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Réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. Discours, représentations et processus d'entrée en résistance.

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par Elise LABYE
Université de Toulouse-Le-Mirail - Master 1 Anthropologie Sociale et Historique 2009
  

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B. « Pastoralies, la fête de la montagne vivante »

Toujours dans un même but de communication, l'Aspap monte régulièrement son stand, tenu par des bénévoles de l'association, dans divers évènements du monde pastoral et agricole 52. Ce qu'ils veulent c'est que le plus grand nombre de gens possible puissent entendre, comprendre leur point de vue et pourquoi ils s'opposent au projet de réintroduction. C'est dans ce but que sur les stands on trouve notamment des photos de prédations. C'est pour que les gens puissent se mettre à leur place, imaginer ce qu'ils ressentent quand ils trouvent une bête attaquée par l'ours et donc comprendre leur colère.

Mais, un des événements majeurs de leur stratégie de communication envers le grand public, c'est une grande fête que l'association organise depuis deux ans maintenant au mois d'août53. Cette fête s'est à chaque fois déroulée en haute montagne afin que les gens puissent se rendre compte, au plus près, de ce qu'implique la pratique de la transhumance, pour leur expliquer, leur montrer le travail des hommes et des troupeaux sur l'estive. Ils veulent faire valoir, montrer, dans un cadre festif et familial, ce qui pour eux constitue un patrimoine naturel à préserver et qui est le fruit du pastoralisme: les prairies d'altitude et l'alternance de différents types de végétation54, caractéristiques des montagnes où il y a du pastoralisme. En ce qui concerne la faune, ce qui est un patrimoine naturel « domestique » à conserver, ce sont les races domestiques autochtones, sélectionnées au fil du temps pour leur adaptation au territoire, qui constituent souvent leurs troupeaux.

Ceci est en droite ligne de cette conception de la nature comme fille de la maîtrise harmonieuse de l'homme sur son territoire mais aussi sur les espèces animales. Il leur apparaît comme plus important de sauvegarder des races domestiques qu'un animal sauvage emblématique comme l'ours. Ils pensent que c'est prioritaire par rapport à la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées, reprochent aux associations qui ont mis en place cette réintroduction de réduire la biodiversité aux seules espèces sauvages et revendiquent la nécessité de sauvegarder les espèces domestiques également sources de biodiversité et en voie de disparition. A ce propos, ils citent la

52 Voir à ce sujet le chapitre: « les observations » dans la première partie du mémoire.

53 Voir à ce propos la description de la fête en page 8

54 Voir en annexe le schéma de l'étagement montagnard.

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conférence de Rio de 199255 qui avait précisé l'importance de la sauvegarde de espèces domestiques et leur participation à la richesse de la biodiversité. Il semblerait que pour eux, patrimoine culturel et patrimoine naturel soit indissociables.

Ensuite, cette fête leur permet de donner l'image qu'ils souhaitent aux gens des villes venus en vacances en Ariège et à ceux qui vivent dans le département mais ne connaissent pas forcément

leur travail. Un des buts principaux est de véhiculer une autre image des montagnes pyrénéennes et des éleveurs qui y travaillent. Communiquer, mais sur ce qui leur tient à coeur, pas uniquement sur l'ours dont ils pensent qu'il les stigmatise mais sur l'élevage et la pratique de la transhumance qu'ils souhaitent maintenir notamment grâce au tourisme et aux produits du terroir que cette activité permet de produire.

Ce type de démarche communicative sous la forme de fêtes mettant en avant le monde pastoral ou agricole, souvent associé à un patrimoine culturel, et principalement à destination des populations citadines, a été l'objet de plusieurs analyses dans le domaine des sciences humaines. Pour François Labouesse (1998), ce type de manifestation est motivé par des raisons économiques de la part des éleveurs. Ainsi, son hypothèse est que: « Lorsqu'aujourd'hui des agriculteurs entreprennent d'exploiter le gisement de curiosité qu'ils ressentent à leur égard, ce n'est pas pour se prêter à un simple échange de nature culturelle ou pour participer de manière « gratuite » à des opérations d'animation locale, mais bien, d'une manière ou d'une autre, pour défendre, promouvoir ou conforter leur activité, soit à une échelle locale, soit à des niveaux plus larges, y compris national ». Dans le cas des Pastoralies, les motivations économiques sont présentes, mais il y a également l'envie de « conforter leur activité » qu'ils estiment menacée. Cette fête est organisée par des éleveurs qui ont une production à valoriser et une idée à faire passer: le fait qu'ils sont détenteurs d'un patrimoine culturel qu'ils estiment mis en danger par le programme de réintroduction de l'ours, alors que l'ours lui est communément considéré comme un élément du patrimoine naturel.

François Labouesse évoque également le même type de démarche mis en place à titre individuel, comme par exemple les visites à la ferme. Le porte-parole de l'Aspap et actuel président de l'Addip, Philippe L. a en parallèle à son activité d'éleveur une activité touristique, c'est-à-dire qu'il fait visiter son estive à des touristes en partie citadins. Il fait cela dans le même esprit que ce qui se fait dans le cadre des Pastoralies, c'est le même type de démarche. C'est à dire une

55 Notamment dans les publications écrites de l'association.

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conciliation entre élevage et tourisme, permettant à son élevage d'être plus « rentable ».

« Philippe L., il veut pas des ours mais lui par contre il a proposé des trucs [...] il est dans une dynamique là [...] de produire [...] de faire un produit touristique avec ça en emmenant les gens sur les estives moi je trouve que c'est bien ça [...] je trouve que c'est pas du folklore à carte postale [...] il montre pas des ours là qu'il faut aller voir dans la nature sauvage [...] il montre la nature et qu'est ce que l'homme en fait [...] il montre une activité humaine qui fait vivre des gens qui s'inscrivent dans une histoire humaine, et les autres ils montrent la nature [...]détachée de l'humain, mais contre l'humain presque » (Bernadette)

« Comme ça on ne fera rien de bon...on va sacrifier l'élevage et on va sacrifier le tourisme à long terme, ça c'est 100% vrai...(pause)...et les gens de l'Aspap ils sont conscients de ça, P. le premier il est à fond pour le tourisme [...] il vit que de ça [...] et des produits naturels...il vend de la viande de par toute la France...il est conscient qu'il faut le tourisme en Ariège et dans les Pyrénées[...] il défend quand même l'élevage parce que si un jour il a pas de bêtes à vendre...aux touristes, il pourra pas leur vendre des produits de Super U, ça marche pas » (M. Joly)

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault