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Les déterminants de la réussite des étudiants du grade licence de l’université de lomé exercant une activité économique


par Kossi Kafui MOKLI
Université de Lomé - Doctorat 2021
  

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Introduction partielle

La présente recherche trouve son fondement dans l'existence d'une situation contradictoire, comme c'est le cas pour toute recherche. Ici il est question des étudiants qui exercent une activité économique parallèlement aux études, mais qui arrivent à réussir (parfois mieux par rapport à ceux qui n'exercent pas d'activité économique). La réalité à laquelle ces étudiants font face ne peut être cernée qu'à travers l'effort d'élucidation de ses différents contours. Il est donc question pour nous de présenter le plus explicitement possible les manifestations du problème que nous avons identifié.

Il s'agit dans la première partie de cette recherche, de présenter l'objet, les questions qu'elle suscite ainsi que les réponses provisoires que nous y apportons.

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA SITUATION

Tout comme la plupart des universités d'Afrique subsaharienne et particulièrement des universités francophones, l'Université de Lomé n'a pas échappé aux crises socioéconomiques, voire politiques, seulement deux décennies après sa création. Et pourtant, cette université était au départ, le fruit de l'ambition qu'avaient nourrie les gouvernants d'assurer le développement du pays à partir de la formation des cadres de l'administration. Mais à partir des années 1990, l'Université du Bénin (qui, à ses débuts, offrait de bonnes conditions de vie et d'études à ses étudiants) a été plongée dans des difficultés de financement qui affectent jusqu'à nos jours, la population estudiantine qu'elle accueille. Les conditions d'études et les conditions de vie dans cette université deviennent difficiles pour les étudiants. Certains d'entre eux, du fait des difficultés rencontrées, optent pour des activités économiques pour se prendre en charge et poursuivre leurs études.

1.1- De l'Université du Bénin (1970) à l'Université de Lomé (2001) : aperçu historique et conditions de vie et d'études des étudiants

La création de l'Université du Bénin (UB) en 1970 répondait à la nécessité de doter le Togo d'une institution d'enseignement supérieur, dont la mission était de former les cadres qui doivent prendre la relève de l'administration coloniale après l'accession à l'indépendance. Il s'agissait également d'assumer la souveraineté de l'Etat togolais, et surtout de mettre en place les institutions qui devront contribuer au développement du pays. Ce fut le même contexte dans les autres pays francophones d'Afrique, et Gioan (2007) écrira à ce propos : « A l'origine, les dispositifs d'enseignement supérieur mis en place dans la plupart des pays francophones d'Afrique ont été conçus pour former les cadres destinés à diriger les pays nouvellement indépendants. » (Gioan, 2007, p. 3).

Jusqu'à la fin des années 1970 voire 1980, compte tenu de l'importance du besoin en cadres qui existait, l'Université du Bénin a accompli cette mission de formation des

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cadres qui lui était confiée. Mais dès la fin des années 1980, l'Etat togolais fait face à des difficultés sur les plans socioéconomique et politique, ce qui affecte la capacité de l'UB à accomplir sa mission dans de bonnes conditions. Cela a eu comme conséquence, entre autres, la dégradation des conditions d'existence des étudiants.

Il nous parait instructif, compte tenu de la situation qu'a traversée l'Université de Lomé, de jeter un regard sur les débuts de cette université (eu égard aux conditions de vie et d'études acceptables qu'elle offrait aux étudiants) et l'évolution qu'elle a connue.

1.1.1- Genèse de l'Université du Bénin

La création de l'Université du Bénin remonte à la date du 14 septembre 1970 par décret No70-156 (Université de Lomé, 2009). Cette décision a été prise d'une part grâce à la volonté des autorités étatiques de doter le pays d'une université autonome et d'autre part du fait des difficultés éprouvées par les étudiants togolais à l'étranger. Mais avant d'y arriver, dès 1965, le Togo avait en commun avec le Dahomey (actuelle République du Benin) l'Institut d'Enseignement Supérieur du Benin (IESB) grâce au soutien du gouvernement français. Cet institut faisait partie des centres d'enseignement supérieur dont la création a été décidée grâce aux accords avec la Fédération du Mali dans lesquels la République française s'engageait à créer ou à développer dans les Etats signataires (Burkina-Faso, Bénin, Congo, Côte d'Ivoire, Madagascar, Niger, Sénégal) un enseignement supérieur d'un niveau égal à celui de l'enseignement supérieur français (Manier, 2010). C'est dans cette optique que furent créés les centres d'enseignement supérieur d'Abidjan, Brazzaville, Niamey, Ouagadougou, Pointe-Noire et Porto-Novo. C'est donc à la suite de cet institut que la création de l'UB a été décidée. Cette création a surtout été facilitée par l'accroissement de l'effectif des bacheliers, les difficultés des autorités à faire face au coût élevé de la formation à l'étranger, la forte demande intérieure d'enseignement supérieur et le souci de créer une institution de souveraineté autonome (Agbobli, 2004).

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A l'origine, l'UB était composée de 4 écoles (écoles de droit, des lettres, de médecine et des sciences). Les infrastructures n'étant pas encore construites, ces établissements étaient éparpillés aux quatre coins de la ville de Lomé. Mais très rapidement ce problème sera réglé avec la construction du campus universitaire sur un terrain de 300 hectares (Université du Bénin, 1977). Sur le plan de la formation de façon concrète, déjà en 1972, afin d'adapter l'enseignement donné à l'UB aux réalités et exigences économiques du Togo, une réforme a été mise en place. A travers cette réforme, la priorité a été accordée à la formation des maitres (enseignants) et à la formation des cadres dont avait besoin l'administration au cours de ces années de démarrage (Université du Bénin, 1990).

En 1972, par décret no72-181/PR de nouveaux établissements ont été créés afin d'élargir les domaines de formation à l'Université de Lomé ; il s'agit entre autres de l'école supérieure d'agronomie, de l'école supérieure de mécanique industrielle, de l'école supérieure d'administration, de l'école des techniques économiques, de gestion et de commerce, de l'institut national des sciences de l'éducation et de l'école des assistants médicaux. Pendant que les besoins sur le marché de l'emploi se diversifiaient et que la demande de formation connaissait progressivement un accroissement, l'UB prenait une certaine ampleur grâce à l'augmentation du nombre d'établissements en vue de répondre aux différentes attentes tant au niveau national que dans la sous-région. En 1988, les premières écoles (créées en 1970) furent transformées en facultés du fait de l'affluence enregistrée dans ces établissements.

En ce qui concerne les effectifs à l'ouverture de cette université, ils sont rapidement passés de 845 en 1970-1971 à 1369 en 1971-1972 (tableau 1) soit une augmentation de 62%. L'ouverture de l'UB a constitué un soulagement pour les étudiants togolais et a entrainé l'arrivée d'étudiants d'autres nationalités.

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Tableau 1 : Répartition des étudiants de l'Université du Bénin en 1971-1972

Matières

Togolais

Dahoméens

Autres
étrangers

Total

Droit et Sciences économiques

599

155

139

893

Lettres

111

154

34

299

Sciences

97

3

68

168

Médecine (6ème année)

2

-

7

9

Total

809

312

248

1369

Source : Hermann Jozsef et al. (1972, p. 7)

Au cours de l'année 1971-1972, l'UB comptait 809 étudiants de nationalité togolaise, soit 59,09% et 560 étudiants étrangers, soit 40,91% de l'effectif total. Parmi les étudiants étrangers, il y avait une forte proportion d'étudiants du Dahomey parce que ceux-ci étaient déjà à l'UB pour le compte de l'Institut d'Enseignement Supérieur du Bénin pour achever leurs études ; ce qui explique d'ailleurs leur présence massive à l'école de droit et sciences économiques ainsi qu'à l'école des lettres. L'école de droit et sciences économiques recevait la grande majorité des étudiants (893, soit 65,23%), suivi de l'école des lettres (21,84%), puis de celle des sciences (12,27%). A l'école de médecine, la première année n'était pas encore ouverte, mais il y avait déjà 9 étudiants (0,66%) en année supérieure (ils avaient commencé dans d'autres universités) dont la plupart étaient des étrangers.

Après avoir démarré avec les 4 premières écoles créées en 1970, l'UB s'est dotée au fil des années des établissements nécessaires à la formation des cadres du Togo (voire d'autres pays de la sous-région), tout en tenant compte des besoins et des réalités du pays. Elle a surtout fait l'effort d'orienter la formation donnée, selon les exigences liées au développement du pays, du moins jusqu'à la fin des années 1980.

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1.1.2- Aperçu des conditions de vie et d'études des étudiants de l'Université du Bénin dans les années 1970 et 1980

Au cours des années 1970, l'UB a profité de la croissance économique et sociale du Togo (ESACJ, ESTEG, 1974). La production et l'exportation du phosphate, principale matière première du pays, concouraient en effet au développement de l'économie togolaise. Les fruits de cette croissance économique avaient ainsi rejailli sur le financement de l'UB et sur les conditions de vie de ses étudiants. Les privilèges dont a bénéficié l'institution universitaire dans ses deux premières décennies peuvent s'apprécier à la fois par rapport au financement qu'elle recevait et aux conditions matérielles mises en place au profit des étudiants. L'intérêt porté à cette université fait même dire que d'énormes sacrifices ont été consentis pour lui permettre d'évoluer (Agbobli, 2004, p. 172).

Avec l'attention dont bénéficiait l'UB sur le plan financier, la situation socioéconomique des étudiants était plus intéressante dans les années 1970 et 1980. Les avantages dont jouissaient les étudiants peuvent s'apprécier au regard de divers éléments, notamment l'allocation de bourse ou d'aide dont les montants étaient d'un niveau à satisfaire leurs besoins. L'allocation de bourse qui était de 15.000 F à la création de l'université (Hermann et al., 1972, p. 14) est passée à 21.600 F (ce qui est supérieur de 57% au SMIG dont le montant s'élevait à 13.757 F). De plus, de neuf mois, l'octroi de cette allocation est passé à douze mois. En somme, en douze mois un étudiant boursier percevait une somme totale annuelle de 259.200 F. Cela représentait une somme substantielle, étant donné que le PIB par habitant du Togo n'était que de 123 dollars US (61.500 F, le taux du dollar étant à 500 F) en 1970. Ce PIB malgré qu'il est passé à 475 dollars US (237.500 F CFA) en 1990 était toujours inférieur à l'allocation de bourse annuellement perçue par les étudiants. Grâce à ce soutien financier, les étudiants avaient les moyens d'avoir des conditions de vie décentes.

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Pour accéder à la bourse, l'étudiant devait répondre à certaines conditions :

- dans les facultés, c'est l'étudiant admis en deuxième année du premier cycle qui en bénéficiait. Pour cela, étaient pris en compte son mérite et sa situation sociale.

- quant aux écoles supérieures de formation professionnelle, accessibles par voie de concours, la bourse était attribuée aux étudiants dès la première année.

Les étudiants non boursiers pouvaient pour leur part prétendre à une allocation d'aide qui est : « une assistance financière annuelle accordée à certains étudiants non boursiers nécessiteux et remplissant les conditions académiques. » (UL, 2002, p. 61 ; décret no 95-062/PR, article 6). Pour cela, ils devaient avoir de bons résultats et être orphelins ou être issus d'une famille à faible revenu (UL, 2002 ; décret no 95-062/PR). Cette allocation d'aide dont le montant est inférieur à celui de la bourse s'élevait à 120.000 F par an.

De ce point de vue, la bourse ou l'aide est destinée à permettre aux étudiants d'améliorer leurs conditions de vie et d'études. Ceux qui venaient de milieux démunis pouvaient ainsi poursuivre sans grandes difficultés leurs études, éventuellement en l'absence du soutien financier de leurs parents, et de surcroit ils pouvaient participer à la résolution de certaines difficultés financières de leur famille.

En plus de percevoir une allocation de bourse ou d'aide, les étudiants bénéficiaient des oeuvres universitaires (qui étaient davantage fournies), à savoir la restauration, le logement, le transport, les soins de santé, l'assistance sociale. Ces oeuvres universitaires subventionnées par l'Etat, leur revenaient à des frais accessibles. Ainsi, le restaurant universitaire d'une capacité de 2500 à 3000 repas en trois services (petit déjeuner, déjeuner et diner) pratiquait les tarifs indiqués dans le tableau 2.

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Tableau 2 : Tarifs des repas servis au restaurant universitaire avant les années 2000

Tarif du bénéficiaire des oeuvres universitaires

Plein tarif pour les non-bénéficiaires des oeuvres universitaires

Petit déjeuner : 30 F CFA

Petit déjeuner : 30 F CFA

Déjeuner : 90 F CFA

Déjeuner : 180 F CFA

Diner : 90 F CFA

Diner : 180 F CFA

Source : Université du Bénin (1990, p. 22)

Pour la journée, un étudiant bénéficiaire des oeuvres universitaires qui décide de manger au restaurant universitaire pouvait dépenser au total 210 F CFA (Université du Bénin, 1990 : 22). Quant à ceux qui ne sont pas bénéficiaires des oeuvres universitaires, c'est-à-dire ceux qui ne possèdent pas la carte du Centre National des OEuvres Universitaires (CNOU), ils dépensaient un peu plus (390 F CFA pour les trois repas de la journée).

Quant aux services de logement, ils sont offerts à travers les résidences installées sur le campus et les villas baillées en ville (une trentaine en 1990). L'attribution du logement aux étudiants qui se faisait à partir de la soumission d'un dossier de demande, tenait compte de certaines conditions, dont des critères socioéconomiques et la localité de provenance de l'étudiant. La chance était surtout offerte aux étudiants venant de l'intérieur du pays d'accéder aux logements universitaires, parce que beaucoup d'entre eux n'avaient pas forcément de parents chez qui loger à Lomé. De plus, le loyer dans les cités universitaires qui était le même pour tout type de logement (2000 F CFA jusqu'en 2001) était prélevé sur l'allocation de bourse ou d'aide. Jusqu'en 1999, année de résiliation des contrats de bail des villas, le nombre de places disponibles pour le logement des étudiants atteignait environ 3000 lits. Avant 1999, au fur et à mesure que la population estudiantine augmentait, des dispositions étaient prises pour augmenter la capacité de l'université à loger un plus grand nombre. C'est ainsi qu'en plus des résidences construites sur le campus, des villas étaient baillées plus ou moins à proximité de l'université pour satisfaire un plus grand nombre d'étudiants. De trois villas louées en 1978-1979, l'université est passée à une vingtaine entre 1980-1985 puis à une trentaine dans la décennie 1990. La pression de la demande devenant plus grande, deux nouvelles

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cités ont été construites en 1990-1991 en plus de la rétrocession à l'université des cités D, E et F (situées au campus nord), précédemment utilisées pour le logement des policiers en recyclage (Adélayi, 2012). Les effectifs étant moins élevés, une proportion plus importante d'étudiants avait ainsi la possibilité d'être logée. En 1997 par exemple, 21% des étudiants étaient logés (bien que l'effectif des étudiants devenait important et que l'offre connaissait une régression), alors qu'en 2008, seulement 3% des étudiants sont logés, le nombre de places disponibles ayant chuté de 3000 à 1200 (Adélayi, 2012).

Quand bien même l'offre de logement au cours des années qui ont précédé la crise ne comblait pas totalement la demande, elle était nettement meilleure comparativement à la capacité de logement de l'université depuis la fin du bail des villas et surtout en l'absence de construction de nouvelles cités.

En ce qui concerne le logement en dehors des résidences universitaires, il faut reconnaitre que le coût de la location d'une chambre en ville était moindre au cours des décennies 1970 et 1980 (le loyer d'une pièce était inférieur à 5000 F CFA) comparativement aux années qui ont suivi la crise socioéconomique et politique. L'un des avantages des étudiants était ainsi de pouvoir se loger à des coûts moins élevés comparativement aux années de crise.

Un autre volet des oeuvres universitaires est la prise en charge médicale des étudiants. En la matière, pour tout étudiant régulièrement inscrit et ayant constitué un dossier médical, les soins étaient gratuitement offerts. Cette prise en charge médicale comprenait également la prise en charge des ordonnances prescrites. Ainsi, jusqu'en 1998, les étudiants étaient bien suivis et bien soignés (Adjiakou, 2011). Quant au service social qui a pendant longtemps fait partie du centre médico-social du Centre National des OEuvres Universitaires (CNOU), il apportait sur tous les plans, son aide aux étudiants qui rencontraient des difficultés susceptibles de troubler le bon déroulement de leurs études. Ce service aidait entre autres, les étudiants boursiers à obtenir des avances sur bourse sous forme de prêts ; les étudiants non boursiers pouvaient obtenir des dérogations pour le

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restaurant universitaire, des secours, des chambres dans les résidences universitaires sans payer au vu de la précarité de leur situation socioéconomique, etc.

Le transport était pour sa part offert aux étudiants au tarif de 10 F CFA par trajet, quelle que soit la distance, dans la limite des quartiers desservis. Cela permettait aux étudiants de dépenser moins pour leur déplacement pour se rendre à l'université et retourner chez eux. Par ailleurs, tout comme les infrastructures, les véhicules affectés au transport des étudiants n'étaient pas débordés.

Entre 1970 et 2001, les frais d'inscription à l'UB pour les étudiants togolais s'élevaient à 4250 F CFA. Comparés aux dépenses faites par l'institution à l'époque pour un étudiant, ces frais d'inscription représentaient une part infime. Déjà en 1972, un étudiant coutait autour de 370.000 F CFA (Herman et al., 1972, p. 15). En 1998, pour un étudiant du premier et du second cycle ce coût était estimé à 447.489 F. Les frais d'inscription représentaient autour du centième de ce que dépensait l'Etat pour la formation d'un étudiant. La contribution des étudiants au coût de leur formation à l'UB était ainsi négligeable, puisqu'une part plus importante des coûts était prise en charge par l'Etat.

Sur le plan socioéconomique, les étudiants de l'Université du Bénin des années 1970 et 1980 avaient accès à des avantages qui leur permettaient de faire face sans grandes difficultés à leurs besoins tant existentiels qu'académiques. Leur situation socioéconomique plus viable et les autres facilités offertes en matière de soins de santé, de restauration, de logement et de transport rendaient appréciables leurs conditions d'existence. Cette attention dont jouissaient les étudiants avait même un caractère spécial du fait de la générosité dont ils pouvaient également bénéficier auprès du chef de l'Etat d'alors :

Au Togo, les étudiants ont bénéficié des bonnes grâces du pouvoir en place, de la création de l'Université du Bénin en 1970 jusqu'en 1990. En effet, pendant cette période de parti unique, les étudiants togolais étaient considérés comme les protégés du pouvoir aussi bien à Lomé qu'à l'intérieur du pays, étant donné que le président de la République d'alors faisait preuve de générosité à leur égard, en leur octroyant des dons en espèces, lors des congrès, séminaires et des marches de soutien. (Tsigbe, 2014, p. 144).

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Pour ce qui est des infrastructures de cours, elles offraient aux étudiants des cadres décents et propices. Nouvellement construites, ces infrastructures étaient dotées d'équipements en bon état, adaptés aux activités pédagogiques. Les salles de cours n'étaient pas débordées par les étudiants dont les effectifs n'étaient pas excessifs. En 1970-1971, l'UB ne comptait que 845 étudiants (Herman et al., 1972).

En cette année, les infrastructures étaient conçues pour 6000 étudiants (Abalo, 2005). Jusque dans les années 1990, ces infrastructures pouvaient contenir l'effectif d'étudiants qui arrivaient à l'université. Cet effectif qui est passé de 3007 en 1978-1979 à 7144 en 1988-1989 (Lange, 1998 : 245), n'était pas excessif, au vu des infrastructures disponibles. Les salles de cours et amphithéâtres pouvaient encore contenir les étudiants sans que certains soient contraints de suivre les cours dehors.

Toutes ces conditions de vie et d'études rendues faciles au cours des décennies 1970 et 1980 n'ont pas pu perdurer. Dès la fin des années 1980, les étudiants de l'UB ont commencé à faire face à des conditions d'études et de vie qui se dégradent consécutivement aux crises socioéconomiques et politiques qui secouent le Togo. L'austérité n'épargne pas cette université, qui continue à trainer ses séquelles, particulièrement en ce qui concerne les conditions de vie des étudiants.

1.2- Les étudiants face aux conditions de vie et d'études difficiles à l'Université du Bénin puis à l'Université de Lomé depuis les années 1990

L'Université du Bénin a connu un essor au cours des deux premières décennies qui ont suivi sa création : construction d'infrastructures neuves, équipées et adaptées aux besoins de formation, installation des étudiants dans des conditions d'études et d'existence optimales, augmentation de la population estudiantine, etc.

L'Etat togolais a fait l'effort de mettre les ressources nécessaires à la disposition de cette université, à laquelle une grande importance était accordée. Mais la crise économique des années 1980 à laquelle ont fait face les pays d'Afrique subsaharienne n'a pas épargné le

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Togo, et depuis les années 1990, l'Université du Bénin est confrontée à des difficultés de financement desquelles elle ne s'est pas encore totalement relevée. Ces difficultés ont affecté le fonctionnement de cette institution et les conditions d'existence de ses usagers, en l'occurrence celles des étudiants.

1.2.1- Les difficultés de financement de l'Université de Lomé et ses répercussions sur les conditions de vie des étudiants

L'Université de Lomé a connu des bouleversements qui ont occasionné d'importantes difficultés du point de vue du financement. Les répercussions de ces difficultés sur les conditions d'études et de vie des étudiants sont perceptibles à plusieurs égards.

a- Les causes de la baisse du financement de l'UL

Diverses raisons expliquent les difficultés de financement auxquelles l'Université de Lomé fait face depuis les années 1990. A l'origine, cette situation est consécutive aux difficultés socioéconomiques et politiques qu'a connu le pays à partir de la fin des années 1980 (UEMOA, 2004 ; FMI, 2010). En effet, pendant les vingt années qui ont suivi son indépendance (1960-1980), le Togo a connu une période de croissance économique remarquable. Le facteur déterminant en était le prix élevé du phosphate ainsi que du café et du cacao (Antoine & Beguy, 2005). En plus des exportations, l'Etat togolais avait également la possibilité de recourir à l'endettement extérieur pour soutenir les investissements initiés. Cette croissance économique confortable était, entre autres, favorable pour financer de façon substantielle l'université, surtout que celle-ci faisait partie des priorités. En plus de l'investissement de l'Etat togolais dans l'enseignement supérieur, le soutien des partenaires extérieurs a également été décisif. On peut ainsi relever qu'à ses débuts, l'Université du Bénin avait bénéficié d'un appui financier extérieur important de façon directe ou en termes d'appui technique ; par exemple en 1970-1971, les dépenses de fonctionnement étaient prises en charge dans une proportion de 70% par le gouvernement français et de 30% par le gouvernement togolais (Herman et al., 1972). Progressivement la part de responsabilité de l'Etat togolais en ce qui concerne

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la mise à la disposition de l'université de ressources financières est devenue plus importante, néanmoins le soutien extérieur au cours des deux premières décennies n'était pas négligeable. Cette contribution de l'Etat représente 90% selon une étude réalisée par la DAAS ( http://rc.aau.org/files/GAYIBOR2.pdf).

A partir des années 1980, l'économie du Togo connait des difficultés : le cours des produits d'exportation chute, pendant que les taux d'intérêt sur les prêts augmentent. Il faut ajouter à cela des facteurs internes tels que la mauvaise gestion des ressources et les erreurs d'investissement au cours de cette période. Ainsi la chute des cours mondiaux, la flambée des prix du pétrole et la crise du secteur financier n'ont pas été favorable pour le Togo qui trainait un fardeau de la dette qui ne cessait de s'alourdir du fait des éléphants blancs qui avaient été construits à la suite des années de prospérité2. Cette situation occasionne un affaiblissement de l'économie du pays, qui fait face à une crise. Les difficultés sur le plan économique ont été exacerbées par les contestations sociopolitiques des années 1990, ce qui a davantage fragilisé la capacité de financement des secteurs sociaux de façon générale et particulièrement de l'Université du Bénin par l'Etat.

La cause est également à chercher du côté des partenaires techniques et financiers (PTF) qui avaient commencé à émettre des réserves à l'encontre de l'efficacité de ce niveau d'enseignement, considéré comme absorbant trop de ressources.

Dans un contexte où le retard par rapport à la scolarisation primaire universelle exige des efforts de rattrapage importants et où un nombre croissant de diplômés de l'enseignement supérieur rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle, les PTF se positionnent le plus souvent contre les risques de dérapages budgétaires de l'enseignement supérieur, dont le rendement économique et social s'avère plus faible que les autres niveaux d'enseignement. (Amadou, 2011, p. 4).

Il était également question d'équité. C'est ainsi qu'au Togo, selon l'UNESCO (2006) :

Tout d'abord, l'enseignement supérieur absorbe 18% du budget alloué au secteur de l'éducation, alors que les étudiants ne représentent que 3% de la population totale bénéficiaire d'un enseignement. Certes le coût de formation d'un étudiant est toujours supérieur à celui d'un élève des enseignements primaire et secondaire, mais la répartition de l'enveloppe disponible paraît être déséquilibrée dans un pays où l'éducation est reconnue comme un objectif fondamental du programme de réduction de la pauvreté. (UNESCO, 2006, p. 7).

2 http://cvu-togo-diaspora.org/2010/07/30/banque-mondiale-selon-philip-english-%%AB-le-togo-est-riche-%E2%80%A6mais-mal-gere-%%BB/2181

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La remise en cause de la rentabilité de l'enseignement supérieur, notamment par les partenaires techniques et financiers (PTF), lui fait perdre une part de son financement au profit du primaire qui obtient désormais davantage de financement de ces partenaires et de l'Etat. A titre indicatif, de 2004 à 2010, l'enseignement primaire reçoit une part du budget de l'éducation qui passe de 42,8% à 48,4% ; alors que l'enseignement supérieur reçoit un financement qui décroit de 18,56% à 16,67% pour la même période (MEPSA, 2011). On note ainsi que depuis les années 1990, la priorité est donnée à l'enseignement primaire dans la répartition du budget du secteur de l'éducation. Cette réorientation du financement au sein du secteur de l'éducation qui s'est faite essentiellement sous la pression des PTF, répond en partie à la nécessité pour l'Etat de relever le défi de l'éducation pour tous (EPT). Cette situation est ainsi présentée dans le rapport de la conférence régionale de formation tenue à Accra, du 22 au 25 septembre 2003 sur le thème Amélioration de l'enseignement supérieur en Afrique sub-saharienne : ce qui marche ! :

A la fin des années 1980, les pouvoirs publics ont commencé à réorienter les financements de l'enseignement supérieur vers l'enseignement primaire, en partie sur insistance des bailleurs de fonds internationaux, qui soutenaient, peut-être avec raison, qu'avec des niveaux élevés d'analphabétisme en Afrique, l'argent dépensé pour l'enseignement de base contribuerait davantage à la réduction de la pauvreté. Au même moment, bon nombre de bailleurs de fonds ont réduit l'appui à l'enseignement supérieur, notamment les bourses aux étudiants qui représentaient des coûts élevés, et ont supprimé graduellement les subventions destinées aux membres du corps enseignant étranger dans les universités africaines. Par ailleurs, l'effondrement du communisme dans l'ancien bloc soviétique a mis un terme aux bourses généreuses qui permettaient à de nombreux jeunes africains d'entreprendre leurs études universitaires en Europe de l'Est, en Union soviétique et à Cuba. (Bollag, 2003, p. 4).

Le Togo devait également se conformer à cette exigence en vue de favoriser l'éducation primaire. Cela implique d'envoyer davantage de financement vers ce niveau d'éducation au détriment de l'enseignement supérieur. Contrairement aux décennies 1970 et 1980, l'enseignement supérieur semble ne plus recevoir la même attention en ce qui concerne le financement public, quand bien même l'essentiel de ses ressources continue de lui venir de l'Etat : pour l'année 2003-2004, la subvention de l'Etat à l'UL correspondait à 73,94% de son budget ; en 2009-2010 elle a atteint 93,94% (Yaou, 2015). En 2015, la subvention

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de l'Etat à l'UL était de 9.500.000.000 F CFA pour un budget de 10.720.636.000 F CFA, ce qui représentait un taux de 88,61% (Université de Lomé, 2015). On note que cette subvention de l'Etat a une fois encore chuté en 2015, toutefois elle reste prépondérante.

L'autre déterminant de l'insuffisance du financement est relatif à l'accroissement récurrent de la population estudiantine par rapport à l'évolution des ressources octroyées. En effet, l'Etat, principal pourvoyeur de fonds de l'Université de Lomé, doit faire face à un double problème : d'une part la diminution des ressources qu'il est en mesure de mobiliser pour les secteurs sociaux, dont l'éducation et d'autre part l'augmentation à peine maitrisable de la population estudiantine. De quelques centaines dans les années 1970, cette population est passée à des milliers d'étudiants de nos jours. En vingt ans, la population estudiantine de l'UB est passée de 845 en 1970-1971 à 7732 en 1989-1990 (Université du Bénin, 1990) ; puis cet effectif est passé de 8755 en 1990-1991 à 14711 en 2000-2001. En 2009-2010 on dénombrait 41342 étudiants (Université de Lomé, 2010 : 11). De 2000-2001 à 2009-2010, l'effectif des étudiants de l'UL a presque triplé. On assiste au fil des années à une massification des étudiants dans cette université, compte tenu des conditions d'accès assez flexibles et l'impossibilité pour les bacheliers issus de familles modestes de s'inscrire dans les universités privées. Pourtant au moment de sa création, les dirigeants ne s'imaginaient pas forcément qu'elle allait connaitre un tel accroissement du point de vue de l'effectif (Amadou, 2011). Cette massification contribue à accentuer les besoins en ressources financières, vu que l'UL n'arrive pas à mobiliser une part importante des ressources dont elle a besoin. On peut ainsi comprendre que non seulement le financement accordé à l'enseignement supérieur dans le budget national diminue (MEPSA, 2011), mais encore il n'est pas à la hauteur des besoins des universités, en l'occurrence l'Université de Lomé.

b- Les implications de la baisse du financement de l'UL par l'Etat

Du fait des difficultés de financement que connait l'UL, plusieurs postes de dépenses, notamment ceux de la recherche et de l'investissement ne reçoivent presque plus de

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financement. Certaines dépenses sociales, en l'occurrence la bourse aux étudiants, ont été supprimées pendant plusieurs années ; les allocations d'aide et la subvention du logement, des soins de santé, de la restauration ont été réduites ou supprimées. En ce qui concerne l'allocation de bourse aux étudiants, elle a été supprimée en 2003-2004 (tableau 3).

De 2003-2004 à 2010-2011, plus aucun étudiant de l'Université de Lomé n'y a eu accès, alors qu'elle permettait aux bénéficiaires de faire face à leurs besoins tant sur le plan académique qu'existentiel : « Les bourses et aides sociales, autrefois expression de l'Etat providence dans la plupart des pays d'Afrique, ne sont plus qu'un souvenir dans nombre de pays et constituent souvent l'objet de revendications et donc de grèves. » (Makosso, 2006, p. 77).

Tableau 3 : Effectif des étudiants togolais de l'UB boursiers de 1995-1996 à 20022003

Année

Effectif des étudiants

Effectifs des boursiers

Pourcentage des
boursiers

1995-1996

11689

4363

37,33%

1996-1997

13124

3944

30,05%

1997-1998

14322

4677

32,66%

1998-1999

15034

4666

31,04%

1999-2000

14388

4287

29,80%

2000-2001

14711

2746

18,67%

2001-2002

10068

1454

14,44%

2002-2003

14249

12

0,08%

2003-2004

13839

0

0%

Source : Annuaires statistiques de la DAAS, 1995 à 2003

D'un effectif de 4363 en 1995-1996, les étudiants qui avaient accès à la bourse à l'Université du Bénin ont augmenté jusqu'à 4677 en 1997-1998, avant de décroitre à 2746 en 2000-2001 puis à seulement 12 en 2002-2003. C'est en 1995-1996 que le taux le plus élevé de boursiers a été enregistré (37,33%). Les trois années qui ont suivi, la proportion d'étudiants boursiers est restée autour des 30% (30,05% en 1996-1997, 32,66% en 19971998, 31,04% en 1998-1999). La proportion d'étudiants bénéficiaires de la bourse a

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véritablement a chuté à partir de 2000-2001 passant de 18,67% à 0,08% en 2002-2003. L'année 2003-2004 consacre la suppression de la bourse avec un taux nul.

La fragilisation de l'économie du pays accentuée par la rupture de la coopération avec les différents partenaires extérieurs en 1993 ainsi que la dévaluation du franc CFA en 1994 ont ainsi provoqué la diminution progressive des étudiants bénéficiaires de la bourse, jusqu'à la suppression définitive de celle-ci. Cette suppression définitive est intervenue à l'occasion de la crise qu'a connue l'UB en 2000-2001, à l'issue de laquelle des mesures draconiennes, dont la suppression de la bourse, ont été prises (Tsigbe, 2014). Ce n'est qu'en 2012 que l'allocation de bourse a été réinstaurée.

En 2001, seule l'allocation d'aide d'un montant de 60.000 F CFA par an payés en trois tranches de 20.000 F CFA (soit une tranche par trimestre) a été maintenue ; cette allocation d'aide a été augmentée ensuite à 80.000 F CFA et est versée aux étudiants en quatre tranches. Depuis l'année 2012-2013, le montant de l'allocation d'aide a été relevé à 120.000 F CFA par an. Avant cette revue à la hausse du soutien financier de l'Etat aux étudiants, la situation de ces derniers sur le plan économique a été encore plus fragilisée pendant au moins une décennie. Malgré les efforts consentis depuis 2012, souvent sous la pression des mouvements de revendication, la situation socioéconomique des étudiants ne connait pas une grande amélioration. En effet, en dehors de la réduction du montant de l'allocation d'aide, celle-ci a souvent tardé à être versée aux étudiants (versement repoussé en fin de trimestre). Le plus souvent, les étudiants ne perçoivent leur allocation d'aide que plusieurs mois après la rentrée, souvent sous la menace de mouvement de revendication. Pendant au moins un trimestre après la rentrée, les étudiants sont laissés à eux-mêmes pour faire face aux difficultés financières.

La baisse du financement de l'UB a également des répercussions sur diverses autres prestations de cette université au bénéfice des étudiants. C'est en ce sens qu'on peut évoquer la réduction des capacités de logement, lorsque les villas en dehors du campus ont été laissées, parce que les dépenses de leur location étaient excessives : un déficit de

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plus de 35.000.000 F CFA était enregistré chaque année malgré la subvention de l'Etat pour la location de ces villas (Amegah, 1997, p. 41). Avec la rupture des contrats de bail, seules les six cités construites sur le campus de l'UL et une villa à l'extérieur du campus (le foyer des jeunes filles) sont mises à la disposition des étudiants. Mais depuis 2015, la cité C est fermée à cause de travaux de réparation. Quant à la cité B, elle est louée à partir de 2014 à 12.500 F CFA par mois, contre 5000 F CFA (et même 4500) les années antérieures (tableau 4). En 2018, les travaux de rénovation se sont étendus à la cité A dont les frais de logement sont désormais fixés à 5000 F CFA (cf. note de service no046/UL/P/SG/2018 fixant les modalités d'accès aux logements des cités de l'Université de Lomé).

De 2800 places, les infrastructures de logement n'offrent plus que 1125 places depuis 1999 pour une population d'étudiants qui ne cesse de croitre (COUL, 2013, p. 60). L'institution universitaire étant dépassée par les charges locatives des villas, a préféré se désengager, sans pouvoir pour autant construire de nouvelles résidences afin d'augmenter l'offre de logement. L'une des implications de la baisse de l'offre de logement est que davantage d'étudiants doivent se trouver leur logement en ville à des frais plus élevés. Généralement, le loyer en ville est plus élevé, et ces dernières années, la tendance est à une hausse récurrente. Les chambres à proximité de l'UL, souvent recherchées par les étudiants reviennent plus chères (souvent la pièce n'est pas à moins de 7000 F CFA par mois contre 2000 F CFA par mois pour une chambre double à la cité universitaire par exemple). L'offre de chambre à proximité de l'UL étant par contre faible, une proportion importante d'étudiants est contrainte de résider chez des parents ou louer une chambre à plusieurs kilomètres : au moins 50% des étudiants vivent dans un quartier situé à au moins 8 km de l'UL (Adelayi, 2012, p. 51). Les étudiants qui se retrouvent loin de l'université, doivent faire face à des dépenses plus élevées de transport pour se rendre au campus, d'où les difficultés qu'ils rencontrent souvent pour se rendre au cours ou rentrer après les cours.

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Là où je suis, c'est un peu éloigné du campus. C'est au niveau de Kossigan, derrière le camp GP (Agoè) ; c'est là-bas que je quitte pour venir. Je me déplace à vélo. Arrivé, je sue beaucoup. Pour commencer le cours, il faut d'abord se reposer. Même si le cours a démarré il faut se reposer d'abord avant de commencer par suivre le cours. (Etudiant en FDS, Semestre 5, mai 2017).

Les difficultés de logement (et aussi de déplacement) des étudiants sont dès lors perceptibles au regard de leur vécu quotidien. Le tableau 4 nous donne un aperçu de l'évolution du loyer dans les résidences universitaires jusqu'en 2018.

Tableau 4 : Évolution des loyers dans les cités universitaires

Période

Coût du loyer (en F CFA)

Nombre de mois de caution

Chambre individuelle

Chambre double

Avant 2001

2000

2000

Pas de caution

2001-2002

2500

2500

Pas de caution

2002-2004

5000

2500

3 mois

2004-2011

5000

2500

6 mois

2011-2014

4500

2000

6 mois

2014 à 2017

12.500 (Cité B seule)

2000

6 mois

2018

12.500 (Cité B seule)

2000 (cités non
rénovées)

6 mois

5000 (cité rénovée)3

Source : Données collectées auprès de la division du logement du COUL, 2018.

A partir de l'année académique 2001-2002, le coût du loyer dans les cités universitaires a connu une augmentation. De 2000 F CFA au cours des années antérieures, il est passé à 2500 F CFA, soit une augmentation de 25%. Jusqu'en 2001-2002, les frais du loyer en chambre individuelle et en chambre double étaient les mêmes. A partir de 2002-2003, le loyer a été fixé selon le type de logement : la chambre individuelle était à 5000 F CFA alors que la chambre double était à 2500 F CFA. C'est également à partir de 2002 que le versement d'une caution est institué. De 2002 à 2004, cette caution était de 3 mois ; elle a été ensuite portée à 6 mois. L'augmentation du loyer des cités universitaires ayant souvent

3 Note de service no046/UL/P/SG/2018 fixant les modalités d'accès aux logements des cités de l'Université de Lomé.

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fait l'objet de mécontentement des étudiants, ceux-ci ont obtenu une réduction en 2011. C'est ainsi que de 2011 à 2014 le loyer de la chambre individuelle est ramené à 4500 F CFA et celui de la chambre double à 2000 F CFA.

Tout comme les infrastructures de logement, les véhicules mis en service pour le transport des étudiants répondent moins aux besoins, au fur et à mesure que l'effectif des étudiants augmente. Déjà en 1973-1974, il était créé un parc automobile disposant de trois (03) bus de trente (30) places chacun, pour transporter les étudiants logés dans les villas, de leur lieu de résidence au campus et de les ramener après les cours. Au total ces bus avaient un effectif de 1545 étudiants à transporter (Adelayi, 2012, p. 32). Dans les années 1990, huit (8) bus dont le nombre de places était de 60 ou 80 assuraient le transport des étudiants. A cette époque en moyenne chaque bus avait un effectif de 1700 étudiants à transporter. Au fil des années et avec la rupture des contrats de bail des villas, le transport universitaire est offert aux étudiants qui vivent chez eux dans des quartiers qui ne sont pas à proximité du campus. Ceci s'est accompagné de l'accroissement de l'effectif d'étudiants à transporter, d'où une surexploitation du parc automobile. Dans de telles conditions, les véhicules sont progressivement tombés en panne et ne peuvent plus être utilisés. En quantité insuffisante, ils sont difficilement renouvelés et gardés en bon état. Avec l'augmentation de la population estudiantine, l'offre de transport des étudiants par l'UL a régressé. Au début des années 2000, le transport universitaire a même été suspendu du fait du mauvais état des bus. En 2012, faisant suite à l'accord du 7 juillet 2011 entre les autorités gouvernementales, universitaires et les étudiants, le gouvernement a doté l'UL de dix (10) nouveaux bus. Toutefois le problème de transport universitaire n'est pas définitivement résolu, parce que le nombre de bus n'a pas évolué proportionnellement à celui des étudiants qui sollicitent ce service. En plus de cela, le tarif du transport universitaire a été relevé de 10 F CFA à 150 F CFA en 2001-2002 (Viagbo, 2007) ; il a ensuite été ramené à 100 F CFA l'année suivante. En 2016, le transport universitaire a été concédé à la Société de Transport de Lomé (SOTRAL) dont les tarifs sont fixés à 150 F CFA (Dizewe, 2017). Sept (07) lignes sont retenues par cette société pour assurer le

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transport des étudiants : Adétikopé-UL ; Agoè Assiyéyé-UL ; Atigangomé-UL ; Ségbé-UL ; Adjololo-UL ; Adakpamé-UL ; Akodessewa-Bè-UL. Les étudiants qui ne se trouvent pas à proximité des points de départ doivent y arriver parfois en parcourant des distances relativement longues à pied ou par taxi-moto. Il y a néanmoins plusieurs autres quartiers qui ne sont pas desservis, ce qui n'arrange pas un grand nombre d'étudiants vivant dans ces zones : Togo 2000, Atiégou, Sagboville, Kpogan et Kégué (Dizewe Kossi, 2017).

La conséquence de l'insuffisance des bus mis à la disposition des étudiants est que la majorité de ceux-ci doivent se rabattre sur les systèmes de transport privé (taxi, taxi-moto) pour se rendre au campus, mais à des tarifs plus élevés par rapport à celui du transport universitaire. Ces tarifs n'ont pas cessé d'augmenter avec la flambée du prix des produits pétroliers. A titre indicatif, avec le prix de l'essence qui est passé de 245 F CFA au début des années 1990 à plus de 500 F CFA en 2019, le tarif du transport pour les distances standard comme des banlieues au grand marché de Lomé qui était de 125 F CFA au début des années 1990 est passé à 300 F CFA voire plus aujourd'hui (Lawson Body, 2014). Les étudiants qui vivent pour la grande majorité hors du campus et souvent dans les quartiers périphériques de Lomé doivent payer ces frais de transport plus élevés lorsqu'ils n'ont pas accès au transport universitaire. Encore faut-il qu'ils aient les moyens de prendre les transports privés. Certes, il y a des étudiants qui se procurent leur propre moyen de déplacement, mais ceux qui doivent prendre un taxi ou un taxi moto sont plus nombreux. Parmi eux, il y en a qui sont obligés de parcourir plusieurs kilomètres à pied pour se rendre au campus ou pour rentrer.

Les autres implications de la baisse du financement de l'UL sont ressenties en ce qui concerne la subvention accordée aux oeuvres universitaires : la restauration, l'assistance sociale et les soins médicaux. De 2004 jusqu'en 2017 (après avoir suspendu ses prestations en 2002) le restaurant universitaire a ramené le nombre de repas journalier à un seul et à un tarif qui est passé de 500 F CFA à 350 F CFA (Viagbo, 2006). Pendant cette période, seulement le déjeuner (composé de : entrée, plat principal et dessert) était

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servi. Le prix du déjeuner complet s'élevait à 350 F CFA. Selon leur moyen, les étudiants prenaient le déjeuner complet ou seulement le plat principal (200 F CFA). Le nombre de plats servis par jour par le restaurant universitaire a par ailleurs énormément chuté et la qualité des repas est souvent remise en cause par les étudiants. Depuis la rentrée universitaire 2017-2018, les prestations du restaurant universitaire ont été cédées à un opérateur privé. Le résultat de ce choix des autorités universitaires est que le tarif des repas est à nouveau passé à 500 F CFA (quoiqu'il s'agisse d'un tarif subventionné) ; le nombre de repas journaliers est quant à lui passé à deux (déjeuner et diner).

L'autre alternative mise en place, surtout en faveur de la grande masse des étudiants qui n'ont pas les moyens d'aller manger au restaurant universitaire est de permettre à des restaurateurs privés de s'installer sur le campus et de servir des repas à des tarifs relativement moins élevés et surtout assez flexibles par rapport au moyen de chacun. Selon les moyens de subsistance dont ils disposent, les étudiants se tournent vers le restaurant universitaire ou vers les restaurateurs privés.

Mais que ce soit dans un cas comme dans l'autre, les étudiants dépensent un peu plus cher pour manger au campus, qu'il y a trente ou quarante ans. Ceux qui n'ont pas les moyens de prendre des repas sur le campus sont contraints de rester sans manger durant tout le temps qu'ils y passent, et parfois c'est toute la journée.

Pour le manger, puisque les cours à l'université, souvent quand tu arrives et que tu as seulement le cours de 7 heures jusqu'à 13 heures, à 13 heures tu pars à la maison s'il y a quelque chose à manger tu manges et dans le cas contraire si tu as quelque chose dans la poche tu vas à l'Espace4 pour manger. Ce n'est pas tous les jours qu'on mange au campus. Si tu n'as rien, tu es obligé d'attendre jusqu'à 13 heures et partir. Le matin si tu te lèves très tôt, s'il y a une nourriture qui est restée la veille tu manges ça, avant de prendre la route. (Etudiant en FASEG, Semestre 3, mai 2017).

Il faut ainsi noter que sur le plan de la restauration, la situation des étudiants de l'UL n'a pas connu une importante amélioration.

4 Espace Restauration (il s'agit du lieu de restauration où servent les restaurateurs privés. Il y en a deux sur le campus : un au campus sud et un autre au campus nord).

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En ce qui concerne l'assistance sociale et les soins médicaux, plusieurs avantages offerts aux étudiants dans les années antérieures ont été supprimés. On peut relever par exemple que les étudiants nécessiteux ne bénéficient plus de lits sociaux ; les tickets de restauration et de bus ne sont plus offerts à ceux qui n'ont pas les moyens de s'en procurer, etc. L'assistance sociale a par ailleurs été réduite à des prestations de moindre envergure et de moins en moins d'étudiants en bénéficient malgré la précarité à laquelle ils font face.

Pour les soins médicaux, seule la consultation est restée gratuite. Les étudiants sont désormais tenus de payer les ordonnances qui leur sont prescrites. Le service médical (Division Médico-psycho-sociale) ne dispose plus des mêmes moyens qu'il avait par le passé. Même le personnel soignant a été réduit. De 4 médecins, 2 assistants médicaux et 6 infirmiers en 1990 (Adjiakou, 2011) pour un effectif de 8755 étudiants inscrits au cours de l'année académique 1990-1991, le personnel soignant de ce service est passé à 1 médecin, 2 assistants médicaux, 2 infirmiers et 3 aides-infirmières de nos jours pour un effectif de plus en plus croissant d'étudiants (49348 étudiants en 2016-2017 : DAAS, 2017). La capacité de prestation de ce service a été fortement réduite alors que l'effectif des étudiants ne cesse d'augmenter. Plusieurs prestations ne sont plus offertes, ce qui contraint les étudiants à opter pour l'automédication ou à trainer des maladies sur de longues périodes avec des conséquences plus graves.

Malgré l'existence d'une mutuelle destinée à apporter aux étudiants un soutien financier en cas de maladie ou d'accident, celle-ci fonctionne sous des conditions plus ou moins restrictives qui font que peu d'étudiants peuvent prétendre en bénéficier. En effet, dans le règlement intérieur de ladite mutuelle, l'étudiant ne peut être aidé à se soigner qu'en cas de maladie, d'accident ou de sinistre survenu du fait de l'exercice d'une activité académique. En matière de soins de santé, les étudiants n'ont pas les mêmes facilités pour se soigner ; ils doivent payer des frais de traitement parfois plus élevés lorsqu'ils tombent malades.

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On peut néanmoins relever que depuis ces deux dernières années des initiatives sont prises pour améliorer les prestations sociales en faveur des étudiants. Le projet travail étudiant en est une illustration.

Au regard de la réduction des diverses prestations des oeuvres universitaires, une frange importante de la population estudiantine de l'UL effectue les études dans des conditions de vie difficiles, souvent en termes d'alimentation décente, de transport, de soin de santé, de logement, etc. (tableau 5).

Tableau 5 : Répartition des étudiants selon leur appréciation de leurs conditions de vie

Appréciation des conditions de vie par l'étudiant

Effectifs

Pourcentage

Bonnes

13

4,1%

Acceptables

178

55,6%

Pénibles

107

33,4%

Très pénibles

22

6,9%

Total

320

100%

Source : Mokli, données de pré enquête, décembre 2016

Concernant leurs conditions de vie, il ressort des données exploratoires que nous avons collectées que seulement une infime proportion d'étudiants (4,1%) estiment que leur parcours universitaire se déroule dans de bonnes conditions de vie. Pour la majorité d'entre eux (55,6%) leurs conditions de vie sont acceptables. Ceux qui ont déclaré avoir des conditions de vie pénibles ou très pénibles représentent respectivement 33,4% et 6,9%.

Une autre difficulté concerne les frais d'inscription qui sont passées de 4250 F CFA à 50.000 F CFA en 2001-2002 pour les étudiants togolais des premier et deuxième cycles. Cette décision qui est intervenue à l'issue de la crise qu'a connu l'UB en 2000-2001, s'inscrit entre autres dans la logique d'augmentation des ressources financières de l'université à cause des difficultés de financement. Après deux années successives de moratoire durant lesquelles les étudiants ont payé 25.000 F CFA, ils se sont inscrits à

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50.000 F CFA en 2003-2004. A cause des difficultés éprouvées pour payer ces frais d'inscription, des mouvements de mécontentement ont été organisés avec une telle intensité que les autorités ont finalement décidé de ramener ces frais d'inscription à 25.000 F CFA en 2005-2006, suite à des négociations avec les étudiants.

Ces frais d'inscription ont continué à être remis en cause par les étudiants, ce qui conduit à une légère baisse pour le grade licence avec l'entrée en vigueur du système LMD. Ainsi depuis 2010-2011, les étudiants paient leur inscription par rapport au nombre de crédits que comptent les UE qu'ils choisissent de suivre au cours de l'année. Ils paient dès lors au niveau licence des frais d'inscription pédagogique qui s'élèvent à 250 F CFA par crédit en plus de 5000 F CFA comme droit d'inscription, des frais d'inscription pédagogique de 1000 F CFA et une mutuelle de 1000 F CFA. Un étudiant de semestres 1 et 2 peut payer autour de 21.000 F CFA. Pour un grand nombre d'étudiants, ces frais d'inscription ne sont pas faciles à supporter.

Concernant la formation proprement dite, avec le système LMD, les étudiants ont davantage de responsabilités. Ils sont appelés à participer plus activement à ladite formation à travers les recherches personnelles qu'ils doivent faire pour compléter les connaissances que leur transmettent les enseignants. Un étudiant doit, en effet, accumuler par crédit 20 heures de charge de travail, soit 12 heures d'enseignement et 8 heures de travail personnel (Université de Lomé, 2014, p. 7). Pour obtenir la licence, il doit alors effectuer 3600 heures de travail, soit 2160 heures et 1440 heures de travail personnel.

Pour le travail personnel, il revient aux étudiants de s'acheter les ouvrages nécessaires à leur documentation ou du moins de s'inscrire dans les bibliothèques et centres de recherche disposant de la documentation dont ils ont besoin. Cette exigence faite à l'étudiant d'effectuer des travaux personnels pour sa formation, représente ainsi des frais (achat d'ouvrages, frais de connexion à internet, abonnement dans les bibliothèques, etc.). Mais le plus souvent, compte tenu des difficultés financières, bon nombre d'étudiants n'arrivent pas à assurer les dépenses liées aux recherches personnelles. Ainsi, à défaut de

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pouvoir s'acheter des ouvrages liés à leur domaine d'études dans les librairies ou de s'inscrire dans les bibliothèques, les étudiants se contentent généralement des photocopies des cours que les enseignants donnent, et qui rassemblent parfois des parties d'ouvrages de certains auteurs importants.

Avec le système LMD, les enseignants mettent à la disposition des étudiants ces polycopies, même s'il y a encore certains qui ne le font pas (Dekor et al., 2011). L'acquisition de ces polycopies vient également accroitre les dépenses des étudiants. Néanmoins, l'accès à la connexion internet est facilité aux étudiants par l'installation du wifi (chaque étudiant dispose de 100 heures gratuites par mois) sur le campus depuis 2013 (inauguration officielle en 2018), ce qui leur permet de faire des recherches pendant qu'ils sont au campus.

Sur presque tous les aspects qui concernent les dépenses liées à leurs études et surtout à leur existence, les étudiants sont, depuis la fin des années 1990, confrontés à des charges plus élevées. D'après les résultats d'une étude de la Banque Mondiale, en 1998 les dépenses mensuelles de la vie courante d'un étudiant inscrit à l'UB prenant en compte la restauration, le logement et l'équipement, l'habillement et la toilette s'élèvent à 57.765 F CFA, alors que celles d'une étudiante se retrouvent à 65.474 F CFA. Ce niveau de dépense qui ne prend pas en compte les charges liées aux études est en effet un indicateur de l'importance des ressources financières que l'étudiant doit mettre à contribution durant son parcours à l'Université de Lomé. Ces montants mensuels nécessaires aux étudiants sont souvent au-delà de leurs capacités financières à faire des dépenses de plus en plus élevées étant donné que leur situation financière est devenue davantage précaire (Adelayi, 2012, p. 52).

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1.2.2- L'influence du contexte socioéconomique sur la précarisation de la situation des étudiants

La population togolaise est confrontée depuis les années 1990 à une hausse récurrente du niveau de vie. Mais au même moment, les revenus n'évoluent pas de façon proportionnelle. Cette situation entraine dès lors une cherté de la vie et accentue la dégradation des conditions de vie des populations (Lawson Body, 2014). Les étudiants de l'UL sont également confrontés à cette réalité dans un contexte où ils subissent une diminution du soutien financier qu'ils reçoivent. En effet, en dehors de la baisse du soutien de l'Etat aux étudiants, le coût de la vie dans le pays et particulièrement dans la ville de Lomé est de plus en plus élevé. La cherté de la vie rejaillit aussi sur le pouvoir économique des étudiants qui doivent par exemple prendre le taxi ou le taxi-moto à un tarif qui ne cesse de croître selon les fluctuations du prix du carburant. Les différentes augmentations du prix du carburant ont véritablement impacté les tarifs du transport urbain et interurbain. Outre la hausse des tarifs du transport, les produits de première nécessité (maïs, sorgho, riz, haricot, huile, pain, sucre, lait, pâtes alimentaires, viande, poulet, poisson, ciment, etc.) connaissent de façon concomitante une augmentation récurrente. La même répercussion s'observe sur les loyers qui connaissent aussi une augmentation parfois déconcertante (Lawson Body, 2014). Cette situation contribue à affecter davantage le niveau de vie des étudiants.

Lorsqu'on s'intéresse au milieu social d'origine des étudiants, on se rend compte que la majorité d'entre eux ne vient pas de familles aisées, dans un pays où l'indice de développement humain (IDH) se retrouve à 0,49 avec un revenu par habitant par an de 350 dollars (Banque Mondiale, 2009) et un taux de pauvreté de 58,7% en 2011 (DGSCN, 2011).

Face aux conditions d'études et de vie difficiles dans lesquelles les étudiants se retrouvent, il revient à leurs parents d'assumer davantage la prise en charge de leurs frais d'études en compensation du soutien financier (direct ou indirect) qu'ils ne peuvent plus obtenir de l'Etat. Mais il se révèle que la majorité des étudiants se retrouvent laissés à

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eux-mêmes. Les parents ne parviennent pas à régler le problème né de l'affaiblissement du soutien de l'Etat, parce qu'ils apportent à leurs enfants des ressources souvent insuffisantes. Ainsi, un grand nombre d'étudiants s'inscrivent et poursuivent leurs études sans le soutien financier de leurs parents, du fait de la précarité dans laquelle ceux-ci se trouvent. Cette situation se justifie en partie par la pauvreté à laquelle les populations sont exposées : dans les différentes régions du Togo en dehors de Lomé, le taux de pauvreté est assez élevé et a connu une progression entre 2006 et 2011 (diagramme 1), atteignant même 80% dans la région centrale et 91% dans la région des savanes (PNUD, 2012).

Diagramme 1 : Incidence de la pauvreté par région, 2006 et 2011 (données en %)

Source : PNUD, (2012, p. 13)

En effet, nous pouvons avancer par déduction qu'une proportion importante d'entre eux, vient de familles à revenu modeste, en nous fondant aussi sur le fait que dès ses débuts, l'Université du Bénin a eu des effectifs d'étudiants constitués en grande partie, par des enfants issus de milieux défavorisés, et en particulier des milieux ruraux (Commission Nationale Togolaise pour l'UNESCO, 2007, p. 26). Le tableau 6 nous permet d'avoir un aperçu de la profession exercée par les pères des étudiants.

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Tableau 6 : Répartition des étudiants selon la profession du père

Profession du père

Effectifs

Pourcentage

Aucune

34

10,6%

Retraité

18

5,6%

Agriculteur

50

15,6%

Artisan (couturier, menuisier, coiffeur, mécanicien, etc.)

60

18,8%

Commerçant

18

5,6%

Instituteur/enseignant du secondaire

40

12,5%

Religieux/Pasteur

5

1,6%

Employé/fonctionnaire

52

16,3%

Policier/militaire

16

5%

Médecin/ingénieur/architecte

18

5,6%

Technicien supérieur

9

2,8%

Total

320

100%

Source : Mokli, données d'enquête exploratoire, décembre 2016

Les données d'enquête exploratoire collectées auprès des étudiants montrent que la grande majorité des étudiants ne sont pas issus de père ayant une profession à revenu élevé. Ils ont pour la plupart un père, artisan (18,8%), agriculteur (15,6%), employé ou fonctionnaire (16,3%), enseignant (12,5%). Très peu d'étudiants ont un père ayant une profession à revenu élevé : médecin, ingénieur ou architecte (5,6%).

Par ailleurs en ce qui concerne les ressources financières dont ils disposent pour subvenir à leurs besoins, la plus grande partie des étudiants de notre enquête exploratoire ont déclaré que ces ressources leur permettent difficilement d'y arriver (tableau 7).

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Tableau 7 : Répartition des étudiants selon que les ressources financières leur permettent de satisfaire leurs besoins

Les ressources financières de l'étudiant lui permettent de satisfaire ses besoins

Effectifs

Pourcentage

Facilement

24

7,5%

Passablement

147

45,9%

Difficilement

149

46,6%

Total

320

100%

Source : Mokli, données d'enquête exploratoire, décembre 2016

Pour 46,6% des étudiants, c'est difficilement que les ressources dont ils disposent leur permettent de satisfaire leurs besoins. Une faible proportion d'entre eux y arrive facilement (7,5%).

Même si une certaine frange de bacheliers ne peut pas accéder à l'enseignement supérieur à cause du manque de moyens financiers, la catégorie socioéconomique des étudiants qui arrivent à l'UL n'a pas énormément évolué, vu qu'il s'agit généralement de ceux qui ne peuvent pas s'inscrire dans les établissements privés d'enseignement supérieur dont les frais d'inscription sont souvent élevés : l'inscription dans ces établissements coûte en moyenne quinze fois plus cher que dans le public (Commission Nationale Togolaise pour l'UNESCO, 2007). Par ailleurs, il ne faut pas non plus perdre de vue que la majorité des étudiants vient de l'intérieur du pays. Dans la mesure où le niveau de pauvreté est plus élevé dans les régions de l'intérieur, il s'en dégage que les étudiants qui viennent de ces régions ne viennent pas souvent de milieux socioéconomiques aisés. Ils sont généralement de parents agriculteurs, artisans, revendeurs, instituteurs, chauffeurs, etc., comme on a pu le voir avec les données exploratoires. Certains ont perdu au moins un parent et il y en a beaucoup qui sont issus d'une famille polygame, etc. (Mokli, 2010). Les données de l'enquête exploratoire nous livrent à travers le tableau 8 un aperçu de la proportion des étudiants selon qu'ils sont nés dans une famille monogame ou polygame.

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Tableau 8 : Répartition des étudiants selon le type de famille d'appartenance

Type de famille

Effectifs

Pourcentage

Monogame

193

60,3%

Polygame

127

39,7%

Total

320

100%

Source : Mokli, données d'enquête exploratoire, décembre 2016

Il ressort de notre enquête exploratoire que la majorité des étudiants sont issus d'une famille monogame (soit 60,3%), alors que 39,7% d'entre eux viennent de famille polygame. Quand bien même la majorité des étudiants est issue d'une famille monogame, il n'en demeure pas moins qu'une proportion non négligeable (un peu plus du 1/3) vient d'une famille polygame.

Au vu de la situation socioéconomique dans laquelle se retrouvent les étudiants de l'UL, ceux-ci poursuivent désormais leurs études dans des conditions précaires. Avec la volonté et le désir de faire des études universitaires, ils se retrouvent presqu'abandonnés à leur sort. Le soutien qu'ils reçoivent des parents ou de l'Etat est insuffisant pour leur permettre d'étudier dans de bonnes conditions. Il est donc nécessaire pour eux de trouver les moyens d'améliorer leur situation socioéconomique.

1.2.3- Les mesures institutionnelles mises en place pour assister les étudiants nécessiteux

A sa création, l'UB a été dotée d'un service social qui fait partie des divisions du CNOU actuellement dénommé Centre des OEuvres Universitaires de Lomé (COUL). Ce service apporte dans la mesure de ses moyens, son aide aux étudiants qui rencontrent des difficultés de nature à troubler le déroulement normal de leurs études (Université du Bénin, 1990, p. 24). Mais, du fait de la diminution du budget destiné aux prestations du service social, l'aide proposée aux étudiants a été réorientée. Pour rappel, jusque dans les années 1990, par l'intermédiaire du service social, les étudiants boursiers régulièrement inscrits pouvaient obtenir du CNOU des avances sur bourses sous forme de prêts. Quant

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aux étudiants qui n'étaient ni boursiers, ni bénéficiaires de l'allocation d'aide, ils pouvaient obtenir en s'adressant au service social des dérogations pour le restaurant universitaire, des secours, des « lits sociaux », etc. Une assistance directe était apportée aux étudiants qui étaient en difficulté et qui formulaient des demandes à l'endroit du service social. Ainsi, selon le besoin dans lequel ils se trouvaient, ces étudiants demandeurs de l'assistance du service social recevaient gratuitement des tickets de restaurant, de bus, des rations alimentaires, etc. (Université du Bénin, 1990).

Mais au début des années 2000, cette forme d'assistance a été supprimée au profit d'un soutien aux étudiants en situation socioéconomique précaire, qui n'a pas la même ampleur en termes d'effectif d'étudiants bénéficiaires. La plupart des prestations du service social notamment l'assistance directe aux étudiants ont été abandonnées. Sous l'impulsion des autorités universitaires, une autre orientation a été donnée à l'assistance sociale aux étudiants à partir de 2003. Ainsi, le service social (qui est devenu division psychosociale en 2011) offre désormais ses services aux étudiants sur trois volets jusqu'en 2017 : le Projet d'Insertion des Etudiants Nécessiteux de l'Université de Lomé (PIEN-UL), la prise en charge psychosociale et médicale et la prise en charge psychosociale des étudiants consommateurs de drogues et des étudiants séropositifs. Chacun de ces volets en ce qui le concerne apporte un soutien aux étudiants qui sont confrontés à des difficultés sur le plan socioéconomique, psychologique et médical : « la division psychosociale a pour mission d'assister les étudiants nécessiteux ou malades. » (COUL, 2013, p. 7).

La division psychosociale du COUL intervient dès lors dans le renforcement du pouvoir économique des étudiants nécessiteux à travers le PIEN-UL qui est un projet créé en 2003 (COUL/Service Social, rapport annuel 2003-2004). Ce projet offrait aux étudiants qui y étaient inscrits de petits travaux pour lesquels ils étaient payés. Les travaux que les étudiants exécutaient dans le cadre du PIEN-UL sont : la collecte des droits d'entrée dans les toilettes des amphithéâtres et des Espaces-Restauration, le ramassage des sachets plastiques, le balayage des amphis et des salles de cours, la vidange des poubelles

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installées sur le campus et l'enlèvement des décharges anarchiques. Au cours des premières années de ce projet, les étudiants inscrits au PIEN-UL étaient sollicités pour exécuter les travaux de plomberie, d'extension des réseaux électrique et téléphonique et le rangement à la bibliothèque universitaire. Au démarrage de ce projet, 94 étudiants étaient recrutés et ont contribué à l'exécution des activités. Chaque année, de nouveaux étudiants étaient recrutés pour bénéficier de ce projet à la suite d'une sélection. Les critères de sélection de ces étudiants reposaient essentiellement sur leur situation socioéconomique (parents décédés ou pauvres : agriculteurs, revendeurs, instituteurs, artisans, chauffeurs, etc.).

Ce projet dont l'objectif était d'aider les étudiants en difficulté sur le plan socioéconomique ne recevait néanmoins qu'un faible effectif d'étudiants. En plus de cela, à partir de l'année 2009-2010, cet effectif a connu une diminution à cause de la réduction du budget prévu pour payer les étudiants. Le tableau 9 montre le nombre d'étudiants recrutés depuis la mise en place du projet jusqu'en 2012.

Tableau 9 : Effectif des étudiants recrutés par le PIEN-UL de 2003-2004 à 2011-2012

Année

Nombre d'étudiants recrutés par le PIENUL

Filles

Garçons

Total

2003-2004

-

-

73

2004-2005

-

-

191

2005-2006

-

-

231

2006-2007

-

-

190

2007-2008

-

-

250

2008-2009

-

-

259

2009-2010

21

69

90

2010-2011

31

67

98

2011-2012

26

68

94

Source : Rapport de la division psychosociale du COUL, 2012

De 2003-2004 à 2008-2009, l'effectif des étudiants bénéficiaires du PIEN-UL a connu une augmentation, passant de 73 à 259. En six années académiques, les bénéficiaires de

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ce projet ont presque quadruplé. A partir de 2009-2010, cet effectif a considérablement chuté, se retrouvant en deçà de 100 étudiants. Il faut noter qu'au fil des années certaines activités du projet ont été supprimées, justifiant aussi la diminution des effectifs. En outre, l'enthousiasme et le soutien dont ce projet a bénéficié à ses débuts se sont quelque peu émoussés.

En 2018, ce projet a été revu, et est exécuté sous l'appellation Projet Emploi Etudiants (PEE). Il s'agit en effet avec cette nouvelle formule d'explorer toutes les opportunités d'emploi pouvant être offertes aux étudiants en situation de vulnérabilité. La nouveauté avec ce projet est de diversifier les activités offertes aux étudiants sur le campus et de leur permettre d'avoir du travail au sein de structures partenaires de l'Université de Lomé. Ces activités5 qui sont offertes aux étudiants préalablement soumis à une sélection sur la base de certains critères6, sont exécutées durant leur temps libre contre une rémunération destinée à leur permettre de subvenir à leurs besoins aussi bien académiques qu'existentiels. À partir d'une programmation pour les différentes activités sur la base de leurs heures libres, les étudiants bénéficiaires du projet exécutent les différentes activités dans le respect de leurs obligations académiques.

La particularité de ce projet est qu'il tient compte de la nécessité pour les étudiants de participer aux activités académiques. De ce fait les travaux qu'ils exécutent ne sont pas de nature à constituer une entrave à leurs études. Les différentes activités sont alors programmées à des heures ou des jours où les étudiants n'ont pas cours. Le PEE va plus loin que le PIEN-UL en mettant un accent sur l'excellence. En effet, les étudiants bénéficiaires sont également tenus de fournir de bons résultats académiques pour pouvoir continuer à jouir du projet.

5 Le balayage des salles de cours et amphis ; la brigade verte ; la surveillance des toilettes ; le pointage des étudiants au restaurant universitaire ; le service au restaurant (plonge, service de plats, etc.).

6 Etre de nationalité togolaise ; être titulaire du Bac 2 ; être inscrit à dans un établissement de l'UL ; être orphelin de père et/ou de mère ou être issu de parents démunis ; pour les anciens étudiants qui sont à leur première demande, avoir obtenu 50 et 60 crédits au cours de l'année académique précédente ; pour les anciens étudiants bénéficiaires et candidats au renouvellement, avoir obtenu 60 crédits au cours de l'année académique précédente.

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Mais en 2020, le PEE a été révisé pour donner naissance à un autre projet dénommé Projet Bénévolat Etudiant (PBE). Pour l'essentiel les activités du PEE n'ont pas été modifiées, mais leur programmation et leur exécution sont entièrement confiées à des associations d'étudiants (GEVES, Brigade Verte, etc.). Le COUL appuyé par la DGDU n'intervient que pour le contrôle. Le grand changement avec le PBE est que les étudiants ne sont plus payés, des difficultés de financement étant évoquées.

L'autre domaine d'action de la division psychosociale est la prise en charge psychosociale et médicale. Il s'agit d'assister moralement ou financièrement les étudiants malades ou accidentés dans le cadre d'activités académiques, qui n'ont pas les moyens de se soigner. Dans ce cas des fonds pouvant couvrir une partie des frais des soins nécessaires sont accordés aux étudiants à condition qu'ils fassent une demande. A la suite de la restructuration du COUL intervenue en 2018, cette section a été transférée à la Division Médico-Psycho- Sociale (DMPS).

En dehors des actions menées par l'UL à travers le COUL, d'autres organisations ou associations viennent en aide à ces étudiants. Il y a entre autres le Centre Catholique Universitaire (CCU), l'Association des Etudiants Musulmans du Togo (AEMT), les associations d'étudiants venant de diverses localités du Togo qui accompagnent dans la mesure de leurs possibilités les étudiants en difficulté. Au CCU, c'est l'Organisation de la Charité pour un Développement Intégral (OCDI), qui intervient pour soutenir les étudiants nécessiteux ; on estime d'ailleurs que ces étudiants sont majoritaires et que leurs difficultés se manifestent sous forme de manque de moyens pour se loger, se nourrir et payer les inscriptions. Cette organisation intervient alors pour leur apporter un soutien à la fois moral, matériel et financier. Sur le plan financier, elle aide les étudiants à payer les frais d'inscription, le loyer ainsi que l'achat de documents pour étudier.

Toutefois, toutes ces mesures semblent insuffisantes pour offrir au plus grand nombre d'étudiants les conditions devant leur permettre d'avoir la sérénité nécessaire sur le plan socioéconomique. Ils n'hésitent donc pas à développer des stratégies pouvant leur

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permettre de faire face à la précarité. Deux options peuvent à cet effet être identifiées : les mouvements de revendication pour l'amélioration de la situation socioéconomique des étudiants et l'exercice d'une activité rémunératrice.

1.3- Les stratégies des étudiants pour faire face à leurs conditions de vie difficiles

Durant au moins deux décennies (1990 et 2000), la situation des étudiants de l'UL sur le plan socioéconomique s'est fragilisée. Pendant que le soutien de l'Etat à leur profit s'affaiblit, le coût de la vie auquel ils doivent faire face pour effectuer leurs études augmente. Alors que l'amenuisement de l'aide de l'Etat devrait être compensé par d'autres alternatives, notamment une plus grande participation des parents à la prise en charge de la scolarité des étudiants, ceux-ci semblent être laissés à eux-mêmes. Ils sont ainsi confrontés à des conditions de vie difficiles, ce qui les pousse à chercher des solutions pour pouvoir aller au bout de leurs études.

1.3.1- Les mouvements revendicatifs pour l'amélioration des conditions de vie des étudiants

Afin de faire face à leurs conditions d'existence difficiles, les étudiants font divers choix destinés à leur permettre d'avoir davantage de ressources financières ou à leur alléger les difficultés financières. Il y a entre autres des solutions que nous pouvons identifier comme étant « collectives » et des solutions « individuelles ». Nous entendons par solutions « collectives » les mouvements de revendication à l'égard des autorités universitaires et étatiques en vue d'amener celles-ci à améliorer leurs conditions de vie. Dans ce registre, les étudiants de l'Université de Lomé se sont illustrés de façon notoire depuis 1990, année où les premiers mouvements de contestation des étudiants ont été enregistrés (Tsigbe, 2014). Ayant un caractère plus politique dans les années 1990 parce que la préoccupation majeure de l'époque étant la lutte pour l'avènement de la démocratie au Togo, ces revendications ont par la suite pris une allure plus sociale en demandant une amélioration

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des conditions de vie des étudiants qui se sont dégradées au cours des années qui ont suivi.

Comme on peut le constater, les mouvements étudiants à l'Université de Lomé entre 1990 et 2003 ont connu deux phases : l'une politique et l'autre sociale. La première qui s'inscrit dans le début du processus de démocratisation du Togo (1990-1992) a vu les étudiants s'affilier ouvertement à des partis politiques, soit de la mouvance présidentielle, soit de l'opposition. Ces partis ont servi de base arrière pour les mouvements étudiants et ont transplanté sur le terrain universitaire, les dissensions que connaissait la classe politique togolaise à l'époque. La conséquence a été l'exacerbation de la violence sur le campus universitaire. Pour calmer le jeu, le pouvoir en place, après avoir usé la méthode forte surtout vis-à-vis des étudiants proches de l'opposition, a fait preuve d'une certaine ouverture en acceptant de négocier. Les recommandations issues de ces négociations ont été partiellement honorées, le reste, renvoyées aux calendes grecques, ce qui va être le ferment des mouvements à caractère social dans la seconde phase (1999-2003). (Tsigbe, 2014, p. 153-154).

Les étudiants sont souvent entrés dans des situations de bras de fer avec les autorités, provoquant quelques fois de véritables tensions au sein de l'université. Généralement, ces mouvements de revendications des étudiants à la tête desquels se trouvent des étudiants responsables d'associations, débouchent sur des affrontements physiques entre les étudiants et les forces de l'ordre souvent envoyées pour empêcher les mouvements. Ils ont souvent entrainé la destruction de biens publics aussi bien au sein de l'université qu'en dehors, selon leur ampleur. Le plus dur est atteint lorsque les autorités se retrouvent dans l'obligation de fermer l'université en pleine année académique ou même lorsque ces perturbations entrainent l'invalidation de l'année académique. A propos de la fermeture de l'UL, elle est intervenue à l'issue des mouvements des années 1990-1991, 1998-1999, 1999-2000, 2000-2001, 2004 et 2011 (Tsigbe, 2014). Toute la communauté universitaire était à chaque fois contrainte de suspendre les activités pendant plusieurs jours. Ce n'est que lorsqu'un accord est trouvé entre les étudiants et les autorités que l'université est à nouveau ouverte : à titre indicatif, nous pouvons citer l'accord du 7 juillet 2011 entre les autorités et les étudiants à l'issue des mouvements qui ont entrainé la fermeture de l'UL en juin 2011.

Par ailleurs en 2000, les autorités ont plutôt été obligées d'invalider l'année académique dans plusieurs établissements (FLESH, FASEG, FDS, IUT-G). Il faut également noter que ces mouvements ont souvent eu comme réponse une répression qui va de

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l'intervention policière à la suppression de la bourse, la majoration des frais d'inscription, des oeuvres universitaires ou encore l'exclusion des meneurs (Viagbo, 2006). La tension ainsi provoquée par ces mouvements ne baisse qu'à partir du moment où les étudiants et les autorités discutent pour trouver des réponses aux revendications.

A l'issue de ces différentes crises dont la principale cause se trouve le plus souvent dans le retard du payement des allocations d'aide (ou de la bourse) et surtout l'insuffisance du montant de l'allocation d'aide après la suppression de la bourse, les étudiants parviennent dans une certaine mesure à obtenir satisfaction parce que la tranche d'aide sollicitée leur est par la suite versée. De même, de ces différents mouvements de revendication, les étudiants ont pu obtenir la revue à la hausse du montant de l'allocation d'aide et du nombre de tranches de ladite allocation. A l'issue de l'accord du 7 juillet 2011 par exemple, les autorités ont décidé « d'octroyer au titre de l'année académique en cours une prime pour la vie chère de 10.000 F CFA » à chaque étudiant. En plus de cela d'autres mesures concernant l'augmentation du nombre de bus pour le transport des étudiants, la baisse du loyer des chambres des cités universitaires, du prix des repas au restaurant universitaire et des frais d'inscription, ont été prises. Grâce à ces mouvements de revendication, aujourd'hui, les étudiants perçoivent 144.000 F CFA d'aide par an subdivisés en quatre tranches de 36.000 F CFA chacune. Pour un étudiant bénéficiaire de l'allocation d'aide, ce montant représente en moyenne un revenu mensuel d'un peu plus de 12.000 F CFA. Quant à l'allocation de bourse elle a été réinstaurée en 2011. Les étudiants qualifiés pour y accéder doivent respecter certains critères (performance scolaire, âge). Elle est payée en quatre (04) tranches de 54.000 F CFA chacune, soit 18.000 F CFA par mois (pour tout étudiant inscrit en licence, quel que soit le semestre).

A travers des actions collectives les étudiants parviennent ainsi à obtenir une revue à la hausse des ressources financières mises à leur disposition par l'Etat et à la baisse des frais de certaines prestations sociales.

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1.3.2- Le choix des activités économiques pour améliorer la situation financière

De façon « individuelle », il y a des étudiants de l'UL qui optent pour l'exercice d'une activité économique parallèlement à leurs études pour améliorer leur situation socioéconomique. Deux raisons fondamentales les poussent à ce choix : premièrement, le besoin de ressources financières et deuxièmement le besoin d'acquérir une expérience professionnelle (OVE, 2010 ; OVE, 2013). Mais dans la plupart des cas, les étudiants exercent une activité économique pour faire face à leurs conditions de vie difficiles, surtout dans un contexte de précarité. Au département de Sociologie de l'Université de Lomé, il a été relevé que la majorité des étudiants, soit 51,3%, exerçaient une activité économique (Mokli, 2010, p. 57). De plus, de façon cumulative la majorité de ces étudiants avait une situation socioéconomique précaire : 22,8% avaient un père agriculteur, 20,2% étaient orphelins de père, 13,9% avaient un père retraité, 5,1% avaient un père instituteur. 45,5% de ces étudiants avaient une mère ménagère et 34,2% avaient une mère commerçante ou revendeuse (Mokli, 2010). Seulement une minorité d'entre eux avaient un père issu d'une catégorie socioprofessionnelle (CSP) élevée : 1,3% avait un père juriste ; on retrouve la même proportion chez les étudiants qui avaient un père banquier.

Vu la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents, il se dégage que la majorité des étudiants qui exercent une activité économique proviennent d'un milieu social à faible revenu. Quant aux étudiants dont le père appartient à une catégorie socioprofessionnelle supérieure, ils recourent moins souvent au travail rémunéré pour financer leurs études en raison de l'aide financière familiale plus élevée dont ils bénéficient (Beffy et al., 2009). La plupart des étudiants qui sont entrainés vers l'exercice d'une activité économique y arrivent avant tout par nécessité de subvenir à leurs besoins existentiels et ensuite à ceux liés à leurs études. Il s'agit parfois de stratégies de survie pour se maintenir dans le système d'enseignement supérieur et parvenir à obtenir un diplôme. L'ampleur des dépenses auxquelles ils sont confrontés amène les étudiants à s'adonner à l'exercice

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d'activités économiques : par exemple 79% des étudiants de l'UL qui ne sont pas logés dans une résidence universitaire, exercent une activité économique, parce qu'ayant loué une chambre en ville et ou habitant dans un quartier éloigné de l'université, ils paient des loyers plus élevés et dépensent plus pour le transport (Adelayi, 2012, p. 53).

A l'UL, de plus en plus d'étudiants exercent des activités rémunératrices parallèlement à leurs études. Généralement c'est une gamme variée d'activités qui sont exercées ; et ces activités se retrouvent pour la plupart dans le secteur informel ou privé. Les étudiants concernés initient une activité pour leur propre compte ou sont recrutés par un employeur. Parmi les activités exercées, on peut citer le petit commerce, les cours de répétition ou l'enseignement dans des établissements privés, la conduite de taxi moto, le service d'accueil à des manifestations publiques, le gardiennage, le journalisme, etc. Certaines activités sont parfois physiquement éprouvantes ou nécessitent que l'étudiant y investisse plus de temps : conduite de taxi-moto, travail sur les chantiers de construction, service dans les bars, etc. Le plus souvent ce sont des activités qui n'ont pas de rapport avec les études effectuées, car ce qui est visé c'est l'accès à un revenu plus ou moins suffisant pour la satisfaction des besoins existentiels.

Une analyse des activités exercées par les étudiants et du contexte togolais (voire africain) montre que les étudiants ne disposent pas d'assez d'offres ou même qu'il existe peu d'offres d'activités rémunérées destinées aux étudiants comme dans les pays occidentaux. Il s'agit d'un domaine qui n'est pas encore structuré comme on peut l'observer en Europe ou en Amérique du nord où il existe même des textes réglementant le travail des étudiants. En témoigne, dans le cas spécifique de l'université de Lomé, la difficulté à avoir l'adhésion des entreprises aux différentes initiatives du COUL (évoquées plus haut) visant à offrir du travail à une proportion plus importante d'étudiants. Les offres de travail aux étudiants ne sont pas systématiques contrairement à la pratique dans les pays d'Europe ou d'Amérique du nord où les entreprises ont des offres à l'endroit des étudiants. En France, une étude réalisée en 2019 par Amar et al. de l'inspection générale

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de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) à la demande du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, fait le constat que l'emploi durant les études (tant en France qu'en Europe) est devenu une modalité normale de la vie universitaire qui concerne trois étudiants sur quatre à un moment ou un autre de leur parcours universitaire (Amar et al., 2019). Cette réalité est tributaire du contexte socioéconomique des pays occidentaux de façon générale, qui offre la possibilité aux étudiants de travailler durant les études. On peut ainsi relever qu'« il a toujours existé de nombreux dispositifs qui prévoient des activités rémunérées d'étudiants en relation plus ou moins étroite avec leurs études, généralement dans des filières professionnalisées ou à des niveaux élevés des cursus (internat, monitorat, attaché temporaire d'enseignement et de recherche, etc.) (Amar et al., 2019, p. 5). L'ampleur du phénomène amène même à recommander l'augmentation des offres d'emploi par les établissements d'enseignement supérieur ainsi que la prise en compte des expériences acquises avec les activités exercées par les étudiantes dans leur parcours (Amar et al., 2019).

Les étudiants qui exercent une activité économique consacrent une part de leur temps et leur énergie à cette activité. Pour que l'étudiant puisse avoir du temps pour exercer une activité économique, il faut donc que le type de formation ou l'établissement qu'il fréquente lui permette d'avoir du temps à consacrer à cette activité. Lorsque l'étudiant est inscrit dans un établissement où les activités académiques prennent plus de temps, il lui est difficile de s'adonner à un travail rémunéré : « D'une manière générale, la probabilité de travailler est d'autant plus faible que les exigences des études, en matière d'assiduité ou de travail, sont plus grandes. » (Grignon, 2003, p. 12).

C'est le cas souvent des étudiants inscrits dans les écoles et les instituts et même dans certaines facultés (CIC, ENSI, ESA, FSS, IUT-G, ISICA). Dans ces établissements où il y a une plus grande rigueur, un contrôle de l'assiduité et de la performance des étudiants, l'exercice d'une activité économique n'est pas répandu chez ces étudiants. Cette réalité nous a été confirmée par un enseignant de l'ISICA en ces termes :

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« Chez nous ici, les étudiants ne sont pas vraiment dans ces genres d'activités. Leur emploi du temps de cours est souvent chargé et surtout ils sont tenus de justifier leur absence. Ceux qui s'absentent sans motifs s'exposent à l'exclusion. Néanmoins, il y a des étudiants qui sont en fin de parcours et qui n'ont que peu d'UE à valider qui font de petits boulots par moment. » (Entretien avec enseignant ISICA, mai 2017)

Par contre dans les facultés de grande fréquentation où les étudiants ont un peu plus de temps libre et sont moins contrôlés, il arrive plus fréquemment que ceux-ci s'investissent dans l'exercice d'une activité économique. D'autres raisons liées à l'origine socioéconomique des étudiants qui s'orientent vers les différents établissements pourraient être également évoquées. Le tableau 10, dont les données ont été obtenues à la suite de l'enquête exploratoire que nous avons réalisée dans les différents établissements de l'UL, nous permet de voir la répartition des étudiants par établissement selon qu'ils exercent ou non une activité économique.

60

Tableau 10 : Répartition des enquêtés selon l'établissement et l'exercice d'une activité économique

 

Exerce une activité
économique

Total

Oui

Non

Établissement

CIC

Effectif

4

6

10

Pourcentage

40%

60%

100%

ENSI

Effectif

3

6

9

Pourcentage

33,3%

66,7%

100%

ESTBA

Effectif

2

6

8

Pourcentage

25%

75%

100%

ESA

Effectif

4

11

15

Pourcentage

26,7%

73,3%

100%

ESAAd

Effectif

1

8

9

Pourcentage

11,1%

88,9%

100%

FSS

Effectif

3

9

12

Pourcentage

25%

75%

100%

FDS

Effectif

22

39

61

Pourcentage

36,1%

63,9%

100%

FLLA

Effectif

15

18

33

Pourcentage

45,5%

54,5%

100%

IUT-G

Effectif

2

2

4

Pourcentage

50%

50%

100%

ISICA

Effectif

3

5

8

Pourcentage

37,5%

62,5%

100%

FDD

Effectif

11

10

21

Pourcentage

52,4%

47,6%

100%

FSHS

Effectif

32

17

49

Pourcentage

65,3%

34,7%

100%

FASEG

Effectif

25

31

56

Pourcentage

44,6%

55,4%

100%

INSE

Effectif

9

16

25

Pourcentage

36%

64%

100%

Total

Effectif

136

184

320

Pourcentage

42,5%

57,5%

100%

Source : Mokli, données d'enquête exploratoire, décembre 2016

61

La répartition de ces données exploratoires montre que l'exercice d'une activité économique est plus fréquent dans certains établissements que d'autres. On observe ainsi que 65,3% des étudiants de la FSHS exercent une activité économique ; à la FDD, ils sont 52,4% ; 50% à l'IUT-G, 45,5% à la FLLA, etc. Dans d'autres établissements moins d'étudiants s'adonnent à l'exercice d'une activité économique : ESAAd, 11,1% ; ESTBA, 25% ; FSS, 25%, etc. Les écoles sont moins affectées par ce phénomène que par les établissements de grande fréquentation. Les raisons évoquées plus haut peuvent être prises en compte pour expliquer cette situation.

Lorsque leur emploi du temps leur en donne la possibilité et surtout quand leur situation socioéconomique les y contraint, une proportion importante d'étudiants s'adonne à des activités économiques, qui leur permettent de gagner de l'argent pour vivre.

1.3.3- La question de la réussite des étudiants à l'Université de Lomé

Dans une institution universitaire telle que l'UL où le niveau de réussite n'est pas souvent élevé, il est important de s'interroger sur les facteurs déterminants qui agissent tant en faveur de ceux qui réussissent qu'au détriment de ceux qui échouent. Au sein de cette université, rarement le niveau global de réussite en fin d'année a franchi le seuil des 50% (cf. statistiques de la DAAS). Entre 1990-1991 et 1999-2000, le taux de réussite ayant évolué en dents de scie est passé de 16,84% à 12,28%. Le niveau de réussite le plus élevé était atteint en 1992-1993 soit 18,98% (Commission Nationale Togolaise pour l'UNESCO, 2007). Ce taux a beaucoup plus évolué à partir de 2001-2002, mais il est resté toujours faible comme le montre le tableau 11.

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Tableau 11 : Taux de réussite à l'Université de Lomé de 2000-2001 à 2007-2008

Années

Effectifs d'étudiants
ayant réussi

Taux de réussite (en %)

Taux global de
réussite (en %)

Garçons

Filles

Garçons

Filles

2000-2001

12784

2799

9,83

11,22

10,08

2001-2002

8377

1801

56,50

53,75

56,01

2002-2003

12010

2608

43,86

41,72

44,85

2003-2004

11572

2543

48,26

48,80

48,36

2004-2005

12384

3040

49,70

50,51

49,88

2005-2006

16946

4401

42,69

44,08

42,98

2006-2007

19265

5449

45,34

44,24

45,10

2007-2008

24497

7203

34,81

30,96

33,94

Source : Statistiques de la DAAS, 2001-2002 à 2007-2008

En huit (08) années académiques les taux de réussite à l'Université de Lomé n'ont franchi les 50% qu'en 2001-2002 (56,01%), année qui a suivi l'année académique 2000-2001, invalidée dans la plupart des établissements à l'issue des troubles qu'a connu l'UL. Généralement, le taux de réussite dans cette université se retrouvent dans les 40% : 44,85% en 2002-2003 ; 48,36% en 2003-2004 ; 42,98% en 2005-2006. Si le taux de réussite a pu connaitre une augmentation continue de 2002-2003 à 2004-2005, il a chuté en 2005-2006, avant de remonter l'année suivante et de chuter une fois encore en 20072008. Bien qu'étant plus nombreux chaque année, les garçons n'ont pas toujours un meilleur taux de réussite que les filles. Il y a des années où les filles ont mieux réussi que les garçons : 2000-2001, 11,22% pour les filles, contre 9,83% pour les garçons ; 20032004, 48,80% pour les filles contre 48,26% pour les garçons. En dehors des 56,01% de réussite enregistrés en 2001-2002, les troubles auxquelles l'UL a fait face au début des années 2000 ont contribué à la faiblesse des taux de réussite. Le faible niveau de réussite dans les facultés (où les étudiants ne sont pas soumis à la même rigueur que dans les écoles et instituts) a aussi contribué à enregistrer ces taux de réussite.

Après 2007-2008, avec le basculement dans le système LMD, il est devenu difficile d'obtenir les taux de réussite dans les établissements et à l'échelle de l'université. Nous

63

avons vu qu'avant l'entrée en vigueur de ce système, le niveau de réussite des étudiants à l'Université de Lomé n'était pas élevé. A titre illustratif, Bagan (2016) présente la progression des étudiants dans le système LMD à travers des données de la DAAS sur la capitalisation des crédits par les étudiants qui ont accompli 3 inscriptions au cours de l'année 2012-2013, pour les établissements suivants :

- FLESH : 0,05% d'étudiant a capitalisé les 180 crédits requis pour obtenir la licence ; 44,25% d'étudiants ont capitalisé 121 crédits au moins (2/3 des crédits requis) ;

- FDS : 0,14% d'étudiant a capitalisé les 180 crédits requis pour obtenir la licence ;

20,7% d'étudiants ont capitalisé 121 crédits au moins (2/3 des crédits requis) ;

- FDD : aucun étudiant n'a capitalisé les 180 crédits requis pour obtenir la licence ; 2% d'étudiants ont capitalisé 121 crédits au moins (2/3 des crédits requis) ;

- FASEG : 0,07% d'étudiant a capitalisé les 180 crédits requis pour obtenir la licence ; 4% d'étudiants ont capitalisé 121 crédits au moins (2/3 des crédits requis).

Les mêmes données ayant été relevées auprès des étudiants qui avaient enregistré 4 inscriptions pour la même année, Bagan (2016) fait le constat que l'évolution des étudiants demeure faible aussi bien après 3 inscriptions qu'après 4 inscriptions au grade licence. Dans le Plan Directeur de Développement 2017-2020 de l'Université de Lomé, la question de la réussite des étudiants est également abordée. Il y apparait que les taux de réussite sont peu appréciables ; ainsi en 2016, seul 2,6% des étudiants ont eu la licence en trois inscriptions (Université de Lomé, 2017, p. 18).

L'un des avantages reconnus au système LMD est l'amélioration du niveau de réussite et de compétence des étudiants. Ainsi, l'une des raisons ayant conduit à l'adoption de ce système est la volonté de réduire les taux d'échec. Toutefois, le taux de réussite à l'Université de Lomé avec l'application de ce système ne s'est pas substantiellement amélioré. Malgré les exigences en matière d'amélioration des méthodes d'enseignement,

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d'études, d'évaluation, etc. les résultats obtenus sont en deçà des attentes (Dekor et al., 2011, p. 7). Parmi les conditions défavorables à la réussite des étudiants dans le contexte du système LMD, Dekor et al. (2011) relèvent : l'absence de politique pour renflouer les bibliothèques en documents récents et adaptés aux programmes enseignés, le manque de centres cybernétiques et de bibliothèques disposant de documents, les difficultés d'adaptation des enseignants et la survivance de méthodes d'enseignement de l'ancien système, le nombre élevé d'UE par semestre, l'insuffisance de conseillers d'orientation pour aider les étudiants à avoir des projets d'études bien spécifiés et être assez responsables vis-à-vis de leur formation, le manque de moyens financiers pour faire des recherches. Le constat qui découle de ces conditions difficiles de mise en oeuvre du LMD à l'UL est que les étudiants passent davantage d'années pour avoir la licence, qui exige d'eux l'obtention de 180 crédits répartis en six (06) semestres, soit 30 crédits par semestre. Une grande proportion d'étudiants ne parvient pas à obtenir ces crédits durant les six (06) semestres du niveau Licence. Tout en évoluant aux semestres suivants, ils ont le plus souvent des UE à reprendre dans les semestres antérieurs. Ainsi, au bout des trois (03) ans ils n'ont pas obtenu tous les crédits requis du niveau Licence et se retrouvent donc avec des UE à reprendre sur un ou plusieurs semestres. Un grand nombre d'étudiants de l'UL passe alors quatre (04) ans ou plus à tenter d'avoir la Licence. Avec le LMD qui exige de l'étudiant un niveau de performances plus élevé par rapport au système classique, les difficultés de réussite semblent plus importantes.

Néanmoins, on remarque qu'il y a des étudiants qui exercent une activité économique et qui réussissent tout autant que ceux qui n'exercent pas d'activité économique. Ils sont également soumis quelquefois à des difficultés durant leurs études. Dans le contexte de l'UL, les bas niveaux de réussite enregistrés sont le résultat de l'action d'un certain nombre de déterminants. Dans ce cas l'influence des facteurs à l'oeuvre doit être identifiée, dans l'optique de la connaissance de l'ampleur de leur action et éventuellement de la recherche de solutions pour l'amélioration du niveau de réussite à l'UL. Pour notre

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part, il s'agit de nous intéresser aux facteurs à l'oeuvre, en l'occurrence en situation d'exercice d'une activité économique.

1.4- Enoncé du problème

Depuis plus de deux décennies, les étudiants de l'Université de Lomé font face à des conditions de vie et d'études difficiles. Les facilités initialement offertes pour leur permettre d'étudier sereinement ont été quasiment supprimées. La crise économique des années 1980 et les troubles sociopolitiques des années 1990 ont pour ainsi dire mis fin à l'Etat providence. L'Etat qui a depuis toujours été le principal pourvoyeur des ressources financières de l'Université de Lomé ne peut plus continuer à supporter intégralement les besoins de ladite université. Mais depuis ces années de crise, l'UL reçoit un important flux d'étudiants, créant ainsi un déséquilibre entre les ressources financières disponibles et les besoins à satisfaire, spécifiquement ceux des étudiants.

Ils se retrouvent ainsi laissés à leur propre sort parce que ne pouvant compter ni sur l'aide de l'Etat, ni sur celle de leurs parents, dont la plupart n'ont pas les ressources nécessaires pour prendre en charge leurs enfants. Certes la bourse et l'allocation d'aide, entre temps supprimées, ont été rétablies, mais le contexte socioéconomique du pays, caractérisé par la cherté de la vie contribue à maintenir la plupart des étudiants dans une certaine précarité. Pour les étudiants qui espèrent bénéficier essentiellement du soutien financier de l'Etat pour la prise en charge de leurs études universitaires, les conditions de vie deviennent plus difficiles.

Au vu des conditions de vie et d'études dans lesquelles ils doivent évoluer, deux catégories d'étudiants peuvent être distinguées à l'UL : d'une part ceux qui sont en difficulté sur le plan socioéconomique et qui doivent chercher par eux-mêmes les moyens financiers (la totalité ou un complément) nécessaires pour prendre en charge leurs études à travers l'exercice d'une activité économique ; d'autre part ceux dont la situation socioéconomique est plus ou moins bonne, qui se consacrent exclusivement à leurs études. La première catégorie d'étudiants est partagée entre les études et une activité de

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survie (habituellement), ce qui est de nature à avoir des répercussions sur le bon déroulement de leurs études. Quant au second groupe d'étudiants, ils ne sont pas contraints de partager leur temps entre les études et une activité économique, ce qui leur offre a priori davantage de chances de se soustraire aux répercussions d'un tel choix sur leurs études. L'exercice d'une activité économique est donc de nature à désavantager les étudiants qui en font le choix par rapport à leurs collègues qui s'adonnent uniquement aux études. Toutefois, certains étudiants qui exercent une activité économique parviennent à réussir bien qu'ils ne soient pas dans les conditions leur permettant de réussir. C'est cet aspect de la réalité qui nous intéresse. Il est question pour nous de mettre en lumière les facteurs qui contribuent à la réussite des étudiants qui exercent une activité économique par rapport à ceux qui n'exercent pas d'activité économique.

1.5- Justification du choix du sujet

Le choix du sujet qui fait l'objet de la présente recherche répond à une justification que nous articulons autour de trois (03) points : la motivation et l'intérêt pour le sujet, la pertinence scientifique du sujet puis sa pertinence sociale.

1.5.1- Motivation et intérêt pour le sujet

Beaucoup d'étudiants arrivent à l'université avec l'espoir et la conviction de pouvoir en ressortir avec un diplôme qui puisse leur assurer l'accès au monde du travail. Cet objectif, un grand nombre d'étudiants n'arrivent pas à l'atteindre par faute de moyen ou par manque de volonté. Toutefois, malgré des conditions difficiles, nous avons observé que certains étudiants parviennent à réussir, par leurs propres moyens, en dehors de tout soutien de leurs parents. Cette observation nous a amené à entreprendre au sein du département de sociologie une recherche sur les effets des activités économiques des étudiants sur leur réussite en 2010 (Mokli, 2010) pour l'obtention du DEA. Cette recherche nous a permis de relever que malgré les difficultés auxquelles ils font face, il y a des étudiants qui cumulent études et activité économique, mais qui réussissent (et parfois mieux que ceux qui n'exercent pas d'activité économique). Au vu de ces résultats,

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nous nous sommes intéressé à l'ampleur de ce phénomène à l'échelle d'autres établissements de l'UL et particulièrement aux atouts qu'ont les étudiants qui exercent une activité économique pour réussir. Vu que le niveau de réussite n'est pas très élevé à l'Université de Lomé, il est pour nous intéressant de jeter un regard sur une catégorie d'étudiants qui y arrive, malgré des conditions difficiles.

1.5.2- Pertinence scientifique du sujet

Les recherches sur la réussite universitaire mentionnent souvent plusieurs facteurs comme étant à l'origine de la réussite ou de l'échec des étudiants. Il est clair qu'il n'est pas possible de comprendre la réussite universitaire uniquement à la lumière de quelques facteurs, même si certains paraissent dominants, notamment le milieu social d'origine. Néanmoins selon les auteurs, certains aspects de la réussite peuvent paraitre plus déterminants que d'autres.

Concernant spécifiquement le travail étudiant, les contributions sur la question sont diverses et on peut noter une divergence de positions à propos de son influence sur la réussite de l'étudiant. Dans une revue des différentes approches existantes sur le sujet, Body et al. (2015) relèvent que pour certains ce sont les caractéristiques de l'activité exercée qui ont une influence sur la réussite de l'étudiant, l'ampleur du temps consacré à l'activité ou encore le lien de l'activité avec la formation suivie ou le niveau d'études. Mais pour Body et al. (2015), il est important de prendre en compte les facteurs endogènes relatifs à la motivation qui a conduit l'étudiant à exercer une activité économique.

À chaque recherche entreprise, il est question d'éclairer un aspect donné du problème qui n'est pas forcément pris en compte par les recherches précédentes. Pour notre part, c'est la même préoccupation qui nous conduit à nous intéresser à ce sujet dont certains aspects peuvent encore être explorés. Généralement, la littérature existante prend en compte l'influence du travail étudiant sur la réussite des étudiants concernés sous l'angle de certains facteurs seulement : nombre d'heures de travail, niveau d'études, type d'activité,

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caractéristiques sociodémographiques, etc. Pour nous, il s'agit de nous intéresser à davantage de variables, pour avoir plus de connaissance sur d'autres facteurs déterminants. À cela, s'ajoute le fait que le phénomène du travail étudiant ne fait pas l'objet de beaucoup de travaux dans le contexte socioculturel et économique togolais. Il s'agit donc pour nous d'apporter notre contribution à une meilleure connaissance d'une réalité vue dans un contexte différent.

1.5.3- Pertinence sociale du sujet

La formation universitaire, au-delà de la liberté qu'elle donne à l'étudiant d'aller à son rythme (surtout dans le cadre du LMD) présente des exigences auxquelles celui-ci doit se conformer pour réussir.

La connaissance par l'étudiant de ces exigences au moment d'opérer ses choix peut être un atout pour le bon déroulement de ses études. En l'occurrence, la connaissance des obstacles liés au cumul de l'exercice d'une activité économique et des études constitue un avantage certain. L'étudiant doit ainsi savoir faire son choix afin d'atteindre son objectif qui est d'étudier et obtenir un diplôme qui est nécessaire pour son insertion socioprofessionnelle.

L'importance de l'appui financier de l'Etat et des parents aux étudiants est capitale pour permettre aux étudiants d'étudier dans de bonnes conditions. En ce qui concerne l'Etat, d'importants investissements sont effectués. La rentabilisation de ces investissements passe en effet par la réussite des étudiants. Un moindre niveau de réussite est défavorable à la rentabilité des ressources déboursées par l'Etat. Il en est de même pour les parents qui parviennent à soutenir leurs enfants. Ils sont contraints d'investir plus qu'il ne faut pour cette formation. La connaissance des déterminants liés à la réussite des étudiants, notamment ceux qui exercent une activité économique est donc utile pour permettre à chaque acteur de prendre en compte tout ce que comporte cette réalité de bon et moins bon.

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1.6- Objectifs de recherche

Des objectifs de connaissance théorique et des objectifs d'application pratique sont visés dans le cadre de cette recherche.

1.6.1- Objectifs de connaissance théorique

La question de la réussite à l'université de façon générale et particulièrement à l'Université de Lomé, nécessite qu'une masse de connaissances théoriques soit constituée pour mieux l'appréhender.

La présente recherche s'intéresse donc à apporter une contribution à la compréhension des facteurs qui sous-tendent la réussite des étudiants de cette université qui exercent une activité économique parallèlement aux études.

a- Objectif général

L'objectif général poursuivi est d'étudier les déterminants de la réussite des étudiants du grade licence qui exercent une activité économique par rapport à ceux qui n'exercent pas d'activité économique.

b- Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques de connaissance théorique sont les suivants :

- déterminer l'influence des caractéristiques sociodémographiques et socioculturelles des étudiants qui exercent une activité économique sur leur réussite par rapport à ceux qui n'exercent pas d'activité économique ;

- déterminer l'influence des conditions de vie et d'études des étudiants qui exercent une activité économique sur leur réussite par rapport à ceux qui n'exercent pas d'activité économique ;

- déterminer l'influence de l'implication des étudiants qui exercent une activité économique dans leurs études sur leur réussite par rapport à ceux qui n'exercent pas d'activité économique ;

- montrer l'influence de l'activité économique sur la réussite des étudiants.

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1.6.2- Objectifs d'application pratique

Les objectifs d'application pratique suivants sont associés à la présente recherche.

a- Objectif général

L'objectif général d'application pratique poursuivi est d'inciter à la prise en compte de la réalité vécue par les étudiants de condition socioéconomique précaire, dans la perspective de l'amélioration des conditions de vie et d'études pouvant favoriser une meilleure réussite à l'Université de Lomé.

b- Objectifs spécifiques

Pour atteindre l'objectif général susmentionné, les objectifs spécifiques suivants sont poursuivis :

- inciter à un meilleur soutien aux étudiants en situation difficile ;

- éclairer les étudiants sur les dispositions à prendre en vue de se donner plus de chances de réussir lorsqu'ils exercent une activité économique ;

- relever les types d'activités économiques à exercer par les étudiants.

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CHAPITRE 2 : REVUE DE LITTÉRATURE, CADRES THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

La question de la réussite et particulièrement au niveau universitaire a souvent bénéficié d'un intérêt du point au niveau des chercheurs. Avant même d'aborder l'aspect empirique même de cette recherche, il est indispensable de marquer un arrêt pour parcourir la littérature, afin de nous imprégner des travaux réalisés sur le sujet auquel nous nous intéressons. À travers ce chapitre, nous avons défini les concepts qui se rattachent intrinsèquement à cette recherche puis exploré la question de la réussite des étudiants qui exercent une activité économique, tel que cela a été abordé par la littérature. En effet, cet exercice nous a conduit à identifier et à nous inspirer de l'approche théorique qui puisse nous permettre de cerner notre objet de recherche.

2.1- Définition de concepts

Afin d'avoir une compréhension des concepts dans le contexte de la présente recherche, il est important de définir ceux que nous estimons être les plus importants. Cette rubrique nous permet ainsi de clarifier les concepts ainsi retenus.

2.1.1- Activité économique

De tout temps lorsque les hommes vivent ensemble, il se crée des besoins tant primaires que secondaires dont la satisfaction nécessite l'accès à des biens et des services. Pour cela, ils s'organisent et créent les structures pouvant leur permettre de satisfaire ces besoins. Des formes d'organisations diverses et variées ont parcouru l'histoire de l'humanité jusqu'à nos jours. Les activités ainsi entreprises dans le but d'offrir des biens et des services pouvant permettre aux individus de satisfaire les besoins auxquels ils font face sont de ce fait qualifiées d'activités économiques. Dans le dictionnaire du site Jobintree on note que : « L'activité économique représente l'ensemble des actions que doit accomplir la population humaine afin de satisfaire ses besoins grâce à la production

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de biens et de services. » ( www.jobintree.com/dictionnaire/definition-activité-economique-1241.html).

Une activité économique implique donc la mise en place d'unités de production (entreprises, sociétés) à qui revient la charge d'offrir ces biens et services. De ce point de vue, selon CREFOR Haute-Normandie (2015), « L'activité économique d'une unité de production est le processus qui conduit à la fabrication d'un produit ou à la mise à disposition d'un service. » (CREFOR Haute-Normandie, 2015, p. 5). Les unités de production contribuent ainsi au système économique en vigueur dans l'espace géographique dans lequel elles sont implantées et à son développement. L'activité économique peut alors s'entendre à l'échelle globale d'une localité, d'une région, d'un pays ou d'un continent. Il s'agit de toutes les formes de production qui contribuent au développement de l'environnement où l'ensemble des activités se déroulent.

Selon Andrews (1953) cité par Segessemann (2016) on peut distinguer les activités économiques dites basiques et les activités économiques de service à la population dites induites. Par activités basiques, cet auteur entend les activités primaires qui produisent des biens manufacturés pour l'usage général, alors que les activités induites sont dites auxiliaires et sont qualifiées par Andrews (1953) comme des activités directement ou indirectement au service et à la commodité des gens engagés dans les activités primaires (Segessemann, 2016, 28). À travers cette double catégorisation des activités économiques, l'auteur fait également une distinction entre les acteurs selon la nature et les bénéficiaires des biens et services produits.

L'activité économique implique également la mise à disposition d'une certaine catégorie d'individus, des emplois pour lesquels ils sont rémunérés. Ces employés ou encore salariés représentent des acteurs importants de l'activité économique puisqu'ils sont les agents d'exécution à différents niveaux.

Ces derniers sont à l'oeuvre dans le but de s'assurer un revenu (salaire). Il s'agit dans la perspective marxienne, de la force de travail qui se met à disposition des propriétaires des

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moyens de production, contre une rémunération. L'initiation d'une activité économique respecte ainsi une double logique : elle vise la satisfaction de besoins auxquels font face les membres d'une communauté et met des emplois sur le marché du travail.

Les formes d'activités économiques se sont diversifiées et les acteurs sollicités pour les exécuter doivent s'y accommoder. C'est ainsi qu'on peut retrouver des activités exercées à temps plein, à temps partiel, occasionnellement, saisonnièrement, etc. Dans les formes les plus organisées, diverses formes de contrats sont appliquées à l'exécution des activités économiques. Compte tenu de cette diversité, si des individus ayant achevé leur formation se mettent à disposition pour offrir leurs compétences pour exercer une activité, de même, certains n'ayant pas achevé leur formation, ont également la possibilité d'offrir leur force de travail pour des activités appropriées à leur situation. Les étudiants se trouvant dans cette seconde catégorie ont ainsi la possibilité de mettre leur force de travail à disposition pour exercer une activité économique souvent à temps partiel. Ces étudiants s'inscrivent ainsi dans la logique de s'assurer un revenu, tout en participant à la production de biens et de services nécessaires à la satisfaction de besoins existant dans leur environnement immédiat ou lointain. La production à travers l'activité économique n'est donc pas seulement du ressort des producteurs de richesse et autres travailleurs comme semble le signifier Andrews (1953) cité par Segessemann (2016), qui exclut les étudiants qu'il considère comme étant entretenus par leurs parents. Les étudiants peuvent ainsi être considérés dans la perspective de Pinto (2014) comme des personnes actives. Dans le cas des étudiants, il s'agit donc de toute forme d'activité à temps partiel, saisonnière ou occasionnelle lui permettant d'accéder à un revenu lui permettant de se prendre en charge partiellement ou totalement.

Il s'agit donc de toutes formes d'activités, que ce soit dans le formel (le plus souvent au sein des sociétés privées) ou dans l'informel, pouvant procurer aux étudiants un gain afin de prendre en charge leurs études. Les étudiants entrent ainsi dans des relations employeur - employé. Mais il y en a également parmi eux certains qui initient pour leur

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propre compte de petites activités dans la même logique d'avoir un revenu, surtout dans le contexte de notre étude ou le secteur informel est assez développé.

Ici, nous n'entendons donc pas le concept d'activité économique dans une approche macroéconomique, qui implique l'activité des entreprises et des diverses unités de production existant dans une localité ou dans un pays. Il s'agit en effet d'activités auxquelles accèdent des individus, en l'occurrence les étudiants, qui les exercent dans le but d'avoir un revenu pouvant leur permettre de faire face à des besoins essentiels.

À travers la littérature on peut retrouver des termes comme activité rémunérée, travail rémunéré, travail étudiant, emploi étudiant qui rejoignent le sens que nous attribuons au concept d'activité économique. Ce concept occupe une place centrale dans la présente recherche, parce que c'est autour de lui que sera analysée la réussite des étudiants durant leur parcours à l'Université de Lomé.

2.1.2- Réussite universitaire

Avant de procéder à toute tentative de clarification du concept de réussite universitaire, il est important de mentionner que ce concept, tout comme celui d'échec, comporte quelques spécificités en ce qui concerne le sens qui lui est donné. Diverses approches théoriques se mettent à contribution, et parfois dans une logique dynamique conformément à l'évolution de la réalité sociale, pour permettre de comprendre ce concept qui se conçoit comme la réussite scolaire :

Le concept de réussite scolaire est polysémique et multidimensionnel. Concrètement, son étude s'articule en fonction des paradigmes adoptés par les chercheurs et les praticiens. L'activité des uns comme des autres, orientée vers la réussite scolaire, s'inscrit dans un temps et un lieu donné. (Laferrière et al., 2011, p. 159).

La définition de ce concept se rapporte, en effet, à la prise en compte de différents facteurs liés tant aux acteurs qu'à leur environnement. De façon générale, synonyme de la réalisation d'un objectif pédagogique, la réussite universitaire suppose que l'apprenant (étudiant) a assimilé les connaissances qui lui ont été transmises par les enseignants et que, dans le cadre de l'évaluation, il est parvenu à les restituer convenablement. De ce

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point de vue, il s'agit de l'achèvement avec succès d'un parcours universitaire, souvent sanctionné par le passage à un niveau supérieur ou l'obtention d'un diplôme, d'un certificat ou d'une attestation d'études. Les apprenants sont dans ce cas tenus de fournir une certaine performance définie à l'avance.

En 1992, le CRIRES, cité par Laferrière et al. (2011), adopte une définition de ce concept en précisant qu'il s'agit de l'atteinte d'objectifs propres à chaque étape du cheminement scolaire. Ce cheminement conduit à l'obtention d'un diplôme ou d'un certificat, lorsque l'apprenant arrive à la fin d'un cycle ou d'un ordre d'enseignement, et ultérieurement par une intégration réussie dans le monde du travail (CRIRES, 1992, cité par Laferrière et al., 2011, p. 165).

Toutefois, il est à noter que ce concept ne saurait être univoque, parce qu'il dépend de plusieurs éléments, notamment, le degré de difficulté du programme et le degré de difficulté éprouvée par les apprenants. Il peut également concerner tout ou partie d'un programme d'apprentissage. On parvient alors à différentes définitions qui prennent en compte les divers aspects qui sont susceptibles d'être considérés pour parler de réussite universitaire. Dans ce sens, cette réussite n'est pas seulement l'obtention d'un diplôme, mais l'atteinte des objectifs que s'est fixé l'apprenant. L'on considère ainsi la réussite comme le « fait de réaliser la tâche dans laquelle on s'est engagé, d'atteindre un but fixé préalablement » (Thinès & Lempereur, 1975, p. 842). Il faut aussi prendre en compte en définissant la réussite, la performance de l'apprenant par rapport à un cours donné d'une part et sa performance en ce qui concerne les études effectuées de façon générale, d'autre part.

Faisant ainsi intervenir d'autres éléments, notamment le plan de la formation de l'apprenant, qui fixe ses propres objectifs, la réussite est appréhendée comme étant restrictive lorsqu'on se limite aux objectifs pédagogiques fixés par l'institution d'enseignement (Laferrière et al., 2011). En tenant compte des objectifs visés par les apprenants eux-mêmes, on obtient une définition qui s'adapte plutôt à ceux-ci, mettant en

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avant leur projet de formation (Lapostolle, 2006). Dans le contexte universitaire et dans le cadre du système LMD, la réussite s'entend également de la même façon. Il revient à l'étudiant de choisir le type de formation qu'il souhaite et d'évoluer dans ce sens.

Il y a même une perception plus large de la réussite qui va au-delà de la réussite dans le cadre institutionnel, pour parler de réussite éducative. La première est dans ce sens entendue comme étant l'atteinte d'objectifs de scolarisation liés à la maitrise du savoir à l'intérieur d'un réseau scolaire, académique. Quant à la seconde, elle se rapporte à l'atteinte d'objectifs liés à la transmission d'attitudes, de comportements et de valeurs. Cette forme de réussite est la résultante du processus de socialisation scolaire. Dans ce second cas, la réussite inclut dans le parcours scolaire un « curriculum caché » (Laferrière et al., 2011). Divers critères qui ne sont pas directement liés aux programmes d'apprentissage sont ainsi définis. La réussite se retrouve circonscrite dans une réalité beaucoup plus vaste, qu'est la réussite éducative. De ce fait, concernant l'atteinte des objectifs de l'apprentissage, la réussite prend également en compte le niveau de scolarisation et est ainsi traduite :

Pour ce qui concerne les ordres d'enseignement primaire et secondaire, il s'agit minimalement d'instruire, de socialiser et de qualifier. Sur le plan de l'instruction, la réussite réfère à l'acquisition des habiletés et compétences nécessaires pour assurer le développement cognitif et la maîtrise des savoirs ; sur celui de la socialisation, elle s'exprime par la capacité à établir et à entretenir des relations sociales, à s'adapter et à s'intégrer à la vie en société, à exercer une citoyenneté responsable ; enfin, sur celui de la qualification, elle se manifeste par l'obtention, à la fin d'un parcours scolaire, d'une reconnaissance officielle des compétences requises pour exercer un métier ou poursuivre des études à un palier supérieur. En ce qui a trait à l'enseignement supérieur, il est convenu de prendre en compte non seulement la réussite scolaire mais également le projet de développement personnel et d'intégration sociale. (Laferrière et al., 2011, p. 167).

Si la réussite prend en compte les performances individuelles des apprenants, elle concerne également leur environnement social. Dans la définition de la réussite, les rapports sociaux interviennent également, ce qui porte ce concept au-delà d'une réalité individuelle. Cette notion renferme donc une connotation sociale en ce sens que, de certains points de vue, les apprenants acquièrent de leur milieu social d'origine des aptitudes qui leur permettent d'avoir de bonnes performances scolaires. Des facteurs

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externes à l'individu et à l'institution scolaire sont alors impliqués dans la réussite et l'évolution de l'apprenant. La réussite scolaire stipule donc la capacité à assimiler et à reproduire une certaine culture propre à une catégorie sociale donnée, notamment la classe aisée (Bourdieu, Passeron, 1964, 1970 ; Coleman, 1966 ; Baudelot & Establet, 1971 ; Merle, 2002). La réussite scolaire n'est donc pas seulement le fruit de l'effort personnel de l'apprenant, mais aussi le résultat de ses acquis reçus de son environnement social.

Il est clair que le concept de réussite est polysémique et peut se comprendre dans le sens où soit c'est la responsabilité de l'apprenant qui est engagée, soit c'est à l'institution scolaire ou à son environnement social qu'il se rapporte.

La réussite universitaire à notre sens implique le résultat de l'étudiant au bout d'une année académique ou d'un semestre, en s'inscrivant dans le contexte du système LMD. Certes, ce système exige de l'étudiant de se fixer des objectifs d'apprentissage, mais dans un contexte où les apprenants s'inscrivent dans la logique de recherche de diplôme au terme de leur parcours universitaire, l'on pourrait appréhender la réussite en se situant dans cette optique. Au bout d'une période d'apprentissage (semestre ou année), il s'agit ici pour les étudiants d'obtenir tous les crédits requis. La réussite pour nous suppose aussi que l'étudiant n'a pas une ou des années de retard durant sa carrière universitaire. Ce concept est donc indispensable pour apprécier les rendements des étudiants, lorsqu'ils exercent une activité économique ou non.

2.1.3- Catégorie socioprofessionnelle (CSP)

La situation des étudiants de l'UL sur le plan socioéconomique nous a amené à prendre en compte le concept de catégorie socioprofessionnelle comme ayant une affinité avec cette recherche. En effet, la classification des catégories socioprofessionnelles (CSP) ou des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) dépend de chaque pays compte tenu de la différence des réalités sur le plan social, économique et professionnel. Néanmoins celle élaborée en 1954 et revue en 1982, en 2003 puis en 2017 en France par l'institut

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National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) est assez populaire. Les PCS (Professions et catégories socioprofessionnelles) qui sont en fait l'édition refondue de l'ancienne classification des CSP, en vue de tenir compte de l'évolution de la structure sociale, constituent un outil dont l'objectif est de classer les populations actives en catégories socialement homogènes, aussi proches que possible des groupes réels construits par l'histoire sociale (Jean et al., 2004, p. 55). Ainsi, prenant en compte différents critères et superposant différentes logiques de classement, la nomenclature des PCS distingue huit (8) groupes socioprofessionnels, dont six (06) groupes d'actifs. Il faut tout de même noter que cette classification ne fait pas souvent l'unanimité (Desrosières & Thévenot, 2002).

Dans le contexte togolais, les PCS se rapportent d'une certaine manière à une classification en groupe socioéconomique établie par le QUIBB 2011 (DGSCN, 2011, p. 2). Ce groupe est défini pour les personnes ayant 15 ans ou plus, par rapport à la situation d'occupation au cours des sept (07) derniers jours ou des douze (12) derniers mois (DGSCN, 2011, p. 2). Tenant également compte du statut dans l'emploi, ce groupe distingue les catégories suivantes : salarié du public, salarié du privé, agriculteur indépendant, autre indépendant, actif saisonnier, apprenti, aide familiale, autre actif, chômeur et inactifs. Cette classification en groupe socioéconomique représente une forme de photographie de la structure sociale essentiellement fondée sur la situation professionnelle des individus.

Pour ce qui est des étudiants, ils se retrouvent dans le groupe des inactifs ou encore dans la perspective de l'INSEE, dans la catégorie « divers ». Leur situation peut être dès lors doublement prise en compte : tout d'abord au regard de la classification de leurs parents, ensuite (spécifiquement à la présente recherche) au regard de l'exercice d'une activité économique. On enregistre par exemple des étudiants qui exercent comme employés à temps plein dans des sociétés de gardiennage. De ce fait cette classification ne saurait répondre très exactement à la situation d'une certaine catégorie d'étudiants, notamment

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ceux qui ont des emplois à temps plein ou à temps partiel durant leurs études. L'intérêt que nous portons à ce concept dans le compte de cette recherche n'exclut pas l'une et l'autre situation.

Par ailleurs, il faut noter le caractère évolutif des PCS du fait de l'évolution de la société et du changement de certains emplois. Coutrot (2002) dira à cet effet que :

« Personne ne contestera que les ouvriers d'aujourd'hui sont, de bien des façons, différents de ceux d'hier, mais l'on trouve trop vite affirmée l'idée qu'il n'y a plus de classe ouvrière, ni d'ouvriers, ni d'ailleurs de classe sociale et que les outils statistiques forgés pour étudier la société, les catégories socioprofessionnelles, sont à renvoyer aux poubelles de l'histoire. » (Coutrot, 2002, 107)

Cet auteur a, en effet, eu le mérite de montrer que les CSP, au-delà des critiques qui leur sont adressées connaissent des changements mesurés et l'on ne peut se défaire des outils de mesure desdites catégories. On peut noter entre autres que de certains points de vue, même si les conditions ont changé, les positions n'ont tout de même pas évolué (Bourdieu, 1966). En clair, tout porte à croire que malgré les évolutions observées, celles-ci ne suppriment pas ou n'améliorent pas les distances sociales. De plus, évoquer les CSP amène à parler de la subdivision de la société en classes.

Il faut tout de même remarquer que la classification en PCS ou en groupe socioéconomique se distingue de la subdivision de la société en classes qui va au-delà de la profession en prenant en compte plusieurs critères. Cette classification a son importance parce qu'elle permet d'avoir une vue sur la situation socioéconomique des individus, en l'occurrence des étudiants qui constituent notre population cible.

2.2- Revue de littérature

Moins présente dans le milieu universitaire avant les années 1980, l'exercice d'une activité rémunérée s'est au fil des années répandu au sein des étudiants. Cela se comprend, parce que, comme le disait Bonin (2013), le travail rémunéré pendant les études universitaires constitue pour beaucoup d'étudiants un mal nécessaire. Selon les motifs qui y conduisent ou y contraignent les étudiants qui en font le choix, les activités exercées présentent diverses caractéristiques du point de vue de leur nature, de leurs

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exigences, du temps que les étudiants y investissent, des avantages qu'en tirent ces étudiants, de l'influence qu'elles ont sur leur réussite, etc. La littérature qui aborde le sujet prend en compte ces différents aspects, ainsi que les influences que le travail rémunéré a sur l'étudiant aussi bien que sur sa réussite. Dans la présente revue de littérature, nous nous proposons de parcourir les différents travaux, après avoir au préalable évoqué la question des inégalités sociales de réussite, thématique dans laquelle s'inscrit le sujet de cette thèse.

2.2.1- Les déterminants de la réussite liés à l'appartenance socioéconomique et aux conditions matérielles

Parmi les déterminants de la réussite universitaire les plus mentionnés, se trouve l'origine socioéconomique et culturelle de l'étudiant. Cette origine sociale est davantage lisible à travers les caractéristiques de leurs parents et de leur environnement social.

Aussi bien aux niveaux inférieurs que dans le supérieur, l'influence du milieu social d'appartenance de l'apprenant a souvent été déterminante. La famille d'origine à travers les divers aspects qui la caractérisent a une influence sur les performances de l'étudiant. Malgré qu'ils aient échappé à la rude loi de la sélection scolaire en grande partie basée sur l'origine sociale en arrivant à l'université, ils ne sont tout de même pas définitivement sortis de l'influence de ce facteur sur leurs études. Le milieu social d'origine intervient dès lors durant les études universitaires.

Bourdieu et Passeron (1964), se démarquant de la conception républicaine de l'école développée par Durkheim, sont convaincus et montrent que cette institution a essentiellement pour fonction de légitimer les inégalités de chances dont sont porteurs les apprenants (étudiants), du fait de leur origine sociale. Selon Bourdieu et Passeron (1964) les enfants de milieux favorisés (enfants de cadres supérieurs ou de professions libérales) acquièrent au sein de leur environnement familial un héritage culturel qui leur donne une avance sur les enfants de milieux défavorisés (enfants d'ouvriers, d'agriculteurs, de cadres moyens) durant leur parcours scolaire. Or le savoir-faire et le savoir-être dont

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héritent les enfants de cadres supérieurs et de professions libérales est analogue à ceux que transmettent l'enseignement. Ils montrent alors que ce déséquilibre qui s'observe dès le départ au sein de leur milieu social d'origine entre les enfants des familles favorisées et ceux des familles défavorisées les accompagne durant toute leurs études et notamment lorsqu'ils arrivent à l'université. Les enfants d'ouvriers réussissant moins durant leur parcours, il est ainsi clair du point de vue de ces auteurs que ces enfants disposent de moins de chances que ceux de cadres supérieurs d'accéder à l'université ou alors d'y réaliser un parcours performant :

« Un fils de cadre supérieur a quatre-vingts fois plus de chances d'entrer à l'université qu'un fils de salarié agricole et quarante fois plus qu'un fils d'ouvrier ; ses chances sont encore le double de celles d'un fils de cadre moyen. » (Bourdieu & Passeron, 1964, p. 12).

Au vu de leur situation, tout comme aux niveaux antérieurs, l'enseignement supérieur est pour les enfants d'ouvriers un univers étranger, ce qui n'est pas le cas pour les enfants de cadres. Gruel (2002) dira ainsi, parlant de la réussite universitaire que : « On sait également que les étudiants issus des classes populaires ont des taux de réussite plus faibles que ceux de leurs condisciples d'origine aisée. » (Gruel, 2002, p. 1). Il analyse la réussite des étudiants par rapport à leur origine sociale en prenant en compte des éléments comme le niveau de revenu des parents ainsi que leur niveau d'instruction. Toutefois, le niveau d'instruction des parents n'a pas autant d'influence sur le parcours des enfants au supérieur qu'au primaire et au secondaire. En résumé on peut retenir que dans la conception de Gruel, les facteurs sociaux ont un effet déterminant sur la réussite de l'étudiant, mais ils agissent avec d'autres facteurs. Dans le même sens, Gourévitch (1973) démontre que les enfants d'ouvriers sont victimes d'une inégalité de réussite devant l'école, tant leur effectif chute au fur et à mesure qu'on va vers les niveaux d'enseignement les plus élevés.

Lambert-Le Mener (2012) ne rejette pas pour sa part l'effet du facteur social, mais cet auteur considère ce facteur comme ayant une influence secondaire. Son influence sur la réussite à l'université n'est pas directe.

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« Les analyses en pistes causales menées dans cette recherche ont en effet montré que, bien que le milieu social, dans une acception large du terme, n'ait que peu d'influence directe sur la réussite universitaire, il exerce un effet indirect qui transite par la série du baccalauréat. Plus particulièrement, il a été mis en avant qu'un niveau élevé de diplôme pour la mère augmente la probabilité d'accéder en série scientifique au lycée, parcours confortant une meilleure chance de réussite universitaire. En outre, le statut professionnel et social exerce également un impact indirect sur la réussite via les séries du baccalauréat. Ainsi, un enfant de cadre augmente ses chances de réussite universitaire par une accession facilitée en série scientifique, quand l'effet d'être un enfant d'ouvrier sur les performances académiques à l'université s'exerce à travers la probabilité accrue d'accéder à une série technologique ou professionnelle.» (Lambert-Le Mener, 2012, p. 289).

Dans le même ordre d'idée, Coulon et al. (1990) admettent que le milieu social d'appartenance exerce une influence déterminante sur les études des apprenants. Cependant ils démontrent qu'ayant subi l'influence de cette inégalité liée à l'origine sociale durant leur parcours antérieur, les apprenants qui arrivent au niveau supérieur après avoir passé l'étape supplémentaire de la sélection, semblent être moins soumis aux inégalités de réussite dans l'enseignement supérieur que dans les niveaux antérieurs. Contrairement à d'autres auteurs, Coulon et al. (1990) relativisent l'influence de l'origine sociale de l'étudiant sur son parcours universitaire. Ils démontrent alors la dissimulation de l'influence du milieu social sur la réussite à l'université en affirmant que :

« Si on considère en effet les filières séparément, on s'aperçoit que la réussite parait liée dans la plupart des cas à l'origine sociale. Si on considère l'ensemble de la population étudiante toutes disciplines confondues, cette liaison disparait et le taux de réussite parait indépendant de l'origine sociale. Ce paradoxe s'explique aisément : c'est que les étudiants de milieux populaires ont tendance à se concentrer dans les filières « faciles » ou peu sélectives, qui sont aussi les moins rentables socialement, alors que les étudiants issus des milieux privilégiés choisissent plus fréquemment les filières où la sélection est plus sévère, comme la physique et la médecine. L'auto-sélection que constitue le choix de filières plus faciles et moins « rentables » socialement sert ainsi de masque, de relais et d' « adoucissant » à l'inégalité devant la sélection. » (Coulon et al., 1990, p. 63).

Coulon et al. (1990) montrent en fin de compte qu'au fur et à mesure qu'on monte dans les études, les déterminants scolaires (études effectuées antérieurement, mentions obtenues, etc.) tendent à peser davantage que les déterminants proprement sociaux (milieu d'origine). Ils reconnaissent néanmoins que « ce passé scolaire est lui-même dans une large mesure la retraduction (volontiers « oublieuse ») d'un passé social. » (Coulon et al., 1990, p. 631).

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L'influence de l'environnement social très déterminante ou du moins très souvent évoquée dans les niveaux d'études antérieurs ne connait pas la même ampleur à l'université. La famille d'origine de l'étudiant participe ainsi à lui procurer des avantages par rapport à ses autres camarades de familles défavorisées notamment sur le plan matériel. En effet les études universitaires requièrent un investissement financier ou matériel important. Mais les étudiants n'ont pas tous la possibilité de disposer des moyens nécessaires pour prendre en charge ces études. Certains font face à des difficultés matérielles qui ne manquent pas d'avoir des répercussions sur leur parcours universitaire. Ce qui signifie que les conditions matérielles des étudiants sont également à prendre en compte dans la connaissance des déterminants de la réussite à l'université.

« Les étudiants qui réussissent se caractérisent donc par des dépenses plus importantes pour leur vie étudiante (études, habillement, santé, téléphone). Ceux qui sont en échec ont davantage de soucis financiers et des dépenses relatives à la vie quotidienne plus importantes (logement, alimentation, transport). » (Lassarre et al., 2003 : 13)

Durant son parcours universitaire l'étudiant est soumis à des exigences relatives à ses études, mais aussi à son existence quotidienne. Il a notamment besoin des moyens financiers pour payer l'inscription, le logement, l'alimentation, etc. La difficulté apparait lorsque l'étudiant ne dispose pas des moyens nécessaires pour assurer ses études universitaires. Et cette situation a forcément des répercussions sur ses choix et ses résultats scolaires. Parmi tant de déterminants de la réussite à l'université, Demeuse et al. (2014) ont relevé que la réussite des étudiants à l'université dépend également de leur niveau de revenu ou de celui de leurs parents : « les étudiants sont d'autant plus susceptibles d'échouer ou d'abandonner durant leur premier cycle à l'université qu'ils (ou leurs parents) ont de faibles revenus ... » (Demeuse et al., 2014, p. 1). Dans la même optique, s'intéressant à l'échec notoire des enfants de la démocratisation, Beaud (2005) relève que ces enfants de famille modeste (désormais étudiants) ont en majorité une situation socioéconomique précaire.

« ... la grande majorité d'entre eux, qui appartiennent à des familles populaires frappées par la précarité, vivent souvent « en cité » et beaucoup d'entre eux sont issus de l'immigration (maghrébine, turque ou africaine). Or le contraste est saisissant entre, d'une part, le

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caractère massif de cet échec - tel qu'on peut le constater à partir d'enquêtes de terrain et/ou en tant qu'enseignant en Fac (c'est notre cas -) et, d'autre part, la faible attention, eu égard à l'importance de l'enjeu, accordée par l'institution universitaire ou par les représentants politiques à cette question. » (Beaud, 2005, p. 1).

A l'université, le lien entre niveau de revenu et résultats scolaires est encore très perceptible. L'une des implications des difficultés de l'étudiant sur le plan financier est l'exercice d'un travail rémunéré, parallèlement aux études.

En ce qui concerne les familles, lorsque les dépenses publiques à l'éducation diminuent, celles qui sont les plus pauvres sont affectées. Les étudiants issus de ces familles subissent l'influence des difficultés de financement en termes de leur condition d'études et de vie. A propos du Togo, l'UNESCO (2007) a relevé que :

« Ces dernières années, les fonds publics destinés aux écoles publiques se sont révélés insuffisants pour répondre à l'augmentation de la demande d'éducation. Les dépenses publiques d'éducation étaient de 41,3 milliards de FCFA en 2000 contre 37,1 milliards en 2004, soit une diminution d'environ 10 % en valeur absolue. Leur part dans les dépenses totales de l'État a décliné de 23,1 % en l'an 2000 à 18,5 % en 2004. De même, la part des dépenses publiques réservée au secteur de l'éducation par rapport au PIB a aussi diminué de 4% à 3,1 % pendant la même période. Compte tenu de la diminution relative des dépenses publiques pendant cette période, le secteur de l'éducation a subi des réductions plus sévères que les autres secteurs. L'impact de cette situation sur les populations les plus pauvres a été important. La réduction drastique des appuis extérieurs, qui ont longtemps représenté 80% des dépenses d'investissements de ce secteur, a participé comme ailleurs à la forte baisse des investissements réalisés. » (UNESCO, 2007, p. 6-7).

Avec la massification que connaissent les universités, la tendance à l'arrivée des étudiants d'origine modeste est plus que certaine. Du fait des difficultés économiques ces étudiants sont soit contraints d'abandonner les études universitaires (UNESCO, 2007 : 26), soit tenus de faire face aux conditions d'études pénibles avec les répercussions qui s'en suivent, notamment sur leurs résultats.

L'influence des conditions matérielles sur l'éducation détermine bien souvent la possibilité pour les apprenants de se maintenir ou non dans le système éducatif, ainsi que d'avoir de bons résultats. En situation de précarité, les apprenants issus de familles démunies connaissent des difficultés pour évoluer normalement dans leur scolarité, développent des stratégies pour se maintenir dans le système ou optent simplement pour

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l'abandon. C'est dans cette optique que Vissého (2005) démontre que lorsque les conditions de vie se dégradent, les ménages scolarisent de moins en moins leurs enfants mais les engagent sur le marché du travail de manière croissante (Vissého, 2005). L'importance des ressources financières dans l'entrée et le maintien dans le système éducatif est fondamentale. Les familles, à qui reviennent les charges d'éducation des enfants doivent être en mesure de mobiliser les ressources nécessaires pour assurer à leurs enfants le type d'éducation qu'elles souhaitent. Les problèmes relatifs à la sous scolarisation des populations, notamment en Afrique subsaharienne proviennent en partie de la faiblesse des ressources financières des familles. Ces difficultés financières auxquelles les étudiants de familles pauvres sont contraints de faire face ont généralement des répercussions sur leur réussite. De ce point de vue on peut également concevoir qu'à niveau scolaire équivalent, les étudiants les plus en difficulté financière échouent plus souvent que les autres (MENESR, 2014). Des travaux de Beffy et al. (2009), il est entre autres ressorti que lorsque les conditions de vie des étudiants sont précaires, cela les conduit à opter pour un travail parallèlement aux études et ensuite leurs résultats sont affectés, surtout à partir du moment que ceux-ci franchissent le seuil des 16 heures de travail par semaine. Le manque de ressources financières est également à l'origine de l'abandon des études ou de la réalisation d'études courtes (Verley, Zilloniz, 2011).

Il apparait à travers cette section que l'influence du milieu social d'origine sur la réussite des étudiants est assez mitigée, d'autres déterminants entrant en jeu pour agir sur la réussite ou la poursuite des études par l'étudiant. De ce fait nous nous intéressons dans les sections qui suivent, aux facteurs relatifs à l'exercice d'une activité économique, au regard de la spécificité de cette thèse.

2.2.2- Ampleur et motivations liées à l'exercice d'une activité économique

Le choix d'exercer une activité économique (encore désignée sous les appellations travail étudiant, emploi étudiant, activité rémunérée) est une réalité dont l'ampleur s'est révélée dans les universités occidentales à partir des années 1980-1990. En France, de 1992 à

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2002, la proportion des étudiants salariés était de 12,6% et de 19,2% entre 2004 et 2006 (Wolff, 2017). Aux Etats-Unis où le phénomène est plus présent, la proportion des étudiants qui travaillent est encore plus élevée et augmente quand on évolue vers les niveaux supérieurs : 23% pour ceux inscrits en première année, 45% en deuxième année, 66% en troisième année et 75% en quatrième année sur la période allant de 1997 à 2003. Zilloniz (2017) évoque pour sa part l'ampleur du travail rémunérée au sein des jeunes âgés de 18 à 29 ans et qui étudient. Ces jeunes représentent selon l'auteur, 13% et optent le plus souvent pour des contrats de courte durée (CDD, contrat saisonnier ou d'intérim) ou des travaux à temps partiel.

La démocratisation de l'enseignement supérieur ainsi que les types de contrats qui sont désormais offerts se trouvent être des éléments déclencheurs :

La démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur, de 1960 à aujourd'hui, a conduit à de nouveaux besoins de financement des études pour une proportion d'étudiants de plus en plus grande. La généralisation en parallèle de contrats de courte durée, d'intérim, ou à temps

partiel, a permis le développement du cumul emploi-études. (Zilloniz, 2017, p. 1).

L'auteur précise que la part des étudiants qui exercent une activité économique augmente au fur et à mesure qu'avance l'âge. Pour Béduwé et Cahuzac (1997), en France, plus du tiers des étudiants de l'université travaille. Domingo (2006) citant l'Observatoire de la Vie Etudiante (OVE) dira quant à elle que 8 étudiants sur 10 exercent au moins une activité rémunérée (emploi régulier, jobs d'été ou petits boulots) pendant l'année et 5 sur 10 travaillent pendant l'année universitaire, au risque de compromettre leurs études.

Dans une étude menée auprès des étudiants de l'Université du Québec, le constat est qu'en près de 20 ans (1993 à 2011), la proportion d'étudiants qui a un emploi au premier trimestre des études de baccalauréat à temps complet est passée de 38 % à 66 % en 2011, ce qui représente une augmentation de plus de 70 % du taux de participation. De même que le nombre d'heures passées au travail par ces étudiants a augmenté, passant de 14,6 heures à 16,7 heures par semaine.

Les motifs qui amènent les étudiants à l'exercice d'une activité économique ne sont pas les mêmes pour tous. Si pour beaucoup il est d'ordre économique, certains y voient

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l'occasion de se préparer à leur future carrière professionnelle. Avec la massification dans les universités, beaucoup d'étudiants venant de familles défavorisées se retrouvent dans des conditions d'études difficiles, mais aussi font par la suite face à des difficultés à accéder à l'emploi. Cela fait donc dire à Béduwé et Giret (2008) que l'exercice d'une activité économique obéit à une double motivation :

Il a, en effet, deux facettes : à la fois ressource financière et source d'expérience professionnelle, il est en même temps gênant pour la réussite des études et plutôt bénéfique lorsqu'il s'agit de trouver son premier emploi. Un certain consensus se dégage toutefois quant à son rôle sur la vie des étudiants, pour peu qu'on tienne compte de la diversité et de la durée de ces activités en cours d'études. (Béduwé & Giret, 2008, p. 25).

Domingo Pauline (2006) dira que le travail étudiant n'est pas seulement destiné à satisfaire les besoins d'ordre financier indispensables à la poursuite des études, notamment les besoins alimentaires, mais il permet à ceux qui s'y adonnent de découvrir le marché du travail et le monde de l'entreprise et souvent d'acquérir des compétences. Domingo Pauline précisera qu'il y a une hétérogénéité en ce qui concerne la combinaison études - activités rémunérées. Mais de la typologie qu'elle a dressée, il ressort que les conditions socioéconomiques des parents et l'avancement en âge des étudiants sous-tendent cette combinaison. Les interactions avec le projet professionnel sont également relevées.

Hoffmann-Martinot et al. (2016) identifient trois raisons pour lesquelles les étudiants optent pour une activité rémunérée. Par rapport à ces raisons, ils catégorisent les étudiants en trois groupes : les étudiants-travailleurs dont l'emploi n'est pas une nécessité économique, les étudiants-travailleurs bénéficiant d'une aide financière de la famille limitée et les étudiants-travailleurs ne bénéficiant d'aucune aide financière de la famille. Pour ces auteurs, l'influence de la famille est donc centrale dans la détermination des motifs qui conduisent les étudiants à l'exercice d'une activité rémunérée. Ils diront ainsi que :

La possibilité d'une prise en charge financière par la famille par exemple, ou l'intérêt qu'elle porte à la réussite universitaire et professionnelle conditionne en effet les motivations à exercer un emploi étudiant, les modalités de son exercice ou encore, les parcours d'études chaotiques. (Hoffmann-Martinot et al., 2016, p. 5).

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Berail (2007) est également d'avis que le choix d'un travail étudiant est davantage motivé par des besoins financiers. Si pour les uns la poursuite des études en dépend, pour les autres, il s'agit d'améliorer les conditions de vie ou encore, financer les loisirs (Berail, 2007, p. 8). Mais selon l'auteur, le travail étudiant ne répond pas uniquement à un besoin d'ordre financier. Il faut également y voir le besoin d'une indépendance financière dans la mesure où les études se prolongent, le désir d'une affirmation social ou la recherche d'expérience.

Cependant, le besoin de financement des études n'est pas la seule motivation qui conduit les étudiants à travailler. D'autres raisons existent, plus difficilement quantifiables, comme le souhait d'autonomie et de reconnaissance sociale ou la volonté de découvrir le monde du travail ou de rechercher des expériences professionnelles qui pourraient s'avérer utiles dans leur futur parcours. (Berail, 2007, p. 8).

Considérant les études comme un investissement destiné à avoir un revenu plus important dans le futur (anticipation), Dagenais et al. (2000) révèlent que certains étudiants n'espérant pas récolter les fruits de cet investissement (dans le cas où les formations suivies n'offrent pas d'emploi à la sortie) optent pour l'exercice d'une activité qui puisse leur permettre d'accumuler de l'expérience dans des domaines pouvant leur permettre d'accéder à un emploi après les études. Ils diront pour cela que :

Or pour certains étudiants, rien ne garantit la réalisation de ces anticipations. Plusieurs sources d'incertitude existent. La formation reçue prépare-t-elle au marché du travail ? Certains étudiants pourraient ne pas voir dans l'immédiat l'intérêt de s'assurer d'un emploi par une formation académique et ils peuvent chercher à élargir leurs expériences par un travail à temps partiel. » (Dagenais et al., 2000, p. 151).

La préoccupation des étudiants par rapport à l'accès à l'emploi après la formation est de plus en plus grandissante, d'où cette approche, que certains étudiants poussent à l'extrême en abandonnant les études pour l'activité exercée (Dagenais et al., 2000). On peut ainsi mentionner que lorsqu'ils ont conscience de la précarité de leur condition de vie, les étudiants, notamment ceux qui optent pour une activité rémunérée par nécessité posent un regard beaucoup plus éclairé par rapport à leur avenir professionnel et ont davantage de projets au plan familial que les étudiants qui travaillent par choix (Jetté, 2001, p. 67). Mais pour Pinto (2014), le choix d'exercer une activité économique ne tient pas du

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hasard ; le domaine dans lequel l'étudiant s'oriente dépend de son origine sociale. Sarfati (2014) commentant l'étude de Pinto (2014) dira à ce propos que les ressources sociales dont on dispose et l'expérience acquise, en un mot, les propriétés sociales des individus ont tendance à les « prédestiner » à occuper un emploi dans tel ou tel pôle alors même qu'ils n'envisagent pas d'y avoir une présence durable. L'étudiant ne serait dans ce cas pas totalement maître du choix qu'il fait, mais il subit également une influence de son milieu social d'origine.

Ayant pris de l'ampleur à partir des années 1980-1990 du fait de la massification dans l'enseignement supérieur et de l'arrivée en nombre des étudiants de couches sociales modestes (Bérail, 2007), l'emploi étudiant trouve chez les concernés des justifications de plusieurs ordres : prise en charge des besoins existentiels, besoin d'indépendance financière, prise en charge des besoins de loisir, nécessité d'acquisition d'expérience professionnelle, etc. Deux catégories d'étudiants sont néanmoins à distinguer selon leur rapport à l'activité économique : ceux qui font ce choix par nécessité et ceux qui n'y sont pas contraints (Jetté, 2001). Schuller (2017) parlera de motifs de nécessité (comme se loger, se nourrir) et de motifs de confort (comme les loisirs). Elle a indiqué par ailleurs que contrairement aux élèves du secondaire dont l'exercice d'un travail rémunéré est destiné à avoir plus d'argent de poche à dépenser dans des biens de consommation rapide, dans l'enseignement supérieur, l'exercice d'une activité économique est davantage une nécessité pour la poursuite des études. Perrin (2007) précisera ainsi pour sa part que :

Pour un tiers de ces étudiants, l'apport financier représenté par ce type d'emploi est essentiel, car il leur permet de payer leur nourriture ou leur loyer. Pour les autres, il permet d'engager un projet personnel, ou de diminuer leur niveau de dépendance par rapport à leur famille, et d'une manière générale de disposer de plus d'autonomie. (Perrin, 2007, p. 9).

A la suite de ce choix, quelles sont véritablement les activités que les étudiants se retrouvent à exercer ? Le sous-titre suivant nous éclairera sur cet aspect.

2.2.3- Les formes et les types d'activités auxquelles les étudiants s'adonnent

Les activités rémunérées dans lesquelles les étudiants s'engagent prennent diverses formes et ont des caractéristiques différentes. La littérature aborde cet aspect du

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phénomène en prenant en compte le moment de l'année auquel l'activité est exercée, le rapport de l'activité à la formation suivie, la nature même de l'activité exercée. Béduwé et Giret (2004) évoqueront ainsi les différenciations suivantes entre formes d'activités : emplois réguliers (plus de 8 heures par semaine tout au long de l'année), petits boulots (activité non régulière, mais pendant le temps scolaire), jobs de vacances, stages en entreprise. Il faut également souligner que les recherches sur le travail étudiant ciblent généralement les étudiants en temps plein, c'est-à-dire ceux dont les études sont considérées comme l'activité principale. Dans cette logique, les étudiants peuvent exercer une activité économique en période de cours (durant l'année académique) ou en vacances. Domingo (2006) distingue de ce fait « emploi régulier, job d'été et petits boulots ». Zilloniz (2017) s'est en ce sens intéressée aux formes sous lesquelles se présentent ces activités et révèle que les étudiants occupent une diversité d'activités : activité exercée tout ou partie de l'année, activité exercée uniquement l'été, activité parallèle aux études, activité au moins en partie liée à leurs études (stage, vacation dans un laboratoire, internat hospitalier, etc.), activité régulière, activité occasionnelle. Il s'agit souvent d'activités à contrat de courte durée (CDD, contrat saisonnier ou d'intérim) ou des travaux à temps partiel.

Une autre préoccupation est de savoir si l'activité exercée par l'étudiant est liée ou non à ses études. De façon globale, les étudiants qui exercent une activité économique s'investissent soit dans une activité qui est en relation avec la formation qu'ils suivent, soit dans une activité qui n'a pas de lien avec leur formation. Selon Sales et al. (1996) cités par Jetté (2001), la majorité des étudiants estime que la nature de leur travail rémunéré durant leurs études ne leur a permis d'acquérir aucune expérience liée à leur domaine d'études. Ceci traduit le fait que le lien n'existait pas. Selon une étude réalisée en 2016 en France, il y a davantage d'étudiants exerçant une activité économique qui n'est pas en lien avec leur formation que d'étudiants ayant une activité liée à leur formation (Schuller, 2017). Généralement lorsqu'ils y arrivent par nécessité de combler

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des besoins d'ordre financier, la préoccupation est moins d'opter pour une activité en lien avec la formation suivie.

Par rapport à la nature même des activités exercées par les étudiants, Perrin (2007) y a apporté une précision, tout en reconnaissant qu'elles sont d'une infinie variété. Ces activités vont donc de la garde d'enfants à des emplois d'encadrement, en passant par les leçons particulières, les « jobs » d'employé de commerce (nombreux dans la restauration rapide), les activités d'animation, d'enquête, de surveillance ou d'enseignement (suppléance de professeurs des écoles par exemple), d'ouvriers, d'employés de bureau ou de travailleurs dans les services. Il s'agit là d'activités qui n'ont généralement pas de liens avec les études. Quant aux activités qui ont un lien avec les études, l'auteur a relevé des emplois d'ATER (Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche), de professeur stagiaire, de vacataire universitaire, d'interne ou d'externe d'hôpitaux. Perrin (2007) confirme que les étudiants dont l'activité est en lien avec les études sont en faible proportion par rapport à ceux dont l'activité à un lien avec les études. Par ailleurs, les étudiants de plus jeune âge, ceux issus de familles aisées ou encore les filles s'orientent davantage vers des activités qui sont en lien avec leurs études (Laberge et al., 2011). De même, les étudiants des grandes écoles sont plus représentés dans les domaines d'activité liés à la formation suivie, alors que ceux qui s'inscrivent dans les filières littéraires exercent des activités qui n'ont aucun lien avec leur formation (Pinto, 2014). Sales et al. (1996) montreront quant à eux que de façon globale, les étudiants des sciences pures et appliquées et des sciences de la santé se retrouvent moins dans un travail rémunéré que les étudiants des autres domaines d'études.

S'efforçant de caractériser les différents marchés du travail étudiant, avant de dévoiler les usages sociaux dudit travail, Pinto (2014) dresse une typologie à partir des secteurs d'activité qu'elle a ciblés : un pôle commercial (activités marchandes) et un pôle culturel (activités s'inscrivant dans le secteur non lucratif) ; le pôle commercial étant celui qui est le plus investi par les étudiants. Laberge et al. (2011) identifient également les activités

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telles que le commerce, l'hébergement et la restauration comme étant celles pour lesquelles les étudiants optent le plus :

Sans surprise, la majorité des emplois occupés pendant les études par les participants se retrouvent dans les secteurs d'activité habituellement fortement investis par les jeunes travailleurs, tels le commerce de détail, l'hébergement et la restauration. (Institut de la statistique du Québec, 2007 cité par Laberge et al., 2011, p. 67).

Les étudiants qui travaillent se retrouvent donc le plus souvent dans le secteur tertiaire. En effet, cela s'explique selon Jetté (2001) par l'expansion qu'a connue ce secteur au cours des années 1960. Il s'agit, explique l'auteur, d'un secteur qui ne nécessite pas de grandes compétences et qui demande une main-d'oeuvre flexible. Les étudiants sont qualifiés pour occuper les emplois que crée ce secteur. Fradette (2009) retrouve également dans une étude auprès de jeunes élèves et collégiens une grande majorité d'entre eux qui travaillent dans le secteur du commerce.

Les étudiants qui occupent une activité rémunérée se retrouvent dans diverses situations la forme et les caractéristiques que prend cette activité. Le niveau d'engagement étant relatif à la nature de l'activité exercée, un intérêt est accordé au temps qu'elle leur prend.

2.2.4- Le temps consacré à l'exercice d'une activité économique

Le temps que les étudiants consacrent à l'activité économique qu'ils exercent fait souvent objet de débat du fait de l'influence d'un temps élevé d'activité sur leur bien-être ainsi que sur leur réussite. A cause de cette influence, on peut relever à travers les recherches des seuils à prendre en compte. C'est par exemple dans cette optique qu'en 1996 au Canada, les syndicats et le patronat québécois se sont entendus pour introduire une limite d'heures de travail par semaine pour les étudiants, aujourd'hui fixée à quatorze (14) heures (Schuller, 2017).

Dans une étude sur le phénomène de cumul d'activité rémunérée et des études par les étudiants en France, Zilloniz (2017) fait l'état des lieux des différentes formes d'activités occupées par ceux-ci et le temps qu'ils y consacrent selon chaque forme d'activité. Ainsi retrouve-t-on les étudiants stagiaires qui sont des salariés à temps complet, qui ne suivent

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pas d'enseignement pendant leur période de stage et qui effectuent 35 heures de travail par semaine ; les salariés étudiants effectuent quant à eux un nombre plus élevé d'heures de travail, soit 40 heures (ils travaillent souvent tard le soir, la nuit, le samedi et le dimanche) ; les étudiants occupant des emplois occasionnels, souvent en été avec plus de 3 jours par semaine et 5 heures d'activité par jour ; pour ce qui est des étudiants qui occupent des emplois occasionnels en dehors des mois d'été, ils travaillent en moyenne 15 heures 35 minutes par semaine. C'est cette dernière forme d'activité qui est le plus souvent prise en compte dans la littérature en étudiant son lien avec la réussite des étudiants.

Ainsi, avec le développement de l'emploi étudiant, le nombre d'heures qu'un étudiant consacre à l'activité exercée a également connu une augmentation.

Sylvie (2013) constate de ce fait qu'à l'Université du Québec (UQ), la moyenne d'heures travaillées par semaine a connu une hausse, passant de 14,6 heures en 1993-1994 pour atteindre 16,7 heures en 2011. De même, le seuil d'heures de travail est passé de 15 heures de 1993-1994 à 2001 à 25 heures en 2006. Les étudiants sont donc amenés à travailler plus qu'ils ne le faisaient.

De par la littérature, il faut dire qu'il n'existe pas de consensus sur le nombre d'heures qu'un étudiant devrait travailler et par conséquent sur le seuil à ne pas dépasser en ce qui concerne le nombre d'heures de travail. Ce seuil qui est en fait le nombre d'heures de travail par semaine que ne devraient pas dépasser les étudiants concernés est souvent vu par rapport à son incidence sur leurs chances de réussite ainsi que de poursuite des études. En ce sens, l'observatoire de la vie étudiante en Aquitaine (2016) s'est penché sur la question du temps consacré à l'activité rémunérée. Du point de vue de l'observatoire, le seuil à ne pas dépasser par les étudiants est de 8 heures d'activité par semaine. Les étudiants qui travaillent en deçà de ce seuil réussissent même mieux que ceux qui n'ont pas d'emploi rémunéré. Par contre, ceux qui travaillent au-delà des 8 heures ont plus de difficultés à réussir. Pour Steinberg et Dornbusch (1991), le seuil d'heures de travail à ne

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pas dépasser pour s'assurer la réussite universitaire est légèrement élevé par rapport à celui de l'observatoire. Ils considèrent pour leur part que les étudiants qui ont une activité qui leur prend 10 heures ou moins par semaine ne perçoivent pas d'influence négative sur leur réussite. Au-delà de ce seuil, ils ressentent les effets négatifs de ce choix sur leur réussite.

Dans son étude auprès des étudiants du niveau baccalauréat à temps plein, le seuil relevé par Sylvie (2013) est 20 heures. Mais selon l'auteur, de façon spécifique les femmes de première génération universitaire de même que les moins de 21 ans peuvent aller jusqu'à 25 heures, alors que les hommes de première génération universitaire ne devront pas dépasser 15 heures de travail par semaine. Des particularités apparaissent donc par rapport aux catégories d'étudiants en ce qui concerne le nombre d'heures de travail à ne pas dépasser pour ne pas porter préjudice à leurs études.

Dans son étude sur l'influence du travail étudiant sur la réussite universitaire, D'Amico (1984) montre que le temps consacré aux études ainsi qu'aux activités de loisir subit une influence du fait des variations des heures de travail. Les répercussions négatives sur les résultats scolaires dépendent quant à elles du dépassement du seuil des 20 heures de travail par semaine. La réussite des étudiants est donc affectée négativement quand ils effectuent plus de 20 heures de travail par semaine.

Marsh (1991) quant à lui prend en compte un ensemble d'indicateurs de performance scolaire sur lesquels les effets négatifs du travail étudiant sont relevés. Ces effets sont positifs ou négatifs selon que le nombre d'heures de travail est modéré ou élevé. Dans la même logique, Turner mesure l'influence du nombre d'heures de travail à partir d'un indicateur tel que l'emploi du temps. Le temps passé devant la télévision et celui passé à faire les devoirs sont pris en compte. L'auteur démontre en effet que lorsque les étudiants travaillent durant 20 heures par semaine, le temps passé devant la télévision est réduit par rapport à celui consacré aux devoirs. Selon l'auteur, c'est sur les activités de loisirs que le travail rémunéré agit.

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Le temps consacré à l'activité économique par les étudiants est un élément déterminant pour percevoir l'influence ou non de celle-ci sur leur réussite, mais aussi sur leurs activités de loisirs, leur bien-être, etc. Toutefois, il est difficile de fixer un temps précis que les étudiants devront respecter.

2.2.5- L'influence du travail étudiant

Les étudiants qui choisissent d'exercer une activité économique parallèlement aux études rencontrent souvent fortunes diverses. Les implications que peut avoir un tel choix ne sont donc pas vécues de la même façon ; elles touchent autant le bien-être de ces étudiants, que leurs performances scolaires et même la poursuite des études.

En ce qui concerne le bien-être des étudiants qui exercent une activité rémunérée, Fradette (2009) s'est intéressé aux risques que courent les jeunes (17 et 18 ans) qui travaillent pendant qu'ils étudient.

Il s'agit de jeunes qui occupent des emplois variés et qui consacrent en moyenne 14 heures par semaine à leur activité voire plus. C'est en effet le nombre élevé d'heures d'activité qui soulève des préoccupations chez l'auteur, notamment pour ce qui est de la santé de ces jeunes. Selon lui, le cumul études/travail prédispose les jeunes à développer des symptômes relatifs à la fatigue. Des conséquences plus sérieuses pèsent sur leur santé, car le travail expose les jeunes aux accidents ainsi qu'à des problèmes de sommeil et des symptômes relatifs à des lésions professionnelles (douleurs au dos, au cou, à la nuque, aux épaules, aux bras, aux poignets, aux mains).

L'auteur met l'accent sur la possibilité pour les étudiants qui travaillent de préserver leur bien-être à travers la mise en place de formation aux mesures de sécurité pour certains types d'emploi, afin d'éviter les problèmes de santé qui surviennent, ainsi que les accidents. Dans la logique des effets de l'activité rémunérée sur le bien-être des étudiants, Möller (2016) s'est intéressée à l'influence d'un travail parallèlement aux études sur le sommeil de l'étudiant. Dans une étude réalisée auprès d'étudiants qui cumulent formation et emploi, l'auteur a montré que ce phénomène ne manque pas de perturber le sommeil

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des étudiants concernés, parce que ceux-ci se retrouvent à couper dans leurs heures de sommeil pour réussir à effectuer toutes leurs tâches. L'auteur révèle ainsi que le cumul formation-emploi a un effet négatif sur le sommeil des étudiants en cours d'année scolaire, de même que sur leurs activités socioculturelles. La même préoccupation a guidé Berail (2007) selon qui :

« Les expériences de travail ont des conséquences dans la vie des étudiants, notamment sur la santé et leurs rythmes de vie. Même si peu de travaux étudient le lien direct avec l'exercice d'une activité rémunérée, des observateurs s'inquiètent ainsi de la situation de la santé des étudiants tant dans ses aspects physiologiques que psychologiques : stress, déprime, accroissement des comportements à risque, augmentation des problèmes de sommeil... » (Berail, 2007, p. 10).

Cette situation est néanmoins à relativiser selon l'auteur, car du point de vue de certains auteurs, les situations de cumul études-travail auraient un impact en fonction de leur intensité et de leurs conditions.

Il précise ainsi que :

« (...) au-delà d'une durée de 15 à 20 heures par semaine, le travail entraîne une diminution du nombre d'heures de sommeil et de l'exercice physique ainsi qu'une augmentation de la consommation de tabac et d'alcool et une plus grande fatigue. À l'inverse, une situation de travail de qualité, qui permet notamment de développer des apprentissages, a un effet positif avec non seulement une augmentation de la motivation et de la satisfaction au travail, mais aussi une meilleure santé, une plus grande estime de soi et une diminution du stress et des tendances dépressives. » (Berail, 2007, p. 10).

Le phénomène ayant interpelé Wolff (2017), il reconnaitra pour sa part, comme effet de l'exercice d'une activité économique, que celle-ci lorsqu'elle est exercée pendant l'année universitaire se fait au détriment du temps consacré aux études, à la fois à suivre les cours et en ce qui concerne le travail personnel. Non seulement la régularité de l'étudiant aux cours est affectée, son investissement dans les travaux personnels liés aux études subit également une influence négative. La conséquence est de ce fait perceptible sur la réussite de l'étudiant :

« Les contraintes horaires imposées par l'emploi, qui vont être d'autant plus fortes que les étudiants travaillent à mi-temps ou davantage, sont autant d'obstacles pour pouvoir assister régulièrement aux cours et ne permettent pas non plus de dégager le temps nécessaire pour travailler les cours chez soi, même si l'étudiant dispose de davantage de latitude pour l'organisation de son temps personnel. Cette difficulté à consacrer le temps nécessaire aux études supérieures en cas d'emploi est à même d'expliquer les effets négatifs très significatifs sur la réussite au diplôme. » (Wolff, 2017, p. 21).

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Par rapport à la réussite des étudiants qui exercent une activité économique parallèlement aux études, les résultats de différentes études sont divergents : une première catégorie de travaux a essayé de relever les effets négatifs de l'exercice d'une activité économique sur la réussite universitaire (Greenberger & Steinberg, 1980 ; Mortimer et Finch, 1986 ; Marsh, 1991). Dans cette logique, Beffy et al. (2009) ayant réalisé l'estimation des effets du travail salarié des étudiants sur leur réussite universitaire et leur décision de poursuite des études, ont montré que l'occupation d'un emploi régulier réduit significativement la probabilité de réussite à l'examen de fin d'année universitaire. Cette situation peut avoir une influence négative sur la réussite de l'étudiant spécifiquement lorsqu'il consacre beaucoup d'heures au travail salarié (Beffy et al., 2009). Pour Hoffmann-Martinot et al. (2016), la réussite universitaire est assez impactée par le temps consacré à l'emploi.

De leur point de vue, le travail rémunéré agit positivement sur la réussite si l'étudiant n'y consacre pas plus de 8 heures par semaine. En effet, les étudiants qui ont moins de 8 heures de travail ont 1,3 fois plus de chances de réussir leur année universitaire par rapport à ceux qui ne cumulent pas travail et études. Par contre, les étudiants qui ont plus de 8 heures de travail par semaine ont 1,3 fois plus de chances d'échouer par rapport à ceux qui ne travaillent pas. En clair selon les auteurs, le travail rémunéré ne constitue pas un handicap à la réussite de l'étudiant, surtout, tant qu'il n'est pas en concurrence avec ses études. Mais tout compte fait, on ne peut appréhender la réussite des étudiants qu'à la lumière du seul déterminant qu'est le travail ; d'autres éléments tels que la situation économique, la santé, le logement doivent également être considérés. Froment (2012) s'est pour sa part intéressé à la réussite des étudiants de première année qui exercent une activité économique. À la question de savoir si les effets pénalisants du travail salarié en première année s'observent sur la poursuite des études, l'auteur a répondu que le dépassement du seuil de temps consacré au travail a un impact sur l'accès des étudiants en deuxième année.

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Pour cet auteur aussi, les étudiants qui ne dépassent pas le seuil de 8 heures d'activité par semaine n'ont pas de difficultés pour passer de la première à la deuxième année. Concernant le seuil d'heures de travail, Froment (2012) n'a pas manqué de préciser que dans la littérature, le seuil critique souvent relevé est situé entre 10 à 20 heures de travail par semaine. Bonin (2013) affirme quant à elle que c'est au-delà de 20 heures de travail rémunéré par semaine, que l'étudiant au baccalauréat à temps complet devient plus à risque de quitter son établissement sans diplôme. Dans un article sur le travail étudiant, Body et al., (2015) ont essayé d'en mesurer l'impact sur la réussite scolaire en première année de licence et en année supérieure. Les résultats obtenus par les auteurs montrent que l'emploi salarié et sa fréquence vont de pair avec une plus forte probabilité d'abandonner les études en cours d'année et une plus faible probabilité de réussir l'année. Ces effets sont d'autant plus forts que l'intensité de l'emploi occupé est forte.

Zilloniz (2017) considère dans cette logique que les activités les plus déconnectées des études, exercées de façon régulière ou intense peuvent avoir des répercussions non négligeables sur les conditions d'études et sur leur réussite. Belghith (2015) considère en ce sens qu'il faut prendre en compte les caractéristiques de l'activité exercée :

« L'activité rémunérée, parce qu'elle peut empiéter sur le temps des études, présente le risque de venir perturber la réussite des études. Ce risque est variable selon les caractéristiques de l'activité rémunérée. Deux critères de l'activité rémunérée sont particulièrement discriminants : les études et le temps consacré à l'activité. » (Belghith, 2015, p. 9).

De façon absolue, l'activité économique ne constitue pas un frein à la réussite des étudiants ou à la poursuite des études. Elle exerce son effet négatif sous certaines conditions. En guise de synthèse des travaux abordant le sujet sur le plan de la réussite et de l'abandon des études, Bérail (2007) déclare que :

« Des différents travaux menés sur le lien entre le travail étudiant et l'échec aux examens ou l'arrêt des études se dégage un consensus global selon lequel une durée hebdomadaire du travail importante réduit très fortement la probabilité de réussite. En effet, si, en dessous d'un seuil de 15 heures de travail hebdomadaire, l'impact sur la réussite universitaire est faible, le taux d'échec et d'abandon va en augmentant très nettement à partir de 16 à 20 heures travaillées par semaine, avec des différences selon le type d'emploi exercé, le lien avec le cursus de formation ainsi que la filière suivie et le niveau d'études. » (Berail, 2007, p. 10).

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Mais pour une autre catégorie de chercheurs, une activité rémunérée ne constitue pas un facteur d'échec. Le cumul travail-étude n'a pas d'influence significative sur la réussite (Gade & Peterson, 1980 ; Meyer & Wise, 1982 ; Steinberg et al., 1982 ; D'Amico, 1984 ; Hotchkiss, 1986). Au contraire, l'exercice d'une activité économique contribue à la réussite : « Un emploi régulier ne semble pas être un obstacle à la réussite, au contraire il semble apporter un confort financier investi dans les études plutôt favorables. » (Lassarre et al., 2003, p. 13). Gury (2007) dira aussi qu'avoir un travail régulier pendant ses études paraît augmenter les chances d'accès au diplôme. Belghith (2015) a également identifié les conditions dans lesquelles une activité économique est favorable à la réussite : selon lui, une activité liée aux études, peu importe son intensité, augmente la probabilité de réussite des études par rapport au fait de ne pas exercer une activité économique.

En dehors de ne pas constituer un obstacle à la réussite, le travail rémunéré est utile pour les étudiants qui s'y adonnent dans la mesure où il leur facilite l'accès à l'emploi à la fin de leur formation ainsi qu'à un revenu élevé. Dagenais et al. (1999) diront à ce propos que : « Malgré cette difficulté, un consensus se dégage parmi les chercheurs selon lequel le travail pendant les études est fortement corrélé avec une hausse des taux d'emploi et des revenus de travail après la fin des études. » (Dagenais et al., 1999, p. 11).

Les auteurs reconnaitront qu'en règle générale, le travail étudiant a des effets bénéfiques sur l'intégration des étudiants au monde du travail. Marsh (1991) a également montré que la probabilité du chômage deux ans après l'obtention du diplôme décroît pour ceux qui ont occupé un emploi pendant leur dernière année d'études. Dans la même optique, Béduwé et Giret (2004) ont tenté de comprendre en quoi le fait de travailler pendant les études constitue un atout pour les étudiants pour leur carrière professionnelle future. Pour eux, le travail étudiant possède des dimensions de valeur professionnelle tout en apportant une nuance. Ils écriront ainsi que :

« L'enjeu de ces activités menées de front avec des études initiales va ainsi au-delà du rôle évident et essentiel qu'elles jouent dans la constitution de revenus pour les étudiants. Ces activités étudiantes sont, d'une manière générale, jugées positivement par les étudiants et les employeurs, mais elles sont également d'une extrême hétérogénéité. Ainsi, seules certaines

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d'entre elles sont porteuses d'une réelle valeur professionnelle que les employeurs reconnaissent en la rémunérant. Ce sont les activités professionnelles les plus qualifiées, celles qui ont été menées sur de relativement longues durées et celles en rapport avec la formation initiale suivie qui sont les plus valorisées par les étudiants et par leurs futurs employeurs. » (Giret et Béduwé, 2004, p. 22).

Ces auteurs ont le mérite de circonscrire dans quel cadre le travail rémunéré peut être bénéfique aux étudiants du point de vue professionnel, après leur formation. Les activités exigeant un niveau de qualification ainsi que celles en lien avec la formation suivie sont celles qui sont les plus profitables aux étudiants après les études. La diplomation étant la finalité des études, en l'occurrence, des études supérieures, l'influence de l'exercice d'une activité rémunérée sur la réussite des étudiants et sur leur avenir (abandon ou non des études, entrée rapide dans le monde du travail) a fait l'objet de plusieurs travaux de recherche. De façon globale, cette influence (négative ou positive) est considérée par rapport au seuil d'heures de travail et au lien de l'activité exercée avec les études, mais aussi à l'origine sociale, aux caractéristiques sociodémographiques de l'étudiant, etc.

2.3- Cadre de référence théorique

À la suite des réponses que révèle la littérature sur la question du travail étudiant, il est indiqué que nous inscrivions notre recherche dans le cadre théorique pouvant permettre de comprendre les résultats. Il est en effet apparu à travers cette littérature que les recherches sur le travail étudiant sont davantage courantes en Amérique du Nord et en Europe. En ce qui concerne l'Université de Lomé, les travaux sur la question ne foisonnent guère. Toutefois, nous avons la possibilité de nous appuyer sur les travaux existants, quel que soit leur cadre géographique (en dépit de quelques divergences concernant le contexte social, culturel et économique). Le modèle théorique ainsi choisi a une triple orientation : il prend en compte les approches relatives au déterminisme social, à l'investissement dans l'activité exercée et à la motivation de l'étudiant.

Nous avons retenu des travaux consultés que la décision que prennent les étudiants d'exercer une activité économique est marquée par des motifs de divers ordres.

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De façon globale, la logique de ces étudiants est fondée sur la recherche de moyens financiers pour soutenir leurs études, de quête d'autonomie financière, de renforcement des acquis de leur formation ou encore de besoin d'expérience professionnelle. Dans le contexte des universités africaines, et spécifiquement de l'Université de Lomé, la logique qui conduit les étudiants à ce choix est le plus souvent d'ordre économique. En la faveur de l'ouverture de l'université à tous depuis ses premières années, l'UL à toujours accueilli en grande proportion des étudiants issus de familles modestes. Au regard des difficultés de financement existant, ces étudiants sont ceux qui s'orientent davantage vers l'exercice d'une activité économique. La réalité de ces étudiants peut être comprise à la lumière des travaux de Hoffmann-Martinot et al. (2016) qui ont catégorisé les étudiants en situation de travail selon qu'ils reçoivent ou non un soutien financier de leur famille ; nous nous appuyons de même sur les travaux de Berail (2007) qui a mis un accent sur l'influence de l'absence de moyens financiers sur le choix d'exercer une activité économique. L'approche déterministe, telle que développée nous permet donc de comprendre que les difficultés financières et matérielles des étudiants qui optent par conséquent pour l'exercice d'une activité économique.

Il faut dire que beaucoup d'étudiants font le choix d'un travail rémunéré dès le secondaire, sous le poids du déterminisme socioéconomique auquel ils sont soumis (parent décédé, famille monoparentale, famille polygame, famille nombreuse, parents paysans, etc.). La contrainte pour ces étudiants réside également dans le fait que leurs ainés sont passés par l'université pour avoir une meilleure situation socioéconomique (même si les conditions dans lesquelles se sont déroulées leurs études étaient plus acceptables). À partir de ce moment, il pèse sur eux le désir de toute une famille, voire de leur communauté de les voir emprunter les mêmes chemins de la réussite. Si les conditions matérielles conduisent les étudiants dans la plupart des cas à exercer une activité économique, la qualité de ces conditions contribue également aux performances de ces étudiants. Le poids des attentes de l'environnement social constitue donc un déterminisme social qui accompagne le choix et le parcours de ces étudiants.

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Les caractéristiques de l'activité exercée et l'intensité de leur implication dans cette activité ont également constitué une base d'explication de la réussite des étudiants concernés par ce phénomène. Ainsi, il est ressorti des travaux de Beffy et al. (2009), qu'à partir du moment où le temps consacré à l'activité dépasse un certain seuil (16 heures), la réussite de l'étudiant a des chances d'être compromise. En dehors de Beffy et al. (2009), les travaux qui mentionnent un effet négatif du travail étudiant sur la réussite considèrent que cet effet est perceptible lorsqu'un seuil est dépassé, même s'il n'existe pas de consensus sur ce seuil. Avec Bonin (2013) le niveau horaire de travail de l'étudiant est revu à la hausse (20 heures) ; elle a démontré que les niveaux horaires peuvent varier selon le sexe de l'étudiant. De façon générale, le temps qu'investit l'étudiant dans l'activité économique exercée traduit l'ampleur de son engagement dans cette activité et par conséquent le niveau de son investissement dans les études. On peut ainsi évoquer avec Belghith (2015) l'approche relative à l'intensité avec laquelle l'activité est exercée.

Au travers des différents travaux, nous pouvons examiner la réussite des étudiants qui exercent une activité économique pour le compte de la présente recherche à la lumière de l'intensité avec laquelle ils s'y investissent et des caractéristiques de l'activité exercée, comme on le retrouve dans les travaux de Belghith (2015), Bonin (2013) ou encore de Beffy et al. (2009). Pour trouver le lien entre la réussite de ces étudiants et leur activité rémunérée, il faut donc s'appuyer sur leur engagement dans cette activité.

L'engagement de l'étudiant se situe également en ce qui concerne son implication dans les activités liées à ses études. Les études universitaires requièrent de l'étudiant une certaine responsabilité. Lorsqu'il est investi sur ce plan, les influences relatives à l'exercice d'une activité économique peuvent être minimisées. Cet investissement se retrouve parmi les facteurs personnels ou endogènes à la réussite de l'étudiant. On peut ainsi dire que chez une certaine catégorie d'étudiants, les causes de l'échec sont à rechercher dans les facteurs personnels, notamment les questions de motivation, de détermination, de volonté, de confiance en soi. Zimmermann (1995) dira dans ce sens que

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les étudiants pensent que leurs échecs scolaires sont dus avant tout à un manque de confiance en eux-mêmes. Dans le cas des étudiants qui exercent une activité économique, nous nous appuyons sur Body et al. (2015) pour dire que la motivation constitue un des moteurs de la réussite de ces étudiants. Généralement, les conditions dans lesquelles ces étudiants ont évolué les incitent à s'accrocher aux études universitaires qui constituent la seule piste de sortie, pour eux-mêmes avant tout et pour leur famille. Surtout pour ceux issus de familles de paysans, un retour à la terre n'est pas envisageable. La volonté de réussir dans la vie constitue une motivation à la réussite de leurs études quelles que soient les conditions dans lesquelles celles-ci se déroulent.

Sur la base des recherches existantes sur le travail étudiant, les modèles pris en compte pour l'explication de la réussite des étudiants qui exercent une activité économique à l'Université de Lomé constituent le fondement pour cerner la situation à laquelle ces étudiants sont confrontés.

2.4- Questions de recherche

À l'Université de Lomé, on retrouve aussi bien des étudiants qui exercent une activité économique, pour financer leurs études et d'autres qui ne font pas ce choix. Cette situation est à l'origine des questions que nous nous posons pour le compte de cette recherche, notamment en ce qui concerne la réussite de ces étudiants.

2.4.1- Question générale

La question générale à laquelle s'intéresse la présente recherche est la suivante : Quels sont les déterminants de la réussite des étudiants du grade licence qui exercent une activité économique ?

2.4.2- Questions spécifiques (QS)

De la question générale de cette recherche découlent quatre (4) questions spécifiques suivantes :

QS1- Y a-t-il des caractéristiques sociodémographiques et familiales dont jouissent les étudiants qui exercent une activité économique en faveur de leur réussite ?

QS2-

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Les étudiants qui exercent une activité économique disposent-ils de conditions de vie et d'études favorables à leur réussite ?

QS3- La réussite des étudiants qui exercent une activité économique dépend-elle de leur implication dans les activités liées à leurs études ?

QS4- La réussite des étudiants qui exercent une activité économique est-elle liée aux exigences de l'activité exercée ?

2.5- Hypothèses de recherche

2.5.1- Hypothèse générale

Comme hypothèse générale, nous énonçons que la réussite des étudiants qui exercent une activité économique dépend de déterminants tels que : les caractéristiques propres à ces étudiants, leurs conditions de vie et d'études, leur implication dans les études ainsi que la nature de l'activité économique exercée.

2.5.2- Hypothèses spécifiques (HS)

Les quatre (4) réponses provisoires spécifiques que nous formulons sont les suivantes :

HS1- Les étudiants qui exercent une activité économique tout en jouissant de certaines caractéristiques sociodémographiques et familiales réussissent leur parcours universitaire ;

HS2- Les étudiants qui exercent une activité économique tout en disposant de meilleures conditions de vie et d'études réussissent leur parcours universitaire ;

HS3- Les étudiants qui ont la possibilité de s'impliquer dans leurs études malgré l'exercice d'une activité économique réussissent leur parcours universitaire ;

HS4- Les étudiants qui exercent une activité économique dont les caractéristiques ne sont pas contraignantes réussissent leur parcours universitaire.

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2.6- Variables et indicateurs

2.6.1- Les variables

a- Variables indépendantes (VI)

Les variables indépendantes identifiées en vue de nous permettre de répondre aux questions soulevées par la présente recherche sont au nombre de quatre (4) :

VI 1- Les caractéristiques sociodémographiques et familiales

Les caractéristiques propres aux étudiants, aussi bien du point de vue personnel que du point de vue de leur milieu social d'origine sont prises en compte dans le cadre de cette recherche afin d'appréhender leur influence favorable ou non sur la réussite des étudiants, lorsqu'ils cumulent études et activité économique.

VI 2- Les conditions de vie et d'études

À travers les conditions de vie et d'études des étudiants nous entendons appréhender les difficultés auxquelles ces étudiants font face durant leur parcours universitaire. Il s'agit de partir de ces conditions pour déterminer leur influence sur la réussite des étudiants qui exercent une activité économique.

VI 3- L'implication dans les activités liées aux études

Les étudiants sont soumis à des exigences relatives à la formation pour laquelle ils se sont inscrits : des exigences d'assiduité aux cours, de recherche, de lecture des cours, etc. Qu'ils exercent ou non une activité économique, ils sont soumis au même titre à ses exigences, pour se donner des chances de réussite.

VI 4- L'activité économique

L'exercice d'une activité économique est pour l'étudiant une réalité qui n'est pas à priori compatible avec les études. Un étudiant doit normalement consacrer son temps aux études et aux activités qui s'y rapportent pour mettre toutes les chances de réussite de son côté. Mais lorsqu'il exerce une activité économique, il se retrouve contraint de partager son temps entre ses études et cette activité. Dans cette logique, il est important de prendre en

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compte les caractéristiques que présente l'activité économique exercée en les mettant en lien avec la réussite des étudiants concernés.

b- Variable dépendante (VD) : la réussite

Dans le cadre de cette recherche, la variable dépendante est la réussite des étudiants du grade licence qui exercent une activité économique. En réalité cette réussite signifie l'obtention par l'étudiant des 30 crédits requis pour chaque semestre. Néanmoins pour le compte de cette recherche, au vu des difficultés que la majorité des étudiants éprouve à obtenir ces 30 crédits, nous entendons cette réussite à deux (02) niveaux :

- l'obtention par l'étudiant de tous les crédits des semestres où il a déjà été évalué ; - la possession d'un nombre de crédits restant à obtenir inférieur ou égal à 15.

La réussite dans le contexte du système LMD signifie que l'étudiant a obtenu tous les 30 crédits requis pour chaque semestre. Les étudiants à prendre en compte sont ceux qui ont réussi à obtenir les crédits des semestres où ils ont déjà été évalués. Cela suppose qu'un étudiant qui est en semestre 3 a déjà obtenu 60 crédits (aux semestres 1 et 2) ; un étudiant en semestre 5 a déjà obtenu 120 crédits (aux semestres 1, 2, 3 et 4) ; etc. Toutefois, pour une grande proportion d'étudiants, l'obtention des 30 crédits par semestre est difficile (Bagan, 2016). Cela nous a conduit à considérer les étudiants qui ont peu de crédit à obtenir (1 à 15 crédits), comme ayant marqués un pas important vers la réussite. Ce sont les difficultés qu'éprouvent la majorité des étudiants à obtenir la licence au bout des 6 semestres ou à obtenir les 30 crédits à la fin de chaque semestre qui nous ont poussé à considérer la réussite sous ce second aspect.

Pour cette recherche, nous prenons en compte les étudiants qui ont déjà subi des évaluations, c'est-à-dire, ceux qui sont au moins à leur deuxième inscription au grade licence.

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2.6.2- Indicateurs

a- Indicateurs des variables indépendantes

. Indicateurs des caractéristiques sociodémographiques et familiales des étudiants

(VI 1) :

- genre de l'étudiant ;

- âge de l'étudiant ;

- type de famille dont est issu l'étudiant (polygame, monogame) ;

- situation matrimoniale des parents (parents vivant ensemble ou séparés) ;

- taille de la fratrie de l'étudiant (nombre de frères et soeurs) ;

- niveau d'instruction des parents ;

- profession des parents ;

- revenu des parents ;

- résidence de l'étudiant ;

- parent(s) vivant(s) ou décédé(s).

. Indicateurs des conditions de vie et d'études des étudiants (VI 2) :

- accès à la bourse ou l'allocation d'aide ;

- prise en charge de la scolarité de l'étudiant ;

- recours à des prêts ;

- satisfaction des besoins liés aux études ;

- achat des supports de cours (polycopies) ;

- achat de livres ;

- déplacement au campus ;

- possession d'un moyen de déplacement ;

- alimentation.

. Indicateurs de l'implication dans les activités liées aux études (VI 3) : - régularité dans la lecture des cours ;

- recherches sur internet ;

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- fréquentation d'une bibliothèque ;

- nombre de jours de cours par semaine ; - assiduité aux cours.

. Indicateurs des caractéristiques de l'activité économique exercée (VI 4) :

- moment auquel l'étudiant a commencé à exercer une activité économique ;

- existence de lien entre l'activité exercée et la formation suivie ;

- nombre de jours d'exercice de l'activité économique par semaine ;

- nombre d'heures d'exercice de l'activité économique par semaine ;

- effets de l'activité exercée sur l'étudiant ;

- institution ou personne pour qui l'étudiant travaille.

b- Indicateurs de la variable dépendante : la réussite des étudiants du grade licence (ayant déjà fait au moins 2 semestres) qui exercent une activité économique - obtention des crédits requis aux semestres antérieurs ;

- nombre de crédits restant à obtenir.

Le tableau 12 présente un récapitulatif des variables et leurs indicateurs.

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Tableau 12 : Récapitulatif des variables et indicateurs

Variables

Indicateurs

Variables indépendantes

Les caractéristiques sociodémographiques et familiales des étudiants

- genre des étudiants ;

- âge des étudiants ;

- type de famille dont est issu l'étudiant ;

- situation matrimoniale des parents ;

- taille de la fratrie de l'étudiant ;

- niveau d'instruction des parents ;

- profession des parents ;

- revenu des parents ;

- résidence de l'étudiant ;

- parent(s) vivant(s) ou décédé(s).

Les conditions de vie et d'études des étudiants

- accès à la bourse ou l'allocation d'aide ;

- prise en charge de la scolarité de l'étudiant ;

- recours à des prêts ;

- satisfaction des besoins liés aux études ;

- achat des supports de cours (polycopies) ;

- achat de livres ;

- déplacement au campus ;

- possession d'un moyen de déplacement ;

- alimentation.

L'implication dans les activités liées aux études

- régularité dans la lecture des cours ;

- recherches sur internet ;

- fréquentation d'une bibliothèque ;

- nombre de jours de cours par semaine ;

- assiduité aux cours.

Les caractéristiques de l'activité économique exercée

- moment auquel l'étudiant a commencé à exercer une

activité économique ;

- existence de lien entre l'activité exercée et la
formation ;

- nombre de jours d'exercice de l'activité économique
par semaine ;

- nombre d'heures d'exercice de l'activité économique
par semaine ;

- effets de l'activité exercée sur l'étudiant ;

- institution ou personne pour qui l'étudiant travaille.

Variable dépendante

Réussite des étudiants qui exercent une activité économique

- obtention des crédits des semestres précédents ;

- nombre de crédits restant à obtenir.

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2.7- Enoncés opérationnels

2.7.1- Enoncés opérationnels de l'hypothèse spécifique 1

Lorsqu'ils exercent une activité économique, les étudiants réussissent mieux que les étudiantes ;

Les étudiants d'âge avancé qui exercent une activité économique ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants issus de famille monogame et qui exercent une activité économique ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants dont les parents vivent ensemble et qui exercent une activité économique ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants issus de famille de moins de cinq (05) enfants ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants dont les parents sont instruits et qui exercent une activité économique ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique dont les parents sont dans une catégorie socioprofessionnelle supérieure ont plus de chances de réussite ;

Les étudiants qui exercent une activité économique, dont les parents ont un revenu élevé ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui vivent avec leurs parents ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et dont aucun parent n'est décédé ont moins de difficultés à réussir.

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2.7.2- Enoncés opérationnels de l'hypothèse spécifique 2

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui ont accès au soutien financier de l'Etat ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui ne recourent pas à des prêts pour subvenir à leurs besoins ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui arrivent à satisfaire les besoins liés à leurs études ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui arrivent facilement à s'acheter les supports de cours ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui arrivent facilement à s'acheter des livres pour leur formation ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui se déplacent facilement pour se rendre au campus ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui disposent d'un moyen de déplacement ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui arrivent à s'alimenter correctement ont moins de difficultés à réussir.

2.7.3- Enoncés opérationnels de l'hypothèse spécifique 3

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui étudient quotidiennement au cours de l'année ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui ont le temps de faire des recherches sur internet ont moins de difficultés à réussir ;

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Les étudiants qui exercent une activité économique et qui ont le temps de faire des recherches en bibliothèque ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui ont 1 à 2 jours de cours ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique et qui sont assidus au cours ont moins de difficultés à réussir.

2.7.4- Enoncés opérationnels de l'hypothèse spécifique 4

Les étudiants qui exerçaient une activité économique avant d'arriver à l'université ont moins de difficulté à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique en lien avec leur formation ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique 1 à 2 jours par semaine ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui consacrent moins de 15 heures par semaine à leur activité économique ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique qui n'a aucun effet sur eux (fatigue ou maladie) ont moins de difficultés à réussir ;

Les étudiants qui exercent une activité économique pour un employeur plutôt que pour leur propre compte ont moins de difficultés à réussir.

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