les activités commerciales, de la reproduction physique de livres et de la représentation de pièces de théâtre, à leur diffusion sur Internet. Donc, il correspond essentiellement au droit d'exploitation. Comme nous venons de les

11 Article 3 de la loi portant protection de la propriété intellectuelle au Rwanda.

12 L'article 121-1 du CPI français.

13 D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. GEOUFFRE, Droit international privé, Paris, Masson, 1987, n.149.

14 F. POLLAUD rappelle que le droit moral est l'exception parmi les autres droits de la personnalité, en ligne sur, http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle&action=submit, consulté le 13/08/2011.

15 Ibidem

16 D. FROCHOT, Le statut juridique du résumé documentaire , 2006-04-16 - révisé en juin 2010

17 Ibidem

7

signaler ci haut, ce dernier recouvre lui-même deux droits : celui de la représentation et celui de la reproduction.18On entend ici par représentation toute communication de l'oeuvre au public, par n'importe quel procédé19. Il appartient en ce sens à l'auteur d'accepter, ou de refuser, que son oeuvre soit diffusée, et de choisir le mode de cette diffusion.

Le droit de reproduction, permet à l'auteur de maîtriser la reproduction de son oeuvre. Ces droits peuvent être cédés par l'auteur, de façon gratuite ou onéreuse. C'est ainsi qu'il peut obtenir une rémunération pour ses productions, convenue par le contrat de cession.

Section 2. Composants du droit de propriété intellectuelle

Le droit de la propriété intellectuelle se divise en deux branches, le droit de la propriété littéraire et artistique (§1) et le droit de la propriété industrielle (§2)

§1. Le droit de la propriété littéraire et artistique

Constitué par l'ensemble des règles juridiques qui s'appliquent en vue d'assurer une protection aux oeuvres de l'esprit et à leurs auteurs et ayants droit. Le droit de la propriété littéraire et artistique est une branche du droit civil particulière qui est rattachée au droit de la personnalité et au droit de propriété.20

A. Droit d'auteur

Le droit d'auteur est l'ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un créateur sur son oeuvre de l'esprit originale21. Il se compose d'un droit moral et de droits patrimoniaux.

1. Les droits patrimoniaux

Ces droits permettent à l'auteur d'être rémunéré pour chaque utilisation de son oeuvre22. Ils ne sont accordés que pour une durée limitée qui varie selon les pays et la nature de l'oeuvre. A l'issue de la durée de protection, l'oeuvre entre dans le domaine public, et peut être librement utilisée par tous23. Le droit d'auteur donne le choix exclusif des modalités de publications, reproduction, adaptation et traduction de ses oeuvres pour un temps donné. Son rôle fondamental est en effet de permettre à l'auteur, s'il le souhaite, d'obtenir une rémunération

18 Article 37 de la loi portant protection de la propriété intellectuelle au Rwanda

19 Article 38 de la même loi.

20 Y. LOREN, Intellectual Property, Observations on Efforts to Quantify the Economic Effects of Counterfeit and Pirated Goods », in GAO, no 10-423, Avril 2010.

21 Ibidem.

22F., POLLAUD, Abus de droit et droit moral, Recueil Dalloz, Paris ,1993.

23 Ibidem.

8

pour son travail en le protégeant de la copie non autorisée de ses oeuvres, notamment du piratage24.

2. Les droits moraux

Les droits moraux sont essentiellement liés à la personnalité de l'auteur et regroupent le droit de revendiquer la paternité de l'oeuvre, le droit de décider du moment et des modalités de sa publication (droit de divulgation), le droit de s'opposer à toute déformation ou mutilation de l'oeuvre (droit au respect de l'oeuvre), le droit de s'opposer à toute utilisation pouvant porter atteinte à la réputation ou à l'honneur de l'auteur25.

En droit français, ils comportent également le « droit de retrait et de repentir »26, c'est-à-dire qu'un auteur a le droit de demander à ce que son oeuvre soit retirée de la circulation en échange d'une compensation des personnes engagées dans sa distribution, qui jouissent par ailleurs d'un droit de priorité en cas de remise en circulation de ladite oeuvre27. Contrairement aux droits patrimoniaux, ces droits moraux sont inaliénables, perpétuels et imprescriptibles : un auteur ne peut pas les céder (mais ils sont transmis par héritage car perpétuels), ils n'expirent pas et il est impossible d'y renoncer28.

B. Le copyright

Le copyright (traduction littérale : droit de copie) est le concept équivalent au droit d'auteur appliqué par les pays de Common Law. Le copyright s'attache plus à la protection des droits patrimoniaux qu'à celle du droit moral29. Toutefois, depuis l'adhésion de 164 pays à la Convention de Berne sur le droit d'auteur, le droit d'auteur et le copyright sont en grande partie harmonisés, et l'enregistrement de l'oeuvre auprès d'un organisme agréé n'est en général plus nécessaire pour bénéficier d'une protection juridique.

Ce n'est qu'avec la signature de la Convention de Berne en1989 que les pays comme États-Unis reconnaissent une dimension morale au droit d'auteur. Ces droits sont d'ailleurs encore sévèrement critiqués par les éditeurs américains, qui estiment qu'ils limitent

24 P SIRINELLI, Propriété littéraire et artistique, Dalloz, Mémento, 1996.

25 Ibidem.

26 F., POLLAUD, op. cit., p.143.

27F. BENHAMOU et J.FARCHY, Droit d'auteur et copyright, La Découverte, 128 p.

28 Ibidem.

29 Ibidem.

9

abusivement la capacité des auteurs et des éditeurs à contracter librement et font peser un risque sur toute entreprise d'édition.

Dans une vision volontairement simpliste de la distinction classique faite entre droit d'auteur et copyright, il ressort que le droit d'auteur fait primer le droit sur l'économie tandis que le copyright assure une plus grande part aux impératifs économiques sur le droit30. Mais il serait faux d'opposer littéralement ces deux conceptions, tant elles tendent à se recouper aujourd'hui. C'est ainsi par exemple que onze Etats américains intègrent la notion de droit moral dans leur copyright, et que celui-ci joue un rôle de plus en plus important dans les décisions de justice prises sur tout le territoire américain31. Tandis que du côté du droit français, celui-ci tend de plus en plus à encadrer la portée du droit moral, pour le rendre plus flexible économiquement.32

§2. Le droit de la propriété industrielle

Constitué par l'ensemble des règles qui assurent la protection et la rémunération des auteurs et sociétés exploitantes des dessins et modèles, brevets d'invention, marques de fabrique, droit qui ressort du droit commercial. Nous examinerons deux points qui se rattachent à notre sujet : le droit des brevets (A), composante du droit des créations industrielles et le droit des marques (B).

A. Droit des brevets

Un brevet confère un droit exclusif sur une invention, qui est un produit ou un procédé offrant une nouvelle manière de faire quelque chose ou apportant une nouvelle solution technique à un problème. Un brevet confère à son titulaire la protection de l'invention. Cette protection est octroyée pour une durée limitée, qui est généralement de 20 ans, et pour un territoire donné33.

Le titulaire du brevet peut céder son brevet à un tiers, ou en concéder une licence d'exploitation, généralement contre rémunération34. Le monopole n'est accordé que sous réserve que le brevet soit entretenu, c'est-à-dire que des taxes de maintien en vigueur soient payées régulièrement. En contrepartie, l'invention sera divulguée et enrichira ainsi le patrimoine collectif de connaissances. Les entreprises occidentales ne voient souvent dans les

30L., GUILLAUME DE LACOSTE ,Le droit d'auteur est-il une notion périmée ? , NonFiction., 23 avril 2010 31F. LATRIE, Du bon usage de la piraterie : culture libre, sciences ouvertes, Exils Éditeur, 2007.

32 Ibidem.

33 Ibidem.

34 E. COLIN, F. BERNA, Droit de propriété intellectuelle et les nouvelles technologies, Paris, Dalloz,1998 5p.

10

brevets qu'une manière vieille et peu efficace de protéger leurs inventions et leur savoir-faire contre un éventuel piratage.35

B. Droit des marques

Une marque est un signe distinctif qui indique que des produits ou des services sont produits ou fournis par une personne ou une entreprise déterminée36. La protection conférée pour une marque est d'une durée variable, mais peut généralement être renouvelée indéfiniment37. De ce fait, Une marque de fabrique, de commerce ou de service sert à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale38.

Le propriétaire des droits sur la marque bénéficie d'un véritable droit de propriété qui lui permet de s'opposer à toute usurpation et à toute utilisation de la marque par un tiers, dans tous les pays où celle-ci a été déposée. L'enregistrement d'une marque permet ainsi l'interdiction pour les tiers de déposer ou d'utiliser sans autorisation, sous quelque forme que ce soit, la marque ou l'un de ses éléments distinctifs.

§3. Quid des bases de données en droit de propriété intellectuelles

Par base de données, on entend ici tout recueil d'informations, sous forme électronique ou non (à l'exception du moteur logiciel, si la base est sous forme électronique), accessibles individuellement. Cette définition très large couvre aussi bien en pratique les banques de données que des sites internet par exemple.39

Les bases de données en Europe possèdent leur propre protection juridique, depuis la directive européenne du 11 mars 1996. Cette protection a la caractéristique d'être double. Les bases de données sont protégées d'une part comme oeuvre de l'esprit, par le droit d'auteur, et d'autre part comme bien informationnel d'un genre nouveau, par le droit sui generis du producteur de la base de données40.

La première protection, conformément à la philosophie du droit d'auteur, concerne uniquement la forme de la base, son architecture, et est conditionnée comme pour tout autre

35 Ibidem.

36L.BERTRAND, L'usufruit des droits de propriété intellectuelle, PUAM, 2006.

37 Ibidem.

38 Ibidem.

39 X., les bases des données en droit de propriété intellectuel en ligne sur http://php.net/manual/fr/security.database.php , consulté le 20/08/2011. 40X., Protection des bases des données ,en lige sur http://www.commentcamarche.net/contents/bdd/bddintro.php3, consulté le30.09.2011.

11

oeuvre par une condition d'originalité. La base doit avoir un choix d'indexage original pour être protégé par le droit d'auteur.

La deuxième protection, spécifique aux bases de données, concerne la matière contenue par la base. Le droit sui generis est rangé dans la catégorie des droits voisins du droit d'auteur, droit de propriété incorporelle ad hoc, donnant des prérogatives patrimoniales au producteur de la base. Mais comme pour le droit d'auteur, l'exercice du droit est attaché à une condition. Ici, il ne s'agit pas d'originalité, mais de valeur économique : la base doit avoir été l'objet d'un investissement qualitativement ou quantitativement substantiel.

Le producteur de la base de données peut donc interdire à tout utilisateur l'extraction d'éléments quantitativement ou qualitativement substantiels de la base, ou l'extraction systématique de celle-ci.

La protection vaut pour 15 ans. Certaines exceptions sont prévues pour les utilisateurs légitimes. La théorie de droit commercial des facilités essentielles s'applique aussi et limite largement la portée du droit dans la situation où le producteur de la base serait dans une situation de monopole de fait.

A noter qu'il est indifférent que la base soit publique ou non. Les données publiques restent publiques et sont libres de droit ; mais ce qui est protégé est leur assemblage en un schéma particulier, selon l'idée que le tout vaut plus que la somme des composants. Ainsi n'importe qui par exemple pourrait construire et commercialiser sa propre base de données d'annuaire téléphonique. En revanche, personne n'aurait le droit de simplement "copier-coller" les pages jaunes41

Section III. Nature juridique des droits de propriété intellectuelle.

Les multiples lois qui sont regroupées sous le terme de propriété intellectuelle appliquent à des régimes juridiques différents d'une part la Convention de Berne sur les droits de propriété intellectuelles (§1), ces natures et régimes étant eux-mêmes fonctions de chaque juridiction locale (§2).

41 . DUSOLLIER, Le droit d'auteur : vers un contrôle de l'accès à l'information, Cahier du CRID n° 18, Bruylant, 2000.

12

I. Convention de Berne de 1886.

La Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, « matrice du droit conventionnel », est un traité diplomatique qui établit les fondements de la protection internationale des oeuvres. Elle permet notamment à un auteur étranger de se prévaloir des droits en vigueur dans le pays où ont lieu les représentations de son oeuvre42.

Signée le 9 septembre 1886 à Berne, elle a été complétée à Paris (1896), révisée à Berlin (1908), complétée à Berne (1914), révisée à Rome (1928), à Bruxelles (1948), à Stockholm (1967 et à Paris 1971 et modifiée en 1979.

Ce traité, dont les parties contractantes (pays signataires) sont au nombre de 164 en 2009, est géré actuellement par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Bien que la convention de Berne garantisse à chaque auteur l'obtention d'un monopole international sur les oeuvres littéraires ou artistiques qu'ils conçoivent, c'est toujours la juridiction locale en vigueur qui s'applique43.

II. Les traités de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)

L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) est une institution spécialisée des Nations Unies créée en 1967 par la signature à Stockholm de la convention instituant l'OMPI pour promouvoir la protection de la propriété intellectuelle. Ses prédécesseurs, les BIRPI (les Bureaux Internationaux Réunis pour la Propriété Intellectuelle) avaient été fondés en 1893 pour administrer la Convention de Berne.

L'OMPI est chargée de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde entier grâce à la coopération entre États et d'administrer différents traités multilatéraux sur les aspects juridiques et administratifs de la propriété intellectuelle.

A l'origine, ses Etats membres sont au nombre de 51. En 2010, elle compte 184 pays membres avec lesquels elle travaille à l'harmonisation des régimes juridiques nationaux en matière de propriété intellectuelle, et à la simplification des procédures visant à assurer la protection ce type de propriété.

42X., Convention de Berne, en ligne sur

http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Berne_pour_la_protection_des_%C5%93uvres_litt%C3%A9raires_ et_artistiques, consulté le 20/09/2011.

43 Article 6-12 de la convention de Berne de 1886.

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Deux traités ont en outre été conclus en décembre 1996 sous l'égide de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (O.M.P.I.), à Genève, par une conférence diplomatique regroupant plus de cent Etats membres.

La première concerne le droit d'auteur, la seconde les interprétations et exécutions et les phonogrammes. Ces traités ont été ouverts à la signature jusqu'au 31 décembre 1997 aux Etats membres de l'OMPI et à la Communauté européenne, et entreront en vigueur après que 30 États auront déposé leur instrument de ratification ou d'adhésion.

Si ces traités ont pour vocation d'actualiser le système international de protection de la propriété intellectuelle en renforçant les moyens de lutte contre la piraterie, ils tentent d'apporter, bien plus que l'accord ADPIC, une réponse tant à l'essor des nouvelles techniques de diffusion de données qu'au développement d'un droit de communication au public.

Les deux conventions tendent en effet à élargir la protection conférée par le droit de reproduction afin de tenir compte de l'impact de la numérisation des informations dans leur transport et leur stockage.

§.3 L'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle touchant au

Commerce (A.D.P.I.C).

L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou accord sur les ADPIC a été conclu entre l'OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle) et l'OMC (organisation mondiale du commerce) à la fin de « l'Uruguay Round » en 1994, et a ouvert une ère nouvelle en ce qui concerne la protection et la sanction au plan multilatéral des droits de propriété intellectuelle.

L'accord sur les ADPIC réglemente les droits d'auteur et droits connexes, les marques de fabrique ou de commerce, les indications géographiques (y compris les appellations d'origine), les dessins et modèles industriels, les brevets (y compris la protection de nouvelles variétés végétales), les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés et les renseignements non divulgués (y compris les secrets commerciaux).

L'accord sur les ADPIC est l'instrument de protection des droits de propriété intellectuelle le plus complet dans ce domaine au niveau international. Cet accord est venu ajouter des obligations à celles des conventions de Paris, Berne, Rome et Washington dans leurs champs respectifs. Tout pays qui devient membre de l'OMC et qui souscrit aux ADPIC s'engage à respecter ces conventions.

Les dispositions de cet accord sont directement complémentaires des traités internationaux administrés par le Secrétariat de l'OMPI.

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L'Accord sur les ADPIC exige que tous les Etats membres de l'OMC introduisent dans leur législation des normes universelles minimales pour presque tous les droits dans ce domaine, par exemple le droit d'auteur, les brevets et les marques. Ainsi, tous les membres de l'OMC sont désormais obligés de protéger par brevet, pour une période de 20 ans minimum, toute invention de produit ou de procédé pharmaceutique qui remplit les critères de nouveauté, invention et utilité. Il institue également un mécanisme multilatéral de résolution des différends entre les Etats.

L'accord ne met pas en place un régime unique mais oblige les signataires à respecter certains principes de base en matière de protection de la propriété intellectuelle.

Il a pour but d'intégrer les droits de propriété intellectuelle (droits d'auteur, marques de fabrique ou de commerce, brevets, etc.) dans le système de l'OMC.

Cet accord applique strictement les règles du commerce et de la propriété aux droits de propriété intellectuelle.

L'accord porte sur cinq grandes questions44 :

> Comment les principes fondamentaux du système commercial et des autres accords internationaux sur la propriété intellectuelle doivent être appliqués ?

> Comment assurer la protection adéquate des droits de propriété intellectuelle ?

> Comment les pays doivent faire respecter ces droits de manière appropriée sur leur territoire?

> Comment régler les différends sur la propriété intellectuelle entre les membres de l'OMC ?

> Quels arrangements transitoires spéciaux devraient être appliqués pendant la période de mise en place du nouveau système ?

Cet accord comportait l'obligation, pour chaque pays membre, d'accorder, en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, le traitement prévu dans l'Accord aux personnes des autres membres.

Les signataires de l'accord s'engagent à assurer en la matière l'égalité de traitement pour les ressortissants et pour les étrangers (« traitement national »), et à respecter l'égalité de traitement pour les ressortissants de tous les partenaires commerciaux à l'OMC (« clause de la nation la plus favorisée »).

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§4. En droit interne des Etats

La Propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique sont régies par les principes généraux du droit de la propriété tels qu'édictés par les codes civils et par les textes particuliers qui leur sont applicables telles que les dispositions législatives contenues dans le code de la propriété intellectuelle des Etats. 45

Les dessins et modèles industriels ont un statut hybride en droit français, entre propriété industrielle et propriété littéraire et artistique. Ce statut est en cours de généralisation dans l'Union européenne

Le terme de « propriété intellectuelle » est présent dans le droit français (voir le Code de la propriété intellectuelle). Il est un calque direct de l'anglais, intellectual propert.46

Au niveau européen, une directive sur l'application des droits de propriété intellectuelle, comme les droits d'auteur et les droits voisins, les marques commerciales, les dessins ou les brevets a été adoptée le 29 avril 2004. Elle exige que tous les États membres mettent en place des moyens de recours et des sanctions effectifs, dissuasifs et proportionnés contre les auteurs des actes de contrefaçon et de piratage, en créant ainsi une égalité de traitement entre les titulaires de droits dans l'UE. Or, force est de constater que les pratiques nationales divergent dans la mise en oeuvre de ce texte et des voies d'amélioration tant au plan européen que national doivent être envisagées47.

Le développement des technologies de l'information et de la communication depuis la fin du XXe siècle a mis en évidence d'une part l'apparition de problématiques nouvelles auxquelles les systèmes classiques de propriété intellectuelle n'étaient pas adaptés, et d'autre part la difficulté à trouver un consensus sur les évolutions envisageables. La multiplication du nombre de procès liés à des questions de propriété intellectuelle est un indice d'insécurité juridique à cet égard, surtout à ce qui concerne la détermination de la loi applicable et la juridiction compétente au droit de propriété intellectuelle.

45 Définition donnée par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle dans Qu'est ce que la propriété intellectuelle ?, ISBN 978-92-805-1156-7, p. 2

46 G. KRIKORIAN; Free Trade Negotiations can be Harmful to your Health HIV/AIDS Policy & Law Review, 2006 ; Volume 11, N°2/3, Décembre 2006. 86-87

47 Respect des droits de propriété intellectuelle - Réponse de la CCIP à la consultation européenne sur l'application de la directive du 29 avril 2004, Chambre de commerce et d'industrie de Paris

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CHAPITRE II. LA PROBLEMATIQUE DE LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE ET LA JURIDICTION COMPETANTE AU DROIT DE PROPRIETE INTELLECTUELLE

Le droit de la propriété intellectuelle est fondé en pratique sur un arbitrage entre l'incitation à créer des innovateurs actuels et la préservation des capacités à utiliser cette conception par les concepteurs futurs. Cet arbitrage est éminemment politique, et la façon dont les droits de propriétés intellectuels, actuels ou espérés, sont répartis entre les agents politiques, aura un impact direct sur les législations adoptées et la façon dont elles seront appliquées en réalité. Très concrètement, on observe une forte demande de protection de la part des détenteurs (e.g. pays développés, artistes au sein de ces pays) et une demande de faible protection de la part des tributaires (e.g. pays en voie de développement, consommateurs de culture).48

Pour palier à ce problème de protection des droits de la propriété intellectuelle surtout ceux qui sont exploitable sur les sites internet, un mécanisme juridique conventionnel devait être mis en place,

Dans ce chapitre, il est question d'analyser les problèmes découlant sur la détermination de la loi applicable en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sur internet (section I), ainsi que la juridiction compétente pour trancher le litige (section II)

SECTION I. DE LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE

La présente section va faire une analyse critique de l'applicabilité de la loi du pays d'origine (§1), la loi du pays de protection (§2) et la loi du contrat (§3).

§1. De La loi du pays d'origine (la lex loci originis)

A. Analyse

La détermination du pays d'origine d'une oeuvre varie selon que celle-ci a été ou non publiée. Le pays d'origine joue un rôle très important pour l'application des règles de droit internationales, et par exemples pour le principe de la réciprocité telle qu'il est employé pour les droits voisins49 ou la comparaison des délais.

48 C. COLOMBET, Grands principes du droit d'auteur et des droits voisins dans le monde : approche de droit comparé, UNESCO, 2ème édition - Paris : Litec, 1992, p.10.

49 Convention internationale sur la protection des artistes, interprètes ou exécutants, des producteurs des phonogrammes, et des organismes de radiodiffusions, signée a Rome le 26 Octobre 1961.

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Selon la Convention de Berne50, le pays d'origine est soit le pays de première publication soit le pays dont l'auteur est ressortissant51. Or, quel est le pays de première publication d'une oeuvre sur internet ? La publication est le fait de mettre des exemplaires de l'oeuvre à disposition de façon à satisfaire les besoins du public52 . Soit, s'agit-il encore avec l'internet de la fabrication d'exemplaires ?

En réalité, sur l'internet, il n'y a probablement plus de pays d'origine pour la plupart des oeuvres qui ne sont disponibles qu'en édition électronique (thèses, ouvrages scientifiques, jeux,...). Pour les autres, soit, celles qui sont saisies après coup dans des banques des données reliées au réseau, le pays d'origine n'a guère vocation à s'appliquer.

Tout au plus pourrait on y avoir un rattachement pour la question de la titularité et de la cession des droits. Très souvent en effet, le pays d'origine est le pays du premier éditeur53. Nonobstant les termes restrictifs de la Convention de Berne, les jurisprudences et les différentes doctrinaires retiennent parfois le critère du lieu de première divulgation afin d'identifier le pays d'origine d'une oeuvre. On se trouve donc en présence de deux conceptions différentes de la notion de pays d'origine d'une oeuvre.

Selon la Convention de Berne54, le pays d'origine est soit le pays de première publication soit le pays dont l'auteur est ressortissant. La question qui se pose ici, est celle de savoir si on peut appliquer les dispositions prescrites par la convention de Berne, ou retenir l'application de la jurisprudence et les doctrines. Or, nombreux, sont les auteurs qui veulent appliquer le droit du pays de l'éditeur au contrat d'édition, parce que l'éditeur fournirait la prestation caractéristique. Je ne partage pas ce point de vue, car qu'est ce qui est plus caractéristique : créer une oeuvre de l'esprit ou faire tourner une imprimante ou un serveur ?55 Dans des cas exceptionnels, le rôle de l'éditeur est certes celui d'un grand rassembleur, d'un architecte de l'oeuvre, pensons aux encyclopédies, sa prestation est caractéristique dans ces hypothèses uniquement56.

50 Article 5 al. 4 de la Convention de berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886.

51 La Convention se réfère également au pays de résidence du producteur pour les oeuvres cinématographiques ainsi qu'au pays d'édification pour les oeuvres d'architecture. Concernant une oeuvre cinématographique, lire par exemple : TGI Paris, 30 mai 1984, RIDA, 1984, n. 122, p. 220.

52 Article 3 al.3 de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre 1886.

53 G. KOUMANTOS, Rapport général au Congrès de l'ALAI de 1996, in Copyright in Cyberspace, Amsterdam, Otto Cramwinckel, 1997, p.261.

54 Article 5al.4 de la Convention de berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre 1886.

55 J.-S. BERGE, La protection internationale et communautaire du droit d'auteur, prec. Note 2, n.519

56 D.NIMMER, brains and other paraphernalia of the digital age, 10 Harvard journal of law and technology 146 ,1996, p.15.

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B. Critique

Les arguments en faveur de la loi du pays d'origine sont bien connus57. On se bornera à rappeler le principal, qui est qu'elle favorise une dissémination des oeuvres en assurant la sécurité des ayants droits, lesquels pourront par exemple identifier plus facilement le titulaire du droit, en sachant que la question est réglée une fois pour toutes, avant que l'oeuvre franchisse les frontières.

En réalité, outre que l'existence d'une longue chaîne de contrats peut compliquer la situation en créant des incertitudes, la sécurité liée à la stabilité du rattachement ne serait un avantage que si le pays d'origine pouvait être facilement identifié58.

Tel n'est pas le cas. S'en remettre à la publication au sens de l'article 3al.3 de la Convention de Berne (fabrication d'exemplaires en nombre suffisant pour satisfaire les besoins raisonnables du public) n'est guère satisfaisant.

Dans le principe déjà, si le rôle capital dévolu à l'acte de publication du point de vue du conflit de lois s'explique par l'idée que « la loi du lieu d'origine du droit d'auteur est identifiée au lieu où l'oeuvre a acquis, pour la première fois, une dimension sociale, c'est-à-dire au lieu où elle a rencontré pour la première fois un public »59, il est difficile de comprendre pourquoi la simple communication au public serait dépourvue à cet égard de toute portée60.

Mais surtout la mise en oeuvre de la solution va soulever des difficultés pratiques pour la diffusion sur les réseaux numériques. Si l'on s'en tient à la conception matérialiste de la publication de la Convention de Berne, il semble logique de considérer que cette diffusion ne vaut pas publication, puisque la simple mise à disposition ne peut sans abus de langage constituer une fabrication d'exemplaires61. Or cela revient à ériger en postulat qu'une oeuvre divulguée pour la première fois sur le réseau n'est pas publiée, alors pourtant qu'elle peut être reçue (et d'ailleurs reproduite) par la planète entière, ce qui, soit dit en passant, est difficile à comprendre pour le commun des mortels, et qui ne permet pas en toute hypothèse de trouver un pays d'origine62.

On peut toujours bien sûr imaginer d'élargir la définition pour y englober la divulgation par l'entremise du réseau. Encore faudra-t-il localiser cette divulgation ?. Le lieu

57 J.GINSBURG, The private international law of copyright in an era of technological change, Hague academy of international law, 1998,p.99.

58 Internet et les Réseaux Numériques, rapport du conseil d'état, Paris, la documentation français, 1998, p.149. 59J.-F.CHASSAING, Internet et le droit pénal, Dalloz 1996, p..329.

60 J.-S. Bergé, op. Cit. p.173.

61 G. KOUMANTOS, op.cit, p.231.

62 Ibidem.

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de l'injection, qui se prête à toutes les manipulations, n'offre pas une sécurité suffisante. Il est plus tentant de désigner le lieu d'établissement de l'opérateur responsable du site63.

Mais l'Internet n'est pas un réseau structuré, et il y est plus difficile de localiser des opérateurs, qui peuvent être de très petite taille, que de retrouver le siège social du producteur de l'oeuvre cinématographique à partir duquel peut être déterminé, par application de l'article 5.4 de la Convention de Berne, le pays d'origine de l'oeuvre.64

Laisser le juge déterminer le pays d'origine en « prenant en compte les circonstances de l'affaire »exclut toute prévisibilité. Reste le domicile ou la résidence de l'auteur, mais la solution n'est pas facile à appliquer au cas, très fréquent, de pluralité d'auteurs.

§2. La loi du pays de protection (lex loci protectionis)

A. Analyse

Quant on parle la loi du pays de protection, on sous entend la loi du lieu de survenance du fait dommageable. L'article 5 al.2 de la Convention de Berne ne dispose que la loi du pays où la protection est demandée règle « (...) l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits (...) »65. Il est difficile d'identifier avec l'exactitude le lieu de survenance du fait dommageable parce que l'internet n'a pas d'espace. L'internationalité de l'internet rend le fait dommageable d'être localiser ou observer sur toute l'étendu de l'espace terrestre.

En soi, l'application de la lex protectionis est possible lorsqu' une violation de droit de propriété intellectuelle se fait grâce à l'internet mais débouche sur des actes matériels dans un pays précis pour lequel on revendique la protection66.

Exemple : Ainsi, le célèbre film d'un Rwandais reconnu sous le nom « hôtel Rwanda » de Mr RUSESABAGINA Paul67 sur le génocide Tutsi de 1994 peut être interdit de publication au Rwanda ; mais, on peut le faire venir sur un site en France ; de là, quelqu'un peut le décharger ; puis le graver ou l'imprimer en Italie ; et vendre des exemplaires sur des CD en Suisse.

63 A. Lucas, Droit d'auteur et numérique, Litec, 1998, p.100.

64 L'article 2 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

65 L'article 5 al.2 de la Convention de Berne de 1886.

66 N. GAUTRAUD, Internet, le législateur et le juge, dossier spécial internet, gaz. Du palais, 25-26 octobre 1996, p.63.

67 L.COSTES, Quel cadre juridique pour internet ?, supplément du droit de l'informatique, n0 98, décembre 1997,p.1

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La loi de la protection sera celle de chacun des quatre lieux pour lesquels les droits sont violés ; c'est-à-dire, le droit de communication publique au Rwanda, le droit de reproduction électronique en France, le droit de reproduction d'exemplaire gravées ou imprimées en Italie, le droit de mise en circulation (ou de distribution) en Suisse. Selon les conclusions de l'éditeur, l'un ou l'autre de ces droits s'appliquera.

B. Critique

La loi du pays de protection présente, des avantages très évidents. Il est plus logique d'appliquer le même droit à toutes les atteintes subies dans un même pays68. Cela est également plus simple en pratique lorsque ce droit est en même temps le droit du for, ce qui, on l'a dit, est fréquent. Au contraire, la loi du pays d'origine qu'on a vu précédemment est souvent difficile à connaître pour le juge, « ce qui laisse beaucoup de champ libre pour le meilleur plaideur »69 .

L'objection majeure qui lui est opposée est qu'elle se ramène en réalité à la lex loci delicti, (loi du lieu de l'acte dommageable) laquelle ne prendrait en compte que l'atteinte au droit. Or ce droit existe avant toute violation et il est indispensable de savoir dès l'origine quelle loi va le régir, sans avoir à attendre qu'il soit méconnu.

On peut répondre que l'expression « loi du pays de protection » permet précisément de dissiper cette équivoque70. Il ne s'agit pas seulement de la loi applicable à l'action en responsabilité civile consécutive à la violation, mais bien de la loi applicable à l'exploitation du droit sous toutes ses formes, même si, dans la pratique, c'est le droit d'interdire et non le droit d'autoriser (pour reprendre une formulation classique, et d'ailleurs critiquable) qui va susciter des difficultés.

Quid de la juridiction compétente en cas de violation des Droits de propriété intellectuelle sur internet

Le recours partiel à la loi du pays d'origine est le plus souvent justifié par l'argument de la sécurité juridique. En effet, pour les tenants de cette thèse, s'en remettre à la seule loi du pays de protection risque de poser d'importants problèmes de prévisibilité et de sécurité juridique car le titulaire du droit peut changer lorsque l'oeuvre concernée franchit une frontière.

68 G. KOUMANTOS, op.cit, p.217.

69 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, Le droit d'auteur, du logiciel au multimédia, préc., note 27, n.511.

70 J.-S. Bergé, op. cit., n.204.

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Ainsi, pour Jane GINSBURG, si « c'est aux pays où l'oeuvre est accueillie de veiller à la floraison, (...) leur jardinage ne remet pas en cause l'identité de la souche »71. La titularité initiale constituerait, dans l'optique retenue par cet auteur, une question préalable réglée par la loi du pays d'origine.

L'argument est à première vue séduisant. Selon nous, il ne résiste cependant pas à l'analyse, et ce pour quatre raisons au moins72. L'identification du pays d'origine pose tout d'abord problème compte tenu de la définition très restrictive de la publication que retient la Convention de Berne, qu'il semble difficile d'écarter. S'en remettre à un critère de rattachement principal insatisfaisant, voire inapplicable, ne présente pas d'avantage significatif en termes de sécurité juridique73.

Par ailleurs, il est artificiel de séparer les questions de la détermination de l'auteur et de sa protection et de les soumettre, le cas échéant, à deux lois distinctes. Séparer le droit d'auteur de son titulaire est dangereux car le droit d'auteur ne peut être défini que par référence à son titulaire, l'auteur. En effet, le droit d'auteur a notamment pour finalité la défense de la personnalité de l'auteur, qui s'exprime au travers de son oeuvre.

Régler la titularité des droits et leur protection selon deux lois distinctes pourrait amener à de nouveaux problèmes dans l'hypothèse de contradictions entre les différentes lois désignées.

L'argument de la sécurité juridique est ici un leurre. Si le renvoi à la loi du pays d'origine pour la question de la titularité originaire des droits permet d'identifier une loi unique, il ne fait en réalité que déplacer l'insécurité juridique compte tenu des difficultés évoquées ci-avant. Pour certains, s'en remettre à la loi du pays d'origine ne peut en outre que conduire à des « incohérences discriminatoires » entre auteurs (ainsi, une même création pourrait ou non être protégée sur un territoire donné en fonction de la nationalité de l'auteur). Cet argument n'est donc nullement décisif.

Les partisans d'une application partielle de la loi du pays d'origine invoquent également la préexistence du droit avant toute atteinte qui y serait portée. Mais cet argument semble inconciliable avec la position adoptée par la jurisprudence en matière de droits de la personnalité. Il est incontestable que le droit au respect de la vie privée ou le droit à l'image existent préalablement à toute atteinte qui y serait portée. Or, la jurisprudence se prononce en faveur de l'application de la seule loi du lieu de l'acte dommageable (lex loci delicti).

71 Jane GINSBURG

72 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.30

73 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 126

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Nonobstant certaines faiblesses rédactionnelles de la Convention de Berne, il est difficile de contester la portée générale de la règle de conflit de lois énoncée à l'article 5 al.2, car en désignant « l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur »74, c'est bien tant la jouissance que l'exercice du droit d'auteur que vise le texte conventionnel75. L'application partielle de la loi du pays d'origine au-delà des hypothèses strictement définies par la Convention de Berne nous semble donc inconciliable avec les termes de l'article 5 al.2. On pourrait toutefois être tenté de trouver un fondement à cette thèse dans une interprétation a contrario de l'article 14bis, 2, a, qui réserve à la loi du pays de protection la détermination du titulaire du droit d'auteur afférent à une oeuvre cinématographique, mais pareille interprétation se heurterait à la lettre de l'article 5 al.2 précité. Si l'application générale de la loi du pays de protection peut constituer un inconvénient pratique pour l'exploitant qui souhaite exploiter une oeuvre de l'esprit sur plusieurs territoires, cette règle de conflit de lois constitue un avantage du point de vue de l'utilisateur des oeuvres. En effet, l'utilisateur sait que l'usage d'une oeuvre sur un territoire donné sera régi par la seule loi de ce pays, ce qui confère une prévisibilité certaine dans son chef76. Par contre, une référence partielle à la loi du pays d'origine nécessiterait de la part de l'utilisateur une délicate démarche de recherche et de compréhension du droit étranger (sans négliger les éventuels problèmes d'articulation entre les différents droits applicables)77.

SECTION 2. DE LA DETERMINATION DE LA JURIDICTION COMPETANTE

Le problème de la loi applicable au droit de propriété intellectuelle n'est pas sans lien avec celui de la compétence juridictionnelle, mais les deux n'en doivent pas moins être soigneusement distingués.

L'attention s'est focalisée sur deux lois qui se font concurrence, et qu'il est d'usage de désigner comme la loi du lieu d'émission du site internet très souvent identifié par le nom de domaine litigieux (§1) et loi du lieu de réception du site internet identifié par le nom de domaine litigieux, qui est le lieu du dommage (§2).

74 Article 5al.4 de la Convention de berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre 1886, précité.

75 A. LUCAS, op. cit. p. 130, n°257

76 A. Lucas, Rapport de la commission spécialisée portant sur la loi applicable en matière de propriété littéraire et artistique, 31p.

77 Ibidem.

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§1. Analyse de la théorie d'émission (loi du pays d'émission)

La loi du pays d'émission, entendu initialement d'un point de vue technique comme le pays dans lequel le signal a été injecté dans le réseau, et regardé désormais, d'un point de vue plus juridique, comme le pays où l'exploitant est installé.

La théorie de l'émission semble en effet plus appropriée, et elle a notamment été retenue par la Directive européenne "Télévision sans frontière" n° 89/552/CEE du 3 octobre 198978. Transposée au droit pénal international, elle présenterait l'avantage incontestable de permettre d'appréhender le véritable auteur des faits (c'est-à-dire l'auteur ou le diffuseur du message incriminé, l'auteur de l'atteinte à un système...) et de le faire juger devant le tribunal du lieu de commission de l'infraction79 . La commission étant entendue ici comme comprenant l'élément intentionnel et l'élément matériel de l'infraction, à l'exception des conséquences dommageables, qui parfois entrent également dans le texte d'incrimination en qualité d'éléments constitutifs80, et bien entendu, selon la loi du lieu du délit.

Tout ceci bien entendu sous réserve que la loi d'émission soit aussi celle de l'auteur de l'infraction. Mais, dans le cas contraire, le conflit positif de compétence susceptible d'en résulter pourrait être alors résolu par la mise en place d'un second critère de compétence, choisi parmi ceux que nous examinerons plus loin81.

Même si la loi du pays d'émission a le mérite de l'unicité et de la prévisibilité, ce qui est essentiel aux yeux des opérateurs dont certains ont espéré que les réseaux numériques puissent être des espaces sans droit, elle introduit des biais concurrentiels importants entre opérateurs présents sur un même marché en les soumettant à des contraintes très diverses selon le pays d'où ils émettent. Il ne fait pas de doute qu'en l'absence d'harmonisation entre les législations nationales, notamment au regard des exceptions au droit exclusif, les exploitants de certain pays seraient certainement perdants dans une telle confrontation82.

Du point de vue des auteurs et des titulaires de droits voisins, le principal risque à conjurer est la délocalisation des exploitants vers des «paradis numériques» où la réglementation ferait bon marché de leurs droits83. Même si ce danger ne doit pas être exagéré

78 J -F. CHASSAING, op cit. p. 329.

79 M. VIVANT, Cybermonde, droit et droits des réseaux, La semaine juridique JCP, 1996, I, 3969, n. 6.

80 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.33.

81 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 154,

82 Ibidem.

83 F. DESSEMONT, Internet, le droi. d'auteur et le droit international privé, LJZ 92, 1996, p.289.

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dès lors que le pays d'émission est défini comme celui d'établissement de l'émetteur et non simplement d'injection du signal, il n'a rien de virtuel84.

§2. Analyse de la théorie de réception ( lex ratione loci)

La question qui demeure est celle de la localisation du fait dommageable et plus précisément de l'éclatement de la lex loci delicti. Le choix reste à faire, entre la loi du fait générateur et celle du lieu de la réalisation du dommage. Quelle sera la juridiction compétente à appliquer? L'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale précise que: « Sous réserve des dispositions de la présente Convention, les personnes domiciliées sur le territoire d'un état contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cette état »85.

Ceci attribue la compétence au juge de l'état du domicile ou du siège social du défendeur. L'article 5.3 dudit Convention ajoute que « le défenseur domicilié sur le territoire d'un état contractant peut être attrait, dans un autre état contractant, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit »86.

Néanmoins, l'application de la loi du lieu de réception qui ne pose pas de problème quand les éléments de l'infraction se rattachent à un seul territoire, pose un problème quand les éléments de rattachement de l'infraction se rattachent à plusieurs pays. Ceci crée un conflit de juridictions et pourra aboutir à une contradiction dans les jugements.

La théorie qui consiste à appliquer la loi du pays de réception, c'est à dire celle du lieu où le préjudice est subi, peut-être intéressante en ce qu'elle permet de "contrôler in fine le contenu des services et permet d'assurer effectivement l'exécution des décisions de justice87. Au surplus, elle garantit le principe de souveraineté nationale"88. Cette option est d'ailleurs celle qui semble être préférée de la jurisprudence, comme le note L. COSTES89, lequel lui accorde également sa faveur.

Elle présente pourtant le défaut majeur de ne pas résoudre quelque problème comme par exemple l'individu qui envoie un message sur internet doit ici le faire dans le respect de tous les droits de la planète, sous peine de voir un pays quelconque entrer en condamnation à son encontre.

84 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.41

85 L'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

86 Article 5, ibidem.

87 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.23

88 N.GAUTRAUD, op.cit, p.246.

89 L. COSTES, op.cit.,p.1.

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Cela revient, d'une part à supprimer toute liberté d'expression sur internet et d'autre part à ignorer une réalité, quand bien même celle-ci serait en désaccord avec les textes : il est déjà relativement difficile de ne pas ignorer sa propre loi, que l'on soit profane ou juriste, il est alors inconcevable de demander à quiconque de connaître celles des pays qui lui sont voisins.

§3. Applicabilité de la théorie d'émission et de réception

Dans une première approche, technique, le pays d'émission est déterminé à partir de la définition même de la communication au public ou, pour les systèmes juridiques qui en font une prérogative distincte, de la mise à disposition du public, telle qu'elle résulte des traités de l'OMPI de 199690.

Le raisonnement est simple, puisque le droit exclusif s'exerce dès cette mise à disposition, l'acte de violation doit être considéré comme accompli au lieu où elle se réalise. Les partisans de la loi du pays d'émission ainsi entendu soutiennent que seule cette loi doit régir les questions laissées à la lex loci protectionis.91

Les partisans de l'application des différentes lois des pays de réception répondent que tout acte d'exploitation, en droit de propriété intellectuelle, est orienté vers le public, et qu'il est donc normal de localiser à partir de cette cible le centre de gravité d'une exploitation donnée92. Ils font valoir que cette analyse se justifie d'autant plus en cas de diffusion sur les réseaux numériques qu'on est en présence d'un « consommateur » actif qui prend l'initiative de chaque utilisation, ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour la radiodiffusion par satellite93. Et surtout, ils objectent que l'application exclusive de la loi du pays d'émission à partir d'une localisation technique permet toutes les manipulations. Ce qui est en cause concrètement est le risque de délocalisation vers des pays d'émission connaissant un niveau de protection moins élevé, risque bien réel compte tenu des différences notables qui existent entre les législations nationales, particulièrement pour les exceptions au droit exclusif, et de l'extrême facilité qu'il y a sur les réseaux numériques à manipuler le lieu d'injection94.

Cette objection est assez sérieuse pour avoir conduit la plupart des partisans de la loi du pays d'émission à changer leur fusil d'épaule et retenir, non pas le lieu d'injection matérielle dans le réseau, mais le lieu d'établissement du responsable de la diffusion, qui se

90 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.19

91 F. DESSEMONT, op.cit, p.7

92 Ibidem.

93 Ibidem.

94 A. Lucas, op. cit. p. 130, n°231

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prête moins à de telles manipulations, et qui offre au surplus l'avantage d'être plus facile à déterminer.

La stabilité de ce rattachement le rend assurément séduisant. Mais, outre qu'il ne conjure pas totalement le danger de manipulations, on doit rappeler que la circulation des oeuvres sur les réseaux numériques n'est pas, le plus souvent, et sera sans doute de moins en moins le fait de véritables exploitants professionnels95, ce qui met en cause la pertinence de l'approche et complique, en tout cas, la mise en oeuvre de la règle.

Ensuite et surtout, le débat se déplace du terrain de la technique juridique vers celui de l'opportunité96. Les arguments sont bien connus. Les partisans de la loi du pays d'émission mettent en avant la sécurité juridique du diffuseur, en faisant valoir qu'il ne saurait être contraint de respecter quasiment toutes les lois de la planète, comme cela résulterait de l'application des différentes lois des pays de réception.

Les partisans de ce dernier système répondent qu'il est parfaitement arbitraire de préférer la sécurité juridique du diffuseur à celle du titulaire du droit et que si la solution ne peut passer que par le choix d'une loi unique, la loi de la résidence de ce titulaire (ou de la société de gestion collective à laquelle il adhère, plus facile à connaître pour le diffuseur) pourrait tout aussi bien faire l'affaire97. Jouent également en ce sens la territorialité traditionnelle de la loi pénale, laquelle s'imbrique étroitement avec la loi civile en matière de droit de propriété intellectuelle, et le fait que l'application exclusive de la loi du pays dans lequel est installé le responsable de l'émission permettrait à celui-ci d'exporter dans le monde entier ladite loi, ce qui est difficile à accepter pour les états jaloux de leur souveraineté, qui savent bien que le système favoriserait les pays développés où seront le plus souvent localisés les diffuseurs. Tous ces arguments paraissent s'équilibrer. C'est dire que le choix de faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre est bien politique (au sens large)98.

On comprend donc la circonspection des tribunaux, dont un exemple frappant est fourni par une décision de la Cour suprême du Canada rendue le 30 juin 2004 dans l'affaire Société canadienne des auteurs, compositeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs internet99. Il s'agissait de savoir si les activités des intermédiaires ouvraient droit à redevances dès lors qu'elles concernaient des oeuvres musicales téléchargées au Canada à partir d'un serveur localisé dans autre pays. La Cour suprême, par la plume du Juge

95 F. DESSEMONTET, op.cit.p.39

96 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 204

97 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.30

98 H. Desbois, Le droit d'auteur en France, Paris, Dalloz, 3e éd., 1978, n.791 bis.

99 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 156

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BINNIE100, estime que le critère faisant dépendre l'existence d'une communication au Canada de la localisation du serveur dans ce pays est « trop mécanique et trop rigide ». Pour elle, « l'applicabilité de la loi sur le droit d'auteur à une communication à laquelle participent des ressortissants d'autres pays dépend de l'existence entre le Canada et la communication d'un lien suffisant »101.

Dans cette optique, « le lieu de réception peut constituer un facteur de rattachement tout aussi "important" que le lieu d'origine ou d'émission (sans compter l'emplacement physique du serveur hôte, qui peut se trouver dans un pays tiers »)102.

Pour les communications sur internet, « le facteur de rattachement pertinent est lex situs103 du fournisseur de contenu, du serveur hôte, des intermédiaires et de l'utilisateur final », étant précisé que « l'importance à accorder au situs de l'un d'eux en particulier varie selon les circonstances de l'affaire et la nature du litige »104. Force est de reconnaître que les pistes ainsi ouvertes restent trop vagues pour donner aux opérateurs la sécurité à laquelle ils aspirent légitimement.

En faveur de la loi du fait générateur, on invoque principalement le fait qu'il pourrait apparaître choquant qu'un individu puisse être déclaré responsable en application de la loi du lieu du préjudice, alors pourtant que l'acte était licite dans le pays où il a été commis105.

A l'inverse, en faveur de la loi du préjudice, on invoque le fait que c'est cette loi que la victime a le plus de chance de connaître. En outre, la loi du fait générateur serait trop favorable à l'auteur du délit, notamment en matière de communication via l'Internet, puisqu'il a radicalement la possibilité de choisir le pays d'émission106. Enfin, la loi du lieu du préjudice a l'avantage de mieux refléter les fondements actuels de la responsabilité civile, qui résident plus dans l'existence du préjudice que dans de la faute, en raison du développement de nombreuses responsabilités objectives, c'est-à-dire sans faute.

Pendant longtemps la jurisprudence française a été favorable à la compétence de la loi du lieu du dommage la lex loci damni arrêt « Horn y Prado » de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 février 1983)107. Mais dans son état le plus récent, la jurisprudence

100 J. RAYNARD, Droit d'auteur et conflits de lois, Paris, Litec, Bibliothèque de droit de l'entreprise, 1990, n.651

101 E. ULMER, La propriété intellectuelle et le droit international privé, préc., note 4, n.76-77.

102 T. DREIER, in Copyright in Cyberspace, préc., note 12, p.301.

103 J. C. GINSBURG, Private international law aspects of the protection of works and

Objects of related rights transmitted through digital networks, Doc. OMPI GCPIC/2, 1998, p.32.

104 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 133.

105 Ibidem.

106 Idem. p. 65.

107 Arrêt « Horn y Prado » de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 février 1983.

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de la Cour de cassation semble admettre que, par principe, l'existence de la loi du lieu du fait générateur et la loi du lieu du dommage ont égale vocation à s'appliquer.

Le principe de proximité permettant de les départager aux vues des circonstances concrètes.

§4. Quid de la juridiction compétente en cas de violation des Droits de propriété intellectuelle sur internet

Du point de vue de la méthode, on doit peser les avantages et les inconvénients comparés d'une localisation objective fondée sur des critères abstraits et de la recherche d'une « proper law » ayant les liens les plus étroits (closest connection) avec la situation d'espèce.

La loi d'émission prend mieux en compte l'impératif de prévisibilité (voire de lisibilité), essentiel dans l'environnement numérique, là où la loi de réception a l'avantage de la souplesse, ce qui explique sans doute le succès qu'elle rencontre aujourd'hui. Peut-être une des solutions de compromis consiste-t-elle à désigner une loi présumée être la plus adaptée, en laissant aux parties le soin de renverser cette présomption en démontrant l'existence d'autres points de contact108.

Sur le fond, on peut songer à des correctifs de portée limitée à travers des rattachements alternatifs ou en cascade, par exemple, les partisans de la loi du pays d'émission diront que cette loi devra être écartée si elle n'est pas assez protectrice, et les partisans des lois des pays de réception diront que la loi en cause sera écartée si elle ne pouvait être raisonnablement prévue par l'opérateur.

Le premier correctif séduira tous ceux pour qui le seul défaut de la loi du pays d'émission est de faire courir le risque de délocalisations. Le tout est de savoir à quel niveau situer l'exigence. Si le test doit être considéré comme satisfait par le seul constat que le pays d'émission est signataire de l'Accord ADPIC et des traités de l'OMPI de 1996109, le rattachement in favorem auctoris est sans réelle portée, et la garantie pour les auteurs illusoire, tant est modeste l'harmonisation réalisée par ces instruments internationaux sur le terrain du droit substantiel, tout particulièrement en ce qui concerne les exceptions au droit de propriété intellectuelle.

Le second correctif a des précédents dans d'autres domaines. Il permettrait sans doute, s'il était mis en oeuvre, de montrer que la diversité des lois nationales sur le droit de propriété intellectuelle est moins grande qu'on ne le laisse souvent entendre. Mais on lui reprochera de

108 F. DESSEMONTET, op.cit, p.291,

109 Idem, p.167

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ne pas être à la hauteur des angoisses suscitées chez les opérateurs par la perspective d'une application des lois de chacun des pays de réception. 110

En tout cas, il serait excessif d'aller jusqu'à lier le succès de l'action à la condition que l'acte soit également illicite au regard de la loi du pays d'émission, comme l'admettait autrefois le droit des pays développé en matière de responsabilité civile avant d'évoluer sur ce point. De manière générale, les rattachements multiples sont difficiles à manier défaut qui se révèle particulièrement gênant dans l'environnement numérique, où la lisibilité de la règle est un impératif majeur à la fois pour les opérateurs et pour les titulaires de droits, de sorte qu'il est difficile d'en faire des modèles. Peut-être ne faut-il pas écarter trop vite les « localisations juridictionnelles », conduisant à lier la compétence législative et compétence juridictionnelle. On partira par exemple de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Fiona Shevill111, permettant à la victime d'une diffamation d'intenter une action en réparation « soit devant les juridictions de l'état contractant du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l'intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque état contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'Etat de la juridiction saisie », pour en déduire que chacun des fors ainsi compétents appliquera sa propre loi matérielle. Cette solution a tous les avantages pratiques d'un compromis112. Elle a évidemment le défaut, que beaucoup d'internationalistes trouveront décisif, de mélanger des questions (compétence juridictionnelle, compétence législative) qui ne relèvent pas de la même logique113.

De plus, elle confère une portée mondiale à la loi du pays d'émission, ce qui peut se révéler redoutable si ce pays ne garantit qu'un très faible niveau de protection. Une autre solution de compromis consisterait à écarter la compétence des pays de réception qui ne sont pas « ciblés » par l'émetteur114. Elle permettrait de répondre à l'objection selon laquelle il est impossible d'exiger des opérateurs qu'ils se conforment à la totalité des lois de la planète.

110 P. SIRINELLI, Les responsabilités sur l'Internet : propos introductifs, synthèse des contributions Internationales, in l'Internet et le Droit, Collection Légipresse, Paris, 2001, p.218-219.

111Arret Fiona Shevill, en ligne sur X, « Arrêts de la cour de cassation française », disponible sur, http://www.droitenligne.com/jurispru/Cass.html , consulté le 20/09/2011

111 Ibidem.

112 L'article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.

113 GABRIEL DE BROGLIE, Le droit d'auteur et l'Internet, PUF, 2001, p.47-48.

114 Idem, p.72

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Mais le critère du « ciblage »115 est bien difficile à mettre en oeuvre, en dehors des cas-limités dans lesquels une oeuvre littéraire est diffusée dans une langue peu utilisée. La vérité est que la langue est de moins en moins, notamment pour les oeuvres musicales et cinématographiques, un élément de segmentation des marchés116.

Plus fondamentalement, il est difficile d'admettre que le critère de destination principale de l'exploitation d'une oeuvre conduise à exonérer totalement les exploitants de leurs responsabilités pour toutes celles de leurs activités qui ont un caractère accessoire. Tout au plus pourrait-on considérer que si l'exploitation ne dépasse pas, dans un pays donné, un « seuil de sensibilité », au sens du droit de la concurrence, les règles auxquelles elle est soumise n'ont pas à être celles de ce pays mais celles du pays d'exploitation principale117.

Dans ce système, il appartiendrait au juge de déterminer au cas par cas si l'exploitation a un caractère significatif ou non en tenant compte de différents critères : la stratégie de l'exploitant, les investissements consentis, la part de chiffre d'affaires réalisée118.

Il lui reviendrait également de déterminer quel est le pays principal d'exploitation dont la loi doit être appliquée, par défaut, étant entendu que si, dans un pays donné, l'exploitation s'avérait vraiment infime, il conserverait, comme c'est le cas actuellement, la possibilité de considérer qu'il n'y a pas de préjudice, ce qui le dispenserait de rechercher quelle est la loi applicable. Toutes ces pistes, et bien d'autres, méritent d'être davantage explorées. Mais, la règle uniforme de conflit ne verra le jour que si les états prennent conscience de sa nécessité.

115 A. Lucas, op.cit., note 48, p.295, n. 583.

116 E. ULMER, op. cit., p.74.

117 F. DESSEMONTET, op.cit.p.75.

118 E. ULMER, op. cit., n.97.

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CHAPITRE III. LES MECANISMES JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELLES ENVISAGEABLES POUR LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE SUR INTERNET

Les mécanismes juridiques (section I) sont des mécanismes prévus dans le cadre de la réglementation et qui, par conséquent sont assortis des sanctions. Ils doivent donc être observés par toute personne concernée sous peine de se voir opposer des sanctions consacrées par la loi, étant donné qu'ils sont l'oeuvre du législateur119 ; ainsi, les mécanismes institutionnels (section II) peuvent être aussi envisagés en vue d'assurer l'efficacité de ces mesures juridiques.

Section I. Les mécanismes juridiques

Trouvant que les méthodes de résolution des conflits issues des autorités étatiques ne répondent pas aux particularités de l'Internet en raison des différences structurelles complexes entre les divers droits nationaux d'une part, et le caractère transfrontière de l'Internet d'autre part, la nécessité des conventions internationales à la matière (§1) ainsi que l'adaptation des conventions et lois existantes aux exigence de la nouvelles technologie (§2) était nécessaire afin d'essayer de combler les lacunes juridiques de la question transfrontière que pose l'Internet ; puis la réparation en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sur internet (§3) sera une solution efficace dans la protection des droits de propriété intellectuelle.

§1. De la nécessite des conventions internationales à la matière

Dès le 19e siècle, la nécessité d'une protection internationale s'est fait sentir dans le domaine de la propriété intellectuelle.

La Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle en 1883 et la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques en 1886 furent les premiers pas vers une mondialisation de la matière120.

Ce besoin d'unification s'explique par la spécificité de la matière. La propriété intellectuelle a pour objet la protection de la création littéraire, artistique et industrielle, elle

119 E. NYIRANKURIJE, « Analyse critique de la législation portant sur l'office de l'ombudsman », UNILAK, 2008, p.46.

120 H. DESBOIS, A. FRANÇON et A. KEREVER, Les conventions internationales du droit d'auteur et des droits voisins, note 4, p. 137.

121 Idem, p.141

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regroupe l'ensemble des droits relatifs aux droits d'auteur et droits voisins, aux brevets d'invention, marques, dessins et modèles.

Aussi, il n'est pas étonnant qu'un tel domaine prétende à l'universalisme. En effet, toute création qu'elle soit littéraire, artistique ou industrielle a vocation à circuler librement, à être exploitée sans connaître de frontière mais en même temps elle ne peut le faire sans être protégé au risque d'être contrefaite.

Ces deux contraintes : universalisme et besoin de protection expliquent la naissance des institutions internationales ainsi que leur rôle.

Il nous a semblé judicieux de présenter quelques conventions selon l'étendue de leur compétence dans la protection du droit de la propriété intellectuelle. Il s'agira de convention internationales avec une vision mondiale de la matière, ce sera le cas de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, conclue le 9 septembre 1866, révisée et amendée à plusieurs reprises, notamment à Paris en 1971 ; convention de Rome, La Convention universelle de Genève de 1952, adoptée par les pays non signataire de la Convention de Berne121.

Toutes ces conventions ont pour finalité de contraindre le contrefacteur, mais ne prévoient pas clairement comment les différends naissent sur l'utilisation de réseaux se résoudre, d'où la nécessité des nouvelles conventions déterminant la loi à appliquer et la juridiction compétente pour trancher le litige.

§2. Adaptation des conventions et lois existantes aux exigences actuelles

Avec la technologie, la croissance économique et le développement a pris un essor très remarquable. Ici, la plus grande question réside dans le fait que le droit n'évolue avec la technologie.

A. Les traités de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)

L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) est une institution spécialisée des Nations Unies créée en 1967 par la signature à Stockholm de la convention instituant l'OMPI pour promouvoir la protection de la propriété intellectuelle. Ses prédécesseurs, les BIRPI (les Bureaux Internationaux Réunis pour la Propriété Intellectuelle) avaient été fondés en 1893 pour administrer la Convention de Berne.

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L'OMPI est chargée de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde entier grâce à la coopération entre États et d'administrer différents traités multilatéraux sur les aspects juridiques et administratifs de la propriété intellectuelle122..

B. L'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle touchant au Commerce (A.D.P.I.C)

L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou accord sur les ADPIC a été conclu entre l'OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle) et l'OMC (organisation mondiale du commerce) à la fin de « l'Uruguay Round » en 1994, et a ouvert une ère nouvelle en ce qui concerne la protection et la sanction au plan multilatéral des droits de propriété intellectuelle123.

L'accord sur les ADPIC réglemente les droits d'auteur et droits connexes, les marques de fabrique ou de commerce, les indications géographiques (y compris les appellations d'origine), les dessins et modèles industriels, les brevets (y compris la protection de nouvelles variétés végétales), les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés et les renseignements non divulgués (y compris les secrets commerciaux)124.

L'accord sur les ADPIC est l'instrument de protection des droits de propriété intellectuelle le plus complet dans ce domaine au niveau international. Cet accord est venu ajouter des obligations à celles des conventions de Paris, Berne, Rome et Washington dans leurs champs respectifs. Tout pays qui devient membre de l'OMC et qui souscrit aux ADPIC s'engage à respecter ces conventions. Les dispositions de cet accord sont directement complémentaires des traités internationaux administrés par le Secrétariat de l'OMPI125.

L'Accord sur les ADPIC exige que tous les Etats membres de l'OMC introduisent dans leur législation des normes universelles minimales pour presque tous les droits dans ce domaine, par exemple le droit d'auteur, les brevets et les marques.

Ces traités doivent être adapter aux situations nouvelles de la nouvelles technologie en vue d'actualiser le système international de protection de la propriété intellectuelle en renforçant les moyens de lutte contre la piraterie, et apporter, une réponse tant à l'essor des nouvelles techniques de diffusion de données qu'au développement d'un droit de communication au public.

122 E. ULMER, op. cit., p.69.

123 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 103.

124 Idem.

125 Idem.

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§3. De la réparation en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sur internet

L'action judiciaire tout comme l'action extra judiciaire, offre la possibilité d'assurer le transfert de la propriété. L'intérêt d'une procédure judiciaire est de pouvoir également mieux réparer le préjudice qui pourrait naitre de la violation du droit de propriété appartenant à quelqu'un d'autre. Tout préjudice doit être réparé en toute son intégralité126.

Le titulaire de droits dont le droit moral ou patrimonial a été violé peut entreprendre plusieurs démarches : il peut utiliser les recours civils prévus par la loi nationale, afin de mettre fin à l'activité illégale et de recevoir une compensation pour le préjudice subi. Si l'activité illégale à causé des pertes financières au titulaire de droits, le tribunal peut aussi accorder des dommages, y compris des dommages punitifs127. La réparation du préjudice passe le plus souvent par l'allocation de dommages et intérêts. Les juges font preuve d'une certaine souplesse dans l'appréciation du préjudice. Il a été ainsi souvent admis une estimation du préjudice en rapport avec les pertes probables.128

En droit civil Rwandais, la réparation du tant moral que matériel doit être réparée129. La réparation du préjudice moral ou matériel couvre différentes situations. Elle a d'abord pour objet de rétablir le préjudicié dans l'état où il serait si la faute n'avait pas été commise. La réparation doit couvrir toutes les composantes de son dommage. Ce sont les règles du droit commun de la responsabilité délictuelle qui sont appliquées130 . La violation ou l'exploitation des droits de propriété intellectuelle sur internet d'une façon illégitime est assimilée à une faute civile délictuelle causant un dommage dont l'auteur doit réparer.

Le principe général sous-jacent à l'octroi de dommages est celui de la « restitutio in integrum» ou de l'exécution par équivalence, c'est-à-dire le paiement d'une somme d'argent représentant la transposition pécuniaire du préjudice, afin de replacer le titulaire du droit d'auteur dans la situation où il aurait été, n'eût été la violation de ses droits de propriété intellectuelle.

126 K. SPOENDLIN, La protection internationale de l'auteur, préc., note 58, p.102.

127 F. DESSEMONTET, op.cit.p.54

128 A. CRUQUENAIRE, La loi applicable au droit d'auteur : état de la question et perspectives : Auteurs & Media 2000, p.210-227, à la p.215.

129 Article 258 CCLIII. 130Ibidem.

131 Ibidem.

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Section II. Les mécanismes institutionnels

Dans cette section, il est question de proposer les mesures institutionnelle pouvant renforcer la mise en oeuvre des mécanismes juridiques déjà énoncées entre autre la mise en place d'une institution multinationale de protection de droit intellectuelles sur internet (§1), la nécessité de l'institut d'arbitrage international pour un litige de propriété intellectuelle (§2).

§1. La mise en place d'une institution multinationale de protection de droit intellectuelles sur internet

Le droit de la propriété intellectuelle, qui vise à réglementer la création et la transmission des oeuvres de l'esprit doit donc se mettre en accord avec les nouvelles facilités apportées par les NTIC (nouvelles technologies de l'information). Il appartient de même à la technique de faciliter l'application des règles déjà existantes, qui, on l'a vu, peuvent dans la plupart des cas s'appliquer. Cependant, le caractère transfrontalier du réseau implique une coopération internationale, non seulement des états, mais aussi des utilisateurs, qui doivent déboucher sur une harmonisation des règles.

De nombreux rapports ont déjà été rédigés afin de tenter de combler les lacunes de la législation131. Mais les différents acteurs de l'internet partent sur des positions parfois tellement divergentes qu'il est difficile de concevoir leur rapprochement. Des conventions internationales s'appliquent également, dans les situations où un élément d'extranéité ne permet pas l'application du droit interne.

Pourtant, certaines solutions s'imposent déjà partout dans le monde entier, par le biais de normes internationales. Les conventions internationales doivent être signées en vue d'assurer la protection des droits intellectuels.

Ces conventions doivent poser des principes et des règles pour assurer la protection des oeuvres et la reconnaissance des droits d'auteur dans les pays signataires des dites conventions. Ainsi ces convention doit être adaptée à la situation actuelle de la nouvelle technologie. Elles doivent encore définir un régime minimal de protection des droits d'auteur applicable dans tous les pays signataires en créant un institut international chargé de contrôler à l'échelle internationale l'utilisation des oeuvres originales et d'assurer à leurs créateurs une rémunération.

L'objet de cet institut est d'aider les ressortissants des États parties à obtenir la protection internationale de leur droit d'exercer un contrôle sur l'utilisation de leurs oeuvres originales et de percevoir une rémunération à cet égard, qu'il s'agisse de romans, de poèmes

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et de pièces de théâtre ; de chansons, de comédies musicales, et ou de dessins, de peintures, de sculptures, et d'oeuvres d'architecture.

§2. De la nécessité de l'institut d'arbitrage international pour un litige de propriété intellectuelle

L'arbitrage constitue un mode de règlement des litiges qui permet de recourir à une ou plusieurs personnes privées, les arbitres, choisies par les parties. Il est de loin la voie de règlement des différends internationaux la plus utilisée à cause la confidentialité, la compétence technique des arbitres, et le moindre formalisme de la procédure.

Les litiges de propriété intellectuelle ont un certain nombre de particularités qui peuvent être mieux abordées dans le cadre d'une procédure d'arbitrage que dans celui de systèmes judiciaires nationaux. Lourdeur, lenteur, absence de confidentialité et finalement insécurité juridique, tels sont les reproches faits à la juridiction étatique. A y regarder de près, les entreprises ont tout intérêt à recourir à l'arbitrage pour ces litiges internationaux de propriété intellectuelle.

Au Rwanda aussi, la loi n° 51/2010 de la 10/01/2010 portant création du Centre International d'Arbitrage de Kigali et déterminant son organisation, fonctionnement et sa compétence a été crée pour essayer de résoudre les problèmes résultant du commerce entre les commerçants et ou entre les commerçants et les particuliers.

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CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION

La résolution des conflits de lois en matière de droit de propriété intellectuelle pose des problèmes indiscutables. L'obstacle majeur à surmonter réside dans la rédaction peu claire des règles édictées au niveau du droit international conventionnel. Les règles de conflit de lois actuelles sont marquées par le concept de territorialité. Il convient néanmoins de rejeter toute application systématique de la lex fori. La seule solution qui nous paraisse conforme aux dispositions de la Convention de Berne consiste à retenir la compétence générale de la loi du pays de protection.

En effet, nonobstant la rédaction imparfaite de l'article 5.2 de la Convention de Berne, c'est la seule interprétation qui ne heurterait pas la lettre de cette disposition. Le renvoi à la loi du pays d'origine devrait dès lors être limité aux hypothèses envisagées par la Convention de Berne.

En outre, le renvoi à la loi du pays d'origine pour certains aspects du droit d'auteur (titularité initiale notamment), préconisé par certains auteurs suivis par une partie de la jurisprudence, ne constitue pas une alternative intéressante par rapport aux problèmes pratiques soulevés par l'application exclusive de la loi du pays de protection. Cette solution apporte en fait plus de questions que de réponses et déplace les problèmes au lieu de les résoudre.

En matière de conflit de lois relatives au droit de propriété intellectuelle aussi, internet semble, à première vue, être porteur de toutes les difficultés dénoncées. Toutefois, ici encore, internet ne soulève aucune question nouvelle mais fait plutôt office de miroir grossissant, marquant de manière très forte le contraste entre la facilité, presque déconcertante, à introduire un contenu dans le cadre d'une diffusion planétaire et la multiplicité des problèmes inhérents à toute exploitation à cette échelle.

Dans le contexte de l'application de la lex loci protectionis à l'internet, s'est posée la question de la localisation de l'acte de transmission numérique.

Comme nous l'avons exposé, la thèse du (des) pays de réception nous semble plus appropriée que celle du pays d'émission, d'une part parce qu'il est difficilement contestable que la diffusion via internet correspond à une exploitation dans chacun des pays de réception et, d'autre part, en raison des difficultés techniques de localisation du point d'émission d'une transmission numérique.

Outre les difficultés techniques de localisation géographique des sites web, se posent de réels problèmes d'identification des auteurs de ces contenus. Aussi, la tentation est grande

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pour les titulaires de droit d'auteur de s'adresser aux intermédiaires techniques (hébergeurs principalement), plus facilement localisables et identifiables.

Les titulaires de droit de propriété intellectuelle estiment ainsi que la détermination de règles adéquates et cohérentes en matière de responsabilité des prestataires techniques constitue « un élément indispensable à l'exercice effectif des droits ». La récente affaire Skynet132 constitue un bon exemple de ce glissement. L'IFPI et la société Polygram ont assigné et obtenu la condamnation du fournisseur d'accès Skynet qui avait refusé de supprimer des pages web qu'il hébergeait et contenant des hyperliens vers des sites mettant à disposition du public des fichiers MP3 illicites. L'action n'était pas motivée sur une violation du droit d'auteur mais sur le caractère illicite du comportement de Skynet, qui aurait refusé de collaborer avec l'IFPI.

Compte tenu des difficultés liées à l'application de la lex loci protectionis dans le contexte d'internet et des problèmes inhérents à la mise en cause de la responsabilité des prestataires de services, une vaste réflexion sur la réforme des règles de conflit de lois existant en matière de droit d'auteur a naturellement vu le jour et différentes solutions alternatives ont été proposées. Ainsi, certains préconisent d'étendre la compétence de la loi du pays d'origine. Cette solution ne nous semble toutefois pas judicieuse, notamment en raison des difficultés inhérentes à l'application cumulative de plusieurs lois aux logiques parfois divergentes.

En outre, le renvoi à la loi du pays d'origine fait peser sur les utilisateurs finaux des oeuvres des contraintes dont la charge devrait selon nous être supportée par les exploitants. En effet, il nous paraît logique que, en l'absence d'harmonisation des règles du droit d'auteur, un exploitant souhaitant exploiter une oeuvre à l'échelle mondiale doit prendre en considération les différentes lois des pays dans lesquels cette exploitation se réalise. Si l'exploitation à un niveau mondial, permise par l'utilisation du réseau internet, offre d'alléchantes perspectives de recettes nouvelles, elle requiert également un plus grand investissement de la part des exploitants. C'est peut-être le mythe de l'exploitation mondiale « sans effort » qui va s'effondrer.

De surcroît, le renvoi à la loi du pays d'origine pose un problème particulier en matière pénale. En effet, le principe de territorialité des lois pénales pourrait mettre en échec les mécanismes (civils) de conflit de lois. M. BERGE objecte que l'établissement de l'infraction pénale repose sur une condition préalable (la protection par le droit d'auteur) qui pourrait être soumise à la loi d'un pays tiers.

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Il n'empêche que l'on peut s'interroger sur la possibilité pour le législateur pénal de sanctionner une atteinte à un droit civil étranger. Il nous semble en effet que le législateur envisage de sanctionner pénalement l'atteinte au droit d'auteur en fonction de sa législation (civile) nationale sur le droit d'auteur.

Ainsi, le taux de la peine et les éventuels éléments intentionnels requis seront adaptés en fonction du degré de protection de la loi civile sur le droit d'auteur dont l'infraction pénale est censée garantir le respect par effet dissuasif. Il serait par exemple choquant que le juge pénal sanctionne une atteinte au droit d'auteur dans l'hypothèse d'une création jugée protégeable selon le droit civil étranger alors que cette création ne le serait pas selon le droit civil du for car c'est seulement ce dernier droit que le législateur pénal a pris en considération. Par ailleurs, dans le contexte particulier d'internet, il convient de ne pas perdre de vue les difficultés techniques de localisation de l'origine d'une transmission numérique.

Enfin, la prévisibilité apparente qu'apporte le renvoi à la loi du pays d'origine à l'exploitant d'une oeuvre est susceptible d'être remise en question par les mécanismes des lois de police et de l'exception d'ordre public international.

Des critères de rattachements de type personnaliste ont également été proposés (domicile de l'auteur par exemple), mais ils posent trop de problèmes du point de vue de la prévisibilité. La compétence générale de la loi du pays de protection nous semble donc la solution la plus appropriée. Un bouleversement du système de règlement des conflits de lois par une remise en cause de la compétence de la loi du pays de protection ne serait pas opportun. Par contre, il pourrait être utile de reformuler les règles de conflit de lois existantes afin de lever certaines équivoques.

Une harmonisation plus poussée de la protection internationale du droit d'auteur est d'autre part vivement souhaitable. Le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur constitue un pas dans la bonne direction. Le projet de directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur dans la société de l'information va également dans ce sens. Aucun de ces textes n'aborde cependant la détermination de la loi applicable au droit d'auteur, ce qui est assez révélateur du caractère délicat de la question.

Ainsi, la portée mondiale d'Internet devrait être mise à profit pour favoriser une plus grande diffusion du contenu des différents droits nationaux en matière de droit d'auteur. Il serait dès lors possible d'assurer une plus grande prévisibilité des différentes solutions juridiques nationales par rapport à un même acte d'exploitation.

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Enfin, comme nous ne prétendons pas avoir épuisé cette étude, nous serons très heureux de voir d'autres chercheurs venir compléter notre travail, en abordant d'autres questions que nous n'avons pas exploitées profondément.

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