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Le vocabulaire des discours d'investiture au Québec et en France (1995-2006)

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par Jean-Marie GIRIER
Institut de la communication - Université Lyon 2 - Master 1 en Sciences de l'Infomation et de la Communication 2006
  

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Chapitre 1

Le poids d'une institution discursive

 La déclaration de politique générale, c'est la chose la plus sinistre à faire.

Raymond Barre

Deux systèmes politiques distincts

L'Assemblée législative de Québec a été instaurée en 1791 afin de gérer le dominion britannique du Bas-Canada. Ce territoire, nommé la Nouvelle-France depuis sa colonisation par Samuel de Champlain, relevait auparavant de l'autorité du roi de France. La région participa ensuite à la création de la confédération canadienne lors de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique en 1867 par lequel fut institué l'État fédéral dont le gouvernement siège à Ottawa. La province fonctionne depuis lors sous un régime de monarchie parlementaire de type Westminster, dans un système bipolaire32(*) avec quasi uniquement deux partis. Le chef de l'État est la Reine Élisabeth II, mais son statut est seulement symbolique et consiste à maintenir les liens qui unissent tous les États du Commonwealth. Elle est représentée au Canada à travers un gouverneur-général qui a pour fonctions l'apposition du sceau royal et la promulgation des lois.

Le système de la confédération canadienne accorde des pouvoirs importants à ses provinces. Celles-ci fonctionnent comme de réels États, avec un gouvernement issu du Parlement qui dispose des pouvoirs régaliens, de l'initiative des lois, du droit de lever des impôts... Le Québec compose avec une administration qui lui est propre, lui permettant entre autres de gérer les domaines de la santé, de la justice33(*), de l'éducation, du budget...

Au Parlement de Québec, on retrouve le parti gouvernemental du Premier ministre et celui de l'opposition officielle. Le système politique conduit à la création de partis politiques forts car il est nécessaire de disposer d'une majorité au Parlement pour pouvoir mettre en place ses projets. La scène québécoise est monopolisée par le Parti libéral du Québec (PLQ) et par le Parti québécois (PQ). Plus récemment, les conservateurs de l'Action démocratique du Québec (ADQ) ont fait leur entrée dans la chambre. Leur arrivée a alors prêté à la création de gouvernements minoritaires au Parlement, mais ce fait est exceptionnel tant les deux grands partis neutralisent toute concurrence.

Les députés élus au suffrage universel direct nomment un Premier ministre parmi l'un d'eux, généralement le chef du parti. Ce dernier choisit dans le collège de députés son Cabinet, c'est-à-dire son conseil des ministres. La durée officielle du mandat est de 5 ans, cependant la longévité moyenne d'un Cabinet est de 3 ans. Les gouvernements savent agir en conséquence lorsqu'ils sont trop impopulaires, contestés par la base de leur mouvement ou s'ils subissent le moindre échec électoral. Dans le cas où le parti gouvernemental ne serait plus majoritaire en chambre, l'Assemblée peut exprimer sa défiance à l'égard du Premier ministre qui devra alors remettre sa démission au lieutenant-gouverneur, le représentant du gouverneur-général dans la province. Mais le régime n'en est pas pour autant instable dans la mesure où les gouvernements profitent toujours d'une période suffisamment longue pour appliquer leur programme.

Les élites québécoises des années 1980 sont majoritairement issues de la filière juridique ainsi que du milieu universitaire d'excellence. Ainsi Jacques Parizeau, diplômé de la London School of Economics enseignait à HEC Montréal, Bernard Landry repris ses études alors qu'il exerçait au Barreau de Québec pour obtenir un diplôme de l'IEP de Paris en section économique34(*), Jean Charest a commencé sa carrière en tant qu'avocat en droit criminel35(*), tout comme Lucien Bouchard. Nous pourrons voir plus tard que l'excellence oratoire des avocats transparaît nettement dans les mots des discours inauguraux.

Pour terminer, il faut préciser qu'il n'existe plus de Conseil législatif au Québec. Auparavant constitué sur le principe de la chambre des Lords au Parlement de Westminster avec des membres nommés à vie pour leur rang social, le Conseil législatif du Québec a été aboli en 1968. Cette chambre disposant de pouvoirs forts présentait un décalage trop grand avec l'idéal démocratique et le suffrage universel. Il n'existe donc plus qu'une seule chambre toute puissante, dont seuls les magistrats de la Cour Suprême de la Couronne peuvent invalider les décisions.

La République française, elle, prend ses sources au fondement de l'exaspération jacobine contre la monarchie qui se cristallisera dans la Révolution de 1789. L'idéal réside dans un État dirigé par des élus du peuple et responsables devant celui-ci. Un siècle et demi plus tard, au lendemain du second conflit mondial, les Français rejettent par référendum le retour à la IIIe République, qui reposait sur le primat du législatif. Le gouvernement provisoire laisse la place à la IVe République, un régime parlementaire bicamériste dans lequel les deux Assemblées élisaient un Président de la République pour 7 ans. Ce dernier disposait d'un rôle de second plan car le pouvoir exécutif était exercé par le Président du Conseil qu'il avait la charge de désigner. Cependant, face à une crise institutionnelle insurmontable36(*), le Général de Gaulle fut investi des pleins pouvoirs en 1958 afin de mettre en place une nouvelle constitution.

La Ve République installe un régime semi-présidentiel pour en finir avec « le régime des partis37(*) » en assurant à la fois la stabilité et la puissance du pouvoir exécutif, désormais aux mains du Président de la République. Élu dès 1962 au suffrage universel direct pour une durée de 7 ans38(*), le régime lui accorde une place très importante. Chef des armées, recours suprême en justice, il dirige la diplomatie et indique au gouvernement ses grandes orientations. Dans un souci de prééminence de l'exécutif, le Président de la République dispose aussi du droit de dissoudre l'Assemblée nationale, ce qui constitue une limite à la séparation des pouvoirs39(*).

En France, le Premier ministre est une véritable institution40(*). Certains historiens attribuent même son apparition au début de la monarchie capétienne41(*). Il est constitutionnellement un puissant subordonné, chargé de déterminer et d'exécuter la politique de la nation42(*). À l'inverse du système de la IVe République, le Premier ministre de la Ve République est nommé par le Président de la République, et compose avec lui son gouvernement43(*). À la différence du Québec, il n'est en aucun cas obligatoire que celui-ci soit un élu à l'Assemblée nationale, ainsi Dominique de Villepin est devenu Premier ministre sans n'avoir jamais été légitimé par l'élection. Par ailleurs, la Ve République rend possible la situation unique d'une cohabitation d'un Président et d'un Premier ministre politiquement opposés44(*) : le rôle du chef de l'État se voit alors affaiblit.

Le système bicaméral repose sur une Assemblée nationale élue au suffrage universel direct et sur un Sénat élu au suffrage universel indirect par les « grands électeurs ». Les projets de loi du gouvernement effectuent une navette entre les deux chambres afin d'être examinés. Cependant la décision finale appartient toujours à l'Assemblée nationale. Le gouvernement est responsable de son action devant celle-ci et il peut être renversé par le vote d'une motion de censure.

Contrairement au Québec, les élites de la classe politique française ne sont pas issues de la magistrature mais du fleuron de l'administration publique. En effet, il persiste en France une tradition de grandes écoles d'excellence. Le Général de Gaulle fonda par ordonnance en 1945 l'École nationale d'administration (ÉNA) afin de recruter et de former les futurs cadres supérieurs de l'administration publique. Cette institution d'élite constitue un réservoir de futurs dirigeants gouvernementaux. Parmi les dix derniers Premiers ministres de la Ve République, seuls trois ne sont pas issus d'un tel cursus. Jean-Pierre Raffarin, le seul à ne pas être énarque parmi notre corpus, détient par exemple un diplôme de l'École supérieure de commerce de Paris.

Notre objet d'étude porte donc bien sur deux États différents. Le régime parlementaire ne correspond en rien au système présidentiel. Les Premiers ministres disposent de fonctions équivalentes, mais n'évoluent pas dans un environnement similaire.

* 32 Il existe un système de pouvoir à deux paliers : le pouvoir fédéral et le pouvoir provincial. Ils sont tous les deux distincts.

* 33 Notons que le droit civil québécois est unique au Canada. Il repose sur les bases du Code Napoléon.

* 34 Michel Vastel, Landry, le grand dérangeant, Montréal, Les Éditions de l'Homme, 2001, 434 pages.

* 35 Jean Charest, J'ai choisi le Québec, Ottawa, Éditions Pierre Tisseyre, 1998, 276 pages.

* 36 Sous la IVe République, le Président du Conseil était dépendant des majorités parlementaires. En 12 ans, pas moins d'une vingtaine de gouvernements se succédèrent, avec une durée moyenne de 9 mois. Le régime fit face à une crise diplomatique avec le Canal de Suez, et des crises coloniales avec le conflit en Indochine et les négociations avec la Tunisie et le Maroc. Ce sont les évènements d'Algérie qui scelleront définitivement le sort d'un régime incapable de s'imposer face aux évolutions de son temps (décolonisation, Trente Glorieuses...).

* 37 Expression employée par Charles de Gaulle, fervent opposant aux institutions de la IVe République.

* 38 Depuis le référendum sur le quinquennat en 2000, le Président de la République est élu pour une durée de 5 ans. Cela permet d'éviter les blocages institutionnels liés à une éventuelle cohabitation. Par ailleurs, le statut pénal du chef de l'État a été précisé en 2001 par la Cour de Cassation qui lui accorde l'immunité tant qu'il est en fonction.

* 39 Serge Sur, Le système politique de la Cinquième République, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ?, 3ème édition, 1987, 120 pages.

* 40 Paul Marie de la Gorce, Bruno Moschetto, La Cinquième République, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que-sais-je ?, 7ème édition, 1996, 124 pages.

* 41 Jean Massot, Le chef du gouvernement en France, Paris, La documentation française, collection « Notes et études documentaires », 1979, 299 pages.

* 42 Jean Massot, Le chef du gouvernement en France, Paris, La documentation française, collection « Notes et études documentaires », 1979, 299 pages ; Stéphane Rials, Le Premier Ministre, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 2ème édition, 1985, 123 pages.

* 43 Dominique Labbé, Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000), Paris, Editions Honoré Champion, Collection Lettres numériques, 2003, page 81.

* 44 La Ve République fut marquée par trois périodes de cohabitation : Mitterand-Chirac (1986-1988), Mitterrand-Balladur (1993-1995), et Chirac-Jospin (1997-2002).

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon