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L'évolution des politiques agricoles et leur incidence sur l'économie et le développement rural au Cameroun (1960-2014).

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par ARSENE GUY DAVY MEBA
UNIVERSITE DE YAOUNDE I, ENS YAOUNDE - DIPPES II 2014
  

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B. Le comice agro-pastorale d'Ebolowa : lancement de la NPADG

Dans la même lancée de mettre en place une nouvelle «révolution verte» au Cameroun, le gouvernement camerounais renoua avec la tradition des comices en 2011. Une brève compréhension de l'historique des comices au Cameroun est nécessaire avant d'analyser le comice agro-pastorale d'Ebolowa.

1. Les comices agro-pastoraux au Cameroun

Symbole de la révolution verte lancée en 1973, le Comice agro-pastoral était considéré comme la vitrine du génie agro-pastoral camerounais. Il visait à intensifier la production agricole nationale tout en encourageant ses acteurs à plus d'ardeur au travail. Cette grande fête du monde rural, servit au fil des années, d'un instrument de valorisation des savoirs des paysans. C'était une école où les agriculteurs se retrouvaient pour échanger des expériences pour rivaliser de compétition sur la qualité et la qualité de leurs produits. Bref, c'était une école pour les agriculteurs et les éleveurs du pays. Les populations venaient de toutes les régions du pays. Des prix étaient offerts par un jury aux meilleurs produits d'où l'usage courant du terme comice dans les langues bétis lorsqu'on est en présence d'un produit agricole spectaculaire435(*).

A travers le comice, le gouvernement camerounais visait la promotion du développement du monde rural par la mise en place d'un cadre pérenne d'échanges, de compétition entre acteurs (producteurs agro-pastoraux, offreurs de facteurs, utilisateurs des produits et technologies accompagnatrice de développement) et d'évaluationen vue de susciter l'excellence et l'augmentation quantitative des produits agricoles et pastorales. Le Chef de l'Etat Ahmadou Ahidjo lança le premier comice à Buea le 09 mars 1973. Il y eut ensuite le comice Ngaoundéré le 10 décembre 1974, Bafoussam en novembre 1977, Bertoua en 1984, Ngaoundéré, et Maroua en 1988436(*). Le successeur d'Ahidjo décida ainsi de renouer avec cette tradition 23 ans plus tard à Ebolowa.

2. Le comice agro-pastorale d'Ebolowa (janvier 2011)

Ebolowa, la capitale régionale du Sud-Cameroun abrita le cinquième comice agro-pastorale camerounais en 2011. Cet évènement mobilisa toutes les instances décisionnelles du pays, dès ses préparatifs.

a. Les préparatifs du comice

Dans sa politique de lancer une révolution agricole au Cameroun, le chef d'Etat décida d'organiser un comice agro-pastorale à Ebolowa, capitale régionale du Sud, en Décembre 2010. L'organisation de ce comice relevait du comité national créé par le Président de la République, et présidé par le Vice-Premier Ministre, Ministre de l'Agriculture et du développement rural, assisté du Ministre de l'Elevage, des Pêches et des Industries Animales437(*).

Au niveau local, le gouverneur de la Région du Sud présidait un comité qui coordonnait les activités sur le terrain. Membre de ce comité local, le Délégué du gouvernement assurait le suivit sur le terrain avec les chantiers engagés par la Communauté Urbaine d'Ebolowa pour l'embellissement de la ville. Toutefois, ces préparatifs furent teintés de polémiques sur l'organisation, la logistique ou la capacité d'accueil de la région438(*).

À la veille des élections présidentielles, l'agriculture demeurait de plus que jamais un enjeu majeur. Le chef d'Etat, qui avait longtemps affirmé son ambition pour l'agriculture camerounaise moderne décida d'avancer la date de ce comice qui se déroula plutôt en Janvier 2011.

b. Le chef d'Etat lance la NPADG au comice

Le comice d'Ebolowa, qui débuta le 17 Janvier 2011, fut pour le moins le bienvenu dans la vision du gouvernement camerounais dans la mesure où il marqua une reprise en main par l'Etat d'un secteur vital pour le Cameroun, à savoir le secteur agricole. On comprend à cet effet la pression que le chef d'Etat exerça sur le gouvernement pour que cet événement se tienne au moment où les pénuries alimentaires observées çà et là provoquaient des tensions sociales sur le continent, et dans la perspective de faire du Cameroun un pays émergent à l'horizon 2035. Une analyse de son discours nous permet d'élucider le lancement de la NPADG.

En effet, la présence et le discours du président de la République à l'occasion du comice d'Ebolowa étaient de ce fait très attendus. Paul Biya saisit l'occasion du comice agropastoral national d'Ebolowa pour resituer l'agriculture dans l'économie camerounaise et esquisser à grands traits les grands axes de sa nouvelle politique agricole qu'il qualifia lui-même d'agriculture de deuxième génération.La NPADG fut ainsi officiellement énoncée par le Chef de l'Etat, dans son discours d'ouverture du Comice en ces termes :

Le moment est donc venu de mettre en pratique de manière résolu la grande politique agricole que j'ai souvent publiquement appelée de mes voeux. J'engage les départements Ministériels concernés dans cette voie, à des résultats substantiels439(*).

S'agissant de la place de l'agriculture dans l'économie nationale, le chef de l'Etat rappela sa place prépondérante au sein de l'économie camerounaise et fit savoir que sa vocation est de nourrir la population, d'assurer l'autosuffisance alimentaire, et d'être le principal pourvoyeur d'emplois dans la mesure où 60% de la population en vivent.

Le chef de l'État appela en outre à se libérer de la dépendance des importations agricoles car, soutenait-il, en s'appuyant sur la Déclaration de Yaoundé à l'occasion de la conférence Africa 21 : «l'Afrique ne doit plus importer pour manger»440(*).

En ce qui concerne les produits vivriers, Paul Biya estima que désenclaver les bassins de production, augmenter les productions déficitaires et améliorer les voies de communication avec les zones rurales devaient désormais être considérées comme d'urgentes priorités.

S'agissant des produits de rente, il encouragea le redressement de la production du cacao et du café et appela à plus d'engagement dans la culture du coton, de la canne à sucre, de l'hévéa, et du palmier à huile. Il loua les progrès réalisés dans la production animale qui permirent de réduire les importations, mais observa qu'il y avait encore d'importantes marges de progression, tout comme toutes les possibilités des ressources halieutiques restaient, de son point de vue, sous-exploitées.

Fort de ce constat, Paul Biya appela à avancer dans la modernisation de l'agriculture, de l'élevage et de la pisciculture afin d'accroître la production et la productivité des petites exploitations et de favoriser l'émergence d'unités de production de «seconde génération». Ces unités, Paul Biya les définissait comme des entreprises de moyenne et de grande taille.

Tout en se félicitant des résultats obtenus, le chef de l'État déplora une trop grande dispersion et un certain manque de cohérence dans la mise en oeuvre des programmes et projets. Aussi appela-t-il les départements ministériels à mettre en pratique et de manière résolue une «grande politique agricole» dont il attendrait des résultats substantiels. L'objectif du chef de l'État visait ainsi à assurer l'autosuffisance alimentaire, créer des emplois en milieu rural, réduire les importations tout en développant les exportations des produits agricoles afin que l'agriculture dans son acception la plus large joue un rôle moteur dans l'économie camerounaise.

Il annonça en outre plusieurs grands chantiers à savoir : la mise en place d'une unité de production d'engrais ;la mise en activité de l'usine de montage de machines agricoles ; la réhabilitation des fermes semencières ; la préparation d'une réforme foncière ; la construction de marchés et de centrales d'achat des produits agropastoraux et halieutique, le renforcement du dispositif de financement des activités rurales par l'ouverture de la banque agricole et de la banque des PME-PMI441(*) et la création d'une banque agricole.

Durant cinq heures, le couple présidentiel surprit son protocole et visita les stands du comice (photo 2). Un marathon que l'ensemble des acteurs du monde rural apprécia.

Photo n°2 : Paul Biya au comice agropastoral d'Ebolowa

Source :journal médiateur Comice n°8 du 14 Février 2011

3. Les caractéristiques de la NPADG

La NPADG inaugura la volonté du gouvernement camerounais de rompre avec l'importation des produits agricoles et sa prise de conscience pour la relance de la production intensive et par ricochet, sauver l'évasion des devises nationales. Il s'agit selon les propos du chef d'Etat de lancer une «révolution agricole révolution agricole pour faire de ce secteur un des piliers de notre développement»442(*), de valoriser le métier d'agriculteur et redonner confiance aux producteurs443(*) ; assurer la souveraineté et la sécurité alimentaire et nutritionnelle du pays à travers une modernisation raisonnée et équilibrée des systèmes de production. Le chef de l'Etat réitéra cette relance au comice agropastoral et le ministre de l'agriculture déclina lors du lancement de la campagne agricole à Lagdo en 2012 en ces termes :

Je demande aux populations du Cameroun, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest de faire passer l'agriculture d'une activité de subsistance à un business, c'est-à-dire celle qui permet à la famille de changer ses conditions de vie. L'on devrait aujourd'hui faire de l'agriculture pour gagner sa vie ...Il est possible aujourd'hui de doubler ses revenus en une seule saison agricole444(*).

C'est ce que le ministre appela agrobusiness445(*) qui consistait à étendre les surfaces de production agricole de 20% pour 2015 en triplant le nombre de tracteurs dans le pays, en pratiquant la mécanisation qui permet une augmentation des récoltes et mettre en place des PME agricoles. La demande nationale pouvait ainsi être satisfaite et, dans le même temps, les exportations vers les pays voisins soutenues. Il le précisait d'ailleurs en ces termes :

je vous exhorte à vous arrimer à la nouvelle donne en matière du développement agricole de notre pays et à vous donner le devoir, non seulement d'assurer notre autosuffisance alimentaire, mais de faire de l'agriculture une affaire, un business permettant ainsi de glaner des devises des pays voisins et même ceux de l'Afrique de l'Ouest446(*).

C'est bien de cette façonque le secteur agricole devrait participer à la réussite des grands projets de développement que le chef de l'Etat avait défini dans le souci de doubler la production agricole à l'horizon 2015447(*), de lutter contre la pauvreté et favoriser l'émergence du Cameroun en 2035.

L'agribusiness448(*) devint ainsi le leitmotiv de la NPADG,le double objectif étant de tripler la production en dix ans et de faire de ce secteur un gisement de croissance, tremplin pour le développement de l'ensemble de l'économie nationale.

Quatre piliers furent assignés à la NPADG à savoir : l'augmentation des écoles d'agriculture ; la recherche dans le but d'isoler les semences à haut rendement ; le désenclavement des bassins de production afin que ceux qui produisent puissent évacuer leurs productions vers les lieux de consommation ; et afin la mécanisation qui permet de cultiver et de récolter, de conserver et de transformer, et de vendre449(*). A cet effet une dotation spéciale fut allouée à l'IRAD pour produire des semences hybrides. S'agissant des bassins de production, le gouvernement procéda à une carte des sols en partenariat avec l'IRAD et l'Université de Dschang dans le but de savoir les types de sol et leur potentiel450(*).

C'est dans ce sens que le secteur agricole pour relever le défi fut inscrit non seulement dans le sens de la production suffisante pour augmenter la croissance, mais aussi dans la création d'un nombre élevé d'emplois pour résorber le chômage. Le gouvernement reconnut le caractère énorme de la tâche et exigea la participation de tous les acteurs dans le processus de développement du secteur agricole. Il comptait particulièrement sur les coopératives qui ont toujours eu la capacité d'entreprendre autrement et qui devront être les acteurs directs du projet agrobusiness451(*).

L'Agriculture de seconde génération s'appuie à la fois sur les Exploitations Agricoles Familiales (EAF) et sur les Exploitations de Moyenne et Grande Importance (EMGI), qui, quel que soient leurs tailles ou leurs statuts, doivent contribuer à la bonne gestion des ressources naturelles et à la protection de l'environnement et s'inscrit ainsi dans une logique d'économie verte. Ce ciblage s'effectue via le renforcement de leurs complémentarités et en et la promotion de leur intégration dans les chaînes de valeurs et leurs connexions aux marchés.

* 435 Entretient avec, A. Ndong Ella ,75 ans, planteur de Cacao, Assandick, le 20 juin 2013.

* 436 Anonyme, «Comice agropastoral national d'Ebolowa, les préparatifs en bonne voie», in Journal Comice, Edition spéciale juillet - août 2010, p.24.

* 437 Ibid.p.14.

* 438Anonyme, 53 ans, cadre à la Communauté Urbaine d'Ebolowa, le 19 mars 2013.

* 439 Discours du Président de la République, Paul Biya lors de la cérémonie d'ouverture du comice agro-pastoral d'Ebolowa, le 17 janvier 2011.

* 440 Ibid.

* 441 M. P. Voufo «Les grands défis de l'agriculture»,in http://www.lavoixdupaysan.org/lejournal.htm consulté le 04 mai 2012.

* 442Anonyme, « Paul Biya veut mettre en oeuvre une «révolution agricole» in Investir au Cameroun, «La révolution agricole en marche», n°10, janvier 2012, pp.4-11.

* 443M. P. Voufo, «Les grands défis de l'agriculture», p.2.

* 444T. MbondoAwono, «Révolution agricole au Cameroun : l'appel d'EssimiMenye à Lagdo» in http://www.leseptentrion.net/2012/06/revolution-agricole-au-cameroun-lappel-dessimi-menye-a-lagdo.htm.

* 445 O. Caslin, «Agrobusiness-Cameroun, Yaoundé enclenche la première», in http://www.JeuneAfrique.com/agrobusiness/cameroun-agriculture-paul-biya-usineagrobusiness-cameroun-yaounde.htm consulté le 23 mai 2014.

* 446T. MbondoAwono, «Révolution agricole au Cameroun», p.2.

* 447Anonyme, « Paul Biya veut mettre en oeuvre », p.4.

* 448 Le terme d'agribusiness désigne l'activité agricole pure ainsi que toutes les autres industries et services constituant la chaîne d'approvisionnement qui relie l'exploitation agricole au consommateur en passant par la transformation, la vente en gros et au détail («du pré à l'assiette» en ce qui concerne les produits alimentaires). C'est un vaste concept qui recouvre les fournisseurs d'intrants, les agro-industriels, les courtiers, les exportateurs et les détaillants. L'agribusiness fournit des intrants aux agriculteurs et met ceux-ci en contact avec les consommateurs par le biais du financement, du traitement, de la transformation, du stockage, du transport, de la commercialisation et de la distribution des produits de l'agro-industrie. Il peut être décomposé en quatre grands secteurs d'activité à savoir : Les producteurs d'intrants agricoles permettant d'améliorer la productivité agricole, tels que les machines, les équipements et les outils à agricoles; les engrais, les pesticides, les insecticides; les systèmes d'irrigation et les équipements associés; L'agro-industrie: aliments et boissons; dérivés du tabac, cuir et dérivés du cuir; textile, chaussures et confection; bois et dérivés du bois; dérivés du caoutchouc; ainsi que le secteur de la construction strictement consacré aux installations agricoles; Équipement destiné à la transformation des matières premières agricoles, ce qui inclut les machines, les outils, les installations de stockage, les systèmes de refroidissement et les pièces détachées; divers services, entreprises de financement, commercialisation et distribution, y compris les systèmes de stockage, de transport, les technologies de l'information et de la communication (TIC), les matériaux d'emballage et la conception d'emballages permettant d'améliorer la commercialisation et la distribution.

* 449 Interview du Ministre de l'agriculture et du développement rurale, L. EssimiMenye in l'Action n°914 du Mercredi 14 Août 2013.

* 450 Ibid.

* 451 A. Mazda, «Coopération: L'agro-business made in Cameroon», in http://www.Cameroun.infos.net/agro-business_made_in_cameroun.htm , consulté le 22 Mai 2013.

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