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La construction sociale de la notoriété et de la reconnaissance comme enjeu d'une minorité: le cas d'un fan-club


par Estelle Couture
Université de Provence - DEA Sociologie 2006
  

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III ) LA CONSTRUCTION ELECTRONIQUE DU SOCIAL99(*) :LA COMMUNAUTE VIRTUELLE COMME NOUVELLE FORME DE SOLIDARITE ?

Aujourd'hui, la question des groupes s'inscrit pleinement dans une perspective sociologique. Depuis plus d'un siècle, mais surtout depuis une vingtaine d'années, les organisations et les systèmes de valeurs et corrélativement le cadre et le style de vie quotidienne, se sont profondément transformés. Ces changements techniques, économiques, démographiques affectent les relations des hommes entre eux, par suite du développement croissant de l'urbanisation et des organismes techno-bureaucratiques. L'évolution des cadres et des processus de communication (mass media, informatique, Internet) ainsi que l'ébranlement des modes traditionnels d'autorité tant familiales que professionnelles suscitent la recherche de nouveaux équilibres et de nouvelles formules d'intégration psycho-sociale, et par suite, un réaménagement des groupes et des relations en groupes.

Cette recherche d'intégration et, comme nous l'avons vu, d'identification, corrélée aux nouveaux moyens de communication comme Internet entraîne la création de certains « groupes virtuels ».Le multimédia permet dans notre étude de cas, de regrouper certaines personnes qui admirent le même candidat à travers des sites Internet qui leur sont consacrés. Internet a supplanté la presse écrite dans la transmission des informations culturelles et politiques. Il est adapté à une « communauté » dispersée géographiquement, différemment des minorités ethniques car les membres ne naissent pas en son sein mais doivent se reconnaître et se trouver. Internet n'offre pas seulement des instruments permettant des rencontres, il peut être un vecteur important, pour les jeunes, de construction d'identité, essentiellement pour les membres d'une minorité. Le vecteur Internet peut représenter un médiateur entre le public et l'objet de la passion au sens où l'entendait A.Hennion100(*), c'est-à-dire qu'il va être une des conditions essentielles permettant aux acteurs sociaux de constituer leur « communauté », le seul objet de la passion ne se suffit pas à lui-même. Ainsi, en construisant leur relation avec les objets, le public donnerait forme à l'espace social où ces relations peuvent s'épanouir.

La formation de ce qu'on pourrait alors appeler « communauté virtuelle » s'effectue sur des bases très sélectives d'appartenance identitaire et même sub-identitaire, prolongeant ainsi la tendance socioculturelle contemporaine qui a fait émerger des associations comme « Motards chrétiens » ou «Jeunes femmes juives américaines homosexuelles ». Tous les hobbies, toutes les passions trouvent sur Internet une concrétisation sous la forme d'un site, d'un forum ou d'un groupe de discussions. Internet fonctionne comme une gigantesque machine à affinités électives, permettant à celui qui se croyait seul de « rencontrer » ses pairs. Il a la capacité de fabriquer des mondes de substitution à nos échanges sociaux quotidiens, de nouvelles manières d'être ensemble, de dire, de faire, de vivre, de nouvelles façons de se confronter à l'autre, de le rejoindre et de lier avec lui des interactions, et peut-être même de repenser notre propre identité.

1. De la sociologie des réseaux sociaux...

Notre point de départ pour parvenir à l'idée de « communauté virtuelle » s'ancre dans la sociologie des réseaux sociaux. Cette notion apparaît pour la première fois dans un article de J.A.Barnes101(*) en 1954. Ses théories prennent pour objets d'étude les relations entre les individus et les régularités qu'elles présentent, pour les décrire, rendre compte de leur formation et de leurs transformations, et analyser leurs effets sur les comportements individuels. Elles ont l'originalité de ne pas réduire les acteurs à leurs attributs individuels. Nous nous intéressons ici au concept de réseau et non pas aux outils de l'analyse des réseaux sociaux.

Le réseau social se définit comme un ensemble d'unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres, directement ou indirectement, à travers des chaînes de longueurs variables. Ces unités sociales peuvent être des individus, des groupes informels d'individus ou des organisations plus formelles, comme des associations, des entreprises voire des pays102(*). Les relations entre les éléments désignent des formes d'interactions sociales qui peuvent être elles-aussi de natures extrêmement diverses : il peut s'agir de transactions monétaires, de transferts de biens ou d'échanges de services, de transmissions d'informations, de perceptions ou d'évaluations interindividuelles, d'ordre de contacts physiques et plus généralement de toutes sortes d'interactions verbales ou gestuelles, ou encore de la participation commune à un même événement.

Ce terme s'est enrichi tout au long des siècles, par extension et par glissement de registres métaphoriques. Autrefois, il était péjoratif d'employer le terme de réseau, il s'assimilait à une société secrète, une organisation clandestine, un pouvoir occulte. Aujourd'hui, il y en a de nouveaux usages popularisés par le développement de l'informatique et des télécommunications considérées comme ensembles complexes de voies de circulation virtuelles. « Internet » devient « Le » réseau par excellence et il est ici pertinent de mettre au jour les relations engendrées par ce moyen.

G.Simmel avançait le fait qu'une dyade servait à décrire un réseau social. Cette explication est remise en cause par M.Forsé103(*) qui préconise que les éléments soient saisis à l'échelle d'une triade où les relations interpersonnelles acquièrent une dimension impersonnelle. Seul un ensemble d'au moins trois éléments permet de saisir les éventuelles interdépendances entre les relations qu'entretiennent les individus à l'intérieur d'un réseau. Ainsi, la triade apparaît comme la figure élémentaire du social104(*), l'unité « atomique » de l'analyse des réseaux sociaux. La triade n'est pas d'une logique additive, elle devient combinatoire, ouvrant la possibilité d'étudier les stratégies de coalition, de médiation, la transitivité des affinités...En théorie, les réseaux peuvent être « potentiellement infinis »105(*). G.Simmel est tout de même le véritable précurseur de la sociologie des réseaux. Son objet fondamental n'est ni microsociologique ni macrosociologique mais « mésosociologique » c'est-à-dire l'intermédiaire entre les deux. Il s'intéresse aux formes sociales qui résultent des interactions entre les individus, et non à leur contenu. Cette théorie « relationnelle » s'applique à définir et à catégoriser les individus dans un ensemble de relations. Nous pouvons ici prendre l'exemple suivi par H.S.Becker pour illustrer cela106(*) : c'est parce que les individus sont marginalisés, étiquetés, mis à l'écart de la société, notamment par les entrepreneurs de morale, qu'ils sont considérés comme déviants, c'est-à-dire, pris dans un processus d'interactions qui les opposent aux individus jugés « normaux ».

Mais c'est la sociabilité qui apparaît comme objet fondamental de l'analyse en terme de réseaux sociaux. En sociologie, la notion de sociabilité ne désigne pas « la qualité intrinsèque d'un individu qui permettrait de distinguer ceux qui sont sociables de ceux qui le sont moins »107(*), mais simplement l'ensemble des relations qu'un individu entretient avec les autres, et des formes que prennent ces relations. La sociabilité en tant que forme pure de l'action réciproque permet d'en avoir une image idéal-typique éloquente. Cependant, elle doit être opératoire pour l'analyse des réseaux sociaux, alors on doit définir la sociabilité soit par le recensement et les caractéristiques des interactions, dans le cadre d'études sur les « réseaux personnels », soit à partir de ses manifestations extérieures le plus facilement saisissables et mesurables, autrement dit à partir de tout un ensemble de pratiques qui mettent en relation avec autrui, comme les réceptions à domicile108(*), les sorties109(*), la fréquentation des cafés110(*), la pratique du sport111(*)... L'étude des formes de sociabilité en propose deux questions, celle de la variation sociale des pratiques de sociabilité en fonction des attributs socio-démographiques individuels (par exemple, les jeunes ont une sociabilité plus intense et plus tournée vers l'extérieur112(*)), et celle de l'évolution historique de l'intensité et des formes de la sociabilité et de ses explications possibles. Suite à cette deuxième question, certains amorcent la thèse du déclin de la sociabilité. Les enquêtes INSEE montrent qu'entre 1983 et 1997113(*), la sociabilité décroît mais surtout se transforme. Les causes sont le vieillissement de la population, la précarisation du marché du travail qui ne favorise pas les contacts avec des collègues, l'augmentation du chômage, le déclin des commerces de proximité, l'augmentation de la mobilité géographique mais surtout l'augmentation des télécommunications.

Cependant, l'enquête INSEE n'inclut pas les entretiens téléphoniques, les discussions entre les membres du ménage, les contacts professionnels ou marchands, les discussions de plus en plus répandues sur Internet, ni la durée de ces interactions. De plus, le temps libre augmente, il est en grande partie absorbé par la télévision, ne pourrait-on pas alors la considérer comme un support de sociabilité ? De même que la compensation par le téléphone, les SMS, les mails114(*) et les conversations instantanées via le Web montre bien qu'il n'y a pas réellement un déclin des formes de sociabilité mais une transformation. L'enjeu de la sociabilité est celui du maintien du lien social, de la cohésion sociale, aujourd'hui, les transformations engendrent de nouvelles formes d'intégration. Comme nous l'avons précisé dans nos hypothèses, les formes de la sociabilité peuvent engendrer des actions dites « expressives » comme l'affinité et l'amitié, ou des actions dites « instrumentales » comme l'entraide et la solidarité115(*).

L'analyse en terme de réseaux reproche à la sociologie traditionnelle de constituer des groupes sociaux par agrégation d'individus présentant des attributs individuels similaires (âge, sexe...). Ces groupes vont donc correspondre aux catégories du sens commun. Il faut alors vérifier s'ils ont des pratiques et de représentations semblables, une conscience de former un groupe, des relations fortes entre les individus qui composent ce groupe. L'analyse des réseaux sociaux préconise un renversement de l'analyse sociologique traditionnelle, en dépassant le stade descriptif des groupes et étudier les relations dans le groupe et en dehors du groupe pour pouvoir être considérés comme formant des groupes116(*). Il faut trouver des indicateurs, regrouper les individus à partir de l'existence de relations entre eux, c'est-à-dire, en fonction d'une observation de la cohésion ou de la densité des ensembles qu'ils forment et voir quels sont les effets de l'analyse en terme de réseau social sur les comportements individuels, notamment en ce qui concerne la construction identitaire, qui nous intéresse plus spécifiquement ici. Les formes sociales, comme les groupes ou encore les normes émergent des interactions entre les individus, ce n'est pas seulement ce qu'ils ont en eux qui les caractérisent, mais aussi ce qui est entre eux117(*), facteur de cohésion sociale.

2. ...à la communauté virtuelle pour penser le social

La notion de communauté est difficile à définir, il est devenu un mot fourre-tout permettant d'évacuer certains questionnements, voire de masquer les lacunes d'un paradigme, en cela il se rapproche de la notion de virtualité. Il est difficile aussi de l'employer en tenant compte de l'articulation entre le macrosocial et le microsocial. Ce terme renvoie originellement à une relation sociale caractérisée par des obligations mutuelles, selon l'étymologie : communis dérivé de cum (avec, ensemble) et de munus (charge, dette). C'est alors « réseau défini par des règles du type « donner-recevoir-rendre » »118(*). Mais communis peut signifier également « communion », il renvoie donc à un « acte de partager, de mettre en commun »119(*). Cette définition permet de revenir sur la distinction fondamentale de F.Tonniës avec d'un côté la communauté dirigée par une volonté organique ou affective, et de l'autre côté, la société privilégiant la volonté réfléchie ou rationnelle. Ces deux formes de solidarités représentent deux idéaux-types, deux modèles, deux pôles abstraits d'un continuum empirique des formes d'organisations sociales concrètes, celles-ci comportant des degrés divers des traits caractéristiques de l'un et de l'autre. Nous nous attacherons à mettre en relief cette conception de la communauté dans notre étude de cas. Il s'agit en effet, nous le verrons, à la fois de prendre part dans un collectif pour soutenir ensemble une artiste mais aussi, et c'est un peu le fondement de notre recherche, pour partager un certain nombre d'expériences communes, s'entraider et éventuellement pour revendiquer une certaine forme de reconnaissance mutuelle et s'inscrire dans un processus plus large.

Cependant, si l'on prend pour point de départ, la théorie fondamentale de F.Tonniës120(*) qui la définit comme un collectif fondé sur la proximité géographique et émotionnelle et impliquant des interactions directes, concrètes, authentiques entre ses membres, il semble alors a priori paradoxal d'y associer le terme « virtuel » auquel on a pourtant de plus en plus recours avec le développement grandissant d'Internet. On parle aussi de communauté en ligne ou médiatisées par ordinateur, de communauté électronique, ou encore de « cybercommuanutés »121(*). Le fait d'être pour ou contre la notion de « communauté virtuelle » n'est pas tellement la question que se posent les sociologues mais il s'agit plutôt de connaître les enjeux à l'oeuvre dans le fait de penser le social en terme de virtuel122(*).

Les études sur ce domaine se sont essentiellement développées aux Etats-Unis où les aspirations communautaires sont beaucoup plus importantes qu'en France. En 1985 se fonde en Californie le WELL (Whole Earth'lectronic Link) où se développe la notion de communauté virtuelle. H.Rheingold123(*) en donne une définition : « regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu'un nombre suffisant d'individus participent à ces discussions publiques pendant assez de temps en y mettant suffisamment de coeur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du cyberespace [...] . Les membres des communautés virtuelles font appel à des mots inscrits sur les écrans pour échanger des plaisanteries, débattre, participer à des digressions philosophiques, faire des affaires, échanger des informations, se soutenir moralement, faire ensemble des projets [...] , tomber amoureux ou flirter, se faire des ami(e)s, les perdre, jouer [...]. Les membres des communautés virtuelles font sur le Réseau, tout ce qu'on fait « en vrai », il y a juste le corps physique qu'on laisse derrière. »

La critique qui est faite aux études du virtuel est que le réel et le virtuel sont la plupart du temps opposés124(*) ; le réel étant égal à l'actuel, au donné et le virtuel, au possible, au pré-donné. La première approche consiste à dire que le virtuel est subordonné au réel. Cette vision est dite paranoïaque car elle oppose une « réalité artificielle » à une « Nature mythique ». Le virtuel serait une re-présentation, une simulation, une fausse approximation de la réalité, une copie forcément dégradé du réel. La seconde approche préconise la virtualité comme une résolution, un moyen d'explorer ou d'ausculter la réalité125(*). Cette vision est utopique car elle voit dans les technologies virtuelles, une force libératrice des richesses du réel.

Dans ces deux approches, le réel s'oppose donc au virtuel et ce dernier nécessite un support technologique. Or ce n'est pas toujours le cas. En effet, la troisième approche est celle de l'hybridation du réel et du virtuel. Dans une perspective Deleuzienne, le réel est en constante « création et expérimentation »126(*). C'est une conception du réel dans laquelle l'actuel et le virtuel sont en interrelation circulaire et productive.

Selon les trois approches, les axes de réflexion sur la « réalité » des communautés virtuelles se fondent autour de la notion de représentation, de résolution et d'hybridation.

La communauté virtuelle a un rôle de représentation de la réalité, un rôle d'imitation, d'émulation. Elle serait une « simulation fonctionnelle » de communauté dite réelle. C'est l'exemple de l' « effet Disneyland » c'est-à-dire que l'on voit dans les grands centres commerciaux, la réplique des communautés commerçantes d'antan127(*). Le danger de cette fonction serait la perte de communautés réelles aux profits d'échanges virtuels.

Une vision plus enthousiaste de la virtualité est celle qui considère qu'elle a un rôle de résolution, c'est-à-dire qu'elle viendrait combler les lacunes du réel. C'est le potentiel libérateur des communautés virtuelles qui permet une actualisation, une mise en contact effective des groupes humains qui étaient seulement potentiels avant l'avènement d'Internet. Cette libération concerne aussi le genre, l'appartenance ethnique, la classe sociale, l'identité sexuelle, la communauté virtuelle serait utilisée comme le moyen de s'affranchir de la prison du corps et par suite, d'égalisation des différences et d'émancipation des minorités sociales128(*).

La dernière fonction est celle de l'hybridation. Dans cette perspective, il est possible de distinguer différentes époques comportant chacune une forme typique de communauté virtuelle allant de la formation des premières communautés intellectuelles au 17ème siècle au public de la télévision129(*). Dans ce cas, les communautés virtuelles se définissent comme des espaces indéniablement sociaux au sein desquels les gens continuent à se rencontrer face-à-face, mais selon des définitions nouvelles à la fois des mots « rencontres » et « face-à-face ».

3. Les nouvelles pratiques de communication entraînent-elles une réorganisation des sociabilités ?

Notre problématique nous a conduite à interroger le rôle des nouvelles technologies ouvertes sur le monde comme Internet, ne constituent-elles pas un des nouveaux vecteurs permettant l'accès précoce à un certain nombre d'éléments constitutifs de l'identité sexuée ? Nous entendons par-là, la construction identitaire des individus en utilisant des ressources non disponibles aussi facilement dans le réel. Ce monde que nous qualifions à grands traits, de virtuel permet à tout un chacun de pouvoir se retrouver à travers des sites qui lui correspondent mais aussi à travers toutes les personnes qui peuvent s'y croiser. De ce constat en découle un autre, celui de la construction sexuelle de l'identité. Internet devient un nouveau moyen de rencontre. Chacun peut y trouver ce qu'il cherche, et notamment en matière de sexualité, élément qui nous intéresse plus particulièrement. Les poussées individualistes et communautaires dénoncées de toutes parts traduisent une fragilité de la volonté de vivre ensemble130(*). Nous avons fait le constat de l'affaiblissement des grandes institutions faiseuses de lien entre les individus et liant l'individu à la société, tout ceci grâce au processus de socialisation qui semblait un des grands vecteurs de la pérennisation du lien social. Aujourd'hui, les rapports sociaux se transforment et des formes de lien social alternatives voient le jour. Ces formes sont fragiles, volontaires et souvent éphémère, du fait de la vie de l'individu moderne. Les solidarités intermédiaires se trouvent renforcées et nous assistons à un repli sur des groupes d'affinités et/ou de proximité dans lesquels importe le rôle accordé aux minorités porteuses de valeurs particularisantes. Les individus recherchent des lieux de sociabilité qui leur fourniront le lien social dont ils ont besoin. Cette sociabilité se base notamment sur des échanges symboliques pouvant être vus comme des mots de passe permettant la reconnaissance : la reconnaissance de soi à partir de la reconnaissance du groupe. Ces lieux de sociabilité peuvent être multiples, l'individu peut appartenir à différents groupes en même temps sans remettre en cause la cohérence de sa construction identitaire. Les interactions et la reconnaissance qu'elles entraînent sont au coeur de la problématique du lien social. Ainsi nous comprenons comment des individus à la marge se sont inventés des moyens de se regrouper, de se reconnaître et ainsi de fabriquer un lien social entre eux131(*), mais aussi entre eux et la société sous forme de délit et de marginalité ou plus généralement de subversion ; car être à la marge, c'est bien se référer ou être forcer de se référer à un autre groupe. Dans notre société actuelle, la fracture sociale que certains dénoncent132(*) met à mal aussi bien le lien social que les identités personnelles. Face aux mutations contemporaines, à la poussée vers la mondialisation, l'individu doit trouver des stratégies pour retrouver ce lien quotidien et local qui lui est nécessaire.

L'explication du recours médiatique nous intéresse plus particulièrement. Le téléspectateur tente de remédier à sa déperdition de sens en se déplaçant vers les symboliques et les personnages mis en scène, et même l'exclusion est aujourd'hui mise en scène. Le consommateur culturel va fabriquer du lien avec les images qui lui sont soumises. Les individus, la « foule solitaire », doivent trouver dans les personnalités reconnues un moyen de s'identifier et de se vivre. Ces personnalités deviennent des vecteurs porteurs de sens. « Le On différencié, en se projetant dans des mondes virtuels et des personnages improbables, laisse de la place à un lien fictif qui socialise et qui permet d'adhérer aux conditions, aux personnages et aux circonstances hors-quotidien élaborées et présentées par les médias, éléments constitutifs des rites d'accompagnement d'un réel subi plus que choisi »133(*). Les séries télévisées et maintenant les émissions de télé-réalité entraînent une exhibition permettant de se voir, de constater la proximité, la ressemblance sociale et/ou culturelle avec les personnages : « l'individu se mire lui-même sur l'écran-miroir », et cela peut aussi valoir pour tout ce qui se passe sur Internet.

Les émissions de télé-réalités comme Star Academy, A la recherche de la nouvelle star, Loft Story...ont pour but d'induire du lien social, du moins en apparence, au sein du groupe formé pour l'occasion et de relier les téléspectateurs à un éventuel « ensemble populationnel ». Les productions ont assimilé l'envie du public de voir de « vrais gens », à la place desquels ils pourraient être. Ces « proto-héros » sont, de ce fait, « opératoires comme objets d'identification, comme icônes et divinités séculières, lares domestiques, apaisants et sécurisants, producteurs de rituels d'accommodement et de compensation »134(*).

De nos jours, la médiatisation et la « massification » de la communication humaine auraient transformé les modalités de genèse et de maintien des communautés. B.Anderson parle alors de « communauté imaginée »135(*). L'idée de communion demeure centrale et ne doit pas forcément être concrètement réalisée comme le préconisait F.Tonniës. Il suffit qu'elle existe sous la forme d'une image dans l'esprit des membres. Mais le fait que la communauté soit imaginée, qu'elle commence par fiction ou par anticipation, ne l'empêche pas de se transformer en réalité. Ce sont des communautés imaginées et non des communautés imaginaires136(*). Dans les sociétés modernes, une part grandissante des interactions est médiatisée par les institutions et les dispositifs de communication de masse. C'est pourquoi aujourd'hui avec Internet, nous sommes obligés de repenser le collectif différemment des communautés classiques comportant la contrainte d'être ensemble dans une promiscuité sans alternative, l'engagement dans les collectifs électroniques est généralement beaucoup plus fluide. Ses contours sont flous, on peut donc dire que leur réalité est virtuelle. Mais la virtualité n'est pas une dénaturation du social mais plus un aspect, un effet d'optique de sa complexification croissante, amplifiée par ses propres artefacts techniques. Ainsi, on peut dénombrer plusieurs communautés virtuelles réduites et construites et chaque individu peut appartenir à différentes communautés en même temps, il peut se servir de plusieurs univers socialisateurs et les faire cohabiter137(*).

La notion de communauté est une notion dynamique qui varie selon l'époque notamment, nous l'avons vu, selon l'évolution des techniques. Si nous parlons de communauté virtuelle, c'est que nous faisons référence aux communautés réelles, « non-virtuelles », originelles. Ces deux extrêmes se rejoignent dans une conception idéalisée d'une forme d'organisation sociale où régnerait la transparence et l'immédiateté des interactions humaines. Cette idéalisation naïve est critiquée. Le retour à de petites communautés entraînerait un désir individualiste de repli sur soi et un désintérêt de la chose publique138(*). Dans le sillage des théories exposées plus haut, il est montré que ce qui importe ce n'est pas le moyen de communication mais la relation en elle-même. La relation de face-à-face chère aux fondements de la sociologie des communautés n'est cependant pas supérieure aux autres formes d'interaction. Les fondements épistémologiques de cette supériorité se retrouvent dans la théorie de P.Berger et T.Luckman139(*) où la « réalité suprême » serait construite via l'interaction en face-à-face. De même que D.Wolton préconise qu'il faut « sortir de la communication médiatisée pour éprouver une communication directe, humaine et sociale »140(*).

Avec le développement des médias, la notion de communauté, les collectifs correspondent de plus en plus à la notion de public qui se définit comme « une collectivité purement spirituelle entre des individus physiquement séparés et dont la cohésion sociale est toute mentale »141(*). Le public est différent de la foule selon la définition qu'en donnait Le Bon142(*) qui nécessitait un contact et un face-à-face direct et physique ; en effet, les moyens modernes de communications permettent « le transport de la pensée à distance » et par suite, la « contagion sans contact ». La notion de public est aussi ambiguë que celle de communauté virtuelle : sont-ils des collectifs objectifs ou des artefacts créés par le chercheur ? Un même individu peut appartenir à plusieurs publics, plusieurs collectifs en même temps, or la notion de communauté de F.Tonniës est, par essence, exclusive. Finalement, le but du regroupement quel qu'il soit reste le même : « faire du lien social »143(*). Les nouvelles formes de lien peuvent être individuelles et stratégiques, fondues dans les dispositifs cathodiques ou insérés dans des dynamiques collectives.

Le questionnement qui peut être alors posé serait alors de se demander si à l'ère des réseaux et du cyberespace, la communauté virtuelle ne serait pas la figure post-moderne du collectif vers laquelle les concepts de communauté, de public et de réseau convergeraient à terme144(*). La société de communication semble fortement inspirée de la communication publicitaire, et favorisée par la prodigieuse généralisation des outils électroniques. Elle semble alors délaisser la question du sens au profit exclusif de la forme : mise en scène, re-présentation, arts de dire, de vendre, de « faire-savoir », sentiment ludique d'appartenance à une communauté fictive145(*). Si bien qu'aujourd'hui, les médias engendrent une véritable controverse, une perte de crédibilité. Le public fait de moins en moins confiance aux médias, notamment à la presse ; la diffusion payante de journaux chute, en moyenne, chaque année de 2%146(*). Les lecteurs mais aussi les téléspectateurs se perdent tant l'obsession commerciale et l'éthique de l'information paraissent contradictoires : « on assiste au triomphe du journalisme de spéculation et de spectacle, au détriment du journalisme d'information. La mise en scène (l'emballage) l'emporte sur la vérification des faits ».

CHAPITRE II ) LES CHOIX METHODOLOGIQUES

Après avoir déterminé le terrain de la recherche, ce chapitre décrit les techniques de recueil et les principes d'analyse des données choisis. Tentons de préciser et d'objectiver tout d'abord, quelques éléments de la pré-enquête147(*) qui a permis la mise en place du protocole empirique de cette étude. Choisir une méthode d'enquête n'est pas sans contrainte. En effet, il faut tenir compte des terrains retenus et des possibilités que l'on a pour y entrer, des biais et limites que chaque méthode comporte, de ce que l'on cherche à savoir mais aussi les motivations du chercheur. Sans parler de méthode supérieure à une autre, le terrain va quelque peu nous guider dans nos choix. Nous avons eu la possibilité de pouvoir participer à un moment donné à la promotion de spectacles pour Anne-Laure durant le festival d'Avignon en juillet 2004. Cela a été utile pour démarrer et nos observations ont servi de point de départ. Deux constats nous ont paru clairement évidents : celui de l'importance de l'outil de communication qu'est Internet ainsi que l' « esprit de groupe et de famille » qui régnait au sein des fans. En effet, c'est à travers le site Internet officiel qui tient lieu de fan-club que circulent toutes les informations et c'est aussi par ce biais qu'est né cet esprit que nous qualifions de communautaire. Ce travail d'investigation nous a permis d'accéder à ce qui se joue derrière le discours et les pratiques des fans que nous pouvons retrouver sur les forums de discussions du dit site. Dés notre arrivée sur les lieux, nous avons pu constater que tous les fans présentes étaient des filles148(*), qu'un grand nombre d'entre elles se connaissait déjà, s'appelant parfois par leur nom de fan, c'est-à-dire leur pseudonyme sur le site149(*), et qu'enfin la plupart d'entre elles, mettaient en avant leur homosexualité.

Ainsi au vue de ces observations, et notamment concernant l'importance du fan-site150(*), et pour commencer notre enquête proprement dite, nous nous sommes proposés de réaliser une analyse de contenu du site Internet officiel de la chanteuse qui donnent accès à un certain nombre d'éléments comme les coupures presse depuis le début de sa jeune carrière, les interviews, les images, les paroles de chanson et le forum où discutent les membres, les fans qui se sont auto-proclamés « les Choupifans » 151(*); et surtout une analyse de l'énonciation des différents messages que les fans laissent sur les forums. Nous avons également fait une observation de cette nouvelle forme d'expression virtuelle que représentent les blogs152(*) des fans. Enfin nous avons procédé à une trentaine d'entretiens complémentaires avec certains fans membres du forum de discussion que nous avons pu rencontrer directement ou par l'intermédiaire des messageries instantanées sur Internet.

I ) AXES DE RECHERCHE ET HYPOTHESES

Les différents éléments que nous avons abordés dans le chapitre précédent conduisent à l'énoncé des interrogations exploratoires qui ont guidé cette recherche.

1) Quel est le rôle des médias ? Comment se construit la notoriété d'un artiste ? Dans quelle mesure peut-on penser Internet comme un des vecteurs principaux de la mise en place d'une célébrité ?

2) Quels sont les enjeux de la production en terme d'images ? Comment la production gère l'image de la chanteuse ? Quel rôle joue un fan-club dans la construction d'une carrière ? Comment fonctionne un site Internet ? Comme un magazine ? Comment s'opère le processus de catégorisation à travers les différents médias ?

3) Quel usage le public fait de ces catégorisations ? A qui s'adressent les sites Internet ? S'il y en existe un, quel est leur but ?

4) Comment un artiste, au départ, éphémère, construit par un système de profit et d'audimat, peut-il générer un tel engouement ? (le cas des administrateurs du site d'Anne-laure) Dans un monde marchand capitaliste où règne la loi du profit, trouve-t-on des formes de solidarité dans un fan-club? Comment sont-elles générées ? Et de quel type sont-elles ? Quels sont les enjeux d'un tel engouement de fan ? Ce regroupement est-il vraiment « solidaire » ? Sur quoi repose-t-il ? Est-ce que les sites Internet participent à l'élaboration de « communautés virtuelles » ?

5) Y-a-t-il un lien entre l'homosexualité d'Anne-laure et le fait que ses fans soient lesbiennes en grande majorité ? De quelle nature est ce lien ? Qu'est-ce que cela suppose en terme d'image, de carrière, de marketing, de publicité...mais aussi en terme de reconnaissance minoritaire ? Quelle image le site Internet et les médias renvoient de l'homosexualité à travers Anne-laure ? Cette vision est-elle conforme à la réalité ? Est-elle défendue par le groupe des fans ? Est-elle revendiquée ? Comment les fans abordent cette image ? (une chanteuse comme une autre ? un modèle identitaire ?une provocation ? un coup médiatique ? une chance pour l'image des lesbiennes ? un mal pour l'image des lesbiennes ?) Anne-Laure véhicule-t-elle des valeurs propres à un groupe ?

Ces axes de recherche nous ont conduit à l'élaboration de nos hypothèses de travail que nous avons soumis à l'épreuve de notre analyse. 

1) Les médias quels qu'ils soient, participent au processus de construction identitaire. Les nouveaux moyens de diffusion de l'information favorisent la starification à l'époque des vedettes éphémères de la télé-réalité. Ils permettent au public de se « retrouver » autour d'un programme ou d'un candidat, permettant ainsi la formation d'une « communauté de goûts » ou un fan-club comme c'est le cas dans notre étude.

2) Les productions médiatiques sont organisées selon les lois du marché et doivent répondre aux demandes des publics, homogène et hétérogène notamment en utilisant le processus de l'identification ; et l'appui des nouveaux moyens de communication qui permettent parfois la « survie » de l'artiste.

3) Le public s'approprie les images et peut choisir de s'intéresser à une star parce qu'elle leur ressemble, parce que ce qu'elle véhicule les touche...Les nouveaux vecteurs de communication sont très souvent dirigés vers les jeunes en terme de cible marketing. Ce sont eux qui constituent les « tribus » d'Internet, c'est le cas pour notre corpus, dont la moyenne d'âge est de 21 ans. Un des buts que nous avons soumis à l'hypothèse est le fait que la formation sur Internet de ces différents groupes d'appartenance entraîne une cohésion sociale favorisant le lien social.

4) Au delà donc de l'éventuel talent de l'artiste reconnu par les fans, nous avons posé l'hypothèse que « l'être ensemble » était tout aussi important. Et cela est encore plus favorisé lorsqu'il s'agit de regrouper des personnes qui ont du mal à trouver des repères constructifs dans la « vie réelle ». Le groupe favoriserait ainsi le lien social et la solidarité entre ses membres du fait d'un certain nombre d'expériences communes. Ces solidarités seraient d'ordre affectives mais aussi instrumentales, c'est-à-dire utiles dans la construction identitaire et la reconnaissance individuelle.

5) Enfin, nous avons clairement dirigé notre étude dans le sens de la recherche d'une reconnaissance minoritaire, à travers la mise en scène des images médiatiques ; en ce sens nous avons posé l'homosexualité de la chanteuse Anne-Laure comme un élément fédérateur de ses fans. Ces dernières, dans un mouvement de construction et d'identification, se réapproprieraient son coming-out. Ceci ayant des effets positifs de reconnaissance pour soi mais pouvant également avoir des effets négatifs comme celui de la stigmatisation.

II ) L'ANALYSE DE CONTENU DU SITE OFFICIEL

Vers une analyse de la production médiatique autour d'Anne-Laure

Nous proposons ici de nous intéresser à tous les supports qui permettent de rendre compte de l'étendue de la notoriété soudaine d'Anne-Laure et d'en appréhender le processus et ses mécanismes. Pour l'essentiel il s'agira donc du fan-club représenté par le site Internet officiel « Planeteannelaure », mais également des articles de presse, des interviews mais aussi du livre qu'elle a écrit. Nous excluons volontairement de l'analyse tous les sites créés par des fans153(*), qui à notre sens ne seraient pas très utiles du fait de leur ressemblance relative (photos, paroles de chansons, poèmes de fans...).

Le site officiel est en ligne depuis le 25 septembre 2002. On y trouve une partie consacrée à l'artiste directement avec des « news », une « bio », des « photos » et ce qui est appelé la « boutique » où l'on trouve tous les articles merchandising que l'on peut se procurer via le site ; on trouve ensuite une partie consacrée plus particulièrement aux fans, partie qui est appelé « Choupifamily » avec un forum de discussion, un certain nombre de liens, un livre d'or, la possibilité de contacter les administrateurs et les modérateurs du site ; une partie consacrée au « multimedia » où les membres ont accès à la discographie de la chanteuse ainsi qu'à la possibilité de télécharger certaines séquences vidéos et audios issues de différents interviews ou de différents shows de l'artiste ; et enfin une partie « archives Star Academy » où nous retrouvons tout ce qui concerne le passage d'Anne-Laure dans l'émission154(*).

Mais le site est ce que nous pourrions appeler une façade pour une association consacrée à Anne-laure Sibon. Avec son accord, l'association loi 1901 Planète Anne-Laure a été créée le 2 août 2003. Le site a désormais une assise juridique, pour plus de sérieux et de transparence, l'objectif étant de développer le site www.planeteannelaure.com et promouvoir la carrière artistique d'Anne-Laure Sibon. Ce statut associatif permet de renforcer l'indépendance du site où il n'y a pas de publicité. Les administrateurs sont des bénévoles et tentent de faire évoluer le site avec de petits moyens. Nous trouvons par ailleurs, un bon de soutien à l'association où chaque fan est libre d'envoyer un don. Ce bon est téléchargeable à partir du site : « Nous ne sommes pas des salariés et prenons sur notre temps personnel pour faire vivre le site, répondre aux fans et servir au mieux l'image d'Anne laure, avec un désintéressement total », nous aurions voulu revenir sur cette déclaration en interrogeant les membres fondateurs de ce projet mais elles n'ont pas donné suite à nos interrogations malgré plusieurs relances effectuées sur le serveur de messagerie du site.

Ce site est le site officiel d'Anne Laure depuis le 24 février 2003. Au 21 mai 2006, il compte 946 membres et 958 187 visites. Il se partage les fans avec un autre site très important en terme de membres : annelaure.net. Il n'est pas le site officiel, bien qu'il ait été créé avant. Il regroupe 2330 membres, à la même date, soit 1384 de plus que l'officiel155(*). Cette différence est peut être due au fait que le site officiel est plus attentif en terme d'inscription et de participation. En effet, les modérateurs du site officiel ont la possibilité de désinscrire les membres qui ne seraient pas actifs156(*) pendant un certain moment. Nous y retrouvons les mêmes thèmes. Ce site seconde le site officiel mais les informations qu'il donne sont issues de celui-ci.

A partir de ces matériaux, nous cherchons à déterminer l'influence que les médias peuvent avoir sur la construction d'une carrière, sur la construction de la notoriété et quel rôle vont jouer les fans dans un premier temps. Nous chercherons ensuite à démontrer en quoi ils ont une place considérable dans la construction de la reconnaissance et dans la construction identitaire des individus. Afin de mener à bien nos objectifs, de valider ou d'infirmer nos hypothèses de travail, nous utiliserons un des outils offerts par les sciences humaines : l'analyse de contenu de communications.

Cette analyse de contenu pose le problème de l'objectivité, le discours analysé est naturel, donc beaucoup plus accessible donc plus facilement interprétable. Il faut mettre en place des « techniques de rupture » pour ne pas se laisser tenter par une simple « lecture du réel ». Ce que nous souhaitons dépasser, c'est l'incertitude véhiculée dans les discours : est-ce que ce que nous croyons voir est effectivement contenu dans le discours et est-ce que ce discours est compris de la même façon par tous.

L'analyse de contenu se découpe en trois étapes157(*) : la pré-analyse, l'exploitation du matériel avec le traitement des résultats, l'inférence et l'interprétation.

La pré-analyse est la phase d'organisation, elle a pour but l'opérationnalisation et la systématisation des idées de départ permettant d'aboutir à un plan d'analyse. Ceci implique le choix des documents à soumettre à l'analyse, dans notre cas, le site officiel avec tout son contenu, et essentiellement son forum de discussions dont sera issu le plus important de notre corpus. Cette étape implique également la formulation des hypothèses et des objectifs. Notre objectif étant de découvrir les éléments de construction sociale et médiatique d'une notoriété ainsi que celle d'une reconnaissance minoritaire, et l'élaboration d'indicateurs sur lesquels s'appuiera l'interprétation finale. Ces trois éléments dépendent les uns des autres. Le choix des documents dépend des objectifs ou inversement, l'objectif ne sera possible qu'en fonction des documents disponibles, les indicateurs sont construits en fonction des hypothèse. Il faut d'abord procéder à une lecture flottante, une lecture intuitive, très ouverte à toutes idées, réflexions, hypothèses ou guidées par certaines hypothèses provisoires.

Au fur et à mesure, la lecture devient plus précise en fonction d'hypothèses émergentes, de la projection sur le document de théories adaptée. Pour en savoir plus sur le message que l'on analyse, il faut mettre une distance avec ce que l'on lit et bien se rendre compte que la communication suggère un émetteur et un récepteur. Dans le cas présent, l'émetteur est le journaliste pour les articles de presse, l'administrateur des sites pour toutes les informations qu'ils contiennent ou tout simplement des membres du fan-club qui discutent virtuellement sur le forum de discussions prévu à cet effet; et le récepteur est un public plus ou moins homogène qui pourra peut être plus tard qualifié de réseau, de communauté virtuelle, de regroupements de fans ou autre.

III ) LE TERRAIN / LE CORPUS

* 99 LICOPPE C. & BEAUDOIN V. La construction électronique du social : les sites persos in Réseaux n°116, vol XX, 2002

* 100 HENNION A. La passion musicale, Métailié, paris, 1993

* 101 BARNES J.A. « Class and Committees in a norwegian Island Parish » in Human Relations  n°7, 1954 in MERCKLE P. Sociologie des réseaux sociaux, La découverte, Coll. Repères, Paris, 2004

* 102 MERCKLE P. op.cit.

* 103 FORSE M. « Les réseaux sociaux chez Simmel : les fondements d'un modèle individualiste et structural » in DEROCHE-FORSE M. & LANGLOIS S. « Réseaux sociaux, structures et rationalités » in L'Année sociologique vol 47 n°1, 1997, pp 27-35

* 104 DEGENNE A. & FORSE M. Les réseaux sociaux. Une approche structurale en sociologie, Armand Colin, Coll. « U », Paris, 1994

* 105 FERRAND A. « La structure des systèmes de relation », in L'année sociologique Vol 47 n°1, 1997, pp 37-54 in MERCKLE P. op.cit.

* 106 BECKER H.S. op.cit.

* 107 FORSE M. « Les réseaux de sociabilité : un état des lieux »  in L'année sociologique n°41, 1991, pp 247-264

* 108 LARMET G. « La sociabilité alimentaire s'accroît » in Economie et statistique n°352-353, 2002 in MERCKLE P. op.cit.

* 109 CHOQUET O. « Les sorties, une occasion de contacts » in Economie et statistique n°214, 1988 in MERCKLE P. op.cit.

* 110 LEMEL Y. « La fréquentation du café » in Données sociales n°3, 1978 in MERCKLE P. op.cit.

BOZON M. « La fréquentation des cafés dans une petite ville ouvrière » in Ethnologie française n°2, 1982 in MERCKLE P. op.cit.

* 111 POCIELLO C. Les cultures sportives, PUF, Paris, 1995 in MERCKLE P. op.cit.

TRAVERT M. « Le football de pied d'immeuble » in Ethnologie française n°2, tome XXVII, 1997 in MERCKLE P. op.cit.

* 112 FORSE M. op. cit

* 113 BLANPAIN N. & PAN KE SHON J.L. « Les français se parlent de moins en moins » in INSEE Première n°571, 1998 in MERCKLE P. op.cit.

* 114 LELONG T. & THOMAS F. « Usages domestiques de l'internet, familles et sociabilités: une lecture de la bibliographie », in GUICHARD E. (dir.) Comprendre les usages d'internet, Presses de l'école normale Supérieure, Paris, 2001

* 115 LIN N. « Les ressources sociales: une théorie du capital social » in Revue française de sociologie, XXXVI-4, Octobre-décembre 1995 in MERCKLE P. op.cit.

* 116 DEGENNE A. & FORSE M. op cit

* 117 PARLEBAS P. Sociométrie, réseaux et communications, PUF, Paris, 1992 in MERCKLE P. op.cit.

* 118 DUBOST J. « Editorial », in Revue internationale de psychosociologie vol 2, n°3, numéro spécial « Villes et communautés », 1995 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. « La virtualité comme catégories pour penser le social : l'usage de la notion de communauté virtuelle » in Sociologie et société vol XXXII 2

* 119 WINKIN Y. La nouvelle communication , Seuil, Paris, 1984 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 120 TONNIES F. Communauté et société : catégories fondamentales de la sociologie pure, Retz-CEPL, 1977 (1887)

* 121 MOATTI M. La vie cachée d'Internet: réseaux, tribus, accros, Imago, Paris, 2002

* 122 PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 123 RHEINGOLD H. Les communautés virtuelles (trad. Lumbroso L.), Addison-Wesley, Paris, 1995

* 124 DOEL M. & CLARKE D. Virtual Worlds, Simulation, Suppletion, Seduction ant Simulacra in CRANG M., CRANG P. & MAY J. (dir) Virtual geographies. Bodies, spaces and relations, Routhledge, londres, 1999 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 125 WEISSBERG J.L. Présences à distance. Déplacement virtuel et réseaux numériques. Pourquoi nous ne croyons plus la télévision, L'harmattan, Paris, 1999

* 126 DELEUZE G. L'actuel et le virtuel in DELEUZE G. & PARNET C. Dialogues (nouvelle édition), Flammarion, Paris, 1996 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 127 TURKLE S. Life on the screen: Identity in the Age of the Internet, Simon & Schuster, New-York, 1995 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 128 PLANT S. On the Matrix : Cyberfeminists Simulations, in SHIELDS R. (dir.) Culture of Internet, Virtual Spaces, Real Histories, Living Bodies, Sage, Londres, 1996 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.&

WILLSON M. Community in the Abstract: A Political and Ethical Dilemma?, in HOLMES D. Virtual Politics: Identity & Community in Cyberspace, Sage, Londres, 1997 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 129 STONE A. Will the real Body please stand up ?: Boundery Stories about Virtual Cultures, in BENEDIKT M. (dir.) Cyberspace: First Steps, MIT Press, Cambridge, 1991 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 130 BOUVIER P. Le lien social, Gallimard, Folio essais, Paris, 2005

* 131 BECKER H.S op.cit.

* 132 BOUVIER P. op.cit.

* 133 BOUVIER P. op.cit.

* 134 BOUVIER P. op.cit.

* 135 ANDERSON B. Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, (édition revisée), Verso, New-York, 1991 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 136 DAYAN D. op.cit.

* 137 LAHIRE B. op.cit.

* 138 FERNBACK J. The Individual within the Collective: Virtual Ideology and Realization of Collective Principles, in JONES S.G. (dir.) Virtual Culture, Sage, California, 1997 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 139 BERGER P. & LUCKMAN T. La construction sociale de la réalité, Méridiens-Klincksieck, Paris, 1986 (1ère édition 1966)

* 140 WOLTON D. Sortir de la communication médiatisée, in Manières de voir, n°46, 1999 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 141 MATTELARD A. L'invention de la communication, La découverte, Paris, 1994 in PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op.cit.

* 142 LE BON G. Psychologie des foules, Retz-CEPL, Paris, 1975 (1895)

* 143 BOUVIER P. op.cit.

* 144 PROULX S. & LATZKO-TOTH G. op cit.

* 145 RIVIERE C. & PIETTE A.(dir.) op.cit.

* 146 RAMONET I. (Dir.) Combats pour les médias, Manière de voir 80, Le monde Diplomatique, Avril-Mai 2005

* 147 Le journal de terrain figure en annexe.

* 148 Ce constat se confirme avec les statistiques des membres du forum.

* 149 Nous verrons en effet que pour intégrer le forum du site Internet, il faut s'inscrire puis s'identifier comme membre avec ce que l'on appelle un login, un nom d'utilisateur, plus couramment appelé un pseudonyme.

* 150 Ce terme semble peut être plus approprié ici que celui de fan-club. Cependant les deux expressions seront utilisées pour désigner à peu prés la même chose.

* 151 Cette expression provient du surnom donné à Anne-Laure durant l'émission Star Academy : Choupi.

* 152 Nous verrons que les blogs sont des sortes de journaux intimes mis en ligne par les internautes.

* 153 Certains fans ont en effet créé des pages personnelles sur la chanteuse sur Internet.

* 154 En annexes figurent de nombreuses pages de ce site afin d'illustrer nos propos.

* 155 Informations complémentaires en annexes.

* 156 Nous entendons par membre actif, un membre qui passerait régulièrement sur le forum de discussion en laissant des messages ou en créant des sujets de conversation.

* 157 BARDIN L. L'analyse de contenu, PUF, Paris, 1977

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