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La cour africaine des droits de l'homme et des peuples entre originalités et incertitudes.

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par Mamadou Alpha Kokouma DIALLO
Angers  - Master 1 Droit international et européen 2015
  

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1

UFR Droit, Economie et Gestion, 13, allée François Mitterrand

49 036 Angers Année universitaire 2015-2016

La Cour africaine des droits de l'homme et des

peuples entre originalités et incertitudes

Mémoire de recherche de Master 1
Présenté par DIALLO M. Alpha

Etudiant en Master 1 Droit international et européen

Sous la direction de Madame Bérangère TAXIL, professeure à l'Université

d'Angers

Membre du jury : Monsieur Yannick LECUYER, maître de conférences HDR à
l'Université d'Angers

Soutenu le 02 juin 2016

UFR Droit, Economie et Gestion, 13, allée François Mitterrand 49 036 Angers

Année universitaire 2015-2016

La Cour africaine des droits de l'homme et des

peuples entre originalités et incertitudes

Mémoire de recherche de Master 1
Présenté par DIALLO M. Alpha

Etudiant en Master 1 Droit international et européen

Sous la direction de Madame Bérangère TAXIL, professeure à l'Université

d'Angers

Membre du jury : Monsieur Yannick LECUYER, maître de conférences HDR à l'Université d'Angers

Soutenu le 02 juin 2016

2

LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES

3

PEUPLES ENTRE ORIGINALITES ET INCERTITUDES

SOMMAIRE

4

PARTIE I : La Cour africaine, un organe juridictionnel à vocation continentale

CHAPITRE I : La Cour africaine, un organe prometteur

Section I : Un système juridictionnel novateur institué par le Protocole de Ouagadougou

Section II : La Cour africaine, une institution judiciaire indépendante

CHAPITRE II : La Cour africaine, un organe juridictionnel ambitieux Section I : Une Cour à compétence matérielle large

Section II : Une Cour à compétence personnelle relativement libérale

PARTIE II : La Cour africaine, un instrument fragile

CHAPITRE I : La Cour africaine, un organe à efficacité relative mais perfectible Section I : Les limites juridico-politiques majeures à l'efficacité de la Cour

Section II : La nécessité d'un rude effort de régulation pour une Cour africaine effective

CHAPITRE II : La Cour africaine, une juridiction provisoire

Section I : Le projet de création d'une Cour unique : l'acte de décès de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples?

Section II : Vers une restriction des droits de l'homme en Afrique ?

SIGLES ET ABREVIATIONS

5

AFDI : Annuaire Français de Droit International

AGNU : Assemblée Générale des Nations-Unies

Art. : Article

CADH : Convention Américaine des Droits de l'Homme

CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CEDH : Convention Européenne des Droits de l'Homme

CER : Communautés Economiques Régionales

CE : Conseil de l'Europe

Cf. : Confer

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

COMESA : Marché Commun de l'Afrique Australe et orientale

CEA : Communauté de l'Afrique de l'Est

CIJ : Cour Internationale de Justice

CJUE : Cour de Justice de l'Union Européenne

CJUA : Cour de Justice de l'Union Africaine

CAJDH : Cour africaine de Justice et des Droits de l'Homme

CAJDHP : Cour Africaine de Justice des droits de l'homme et des Peuples

CPI : Cour Pénale Internationale

Com ADHP : Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

Com IADH : Commission interaméricaine des droits de l'homme

6

Cour ADHP : Cour africaine des droits de l'homme et des peuples

Cour EDH : Cour européenne des droits de l'homme

Cour IADH : Cour interaméricaine des droits de l'homme

Dir. : Sous la direction

Doc. : Document

éd. : Editions

FIDH : Fédération internationale des ligues de droits de l'homme

N° : numéro

OEA : Organisation des Etats Américains

OHADA : Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OUA : Organisation de l'Unité Africaine

P. : Page

pp. : Pages

PUF : Presse Universitaire de France

RGDIP : Revue Générale de Droit International Public

RQDI : Revue Québécoise de Droit International

RTDH : Revue Trimestrielle des droits de l'Homme

UA : Union Africaine

UE : Union Européenne

V. : Voir

Vol. : Volume

INTRODUCTION

7

De toute évidence comme l'a souligné le juge et ancien Vice - président de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, Modibo Tounty Guindo : « la création de la Cour africaine a été l'aboutissement d'un long processus ; un si long chemin, construit grâce à la vision, à la conviction, à la détermination et au combat inlassable de femmes et d'hommes pétris d'un idéal tout à fait simple, la liberté dans la dignité, mais ô combien ardu à réaliser, à vivre, à conquérir et à sauvegarder toute une vie »1.

D'un point de vue historique, l'idée de création d'un organe judiciaire africain a été émise pour la première fois en 1961 dans le cadre du Congrès africain sur la primauté du droit tenu à Lagos (Nigéria) par la Commission internationale des juristes2. Dans la déclaration finale intitulée « Acte de Lagos », les congressistes, provenant des différents Etats d'Afrique et de neuf Etats d'autres continents, avaient suggéré l'adoption d'une « Convention africaine des droits de l'homme prévoyant notamment la création d'un tribunal approprié et des voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats signataires »3.

C'est vingt ans plus tard que le projet de création d'une Cour africaine trouvera ses débuts de concrétisation par l'adoption de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples4 (ci-après dénommée : la Charte) lors de la 18e Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA5 du 24 au 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya), qui est entrée en vigueur le 21 octobre 1986.

L'adoption de la Charte a jeté les bases d'un long processus de mise en place d'un organe de protection des droits de l'homme sur le continent africain. Ce processus a lentement et progressivement évolué et s'est construit par la consécration par la Charte de la

1 Modibo Tounty Guindo (Juge et ancien Vice-président de la Cour africaine), in guide FIDH « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de justice et des droits de l'homme », disponible sur www.fidh.org/fidh@fidh.org, publié le 11 mai 2010, pp. 13.

2 La Commission Internationale des Juristes (CIJ) est une ONG internationale créée en 1952. Elle oeuvre pour le développement et la mise en oeuvre du Droit international des droits de l'homme, du Droit international humanitaire ; veille à la réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ; assure la séparation des pouvoirs et la préservation de l'indépendance de la justice et des professions juridiques. Elle a son siège à Genève (Suisse).

3. OUGUERGOUZ (F.), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale», AFDI, 2006. p213-240, p. 213.

4. NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014) », Rev. trim. dr. h., 2015, pp. 367-391.

5 Devenue Union Africaine (UA) en juillet 2002.

8

Commission africaine des droits de l'homme et des peuples6 (ci-après dénommée : la Commission) et, l'adoption du Protocole relatif à la Charte africaine portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée : le Protocole) le 10 juin 1998 à Ouagadougou.

L'adoption de ce Protocole dans le cadre de l'OUA marque donc formellement la volonté des Etats africains de créer un mécanisme concret de sanction des violations des droits de l'homme en Afrique7.

L'originalité et la spécificité de la Charte africaine réside dans le fait qu'elle protège un large éventail de droits. Contrairement aux conventions européenne et américaine des droits de l'Homme, la Charte africaine comprend des articles visant à protéger non seulement les droits civils et politiques (articles 2 à 14) mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels (articles 15 à 18). Associant la tradition des valeurs africaines et la modernité des droits universellement reconnus, la Charte reconnaît aussi les droits des peuples (articles 19 à 24). Ainsi, la Charte comprend des éléments novateurs liés à l'histoire de la civilisation africaine, tout en s'inscrivant largement dans la continuité des autres instruments juridiques régionaux et internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme.

Mais à la différence des Conventions européenne8 et américaine9 des droits de l'homme, la Charte africaine ne prévoyait pas la création d'une Cour. Lors de son élaboration, deux tendances se sont opposées à propos de la création d'une Cour africaine. Le courant majoritaire et qui l'emportât, militait en faveur du rejet de l'idée de création d'une Cour. L'argument principal des partisans de cette thèse était fondé sur le respect des traditions juridiques africaines, qui privilégient la conciliation sur le règlement judiciaire des litiges10. Les partisans du courant favorable à la création d'une Cour estimaient quant à eux que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, telle qu'elle était conçue dans la

6 Sur la Commission, voir notamment OUGUERGOUZ (F.), « La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples : présentation et bilan d'activités 1988-1989) », AFDI, vol. 35, 1989, pp. 557-571.

7. NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014) », op. cit., p. 369.

8 La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe en 1950.

9 La Convention américaine des droits de l'homme adoptée dans le cadre de l'Organisation des Etats Américains en 1969.

10 Voir Mutoy MUBIALA, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mimétisme institutionnel ou avancée judiciaire ? », in R.G.D.I.P., 1998-3, p. 765

9

Charte n'était pas suffisamment outillée pour assurer une protection efficace des droits de l'homme et des peuples sur le continent africain11.

Le refus à l'époque de créer une Cour pour assurer le contrôle de la Charte résultait sans doute de la méfiance longtemps entretenue par les Etats africains à l'endroit des mécanismes juridictionnels de règlement des différends pour préserver la souveraineté fraichement acquise12.

A l'absence donc d'un organe juridictionnel, c'est la Commission, créée par la Charte (article 30) et entrée en fonction le 2 novembre 1987 qui exerce le rôle d'organe de promotion et de protection des droits de l'homme sur le continent conformément à la mission qui lui a été confiée par la Charte (article 45). Mais suite à des nombreux problèmes liés notamment à l'absence de force contraignante de ses décisions, de leur application par les Etats, est née la nécessité de créer un véritable organe juridictionnel garantissant efficacement le respect des droits l'homme en Afrique.

C'est dans le souci de l'inefficacité de ce mécanisme que l'un des « pères fondateurs » du système africain de protection des droits de l'homme, le juge Kéba M'BAYE affirmait en 1992 :

« Il faut bien sûr reconnaître qu'il est loin d'être parfait. Il y manque notamment une Cour des droits de l'homme. Mais ce n'est pas une omission [...]. Néanmoins, le moment est venu de revenir sur la question. »13

C'est ainsi qu'a été officiellement lancé le processus d'élaboration du Protocole à la Charte portant création d'une Cour régionale lors de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA tenue à Tunis (Tunisie) en juin 1994. Quatre ans plus tard, le 10 juin 1998 à Ouagadougou (Burkina Faso), à l'occasion de la 34e session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement a été adopté le Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. En réalité, « L'entrée en vigueur du Protocole, six ans plus tard, soit le 25 janvier 2004, va libéraliser le processus d'opérationnalisation de la Cour, pour lequel il aura fallu attendre près de deux ans pour sa mise en place, notamment par l'élection des premiers juges ; il a fallut trois années

11 Ibid., p. 765.

12 Ibid., p. 768.

13 M'BAYE Keba, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992, p. 266, cité par Mutoy MUBIALA, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mimétisme institutionnel ou avancée judiciaire ? », op. cit, p. 768.

10

supplémentaires avant que la Cour, confrontée à des problèmes de siège, d'installation et d'élaboration de son règlement intérieur, ne rende enfin son premier arrêt, le 15 décembre 2009 »14.

Il ressort de l'article 2 du Protocole, que la Cour « complète les fonctions de protection que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples a conférées à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ».

Avec donc la création de la Cour, l'Afrique à l'image de l'Europe et de l'Amérique se dote d'une instance qui complète le rôle de la Commission africaine pour une meilleure protection des droits de l'homme sur le continent.

La Cour est compétente selon l'article 3 du Protocole « pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du [...] Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés ». Comme traditionnellement consacré, « en cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ». Et l'article 4 précise qu'elle dispose aussi d'une Compétence consultative : « A la demande d'un Etat membre de l'UA et de tout organe de l'UA ou d'une organisation reconnue par l'UA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme à condition que l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission ».

De même, l'article 5 du Protocole établi quant à lui une liste des personnes, entités ou instances qui peuvent saisir la Cour pour dénoncer la violation d'un droit garanti par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de homme par un Etat qui a ratifié le Protocole. En revanche, la saisine de la Cour par les individus et les Organisations non gouvernementales (ONG) constitue l'une des limites majeures de la Cour même s'ils peuvent tenter de contourner cet obstacle par le biais de la Commission.

Le Protocole instituant la Cour en son article 5 alinéa 3 prévoit que « la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales dotées de statut d'observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle

14. NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014) », op. cit., pp.369-370.

11

conformément à l'article 34(6) de ce Protocole ». Et cet article 34(6) se lit en ces termes : « A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait cette déclaration ». Cette disposition constitue visiblement un véritable verrou juridique et explique donc le fait que la majorité des arrêts rendus par la Cour sont des arrêts d'irrecevabilité pour incompétence.

A la date du 5 février 2016, avec la ratification par la République du Tchad le 27 janvier 2016 du Protocole et le dépôt de son instrument de ratification au siège de l'UA15, 30 Etats membres de l'Union sur les 54 ont désormais ratifié le Protocole. Et à ce jour, seulement huit (8) Etats parmi eux ont fait la déclaration facultative d'acceptation de la compétence de la Cour conformément à l'article 34(6). Il s'agit : du Burkina Faso, de la Cote d'Ivoire, du Ghana, du Malawi, du Mali, du Rwanda, la Tanzanie et le Bénin depuis le 8 février 2016 (date du dépôt de la déclaration).

La Cour à l'instar de la Commission est composée de 11 juges, ressortissants des Etats membres de l'UA. Le nombre de juges est réparti suivant les régions d'Afrique : 2 juges pour l'Afrique de l'Est, 2 juges pour l'Afrique centrale, 2 juges pour l'Afrique du nord, 2 juges pour l'Afrique du sud et 3 juges pour l'Afrique de l'Ouest. La Cour ne peut pas comprendre deux juges de même nationalité. Ils sont élus après leur nomination par leurs Etats respectifs, à titre personnel parmi les juristes africains jouissant d'une très haute autorité morale, d'une compétence et d'une expérience judiciaires et académiques reconnues dans le domaine de droits de l'homme. Les juges sont élus pour un mandat de 6 ans renouvelable une fois.

En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour, il faut dire que contrairement aux Cours européenne et interaméricaine des droits de l'homme, elle est naissante et trop peu abondante.16

De 2008 à 2010 la Cour n'a été saisie que d'une seule affaire.17 Ce premier arrêt de la cour africaine est appelé à compter dans les « annales judiciaires africaines »18. Aujourd'hui,

15 Pour des raisons de commodité, le terme `'Union Africaine» (UA), qui correspond aujourd'hui à l'entité que l'on connaît, sera ici utilisé de manière générique afin d'éviter l'utilisation de la dénomination la plus ancienne « Organisation de l'Unité Africaine » (OUA).

16 NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014) », op. cit., p. 380.

17 Affaire 001/2008 : Michelot Yogogombaye c. Sénégal, arrêt rendu le mardi 15 décembre 2009.

12

la Cour a rendu une trentaine de décisions dont 3 arrêts sur le fond19 - le premier contre la Tanzanie et les deux autres contre le Burkina Faso -, des ordonnances portant des mesures provisoires ainsi que des arrêts sur des exceptions préliminaires. Ces différentes décisions témoignent que la Cour est entrain d'imposer sa marque sur le terrain de la protection des droits de l'homme en Afrique

Malgré le développement progressif des activités de la Cour, des interrogations subsistent encore quand à son avenir. Inutile de rappeler que depuis le 22 janvier 2006, date de la première élection des juges africains des droits de l'homme et des peuples, la Cour est effective. Mais, il convient toutefois de préciser à cet égard que l'actuelle Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples est une « Cour en sursis »20 destinée à une disparation programmée au profit de la « nouvelle » Cour africaine de justice et des droits de l'homme21.

Donc l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples dont les attentes sont considérables au sein des populations africaines victimes des graves violations de leurs droits, deviendra la section des droits de l'homme de la future Cour de justice et des droits de l'homme dont le Protocole 22 n'est encore pas entrée en vigueur.

L'étude de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples suscite un certain nombre de questions dont entre autres:

- Quelle place occupe la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples au sein du système régional africain de protection des droits de l'homme ?

- Quel est l'apport de la Cour à la protection des droits de l'homme en dans la protection des droits de l'home en Afrique ?

- Quels sont les problèmes auxquels la Cour est confrontée ?

18 Voir aussi sur cet arrêt, NTWARI (G-F), « Note sur le premier arrêt de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », RADIC, vol.18, n°2/2010, pp. 233-237.

19 Arrêt affaires jointes Tanganyika Law Society et The Legal Human Rights Center c. République - Unie de Tanzanie et Révérend Christopher Mtikila c. République - Unie de Tanzanie, 14 juin 2013 ; arrêt Ayants droit de feus Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo et Blaise llboudo et Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples c. Burkina Faso, 28 mars 2014 ; arrêt Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, décembre 2014.

20 NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014) », op. cit., p.389.

21 L'article 2 du Protocole de Sharm el - Sheik adopté le 1er juillet 2008 en Egypte, portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'Homme note que « la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de l'Union africaine, créées respectivement par le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et l'Acte constitutif de l'Union africaine, sont fusionnées en une Cour unique instituée et dénommée `'Cour africaine de justice et des droits de l'homme» ».

22 Quinze ratifications sont exigées pour son entrée en vigueur.

13

- Quelles sont les avancées et les limites de la Cour ?

- La faible ratification du Protocole à la Charte comme limite à l'effectivité de la Cour ? - L'article 34-6 comme obstacle à l'efficacité, au fonctionnement de la Cour et à son accessibilité par les individus et les ONG ?

- La Cour africaine des droits de l'homme permet-t-elle une protection effective des droits de l'homme ?

Nous nous proposons d'aborder dans le cadre de cette présente étude les éléments attestant que la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples en sa qualité de premier organe juridictionnel à vocation continentale, est au-delà de vives critiques portées à son égard par divers acteurs, un organe ambitieux et prometteur (Partie I) dans la mesure où elle est dotée de tous les outils nécessaires à l'accomplissement de sa mission et, même si elle reste encore fragile (Partie II) et que son destin est scellé par une série de reformes en vue de la création d'une Cour unique.

14

Partie I - La Cour africaine, un organe juridictionnel à vocation continentale

Il est évident que « de nos jours, les droits de l'homme sont sur toutes les lèvres et habitent tous les discours juridiques et politiques »23 et comme le soulignait QUILLERE-MAJZOUB Fabienne « La création d'un nouvel organe de protection, de surcroit une Cour, ouvre de nouvelles perspectives et laisse espérer une nouvelle approche des droits de l'homme sur le continent africain »24. Installée le 2 juillet 2006, « et bien qu'elle soit promise à un avenir très incertain, la Cour africaine n'en mérite pas moins de faire l'objet d'un examen détaillé La Cour est par ailleurs le premier organe judicaire créé à l'échelle du continent africain »25. Etudier la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, nécessite ainsi de mettre un accent particulier sur ses avancées, qui font d'elle non seulement un organe prometteur (Chapitre I) institué par le Protocole de Ouagadougou, mais aussi et surtout ambitieux (Chapitre II) au regard de l'étendue de ses compétences.

Chapitre I : La Cour africaine, un organe juridictionnel prometteur

Loin derrière l'Europe et l'Amérique, l'Afrique s'est dotée en 1998 d'une juridiction continentale en matière de protection des droits de l'homme. Le Protocole de 199826 qui a crée la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a mis en place un système juridictionnel novateur (Section I) en prévoyant les garanties de son indépendance (Section II) afin de lui permettre de remplir sa mission sans entrave, ni ingérence.

23 ABI-SAAB Georges, avant propos de l'ouvrage de OUGUERGOUZ Fatsah, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, PUF, 1993, p. xxiii.

24 QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique. Etude comparée autour de la création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », RTDH, 2000, N° 44, pp. 729-785, p. 730.

25 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 217.

26 Nous faisons allusions au Protocole de Ouagadougou portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, adopté en 1998.

15

Section I : Un système juridictionnel novateur institué par le Protocole de Ouagadougou

Adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements de l'OUA -actuelle Union Africaine- le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples est entrée en vigueur le 25 janvier 2004. Cette date « marque une étape décisive dans l'histoire des droits de l'homme en Afrique [...] »27. Contrairement aux Conventions européenne et américaine des droits de l'homme, le Protocole a notamment ouvert la Cour africaine aux Organisations intergouvernementales africaines (Paragraphe I), qui est sans doute l'une des originalités africaines et a largement remédié aux lacunes de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Paragraphe II).

Paragraphe I : Une Cour ouverte aux organisations intergouvernementales africaines

Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples donne la qualité aux Organisations intergouvernementales africaines de saisir la Cour. L'article 5. 1 dudit Protocole se lit comme suit : « 1. Ont qualité pour saisir la Cour :

a) la Commission ;

b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ;

c) l'Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ;

d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme ;

e) les organisations intergouvernementales africaines ; [...] ».

L'ouverture de la Cour africaine aux organisations intergouvernementales africaines est l'une des spécificités de la Cour africaine par rapport aux autres Cours régionales. En Europe, la Cour de Strasbourg n'est ouverte qu'aux Etats parties à la Convention européenne et à ses Protocoles, aux ONG, aux individus et aux groupes de particuliers28 en matière contentieuse,

27 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », Droits fondamentaux, N°3, janvier - décembre 2003, pp. 175-178, p.175, [en ligne].

28 Voir Convention européenne des droits de l'homme, articles 33 et 34.

16

ainsi qu'au seul Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (CE) en matière consultative29. En Amérique, la Cour de San José n'est ouverte quant à elle qu'aux Etats parties à la Convention américaine et à la Commission interaméricaine en matière contentieuse, et de manière plus large aux Etas membres de l'OEA (Organisation des Etats Américains) et certains organes de cette dernière en matière consultative30.

Toutefois, le Protocole à la Charte africaine n'a pas définit les Organisations intergouvernementales africaines ayant cette qualité. En matière consultative, le Protocole a bien précisé que la saisine de la Cour est réservée aux Etats membres de l'U.A, à l'U.A elle-même, aux organes de cette dernière et aux organisations africaines reconnues par l'U.A même si l'expression « reconnue » utilisée ici suscite bien d'interrogations quant à sa portée. Cette absence de précision laisse un certain flou quant aux organisations pouvant saisir la Cour d'autant plus qu'il existe en Afrique, au-delà de l'Union Africaine, une dizaine d'organisations régionales. Les choses étant donc, moins claires, certains acteurs font une lecture très large de cette disposition. C'est le cas notamment de FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme), qui estime que les CER (Communautés Economiques Régionales) rentrent dans le cadre desdites organisations intergouvernementales ayant qualité pour saisir la Cour31.

Il est donc notable de préciser que seule la pratique de la Cour peut faire la lumière sur cette question. Il est aussi important d'observer qu'il ressort de la pratique de la Cour que les ONG ont la qualité pour formuler des demandes d'avis consultatifs devant elle32 bien que ces dernières ne figurent pas parmi les entités énumérées expressément par l'article 4 du Protocole. Dans cette affaire de demande d'avis consultatif cité en exemple, les auteurs de la demande sont des ONG basées et enregistrées au Nigéria et qui oeuvrent pour la promotion et la protection des droits de l'homme en Afrique et particulièrement en Afrique de l'Ouest. Les auteurs de la demande sollicitent de la Cour qu'elle se prononce sur ces deux questions suivantes :

29 Ibid., article 47.1.

30 Voir la Convention américaine des droits de l'homme, articles 61 et 64.

31 Voir Guide pratique de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de justice et des droits de l'homme », op. cit., p. 73.

32 Voir par exemple l'Ordonnance N°001/2015 en date du 29 novembre 2015 relative à l'affaire demande d'avis consultatif introduite par THE COALITION ON THE INTERNATIONAL CRIMINAL COURT LTD/GTE (CICCN), THE LEGAL DEFENSE & ASSISTANCE PROJECT LTD/GTE (LEDAP), THE CIVIL RESSOURCE DEVELOPMENT & DOCUMENTATION CENTER (CIRDDOC), THE WOMEN ADVOCATES DOCUMENTATION CENTER (LTD/GTE (WARDC).

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1- « L'obligation d'un Etat africain partie au statut de Rome de la CPI de coopérer avec celle-ci est-elle prépondérante par rapport à l'obligation qui lui est faite de se conformer aux résolutions de l'UA prescrivant à ses Etats membres de ne pas coopérer avec la CPI ? ». 2- « Si la réponse de la question (1) est affirmative, tous les Etats africains parties au Statut de Rome sont-ils soumis à l'obligation légale qui prévaut sur toutes les autres obligations légales ou diplomatiques découlant des résolutions et décisions de l'UA, d'arrêter et de remettre le Président Omar El-Béchir en cas d'entrée sur le territoire de l'un quelconque des Etats parties au Statut de Rome ? »33.

Cette demande d'avis consultatif a été reçue au Greffe de la Cour et a été inscrite au rôle et a fait l'objet d'un traitement.

Par ailleurs, dans le cadre du renforcement de la protection des droits de l'homme au sein des C.E.R dont les textes constitutifs contiennent généralement des dispositions relatives aux droits de l'homme, il nous parait raisonnable que ces dernières soient habilitées à saisir la Cour en matière consultative. Cela aura notamment pour avantage de permettre aux Cours desdites communautés d'être éclairées quant à l'interprétation et à l'application de la Charte africaine, du Protocole et de tout autre instrument juridique pertinent relatif aux droits de l'homme.

Paragraphe II : Un système destiné à remédier aux lacunes de la Charte africaine

Le système africain de protection des droits de l'homme institué par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et longtemps incarné par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, présentait de nombreuses lacunes faute notamment de moyens et d'un véritable pouvoir contraignant. Face aux nombreuses critiques et lacunes, la naissance d'une Cour ne pouvais être que salutaire.

Créée 17 ans après la création de la Commission et 11 ans après sa mise en place, « le système de protection ainsi adopté ne résulte pas d'une volonté délibérée à mettre en place un système

33 Ibid., paragraphe 5, pages 4 et 5.

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global et entier, mais plutôt de la volonté de combler une lacune qui paralysait de facto l'action de protection des droits de l'homme telle que prévue par la Charte africaine »34.

C'est donc « dans l'optique de remédier à ces lacunes que s'inscrit résolument le Protocole de Ouagadougou »35. Ainsi, il ressort de l'article 2 du Protocole que, « [l]a Cour [...] complète les fonctions de protection que la Charte [...] a conférées à la Commission [...] ». L'article 3 vient préciser quant à lui que « [l]a Cour a compétence pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés », alors que la Charte avait une conception beaucoup plus restrictive du champs de la Commission que l'article 45 limitait à l'interprétation de ses seules dispositions à la demande d'un Etat partie, d'une institution de l'UA, ou d'une Organisation africaine reconnue par cette dernière.

Le Protocole contient également d'autres éléments novateurs visant à remédier aux lacunes de la Charte pour une meilleure protection des droits de l'homme en Afrique.

C'est notamment le cas du caractère définitif et obligatoire des arrêts de la Cour tel qu'il ressort de l'article 28 - 2 du Protocole : « l'arrêt de la Cour [...] est définitif et ne peut faire l'objet d'appel ». La force obligatoire des décisions de la Cour est une avancée majeure et une condition indispensable pour l'effectivité de la protection des droits de l'homme en Afrique comme par tout ailleurs. Cette absence de force obligatoire des conclusions ou recommandations de la Commission fut l'une des limites fondamentales à l'effectivité de la protection des droits de l'homme comme en témoigne l'article 52 de la Charte en ces termes : « [...] après avoir essayé par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la Commission établit, [...] un rapport relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. [...] ». Nous remarquons donc que la Commission s'inscrivait dans une dynamique purement et simplement conciliatrice.

En ce qui concerne l'exécution des arrêts de la Cour, les Etats parties s'engagent expressément à « se conformer aux décisions de la Cour » et à « en assurer l'exécution dans

34 QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique. Etude comparée autour de la création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p.730.

35 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 176.

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le délai fixé par elle»36. En application de l'article 29, « le Conseil des Ministres de l'UA veille à leur exécution au nom de la Conférence »37. Cette solution plus « réaliste »38 que celle de la Charte est similaire à celle du système européen où l'exécution des arrêts rendus par la CEDH39 est confiée au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (CE).

Ensuite, l'une des innovations de la Cour découle de l'article 27 du Protocole qui lui confère une très grande liberté et un large pouvoir discrétionnaire « lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d'un droit de l'homme ou des peuples », d' « ordonner toutes mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d'une juste compensation ou l'octroi d'une réparation ». En application de cette même disposition, la Cour peut également « dans les cas d'extrême gravité ou d'urgence, ordonner des mesures provisoires qu'elle juge pertinentes lorsqu'il s'avère nécessaire d'éviter des dommages irréparables à des personnes ». Il convient de remarquer qu'un tel pouvoir n'était pas offert à la Commission.

Enfin, l'article 28 du Protocole prévoit entre autres, l'obligation pour la Cour de « motiver » ses arrêts, le caractère « public » des audiences et la possibilité pour les juges d'y joindre une « opinion individuelle » ou « dissidente ». La Commission et ses membres ne disposaient pas de telles prérogatives, aussi la procédure devant la Commission était soumise à une stricte confidentialité40 et les décisions étaient très confidentielles et même « difficiles d'accès et le chercheur n'était jamais certain d'en avoir une appréhension exhaustive »41. Dans certaines de ses décisions, même lorsque la Commission relevait une violation des droits protégés par la Charte, « la motivation faisait défaut, elles étaient très courtes et n'étaient pas suivies d'indications claires et accessibles sur leur devenir »42.

Il ne faut tout de même pas perdre de vu que le système mis en place par la Charte africaine n'était pas un système judiciaire ou quasi judiciaire même si la Commission a opéré

36 Protocole de Ouagadougou, article 30.

37 Idem, article 29 paragraphe 2.

38 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 177.

39 Cour européenne des droits de l'homme.

40 Ainsi, l'article 59 de la Charte dispose que : « 1. Toutes les mesures prises dans le cadre du présent chapitre resteront confidentielles jusqu'au moment où la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernement décidera autrement. 2. Toutefois, le rapport est publié par le Président de la Commission sur décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. 3. Le rapport d'activités de la Commission est publié par son Président après son examen par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. »

41 TIGROUDJA Hélène, « Le système africain de protection des droits de l'homme : un laboratoire des droits universels ? », in Ludovic HENNEBEL et Hélène TIGROUDJA (dir.), Humanisme et Droit (en hommage au Professeur Jean DHOMMEAUX), Paris, Pedone, 2013, pp. 409-425, p. 411.

42 Ibid. p. 411.

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une transformation considérable en tendant à s'ériger tant bien que mal en un véritable organe juridictionnel. Pour pouvoir remplir convenablement sa mission, il faut reconnaitre que « la Commission avait dû faire preuve d'une certaine audace et sortir du champ étroit de son action dans lequel la Charte l'avait confinée. Elle avait ainsi bravé l'obstacle de la confidentialité de ses activités en procédant à une interprétation extensive de la Charte »43.

Cependant, il s'avère très important de préciser que la Charte africaine, contrairement aux Conventions européenne et américaine des droits de l'homme, contient d'autres lacunes auxquelles le Protocole n'a pas remédié : il s'agit notamment de l'absence du droit à la vie privée et de la question de dérogation.

Au regard de ce qui précède, la Commission n'était donc pas une institution indépendante et elle était confrontée à de nombreuses limites. Ce qui est loin d'être le cas de la Cour africaine de droits de l'homme et des peuples.

Section II : La Cour africaine, une institution judiciaire indépendante

La Charte africaine avait très tôt montré ses limites à l'égard du mécanisme de protection des droits de l'homme en se contentant de créer la Commission africaine chargée de son interprétation, de sa promotion et de sa protection44 à défaut de pouvoir instituer une Cour. C'est donc dans l'optique de corriger cet état de fait qu'est née la nécessité de créer un organe judiciaire indépendant. Cette Cour se voit dotée par le Protocole de Ouagadougou non seulement d'une indépendance institutionnelle (Paragraphe I), mais aussi d'une garantie de l'indépendance de ses membres (Paragraphe II).

43 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », op. cit., p. 178.

44 Il convient toutefois de relativiser car la Charte africaine présente au-delà du mécanisme de protection, une certaine originalité, une certaine spécificité qui témoigne d'un réel intérêt sur le plan doctrinal. En effet, c'est l'unique instrument de protection des droits de l'homme tant au niveau universel qu'au niveau régional qui consacre à la fois des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, des droits individuels et collectifs, reconnaissant aussi à coté des droits de l'homme, des droits des peuples et des devoirs de l'individu. Sur l'originalité de la Charte, voir notamment : OUGUERGOUZ Fatsah, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, Paris, PUF, 1993.

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Paragraphe I : L'indépendance institutionnelle de la Cour garantie

Instituée pour garantir les droits de l'homme et des peuples sur le continent africain, la Cour ne peut pleinement accomplir sa mission que si elle dispose d'une indépendance vis-à-vis non seulement des Etats membres que des institutions et autres organes de l'Union Africaine. A ce titre, les rédacteurs du Protocole lui garantissent une indépendance qui est le gage même de l'effectivité de son action.

Conformément aux Cours européenne et interaméricaine des droits de l'homme, la Cour africaine jouit d'une autonomie et d'une véritable indépendance institutionnelle qui découlent notamment des articles 3, 21, 24, 25, 28, 33 et 35 du Protocole.

Tout d'abord, au titre de l'article 3 (2)45 du Protocole, la Cour africaine dispose de la compétence de sa compétence. Autrement dit, en cas de contestation, elle a le pouvoir de décider si elle est compétente de connaitre d'une affaire dont elle saisit ou pas. Ce pouvoir est déterminant pour toute institution judiciaire. En Europe, la Cour européenne est dotée d'un même pouvoir46 tandis que la Convention américaine prive la Cour interaméricaine d'un tel pouvoir.

Ensuite, cette indépendance de la Cour apparait dans sa capacité d'élire son président et son vice président dont elle définit également les attributions dans son règlement intérieur47.

De même, l'indépendance de la Cour réside dans le fait qu'elle possède le pouvoir de designer non seulement son greffier et les autres fonctionnaires du greffe48 mais aussi, elle établit son propre règlement intérieur en déterminant sa propre procédure49. Ce pouvoir bien que nécessaire, constitue une garantie de l'indépendance de la Cour dans la mise en oeuvre de sa mission de protection des droits de l'homme.

En application des articles 25, 32 et 35 du Protocole, l'avis de la Cour est nécessaire et préalablement requis pour toutes les questions relatives à l'établissement et au changement de son siège et à l'élaboration de son budget. Elle dispose également du pouvoir de prendre

45 L'article 3 prec. du Protocole dispose « 2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».

46 Voir la Convention européenne des droits de l'homme, article 32. 2

47 Voir Protocole, article 21.

48 Ibid., article 24.

49 Ibid., article 33.

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l'initiative, si elle le juge nécessaire d'amender le Protocole. Tous ces éléments font de la Cour africaine une institution judiciaire indépendante.

Paragraphe II : La garantie de l'indépendance des membres de la Cour

L'une des garanties de l'indépendance de la Cour à l'égard des Etats membres, de l'UA et ses organes et institutions est l'indépendance des juges dans l'exercice de leur fonction. A ce sujet, l'article 17 du Protocole précise d'une part que « l'indépendance des juges est pleinement assurée conformément au droit international », d'autre part, que « dès leur élection et pendant toute la durée de leur mandat, ils jouissent de privilèges et immunités reconnus en Droit international au personnel diplomatique ». Et enfin, cet article va plus loin en consacrant que « les juges de la Cour ne peuvent, à aucun moment, même après l'expiration de leur mandat, être poursuivis en raison des votes ou des opinions émis dans l'exercice de leurs fonctions ».

A la lecture de cette disposition, force est de constater que les juges jouissent d'une indépendance quasiment absolue. Les juges sont également indépendants vis-à-vis de leurs Etats de nationalité dont ils ne reçoivent aucune instruction, ni d'aucun autre Etat.

Par ailleurs, la référence au Droit international dans cette disposition renvoie notamment aux Principes Fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés à Milan lors du 7ème Congrès de l'ONU sur la prévention du crime et le traitement des délinquants du 26 aout au 6 septembre 1985. L'ONU rappelle que toute organisation ou administration des juridictions doit s'inspirer de ces principes et de les traduire dans la réalité. Cette référence à ces principes traduit donc pouvons-nous l'affirmer, une volonté de mettre en place une Cour africaine indépendante. Ces principes fondamentaux ont été confirmés par deux résolutions de l'Assemblée générale des Nations-Unies (AGNU) en 1985 : résolution 40/32 du 29 nov. 1985 et résolution 40/146 du 13 déc. 1985. Au sens de ces deux résolutions, les juges ne doivent pas faire l'objet « d'influences, d'incitations, de menaces, de pressions ou d'interventions indues ».

En outre, les juges sont également inamovibles selon l'article 19 du Protocole qui dispose que : « 1. Un juge ne peut être suspendu ou relevé de ses fonctions que si, de l'avis unanime des autres juges de la Cour, il a cessé de répondre aux conditions requises ». Au sens de ce

paragraphe, le principe est donc l'inamovibilité des juges. Toutefois, lorsqu'un juge ne répond plus aux conditions requises pour l'exercice de sa fonction, la Cour peut prendre une décision de destitution qu'elle soumettra à l'approbation de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. La soumission de la décision de la Cour à la Conférence qui est un organe politique suscite tout de même des interrogations sur l'indépendance de la Cour.

Chapitre II : La Cour africaine, un organe juridictionnel ambitieux

Le Protocole de Ouagadougou semble n'avoir pas jugé nécessaire de délimiter les compétences de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qu'il a instituée. Il lui accorde une compétence matérielle très large (Section I) et une compétence personnelle relativement libérale (Section II) qui traduisent l'ambition grandiose de la Cour africaine.

Section I : Une Cour à compétence matérielle large

Dans le cadre d'une analyse de la compétence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, il convient de passer en revue sa compétence matérielle contentieuse (Paragraphe I) et sa compétence matérielle consultative (Paragraphe II), telle qu'elles découlent des dispositions des articles 3 et 4 du Protocole. Toutefois, la Cour se voit reconnaitre également une compétence « diplomatique » en vertu de laquelle elle peut résoudre à l'amiable un différend qui lui est soumis50. Mais, il s'avère que de nos jours, la Cour n'a encore pas exercé ce pouvoir diplomatique que lui confère le généreux Protocole de Ouagadougou.

Paragraphe I : Une compétence matérielle contentieuse de la Cour

Il ressort de la lecture de l'article 3. 1 du Protocole que : « La Cour est compétente pour connaitre de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés ». Le caractère très

50 Protocole, article 9, « La Cour peut tenter de régler à l'amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte ».

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large de cette disposition est confirmé comme s'il n'était pas largement suffisant, par l'article 7 qui dispose que : « La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat concerné. » En outre, il nous parait judicieux de souligner que la Charte n'avait pas prévue une telle extension de compétence pour ce qui concerne la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à qui elle ne confie que sa seule interprétation51.

Cette compétence matérielle de la Cour est d'autant plus large que la Charte africaine est l'unique instrument de protection des droits de l'homme qui consacre à la fois des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ainsi que des droits individuels et collectifs52.

Dans une démarche comparative, il convient de préciser que des dispositions identiques à l'article 3 du Protocole n'existent pas dans les Conventions européenne et américaine des droits de l'homme. A ce titre, la compétence matérielle en matière contentieuse de la Cour européenne ne s'étend uniquement qu'aux questions relatives à l'interprétation et à l'application de la Convention européenne et de ses protocoles53. De même, la compétence de la Cour interaméricaine se limite à l'interprétation et à l'application de la seule Convention américaine54. Il faut toutefois, noter que le Règlement de la Commission interaméricaine des droits de l'homme a fait l'objet d'un amendement qui a élargit la compétence de cette dernière non seulement à la Convention mais aussi à « tous les instruments applicables »55.

La question de l'étendue de la compétence matérielle de la Cour s'est déjà posée devant elle notamment dans l'affaire Mtikila c. Tanzanie56. Dans cette affaire, les requérants avaient invoqués entre autres le traité portant création de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Est57et le défendeur soutenait de son côté que ce texte n'était pas invocable au sens des

51 Charte africaine, article 45.3.

52 Ibid., articles 2 à 14 pour les droits civils et politiques ; articles 15 à 18 pour les droits économiques, sociaux et culturels et les articles 19 à 24 pour les droits des peuples.

53 V. les articles 32, 33 et 34 de la Convention européenne des droits de l'homme.

54 Voir l'article 62 prec. de la Convention américaine des droits de l'homme : « 1. Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification à la présente convention, ou à tout autre moment ultérieur, déclarer qu'il reconnait comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, la compétence de la Cour pour connaitre de toutes les espèces relatives à l'interprétation ou à l'application de la convention ».

55 V. OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 227.

56 Affaires jointes : Tanganyika Law Society & The Legal and Humain Rights Center c. République-Unie de Tanzanie et Révérend Christopher R. Mtikila c. République-Unie de Tanzanie, CADHP, n°009/2011 et n°011/2011, [en ligne], [ www.african-court.org/fr/pdf], (ci-après « Affaire Mtikila »).

57 Traité établissant de la Communauté de l'Afrique de l'Est, 30 novembre 1999, modifié en date du 14 décembre 2006 et du 20 aout 2007.

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articles 3. 1 et 7 du Protocole de Ouagadougou car tout simplement il n'est pas un instrument pertinent relatif aux droits de l'homme. La Cour n'a pas tranché cette question et s'est plutôt contentée de voir s'il ya eu violation ou pas des droits protégés par la Charte.

Toutefois, une interprétation littérale de l'article 3. 1 du Protocole de Ouagadougou laisserait croire qu'il faut trois (3) conditions cumulatives pour qu'un texte soit pertinent et invocable devant la Cour :

Tout d'abord, il faut qu'il soit un traité international, ayant donc une force contraignante pour les Etats parties.

Ensuite, il faut que ce traité soit relatif aux droits de l'homme. A ce niveau, il est nécessaire de faire la distinction entre les traités dont le but principal est exclusivement la protection des droits de l'homme et les traités dont l'objet est autre que la protection des droits de l'homme, mais qui contiennent tout de même des dispositions relatives aux droits de l'homme. Les premiers qui reconnaissent explicitement des droits subjectifs aux individus, peuvent en toute évidence être considérés comme des instruments pertinents au sens des articles 3. 1 et 7 du Protocole et donc invocables devant la Cour. C'est le cas notamment de la Déclaration universelle des droits de l'homme58 du 10 décembre 1948, des deux Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, s'ils sont ratifiés par les Etats concernés. Quant aux traités dont l'objet est autre que la protection des droits de l'homme, mais qui reconnaissent un certain nombre de droits subjectifs aux individus, leur situation est beaucoup plus problématique. C'est le cas des traités instituant les C.E.R dont la C.E.D.E.A.O, la S.A.D.C, la C.E.A.E ..., qui sont des instruments à vocation d'intégration économique, mais qui de manière explicite ou implicite prévoient des droits de l'homme59.

Enfin, la troisième et dernière condition est la ratification par l'Etat concerné ou son adhésion à cet instrument. A savoir qu'un Etat ne peut être condamné pour avoir violé un traité que s'il est lié à ce dernier60.

58 Il faut préciser que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas de force obligatoire. Mais, elle dispose d'une forte autorité morale au regard du nombre très important d'Etats qui l'ont ratifié et dont les Constitutions s'y réfèrent et des nombreux traités internationaux tant régionaux qu'universels qui s'y inspirent.

59 Les questions relatives aux Communautés Economiques Régionales feront l'objet d'un développement particulier plus loin.

60 Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, art. 2. 1.b : « Les expressions « ratification », « acceptation », « approbation » et « adhésion » s'entend, selon le cas, de l'acte international ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité ».

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Dans tous les cas, la Cour disposant de la compétence de sa compétence, au titre de l'article 3. 261 du Protocole, décidera si l'instrument en cause est pertinent et donc invocable devant elle.

Selon le juge OUGUERGOUZ Fatsah, dont nous partageons l'avis, « la formule de l'article 3 du Protocole est très originale et elle est extensive et généreuse »62. Il ajoute que « l'originalité de l'article 3 du Protocole réside dans le fait que la Cour pourra connaitre de l'interprétation et de l'application non seulement du Protocole lui-même, ce qui parait aller de soi, bien que celui-ci ne consacre aucun droit de l'homme, mais également et surtout de tout autre instrument conventionnel relatif aux droits de l'homme ratifié par l'Etat concerné

»63.

Cependant, connaissant la réticence traditionnelle des Etats africains en matière des droits de l'homme en général et particulièrement dans le règlement judiciaire des différends, nous pouvons légitimement nous interroger sur la raison de l'attribution à la Cour africaine d'une compétence matérielle aussi extensive.

Paragraphe II : Une compétence matérielle Consultative de la Cour

A l'image des Cours européenne et interaméricaine des droits de l'homme dont les compétences en la matière sont prévues respectivement par les articles 47, 48 et 49 de la Convention européenne et l'article 64 de la Convention américaine, la Cour africaine dispose également d'une compétence matérielle consultative prévue à l'article 4 du Protocole :

« 1. A la demande d'un Etat membre de l'Union Africaine, de tout organe de l'Union Africaine ou d'une organisation africaine reconnue par l'Union Africaine, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission. 2. Les avis consultatifs de la Cour sont motivés. Un juge peut y joindre une opinion individuelle ou dissidente ».

61 L'article 3. 2 du Protocole dispose : « En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».

62 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 227.

63 Ibid, p. 227.

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La première remarque que nous tirons de la lecture de cette disposition est l'ouverture systématique par le Protocole de l'accès à la Cour en matière consultative à tous les Etats membres de l'Union Africaine, parties ou non au Protocole.

Cela peut paraitre l'une des originalités du système africain de protection des droits de l'homme dans la mesure où dans le système européen seul le Comité des Ministres64 du Conseil de l'Europe est habilité à saisir la Cour d'une demande d'avis consultatif. En revanche, le mécanisme mis en place par le Protocole en matière consultative se rapproche de celui du système américain où la Cour interaméricaine des droits de l'homme peut être saisie pour avis consultatif par tous les Etats membres de l'O.E.A ainsi que par certains organes de celle-ci65.

La seule différence entre ces deux systèmes réside dans le fait que le Protocole à la différence de la Convention américaine ne détermine pas les organes de l'Union Africaine qui sont habilités à faire une demande d'avis consultatif devant la Cour. Une autre imprécision demeure, s'agissant de l'expression « Organisation africaine reconnue par l'Union africaine ». Alors s'agit-il des organisations régionales ou les Communautés économiques régionales comme la CEDEAO, de l'UMA, la CEAE ? Ou encore s'agit-il des organisations non gouvernementales dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine ? Se pose également la question de la portée et/ou de la nature de l'expression « reconnue par l'Union Africaine ». A ces questions, seul le développement de la jurisprudence consultative de la Cour pourra fournir des réponses.

On remarquera également que les rédacteurs du Protocole ont considérablement élargi le champ de la compétence matérielle consultative de la Cour à l'instar de sa compétence matérielle contentieuse puisqu'elle s'étend non seulement à la Charte africaine elle-même, mais aussi « à tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme ». Ce qui inclut à la fois tous les traités régionaux ou universels relatifs aux droits de l'homme, mais aussi « les autres instruments de nature juridique formellement non contraignante tels que les

64 V. l'article 47. 1 prec. de la Convention européenne des droits de l'homme.

65 V. l'article 64 prec. de la Convention américaine des droits de l'homme. A ce sujet, voir aussi Ludovic HENNEBEL, La Convention américaine des droits de l'homme : mécanismes de protection et étendue des droits et libertés, 2007, Bruylant, Bruxelles.

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résolutions de certains organes pertinents (Union Africaine, Assemblée Générale des Nations-Unies etc.)66 ».

Toutefois, l'exercice de cette compétence consultative de la Cour est bien encadré : l'article 4 précise en effet que l'avis demandé ne peut porter que sur « une question juridique » d'une part, et que son objet ne doit pas se rapporter sur une « question pendante devant la Commission » d'autre part. En vertu de cette disposition, nous pouvons en déduire que le but visé est d'éviter « que la Cour ne porte atteinte à l'intégrité de la fonction quasi-judiciaire de la Commission en matière de protection des droits de l'homme et des peuples, et de sauvegarder l'entière liberté de décision de cette dernière »67.

Il convient tout aussi de souligner que l'article 4 du Protocole n'a pas expressément traité de la question d'une éventuelle demande d'avis consultatif se rapportant à une requête pendante devant la Cour elle-même. Dans une telle hypothèse, selon le juge OUGUERGOUZ Fatsah, « la Cour devrait également selon toute vraisemblance refusé de rendre l'avis demandé dans la mesure où une telle demande porterait atteinte à l'intégrité de sa fonction judiciaire »68. Cela semble être logique dans la mesure où on ne voit pas la raison pour laquelle la Cour pourrait ou devrait se prononcer sur une question relative à une affaire pendante devant elle.

Face à un champ matériel de la compétence contentieuse et consultative très vaste de la Cour, il lui reviendra elle-même de définir les limites notamment au « cas par cas »69. La Cour africaine dispose donc d'un large pouvoir discrétionnaire pour limiter sa compétence extensive tant contentieuse que consultative que le Protocole lui confère à ses articles 3 et 4.

Section II : Une Cour à compétence personnelle relativement libérale

La compétence rationae personae de la Cour africaine est relativement libérale par rapport à celle des Cours européenne et interaméricaine. Afin d'appréhender cette compétence personnelle de la Cour africaine, les développements suivants concerneront successivement la compétence personnelle de la Cour au regard du demandeur (Paragraphe I) et la compétence personnelle de la Cour au regard du défendeur (II).

66 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 237.

67 Ibid., p. 237.

68 Ibid., p. 237.

69 Ibid., p. 238.

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Paragraphe I : Une compétence personnelle au regard du demandeur

Aux termes de l'article 5 du Protocole, « 1. Ont qualité pour saisir la Cour : a) la Commission ; b) l'Etat partie qui a saisie la Commission ; c) l'Etat partie contre lequel une plainte a été introduite ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme ; e) les organisations inter-gouvernementales africaines. »

A la lecture de ce paragraphe on s'aperçoit que le Protocole a libéralisé l'accès à la Cour même s'il faut relativiser ce caractère libéral quand on sait qu'aux termes de cette même disposition les individus et les organisations non gouvernementales dotées du statut d'observateur auprès de la Commission ne peuvent y accéder que sous certaines conditions70.

A titre de comparaison, dans le système européen, avant l'adoption des Protocoles n° 9 et n° 11, seuls la Commission européenne des droits de l'homme et les Etats parties à la Convention européenne avaient le droit de saisir la Cour. Désormais, depuis l'entrée en vigueur du Protocole71 n° 11 modifiant fondamentalement le système institutionnel de contrôle du respect des droits de l'homme garantis par la Convention, tant les Etats parties que les individus, groupes d'individus ou ONG peuvent saisir la Cour sans qu'il ne soit nécessaire que l'Etat ou les Etats parties concernés n'acceptent au préalable la compétence de la Cour72 qui est désormais obligatoire.

Dans le système interaméricain, seuls la Commission interaméricaine des droits de l'homme et les Etats parties à la Convention américaine des droits de l'homme ont le droit de saisir la Cour interaméricaine des droits de l'homme73.

Le Protocole de Ouagadougou prévoit donc d'une part, une compétence personnelle obligatoire de la Cour africaine pour toutes les affaires portées devant elle par la Commission et une certaine catégorie d'Etats parties à savoir l'Etat partie qui a saisie la Commission, l'Etat partie contre lequel une plainte a été introduite, l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme et aussi une organisation intergouvernementale africaine. D'autre part, il prévoit une compétence personnelle facultative de la Cour en ce qui concerne les affaires émanant des individus et des ONG.

70 Ce point ferra l'objet d'un développement particulier et plus approfondi plus loin.

71 Le Protocole n° 11 de la Convention européenne des droits de l'homme est entré en vigueur le 01 novembre 1998.

72 Voir à ce sujet les articles 33 et 34 de la Convention européenne des droits de l'homme.

73 Article 62 de la Convention américaine : « 1. Seuls les Etats parties à la présente Convention et la Commission ont qualité pour saisir la Cour. 2. [...] ».

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En effet, une interprétation de l'article 5 du Protocole, nous permet d'identifier et de distinguer trois catégories d'affaires pouvant être portées devant la Cour en fonction de la qualité des demandeurs et auxquelles s'étend sa compétence personnelle en matière contentieuse.

La première catégorie est relative aux affaires ayant déjà fait l'objet d'un traitement devant la Commission et ensuite portées devant la Cour soit par la Commission elle-même soit par l'Etat partie qui a saisie la Commission, soit par l'Etat partie contre lequel la plainte a été introduite devant la Commission ou soit par l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme et portée devant la Commission74.

La deuxième catégorie d'affaires recouvre celles portées directement à la Cour par un Etat ou par une organisation « intergouvernementale africaine » sans saisine préalable de la Commission. OUGUERGOUZ fatsah affirme à cet effet que « le libellé de l'article 5. 1 (d) est suffisamment vague pour autoriser la saisine de la Cour par un Etat dont un ressortissant est victime d'une violation d'un droit, que la Commission ait été ou non préalablement saisie de cette violation »75.

La troisième catégorie d'affaires concerne celles soumises directement à la Cour par un individu ou une organisation non gouvernementale sans que la Commission n'ait été saisie. C'est ce qui ressort explicitement du paragraphe 3 de l'article 5 du Protocole qui dispose que :

« La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle, conformément à l'article 34(6) du Protocole »76.

Il faut donc relever que le Protocole n'exige pas de l'individu et de l'ONG qu'ils soient la victime de la violation invoquée. Et ils peuvent tout aussi invoquer les dispositions de « tout instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés ». Il suffit qu'ils aient un intérêt direct pour saisir la Cour.

74 V. OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 229.

75 Ibid., p. 229.

76 L'article 34(6) se lit comme suit : « A tout moment, à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration ».

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Au regard de ce qui précède, on se rend compte que la Cour africaine dispose d'un pouvoir d'appréciation de sa compétence personnelle à l'égard du demandeur par référence à l'article 3 relatif à sa compétence du Protocole.

Paragraphe II : Une compétence personnelle au regard du défendeur

Nous nous proposons d'examiner deux hypothèses pour appréhender cette compétence personnelle de la Cour à l'égard du défendeur.

La première hypothèse est relative à la Compétence personnelle obligatoire de la Cour à l'égard du défendeur. A ce titre, tout Etat partie au protocole peut être attrait devant la Cour soit par la Commission, soit par un autre Etat partie ou par une organisation intergouvernementale africaine en l'absence de toute acceptation préalable par l'Etat en question de la juridiction obligatoire de la Cour par le dépôt de la déclaration prévue à l'article 34(6) du Protocole. La compétence de la Cour est donc « obligatoire à son égard du seul fait de sa participation au Protocole »77.

Il est à noter que dans le système interaméricain, la compétence de la Cour est facultative78 et il en était pareil pour le système européen avant l'entrée en vigueur du Protocole n°11 qui a rendu donc cette compétence obligatoire quelle que soit la qualité de l'auteur de la requête79.

La deuxième hypothèse concerne la compétence personnelle facultative de la Cour à l'égard du défendeur. Dans ce cas, la Compétence de la Cour est facultative dans la mesure où un Etat partie au Protocole ne peut être attrait devant elle par un individu ou par une ONG, que s'il a préalablement fait la déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour pour connaitre de telles affaires conformément à l'article 34(6) du Protocole.

A l'instar de ce qui existe dans le système interaméricain80 et le système européen81 avant que la Convention européenne ne soit amendée, il était raisonnable à notre avis que la Cour prévoit dans son règlement intérieur, la possibilité pour un Etat partie d'accepter au cas par cas la compétence de la Cour. Pour reprendre le juge OUGUERGOUZ Fatsah, cette

77 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 230.

78 Voir l'article 62 précité de la Convention américaine.

79 Voir les articles 33 et 34 précités de la Convention européenne.

80 Voir l'article précité 62. 2 et 3 de la Convention américaine

81 Voir l'ancien article 48 de la Convention européenne

possibilité « pourrait s'avérer une bonne idée car elle présente l'avantage de la souplesse et possède une vertu pédagogique [et] elle pourrait en effet séduire les Etats parties récalcitrants à la juridiction de la Cour en attendant que ceux-ci se décident à déposer la déclaration facultative »82.

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82 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 230-231.

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Partie II : La Cour africaine, un instrument fragile

Assurément, l'institution de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples comme le premier organe juridictionnel à l'échelle continentale, marque un tournant décisif dans l'histoire de la protection des droits de la personne humaine sur le continent africain. Certes, cette institution judiciaire est venue « soustraire tout un continent d'une longue apnée »83 avec des ambitions considérables au regard des ses larges compétences. Cet organe est tout aussi prometteur et porteur d'un grand espoir au sein des populations africaines éprises de justice et de liberté, au vu de son originalité et de son indépendance. Pourtant, force est de constater qu'il fait l'objet d'une certaine fragilité due à des difficultés profondes qui font que son efficacité est relative (Chapitre I) même s'il est perfectible. Pour des raisons certainement politiques, des nombreuses reformes rendent également provisoire son existence (Chapitre II).

Chapitre I : La Cour africaine, un organe à efficacité relative mais perfectible

Faisant face à des limites d'ordre politique et juridique majeures qui affectent gravement son efficacité (Section I), un grand effort de régulation est toutefois nécessaire pour une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples effective (Section II).

Section I : Les limites juridico-politiques majeures à l'efficacité de la Cour

L'efficacité de la Cour africaine et la réalisation des objectifs qui lui sont assignés par le Protocole dépendent sans doute d'un effort collectif nécessitant une synergie d'action de tous les acteurs dont les Etats africains en particuliers. En réalité, la ratification du Protocole à un taux relativement faible depuis 1884 ans est l'une des limites à l'efficacité de la Cour (Paragraphe I) de même que l'article 34(6) dudit Protocole constitue une insuffisance dont souffre le Protocole (Paragraphe II).

83 KOWOUVIH Sitsofé, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : Une rectification institutionnelle du concept de « spécificité africaine » en matière de droits de l'homme », RTDH, n° 59, 2004, pp. 757-790, p. 760.

84 Nous faisons allusion de la période allant de 1998, date d'adoption du Protocole, à nos jours.

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Paragraphe I : Le faible taux de ratification du Protocole, une limite à l'effectivité de la Cour

De nos jours sur les 54 Etats membres de l'Union Africaine qui sont tous parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, seuls 30 pays ont ratifié le Protocole de Ouagadougou créant la Cour. Il s'agit de : L'Afrique du Sud, l'Algérie, le Benin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, les Comores, le Congo, le Gabon, la Gambie, le Ghana, le Kenya, la Libye, le Lesotho, le Malawi, le Mali, La Mauritanie, Maurice, la Mozambique, le Nigeria, le Niger, l'Ouganda, le Rwanda, la République arabe sahraoui démocratique, le Sénégal, la Tanzanie, le Togo, la Tunisie et le Tchad85.

Dans la mesure où la Cour est l'instrument qui garantie le respect des droits consacrés par la Charte que les Etats ont d'ailleurs massivement ratifié, il serait logique de s'interroger sur la raison du décalage entre la ratification de cette dernière et la retenue à l'égard du Protocole créant la Cour africaine. Il est toutefois difficile de donner avec précision des raisons à ce décalage. Néanmoins, elles peuvent notamment être d'ordre conceptuel.

En effet, la conception africaine des droits de l'homme présente une certaine spécificité tenant à des valeurs culturelles et traditionnelles. Cette conception africaine des droits de l'homme apparait clairement dans le préambule de la Charte où les Etats affirment qu'ils tiennent compte « des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples »86. Il est donc frappant de constater que la Charte milite en faveur d'un règlement des différends relatifs aux droits de l'homme à travers « l'institution de l'arbre à palabres ». L'on décèle ici que cette dernière est une préférence africaine de règlement non juridictionnel de différends où l'on privilégie le règlement à l'amiable par voie de dialogue et de concertation qu'au duel judiciaire entre les parties à un procès87.

Il est tout aussi important de souligner que du point de vue sociologique, le citoyen africain préfère la conciliation qu'à la décision judiciaire à connotation purement punitive88. On voit

85 Voir l'état des ratifications du Protocole de Ouagadougou, [en ligne] sur le site de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : www.african-court.org.

86 Voir Charte africaine des droits de l'homme et des peules, préambule, paragraphe 5.

87 Voir à ce sujet MUBIALA Mutoy, Le système régional africain de protection des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2005.

88 V. KAMARA Mactar, « La promotion et la protection des droits fondamentaux dans le cadre de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et du Protocole facultatif additionnel de juin 1998 », RTDH, 2005, N° 63, pp. 709-727.

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donc, que le fait pour la Charte africaine de ne pas prévoir l'institution d'une Cour africaine chargée de protéger les droits de l'homme n'est pas un hasard. Elle a décidé de confier cette mission à la Commission en exigeant d'elle expressément d' « essayer par tous les moyens nécessaires de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples»89. Cette conception initiale de la Charte explique certainement sa ratification très massive par les Etats africains.

Cependant, l'adoption du Protocole instituant un organe juridictionnel va changer la donne et traduire l'idée d'une véritable justice institutionnelle même s'il prévoit à son tour la possibilité d'un règlement diplomatique des différends90.

Ensuite, la méfiance des Etats africains vis-à-vis du Protocole peut s'expliquer par le fait que ces derniers conçoivent ledit protocole comme une menace sérieuse à leur souveraineté, dans la mesure où l'activité de la Cour qu'il a institué est une véritable activité judiciaire.

Enfin, l'une des raisons qui semble justifiée le faible taux de ratification du Protocole est la capacité institutionnelle très limitée de certains Etats africains. Pour beaucoup parmi eux, ratifier le Protocole signifierait tout simplement s'exposer automatiquement à des condamnations à chaque fois qu'ils y sont attaqués, car ils sont conscients de la défaillance de leur système judiciaire et de leur mécanismes de protection des droits de l'homme.

C'est état de fait explique par ailleurs le fait que certains Etats africains se sont longtemps opposés à la mise en oeuvre et au respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels ils sont pourtant librement parties91. Il faut toutefois, préciser que cette situation est largement due à la mauvaise fois des Etats, sinon à un manque notoire de volonté politique de leur part pour non seulement améliorer leur mécanismes de protection des droits humains, mais aussi à ratifier le Protocole pour garantir une meilleure protection des droits de l'homme en Afrique.

89 Voir l'article 52 précité de la Charte.

90 Protocole d'Ouagadougou, préc. ,article 9.

91 KOUDE KOUSSETOGUE Roger M., « Peut-on, à bon droit, parler d'une conception africaine des droits de l'homme ? », RTDH, N° 62, 2005, pp. 539-561, p. 542.

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Paragraphe II : L'article 34(6) ou le verrou juridique à l'accessibilité de la Cour

De la lecture combinée des articles 5(3) et 34(6) du Protocole de Ouagadougou, il y ressort clairement l'une des limites majeures à l'effectivité de la Cour africaine. En effet, l'article 5(3) dispose que : « [l]a Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales dotées du statut d'observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle »92. L'article 34(6) ajoute que : « [à] tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat qui n'a pas fait une telle déclaration »93.

Il convient de noter que cette « déclaration » telle qu'elle est prévue à l'article 34(6) est un acte unilatéral, solennel par lequel tout Etat partie au Protocole de Ouagadougou peut exprimer son consentement à être lié par les requêtes individuelles devant la Cour. Au-delà, cette « déclaration » est un acte qui permet aux principaux bénéficiaires des droits de l'homme en Afrique que sont, les individus et les organisations non gouvernementales de défense des droits humains, de faire valoir leurs droits devant la Cour africaine. Ainsi, tous les individus et les ONG dont l'Etat n'a pas fait ladite déclaration ne peuvent malheureusement pas saisir la Cour.

Cela constitue un véritable verrou juridique à l'accessibilité à la Cour par ces derniers d'autant plus que de nos jours sur les trente (30) Etats ayant ratifiés le Protocole, seuls huit (8) parmi eux ont souscrit à cette « déclaration ». Il s'agit : du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Malawi, du Mali, du Rwanda, de la Tanzanie et du Bénin depuis le 8 février 201694. Ce nombre dérisoire d'Etats ayant fait cette déclaration démontre suffisamment que les Etats africains parties au Protocole ne sont fort malheureusement pas disposés de permettre à leurs citoyens d'accéder directement à la Cour.

Cela étant, il convient de préciser que la jurisprudence de la Cour africaine est largement illustrative de cette situation de blocus que constitue cette exigence de l'article 34(6) du Protocole. En effet, la Cour s'est heurtée à cet obstacle dès sa première décision, l'arrêt

92 Protocole préc. , article 5 (3).

93 Ibid., article 34(6).

94 La déclaration de la République du Bénin a été déposée auprès de la Commission de l'UA le 8 février 2016.

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Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal du 15 décembre 200995. Dans cette affaire, la Cour s'est purement et simplement déclarée incompétente pour connaitre de la requête introduite par M. Yogogombaye contre le Sénégal du fait que ce dernier n'a pas fait la déclaration au sens de l'article 34(6) du Protocole.

Dès le départ, la Cour est restée constante sur sa position en soutenant régulièrement qu' « il ressort d'une lecture combinée de ces deux dispositions que la saisine directe de la Cour par un individu est subordonnée au dépôt par l'Etat défendeur d'une déclaration spéciale autorisant une telle saisine »96.

En réalité, la question de l'accès des individus et des ONG à la Cour africaine est une problématique cruciale dans le contentieux des droits de l'homme en Afrique. Il faut cependant remarquer que le mécanisme africain s'inscrit dans la logique de la Convention européenne des droits de l'homme qui subordonnait également l'accès direct des individus à la Cour au consentement des Etats. Il a fallut attendre le Protocole n° 1197 qui reforma le mécanisme de contrôle institué par la Convention en supprimant notamment la Commission européenne des droits de l'homme. La Cour européenne dispose depuis d'une compétence obligatoire à l'égard des requêtes individuelles. Peut être que l'Afrique fera autant. Mais au regard de la situation des droits de l'homme en Afrique, nous pensons qu'il est temps de franchir cette étape importante pour une protection effective des droits humains en Afrique.

La Cour africaine a été saisie de la question d'annulation pure et simple de l'article 34(6) du Protocole dans l'Affaire Femi Falama c. Union Africaine. Dans cette affaire, le requérant a notamment allégué qu' « il a été empêché de saisir la Cour en raison de l'inertie du Nigeria et de son refus de déposer la déclaration acceptant la Compétence de la Cour conformément à l'article 34(6) du Protocole »98. Il soutient « que face à l'échec de ses tentatives pour amener le Nigeria à faire ladite déclaration, il a décidé de déposer une requête à l'encontre de l'UA, entant que représentant de ses 54 Etats membres, demandant à la Cour de déclarer que l'article 34(6) est incompatible avec les articles 1, 2, 7, 13, 26 et 66 de la Charte [...], du

95 Affaire Michelot Yogogombaye contre République du Sénégal, requête n° 001/2008, arrêt du 15 décembre 2009, [en ligne] sur www.african-court.org

96 Affaire Yogomgombaye préc. P. 10, paragraphe 34 ; Affaire Femi Falama c. Union Africaine ; Affaire Emmanuel Joseph Uko et autres c. République Sud Africaine ; Affaire Bagdadi Ali Mahmoudi c. République de Tunisie ; Affaire Amir Adam Timan c. République du Soudan ; Affaire Convention nationale des syndicats du secteur éducation (CONASYSED) c. République du Gabon.

97 Protocole N° 11 préc. à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention, 11 mai 1994, entrée en vigueur le 1er novembre 1998.

98 Affaire Femi Falama c. Union Africaine préc., requête n°001/2011, p.3.

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fait, qu'à son avis, exiger d'un Etat qu'il fasse une déclaration permettant aux individus et aux ONG de saisir directement la Cour est une violation des droits [...] à la nondiscrimination, à l'égalité devant la loi, à l'égalité de traitement [...] »99. La Cour après avoir constaté que l'article visé est certes incompatible avec la Charte100, a toutefois rejetée la demande du requérant « tendant à ce que l'article 34(6) soit déclaré nul et non avenu ou annulé »101. Le juge OUGUERGOUZ Fatsah, dans son opinion individuelle jointe à l'arrêt en question réaffirme sa position constante selon laquelle : « dans tous les cas où l'incompétence rationae personae de la Cour est manifeste, [...], les requêtes reçues par le Greffe ne doivent pas faire l'objet d'un traitement judiciaire par la Cour mais d'un simple traitement administratif et doivent être rejetées de plano par une simple lettre du Greffier »102 . Ce qui est une confirmation de plus de cette situation de blocus que caractérise cet article.

En tout état de cause, il faut le dire haut et fort, que la Cour africaine étant une juridiction des individus et non une juridiction des Etats dans la mesure où sa mission est la protection des droits de l'homme et non les droits des Etats, son succès est largement tributaire des moyens que ces derniers lui donneront. Ces moyens ne sont autres que la ratification du Protocole de Ouagadougou par tous les Etats africains et leur reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour en faisant la déclaration prévue à ce fameux article 34(6) ou le supprimer purement et simplement du Protocole.

Section II : La nécessité d'un rude effort de régulation pour une Cour africaine effective

Pour permettre à la Cour africaine de jouer pleinement son rôle de protection des droits de l'homme sur le continent africain, il est nécessaire voire indispensable d'opérer une régulation institutionnelle (Paragraphe I) et d'entreprendre un certain nombre d'actions (Paragraphe II) afin qu'elle soit véritablement effective.

99 Affaire Femi Falama c. Union Africaine préc. , p. 3.

100 Ibid., p. 23.

101 Ibid., p. 24.

102 Voir opinion individuelle OUGUERGOUZ Fatsah, jointe à l'arrêt Affaire Femi Falama c. Union Africaine, p. 2.

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Paragraphe I : La nécessaire régulation institutionnelle

Installée le 2 juillet 2006, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples est le premier organe judiciaire créé à l'échelle du continent africain.

Toutefois, force est de constater que même si la Cour est au coeur du système africain de protection des droits de l'homme, elle est loin d'être seule. Elle est établie dans le sillage d'une demi-douzaine de Cours régionales qui possèdent explicitement ou implicitement des attributions en matière de droits de l'homme et dont selon le juge OUGUERGOUZ fatsah, « l'Afrique peut se targuer d'abriter le plus grand nombre »103. Il s'agit notamment de : la Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Cour de justice de l'Union Economique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA), la Cour de justice du Marché commun pour l'Afrique orientale et australe (COMESA), du Tribunal de la South African development Community (SADC), la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), la Cour de justice de l'Union du Maghreb arabe (UMA) et la Cour de justice de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC)104.

La prolifération de ces juridictions au sein de ces Communautés économiques régionales entrainant ainsi une certaine anarchie institutionnelle, un risque de chevauchement de compétences n'est pas sans inquiétudes.

Le champ de compétence rationae materiae d'une juridiction communautaire se limite initialement au domaine économique et à l'interprétation et l'application du droit communautaire. Pour reprendre Laurence BOURGORGUE-LARSEN, « [...], les juridictions régionales sont érigées, [...] et ont pour fonction [...] d'assurer grâce aux ressorts du droit, l'effectivité de l'approfondissement des rapprochements économiques entre les Etats parties. »105 Ces Cours apparaissent donc comme une sorte de garantie des processus d'intégration économique. En revanche, certains traités constitutifs de certaines communautés régionales africaines contiennent des dispositions relatives aux droits de l'homme. C'est le cas notamment du Traité de la CEDEAO qui est sans doute, la Communauté régionale africaine

103 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : Un gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale », op. cit., p. 218.

104 Sur ces juridictions, voir : Maurice KAMTO, « les Cours de justice des Communautés et des Organisations d'intégration économiques africaines », Annuaire africain de droit international, 1998, volume 6, pp. 107-150.

105 Voir BURGORGUE-LARSEN Laurence, « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international » dans SOCIETE FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, colloque de Lille. La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pedone, 2003, pp. 203-264, p. 217.

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ayant le plus manifestée un intérêt pour la question des droits de l'homme. L'article 4 du traité révisé de la CEDEAO dispose à cet effet que: « Les Hautes Parties Contractantes, dans la poursuite des objectifs énoncés à l'article 3 du présent traité, affirment et déclarent solennellement leurs adhésion aux principes fondamentaux suivants : [...]

(g)- respect, promotion et protection des droits de l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples »106.

Il ressort de cette disposition que non seulement la Communauté adhère à la Charte, mais aussi que sa Cour de justice elle-même a pour mandat entre autres, l'interprétation et l'application et la promotion de ladite Charte. D'ailleurs, plus de 85% des cas conclus par la Cour de justice depuis 2005 étaient liés aux allégations de violation des droits de l'homme au sein des Etats membres de la CEDEAO107. Ce faisant, la Cour de justice a appliqué des dispositions de la Charte.

La nécessité d'une régulation s'impose justement à ce niveau. Car, de toute évidence, cette prolifération sur le continent africain, des juridictions internationales ayant une compétence pour connaitre des violations des droits de l'homme, si elle n'est pas maitrisée, conduit inévitablement à un désordre, à une anarchie qui affaiblira le système africain de protection des droits de l'homme dans son ensemble et la Cour africaine en particulier.

Concrètement face à une violation des droits de l'homme, quelle juridiction faudra t-il saisir ? Faudra t-il pour une victime d'une violation de ses droits humains solliciter une juridiction régionale plus proche et qui n'exige pas une déclaration spéciale d'acceptation de sa compétence que de prendre le risque d'aller devant la Cour africaine ?

Logiquement, les victimes auront tendance à aller vers les juridictions régionales pour notamment des raisons de proximité que d'aller devant la Cour africaine avec le risque de voire leur requêtes rejetées pour défaut de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour par l'Etat défendeur. Ce phénomène est certes, moins visible aujourd'hui en raison de l'ineffectivité et de l'inefficacité de certaines Cours régionales. Mais, à défaut d'une solution continentale adéquate et immédiate, une paralysie, un chaos du système africain de protection des droits de l'homme reste prévisible et même imminent.

106 Traité révisé de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, article 4.

107 Par exemple, voir : l'Affaire Dame Hadijatou Mani Korao c. République du Niger du 27 octobre 2008; Affaire Hissein Habré 2010 ; Affaire Simone Ehivet et Michel Gbagbo c. République de Cote d'Ivoire 2013.

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Cette régulation passe notamment par l'harmonisation de la jurisprudence de la Cour africaine et celle des juridictions régionales et un véritable dialogue entre les juges des différentes Cours.

En revanche, à défaut d'une prise en charge conventionnelle de cette importante question de régulation de cette anarchie institutionnelle, la Cour africaine a tout de même pris une belle initiative d'organiser des séminaires avec les Cour des C.E.R.

Paragraphe II : Les actions à entreprendre pour une Cour efficace

L'effectivité de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples dépend comme nous l'avons souligné plus haut, des moyens que les Etats africains mettront en oeuvre. Toutefois, il nous parait raisonnable que les actions ci-après soient envisageables pour faire de la Cour africaine un instrument de protection des droits de l'homme efficace qui remplie pleinement sa mission en vue de répondre aux attentes des peuples africains.

D'abord, à l'égard des Etats africains n'ayant pas encore ratifiés le Protocole de Ouagadougou, - qui sont au nombre de vingt-quatre -, il conviendra de prendre contact avec les autorités compétentes de ces derniers en vue de les convaincre à ratifier ledit Protocole et de souscrire à la déclaration spéciale prévue à l'article 34(6). Seule une ratification du Protocole et une souscription à la déclaration d'acceptation de la compétence obligatoire de la Cour, peuvent permettre aux individus et aux ONG de saisir la Cour pour faire valoir leurs droits.

Concernant les Etats ayant déjà ratifiés le Protocole mais qui n'ont encore pas fait la déclaration d'acception de la compétence de la Cour - ils sont au nombre de vingt-deux - la même démarche est nécessaire.

Dans ces deux cas, la Cour peut notamment solliciter la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA pour convaincre ses membres de la nécessité non seulement de ratifier le Protocole mais aussi de souscrire à la déclaration.

S'agissant des Etats ayant ratifiés le Protocole et déposés la déclaration conformément à l'article 34(6) - qui sont au nombre de huit -, il convient de mener des « campagnes massives

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et intensives »108 de sensibilisation auprès des individus, des ONG et de la société civile nationale afin de leur fournir les outils dont-ils ont besoin pour saisir la Cour.

Ensuite, la Commission africaine des droits de l'homme peut, en vertu de la possibilité que lui est offerte par le Protocole109, saisir la Cour de certaines affaires dont elle est elle-même saisie. Cela pourrait être un gage de l'efficacité de la protection des droits de l'homme dans la mesure où les décisions de la Cour sont définitives et sont revêtues de la force obligatoire contrairement à celles de la Commission.

Par ailleurs, les Etats membres de l'Union Africaine - parties ou non au Protocole - peuvent sur la base de l'article 4 dudit Protocole solliciter la Cour pour lui demander des avis consultatifs sur toutes questions de droits de l'homme et des peuples, en dehors de toute situation contentieuse110. Cette idée parait séduisante et très importante car un tel recours présenterait l'avantage de leur permettre d'améliorer leur système juridique national de protection des droits de l'homme. En revanche, la pratique internationale montre que les Etats sont moins enclins à engager des procédures contentieuses contre d'autres Etats et c'est pour diverses raisons notamment diplomatique.

De même, l'Union Africaine et ses organes sur la base du même article, peuvent recourir à cette procédure consultative devant la Cour pour lui demander son avis sur toute question pertinente relative aux droits de l'homme et des peuples et notamment lors de l'élaboration de nouveaux instruments de protection des droits de l'homme111. Il en est de même pour les Organisations internationales africaines reconnues par l'Union Africaine, auxquelles le Protocole autorise sur le même fondement de faire une demande d'avis consultatif à la Cour.

Enfin, dans le cadre de donner plus de visibilité à la Cour et de la rapprocher au mieux aux populations africaines, des nombreuses activités de promotion sont également nécessaires.

Ces activités peuvent consister d'une part, à la promotion de l'existence de la Cour dans toutes les Universités africaines et à l'organisation des conférences continentales sur la Cour

108 V. Gérard NIYUNGEKO, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives », Allocution présentée le 8 décembre 2008 à l'occasion de l'ouverture du séminaire des Cours régionales des droits de l'homme organisé par le Ministère des affaires étrangères, l'Institut international des droits de l'homme René Cassin et la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg les 8 et 9 décembre 2008, RTDH, 2009, n° 79, pp. 731-738, p. 735.

109 Voir Protocole, article 5.

110 Gérard NIYUNGEKO, «La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives », op. cit., p. 736.

111 Ibid., p. 736.

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et ses activités. D'autre part, il est nécessaire que la Cour établisse des « liens étroits »112 avec non seulement les autres Cours régionales de protection des droits de l'homme113 mais aussi les Cours des Communautés économiques et les Cours suprêmes et constitutionnelles des Etats membres de l'Union Africaine114.

Pour ce qui concerne les Cours des Communautés économiques régionales, comme nous l'avons évoqué dans le paragraphe précédent, il est utile qu'il y ait un « mécanisme d'harmonisation »115 de la jurisprudence de la Cour et de celle de ces dernières pour une meilleure protection des droits de l'homme.

S'agissant des Cours suprêmes et constitutionnelles des Etats membres de l'Union Africaine dont les Constitutions nationales se réfèrent généralement à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Cour doit entretenir une relation privilégiée avec elles. Ces juridictions nationales étant les artisans de la jurisprudence nationale en matière des droits de l'homme, une coopération entre la Cour et ces dernières est nécessaire et elle peut se matérialiser notamment par la mise en place des cellules ou des passerelles de communication et d'information116. Une telle coopération présente un double avantage. D'une part, elle permet à la Cour d'être informer « des grandes tendances des jurisprudences nationales respectives », et d'autre part, elle permet aux juridictions nationales de « prendre en compte la jurisprudence de la Cour »117.

Chapitre II : La Cour africaine, une juridiction provisoire

Ainsi qu'il vient d'être précédemment exposé, la Cour africaine fait face à des limites qui rendent son efficacité relative à défaut d'une indispensable régulation. Cependant, au lieu de corriger les dysfonctionnements auxquels fait face la Cour afin de la rendre effective et dynamique, l'Union africaine a entrepris toute une série de reformes qui finalement rendent même provisoire son existence. Dans le cadre d'une analyse du caractère provisoire de l'existence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et au regard de ces

112 Idem.

113 Nous faisons allusion aux Cours européenne et américaine des droits de l'homme.

114 Gérard NIYUNGEKO, «La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives », op.

cit., p. 736.

115 Idem.

116 Ibid., p. 737.

117 Idem.

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différentes reformes, on se demande même si le projet de création de la Cour unique ne constitue pas la fin de l'existence la Cour (Section I) et si cela n'entraine pas une restriction de la protection des droits de l'homme en Afrique (Section II).

Section I : Le projet de création d'une Cour unique : l'acte de décès de la Cour africaine des droits de l'homme ?

Ainsi qu'il vient d'être indiqué, il convient de rapporter la substance de la double reforme de l'Union Africaine. D'une part, le Protocole de Maputo portant création d'une Cour de justice de l'Union africaine (Paragraphe I) et d'autre part, le Protocole de Sharm el-Sheikh portant statut de la Cour unique (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le processus d'élaboration du Protocole de Maputo portant création d'une Cour de justice de l'Union Africaine

Il convient tout d'abord de préciser que l'idée de création d'une Cour continentale de justice n'est pas nouvelle. Elle remonte du Traité d'Abuja118 du 3 juin 1991, adopté dans le cadre de l'OUA. En effet, les articles 1er, 7 et 18 dudit traité consacrent la création d'une Cour de justice de la Communauté économique africaine. Cette Cour de justice était non seulement aux termes du Traité, un organe indépendant, doté d'une compétence classique consultative et contentieuse119 mais aussi ses arrêts avaient une force obligatoire pour les Etats et les organes de la Communauté économique africaine120. Mais ce projet n'a pas vu le jour car le Protocole devant déterminer les Statuts de la Cour, sa composition, ses pouvoirs et les modalités de son opérationnalisation n'a jamais été rédigé.

Toutefois, cette idée de création d'une Cour de justice a été réaffirmée à Syrte (en Libye) en novembre 1999 lors de la 4ème session extraordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA. Mais il a fallut attendre à nouveau le 11 juillet 2000 à Lomé (Togo)

118 Ce Traité a été adopté par l'OUA en 1991 à Abuja au Nigéria et il est entré en vigueur en 1994. Il a fait de la Communauté économique africaine qu'il a crée une partie intégrante de l'OUA devenue UA.

119 Voir traité d'Abuja, article 18 « [...], 2. La Cour de justice assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application du présent traité et statue sur les litiges dont elle est saisie en vertu des dispositions du présent traité. 5. Dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de justice est indépendante des Etats membres et des organes de la Communauté [...] »

120 Ibid., article 19 « Les arrêts de la Cour de justice ont force obligatoire à l'égard des Etats et des organes de la Communauté ».

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lors du Sommet de l'OUA, pour que l'acte constitutif de l'UA prévoit à son article 5 une Cour de justice parmi les organes de l'Union121.

En vertu de cette disposition, la création d'une Cour de justice continentale s'emble donc s'imposer à l'Union Africaine. Cette obligation découle de l'article 18 de l'Acte constitutif de l'UA dont l'alinéa premier crée la Cour et le second alinéa prévoit l'adoption d'un Protocole y afférent122définissant ses statuts, sa composition et ses pouvoirs.

Finalement, c'est ce Protocole qui a été adopté à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003 lors de la deuxième session ordinaire de la toute nouvelle Union Africaine. Au vu de ce qui précède, on se rend compte que l'adoption de ce Protocole a donc été l'aboutissement d'un long processus et marque par la même occasion une certaine volonté de la part des Chefs d'Etats africains de rompre avec leur traditionnel attachement à la négociation, la médiation politique pour recourir au règlement judiciaire des différends internationaux.

Cette Cour de justice ainsi crée est aux termes de l'article 2 du Protocole de Maputo, « l'organe judiciaire principal de l'Union ». Ce Protocole créant cette Cour était censé rentré en vigueur conformément à l'article 60 qui détermine ses modalités d'entrée en vigueur123, le 11 janvier 2008 suite au dépôt par l'Algérie du quinzième instrument de ratification124. Mais il n'est jamais entré en vigueur. Par conséquent, la Cour de justice de l'Union africaine qu'il a instituée n'a pas vu le jour car toutes les formalités relatives à son opérationnalisation dont la détermination de son siège et l'élection des juges ont été suspendues.

Cet état de fait s'explique purement et simplement par le fait qu'avant même l'entrée en vigueur du Protocole de Maputo, le projet de fusion de cette Cour de justice de l'Union Africaine avec la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples instituée par le Protocole de Ouagadougou était déjà en discussion. De ces discussions, est née l'idée d'adopter un nouveau Protocole pour matérialiser la fusion de ces deux Cours en une Cour unique : la Cour africaine de justice et des droits de l'homme.

121 Voir l'Article 5 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine.

122 Ibid., article 18 « 1. Il est crée une Cour de justice de l'Union. 2. Les statuts, la composition et les pouvoirs de la Cour de justice sont définis dans un Protocole y afférent ».

123 Article 60 du Protocole de Maputo se lit comme suit : « Le présent Protocole entre en vigueur trente (30) jours après le dépôt des instruments de ratification par quinze (15) Etats membres ».

124 Sur ce sujet, voir le site internet de l'Union Africaine : www.africa-union.org et le site de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : www.africa-court.org.

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Paragraphe II : Le Protocole de Sharm el-Sheikh : Statut de la Cour unique

Dans le cadre de la mise en place d'une juridiction continentale unique au sein de l'Union africaine, a été adopté à Sharm el-Sheikh (en Egypte) le 1er juillet 2008, lors de la onzième session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernement de l'UA, le Protocole du même du nom. Ce Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, s'inscrit dans la logique de la reforme longtemps voulue par l'Union Africaine pour se doter d'une seule juridiction à l'échelle continentale. Cette reforme consiste à fusionner l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la Cour de justice de l'Union africaine qui n'a jamais été mise en place.

Toutefois, il est important de préciser qu'avant même l'adoption de ce Protocole portant Statut de la Cour unique à Sharm el-Sheikh (Egypte), la décision de fusionner les deux Cours avait déjà été prise en 2004 à Addis - Abeba (Ethiopie) lors de la session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union. A cette occasion, par la décision Assembly/AU/Dec. 45 (III)125 du 8 juillet 2004, a été décidé que : « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice seront fusionnées en une seule Cour ».

Cela étant, il faut noter que cette décision de fusion est intervenue seulement 6 mois après la rentrée en vigueur du Protocole de Ouagadougou126 portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et quasiment 2 ans avant son installation le 2 juillet 2006. Ce qui a faillit faire de l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, un organe judiciaire « mort né »127 ou encore pour reprendre Mutoy MUBIALA une Cour en « sursis »128. Deux raisons principales semblent justifier la fusion de ces deux organes juridictionnels. C'est « en réponse au défi de la prolifération des institutions panafricaines et aux coûts exorbitants subséquents »129 qu'intervient cette fusion. Donc, c'est dans le souci de rationnaliser les coûts qu'engendrerait le fonctionnement de ces deux organes et de maitriser

125 Voir cette décision au préambule du Protocole de Sharm el-Sheikh, paragraphe 4.

126 Ce Protocole est entré en vigueur le 25 janvier 2004.

127 Voir le Guide pratique de la FIDH, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour de justice et des droits de l'homme », avril 2010, p. 142, format PDF disponible sur www.fidh.org/IMG/pdf/GuideCourAfricaine.pdf

128 MUBIALA Mutoy, Le système régional africain de protection des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2005.

129 Ibid., « Chronique de droit pénal de l'Union Africaine. L'élargissement du mandat de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal », Revue internationale de droit pénal, 2014/3, vol. 85, pp. 749-758, p. 750.

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la multiplication des juridictions continentales et un éventuel conflit de compétence entre les juridictions, que l'UA a décidé cette reforme.

A ce niveau, nous relevons que l'Afrique semble vouloir s'écarter de l'approche européenne qui laisse coexister la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l'homme en dépit du fait qu'elle s'inspire profondément de l'Europe en matière de construction communautaire.

Nonobstant cette décision de fusion, l'U.A semble avoir pris conscience que le processus de mise en place de la future cour unique risque de prendre du temps. Elle a en effet, pris la décision d'autoriser l'opérationnalisation de l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples lors du sommet d'Abuja de janvier 2005. D'où le caractère provisoire même de l'existence de cette Cour.

Cette décision a été réaffirmée quelques mois plus tard lors du sommet de Syrte (Libye) de juillet 2005 en ces termes : « Toutes les mesures nécessaires au fonctionnement de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples doivent être prises, notamment l'élection des juges, la détermination du budget et l'opérationnalisation du Greffe »130. C'est ainsi que la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples est devenue opérationnelle. Mais son avenir reste toutefois incertain et dépend de la mise en place de la future Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples dont le Protocole vient d'être amendé lors du 23ème sommet de l'UA tenue à Malabo (Guinée équatoriale) du 20 au 27 juin 2014 pour élargir son champ au domaine pénal.

Ces diverses reformes de l'UA posent en outre diverses questions et de nombreuses inquiétudes pour certains quant à l'effectivité même de la protection des droits de l'homme sur le continent africain dans l'avenir.

130 Voir Assembly/UA/Dec.83 (V) in le Guide pratique de la FIDH, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour de justice et des droits de l'homme », op. cit., p. 142.

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Section II : Vers une restriction de la protection des droits de l'homme en Afrique ?

Comme il vient d'être indiquer précédemment, de reforme à reforme, l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples sera remplacée par une Section des droits de l'homme et des peuples (Paragraphe I) de la nouvelle Cour. De la Cour à la Section, le risque d'une restriction de la protection des droits de l'homme en Afrique est réel même si la Section des droits de l'homme de la future Cour unique héritera de l'ensemble des compétences actuelles de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Ce qui laisse croire que la succession est tout de même relativement garantie (Paragraphe II).

Paragraphe I : Mise en place d'une Section des droits de l'homme à la place de la Cour

L'article 1er du Protocole de Sharm el-Sheikh dispose que : « Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou (Burkina Faso) et entré en vigueur le 25 janvier 2004, et le Protocole de la Cour de justice de l'Union Africaine adopté le 11 juillet 2003 à Maputo (Mozambique) sont remplacés par le présent Protocole et le Statut y annexé qui en fait partie intégrante [...] ». L'article 2 du même Protocole ajoute que : « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de l'Union africaine, créées respectivement par le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et l'acte constitutif de l'Union africaine, sont fusionnées en une Cour unique instituée et dénommée « la Cour africaine de justice et des droits de l'homme ». ».

Au vu de ces deux dispositions, il convient de remarquer que le Protocole de Sharm el-Sheikh abroge les Protocoles de Ouagadougou et de Maputo et se substitue à eux d'une part, et d'autre part, il supprime purement et simplement la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de l'Union africaine qu'il remplace par la Cour africaine de justice et des droits de l'homme. Cette dernière sera donc l'organe judiciaire principal de l'Union africaine131.

131 Voir Statuts, article 2.

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La création de la Cour unique par la fusion des deux autres Cours a initialement donné naissance à deux Sections132 :

- Une section des affaires générales qui correspond à la Cour de justice de l'Union africaine. Cette section ne fera pas l'objet d'un développement dans le cadre de cette présente étude dans la mesure où elle ne traite pas de la question des droits de l'homme. Elle traite entre autres, des questions relatives au règlement des différends entre les Etats africains (à l'image de la C.I.J) d'une part, et d'autre part, celles relatives au contentieux entre l'UA et son personnel (comme la CJUE)133.

- Une Section des droits de l'homme. C'est cette dernière qui remplacera l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

Par ailleurs, à ce stade, il est permis de se demander si c'est cette Section des droits de l'homme de la Cour unique qui constituera la principale juridiction régionale des droits de l'homme en Afrique, à l'instar de la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des droits de l'homme. La réponse est sans ambigüité l'affirmative.

Toutefois, la mise ne place de la Section à la place de la Cour engendre des risques de restriction de la protection des droits de l'homme. Ce risque est d'autant plus élevé que l'Union africaine a récemment élargie le mandat du Protocole de Sharm el-Sheikh aux questions pénales. Cette reforme qui a eu lieu à Malabo (Guinée équatoriale) en juin 2014, a mis en place une troisième Section : la Section du droit international pénal134.

Ce faisant, le risque de restriction de la protection des droits de l'homme réside tout d'abord, dans la cohabitation entre la Section de droit international pénal et la Section des droits de l'homme. Cette cohabitation pourrait porter atteinte à l'efficacité et à la visibilité même de cette dernière.

Ensuite, le Protocole de Malabo vient réduire considérablement le nombre de juges de la Section des droits de l'homme. Selon l'article 10 (2) du Statut annexé au Protocole de Malabo : « La Section des droits de l'homme et des peuples de la Cour est dûment constituée de trois (3) juges ». Cela est un recul majeur non seulement par rapport au Protocole

132 Ibid., article 16.

133 Ibid., article 28. Voir aussi sur cette question MUBIALA Mutoy, « Chronique de droit pénal de l'Union Africaine. L'élargissement du mandat de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal », op. cit., p. 750.

134 Voir l'article 6 du Statut annexé au Protocole de Malabo portant amendement au Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme.

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amendé135 dont le Statut annexé prévoit seize (16) juges pour la Cour - huit (8) juges par Section -, mais aussi quant on sait que la Cour européenne des droits de l'homme se compose d'un nombre de juges égal à celui des Hautes Parties contractantes136 et que la Cour interaméricaine des droits de l'homme se compose également de 7 juges137.

Enfin, l'un des risques de restriction de la protection des droits de l'homme en Afrique avec la mise en place de ladite Section tient au fait que la reforme de Malabo accorde des immunités aux Chefs d'Etat et de gouvernement africains, ainsi qu'aux hauts responsables publics. Toutefois, il convient à ce niveau de préciser que les volets droits de l'homme et droit pénal sont distincts. Et cette distinction tient notamment au fait que la Section pénale est juge des individus et la Section des droits de l'homme est juge des Etats. Même ces deux disciplines sont tout de même complémentaires et intimement liées.

Ces immunités découlent de l'article 46A bis du Statut annexé au Protocole de Malabo qui se lit comme suit : « Aucune procédure pénale n'est engagée ni poursuivie contre un Chef d'Etat ou de gouvernement de l'UA en fonction, ou toute personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité ou tout autre haut responsable public en raison de ses fonctions ». En particulier, cette reforme semble être justifiée par deux raisons : d'une part, le conflit entre l'UA et la CPI dû à la « focalisation »138 de cette dernière sur l'Afrique et d'autre part, entre l'UA et l'UE en raison de l'utilisation « abusive »139 par certains Etats membres de l'UE de la compétence universelle à l'égard des africains.

Dans tous les cas, l'octroie de telles immunités aux dirigeants africains bien que ne relevant pas de la question des droits de l'homme et ne s'inscrivant donc pas dans la logique de la Charte africaine, ne va nullement dans le sens d'une volonté de protection effective des droits de l'homme sur le continent africain qui est le théâtre des violations massives des droits de l'homme.

Toutefois, dans la mesure où la Section des droits de l'homme et des peuples de la future Cour unique héritera de l'ensemble des attributions de l'actuelle Cour africaine, nous sommes tentés de croire que la succession sera relativement assurée.

135 Nous faisons allusions au Protocole de Sharm el-Sheikh portant statut de la Cour unique.

136 Voir l'article 20 de la Convention européenne des droits de l'homme.

137 Voir l'article 52 de la Convention américaine des droits de l'homme.

138 Voir MUBIALA Mutoy, « Chronique de droit pénal de l'Union Africaine. L'élargissement du mandat de la

Cour africaine de justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international pénal », op. cit., p. 750.

139 Idem.

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Paragraphe II : Une succession relativement assurée

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, lorsque le Protocole de Sharm el-Sheikh amendé par le Protocole de Malabo entrera en vigueur et sera mise en oeuvre, l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples cessera d'exister et sera remplacée par la Section des droits de l'homme et des peuples. Cependant, cette Section aura le pouvoir de connaitre de toutes les questions relatives aux droits de l'homme dont elle sera saisie. C'est ce qui résulte de l'article 17 (2) du Statut de la Cour, annexé au Protocole de Sharm el-Sheikh : « La Section des droits de l'homme et des peuples est saisie de toute affaire relative aux droits de l'homme et/ou des peuples ». Cette position est retenue par le Statut annexé au Protocole de Malabo en ces mêmes termes. Il ressort de cette disposition que la compétence de la Section des droits de l'homme de la future Cour unique est à l'instar de celle de l'actuelle Cour africaine, extensive et libérale. C'est ce que vient d'ailleurs confirmer l'article 28 (c) du Statut annexé au Protocole de la Cour unique, qui précise que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires et à tous les différends d'ordre juridique qui lui seront soumis conformément au présent Statut et ayant pour objet : [...],

c) l'interprétation et l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l'homme, auxquels sont parties les Etats concernés, [...] ». Au vu de ce qui précède et à la lecture de cette disposition, on se rend compte que la compétence rationae materiae de la Section des droits de l'homme et des peuples de la future Cour est identique à celle de l'actuelle Cour. La succession est donc sur ce point garantie.

Concernant la question de la saisine directe de la Section par les individus et les organisations non gouvernementales ayant le statut d'observateur auprès de la Commission, il n'y pas eu d'évolution. En effet, le Protocole de Sharm el-Sheikh retient la même exigence que le Protocole de Ouagadougou. Selon l'article 8(3) du Protocole de la Cour unique : « Tout Etat partie au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, ou à toute autre période après l'entrée en vigueur du Protocole peut faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 30 (f) [...] ». Et cet article 30 (f) du statut de la Cour annexé au Protocole dispose que : « Les entités suivantes ont également qualité à saisir la Cour de toute violation d'un droit garantie par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples [...] ou par tout autre instrument

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juridique pertinent relatif aux droits de l'homme, auxquels sont parties les Etats concernés : [...]

f) les personnes physiques et les organisations non gouvernementales accréditées auprès de l'Union ou de ses organes ou institutions, sous réserve des dispositions de l'article 8 du Protocole ». Ces deux articles s'inscrivent donc dans la logique des articles 5 (3) et 34 (6) du Protocole de Ouagadougou précités. A ce niveau également, la Section héritera de la pratique de l'actuelle Cour même s'il est remarquable et regrettable qu'il n'ya aucune évolution sur la question malgré les reformes.

Il est donc frappant de constater qu'il ya une compétence matérielle extensive reconnue à la Section des droits de l'homme et des peuples de la future Cour. Et qu'il y a également une limitation de l'accès à ladite Section aux principaux bénéficiaires des droits garantis comme c'est le cas de l'actuelle Cour. Cela constitue donc une limite majeure et une restriction considérable à la protection des droits de l'homme sur le continent africain.

Enfin, la période de transition de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples s'avère bien encadrée par le Protocole de Sharm el-Sheikh tel qu'amendé par celui de Malabo. En effet, s'agissant de la question de la validité du Protocole de Ouagadougou, l'article 7 du Protocole de Sharm er-Sheikh précise qu'il « [...] reste en vigueur pendant une période transitoire n'excédant pas un (1) an ou toute autre période déterminée par la Conférence, après l'entrée en vigueur du présent Protocole, pour permettre à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples de prendre les mesures appropriées pour le transfert de ses prérogatives, de ses biens et de ses obligations à la Cour africaine de justice et des droits de l'homme ». Concernant le mandat des juges de l'actuelle Cour, l'article 5 du Protocole de Malabo qui a modifié l'article 4 du Protocole de Sharm el-Sheikh indique : « 1. A l'entrée en vigueur du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, le mandat et la nomination des juges de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples prennent fin ». Cependant l'alinéa 2 du même article poursuit que « [...] les juges de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples demeurent en poste jusqu'à ce que les juges de la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples prêtent serment ». Pour ce qui est des affaires pendantes devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples au moment de l'entrée en vigueur du Protocole de la Cour unique, l'article 6 dudit Protocole stipule qu' « au moment de la rentrée en vigueur du présent Protocole, toute affaire touchant tout pays qui avait déjà été

entamée, [...], se poursuit devant la Section appropriée de la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples ». Le Greffier de l'actuelle Cour restera également en fonction jusqu'à la nomination d'un nouveau greffier140 et le personnel de la Cour sera incorporé dans le greffe de la nouvelle Cour pour le reste de leur contrat de travail141.

Dès lors, tous ces éléments nous permettent d'affirmer que la succession est assurée. Reste donc à espérer que la mise en place de la future Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples ne sera pas un outil restrictif des droits de l'homme sur le continent africain. Au contraire on espère que la prochaine reforme permettra aux individus, aux groupes d'individus et aux ONG, à l'image de la Cour européenne des droits de l'homme de saisir cette Cour pour une meilleur protection des droits de l'homme en Afrique.

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140 Voir Protocole de Sharm el-Sheikh préc., art. 7

141 Idem.

CONCLUSION

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L'étude de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a révélé que ce premier organe juridictionnel de protection des droits de l'homme sur le continent africain fait face à de nombreuses difficultés. Le Protocole de Ouagadougou créant la Cour ne permet notamment pas aux individus et aux ONG de saisir directement cette dernière et le nombre d'Etats ayant souscrit à la déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour est dérisoire. Et la multiplication des juridictions compétentes en matière de droits de l'homme en Afrique risque d'être un frein à son effectivité. Aussi, de nos jours vingt quatre (24) Etats africains n'ont toujours pas ratifié ce Protocole. Néanmoins, il convient d'être nuancé : la création de la Cour africaine est sans doute, malgré tout, l'une des avancées les plus significatives dans l'histoire de la protection des droits de l'homme en Afrique. Ensuite, la compétence surtout matérielle très large de la Cour africaine et son indépendance font d'elle une véritable juridiction avec une certaine originalité.

Les principales difficultés auxquelles est confrontée la Cour pouvaient être corrigées notamment lors de l'adoption du Protocole de Sharm el-Sheikh fusionnant la Cour de justice de l'UA à l'actuelle Cour ou lors de la révision de ce Protocole à Malabo. Mais au lieu de corriger les limites en permettant notamment aux individus et aux ONG d'accéder directement à la Cour pour faire valoir leurs droits, l'UA a décidé de réduire la Cour en une Section de la future Cour unique, à réduire le nombre de juges et à maintenir l'exigence de la déclaration facultative d'acceptation de la compétence de la Cour unique. La création d'une Cour unique n'est pas mauvaise en soi. En revanche, bien que la Section des droits de l'homme et des peuples de la Cour unique héritera de l'étendue de la Compétence de l'actuelle Cour, une reforme du Protocole de cette Cour unique est encore nécessaire et toujours possible. Une telle reforme aura le mérite de corriger toutes les insuffisances et faiblesses afin que la Section des droits de l'homme de la future Cour puisse être réellement efficace et incitative pour garantir la règne de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme en Afrique.

Finalement, on peut affirmer que la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples est au-delà de son caractère juridictionnel, un véritable instrument dissuasif. Grâce à la Cour, l'Afrique a contribué à l'universalisation des droits de l'homme et à la promotion du Droit international des droits de l'homme en rejoignant l'Europe et l'Amérique. Sur le plan

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politique, par la création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, l'Afrique a acquis désormais une véritable légitimité même s'il reste encore du chemin à parcourir.

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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES ET MANUELS

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Document Organisation Non Gouvernementale (ONG)

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Documents officiels :

62

- La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples du 27 juin 1981 ;

- Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples (Ouagadougou, 10 juin 1998).

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- Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'Homme, (Sharm El - Sheikh, 1er juillet 2008).

- Protocole de la Cour de justice de l'Union Africaine, (Maputo, 11 juillet 2003).

- Protocole portant amendement au Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme (Malabo, 27 juin 2014).

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TABLE DES MATIERES

LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES ENTRE ORIGINALITES ET

INCERTITUDES 3

SOMMAIRE 4

SIGLES ET ABREVIATIONS 5

INTRODUCTION 7

Partie I - La Cour africaine, un organe juridictionnel à vocation continentale 14

Chapitre I : La Cour africaine, un organe juridictionnel prometteur 14

Section I : Un système juridictionnel novateur institué par le Protocole de Ouagadougou 15

Paragraphe I : Une Cour ouverte aux organisations intergouvernementales africaines 15

Paragraphe II : Un système destiné à remédier aux lacunes de la Charte africaine 17

Section II : La Cour africaine, une institution judiciaire indépendante 20

Paragraphe I : L'indépendance institutionnelle de la Cour garantie 21

Paragraphe II : La garantie de l'indépendance des membres de la Cour 22

Chapitre II : La Cour africaine, un organe juridictionnel ambitieux 23

Section I : Une Cour à compétence matérielle large 23

Paragraphe I : Une compétence matérielle contentieuse de la Cour 23

Paragraphe II : Une compétence matérielle Consultative de la Cour 26

Section II : Une Cour à compétence personnelle relativement libérale 28

Paragraphe I : Une compétence personnelle au regard du demandeur 29

Paragraphe II : Une compétence personnelle au regard du défendeur 31

Partie II : La Cour africaine, un instrument fragile 33

Chapitre I : La Cour africaine, un organe à efficacité relative mais perfectible 33

Section I : Les limites juridico-politiques majeures à l'efficacité de la Cour 33

Paragraphe I : Le faible taux de ratification du Protocole, une limite à l'effectivité de la Cour 34

Paragraphe II : L'article 34(6) ou le verrou juridique à l'accessibilité de la Cour 36

Section II : La nécessité d'un rude effort de régulation pour une Cour africaine effective 38

Paragraphe I : La nécessaire régulation institutionnelle 39

Paragraphe II : Les actions à entreprendre pour une Cour efficace 41

Chapitre II : La Cour africaine, une juridiction provisoire 43

Section I : Le projet de création d'une Cour unique : l'acte de décès de la Cour africaine des

droits de l'homme ? 44

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Paragraphe I : Le processus d'élaboration du Protocole de Maputo portant création d'une Cour

de justice de l'Union Africaine 44

Paragraphe II : Le Protocole de Sharm el-Sheikh : Statut de la Cour unique 46

Section II : Vers une restriction de la protection des droits de l'homme en Afrique ? 48

Paragraphe I : Mise en place d'une Section des droits de l'homme à la place de la Cour 48

Paragraphe II : Une succession relativement assurée 51

CONCLUSION 54

BIBLIOGRAPHIE 56






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote