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Compréhension du processus d'engagement écologique - l'importance du collectif, des connaissances et des émotions pour une transformation intérieure et extérieure de nos représentations


par Laurie Benisti
Institut Catholique de Paris - Politiques environnementales et management du développement durable 2018
  

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Annexe 3 : Retranscription - Valentin

21 ans, service civique dans une association qui promeut l'économie sociale et solidaire dans le 13ème arrondissement de Paris. A grandi toute sa vie à Aix-en-Provence, a vécu 1 an à Rome, habite à Paris depuis septembre 2018.

Connaissance :

Je pense avoir une vision globale des choses. J'arrive à bien comprendre les enjeux et liens entre chaque sujet. Mais je n'ai pas forcément de connaissance précise, chiffrée, sourcée, avec des noms d'auteurs en tête pour chaque sujet. Je serais capable de présenter de manière cohérente tout ce qui se passe ces temps-ci mais si ensuite les gens me posent des questions plus précises, je ne saurais pas forcément immédiatement leur

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répondre. Sur les sources d'informations, il y a eu plusieurs livres mais là c'est essentiellement internet. C'est à travers les réseaux sociaux, donc ce que mes amis vont partager. Il y a l'effet boucle, algorithme qui va me permettre d'avoir du contenu approprié. Et des sites d'information : Reporterre, Médiapart principalement, un peu le Monde. Il y a aussi mes discussions avec d'autres personnes. Le fait que j'habite à Paris me permet d'être en contact avec des personnes qui me font découvrir des sujets vers lesquels je ne me serais jamais penché tout seul et ça accroit beaucoup ma connaissance - entre autres - des enjeux environnementaux et sociaux.

Gravité des crises :

Il y a une période où ça me bouffait énormément le moral et j'y pensais tout le temps. Aujourd'hui, par instinct de survie en fait, j'y pense beaucoup moins, même si je continue à agir et en parler autour de moi, mais au quotidien j'essaie d'évacuer au maximum. Donc mon opinion dessus est qu'on a vraiment dépassé un point de non-retour et qu'on ne va pas s'en sortir par le haut. C'est vrai que je suis assez pessimiste. Il n'y a pas trop d'avancées qui... enfin il faudrait en fait avoir changé de civilisation d'ici 2 ans quoi d'après les experts... Donc c'est vrai que ce serait assez utopiste. Qu'est-ce que je pense de la gravité de la situation ? C'est tellement énorme que j'arrive même pas à vraiment en parler, parce que dès que tu en parles à la hauteur de la crise, t'as l'impression d'exagérer.

Leviers d'action :

Les 1ers que je recommande aux gens, ce sont plus les actions individuelles car je pense que c'est quand même ce qui est le plus gratifiant. Réduire sa consommation de viande, essayer d'acheter au maximum bio, local, réduire drastiquement sa consommation de tout ce qui n'est pas nécessaire (vêtements, objets qui nous entourent...), être vraiment dans le sobre. Je pense qu'un des leviers d'action c'est de devenir minimaliste et de manière quand même assez radicale, pas juste dire « j'ai 100 t-shirts je vais en garder que 50 », de vraiment aller à la source et de déconsommer à fond. C'est déjà une grosse étape.

L'étape suivante, c'est de s'engager professionnellement, donc de faire en sorte soit de changer son métier de l'intérieur, soit de créer son métier dans une approche résiliente.

Ensuite s'engager au niveau politique. Mais je pense que ça ne sert à rien tant que les gens n'ont pas modifié leur mode de vie et n'ont pas agi sur leur métier. Parce que c'est bien beau d'agir politiquement mais on est en démocratie, donc les politiciens qu'on a, c'est nous qui les avons élus et ils se font corrompre avec des multinationales et des lobbys à qui nous on donne notre argent en fait. Donc je pense que c'est quand même principalement notre faute. Agir politiquement contre des gens qu'on a mis en place, c'est complètement idiot. Je pense qu'on les fera tomber en leur coupant l'herbe sous le pied, pas en leur disant « arrêtez de faire ça » alors que derrière on leur donne de l'argent et des bulletins de vote.

Engagement dans le quotidien

Ces temps-ci je suis un peu en train de faire machine arrière sur mes engagements, comme une période transitoire parce que j'avais trop pris d'un seul coup, c'était plus gérable. Ma prise de conscience arrive assez tôt, ça fait depuis presque tout le temps que je suis sensibilisé (même si c'était superficiel au début et que ça a évolué). Ce qui fait que je n'ai jamais vraiment « profité », je me suis toujours posé des questions un peu stressantes. Et de manière générale je n'ai pas l'impression de m'être construit dans le même ordre que les autres en fait. Du coup j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui quand ils étaient au collège ou lycée, ils profitaient. Par exemple, je n'ai jamais voyagé en avion. Alors qu'il y en a qui ont bien eu le temps de s'éclater. Maintenant en fait, j'ai l'impression qu'ils ont peut-être plus de recul que moi sur ça. Alors que moi ça a été un peu « réprimé » depuis tout le temps. Du coup je suis dans une phase où j'essaie de juste « lâcher » sur beaucoup de trucs pendant quelques mois, pour ensuite peut-être reprendre de bonnes bases et savoir comment est-ce que, de manière générale, quelqu'un de ma génération vit avant de revenir comme avant. Et puis le train de vie à Paris est quand même assez stressant. Par exemple les plats préparés, ce serait assez dur pour moi de m'en passer, parce que c'est ultra pratique, et que même si ça crée plein de surembal-lage et que c'est pas du tout des produits locaux ni bio, je n'ai pas le temps de cuisiner. Et si j'ai le temps de cuisiner, je me fais des pâtes et c'est pas du tout équilibré. Pour avoir des fruits, légumes et tout ça, je n'ai pas

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le temps de cuisiner ou la flemme. Donc là j'ai énormément de déchets, mais vu tous les efforts que je fais à côté, et surtout si c'est une phase transitoire, je peux me le permettre. Donc sur mes engagements, paradoxalement, je suis dans une phase où j'en ai de moins en moins mais de manière volontaire, dans une phase provisoire.

Il y a deux trois trucs que je garde, par exemple être végétarien ou ne pas prendre l'avion.

C'est surtout sur le zéro déchet que je ne fais pas d'effort. Sur internet aussi, je ne me pose pas trop de questions sur ma consommation numérique. J'ai un peu lâché sur ces trucs-là, en me disant que dans quelques mois ou quelques années, je reprendrai. Comme je serai consolidé sur les trucs sur lesquels j'agis maintenant, je pourrai aussi passer là-dessus.

Engagement professionnel :

Au niveau de mes études, comme j'ai ces pensées là depuis le lycée, je ne me suis jamais projeté dans un parcours « standard ». J'ai fait toutes mes études sans aucune vision d'avenir, sans me poser les questions. J'ai l'impression de me poser les questions aujourd'hui que tout le monde se posait quand il était au lycée. En fait j'étais tellement préoccupé sur des sujets plus larges quand j'étais au lycée que je ne me posais vraiment pas de questions de savoir ce que je voulais faire. J'ai terminé ma licence à contre-coeur, j'aurais voulu arrêter avant. Quand je suis arrivé en fin de licence, ça ne m'est même pas passé par la tête de continuer en master, parce que j'avais vraiment besoin de faire autre chose. Donc je suis monté à Paris, j'ai fait ce service civique et je ne regrette vraiment pas, c'était une bonne idée. Et maintenant que ça fait plusieurs mois que je ne fais que des choses que j'aime, où je fréquente des gens de l'associatif et que j'ai le temps de réfléchir, je recommence à me poser la question de reprendre un master pour ensuite m'engager professionnellement en faveur de la transition, pour acquérir des compétences pour ensuite créer un métier lié à tout ça.

Je ne m'imagine pas du tout ne pas intégrer ces enjeux dans mon métier, ne serait-ce que par sécurité personnelle. Je n'ai pas du tout envie de faire un métier qui contribue à pérenniser ce système et qui ne m'amène pas dans un futur particulièrement radieux, autant dans le mode de vie actuel que si tout se casse la gueule.

Engagement collectif :

Je fais mon service civique dans une association qui fait de l'économie sociale et solidaire. Dans le même temps, je me suis engagé à Coexister, une association qui met ensemble des jeunes de différentes convictions, religieuses (chrétien, musulman, juif...) ou non religieuses (athée, agnostique), et ensemble on va faire des actions de sensibilisation. Ça peut paraitre hors sujet mais en fait ça a tout à voir car je considère que cette société ne pourra avancer que s'il y a du lien social qui se tisse et que si tout le monde travaille main dans la main. Donc Coexister rentre vraiment dans mon engagement écologique. Et ce que je constate aussi, c'est qu'à Coexister il y a énormément de gens qui ont une vision globale des choses et qui commencent à parler du pb des réfugiés climatiques par exemple, qui est très en lien avec l'association car ils vont venir de pays avec des cultures religieuses différentes.

Le deuxième engagement c'est Avenir Climatique.

Le troisième ANV COP21, qui organise des actions non violentes. Je vais participer mardi à une action non violente d'ailleurs, en tant que team leader, ce sera la 1ère fois que je vais prendre un petit poste à responsabilité là-dedans. Et ça fait 3-4 actions que j'ai faites depuis le début de l'année. Je ne suis pas convaincu de la vraie utilité de ce type d'action. C'est peut-être plus pour évacuer la pression et être avec des gens qui se bougent que je fais ça. Je me demande s'il n'y a pas certains engagements que je fais juste pour évacuer la pression plutôt que pour changer le monde.

Actions plus utiles que d'autres :

Je pense que l'engagement professionnel est une des clés de voûte. Je pense que créer un métier pour rendre sa zone d'implantation plus résiliente, je pense que c'est une des actions les plus efficaces sur le court terme, et qui peut le plus traverser les crises. Car tu vas vraiment faire des choses qui vont rester. Alors que le système politique, je ne suis pas sûr qu'il soit possible ni souhaitable qu'il évolue de manière continue. Je pense qu'il y aura un moment où il faudra faire une rupture. Les petites avancées ridicules qu'on arrive à obtenir à coups de main rouges sur le siège de Total, je les considère que comme des choses qui contribuent à radicaliser mais

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dans le bon sens du terme notre génération, mais ça n'aura pas de sens tant qu'il n'y aura pas d'actions de plus grande envergure. La Vème république, par exemple, intrinsèquement n'est pas capable de mener des actions à la hauteur des enjeux, et là on parle que de la France (que 1% de la population mondiale). Je ne pense pas qu'elle acceptera de se changer radicalement.

Les trois choses les plus importantes vont être de tisser du lien social de manière à ce que ce ne soit pas une brèche dans laquelle les tensions puissent éclater le jour où les choses empirent, s'engager professionnellement, et être prêt le jour où il va falloir changer de système de façon beaucoup plus poussée qu'aujourd'hui. Mais je pense que d'ici un mois tu me reposes la question et j'aurai peut-être changé d'avis. Tout ce que je dis, je n'en suis pas non plus super sûr. C'est tellement nébuleux, il y a tellement de choses à prendre en compte, que je suis encore dans un période où je teste, et si ça se trouve d'ici un an j'aurai encore changé d'opinion.

Cheminement :

En primaire, mes enseignants et la mère d'un ami étaient très écolos et nous avaient fait pas mal de sensibilisation. Donc je me demande si ce n'est pas un peu grâce à eux qu'il y a beaucoup de gens de ma classe de primaire qui sont assez politisés maintenant. Ils nous faisaient faire des potagers en CP, CE1. La mère d'un ami nous avait fait des petites interventions.

Je me souviens qu'en 6ème j'avais vu un documentaire, le Seigneur des mers, qui parlait de la surpêche des requins. C'est là que j'ai eu un 1er traumatisme écologique. Pendant pas mal de temps, je n'arrêtais pas de parler autour de moi des requins, les gens ne comprenaient pas trop. Il y avait des images ultra choquantes de surpêche des requins : 100 millions de requins qui se faisaient tuer chaque année pour des trucs complètement idiots, juste pour leurs ailerons, pour de la bouffe, pour des plats inutiles. Alors que les requins, c'était bien expliqué dans le docu, sont vraiment une des clés de voûte de l'écosystème des océans. S'il n'y a plus de requin, les petits poissons se multiplient et tout est déséquilibré. C'était la 1ère fois où j'ai eu une vision un peu systémique d'un problème. Je pense que ça a été un des déclics.

A partir de là, de la 6ème jusqu'à aujourd'hui, ça a été une escalade constante, il n'y a pas vraiment eu plus de déclic que ça, ça a été progressif. Je pense que la 1ère fois où j'ai commencé à réfléchir à la possibilité d'un effondrement, c'était en 1ère-terminale. En fait, un autre déclic peut-être a été de lire le manuel de transition de Rob Hopkins. En fait c'était lui le 1er vrai collapsologue, parce que c'est le 1er qui a vraiment fait des liens entre crise climatique et crise du pétrole. C'était un peu le préquel de « Comment tout peut s'effondrer », parce que c'était un début de prise de conscience systémique du problème. Et à partir de là, de moi-même je me suis aussi posé la question des métaux. Et c'est qu'ensuite que ça a été confirmé par Comment tout peut s'effondrer. Ce livre n'a pas été trop un déclic pour moi, ça n'a fait que confirmer des choses que j'avais lues par-ci par-là, mais ça a quand même été une lecture importante.

Je pense que c'est aussi un peu pour ça que mes études ont bifurqué dans une direction complètement différente. Si je n'avais pas eu cette prise de conscience, je pense que je serais resté dans une voie littéraire, prépa, tout ça. Alors que quand on a toutes ces données en tête et qu'on n'a pas trop de recul, ça n'a pas de sens du tout. Et ça a fait que pendant pas mal d'année, comme j'étais dans une petite ville où rien ne bougeait et où les gens n'avaient pas trop de conscience, il y avait aussi un sentiment d'impuissance, et peut-être même de supériorité, parce que j'étais en mode « mais pourquoi les gens sont aussi cons ». Je pense que c'est un truc qui peut contribuer à te transformer en quelqu'un de pas bien. Pendant plusieurs années, je faisais que me ressasser des données stressantes, je n'avais personne à qui en parler. Et c'était complètement inefficace. J'étais peut-être plus averti que d'autres personnes mais je ne faisais rien, rien n'avait de sens. C'était une période où j'étais un peu en mode zombie. Je n'avais pas trop de volonté, ni d'attrait pour quoi que ce soit. Je m'engageais un peu dans des assos mais sans plus. Je me laissais un peu guidé par les années universitaires. Ce n'est que maintenant que je suis arrivé à Paris et que j'ai rencontré des gens qui pensent comme moi, que je me suis calmé. Je me dis que je ne suis pas le seul à porter le fardeau du monde sur les épaules. Alors que quand tu es juste entouré de familles et d'amis qui s'en fichent, tu es un peu en mode « c'est moi qui sais tout ». Et le fait de rencontrer des gens qui pensent la même chose que toi, ça te rassérène beaucoup. C'est sûr qu'on ne doit pas rester qu'entre nous, mais quand personne ne pense comme toi tu finis par devenir fou.

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Cette année à Paris m'a vraiment débloqué. Je m'engage beaucoup plus, je suis beaucoup plus en phase avec moi-même, avec mes idées. J'ai beaucoup plus de recul sur mes actions au quotidien ou de manière générale sur ma vie personnelle.

Ça faisait des années que j'étais dans mon coin, avec mes idées, je pensais à ça seul pendant des années. Paris m'a permis de m'aérer, de me sentir plus actif. Mine de rien, c'est que dans les grandes villes qu'on a des possibilités d'action à la hauteur des sentiments négatifs que peut provoquer la prise de conscience écologique contemporaine. Ça a peut-être changé depuis, mais à l'époque c'était nul, il n'y avait rien qui se passait quand tu voulais t'engager. En plus à l'époque au lycée tu es très passif, il n'y a pas la culture d'être actif, de l'enga-gement, ce n'était pas mon caractère à l'époque.

Changement personnel

Je me suis toujours vu là-dedans. Il n'y a pas eu un avant/après prise de conscience. D'aussi loin que je me souvienne je me suis toujours intéressé à ça. Ce n'est pas comme certaines personnes qui avaient une certaine vision du monde qui a bifurqué, moi ça a été assez continu. Au contraire, j'essaie aujourd'hui de rester engagé écologiquement, tout en évacuant tous les trucs toxiques que ça avait entrainé chez moi depuis des années (le fait d'être un peu dégouté de tout). Là je suis en train de lutter à travers des trucs qui n'ont rien à voir avec l'écologie (le karaté, des trucs qui n'ont rien à voir...) pour essayer d'évacuer les côtés négatifs de la prise de conscience écologique. Je n'avais pas vraiment réfléchi à cette question, mais ça ne m'a pas vraiment changé.

Emotions négatives

Comme ça fait longtemps, que c'était progressif, j'ai peut-être moins de sentiments négatifs mais peut-être plus pernicieux, plus profonds et agissent plus de manière inconsciente. Je commence à prendre conscience que ça avait déteint sur tous les aspects de ma vie. Je m'intéresse d'ailleurs à l'écopsychologie car je pense que la crise environnementale touche à beaucoup de points sensibles dans la psychologie humaine. Les gens qui utilisent tout le temps les mots effondrement, destruction, se détruisent avec des termes négatifs. Je me demande comment ça a pu déteindre pour moi. Je pense qu'il ne faut pas trop se morfondre dans ce genre d'idées car ça déteint sur tous les aspects de ta vie de manière très profonde et inconsciente, et c'est difficile d'en sortir. Je pense qu'il y a des gens que ça va juste détruire et qui vont rester comme ça. Si j'avais dû rester dans mon village, je vois pas très bien où j'en serais et comment je m'en serais sorti.

Je ne me reconnais pas forcément dans les émotions de tristesse, de colère... Mais le fait de ressasser tout ça, d'avoir tout ça en arrière-plan, toutes ces choses négatives, c'est pesant. Il n'y a pas trop de mot pour le décrire. Il faudrait en inventer un. Sollastalgie, écoanxiété. En fait le mot existe, ça correspond assez à ce sentiment négatif omniprésent (que j'arrive de plus en plus à évacuer ces temps-cis).

C'est inévitable, les sentiments négatifs, mais il ne faut pas que ce soit une fin en soi.

Façons de sortir de l'éco-anxiété :

J'ai besoin de penser à autre chose, par des activités comme la méditation ou le karaté, ou par des relations sociales avec des personnes moins sensibilisées. Il y a à la fois besoin de fréquenter des gens qui pensent comme toi pour voir que t'es pas tout seul, des gens moyennement sensibilisés avec qui tu peux faire de la « propagande », et aussi des gens qui n'en ont rien à foutre pour juste parler d'autre chose. Il faut aussi avoir des relations comme ça, des relations diverses.

Il y a aussi le fait de m'analyser moi-même, et faire des ponts entre ça et d'autres choses de ma psychologie. Car encore une fois, tout est lié dans ta psychologie. Il n'y a pas d'un côté l'éco-anxiété et les relations sociales. Ça déteint sur tout. Donc tu prends du recul sur toi-même. Le fait de s'autoanalyser permet de voir où il faut agir. Le travail que j'ai fait sur moi-même il y a quelques temps, je le rapprocherais plus du développement personnel. Le fait de maîtriser sa construction psychologique : d'avoir tellement de recul sur toi-même que tu es capable de redisposer les trucs comme tu veux. Je pense que c'est la principale façon d'aller de l'avant. T'autoanalyser, te compartimenter, comprendre comment tu es structuré. Une fois que tu as ce recul-là tu peux agir. Parce que quand c'est juste des sentiments diffus dont tu ne sais pas pourquoi ils arrivent, tu es juste prisonnier de toi-même. Je pense que toutes ces choses, les relations sociales, aller à Paris, agir, j'ai pu

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commencer à faire tout ça avec énergie parce que j'ai appris à me connaitre. Tant que tu ne te connais pas, tu ne peux pas vraiment agir.

Sentiments positifs :

On est dans une période tellement extrême. C'est une période rêvée pour avoir du recul sur le monde, sur l'humanité, sur la planète, sur le sens de la vie, sur toi-même... qu'à n'importe quelle autre époque. On est dans une époque complètement caricaturale. J'ai l'impression que tous les facteurs sont tirés au maximum dans toutes les directions, que ce soit au niveau psychologique, philosophique, écologique, social, économique, politique... on n'a jamais été dans une société aussi extrême qu'aujourd'hui. Une fois que tu comprends tout ça, enfin une fois que tu as commencé à comprendre tout ça car je ne pense pas qu'on soit capables en une vie d'avoir un recul total sur tout ça, ça peut permettre de te faire grandir beaucoup plus rapidement qu'avant. J'ai l'impression que les gens qui ont conscience de tout ça sont beaucoup plus matures. J'ai l'im-pression aussi que notre génération (jeune) a beaucoup plus de recul que la génération précédente. Ça dépend sur quoi, pas sur les trucs de la vie quotidienne, mais sur le long terme en tout cas. Je pense que ça peut permettre d'être plus maître de nous-même, le fait de se poser les bonnes questions à cette époque. Le fait de m'engager me permet d'avoir beaucoup plus d'énergie qu'avant, je fais les choses avec plus de force. C'est aussi une notion de devoir. Par exemple, mon engagement professionnel, j'ai du mal à en parler autour de moi. Parce qu'on me demande souvent « quel métier tu as envie de faire, quel métier te correspond », mais ce n'est pas la question que je me pose. C'est une question secondaire. Pour moi le choix du métier est une question de devoir. Je me demande plutôt « qu'est-ce que je dois faire ». Le sens du devoir est un sentiment qui prévaut beaucoup pour moi. C'est quelque chose qu'on a beaucoup oublié, et qui va devoir revenir en force. On y pense même plus, quand on demande « pourquoi tu fais ça », soit ils pensent que c'est parce que tu vas en retirer un bénéfice, soit parce que tu aimes. Alors qu'en fait il y a une troisième chose, juste le fait qu'il faut le faire.

Optimiste ou pessimiste

Ça dépend du point de vue.

Je me suis largement habitué à l'idée que le 21ème siècle allait mal se passer. Ça ne me provoque plus grand-chose. Si jamais je décrivais ma vision du futur, certains seraient terrifiés parce que ce serait super négatif. Mais moi ça ne me dérange plus.

Je pense plus à comment sera l'humanité dans 150 ans. Rien n'empêche qu'il y ait encore des universités, des gens qui aient du sens à leur vie. Les gens vivront peut-être moins longtemps, les gens auront une espérance de vie plus courte. Entre temps, il y aura eu une baisse de la population. Mais quand j'en parle, ça ne m'évoque rien de particulier ; Les gens me définiraient comme pessimiste. Mais la question que je me pose c'est est-ce que dans 150 ans les gens auront toujours une culture de laquelle ils seront fiers, est-ce qu'ils seront toujours empathiques envers des gens qui viennent de pays qui devront bouger pour des raisons politiques ou quoi, est-ce qu'on leur transmettra des bonnes valeurs, est-ce qu'on aura un sens à notre vie, des relations sociales. C'est largement possible. Les aborigènes d'Australie ont vécu 40 000 ans dans un désert stérile. Ils vivaient dans un environnement plus dur.

J'ai confiance dans le fait qu'on puisse leur léguer quelque chose. Qu'il n'y ait pas une coupure entre au-jourd'hui et demain, qu'on leur lègue une culture et un sens à leur vie.

Je me définirais plus comme optimiste dans le sens où je ne suis pas collapse et apocalypse. Je sais qu'il y a quand même la possibilité que les écosystèmes s'effondrent complètement et que la terre soit anéantie et que l'humanité disparaisse, mais je ne vois pas trop l'intérêt de se poser la question. Je sais qu'il faut agir au maximum, il faut mettre l'accélérateur à fond pour freiner à fond. Le principal c'est de faire tout ce qui est en notre pouvoir, de se radicaliser, mais il n'y a pas d'intérêt à se dire « si ça se trouve ce sera pas assez on va tous mourir », à ce moment-là on ne fait rien. Les seuls trucs qui retiennent mon attention, ce sont les scénarios (même si ce ne sont pas les seuls) où il y a une humanité qui est transmise. Là je me dis qu'on peut transmettre quelque chose, ça a toujours du sens d'écrire des livres, des films, de perpétuer la culture pour qu'elle soit transmise. Je suis peut-être pessimiste mais pas défaitiste.

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Vision dans 30 ans

Je pense que ce que je voudrais c'est avoir une certaine indépendance alimentaire. Mais ne pas être qu'agri-culteur, avoir une activité à côté. Avoir un petit potager pour me nourrir. Et un métier à côté que je suis en train de décider.

Je n'ai pas non plus envie d'habiter à la campagne, j'aimerais bien habiter près d'une ville, car il y a plus d'ac-tivités culturelles, associatives... Il y aura un minimum de confort qui restera dans les villes, alors qu'il n'y aura probablement plus rien dans les campagnes. Peut-être quelque chose d'intermédiaire.

Au niveau de la société en elle-même, c'est impossible de prévoir. On peut s'imaginer des scénarios probables, mais dire lequel est le plus probable c'est impossible.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault