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L'homosexualité et sa mise en scène: la construction sociale d'une culture


par Estelle Couture
Université de Provence - Maà®trise Sociologie 2003
  

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2. Un sentiment de fierté : la Gay Pride

A partir des années 60 et plus spécialement à partir de 196986(*), le terme gay commence à se répandre au lieu du terme homosexuel. L'adoption de ce terme semble représenté un effort pour s'éloigner du modèle médical, et pour constituer une identité basée sur l'orgueil de la différence87(*).

On le sait, « la sexualité » aura pour une part été fabriquée par les avoirs sur la sexualité : ainsi , on le répète à l'envi depuis Michel Foucault, c'est « à la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l'homosexualité » que nous devons l'invention de l'homosexuel moderne. Aujourd'hui mixte, le terme homosexuel, lui-même, n'apparaît qu'à la fin du XIXème siècle, vraisemblablement introduit en 1869 par Karoly Maria Kertbeny, pseudonyme de l'écrivain et médecin hongrois K.M. Benkert.

Cependant, plusieurs termes, correspondant à différentes époques et différents milieux sociaux, ont été utilisé pour désigner les homosexuels. Après l'apparition des mots comme « homophiles » (utilisé notamment par la première association homosexuelle française Arcadie, dans les années 50), on a vu surgir le terme « homosensuel » de l'écrivain Yves Navarre dans les années 70, puis celui de « folle » et surtout de « pédé », à l'origine de l'ordre de l'insulte mais renversé ensuite, autodénigrement salutaire, par les militants des années 70. Pour les femmes, le terme « lesbienne » se généralise, en dépit des critiques de certaines féministes plus égalitaristes. C'est aussi à cette époque que le terme d'origine américaine « gay » apparaît en Europe qui, pour certains, est un terme neutre et non péjoratif. Il se répand très fortement à la fin des années 70. Cette expression signifiait, dans l'Angleterre du XVIIème, une sorte de Don Juan aux moeurs légères ; deux siècles plus tard, il qualifie les prostituées et prend finalement en 1933 le sens de « garçon homosexuel ». Les termes « queen » (folle) et surtout « queer » (bizarre, construit en opposition à « straight », droit, régulier), s'ils ne sont pas encore très répandus en France, témoignent toutefois du souci des homosexuels de se nommer. Parallèlement, cela peut signifier également que le vent de la libération homosexuelle souffle d'Amérique depuis les années 60 (Stonewall, juin 1969).

Selon l'avis de certains88(*), l'acceptation du terme « gay » est plus large que celle d' « homosexuel » puisqu'il dépasserait très largement le seul concept d'homosexualité et englobe ce qu'on pourrait qualifier de culture et les modes de vie spécifiques du comportement homosexuel. Bien sûr, il faut être conscient qu'il n'y a pas un homosexuel mais des homosexuels, tous différents, et que la culture d'un individu ne tient pas obligatoirement à sa sexualité. Néanmoins, il serait peut-être naïf d'ignorer le lien qui unit le groupe des homosexuels. En effet, c'est le fait de toutes minorités réprimées, que de se regrouper pour faire poids, pour une reconnaissance et une plus grande visibilité. De plus, n'existe-t-il pas un ensemble d'acquis, de vécus et de codes communs ?

Il est intéressant de se poser la question de cette évolution de vocabulaire qui fait, qu'aujourd'hui, le terme d'homosexuel est le plus souvent remplacé par celui de « gay ». N'y aurait-il pas derrière cela une sorte d'euphémisation du langage, comme si ce terme était moins connoté. Or il s'agit bien de la même catégorie. Le statut de gay et de lesbienne est, selon Bourdieu89(*), une construction sociale qui donne au mouvement une visibilité et permet une inversion du stigmate. Ce statut va devenir un emblème (Gay Pride). Ce terme de « gay » aurait été choisi par les homosexuels eux-mêmes pour se désigner90(*) en reconnaissance de la légitimité et de la nécessité du mouvement d'affirmation de soi.

D'une façon générale, on peut se demander si ce terme est une réelle revendication identitaire, une influence des médias ou une américanisation culturelle ?

Ainsi, le groupe qui fut, dans le temps, opprimé et marginalisé au possible va prôner un sentiment de fierté, notamment par rapport aux différents combats qui ont été mené contre la discrimination, l'homophobie et la liberté. Certains parlent même de la fierté comme étant un « antibiotique de la honte91(*) ». C'est elle qui insufflerait au groupe foi en soi et force sociale. L'individu trouverait dans la fierté une appartenance qui contredirait sa solitude culpabilisée issue comme nous l'avons vu d'une homophobie intériorisée. Elle cimenterait le collectif -la communauté- en structurant son rapport de forces face à l'homophobie notamment. L'ancrage communautaire serait donc une étape d'autant plus nécessaire pour les gays et les lesbiennes que leur place dans la société est niée.

Selon Michel Wieviorka92(*), les homosexuels oscilleraient entre deux pôles : il y aurait d'un côté ceux plutôt tentés par le modèle républicain classique, et considèrent qu'ils sont homosexuels en privé, que c'est un problème qui ne regarde pas la vie collective ; et d'un autre côté, ceux qui disent que la seule façon de se constituer en acteur qui crée sa propre existence et qui a une estime de soi, c'est de vivre sur un mode communautaire.

III ) Retour sur la notion de communauté

1. Constitution de la communauté gay et lesbienne

Nous avons déjà signalé que le mouvement homosexuel avait pris naissance avec l'émeute ayant eu lieu en juin 1969 dans un bar gay de New-York, le Stonewall. Cependant, la naissance de ce qu'on nomme la communauté homosexuelle avec tout ce qu'elle implique, notamment en matière de solidarité serait, pour plusieurs auteurs, plus récente et aurait provoqué par l'ampleur qu'a pris l'épidémie du sida, notamment au sein de la population homosexuelle. Entre 1981 et 1984, le nombre de cas explose en France (11 en 1981, 48 en 1982, 140 en 1983 et 377 en 1984) mais le groupe des homosexuels refuse de céder à la panique. Au début, certains militants gays français vont jusqu'à nier la maladie qu'ils imputent à la droite homophobe américaine, le sida serait une invention du président Reagan. Peu à peu les cas se multiplient, les gays prennent acte de l'épidémie mais continue d'en minimiser les risques. Les militants ironisent sur le fait qu'il faut diminuer le nombre de partenaires pour moindre moins de risque. La revue française homosexuelle Masques ira jusqu'à écrire : « Mieux vaut mourir du sida que d'ennui » (Hiver1984-1985). On voit donc que les risques ne sont pas pris au sérieux, soit par peur d'une recrudescence de l'homophobie, soit par souci commercial de protection des intérêts économiques (cela pourrait être l'attitude des patrons gays), deux tendances profondes qui structurent la vie gay depuis la fin des années 70. Il faudra attendre l'arrivée d'un nouveau type de militants (Aides) puis d'une nouvelle génération (Act up) pour que le combat contre le sida s'engage en France93(*).

Têtu consacre tous les mois une rubrique intitulée Têtu + à la recherche contre le sida et donne la parole à un de ces acteurs. Les informations relatives au sida représentent 6,15% sur l'ensemble de notre corpus et chaque année, il publie un numéro spécial en supplément dédié uniquement aux différentes avancées dans la recherche.

Peu à peu, cette notion de communauté s'est étendue pour revêtir divers aspects de la vie homosexuelle. Sur quoi s'appuie cette communauté :

- un petit monde associatif, que ce soit pour un simple accueil convivial, un lieu de solidarité militante, pour une activité culturelle ou sportive, un loisir, un âge, une origine...(on peut citer en exemple : GARE ! l'association des travailleurs gays de la SNCF ; Les caramels fous, une association gay de troupe de comédies musicales ; David et Jonathan, association des gays catholiques ; Aqua Homo, association gay pour la natation ou encore Long Yang Club Paris, une association de gays asiatiques...la liste est encore très longue)94(*).

- un espace commercial, avec des établissements et entreprises plus ou moins ouvertes aux hétérosexuels comme des bars, des boîtes, des saunas, des restaurants, des sex-shops, des librairies, des médias de charme ou d'information...Ces établissements ont un but lucratif ou non, ils peuvent être guider uniquement par des intérêts vénaux, par une mission culturelle, de diffusion et de défense.

- Il existe aussi des initiatives ou des réseaux comme Act-Up, les Centre gay et Lesbien que l'on retrouve dans de nombreuses villes comme Paris, Rennes, Nantes ou Lille, ou les Universités Euroméditerranéennes d'été des homosexualités qui se déroulent chaque année à Marseille.

Les médias gays, et dans une moindre mesure, les médias lesbiens, ont joué un rôle important dans la constitution de cette communauté, notamment par leur pouvoir de dénonciation et leur pouvoir de « ralliement ».

Les médias comme un pouvoir de dénonciation 

Souvent issus de la scène militante, les médias homosexuels ont tenté de concilier presse d'information et presse d'opinion.

De 1952 à 1955 est édité une double feuille mensuelle rapidement interdite à la vente en kiosque Futur. Il s'agit d'un journal d'information pour l'égalité et la liberté sexuelles qui traite régulièrement de l'homosexualité masculine seulement. Le journal reste confidentiel et sera vite supplanté par Arcadie, édité par l'association éponyme dont elle diffuse fidèlement les travaux théoriques dés janvier 1954. Revue littéraire et scientifique, Arcadie a vite prés de 2500 abonnés mais est interdite à la vente en kiosque dés juin 54. L'interdiction ne sera levée qu'en mai 1975. Cette revue traite, elle aussi, spécifiquement de l'homosexualité masculine dans une approche plus compassionnelle que militante. Au début des années 70, les titres de presse qui abordent l'homosexualité et se font les portes-parole des revendications politiques de l'époque le font de façon épisodique ou sont issus des mouvements revendicatifs d'alors. C'est le cas du Fléau social, journal homosexuel étroitement lié avec le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire. Au milieu des années 70, les titres de la presse homosexuelle restent limités dans leur influence, peu engagés politiquement et régulièrement censurés (Homo, Dialogues homophiles, Gaie presse, Olympe...). Il faut attendre la fin des années 70 pour connaître la vraie révolution, tant culturelle qu'économique, de la presse gay. Gai Pied naît en avril 1979 de la volonté de certains militants. Il est le résultat de la découverte par les homosexuels de l'impact de l'utilisation des médias. Le journal, diffusé en kiosque connaît un grand succès (15 000 exemplaires en vente chaque mois) et s'impose rapidement comme le leader dans son domaine malgré la concurrence d'Homophonies, le mensuel du Comité d'Urgence Anti-Répression Homosexuelle qui sera édité entre 1980 et 1986 et, dans une moindre mesure, celle de la revue Masques (1979-1986) qui réussit le pari de la mixité. Gai Pied devient un hebdomadaire en novembre 1982 avec 30 000 exemplaires vendus chaque semaine. Mais peu à peu, le titre phare de la presse homosexuelle (masculine) va être concurrencé sur tous les terrains. C'est la véritable apparition de la presse érotique. Le lancement de Samouraï en 1982, la création de Lesbia en décembre de la même année, sont les premiers coups de canif au monopole du titre. Une nouvelle donne économique, une évolution du contexte social et politique contraignent le journal à de dures adaptations qui donnent lieu à d'importantes scissions. En 1981, une fréquence est accordée à Fréquence Gaie, ce qui bouscule le paysage médiatique gay jusqu'alors cantonné à la presse écrite. En 1987, Gai Pied est l'objet d'une menace d'interdiction par le ministère de l'Intérieur rappelant qu'aucun titre gay n'est définitivement à l'abri de la censure. En 1988, c'est au tour de la presse gay gratuite (Illico) de faire son apparition. Indispensable phare de la communauté homosexuelle des années durant, Gai Pied voit inexorablement ses ventes chuter jusqu'à sa disparition en octobre 1992. Cette disparition semble mettre en deuil la presse d'information, et d'opinion homosexuelle même si elle suscite quelques vocations. De nombreuses initiatives éditoriales aux ambitions diverses échouent tandis que d'autres, peu nombreuses, trouvent leurs marques comme Idol en juillet 1994, Têtu en juillet 1995 ou Ex æquo en novembre 1996.

Aujourd'hui, de toutes ces revues, seuls Têtu et Lesbia ont perduré.

2. Une communauté divisée ?

Les premières associations qui voient le jour pour la lutte contre le sida sont le fait de militants homosexuels principalement. Leur organisation est rapide du fait de leur expérience de l'engagement. Mais la mobilisation prend véritablement naissance avec la création de l'association AIDES. C'est le sociologue et compagnon de Michel Foucault mort du sida le 25 juin 1984, Daniel Defert qui en prend l'initiative. Son projet intègre alors une révolte contre l'attitude des médecins face aux malades et la nécessité d'assumer la nouvelle réalité produite par le sida. : « Face à une urgence médicale certaine et une crise morale qui est une crise d'identité, je propose un lieu de réflexion, de solidarité et de transformation ». On crée alors une permanence téléphonique, des brochures sont diffusées dans les bars, ou encartées aux frais de l'association dans Gai pied hebdo. Bientôt seront distribués dans les bars, les saunas et back rooms, des préservatifs. Mais certains patrons d'établissements gays refusent en 1985-1987 que l'on effectue de la prévention dans leurs bars ou saunas, par crainte de perdre leur clientèle.

Les associations vont donc mener un rôle très important dans l'avancement quotidienne de la maladie. Elles sont des espaces de socialisation, d'expression et de mise en commun des angoisses, des interrogations, des difficultés matérielles et morales. Les activités sont des moments où les intérêts individuels deviennent des intérêts collectifs. La constitution de ces groupes est une condition nécessaire à la représentation publique de la lutte contre le sida dont le premier enjeu est de se faire reconnaître comme les porte-parole des victimes de la maladie. De sorte que la lutte contre le sida devient d'abord un enjeu d'identité, une lutte pour que les représentants de ces groupes constitués interviennent dans les instances qui consacrent cette légitimité et cette identité, tels que les médias, l'Etat, la médecine.... Au départ les associations se sont orientées vers une cause généralisée c'est-à-dire que, malgré le fait que les membres étaient principalement homosexuels, elles ne se revendiquaient pas comme telles par peur de la stigmatisation.

L'action militante va évoluer et se radicaliser. En 1989, Didier Lestade donne naissance à Act up de l'importation d'un modèle américain et d'une pensée communautaire qui n'a pas de véritable équivalent en France. Par là, il entend dépasser le nécessaire mais selon lui insuffisant travail social de Aides, il veut entrer dans le champ de la politique. Il va prôner la visibilité publique de l'homosexualité et de la maladie. Désobéissances civiles, jet de sang, personnes menottées, enterrements politiques, outing, die in, l'association Act-up Paris crée en 1989, se veut révolutionnaires et affiche, dés ses premières manifestations un slogan appelé à un grand avenir : « Silence = Mort ». A travers ce nouveau groupe, le mouvement homosexuel en tant que tel fait irruption dans le monde associatif de la lutte contre le sida. Il repose sur la volonté de construire une identité et une communauté homosexuelles. Act-up justifie son orientation par le fait que le sida ne touche pas tout le monde de la même façon et que ce sont les minorités les plus opprimées qui en furent les premières victimes. Le sida serait alors révélateur des multiples exclusions que connaît notre monde : « Dans les pays industrialisés, le sida n'a pas frappé en premier n'importe quel homme ou n'importe quelle femme, mais les homosexuels, les toxicomanes, les minorités ethniques, les prisonniers [...] oubliés par la recherche médicale [...]. En ce sens, le sida n'est pas seulement un drame humain ou collectif ; c'est encore aujourd'hui un drame ciblé sur des catégorie sociales précises, définies par leurs pratiques et leurs écarts par rapport au modèle dominant. »95(*) Pourtant au delà de toutes tentatives d'élargissement du discours sur les minorités à toutes les minorités placées en première ligne de l'épidémie, c'est bien la communauté homosexuelle qui est centrale, à tel point que l'association apparaît tout autant aux yeux du public comme une association de défense des homosexuels que de lutte contre le sida.(Cf. Tableau en annexe).

Les différentes associations montrent qu'il existe au sein même de la communauté homosexuelle, des micro groupes. Il peut y avoir parfois de vives tensions voire des oppositions entre ces groupes, dans ce sens nous pouvons citer l'apparition d'un groupe d'individus masculins qui prônent le barebacking, c'est-à-dire, le sexe sans protection même si l'un des partenaires est séropositif, et véhiculent un discours provocateur. Cela constitue le paradoxe de cette communauté. Il n'y aurait donc pas de communauté organique fermée mais une appartenance communautaire ouverte. Il n'y aurait pas une identité exclusive mais une référence identitaire.

On a vu également que la communauté n'abolit pas forcément le rapport de domination des hommes sur les femmes, dans ce cas, il faudrait peut-être penser une communauté lesbienne séparée d'une communauté gay.

Il faudrait se demander aussi si la communauté abolirait les frontières sociales ? Y-aurait-il une communauté qui transcenderait les différences sociales mais aussi générationnelles et donnerait lieu à une culture commune ?

3. La communauté, un ghetto ?

La notion de ghetto ou encore de milieu gay est le terme péjoratif employé par les homosexuels eux-mêmes pour désigner, dans certains cas, la communauté. Dans les entretiens que nous avons réalisés mais aussi dans les pages de Têtu, l'expression de milieu gay est très souvent employée tantôt comme une réalité familière et utile, tantôt comme quelque chose qu'il faut absolument fuir au risque de devoir se conformer à l'identité gay qui peut être aussi porteuse d'exclusion que la norme hétérosexuelle. On a pu le constater à travers les images que renvoient les pages de Têtu, qui se veut représentant de la presse gay en France et qui ne donne à voir qu'une image plutôt normée de la population homosexuelle masculine. La presse gay s'inscrit le plus souvent dans la continuité des images que les médias montrent du Marais notamment. Cela rejoint l'idée que la presse gay comme Têtu cible un lectorat plutôt communautaire et plutôt parisien. Le ghetto, comme certains le nomment, serait porteur de ses propres exclusions (anti-vieux, anti-moche...) et le terme de communauté ne serait que l'expression politique pour désigner ce ghetto.

Cependant, l'expression de ghetto peut signaler avant tout une perception subjective de la manière dont les homosexuels s'organisent pour vivre en société. Derrière ce vocable ce sont bien les notions d'identité, de visibilité et d'acceptation qui sont en jeu. Au sens littéral du mot, il désigne un lieu où l'on enferme les gens contre leur gré, où ils sont obligés de rester. La plupart du temps, les homosexuels qui parlent du ghetto sont ceux qui disent ne pas en faire partie. Dire « je suis hors-ghetto, hors-milieu », c'est affirmer une sorte de virginité en se démarquant de cette image négative, c'est ce que l'on peut trouver quelques fois dans les petites annonces ; être hors-milieu, c'est de pas fréquenter les lieux spécifiquement gays et en particulier les établissements dits de sexe, c'est la consommation à outrance des services proposés aux homosexuels au risque de s'y diluer par mimétisme.

A en croire ce que l'on peut voir dans le magazine (mis à part les pages mode) ainsi ce qui ressort des différents entretiens, la communauté, même assimilée à un ghetto, est un point de passage obligatoire au cours de l'homosocialisation. Elle offre des repères à des individus dans une société qui les stigmatise. Du fait de la ségrégation imposée, en quelque sorte, aux homosexuels, la communauté, le milieu serait un outil d'intégration, un espace d'insertion dont les individus vont progressivement se défaire. Le fait que les gays et les lesbiennes fréquentent les lieux de sociabilité qui leur sont destinés pourrait s'expliquer ainsi. Ils seraient un espace de liberté nécessaire à leur construction identitaire. Les enquêtés ont tous et toutes fréquentaient ou fréquentent encore des lieux, comme des discothèques, des bars, des restaurants spécifiquement homosexuels.

Pour clore ce chapitre, on pourrait se demander si, pour parvenir à une réelle égalité des droits, les homosexuels doivent s'inscrire dans un processus d'égalité universaliste au risque de nier leur identité ou s'ils doivent construire des structures et des représentations communautaires qui leur soient propres, sur un modèle américain, au risque de se couper du reste de la société.

Selon Alain Touraine96(*), les homosexuels doivent construire une identité collective qui leur permette d'être partie prenante de la réflexion générale de la société. Le terme de communauté serait une assimilation du terme américain community qui s'emploie pour désigner des collectivités de toutes sortes et a donc une acceptation très large, les habitants d'une ville, d'un quartier, les usagers de tel ou tel service forment une communauté, ce qui ne se dirait pas en France. Touraine préconise donc plutôt la notion d'identité collective dont l'expression et la reconnaissance passent par la formation d'acteurs sociaux. Il n'y aurait pas , selon lui, de pouvoir communautaire en France chez les homosexuels car il n'y a pas d'organisation représentative qui confèrerait une capacité de prise de conscience et d'action plus importante. Il encourage donc plutôt à insister sur la notion d'identité culturelle en plus de l'aspiration à l'égalité des droits où il s'agirait de reconnaître autrui dans son identité gay.

Mais faut-il nécessairement rattacher l'individu à un groupe dans lequel il soit inséré, sinon subordonné ? Ce groupe peut-il être une communauté homogène ? Est-il juste de valoriser la culture minoritaire au détriment du monde commun ? Ainsi, on peut se demander si ce débat que l'on retrouve plutôt aux Etats-Unis est transposable en France ?

CHAP. VI ) COMMENT LA COMMUNAUTE A-T-ELLE ENGENDRE LA NOTION DE CULTURE GAY ?

Le concept d'identité gay contemporaine va impliquer un certain nombre de choses, comme le choix d'un style de vie, le fait d'affronter les discriminations sociales, le fait de vivre publiquement plutôt que caché et un sentiment de fierté. Aujourd'hui, on pourrait dire que l' « on cultive son homosexualité ».

Nous l'avons vu dans le premier chapitre, le philosophe militant Michel Foucault voyait dans la sexualité une manière de façonner et de créer son existence, ce faisant, l'homosexuel pouvait multiplier, inventer de nouvelles formes de relations sociales, d'amour et d'affection. Ainsi, l'homosexualité contribuerait à l'émergence d'une culture en instituant de nouveaux rapports sociaux et de nouvelles formes d'amitié. Conséquemment, la pratique de la liberté contribuerait à modifier et transformer la réalité sociale. C'est pourquoi M.Foucault appelait à la création d'une culture gay en désignant par là l'invention de nouvelles formes de vie, c'est-à-dire de faire de l'homosexualité, une force créatrice.

Aujourd'hui, cette notion de culture gay est passée dans le vocabulaire courant et ne semble pas être remise en question dans les différents travaux que l'on pourrait qualifier comme issus des gays and lesbian studies à la française. Or si l'on interroge ce concept, nous nous retrouvons confronté à une multitude d'aspects dont nous ne pourrions pas affirmer qu'ils révèlent l'existence prouvée d'une culture spécifique aux gays et aux lesbiennes. Une définition simpliste serait de dire que la culture gay se retrouve dans tout un ensemble de productions socio-culturelles comme des journaux, des magazines, des revues ; des romans, nouvelles, recueils de poésie ou encore des bandes dessinées ; des essais sociologiques, historiques ; des peintures, photographies, sculptures ; des musiques, chansons ou des films. Bien sûr pour chacun de ces supports, il existe des productions dites homosexuelles c'est-à-dire faites par des homosexuels, ou pour des homosexuels ou qui font référence à l'homosexualité et dans lesquelles les gays et les lesbiennes pourraient se retrouver et se construire . Tous ces supports se retrouvent d'ailleurs au sein d'un Conservatoire des Archives et des Mémoires Homosexuelles créé en septembre 2002 en banlieue parisienne. Cependant, il importe de se demander si cette définition suffit à évoquer l'idée d'une culture homosexuelle.

1) Les arts comme terrain d'apparition de l'homosexualité

1. « Une histoire secrète » : le refuge de la culture

C'est dans la littérature et dans l'art en général que l'on trouve les traces d'une histoire collective de l'homosexualité. Souvent par messages codés, les homosexuels pouvaient se reconnaître. Les livres, la peinture, et plus tard le cinéma ont été des refuges, des sortes d'abri.

Durant la période de la Renaissance, certains peintres comme Michel-Ange jouaient avec les métaphores homo-érotiques en détournant subtilement la morale traditionnelle. Ce que l'on pourrait qualifier de subjectivité homosexuelle fut surtout exprimée en Italie mais aussi en Angleterre avec Shakespeare dans Edward II notamment97(*).

Comme mot et comme concept, l'homosexualité est une affaire récente. Confondue sous l'Antiquité avec l'amitié, la bisexualité, voire la pédérastie, elle n'est définie comme pratique que peu à peu avec le christianisme et finalement nommée à la fin du XIXème siècle. Pour tenter de retracer brièvement l'histoire de l'homosexualité, nous pouvons suivre l'histoire de l'art et de la littérature, la culture constituant un bon repère pour une histoire de la sexualité puisqu'elle a souvent permis de montrer et de dire ce que la société se refusait de voir. En recherchant, les traces de l'histoire collective des homosexuels, « histoire secrète » pour reprendre le mot de Marguerite Yourcenar, il apparaît que c'est bien dans l'art et la littérature, au moins jusqu'à la fin des années 60, que les sources sont les plus nombreuses et les matériaux les plus riches. Sous des formes diverses, c'est donc d'abord la littérature qui a hébergé le militantisme homosexuel. Elle permettait de tout dire : la marginalité, la solitude, la souffrance et la révolte. Elle a longtemps, et aujourd'hui encore à en croire certains de nos entretiens mais dans un tout autre contexte, offert à nombre d'homosexuels des repères, des modèles...Selon le sociologue Didier Eribon, « c'est souvent en fouillant les bibliothèques que les gays inventent leur vie »98(*). Cette affirmation montre combien, il est important pour les homosexuels de se constituer des références.

Têtu donne des pistes de lecture en présentant à son lectorat une série de critiques littéraires sur des nouveautés. Les livres présentés n'ont pas tous un rapport direct à l'homosexualité (cf. Annexe, Figure 5.1). Cependant, ils sont tous présentés en vue de satisfaire les subjectivités dites homosexuelles.

Cette définition de la culture homosexuelle prendrait donc sa source dans une tradition littéraire et artistique et entend répondre à la demande des gays et des lesbiennes en quête d'images positives.

2. Un patrimoine gay et lesbien ?

Le patrimoine est un ensemble de biens transmissibles propres à une personne ou, dans le cas de cette hypothèse, à une collectivité. Le patrimoine est extensible à l'infini et pourrait très bien correspondre à toutes ces oeuvres dites homosexuelles, sinon comment pourrait-on expliquer qu'il existe des guides relatant toutes ces oeuvres99(*). De plus, Têtu fait constamment référence à des personnages historiques, littéraires ou autres homosexuels en vantant leurs oeuvres, il y aurait là une mise en avant de références dont la reconnaissance est incontestable, reconnaissance qui participerait à la légitimation de leur orientation sexuelle . Têtu véhiculerait donc l'idée de cette volonté de construction d'une culture propre aux homosexuels au moins artificiellement.

Le magazine consacre tous les mois, depuis décembre 99, une rubrique intitulée : Notre Xxème siècle, avec chaque mois un hommage à un grand personnage aujourd'hui disparu. L'emploi du pronom possessif « notre » montre la volonté de rassembler les lecteurs dans un même tout. « Notre Xxème siècle » fait donc référence à des personnages homosexuels ou lesbiennes (dans une moindre part, 2/11). Il y a là une volonté de dire que ces gens là font parti du patrimoine culturel communautaire. Cela permet de légitimer une reconnaissance de l'homosexualité, une façon de dire que si ces grands personnages étaient homosexuels alors il n'y a pas de raison de qualifier l'homosexualité de « tare ». On le voit, l'article commence toujours par une éloge du personnage :

· André Gide : « a dominé la scène littéraire pendant un demi-siècle, ne cachant rien de son homosexualité » (n°54)

· Allen Ginsberg : « sans conteste, l'un des plus grands poètes américains du Xxème siècle » (n°55)

· Bernard-Marie Koltés : « grand dramaturge français de la fin du Xxème siècle » (n°57)

· Benjamin Britten : « le plus important compositeur anglais du Xxème siècle » (n°60)

Il semble avoir là une volonté de montrer la compatibilité de l'homosexualité avec le talent. Nous pourrions là encore évoquer un sentiment de fierté, sinon d'orgueil caché, à découvrir, par exemple, qu'André Gide, Jean Genet, Jean Cocteau, Colette, Marguerite Yourcenar, bref quelques-uns des grands écrivains de l'époque, étaient homosexuels.

Ces personnages vont donc s'inscrire dans un patrimoine gay et lesbien (Marlène Dietrich et Marguerite Yourcenar pour l'année 2001) qu'il serait bien vu de connaître si l'on souhaite adhérer à une « culture » homosexuelle, qu'elle soit réelle ou artificielle. Si l'on entend « culture »  dans son sens restreint, l'ensemble des productions artistiques, qu'elles soient littéraires, cinématographiques, musicales ou encore photographiques, on pourrait dire qu'il peut être question d'une culture homosexuelle. Cela va participer à la construction identitaire et culturelle des individus se découvrant homosexuels. C'est-à-dire que le fait de connaître un certain nombre d'éléments de ce « patrimoine gay », va conditionner la compétence, au sens ethnométhodologique100(*), des acteurs membres de la communauté ou qui souhaitent appartenir à cette communauté. Dans une interaction, l'essentiel c'est d'être reconnu en tant que membre par la communauté, pour cela, il faut montrer sa compétence, en exhiber les caractéristiques en manifestant qu'on appartient bien au groupe. Nous pourrions penser que le fait de défiler pour sa première gay pride marque une sorte d'entrée dans la communauté gay, le fait de faire son coming-out, également.

La compétence pour les ethnométhodologues, peut être de 3 sortes : il y a tout d'abord la compétence culturelle, c'est-à-dire l'aptitude qu'à un membre d'une communauté à interagir avec les membres déjà compétents, qui possèdent des croyances ; puis la compétence linguistique, qui est un pré-requis pour participer aux actions, c'est l'aptitude à communiquer, à interpréter, à connaître les stratégies d'emploi d'expressions et avoir la connaissance des contraintes sociales pesant sur les interactions dans lesquelles nous sommes émergés, c'est une compétence communicationnelle. Nous pourrions entendre par là tous ce qui est des codes, des symboles homosexuels, ce qui permet également de savoir à quel moment et dans quelle situation, il est possible de montrer son homosexualité, mais aussi toutes les expressions qui renvoient à des références connues des gays et lesbiennes. Selon des linguistes américains, il existerait un dialecte propre aux gays et aux lesbiennes. Ils se sont récemment réunis pour la 10ème édition afin de rendre compte de l'étude de l'étymologie du langage gay de la dernière décennie. Ce dialecte gay en question serait appelé « Lavender language », lavender étant le symbole gay employé avant l'apparition du drapeau aux couleurs de l'arc-en-ciel.101(*)Une des questions qu'ils se sont posés est celle de la façon dont on apprend à parler gay, et il a été convenu que plusieurs livres et émissions de télévision comme « Will&Grace » ou « Queer as folk » (séries diffusées en France) sont utilisés afin de jeter les bases du matériel de travail ; enfin il y a la compétence interactionnelle. En effet, la compétence n'est pas seulement la connaissance, si les individus doivent montrer ce qu'ils savent, il faut bien que d'autres membres reconnaissent cette connaissance.

Exemple de langage gay

Auto-reverse : qualificatif donné aux homosexuels qui sont indifféremment actifs et passifs dans leurs rapports sexuels.

Backroom : arrière salle d'un bar ou d'une discothèque où l'on peut consommer le sexe sur place entre hommes.

Butch : se dit d'un homosexuel très viril ou d'une lesbienne très masculine genre « camionneuse ».

Camp : en anglais « folle », implique la féminité de l'homosexuel.

Coiffeuse : surnom péjoratif donné par les gays aux gays trop efféminés.

Come-out : faire son coming-out signifie rendre publique son homosexualité.

Cruising : terme anglais désignant la drague. Dans les guides gays, on trouve souvent : « cruising bar ».

Goudou : nom familier et péjoratif donné aux lesbiennes.

Honteuse : nom donné par les gays à un gay qui ne s'assume pas et dissimule son homosexualité.

Outing : dénonciation publique de l'homosexualité d'une personnalité connue.

Queer : mot anglais désignant les homosexuels dans leur ensemble (hommes et femmes).

Rainbow flag : drapeau de la communauté gay et lesbienne aux couleurs de l'arc-en-ciel, sorte de signe de ralliement.

Relapse : nom donné à la tendance des homosexuels ces dernières années à se relâcher dans la prévention et la protection contre le sida.

Straight : opposé à gay, désigne les hétérosexuels.

Têtu emploie constamment des termes qui peuvent faire partis d'un langage gay. Chacun se doit donc de comprendre de quoi il s'agit. Prenons l'exemple de l'adjectif camp : ce mot désigne une manière d'être, une auto-dérision kitsh qui, serait propre aux homosexuels. Il se rattache notamment au phénomène des drag-queens, au culte des stars de la chanson comme Dalida, Chantal Goya, Amanda Lear ou Sheila, au culte d'une série d'actrices divines comme Judy Garland ou Marylin Monroe, rigolotes comme Valérie Lemercier ou Sylvie Joly, et trash comme les héroïnes de la série Absolutely fabulous102(*).

Le fait que l'homosexualité a été réprimée pendant une longue période (et qu'elle le soit encore dans de nombreux pays) a poussé les gays et les lesbiennes à s'approprier un certain nombre de choses et à les regrouper sous le terme de « culture ». Il est difficile d'imaginer aujourd'hui ce que furent sans doute les conversations des homosexuels entre eux se racontant le procès d'Oscar Wilde, leurs débats sur les moindres détails allusifs de Sodome et Gomorrhe de Proust ou leur émotion face au courage de Gide lorsqu'il écrivit Corydon, son petit traité sur l'homosexualité. De leur côté, les lesbiennes ont pu se familiariser avec la Claudine de Colette. Les traces de l'histoire des homosexuels se cachent sans doute dans cette profusion littéraire, quelque part entre Le banquet de Platon, les sonnets de Shakespeare et les Essais de Montaigne mais aussi autour des ouvrages de Gertrude Stein et de Virginia Woolf.

Le magazine Têtu fait chaque mois un tour d'horizon de l'actualités littéraires mais aussi cinématographiques et musicales. On l'a vu les livres ne font pas exclusivement référence à l'homosexualité, en ce qui concerne les films c'est la même chose. Il offre aussi une sorte de repères télévisuels, c'est-à-dire en gros ce qu'il ne faut pas manquer quand la télévision parle d'homosexualité ou de sujets qui peuvent intéresser les gays et les lesbiennes, cela peut aller du reportage sur Barbara, Dalida ou la retransmission d'un concert d'Elton John (n°52) à un documentaire sur les drogues ou encore sur les roux (n°56) ou Loft Story (n°56). Ces rubriques que j'ai regroupé sous le terme d' « informations socio-culturelles » ont pour fonction, à mon sens, de guider les gays et les lesbiennes vers des programmes repères qui vont dans le sens d'une adhésion à certaines valeurs, à certains styles de vie, à certains goûts. Ces points de repère montre la volonté de réunir les homosexuels autour d'une « idéologie » commune, autour de centres d'intérêt communs ou tout simplement permet de conseiller les lecteurs en évoquant ce qui existe en matière de productions culturelles et qui pourraient les intéresser.

Têtu évoque très souvent ou font référence au détour d'un article, ce que l'on appelle les icônes gays. Elles sont plus généralement des femmes, des artistes, des chanteuses. Aujourd'hui, ce terme est couramment employé, par exemple pour parler de Madonna, Mylène Farmer, Barbara ou encore Sheila, sans savoir réellement qu'est-ce qui fait qu'elles soient considérées comme telles. Certains vont mettre en avant le fait que ce qui attire les homosexuels, ce ne serait pas la femme qui attirerait leur attention, mais l'essence absolue de la femme, sa représentation fantasmée, son image parfaite103(*). Ainsi, les gays s'éprendraient des divas, qui sont le symbole même de la femme idéale et inaccessible. Cependant, on est en droit de se demander si des chanteuses comme Sheila ou plus actuellement Mariah Carey ou Kylie Minogue peuvent être considérées comme des divas. Cet amour sans désir trouverait même sa réalisation dans un fétichisme des plus fervents, certains vont jusqu'à dire que Mylène Farmer, Sheila et Sylvie Vartan sont les stars incontestées du panthéon gay et formeraient incontestablement une culture gay. Cette engouement ne concerne évidemment pas tous les homosexuels et nous pourrions même dire qu'il est surtout le fait des générations précédentes. A travers les entretiens, on s'aperçoit que cette image est désuète et même ridicule et ironisée : « Moi ça me ferait mal de me dire que la culture gay se fonde sur le dernier album de Mylène et sur la dernière collection de Jean-Paul Gaultier [...] » ( Laurent, 22 ans, étudiant). La rubrique Infos de Têtu traite chaque mois une partie people dans laquelle on peut suivre les actualités de ces icônes :

· Kylie Minogue fait de la publicité pour Coca (n°52)

· Sortie de la troisième saison d'Absolutely Fabulous (série apparemment culte) (n°52)

· Janet Jackson divorce (n°53)

· Le mariage de Madonna (n°53)

Cet engouement n'a pas non plus son équivalent chez les lesbiennes, qui elles, on l'a vu, vont plutôt s'intéresser à une personnalité publique du fait de son homosexualité (Amélie Mauresmo, Ellen Degeneres, KD Lang, Anne-Laure...).

Il y a cependant, une volonté de constituer une sorte de patrimoine musical homosexuel, malgré le fait que cela puisse être contesté et bien plus relatif qu'un patrimoine littéraire ou cinématographique.

Le conservatoire des archives et des mémoires homosexuelles

Ce conservatoire ouvert depuis septembre 2002 se propose de regrouper et d'archiver tous supports, tous documents ayant attrait à l'homosexualité, la bisexualité et la transexualité. On peut y trouver des journaux, des magazines, des revues, des fanzines, des bulletins associatifs, des ressources documentaires sur papier et sur internet, des musiques, des chansons, des émissions radio, des vidéos, des films, des programmes, des plans, des guides, des catalogues, des romans, des nouvelles, des recueils de poésies, des romans photos, des bandes dessinées, des photographie, des dessins, des peintures, des sculptures, des posters, des calendriers, des affiches, des tracts, des flyers et autres objets divers104(*). Tout ceci montre bien la volonté de construire et de rendre visible un véritable patrimoine gay et lesbien.

Si le patrimoine musical est contestable, le patrimoine littéraire, semble plus probable. Ainsi, dans une lignée qui va de Proust à Yourcenar et relie Gide, Genet ou plus récemment Bernard-Marie Koltés, on pourrait parler d'une certaine mémoire collective des homosexuels qui se serait gravée : le monde de Proust constituerait à lui seul un repère culturel essentiel de l'homosexualité, « il n'y avait pas d'anormaux quand l'homosexualité était la norme » reste le mot fameux de la Recherche du temps perdu105(*).

II ) Usages et enjeux sociaux d'une culture gay et/ou lesbienne

* 86 1969 : date des événements de Stonewall qui marquent l'acte de naissance du mouvement homosexuel.

* 87 CASTANEDA M. op.cit.

* 88 LELAIT D. « Gayculture », Ed. Anne Carrière, Paris, 1998

* 89 « Quelques questions sur le mouvement gay et lesbien » in « La domination masculine », Seuil, Paris, 1998

* 90  ERIBON D. « Réflexions sur la question gay », Fayard, Paris, 1999

* 91 FORTIN J. « Homosexualités : l'adieu aux normes », Textuel, Paris, 2000

* 92 in ExAequo n°16, Mars 1998

* 93 MARTEL F. « La longue marche des gays », Gallimard, Paris, 2002

* 94 On retrouve toutes ces informations sur les associations dans le supplément de Têtu avec toutes les coordonnées.

* 95 Act-up Paris, « Le sida : combien de divisions ? », 1994, PP11-12

* 96 in ExAequo n°8, Juin 1997

* 97 TAMAGNE F. « Mauvais genre ? Une histoire des représentations de l'homosexualité », Ed. LM, Paris, 2001

* 98 in Têtu n°62, décembre 2001

* 99 Citons le guide Diablesses, vente par correspondance de livres et vidéos à thématique lesbienne ou encore le catalogue de la librairie gay du Marais à Paris, Les mots à la bouche.

* 100 CORCUFF P. « Les nouvelles sociologies », Nathan Université, Coll. 128, Paris, 1995

* 101 Information prise sur Gaybek.com, site gay québécois

* 102 in le Nouvel Observateur n°2012, Mai 2003

* 103 LELAIT D. « Gay Culture », Ed. Anne Carrière, Paris, 1998

* 104 Informations disponibles sur internet.

* 105Cité in MARTEL F. « La longue marche des gays », Ed. Gallimard, Paris, 2002

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway