WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le processus décisionnel dans la politique étrangère du cameroun: le cas du recours au règlement judiciaire dans le conflit de Bakassi


par Zoulica RANE MKPOUWOUPIEKO
Institut des Relations Internationales du Cameroun/Université de Yaoundé II - Master en Relations Internationales 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 1 : L'exposé du problème et de l'objectif du Cameroun

Le problème qui s'est posé au Cameroun en 1994 était relatif aux convoitises118 nigérianes sur la péninsule camerounaise de Bakassi (Paragraphe I). Face à cette difficulté, les autorités de Yaoundé recherchaient le respect de l'intégrité territoriale camerounaise (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les convoitises nigérianes sur la péninsule de Bakassi

Les potentialités de la péninsule de Bakassi en ont fait un enjeu majeur de l'antagonisme qui a opposé le Cameroun au Nigéria (A). Elles ont été au coeur de l'occupation nigériane de la péninsule de Bakassi et de l'échec des démarches entreprises pour une solution diplomatique du conflit (B).

117 Photini PAZARTZIS, Les engagements internationaux en matière de règlement pacifique des différends entre Etats, Paris, L.G.D.J, 1992, p. 8.

118 Une convoitise renvoie à un désir avide d'appropriation.

33

A. Les potentialités de la péninsule de Bakassi

La péninsule de Bakassi est située dans la région camerounaise du Sud-Ouest119. Elle s'étend sur 3 des 7 Arrondissements du Département du Ndian : Isangele, Kombo Abedimo et Idabato. Elle est essentiellement convoitée pour sa richesse en ressources naturelles et sa position stratégique dans le Golfe de Guinée.

En ce qui concerne les ressources naturelles de la presqu'île, Bakassi est doté d'une faune aquatique abondante et diversifiée ; ce qui y justifie le développement de nombreux villages de pêcheurs. En effet, la zone regorge de nombreuses espèces de poissons et de crustacés. On y trouve également d'immenses réserves de pétrole off-shore de bonne qualité. En dehors du pétrole, la péninsule dispose de gisements de gaz et de nodules polymétalliques120.

Sur le plan stratégique, la péninsule de Bakassi commande toute la navigation de la baie du Biafra ; ce qui en fait une base militaire potentielle enviable. Elle constitue un point de surveillance de la navigation dans pratiquement tout le Golfe de Guinée. Par ailleurs, pour l'accès au port nigérian de Calabar, il est plus recommandé de passer par l'estuaire de la Cross River qui longe la presqu'île de Bakassi. Pour souligner cette importance, Jean Pierre FOGUI affirme que « qui tient Bakassi tient les clés du Port de Calabar qui est la plaque tournante de l'économie du Sud-Est du Nigeria »121. La situation stratégique de la péninsule de Bakassi a par exemple été appréciée par le Nigeria lors de la guerre civile biafraise. En effet, l'autorisation provisoire d'utilisation de Jabane, localité de la péninsule de Bakassi, donnée par Yaoundé au Gouvernement Nigérian, avait permis aux soldats nigérians d'empêcher le ravitaillement de Calabar (qui faisait partie pendant la guerre civile nigériane, c'est-à-dire entre 1967 et 1970, de la région sécessionniste dirigée par le Général OJUKWU), et ainsi, d'étouffer la guerre du Biafra.

Ces considérations économiques et stratégiques expliquent le problème auquel le Cameroun a été confronté en 1994 ; en l'occurrence, la présence nigériane sur son territoire, et l'échec des mécanismes diplomatico-politiques entrepris pour pouvoir l'y déloger.

119 Voir l'Annexe 3 relative à la situation de la péninsule de Bakassi au Cameroun (page 132), et l'Annexe 4 représentant Bakassi (page 133).

120 Gouvernement de la République du Cameroun, Dossier sur le différend frontalier de la péninsule de Bakassi, Deuxième édition, 1998, p.9 et 26. Les nodules polymétalliques sont des concrétions formées de métaux à l'état natif, qui se forme dans le fond des océans

121 Jean Pierre FOGUI, 2010, op. cit., p. 10.

34

B. L'occupation nigériane de la péninsule et les tentatives de règlement diplomatique

En mars 1994, le Cameroun faisait face au problème suivant : l'occupation illégale depuis le 21 Décembre 1993 de parties de son territoire par le Nigeria (1), et l'absence d'aboutissement des différentes démarches engagées pour un règlement politique de la situation (2).

1. La présence nigériane en territoire camerounais

Le 21 Décembre 1993, nonobstant la tenue un mois auparavant d'une réunion d'experts qui semblait marquer un progrès dans la solution du problème de la frontière entre le Cameroun et le Nigeria122, les autorités nigérianes ont décidé unilatéralement d'envoyer des unités armées dans la péninsule camerounaise de Bakassi. Cette décision était motivée, selon elles, par le souci de protéger les ressortissants Nigérians qui y étaient harcelés par des gendarmes Camerounais123. Toutefois, au 4 janvier 1994, les forces armées nigérianes se sont installées à Jabane, c'est-à-dire à l'intérieure du territoire camerounais, à environ 6 km de la frontière maritime entre le Cameroun et le Nigeria. Elles y ont hissé le drapeau nigérian, et proclamé le recouvrement de la souveraineté historique du Nigeria sur la péninsule de Bakassi124. L'aviation nigériane a violé l'espace aérien camerounais en effectuant sans autorisation un survol de la côte camerounaise. Le même jour, à partir de Jabane, lesdites forces ont occupé également le village de Diamond, situé seulement à une centaine de mètres de la sous-préfecture d'Idabato.

Face à cette situation, le Cameroun a répondu par l'envoi immédiat de soldats sur les lieux. L'unité permanente de la marine nationale camerounaise basée à Idabato a été mobilisée, et Yaoundé a dépêché une autre unité au nord de Jabane, pour empêcher l'unité nigériane déjà présente à Jabane de progresser vers le territoire national. Les deux armées se sont ainsi faites face jusqu'au 17 février. Le 18 et dans la nuit du 19 février, les soldats nigérians ont attaqué simultanément à Idabato à partir de Diamond, l'unité camerounaise qui se trouvait au nord de

122 Le 13 Août 1993, les Commissions nationales des frontières des deux pays se sont réunies à Yaoundé. Il ressort du Procès verbal de cette réunion que, la remise en cause nigériane de la Déclaration de Maroua relève des problèmes politiques internes au Nigeria et non des problèmes techniques de délimitation de la frontière maritime.

123 En 1993, le Gouvernement Camerounais sous l'instigation du FMI lance le long des côtes camerounaises particulièrement entre Douala et la frontière avec le Nigeria, une opération anti-contrebande baptisée « Daurade ». Cette opération a provoqué des oppositions vives entre les gendarmes Camerounais et les pêcheurs et « passeurs » Nigérians qui vivaient jusque là dans une véritable zone de non droit.

124 Devant la C.I.J., l'un des arguments avancés par le Nigeria pour justifier ses prétentions sur Bakassi est celui de l'appartenance de cette péninsule bien avant la naissance du Nigeria et du Cameroun, aux villes Etats du Vieux Calabar. Il conteste à cet effet l'Accord Anglo-allemand du 11 mars 1913 consacrant le transfert de la péninsule de Bakassi au « Kamerun ». Le Nigeria défendait la position selon laquelle, les Anglais et les Allemands n'avaient pas le droit de disposer de la presqu'île qui relevait de la souveraineté des « City States of Old Calabar ». Lire Guy Roger EBA'A, 2008, op. cit., p. 76.

35

Jabane125. L'armée camerounaise en alerte, a riposté et évité la progression des forces nigérianes à l'intérieur du territoire camerounais.

Face à cette violation manifeste de son intégrité territoriale, le Cameroun a engagé des démarches diplomatiques en vue d'un règlement pacifique du conflit frontalier avec le Nigeria.

2. Les efforts de règlement diplomatique du conflit

Le Cameroun a toujours privilégié dans le cadre du règlement des incidents frontaliers qui l'ont opposé au Nigeria dès le lendemain des indépendances le dialogue et les moyens d'ordre politique126. Il en a été de même lors du déclenchement du conflit de Bakassi.

En janvier 1994, après l'invasion de la péninsule de Bakassi par l'armée nigériane, un contact téléphonique a été établi entre les Présidents Paul BIYA et Sani ABACHA à l'initiative du Chef de l'Etat camerounais qui ressentait la nécessité de s'enquérir de la situation auprès de son homologue Nigérian. A travers ce contact, le Chef de l'Etat nigérian a rassuré le Président Paul BIYA en lui expliquant que les militaires Nigérians avaient seulement pour mission de protéger les pêcheurs Ibibio contre les actions des gendarmes Camerounais « indisciplinés ».

Toutefois la tension est montée entre les deux pays le 4 janvier de la même année, lorsque les soldats nigérians ont hissé leur drapeau à Jabane et pénétré dans Diamonds island. Le 7 janvier, le Ministre Nigérian des Affaires Etrangères Babagana KINGIBE, porteur d'un message du Général Sani ABACHA, a été reçu en audience à Yaoundé par le Président Paul BIYA. Ledit message suggérait la constitution d'une Commission mixte Cameroun-Nigeria devant descendre sur le terrain constater les faits et adresser un rapport aux deux Chefs d'Etat. Le 13 janvier, le Chef de l'Etat Camerounais a dépêché Ferdinand Léopold OYONO, alors Ministre des Relations Extérieures, à Abuja pour signifier son accord, et porter « un message de paix et de conciliation » à son homologue. La rencontre de ladite Commission qui s'est tenue du 9 au 10 février 1994 à Buea (Chef lieu de la région camerounaise du Sud-Ouest), s'est soldée par un échec face à l'intransigeance de Babagana KINGIBE qui a affirmé la nationalité nigériane de Jabane et de Diamond island et rejeté toute descente sur le terrain127. Malgré ces déconvenues, le Cameroun a persévéré dans la voie diplomatique. Une délégation conduite par Francis NKWAIN, Ministre Délégué auprès du Ministre Camerounais des Relations Extérieures, a été envoyée au Nigeria le 16

125 Lire à ce sujet le Compte rendu du Briefing de la Presse nationale et internationale par le Ministre d'Etat chargé de la Communication, Porte parole du Gouvernement, sur le conflit de Bakassi, Samedi 5 mars 1994, in Archives SOPECAM, Cameroon Tribune, N°5548, Lundi, 07 mars 1994, p. 3.

126 Selon Maître Douala MOUTOME : « Le Cameroun avait déjà des ambitions qui ne cadraient pas avec l'option militaire », Entretien avec Maître Douala MOUTOME, Ministre de la justice et Garde des sceaux à l'époque de la prise de décision, Douala, Mardi le 26 juillet 2011.

127 Propos de Ferdinand Léopold OYONO recueillis par Zacharie NGNIMAN, 1996, op cit., p. 78.

36

février 1994, afin d'y remettre un pli fermé du Président Paul BIYA au Général Sani ABACHA. En vue de faciliter les discussions et amener le Général à admettre la vacuité de la thèse nigériane sur Bakassi, la délégation comprenait entre autres personnalités, le Général de Brigade TATAW James, « présenté comme l'ami personnel et promotionnaire du Général Sani ABACHA à l'académie militaire britannique »128.

Les 18 et 19 février 1994, alors que les concertations se poursuivaient entre les deux pays, Yaoundé a appris l'éclatement de violents affrontements entre les armées nigériane et camerounaise à Bakassi. Dans un souci d'apaisement, le Président Paul BIYA a adressé dès le 19 février un ultime message à son homologue Nigérian afin de trouver une solution, juste, équitable et conforme au droit international, y compris par voie juridictionnelle, au conflit. Cet appel étant resté sans réponse, le Cameroun s'est résolu à saisir simultanément, le 28 février 1994, le Conseil de sécurité des Nations Unies et 1'Organe Central de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits de l'O.U.A. Toutefois, ces recours n'ont pas eu les effets escomptés.

En vue d'éviter une escalade armée et de permettre aux parties d'aboutir à un compromis, des médiations se sont proposées. A cet égard, la principale médiation qu'ait connue le conflit de Bakassi avant le recours à la C.I.J., a été celle du Général Etienne GNASSINGBE EYADEMA, alors Président de la République du Togo. En effet, le 03 mars 1994, le Général EYADEMA s'est rendu à Yaoundé, porteur d'une proposition de médiation. Après un entretien avec le Chef de l'Etat camerounais sur le conflit de Bakassi, il s'est déplacé pour Abuja où, il a offert également sa médiation. Plus tard, il a été relayé par le Ministre des Affaires Etrangères du Togo, FAMBARA OUATTARA NATCHABA, qui a entrepris une succession de contacts avec les autorités camerounaises et nigérianes.

Néanmoins, la méfiance qui prévalait déjà dans les rapports entre le Nigeria et le Cameroun a rendu précaires les efforts de médiation. Le Nigeria qui avait toujours manifesté sa préférence pour un règlement purement bilatéral du conflit n'a pas facilité la tâche au médiateur. A titre illustratif, le 10 mars 1994, alors que le Ministre des Relations Extérieures du Cameroun et son homologue Nigérian étaient en concertation sur le problème de Bakassi, « les Nigérians ont refusé d'admettre à la réunion, la présence du Ministre des Affaires Etrangères du Togo, qui était venu en médiateur »129. Le Cameroun quant à lui, instruit par l'expérience, doutait de plus en plus des chances d'atteindre son objectif, en l'occurrence le respect de son intégrité territoriale, par la voie purement politique.

128 Zacharie NGNIMAN, 1996, op. cit., p. 16.

129 Ibid., p. 81.

37

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"