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Le vocabulaire des discours d'investiture au Québec et en France (1995-2006)

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par Jean-Marie GIRIER
Institut de la communication - Université Lyon 2 - Master 1 en Sciences de l'Infomation et de la Communication 2006
  

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2. La France face à des défis structurels

La bataille de l'emploi

L'emploi est le réel leitmotiv des dix dernières années de gouvernance en France. Lorsque François Mitterrand prit le pouvoir en 1981, le nombre de chômeurs était de 1,8 millions, et cette valeur atteignit 2,8 millions 14 ans plus tard. Lionel Jospin la réduisit de 3,1 à 2,4 millions en 5 ans, et désormais le nombre de chômeurs est stabilisé autour de 2,6 millions122(*). Quoi qu'il en soit, la résorption du chômage s'est imposée comme la grande bataille de la fin du XXe siècle. Tous les dirigeants politiques font désormais preuve d'un certain volontarisme et tentent leur chance face à cette oeuvre colossale.

L'objectif des Premiers ministres de droite comme de gauche est de relancer l'emploi (114) grâce à tous les moyens possibles. Par ailleurs, leur action (45) réside aussi dans le retour de la confiance (25) des ménages. Comme le laisse entendre le politologue Roland Cayrol123(*) « les Français ne croient plus, dans leur immense majorité, qu'une solution globale (une solution politique) puisse être trouvée, à court ou même à moyen terme, au problème du chômage ». Ce fléau pèse sur les esprits, mais l'espoir persiste car les deux tiers des Français estiment que le chômage et l'emploi doivent être les priorités du gouvernement124(*). Dès lors, les Premiers ministres vont composer avec les attentes de leurs concitoyens.

Graphique n°11 : Fréquences relatives des vocables emploi, chômage et économie.

Le vocable le plus utilisé est emploi, et il regroupe tout un champ lexical composé des termes chômage (28), contrat (36), travail (52), embauche (16), création (33). Dans leur étude sur les discours de politique générale125(*), Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith font remarquer que Édith Cresson, Édouard Balladur, Alain Juppé et Lionel Jospin insistent moins sur le commerce, l'économie, pour privilégier l'emploi. Le graphique ci-dessus corrobore leurs résultats, qui peuvent désormais s'étendre jusqu'en 2006. Par ailleurs, les deux courbes situées au bas du graphique nous permettent d'effectuer un parallèle entre chômage (28) et économie (23). Nous constatons que ces vocables sont employés dans les mêmes proportions, et qu'au-delà, ils suivent la même évolution. Les deux phénomènes subissent un usage commun car les Premiers ministres avancent que le chômage est lié aux faibles performances de l'économie nationale. Sans la définir comme telle, les dirigeants présentent la cause de ce chômage comme structurelle. C'est ainsi qu'on parlera beaucoup de croissance (39) car cet indicateur cristallise les solutions dont l'État (124) n'est pas maître. Le refus de présenter cette situation en tant que structurelle les amène tous à tourner autour d'une réalité par l'échappatoire de l'éducation, des charges patronales ou encore de l'Europe. Les propos ne peuvent pas s'inscrire dans un réalisme trop dur qui exposerait les blocages intervenus lors de l'évolution des structures démographiques, économiques, sociales, institutionnelles. Gouverner signifie étymologiquement tenir la barre126(*), alors un chef de gouvernement ne peut renvoyer l'action à plus tard.

On constate que la fréquence du terme emploi est proportionnelle à l'évolution du taux de chômage. Ce vocable monopolise l'espace, il est un symbole mobilisé comme un espoir en l'avenir (47), et cela se développe au détriment de l'usage de son champ lexical127(*). Le terme chômage dont la résonance rappelle les échecs successifs de l'ensemble des gouvernements, est progressivement délaissé ; il en est de même pour le vocable travail. On remarque aussi l'emploi parallèle de création et de contrat : nous considérons ces termes révélateurs des politiques adoptées durant cette dernière décennie. Pour pallier au chômage, de nombreux outils ont été développés, nous allons en présenter trois à travers des extraits caractéristiques :

- les contrats aidés pas l'État : « Nous allons instituer le contrat initiative-emploi dont vous connaissez l'économie générale : pour un salaire au niveau du SMIC, une exonération complète des charges sociales patronales et une prime de 2 000 francs par mois pendant deux années » (Juppé, 1995).

- le soutien à la création d'entreprise : « Nous créerons des conditions propices au développement des ces entreprises, par une fiscalité favorable à l'investissement, par la mobilisation de l'épargne, par le renforcement des fonds propres des PME, par la simplification des procédures administratives, par une politique active du capital-risque. C'est là, je le sais bien, que se situe le principal gisement d'emplois du tournant du siècle » (Jospin, 1997).

- des nouveaux contrats de travail : « Dans le respect du code du travail, je propose la mise en place à compter du 1er septembre d'un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée, le « contrat nouvelle embauche ». Mieux adapté aux contraintes des très petites entreprises auxquelles il pourra être proposé, il conciliera plus de souplesse pour l'employeur et de nouvelles sécurités pour le salarié ». (De Villepin, 2005).

Autour de ces programmes, on notera l'existence du champ lexical de l'éducation et de la formation. Il persiste en France une mythologie urbaine qui valide l'équation éducation égal emploi128(*). Dès lors nous pouvons constater que l'offre de politiques correspond à cette croyance : l'éducation est généralement présentée dans les discours lors du questionnement sur une meilleure orientation pour favoriser l'entrée sur le marché du travail129(*). De l'école (29) à l'université (12), l'enseignement (8) scolaire (17) est orienté vers l'éducation (23) et désormais vers une vraie formation (29) professionnelle (21). Cependant, la cible étant les jeunes (46), l'absence des mots collège et lycée apparaît contradictoire alors que ces institutions formatrices sont fondamentales dans le processus de développement et d'acquisition d'un savoir commun.

D'autres lierons le cas de l'emploi avec l'Europe (33). Lors des négociations pour l'Union économique et monétaire, Juppé et Jospin se reposeront sur la Communauté européenne. Ce paragraphe apparaît très symptomatique :

« Certes la croissance ne se décrète pas, elle se prépare, elle se gagne. Nous n'y parviendrons pas seuls. L'atonie de la croissance est un problème posé à l'Europe tout entière. La réponse doit pas conséquence être commune. [...] Dans un délais très court, nous avons pu obtenir de tous nos partenaires, d'une part, l'acceptation d'une résolution sur la croissance et l'emploi venant compléter et équilibrer le pacte de stabilité et, d'autre part, la tenue d'un sommet exceptionnel consacré à l'emploi. » (Jospin, 1997)

Les exigences importantes de l'Union ont pour effet de placer les chefs de gouvernement dans une situation où ils se déchargent d'un problème national sur la zone économique régionale. Cette initiative permet de recontextualiser à juste titre le phénomène en libérant la voix au gouvernement sur d'autres domaines. Mais cette réflexion abandonnée par Jean Pierre Raffarin était empreinte de réalisme économique.

* 122 Références extraites des données de l'Insee.

* 123 Roland Cayrol, Le grand malentendu, les Français et la politique, Paris, Éditions du Seuil, 1994, pages 24 à 26.

* 124 Sondage TNS-Sofres pour Lire la politique : Les attentes des Français à l'égard du gouvernement, réalisé en mars 2006.

* 125 Pascal Marchand, Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique générale français : la fin des clivages idéologiques ? », Lexicométrica-Mots, mars 2000, 13 pages.

* 126 Raymonde Monnier, « Des mots en politique. Gouverner ou tenir la barre », Lexicométrica, 2001, 7 pages.

* 127 Cf. annexes, graphique n°5, page 20.

* 128 Roland Cayrol, Le grand malentendu, les Français et la politique, Paris, Éditions du Seuil, 1994, 186 pages.

* 129 Cf. annexes, graphique n°6, page 21.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway