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Compréhension du processus d'engagement écologique - l'importance du collectif, des connaissances et des émotions pour une transformation intérieure et extérieure de nos représentations


par Laurie Benisti
Institut Catholique de Paris - Politiques environnementales et management du développement durable 2018
  

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Annexe 10 : Synthèse d'entretien - Guillaume Martin

2) Description et analyse

Présentation de l'association

Schéma du fonctionnement de l'association

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Ce schéma permet de mieux comprendre le fonctionnement de l'association. L'association forme des membres afin qu'ils puissent à leur tour informer et sensibiliser des structures (universités, écoles, associations...) ou des citoyens (proches, famille, amis, étudiants...). Les structures et les citoyens bénéficient des outils et des actions de l'association, et fournissent un feedback essentiel pour à la fois enrichir la réflexion et améliorer continuellement leur démarche. L'individu formé participe activement à la vie de l'association à la fois en relayant son action et en étant force de proposition pour améliorer ou porter de nouveaux projets. Ici, nous explorerons plus spécifiquement les liens entre individu (le membre) et l'association (le collectif).

Pour cela, l'analyse s'appuiera sur la participation à deux projets de l'association : l'ACademy et l'UEDAC, les deux principaux projets permettant de recruter des membres (les autres étant plus tournées vers la sensibilisation extérieure). L'ACademy est une formation en quatre week-ends sur l'an-née permettant de former une centaine de personnes chaque année à présenter une conférence de sensibilisation aux enjeux énergie-climat (appelée « The Big Conf », ou TBC). L'UEDAC est l'Univer-sité d'Eté Décontractée d'Avenir Climatique, une semaine ouverte aux membres et aux nouveaux pour à la fois apprendre, débattre, réfléchir à l'avenir de l'association, mais aussi profiter de la nature, des temps libres et des vacances.

Par la participation observante et par l'entretien réalisés, nous avons distingué 3 facteurs clés d'en-gagement de l'association : la connaissance, le pouvoir et la liberté d'action, et le collectif.

L'association comme moyen de monter en connaissances et en compétences

Pour Guillaume, l'objectif central de l'association est de donner les clés de compréhension des enjeux énergie-climat. L'association a été créée par un groupe d'ingénieurs, et a en son coeur la rigueur technique et scientifique des messages et informations qu'elle porte et transmet. Le fait de s'axer plus sur le constat que sur les solutions est volontaire : l'objectif est d'outiller les personnes pour qu'elles soient à même de prendre elles-mêmes leurs décisions. Guillaume explique ainsi : « Dans la Big Conf, on ne dit pas ce qu'il faut faire, mais on donne les clés pour que les personnes comprennent la situation et arrivent aux bonnes conclusions d'action tous seuls. Autre exemple : pour le bilan carbone, on ne dit pas ce qu'il faut faire, mais la personne regarde sa situation, où elle en est, et identifie elle-même les actions qui lui correspondent par rapport à la marge de manoeuvre qu'elle veut lui donner. » Thibaud Griessinger confirme : « on voit très bien que c'est compliqué de sensibiliser sur des actions spécifiques. Quand AC le fait en mettant l'emphase sur l'énergie, là c'est plus intéressant car c'est plus facile de voir à l'échelle individuelle comment tu peux arriver à faire le lien entre ton mode de vie et ces problématiques, et tu peux toi-même être constructeur d'actions que tu peux mettre en place ». Angèle, Juliette, Alix, Luc et Valentin ont tous les cinq participé à l'ACademy

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l'année dernière, et l'approfondissement des connaissances conséquent a, comme nous l'avons vu, largement contribué à leur engagement.

Au-delà d'une transmission et d'un approfondissement des connaissances, l'ACademy permet aussi aux participants de monter en compétences diverses : prise de parole, sensibilisation, organisation d'événement, communication... Ce peut être à un niveau supérieur pour les formateurs : une dizaine de personnes participant à l'ACademy cette année vont devenir formateurs l'année prochaine, ce qui va leur permettre à la fois de monter encore en connaissance, mais aussi de développer des compétences de prise de parole, d'organisation... La palette de compétences à développer est très large, et certains papillonnent de projet en projet chaque année en fonction des compétences qu'ils souhaitent développer.

Au-delà des connaissances et compétences transmises aux membres, il y a une volonté constante d'amélioration continue et de co-construction des savoirs. Par exemple, sur l'outil informatique d'échanges d'AC, framateam, un canal de discussion est dédié au partage d'informations, aux questions, aux débats, pour pouvoir évoluer ensemble dans les savoirs. Lors des week-ends de l'ACademy et lors de l'UEDAC, un tableau références est affiché, où chacun peut ajouter ses conseils de lectures, documentaires, films, podcasts... Un projet de climathèque est aussi en cours, afin de répertorier les principales sources de données et de savoir à disposition. C'est aussi dans les discussions, dans les échanges, les débats ou présentations organisés que peut se construire et transmettre la connaissance.

On voit donc que la connaissance des enjeux est un levier d'engagement individuel, mais aussi que chaque personne contribue aussi à cette connaissance et à l'engagement collectif.

Pouvoir et liberté d'action comme leviers

Un autre aspect clé de l'engagement des personnes au sein de l'association est bien sûr le fait de pouvoir agir et sentir son impact. Au-delà de la participation aux projets, des conférences réalisées et de leur impact, c'est aussi au sein même de l'association que les personnes peuvent ressentir leur liberté et pouvoir d'action. Une grande place est en effet laissée à l'autonomisation, à la participation et à la prise d'initiatives.

Pour cela, l'organisation globale d'AC est horizontale. Guillaume explique : « Avenir Climatique n'a pas d'organigramme, pas de bureau, pas de hiérarchie, pas de chef. Il y a des personnes qui sortent du lot pour gérer les choses, certaines font partie du CADAC (Conseil d'Administration d'Avenir Climatique). L'organisation se veut la plus horizontale possible, à la fois pour que l'association ne repose pas sur 1 ou 2 personnes, mais aussi et surtout pour que chacun se sente libre et légitime de faire

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des choses, sans avoir à rendre de comptes. » Aussi, cette volonté de liberté d'initiative se retrouve dans la gestion et l'organisation des événements. Par exemple, à l'UEDAC, la semaine est complètement auto-gérée, c'est-à-dire que les participants sont garants et responsables de la cuisine, du rangement, du bon entretien, mais aussi de l'organisation d'ateliers. Il y avait en effet des créneaux spécifiques sur lesquels les participants étaient libres de proposer un atelier, une discussion, un jeu... autour de ces enjeux. Ce modèle d'organisation permet de donner du pouvoir aux membres, qui se sentent acteur et ont un rôle à jouer au sein de l'association, tout comme face à aux crises de nos sociétés.

Une grande liberté est aussi laissée dans les propositions d'idées et dans la prise d'initiative. Des espaces y sont même spécifiquement dédiés. A la fin de l'ACademy, lors du week-end 4 est organisé un Forum Ouvert pour laisser libre court aux propositions des participants pour l'association. Il y a d'abord eu un temps de propositions libres, où tous pouvaient lancer des idées de tous ordres ; une trentaine en est ressortie. Puis, il y a eu un temps de vote pour les projets les plus intéressants, et une dizaine ont été retenus. Enfin, des groupes se sont formés afin de discuter et approfondir ces idées, les personnes pouvant passer de groupe en groupe en trois temps différents. Aujourd'hui, plusieurs projets proposés et discutés lors de ce forum ouvert sont en cours de réalisation ou ont été réalisés. Par exemple, l'internationalisation de la Big Conf, qui est en cours de traduction et d'adap-tation des données dans plusieurs langues. Un autre exemple est le projet ACcostage Climatique, qui, après cette idée lancée lors du Forum, a pu être réalisé cette année, en partant de zéro et avec seulement quelques mois de préparation. 13 membres de l'association sont partis 5 jours à bord de 2 voiliers sur les côtes bretonnes, s'arrêtant de ville en ville pour organiser des ateliers ou conférences de sensibilisation autour des enjeux énergie-climat. Ce projet est en voie de devenir un projet structurant de l'association autour du voyage et de la construction de nouvelles représentations du voyage. On voit donc qu'il y a une très grande liberté d'initiatives qui contribue à l'engagement au sein de l'association. Guillaume voit en fait AC comme un « véhicule qui peut permettre aux gens de faire des choses autour de l'énergie et du climat ».

Il y a aussi une liberté laissée dans la façon de transmettre les messages. Pour Guillaume, « La seule chose dont on doit être garant est la justesse du discours d'un point de vue technique et scientifique, mais il est essentiel que les personnes se sentent libres de porter des projets de la façon qu'elles le souhaitent. C'est par exemple pour cela que la conclusion de TBC reste vague : pour laisser aux personnes la possibilité de la faire comme ils le souhaitent, de se l'approprier. C'est important que les gens adaptent même le contenu de la conférence pour se sentir à l'aise avec. Mettre plus ou moins d'émotions, parler de telle ou telle chose, parler de soi personnellement, être plutôt pessimiste ou plutôt optimiste... Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de la faire, mais une bonne façon de la faire par rapport à toi, par rapport à ta personnalité, par rapport aussi au moment

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où tu en es dans ta vie... ». Dans les week-ends de travail de l'ACademy, des temps spécifiques sont ainsi dédiés à la personnalisation de la Big Conf.

Thibaud Griessinger souligne l'aspect émancipateur de ce pouvoir d'action : « A partir du moment où tu te sens en contrôle de ton environnement, tu te sens agent de ta transformation, de ton destin (...). C'est beaucoup plus émancipateur d'être acteur de son environnement que de le subir »

Ainsi, la notion de liberté est de pouvoir d'action permis par le collectif est centrale dans le processus d'engagement écologique, et elle permet dans le même temps de nourrir l'action collective par la construction et l'amélioration de projets conséquente.

Le sentiment d'appartenance à un collectif comme moteur de l'engagement

Par cette année passée à Avenir Climatique, j'ai pu observer et vivre, comme tous les membres le décrivent, un très fort sentiment d'appartenance à une communauté. Pour Guillaume, « en termes d'identité, Avenir Climatique est vraiment une bande de potes. Les personnes prennent généralement beaucoup de temps de façon bénévole. C'est lié certes au message important qu'ils veulent passer, à la cause noble portée, mais s'ils le font c'est aussi parce qu'ils se sentent bien avec le reste des membres. Entre nous, on parle souvent de « communauté » ou de « famille » en parlant d'AC. La bière ou le verre de la soirée est aussi dans l'ADN de l'asso : après chaque événement AC, les membres vont prendre ensemble un verre. L'UEDAC aussi est un peu marketée. » En évoluant au sein d'un groupe portant des valeurs communes, réunie et agissant autour d'un objectif commun, les membres construisent des relations sociales enrichissantes et épanouissantes.

Ce sentiment d'appartenance peut aussi être moteur de l'engagement via les normes sociales qui se construisent au sein du groupe. Les membres essaient en effet d'être exemplaire et en cohérence avec leurs valeurs, et les personnes arrivant dans le groupe vont avoir tendance à vouloir se faire accepter, à être en accord avec le groupe, à se conformer aux normes sociales, et donc à s'engager. On se souvient du témoignage de Juliette qui expliquait que les membres étaient devenus comme des « modèles », qui l'avaient poussée à agir en se disant « si je veux être cohérente avec ce groupe, cette asso, il faut que ça suive derrière ». L'exemplarité au sein de l'association s'incarne essentiellement par les individus, à la fois dans leurs discours, dans leurs relations sociales et dans leurs actions. L'engagement collectif peut donc permettre de faire évoluer les représentations de l'individu (transformation intérieure).

Ces représentations et valeurs s'adaptent au fur et à mesure via des mécanismes d'interaction spéculaire. Ces représentations évoluent d'autant plus dans un contexte où les membres se posent de nombreuses questions sur leurs croyances, sur les récits et les représentations, et où la construction

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de nouveaux récits est un des objectifs de l'association. Ainsi, l'association devient aussi un espace où les membres peuvent construire ensemble de nouveaux récits et représentations, ce qui peut aussi renforcer leurs sentiments de pouvoir d'action et leur épanouissement. Par exemple, pendant l'UEDAC, un espace de discussion sur le rapport au corps a été lancé spontanément suite à des questionnements sur la mixité ou non des douches communes. Au fil des échanges, les questionnements se sont multipliés : pourquoi les hommes semblent être plus à l'aise que les femmes avec la nudité ? Qu-est-ce qui nous gêne dans la nudité ? Le regard de l'autre ? Le regard de l'autre sexe ? La sexualisation du corps ? Quels sont les déterminants culturels qui mènent à la pudeur et l'intimité du corps ? Faut-il faire évoluer ces représentations ? Ou au contraire ? Cet exemple illustre bien un moment d'échange et de réflexion intéressant sur un sujet tabou et déterminé par beaucoup de représentations de nos sociétés modernes, où chacun a pu réfléchir à ses propres représentations, les questionner et peut-être les faire évoluer. Ainsi, au sein de l'association, les individus, par les idées qu'ils apportent individuellement mais aussi par les temps de réflexion dédiés et par les interactions, construisent de nouvelles représentations collectives (transformation extérieure).

Le sentiment d'appartenance au groupe est tel que, combiné à la détermination et la force que mettent les membres dans leur lutte et dans la sensibilisation, il est fréquent d'entendre des personnes extérieures parler d'AC comme d'une secte, en plaisantant. Cela révèle aussi, au-delà des aspects positifs que nous avons évoqués ci-dessous, une des limites de cet aspect communautaire de l'association, qui peut bloquer certaines personnes à y entrer. En effet, l'association, bien qu'elle se veuille aparti-sane, comprend des individus ancrés politiquement d'un certain côté du débat, ce qui peut parfois bloquer des personnes n'ayant pas les mêmes positions. Un débat à ce sujet a été lancé lors de l'Assemblée Générale de l'association, qui a eu lieu pendant l'UEDAC. Certains membres les plus à droite se sont dit mal à l'aise d'exprimer certaines opinions en redoutant qu'elles seraient caricaturées. Le risque invoqué est à la fois d'exclure des personnes malgré l'objectif de sensibilisation et d'inclusion du plus grand nombre, mais aussi de se couper de certaines critiques pertinentes et de s'enfermer sur ses opinions, rendant plus difficile le travail de vulgarisation et la position relativement « neutre » de l'association. Finalement, il a été souligné une nécessité de vigilance et d'ouverture d'esprit dans les propos à la fois dans les moments formels mais aussi informels, où les réflexions peuvent être faites plus naturellement et inconsciemment du fait de la proximité relationnelle entre les membres.

L'importance du bien-être des membres et la place croissante laissée aux émotions

Dans notre entretien, Guillaume a souligné que l'épanouissement de chacun était essentiel, à la fois parce que le message porté par des personnes épanouies a plus de résonnance et d'impact, mais aussi et surtout parce que le fait que les membres puissent s'épanouir et s'en rendent compte favorise leur engagement.

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Cet épanouissement a pu s'observer et s'analyser chez les membres comme étant le résultat des trois facteurs présentés : une montée en connaissances et en compétences, une conscience et mise en oeuvre de son pouvoir d'action, et un fort sentiment d'appartenance et d'adhésion au collectif. Une membre de l'association évoquait, lors de l'atelier d'écopsychologie de l'UEDAC, un sentiment « d'ex-tase » parfois ressenti dans l'engagement collectif, sentiment faisant écho aux « moments presque euphoriques » décrits par Juliette. Autre illustration de cet épanouissement de l'engagement collectif, les participants parlent parfois entre eux de « déprime post-UEDAC » ou de « déprime post we ACademy » tant les moments vécus sont stimulants et épanouissants. A la fin de cette semaine comme à la fin de chaque week-end de l'ACademy, j'ai pu observer, via les discussions, via les mails, les messages, et mon ressenti, une grande énergie, force et motivation chez les participants.

Aussi, pour assurer l'épanouissement dont parle Guillaume, l'expression des émotions s'est récemment révélée être un élément important. Guillaume explique qu'« historiquement, AC est une association d'ingénieurs un peu « froids et renfermés ». Ça a beaucoup changé dernièrement, avec des personnes qui ont amené de l'émotion, de la culture, des éléments un peu moins « rationnels » dans l'asso et dans les projets. »

L'ACademy a par exemple intégré un temps spécifique dédié au partage des émotions vécues dans l'engagement. Guillaume explique qu'il s'agit d'un de ses ateliers préférés à l'ACademy : celui des « sensibilisateurs anonymes », où les participants échangent sur leurs difficultés à convaincre, à vivre leur engagement. « C'est en fait un atelier qui a été complètement improvisé il y a deux ans ; il y avait beaucoup de discussions, les gens étaient très émotionnels, on a ressenti le besoin de faire ça. Et depuis, c'est resté ! »

Autre exemple clé à l'UEDAC : cette année, pour la première fois, un atelier de 2h30 a été consacré au partage des émotions. L'objectif était de créer un espace pour pouvoir exprimer les émotions liées à notre engagement, sans qu'il y ait de débat ou d'objectif de résultat ou de productivité, simplement pour exprimer ces émotions. L'atelier est parti de la question suivante : « Quelle émotion vous fait le plus avancer dans votre combat écologique ? ». Les participants ont été invités à réfléchir quelques minutes à leur réponse, puis à se lever et marcher dans le champ où nous étions, en attendant de rencontrer quelqu'un, et alors de lui demander son émotion, et former un groupe si elle était similaire. Cela a permis de former différents groupes de discussion de plus petite taille, en fonction des émotions de chacun. Parmi les émotions invoquées, il y a eu la colère, l'angoisse, la tristesse, la joie, l'espoir, l'alignement (entre ses valeurs et son engagement)... Globalement, les émotions positives ont regroupé bien plus de personnes. Chaque groupe a eu un temps d'échange et de discussion, puis tous les groupes se sont retrouvés pour partager leurs échanges. Au-delà des résultats de ces

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échanges, qui, bien qu'intéressants, ne sont pas ici notre objet d'étude, cet atelier a révélé l'impor-tance du partage des émotions pour souder le collectif. Cet atelier a en effet été un moment très fort et intense pour tous les participants. Chacun a parlé de ses difficultés, de ses joies, de son engagement, de sa vie, du monde actuel... Certains ont pleuré, de tristesse, de joie. A la fin, alors que l'atelier prenait fin, une participante a demandé qu'on reste encore quelques instants, même si personne n'avait rien à ajouter. Alors, le groupe est resté, enchaînant les moments de silence, et les nouvelles prises de paroles. On sentait, dans ces minutes de silence, la puissance des émotions planer au-dessus du groupe et en nous. Et, dans un de ces silences, une des participantes a demandé : « est-ce que vous avez pas tous envie de vous faire un câlin ? », une phrase qui peut faire rire mais très révélatrice de la puissance collective de ce moment. Cet atelier a été central dans ma recherche, car il m'a fait réaliser la force et l'énergie qui sortaient de ce groupe, ainsi que l'importance du partage des émotions pour créer du lien, souder le collectif et favoriser l'engagement.

A noter qu'il y a eu une différence notable dans le ressenti des participants entre l'atelier des sensibilisateurs anonymes de l'ACademy et l'atelier d'écopsychologie de l'UEDAC. En effet, l'atelier de l'ACademy est très vite entré dans des débats, chacun donnant son opinion et réagissant aux réflexions de l'un ou de l'autre, alors que l'atelier de l'UEDAC a été présenté tout de suite comme un moment d'expression, d'écoute, et non de débat ou de réflexion sur les solutions. L'impact a été très différent. Dans le 1er atelier, ce qui est principalement ressorti est le contenu des débats et les différences d'opinion, tandis que dans le second, la plupart des participants ont souligné combien mettre des mots sur leurs émotions, les exprimer, les partager et écouter d'autres les partager était un grand soulagement, une grande aide, et faisait du bien.

Le Pôle Culturel de l'association, récemment créé, propose aussi un espace d'expression des émotions via ses ateliers d'écritures, qui portent souvent sur les ressentis, les émotions, les nouveaux récits et représentations... Ce sont aussi de forts moments de partage, et de soulagement ou de bien-être pour les membres de pouvoir réfléchir, mettre des mots, et exprimer et partager leurs ressentis.

3) Conclusions

Tableau résumé des principales conclusions

Facteurs d'engagement

Conclusions

Connaissances

- monter en connaissances et en compétences

- co-construction et amélioration continue des savoirs

Pouvoir et liberté d'action

- modèle d'organisation horizontal permet de donner du pouvoir et de faire sentir ce pouvoir d'action aux membres

- Liberté d'initiatives

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- liberté dans la façon de transmettre le message

Communauté

- sentiment d'appartenance à une communauté

- exemplarité et les normes sociales du groupe permettent de faire évoluer les représentations et pratiques des individus

- les interactions et espaces de réflexions permettent de construire de nouvelles représentations collectives

- importance d'une vigilance et ouverture d'esprit dans les propos

Bien-être et épanouisse-
ment

- l'épanouissement est source d'engagement

- la connaissance, le pouvoir et la liberté d'action, ainsi que l'aspect humain sont trois facteurs importants et complémentaires d'épanouissement

- l'expression et le partage des émotions est un facteur d'épanouissement à la fois personnel et collectif

On voit donc que l'engagement individuel et collectif sont intimement liés, et que les liens se font souvent à double sens. L'association transmet à l'individu les connaissances nécessaires à l'enga-gement, alors que les individus coconstruisent et améliorent ensemble cette connaissance. La liberté d'initiatives et les projets de l'associations permettent à l'individu de s'engager et de sentir son pouvoir d'actions, alors que les individus nourrissent l'association de leurs initiatives et actions au sein de l'association. L'exemplarité et les normes sociales du groupe permettent à l'individu de faire évoluer ses pratiques et représentations, en même temps que les réflexions et interactions des individus permettent de faire évoluer les représentations du collectif. Enfin, le collectif peut fournir des espaces d'expression et de partage d'émotions, qui permettent de renforcer la solidarité, la cohésion et le groupe.

Là encore, l'aspect systémique des facteurs d'engagement est important à souligner : ces éléments fonctionnent ensemble : connaissance, pouvoir d'action et groupe sont complémentaires et se renforcent entre eux. Le tout permet aux membres de trouver dans l'engagement collectif un fort épanouissement, qui renforce encore leur engagement (tant collectif que quotidien et professionnel). On voit aussi à quel point, via la connaissance, le pouvoir d'action et les relations humaines, l'engage-ment collectif peut être source de changements et transformations. Ainsi, lors des deux dernières Assemblées Générales de l'association, un membre a à chaque fois versé des larmes d'émotions en expliquant que « l'association (avait) changé sa vie », suscitant des réactions similaires d'autres membres, et suscitant un moment d'émotion fédérateur et là encore engageant.

Nous avons maintenant une meilleure compréhension du processus d'engagement écologique, en l'ayant étudié sous le prisme individuel puis collectif. Mais cette compréhension est limitée par l'angle restreint qu'elle comporte, ayant choisi des individus faisant partie du même collectif. C'est pourquoi

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nous avons complété notre démarche par un questionnaire destiné à toucher un plus grand nombre de personnes, mais aussi une plus grande diversité de profils.

III- Questionnaire sur le processus d'engagement écologique 1) Méthodologie

Le questionnaire se voulait le plus holistique possible par rapport au vécu de la personne, afin qu'elle puisse avoir la vision la plus complète de son cheminement. Le questionnaire a ainsi été construit en 5 parties :

1) Conscience des enjeux

2) Niveau d'engagement

3) Blocages et déclics

4) Emotions

5) Processus et cheminement

Le questionnaire a été construit de façon humaine et chaleureuse : il comportait une introduction expliquant ma démarche, utilisait le tutoiement, des notes d'humour, et une conclusion engagée. Cela avait pour objectif et a permis, d'après les retours particulièrement positifs que j'en ai eu, de mettre les personnes dans de bonnes conditions pour répondre au questionnaire, et de le rendre attractif et agréable à faire malgré sa longueur (entre 20 minutes et 1h selon le temps de réflexion des personnes). Le questionnaire alternait questions fermées et questions ouvertes, afin notamment de disposer de données qualitatives, parfois plus complètes et libres, d'éviter des réponses orientées, mais aussi afin de permettre un espace de réflexion et d'expression aux répondants.

Le questionnaire a été essentiellement diffusé sur les réseaux sociaux, sur des groupes plutôt engagés, ainsi qu'auprès de mes proches (engagés et peu engagés), et dans les milieux et structures de mes proches peu engagés.

Le questionnaire ne se veut pas représentatif : son objectif était de comprendre les différences entre un groupe de personnes conscientes et engagées, et un groupe de personnes conscientes et non ou peu engagées. En effet, pour analyser les réponses du questionnaire, j'ai divisé les 187 répondants en trois groupes, selon leur niveau de conscience et d'engagement. Cette division en groupes s'est faite selon les réponses à certaines questions. Une « note » de 1 à 3 a été attribuée pour chaque question puis une moyenne a été faite sur le niveau de conscience puis sur le niveau d'engagement, la moyenne entre les deux donnant le numéro de groupe de la personne. La méthodologie précise de cette répartition se trouve en annexe 11.

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Ce travail a permis de former trois groupes :

- Groupe 1 : peu conscients et pas engagés ? 2 personnes

- Groupe 2 : conscients mais pas ou peu engagés ? 80 personnes

- Groupe 3 : très conscients et engagés ? 105 personnes

Nous voyons donc que seulement 2 personnes se sont retrouvées dans le groupe 1, dont une clima-tosceptique. Les données de ce groupe n'ont pas fait l'objet d'une analyse, à la fois parce que les données ne sont pas représentatives, mais aussi et surtout parce que notre sujet d'étude porte sur le passage à l'engagement de personnes déjà conscientes des enjeux. Le passage de personnes pas conscientes voire pas d'accord sur les enjeux environnementaux relève de toutes autres logiques et pourrait faire l'objet d'un tout autre travail. Il était cependant important de distinguer ce groupe, dont les logiques et les résultats sont très différents. Nous avons donc analysé les réponses de 185 personnes, avec une petite surreprésentation de personnes très engagées (105 personnes, soit 57%) par rapport aux personnes peu engagées (80 personnes, soit 43%). Les données relatives au profil des répondants se trouvent en annexe 12.

Il convient aussi de noter que cette méthodologie d'analyse des réponses a nécessité beaucoup de temps (extraction des données sur excel, formules pour distinguer les groupes et analyser certaines données, formules, extractions pour chaque question et chaque groupe, mise en forme sur un tableau word, analyse...). En raison de cette méthodologie, de la longueur du questionnaire et d'un manque de temps dans ma démarche de recherche, je n'ai malheureusement pas pu analyser la totalité du questionnaire, et notamment les réponses ouvertes. Mais ce ne sont pas des réponses perdues, ces données sont d'une grande richesse et pourront faire l'objet d'un approfondissement et d'une analyse après ce mémoire. En annexe se trouvent donc seulement une partie des résultats du questionnaire, et seule une partie de ces résultats a fait l'objet d'une analyse.

Enfin, à noter qu'il existe plusieurs biais à ce questionnaire, liés :

- A sa construction. Certains répondants ont fait part d'une orientation dans certaines questions. J'avais ce risque à l'esprit en construisant le questionnaire, et j'ai essayé d'orienter le moins possible les questions (notamment en laissant la réponse ouverte lorsque des réponses fermées auraient impliqué la projection de mes propres réponses et donc une orientation), mais, comme un objectif secondaire de ce questionnaire était aussi d'aider les personnes à faire le point sur leur engagement, j'ai voulu y apporter des notes d'encouragement, notamment lors de la conclusion qui était très engagée et sortait quelque peu de mon rôle de chercheur, entrant plus dans un rôle de chercheur engagé. Cela a pu paraître comme un manque d'objectivité dans la construction du questionnaire.

- Aux réponses des personnes. Certaines questions nécessitaient une autoévaluation (de son degré d'engagement, de son niveau de conscience...), ce qui peut être sur-évalué ou sous-évalué selon le caractère de la personne.

- A la distinction des groupes, qui aurait pu être encore plus rigoureuse dans la méthodologie. Mais cette distinction s'est révélée pertinente au vu de l'analyse des résultats, et a l'intérêt d'avoir un bon aperçu des principales différences entre un groupe engagé et un groupe peu engagé.

2) Description et analyse

Nous décrirons et analyserons les résultats des deux groupes sur leur conscience des enjeux, sur leur engagement, blocages et leviers d'engagement, et enfin sur leur rapport aux émotions.

Conscience des enjeux et vision des crises Données complètes à retrouver en Annexe 13

Globalement, les personnes ont conscience de la gravité des crises : la moyenne du degré de gravité estimé est de 8,56/10 pour le groupe 2, et de 9,56/10 pour le groupe 3. Seulement 3% de la totalité des personnes interrogées, soit 6 personnes sur 187, estiment improbable la possibilité d'un effondrement de nos civilisations. On voit donc qu'il y a une conscience globale de la gravité des crises et de la possibilité d'un effondrement. Il y a cependant une différence notable entre les 2 groupes : 67% des personnes du groupe 2 le considèrent comme « probable, très probable ou certain », contre 95% dans le groupe 3.

67% du groupe 3 considèrent comme improbable ou peu probable que nous réussissions à mettre en oeuvre une transition écologique et solidaire, contre 58% dans le groupe 2. Ainsi, globalement, la plupart ne croit en la réussite d'une transition, et les personnes engagées y croient moins que celles non engagées. Les résultats du questionnaire ont aussi révélé un grand différentiel dans la croyance en la technologie pour faire face aux crises : à l'affirmation « nous allons développer des innovations technologiques qui permettront de faire face aux changements climatiques », 61% du groupe 2 a répondu probable, très probable ou certain, contre seulement 26% dans le groupe 3. Enfin, le groupe engagé a tendance à plus croire en la capacité de la société civile à se mobiliser : 62% du groupe 3 considèrent comme probable, très probable ou certain une « mobilisation et révolution sans précédent de la société civile qui permettraient de mettre en place des changements radicaux », contre 52% pour le groupe 2.

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Les résultats du questionnaire révèlent donc :

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- une conscience globale de la gravité des crises et de la possibilité d'un effondrement de nos civilisations

- une tendance d'évolution des représentations au fil de l'engagement : plus une personne est engagée, :

o plus elle croit en la probabilité d'un effondrement

o moins elle croit en la réussite d'une transition écologique et solidaire

o moins elle croit en la capacité de la technologie à faire face aux crises

o plus elle croit en la capacité de la société civile à changer les choses

Niveau d'engagement, blocages et leviers

Données complètes à retrouver en annexe 14 et annexe 15

Le questionnaire a aussi révélé des différences notables selon le type d'engagement. D'abord, l'en-gagement quotidien semble ancré dans les deux groupes : 99% des personnes du groupe 3 se disent engagées ou très engagées, contre 87% dans le groupe 2. Cependant, le différentiel est plus élevé si l'on prend juste la réponse « très engagé » : 77% dans le groupe 3, contre seulement 31% dans le groupe 2, ce qui révèle un engagement quotidien limité du groupe 2. Cette tendance d'un engagement plus en profondeur du groupe 3 au quotidien se confirme dans les différents types de pratiques analysées.

Tableau résumé des degrés d'engagement selon le type de pratique au quotidien :

 

Groupe 2

Groupe 3

 

Engagés ou très
engagés

Très engagés

Engagés ou très
engagés

Très engagés

Tri des déchets

91%

60%

97%

78%

Réduction des déchets

86%

42%

98%

71%

Réduction consommation de
viande

82%

44%

99%

77%

Consommer mieux (alimentaire :
bio, local, de saison)

84%

59%

98%

72%

Consommer mieux (biens de con-
sommation)

84%

42%

98%

82%

Consommer moins (biens de con-
sommation)

81%

41%

98%

77%

Mobilités douces

77%

52%

90%

66%

Limiter trajets en avion

58%

40%

89%

68%

Limiter impact numérique

32%

9%

54%

14%

 

Nous voyons en effet que la majorité des personnes se considèrent « engagées » ou « très engagées » sur la plupart des pratiques, à l'exception de l'impact numérique, et avec un petit différentiel

67

entre entre les deux groupes, mais que ce différentiel est bien plus grand pour la seule réponse « très engagée », révélant un engagement quotidien plus profond et ancré dans le groupe 3 que dans le groupe 2.

Dans l'engagement professionnel, 82% du groupe 3 se dit engagé ou très engagé contre 57% dans le groupe 2. Cette différence révèle que l'engagement professionnel semble être une étape importante du processus d'engagement. Le différentiel est encore plus grand pour l'engagement collectif. Pour l'engagement associatif, 67% du groupe 3 se dit engagé ou très engagé contre 25% dans le groupe 2. Enfin, pour l'engagement militant, 65% des personnes se disent engagées ou très engagées (30% très engagés), contre seulement 10% dans le groupe 2 (0% très engagés). De plus, dans les questions portant sur les leviers d'engagement, on voit que l'engagement collectif a eu une forte influence dans le groupe des personnes engagées. En effet, 63% estiment que l'engagement associatif a eu une influence, grande ou très grande influence sur leur prise de conscience et leur engagement, et 57% pour l'engagement militant. Ces chiffres ne sont respectivement qu'à 26% et 13% dans le groupe 2. L'engagement collectif semble donc être une étape clé du processus d'engagement écologique.

Certaines des questions cherchaient à évaluer l'importance de la connaissance dans le processus d'engagement. Or, 66% des personnes du groupe 2 estiment que le manque de connaissance n'a pas ou peu d'influence sur leur engagement, et 56% dans le groupe 3. Cela peut paraître surprenant à l'égard des hypothèses et des résultats précédemment dressés. Mais ces chiffres peuvent s'expli-quer facilement. Pour le groupe 3, très engagé, le résultat parait logique si l'on considère que les connaissances ont déjà été approfondies. D'ailleurs, il peut même paraître à l'inverse surprenant que 43% des personnes du groupe 3 considèrent que le manque de connaissance des enjeux a une influence, une grande influence ou une très grande influence sur leur engagement. Concernant le groupe 2, on peut supposer que les personnes, conscientes des enjeux, n'ont pas conscience de leurs lacunes de compréhension. En fait, le manque de connaissance ne constitue pas directement un blocage à l'engagement ; il est plus juste de dire que c'est l'approfondissement des connaissances qui constitue un levier d'engagement. Et, en effet, les chiffres le valident : 86% des personnes du groupe 2 considèrent qu'une meilleure connaissance des mécanismes en jeu a pu favoriser leur engagement. Le pourcentage s'élève à 98% dans le groupe 3. L'approfondissement des connaissances se révèle donc être un facteur clé d'engagement. On voit aussi, dans les leviers d'actions, que la lecture est privilégiée par rapport aux supports audio-visuels dans le groupe des personnes engagées : 91% disent qu'une ou des lectures spécifiques ont eu une importance, contre 73% dans le groupe 2. Pour les supports audiovisuels, ces chiffres s'élèvent à 89% pour le groupe 3 et 80% pour le groupe 2. On voit aussi qu'un cours ou une formation a plus d'influence dans le groupe 3 : 56% vs 42%.

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Le manque de temps constitue un blocage pour 76% des personnes dans le groupe 2, 69% dans le groupe 3. Le fait d'avoir plus de temps pour se renseigner et s'engager a eu une influence, grande ou très grande influence dans 82% des cas dans le groupe 3, contre 65% dans le groupe 2. Les deux autres blocages clés observés sont le manque de moyens d'action (73% pour le groupe 2, 61% pour le groupe 3), et les habitudes (62% pour le groupe 2, 57% pour le groupe 3).

Ainsi, nous avons vu que :

- les pratiques écologiques quotidiennes sont de plus en plus profondes et ancrées au fil de l'en-

gagement

- l'engagement professionnel est une étape importante du processus d'engagement

- l'engagement collectif est une étape clé du processus d'engagement

- l'approfondissement des connaissances est un facteur clé d'engagement

- le manque de temps, le manque de moyens d'action et les habitudes de vie semblent être des

blocages importants à l'engagement

Rapport aux émotions

Données complètes à retrouver en annexe 16

Le questionnaire a aussi révélé des différences notables dans le rapport aux émotions des deux groupes. Les sentiments d'impuissance et de peur sont présents plus souvent dans le groupe 2 que dans le groupe 3 : 59% ressentent souvent ou très souvent de l'impuissance dans le groupe 2, contre 42% dans le groupe 3, et 44% de la peur, contre 31% dans le groupe 3. A l'inverse, les sentiments de lassitude et d'épuisement sont présents plus souvent dans le groupe 3 que dans le groupe 2 : 35% ressentent souvent ou très souvent de la lassitude, contre 24% pour le groupe 2, et 26% de l'épuise-ment dans le groupe 3, contre 14% dans le groupe 2 (42% du groupe 2 n'en ressentent jamais, contre seulement 22% dans le groupe 2). Enfin, certaines émotions comme la frustration, la colère, la tristesse, la culpabilité se retrouvent à peu près autant dans les deux groupes. Ainsi, les personnes engagées peuvent ressentir plus souvent de la lassitude ou de l'épuisement, mais l'engage-ment semble diminuer les sentiments d'impuissance et de peur.

Le plus grand différentiel concerne le sentiment de détermination, que 41% du groupe 3 ressentent très souvent (79% souvent ou très souvent), contre seulement 15% dans le groupe 2 (63% souvent ou très souvent). De même, 46% ressentent de l'excitation souvent ou très souvent, contre 25% dans le groupe 3 (très souvent : 14% vs 5%), les chiffres étant quasiment similaires pour le sentiment de satisfaction. La joie est ressentie très souvent ou très souvent par 53% des personnes du groupe 3, contre 29% dans le groupe 2. Enfin, le sentiment de fierté est présent souvent ou très souvent pour 59% des personnes du groupe 3, contre 30% pour les personnes du groupe 2. On voit donc que les

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émotions positives comme la détermination, la satisfaction, l'excitation, la joie ou la fierté semblent plus souvent présentes chez les personnes engagées que chez les personnes non engagées.

De façon plus générale, nous pouvons noter que les personnes du groupe 3 semblent ressentir plus souvent des émotions : la réponse « très souvent » représente 17% du total des réponses, contre 11% pour le groupe, tandis la réponse « jamais » représente 21% pour le groupe 2 et 12% pour le groupe 3. D'autres réponses vont en ce sens : à l'affirmation « je ressens des émotions positives très intenses », 19% des personnes du groupe 3 ont répondu très souvent, contre 8% pour le groupe 2. Aussi, 47% des personnes du groupe 3 indiquent exprimer leurs émotions négatives souvent ou très souvent, contre 37% dans le groupe 2. Enfin, 35% du groupe 3 estime utiliser ses émotions souvent, contre 25% pour le groupe 2 (18% ne le font jamais dans le groupe 2, contre 8% dans le groupe 3). Ainsi, l'engagement pourrait mener à une libération des émotions, ressenties plus souvent et plus intensément, ainsi qu'à une meilleure gestion de ses émotions.

Une autre question de cette partie portait sur la personnalité des personnes. Une série de qualificatifs a été proposée, et la personne devait indiquer à quel degré ces qualificatifs lui correspondaient. Quelques différences entre les deux groupes peuvent être observées dans les différents qualificatifs proposés. 51% des personnes du groupe 3 se considèrent « complètement » curieux, contre 41% dans le groupe 2. 44% se considèrent complètement sensibles, 33% dans le groupe 2. Pour 71% du groupe 3, le qualificatif « heureux » leur correspondait complètement, contre 60% dans le groupe 2. Enfin, les plus grands différentiels concernaient les qualificatifs « libéré » et « créatif » : 57% du groupe 3 ont indiqué que la créativité leur correspondait beaucoup ou complètement, contre 40% dans le groupe 2 ; 63% pour l'aspect libéré dans le groupe 3, contre 49% dans le groupe 2. Ainsi, l'engagement pourrait rendre les personnes plus créatives, plus libres, plus sensibles, plus curieuses et plus heureuses.

Enfin, a été abordée la question de l'importance de facteurs plus généraux ayant une influence sur la vie de la personne. Dans le groupe 2, 39% indiquent que le regard de l'autre a une influence, une grande influence ou une très grande influence, contre 26% dans le groupe 3. En ce qui concerne l'importance de l'argent, le chiffre s'élève à 46% pour le groupe 2 et à 26% pour le groupe 3. Concernant le besoin de consommation, 45% du groupe 3 indiquent qu'il n'a pas d'influence sur leur vie, contre 28% dans le groupe 2 (Influence, grande ou très grande : 19% groupe 3 vs 29% groupe 2). Enfin, la peur de l'autre ou la méfiance ont une grande influence chez 11% des personnes dans le groupe 2, contre seulement 1% dans le groupe 3. Ainsi, le processus d'engagement pourrait diminuer l'importance du regard des autres, l'importance de l'argent, l'importance de la consommation ainsi que la peur ou ma méfiance de l'autre.

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Nous soulignons l'usage du conditionnel dans les trois derniers paragraphes : il est en effet difficile de tirer des conclusions certaines de ces éléments, et d'imputer directement les différentiels observés à l'engagement. En effet, la personnalité et le rapport aux émotions d'une personne se construit par de très nombreux facteurs, qu'il faudrait analyser en détails pour pouvoir en tirer des conclusions. De plus, on pourrait aussi supposer que c'est parce que les personnes étaient sensibles, heureuses, libres et créatives qu'elles ont pu s'engager. Cependant, ces différences sont tout de même importantes et à prendre en compte, et recoupent aussi des éléments observés dans les entretiens individuels et dans la participation observante, d'où l'intérêt d'en faire des hypothèses.

Le questionnaire a donc révélé que :

- l'engagement peut mener à de la lassitude et de l'épuisement

- l'engagement peut diminuer les sentiments d'impuissance et de peur

- l'engagement peut mener à une libération des émotions (plus souvent et plus intensément)

- l'engagement peut mener à plus de détermination, de satisfaction, d'excitation, de joie et de

fierté

- l'engagement peut rendre les personnes plus créatives, libres, sensibles, curieuses et heu-

reuses

- l'engagement peut diminuer l'importance du regard des autres, de l'argent, de la consommation,

et de la peur ou de la méfiance de l'autre

Importance de l'introspection

Au-delà de l'objectif de recherche, ce questionnaire avait aussi pour objectif de permettre à des personnes de faire le point sur leur engagement, et éventuellement de les sensibiliser. Au final, cet objectif secondaire s'est avéré utile dans la recherche ! En effet, les nombreux retours positifs que j'ai eus en fin de questionnaire ont montré l'importance de faire le point sur soi, l'importance de l'intros-pection, et l'importance du développement personnel qu'évoquait Valentin dans son entretien.

Voici quelques extraits de réponses qui en attestent :

- « En fait ce questionnaire m'a fait du bien. Je pense qu'un des enjeux climatiques est l'évolu-tion des pensées, et faire l'exercice d'écrire aide énormément car il force à organiser ses idées et je me rends compte à quel point mes idées ont besoin de décanter. Merci ! »

- « Merci beaucoup pour cette introspection, mettre à l'écrit des choses qui se passent générale-

ment à l'oral ou en pensées m'a fait un bien fou. Cela m'a fait à la fois réaliser où j'en étais vraiment, comment continuer à avancer, à sourire, à mettre mes idées au clair. »

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- « Merci pour ce questionnaire, qui m'a permis de prendre un peu de temps pour réellement m'auto-évaluer et réfléchir au pourquoi & comment. »

- « Merci pour ce questionnaire, d'exprimer sa pensée face à un ordinateur qui ne te juge pas permet de se libérer de certaines contraintes. On a peur ni d'être ignorant, ni d'être arrogant. J'ai passé un bon moment »

- « Ce questionnaire m'a fait réfléchir sur plein de trucs, merci ! »

Ainsi, nous voyons que réfléchir sur soi peut être facteur d'engagement et une façon de mieux vivre son engagement.

3) Conclusions

Tableau résumé des principales conclusions

Thème

Conclusions

Vision des crises

- il y a une conscience globale de la gravité des crises et de la possibilité d'un

effondrement de nos civilisations

- tendance d'évolution des représentations : plus une personne est engagée, :

o plus elle croit en la probabilité d'un effondrement

o moins elle croit en la réussite d'une transition écologique et solidaire

o moins elle croit en la capacité de la technologie à faire face aux crises

o plus elle croit en la capacité de la société civile à changer les choses

 

Engagement

- les pratiques écologiques quotidiennes sont de plus en plus profondes et an-

crées au fil de l'engagement

- l'engagement professionnel est une étape importante du processus d'enga-
gement

- l'engagement collectif est une étape clé du processus d'engagement

- l'approfondissement des connaissances est un facteur clé d'engagement

- le manque de temps, le manque de moyens d'action et les habitudes de vie

semblent être des blocages importants à l'engagement

- la réflexion sur soi peut être facteur de bien-être et d'engagement

Emotions

- l'engagement peut mener à de la lassitude et de l'épuisement

- l'engagement peut diminuer les sentiments d'impuissance et de peur

- l'engagement peut mener à une libération des émotions (plus souvent et plus

intensément)

Transformation

- l'engagement peut mener à plus de détermination, de satisfaction, d'excita-

tion, de joie et de fierté

- l'engagement peut rendre les personnes plus créatives, libres, sensibles, cu-
rieuses et heureuses

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- l'engagement peut diminuer l'importance du regard des autres, de l'argent, de la consommation, et de la peur ou de la méfiance de l'autre

BILAN DE L'ENQUÊTE DE TERRAIN

Les entretiens individuels, la participation observante à Avenir Climatique et le questionnaire nous ont permis d'explorer les hypothèses que nous avions posées, souvent de les valider, et de les approfondir. Nous reviendrons ici sur chacune des hypothèses en résumant les principales conclusions tirées de l'enquête de terrain.

Hypothèse 1 : Connaissance

Le processus d'engagement écologique passe par une connaissance approfondie et systémique des enjeux, de leurs causes et de leurs implications

L'enquête de terrain a permis de montrer que la connaissance était au coeur du processus d'engagement. Valentin résume ainsi l'importance d'approfondir la compréhension et la connaissance de ces enjeux pour mieux avancer : « Tous les facteurs sont tirés au maximum dans toutes les directions, que ce soit au niveau psychologique, philosophique, écologique, social, économique, politique... on n'a jamais été dans une société aussi extrême qu'aujourd'hui. Une fois que tu comprends tout ça, enfin une fois que tu as commencé à comprendre tout ça, car je ne pense pas qu'on soit capables en une vie d'avoir un recul total sur tout ça, ça peut permettre de te faire grandir beaucoup plus rapidement qu'avant ». En effet, la complexité des sociétés dans lesquelles nous vivons, la diversité des crises et des enjeux, leur aspect systémique, et leur ampleur inédite sont tels qu'ils sont difficiles à saisir. La population globale a aujourd'hui conscience des problèmes environnementaux, mais la connaissance reste faible, et comprendre la nécessité et l'urgence d'agir est une condition clé à une action efficace.

Nous avons vu que différents éléments étaient cruciaux à saisir dans cet approfondissement de connaissances : l'aspect systémique des crises, la globalité et l'origine des problèmes, les liens entre les crises et son propre quotidien, et les implications de ces constats et la possibilité d'un effondrement de nos civilisations.

Enfin, nous avons aussi évoqué différentes façons d'approfondir ces connaissances. Beaucoup passent par des lectures (ex : comment tout peut s'effondrer, le manuel de transition de Rob Hopkins, le rapport Meadows, les rapports du GIEC), d'autres par des supports audiovisuels. L'approfondissement des connaissances peut aussi se faire via l'engagement professionnel ou via les études par des formations ; le rôle de l'éducation est en ce sens central. Enfin, il peut aussi se faire par l'engagement collectif, à la fois grâce à des structures transmettant des savoirs, mais aussi par les échanges et la co-construction de savoirs au sein d'un collectif.

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Hypothèse 2 : Groupe

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Le processus d'engagement écologique est nécessairement collectif

Nous avons vu que les personnes rejoignaient un collectif pour deux raisons principales : l'envie et le besoin d'agir, et l'envie et le besoin de se rapprocher de personnes vivant les mêmes cheminements. Le collectif est donc un moyen, pour la personne, de trouver du réconfort, du partage, de la joie dans les échanges, ainsi qu'un moyen de sentir son pouvoir d'action.

Il peut alors y avoir une boucle d'engagement qui entraine la personne à la fois à monter en compétences et en connaissances, à agir, se sentir utile et sentir son pouvoir d'action, et à des rencontres humaines et en vivant des moments sociaux collectifs forts. Ainsi, la personne s'épanouit dans son engagement ce qui la conforte dans sa démarche. Nous voyons donc que l'engagement collectif est lui-même facteur d'engagement écologique globale de la personne.

Aussi, le collectif a une importance centrale dans la construction de nouveaux récits et de nouvelles représentations. En effet, le système de représentations et de pratiques d'une personne peut évoluer via les normes sociales et interactions au sein du groupe d'engagement, tandis que les interactions et réflexions permises par les individus au sein du collectif permettent de construire de nouvelles représentations collectives. Le collectif contribue ainsi à la transformation intérieure et extérieure des mentalités et des pratiques.

Hypothèse 3 : Transformation

Le processus d'engagement écologique est un processus de transformation intérieure et extérieure libérateur

Le processus d'engagement, via notamment le collectif, donc, peut effectivement mener à des bouleversements intérieurs profonds. Le terme est cependant à nuancer, car pour certaines personnes, l'engagement peut se faire de façon continue, et s'il n'a pas impliqué un choc ou une phase d'effondrement intérieure, il peut s'agir d'évolutions plus que de transformations.

L'enquête de terrain nous a donc permis de montrer que l'engagement écologique pouvait mener à des changements profonds dans son rapport à soi, aux autres et au monde. Dans son rapport à soi, l'engagement peut impliquer une meilleure connaissance de soi, mais aussi plus d'éner-gie, de force, plus de détermination, de satisfaction, plus de créativité, de curiosité, et finalement plus de joie. Dans son rapport aux autres, nous avons observé que l'engagement pouvait mener à des relations plus simples, plus humaines, basées sur l'entraide, la solidarité et la confiance, et une importance moins grande donnée à l'image sociale et au regard des autres. Enfin, dans notre rapport au monde, l'engagement peut mener à une évolution de nos représentations avec une importance moins grande à la technologie, à l'argent ou à la consommation, et une importance plus grande aux relations humaines, au collectif ou encore à la nature.

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Transformation intérieure et extérieure vont de pair dans un contexte collectif. En effet, comme nous l'avons souligné pour l'hypothèse précédente et comme étudié dans la revue de littérature via la notion d'interaction spéculaire, nos croyances et représentations communes se construisent par l'adaptation mutuelles de nos représentations individuelles au fur et à mesure que se multiplient nos rapports sociaux. Dans le contexte actuel et dans des collectifs engagés imprégnés de la volonté de changer de récits, les transformations intérieures et extérieures sont intimement liées et en cours de co-construction.

Hypothèse 4 : Emotions

L'acceptation, l'expression, la compréhension et l'utilisation des émotions sont fondamentales et motrices dans le processus d'engagement écologique

Enfin, nous avons vu que les émotions avaient un rôle central dans le processus d'engage-ment écologique. Elles peuvent être à la fois déclencheur et résultat de l'engagement, et en sont le principal moteur.

Les émotions négatives peuvent être un déclencheur d'engagement. En effet, nous avons vu que l'approfondissement des enjeux et la compréhension de la gravité de la situation et de ses implications pouvait mener à une phase d'effondrement intérieur, de bouleversement de sa vision du monde, de sa vie et de son avenir. Cela peut provoquer une perte de sens qui peut-être plus ou moins difficile à vivre selon le contexte de son quotidien, et selon son entourage. Pour retrouver du sens, la personne cherche à s'engager ou à se rapprocher de personnes traversant les mêmes questionnements. On voit donc que les émotions négatives sont inévitables pour des personnes qui approfondiraient les connaissances, mais qu'elles provoquent comme un choc qui permet ensuite de passer à l'action, avec un impact bien plus important qu'avant, et aussi avec plus d'épanouissement.

En effet, l'engagement écologique, via l'action, l'utilité, la connaissance et le groupe, peut être source de satisfaction, de cohérence, de fierté, d'excitation, et finalement de joie et d'épanouisse-ment, comme cela a été décrit, d' « euphorie » ou d'« extase », ce qui vient renforcer cet engagement. Cet engagement n'est pas tout le temps facile, il peut aussi mener à de la lassitude, de la frustration, de la peine ou de la colère, mais ces sentiments peuvent aussi permettre d'entretenir et de motiver l'engagement. De façon globale, les entretiens individuels, la participation observante ainsi que le questionnaire ont montré que l'engagement était avant tout source d'émotions positives plus que négatives. L'engagement peut aussi mener à une libération des émotions, ressenties à la fois plus souvent, et de façon plus intense.

Aussi, nous avons vu que le fait de comprendre ces émotions, mais aussi de pouvoir les exprimer et les partager était important en termes de bien-être, et pouvait être à la fois source de soulagement, et facteur de consolidation de liens sociaux et du collectif.

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PRECONISATIONS

Alors, que faire maintenant ? Comment utiliser ces conclusions et ce travail pour les rendre utiles ? L'objectif de cette partie est de proposer des préconisations, des pistes à suivre pour s'engager, et pour bien vivre son engagement. Il s'agit de pistes, de propositions ayant pour but d'aider et aiguiller des personnes. Le lecteur, quel que soit son profil et son rapport à l'engagement, est aussi invité à réfléchir à ses pistes d'action.

Pour des personnes conscientes mais pas ou peu engagées

C'est le cas de la plupart des personnes en France aujourd'hui, et c'était l'objet de ce mémoire que de comprendre comment passer de la conscience non engagée à la conscience engagée. La première piste consiste à approfondir les connaissances. Nous avons vu toutes les implications que cela pouvait avoir, mais c'est un vrai facteur d'engagement, et il est central, dans les crises et les moments que nous connaissons et dans une telle complexité, de comprendre les mécanismes en jeu et ses implications.

La deuxième préconisation est de se rapprocher de groupes ou de personnes engagées pour échanger. Nous l'avons vu, cet aspect est central pour pouvoir agir et monter en compétences et connaissances, mais il est aussi bien souvent source d'épanouissement ! Il peut s'agir d'associations (de tous types), de groupements citoyens, de personnes spécifiques...

Pour des personnes engagées

Pour des personnes engagées, les préconisations à tirer de ce travail sont nombreuses. D'abord, il convient de souligner l'importance de prendre soin de soi et des autres. L'épanouissement, nous l'avons vu, est en effet central dans l'engagement : c'est un fort moteur, à la fois d'engagement personnel, mais aussi de sensibilisation. Pour cela, un des moyens est de pouvoir soigner ses émotions, autant positives que négatives : savoir les exprimer, les partager, les comprendre, est un travail important qui peut être source de bien-être et de soulagement à la fois pour la personne, mais aussi pour ceux avec qui la personne les partage. Cela peut aussi contribuer à faire évoluer les représentations et la place des émotions dans nos sociétés.

Une autre conclusion est d'éviter de se refermer ou critiquer les groupes moins engagés. Ce sont des sentiments normaux : au vu de la gravité de la situation, il est légitime d'être en colère ou de ne pas comprendre des personnes qui ne changent pas leur mode de vie. Il est aussi normal d'avoir des difficultés à rester avec des personnes ayant moins de valeurs en commun. Cependant,

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nous avons vu l'importance qu'avait le fait de garder ces socles, à la fois pour ne pas s'enfermer dans ses positions et rester ouverts d'esprits, pour aussi apprendre d'eux, et pour aussi essayer de les engager. Les blocages sont nombreux et l'inertie compréhensible ; comprendre l'inaction sera bien plus utile et efficace que de la critiquer.

Une autre préconisation qui en découle est d'essayer d'accompagner et aider des personnes à entreprendre cet engagement. Les personnes engagées, par leur cheminement, peuvent épauler des personnes le vivant ; cela peut passer par de la sensibilisation, par des partages d'expérience, par des conseils, ou simplement par des échanges, de l'écoute, de la compréhension et de l'entraide.

Pour des structures collectives

Nous l'avons vu via l'exemple d'Avenir Climatique, le rôle du collectif est central dans l'engagement écologique. Ainsi, les structures (de tous types, même des entreprises, si leur activité fait de ces enjeux une priorité) ont un rôle important à jouer pour mettre en oeuvre des éléments qui pourront permettre de favoriser l'engagement écologique.

Pour cela, il est important de pouvoir fournir à ses membres les clés de compréhension et de connaissance des sujets qu'elle porte. Une autre piste est de créer un esprit de cohésion, de solidarité et de partage au sein du collectif. Enfin, créer des espaces de partage et d'expression des émotions est une façon d'accompagner les personnes dans leur cheminement mais aussi de souder les liens et renforcer la cohésion.

Pour la recherche

Par ce mémoire, et par les lectures entreprises, j'ai aussi découvert le potentiel et l'importance de la recherche pour mieux comprendre les mécanismes de l'engagement dans un contexte où tout va très vite, où les avis divergent, et où il est parfois difficile de s'y retrouver.

Donc, une piste évidente serait d'approfondir les sujets abordés dans ce mémoire pour améliorer la compréhension du processus d'engagement. En effet, le travail s'est voulu très global pour avoir une vision d'ensemble et systémique du processus d'engagement, mais beaucoup d'éléments mériteraient d'être approfondis, comme par exemple le rôle des émotions, ou encore la transformation des personnes ou l'évolution des représentations.

Aussi, par les entretiens individuels et par le questionnaire réalisé, j'ai compris le potentiel de la recherche comme outil de sensibilisation. Au-delà du travail de diffusion de ce mémoire, qui n'a

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pas pour seule vocation de valider mon année universitaire, mais aussi d'être lu par le plus grand nombre, c'est aussi la démarche de recherche qui s'est révélée intéressante quant à notre objet d'études. En effet, les entretiens et questionnaires ont permis aux participants de les aider dans leurs questionnements, et pour certains de renforcer leur engagement. On pourrait donc voir la démarche de recherche aussi comme un moyen d'engagement, avec pour objectif de rendre la recherche plus accessible et vulgarisée.

Finalement, nous avons vu les difficultés liées au processus d'engagement écologique : de nombreux blocages, un processus pouvant être long, la difficulté émotionnelle liée... Mais, face à ces difficultés, le gain au bout du chemin est considérable. En termes d'impact d'abord, parce que cet engagement contribue non seulement à construire des modes de vie beaucoup plus durables et résilients, mais aussi souvent à mettre tout son quotidien, via son métier et/ou via son engagement associatif et militant, au service de l'action et de la réflexion autour d'enjeux cruciaux et vitaux de notre temps. Mais aussi en termes de sens donné à sa vie, de bien-être et de cohérence personnelle et collective.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe