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Le rôle des acteurs sous-régionaux dans l'intégration économique et politique: l'étude de cas de la CEDEAO

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par Mahamidou DOUKA ALASSANE
Institut d'Etudes Politiques de Toulouse - Master 2 recherche de Géopolitique et Relations Internationales 2006
  

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PREMIERE PARTIE

CHAPITRE I

I. INTRODUCTION GENERALE

Les pays du Tiers-Monde ont été périodiquement invités depuis 1950 à expérimenter un éventail de différentes stratégies de développement: révolution verte, zone franche industrielle entre autres. A partir des années 1970-1980, c'est le thème de l'intégration économique qui est à l'honneur.

Les premières tentatives d'intégration économique en Afrique Noire ont eu lieu à la veille du mouvement de décolonisation. Elles sont donc vieilles de plus d'un quart de siècle et ne présentent aucune nouveauté. Ce qui est par contre nouveau, c'est l'intérêt sans cesse grandissant suscité par le thème de l'intégration, qui se manifeste par des recommandations au niveau des instances internationales2, des réunions des chefs d'Etat, des ministres4, des conférences et colloques universitaires5.

L'élan a été donné à la troisième conférence des pays non-alignés tenue à Lusaka (Zambie) en 1970. Celle-ci avait vivement recommandé l'intégration comme stratégie prioritaire de développement. Quatre ans après, l'Assemblée Générale de l'ONU revient sur la question dans sa fameuse déclaration sur le nouvel ordre économique international. L'idée fondamentale était la suivante: le sous-développement a été accentué par l'ordre économique international qui a prévalu de 1945 à 1970; celui-ci mettait en rapport les pays développés (le Nord) avec les pays en développement (le Sud) dans un réseau de relations verticales de domination et d'exploitation des secondes par les premiers.

Dès lors, il s'agit de mettre en place un nouvel ordre économique international fondé sur l'équité et la justice, dans un cadre de dialogue entre le Nord et le Sud. Mais, parallèlement, les relations entre les pays en développement devront être renforcées, notamment par la stratégie d'intégration économique. Cette stratégie est appelée à promouvoir l'autonomie collective des pays en développement en les amenant à compter d'abord sur leurs propres forces. La recommandation a été maintes fois renouvelée par la suite avec un argument de poids: l'impact de la crise (récession, inflation, chômage) a très sensiblement réduit les possibilités d'aide de la part des pays développés.

Enfin, il est très important d'y ajouter les initiatives de la Commission Economique pour l'Afrique (CEA)6, qui est actuellement le promoteur le plus dynamique de la stratégie d'intégration économique en Afrique. Il a paru particulièrement opportun d'évaluer dans ce contexte les expériences ouest-africaines d'intégration. Frantz FANON 7 écrivait: "chaque génération dans une relative opacité doit découvrir sa mission, la remplir ou la trahir". La dernière génération des africains s'est fait de la lutte politique pour la décolonisation un idéal. La présence doit bâtir un continent, asseoir son économie, développer son potentiel. C'est à cela que l'on s'attelle ici et là, c'est ce que l'on proclame en tout cas et, de manière générale, la lutte pour le développement est toujours allée de pair avec le combat pour l'intégration.

Petits ou faibles, divisés par des années de balkanisation coloniale, ces nouveaux Etats n'avaient pratiquement aucun poids sur le plan international; ils étaient à la merci du monde industrialisé, capable de leur imposer le même degré de contrôle après la décolonisation qu'auparavant. En fait, dès 1959, l'Afrique Occidentale va voir fleurir des organismes et des mécanismes de coopération. On en dénombre actuellement une cinquantaine: Mano River Union (MRU), Organisation de Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), Organisation de Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG), Association pour le Développement du Riz en Afrique de l'Ouest (ADRAO), Communauté Electrique du Bénin (CEB), Union Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest (UDEAO), Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO) etc., la liste est longue de ce qui a semblé devenir la priorité des africains, l'intégration régionale et sous-régionale.

C'est ainsi donc qu'au sud du Rio Grande furent créés le Pacte Andin, l'association Latino-Américaine de Libre commerce (ALALC), le Marché commun Centre Américain; la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et, qu'en Afrique se sont constituées l'UDEAC (Union Douanière des Etats d'Afrique Centrale), la CEEAC (Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale) en Afrique Centrale, la CEAO et la CEDEAO en Afrique de l'Ouest.

L'après deuxième guerre mondiale (1945) a vu la naissance de plusieurs acteurs (blocs, ensembles) régionaux et sous-régionaux. Ceux-ci peuvent être conçus pour des raisons économiques comme la CEE (1957), la CEDEAO (1975), la SADC (1992), le MERCOSUR (1991); pour des raisons militaires comme le Pacte de Varsovie (1955), l'OTAN (1949); pour des raisons politiques comme l'O.U.A. (1964). Ces intégrations se caractérisent par des accords de libre échange (suppression des droits de douane; la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux dans l'espace des différents ensembles; de la politique commune monétaire et autres. Les pays étaient conscients des conséquences de la guerre qui retarde le développement économique et politique, d'où l'idée de création des organisations, qui à part l'intégration permettent de faire face à des concurrences commerciales surtout avec l'ère de la mondialisation. Mais, aujourd'hui, ces blocs, pour la plupart sont confrontés à des problèmes liés surtout aux conflits. Ce qui les détourne de leur mission majeure qu'est l'intégration économique. C'est ainsi que l'ONU, la maison mère des organisations internationales fait appel aux ensembles régionaux et sous-régionaux dans les gestion et résolution des conflits les concernant. C'est à partir des années 1990 que la participation au maintien de la paix et à la gestion des conflits d'acteurs régionaux et sous-régionaux, complétant le rôle de l'ONU, a commencé à se concrétiser.


Dans son Agenda pour la paix publié en 1992, le Secrétaire Général de l'ONU, Boutros Boutros Ghali, consacrait un chapitre à la "coopération avec les accords et organismes régionaux":
"Dans son article 21, le Pacte de la Société des Nations soulignait l'utilité des ententes régionales pour le maintien de la paix. Le Chapitre VIII de la Charte est consacré aux accords et organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, compatible avec les buts et principes des Nations Unies. La guerre froide a empêché que l'on applique utilement les dispositions de ce chapitre et il est même arrivé, durant cette période, que des accords régionaux s'opposent au règlement de certains différends selon les modalités prévues par la Charte.
Les auteurs de la Charte ont délibérément renoncé à donner une définition précise des accords et organismes régionaux ; la souplesse qui en résulte permet à des groupes d'Etats d'intervenir pour régler une question qui se prête à une action de caractère régional et de contribuer également au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les associations ou entités en question peuvent être des organisations créées par un traité, avant ou après la fondation de l'Organisation des Nations Unies, ou bien des organisations régionales de sécurité et de défense mutuelles, ou encore des organisations destinées à assurer le développement régional d'une façon générale ou sur un aspect plus spécifique. Ce peut être encore des groupes créés pour traiter d'une question particulière, qu'elle soit politique, économique ou sociale, posée au moment considéré.
Les accords et organismes régionaux possèdent dans de nombreux cas un potentiel qui pourrait contribuer à l'accomplissement des fonctions examinées dans le présent rapport : diplomatie préventive, maintien de la paix, rétablissement de la paix et consolidation de la paix après les conflits. Aux termes de la Charte, le Conseil de sécurité a, et continuera d'avoir, la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, mais l'action régionale, par le biais de la décentralisation, de la délégation et de la coopération aux efforts de l'Organisation des Nations Unies, pourrait non seulement rendre plus légère la tâche du Conseil, mais contribuer également à la création d'un sentiment plus fort de participation, de consensus et de démocratisation en ce qui concerne les affaires internationales
."

Puis en janvier 1995, dans son le Supplément à l'Agenda pour la paix, Boutros Boutros Ghali précise les différentes formes que doit revêtir cette coopération avec les organisations régionales : la consultation, l'appui diplomatique, l'appui opérationnel, le co-déploiement d'effectifs et les opérations conjointes.

Les acteurs régionaux susceptibles d'intervenir dans les conflits sont nombreux, ce sont notamment l'OTAN, l'Union européenne, l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), qui joue plutôt un rôle d'observateur. Ce sont aussi des organisations régionales et sous-régionales africaines, qui vont tenter de mettre en place des structures de gestion des conflits afin de gérer les processus de paix par elles-mêmes au niveau du continent, telles l'UA (Union Africaine), qui a succédé à l'O.U.A. (Organisation de l'Unité Africaine), la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), la SADC (Communauté de Développement d'Afrique Australe), la CEEAC (Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale). A un degré divers, et que nous n'analyserons pas dans ce dossier, c'est aussi l'OEA (Organisation des Etats Américains), qui a mené une des premières opérations conjointes de paix avec l'ONU, la MICIVIH (Mission Civile Internationale en Haïti), chargée de l'observation et la vérification des droits de l'homme dans le pays puis qui a assuré ensuite en commun les effectifs, la direction et le financement de la MINUHA (Mission des Nations Unies en Haïti). C'est aussi la CEI (Communauté des Etats Indépendants) qui a déployé des forces en Géorgie - South Ossetia Joint Force depuis 1992, puis Peacekeeping Forces in Georgia en 1994, à la frontière entre la Géorgie et l'Abkhazie conjointement avec la MONUG (Mission des Nations Unies en Géorgie) et la Mission de l'OSCE en Géorgie - puis au Tadjikistan - Collective Peacekeeping Force depuis 1993, en liaison avec la MONUT (Mission d'Observation des Nations Unies au Tadjikistan) et la Mission de l'OSCE au Tadjikistan.

C'est avec la participation de ces acteurs régionaux que l'on peut parler de l'émergence d'une nouvelle génération d'opérations de maintien de la paix, dans les années 1990, après celles de 1ère et de 2ème génération qui couvrent grosso-modo la période antérieure 1948-1990.8

La CEDEAO (ECOWAS en anglais), Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest a été initiée par les présidents Yakubu Gowon, du Nigeria et feu Gnassimbé Eyadema, du Togo. Elle a été créée par le Traité de Lagos le 28 mai 1975 par quinze Etats membres rejoints par le Cap-Vert en 1976. La Mauritanie quitta l'organisation en 2002. Ces quinze Etats sont: huit Francophones (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Togo, Sénégal), cinq Anglophones (Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria, Sierra-Léone) et deux Lusophones (Cap-Vert et Guinée-Bissau). Elle est comprise entre le tropique du Cancer et le golfe de Guinée et elle couvre une population de 230 millions d'habitants et une superficie de six millions de km2. La CEDEAO a pour missions de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l'activité économique, d'abolir, à cette fin, les restrictions au commerce, supprimer les obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des biens, l'harmonisation des politiques sectorielles régionales. L'objectif majeur reste la constitution d'un vaste marché commun ouest-africain et la création d'une union monétaire.

Bien qu'à la base son rôle soit purement économique, la CEDEAO s'est assez vite intéressée au maintien de la paix. C'est en effet une condition essentielle pour qu'une union puisse se réaliser. Suite aux tensions entre les différents pays, la CEDEAO a décidée en 1978 d'adopter un Protocole de non agression. Suivi en 1981 par le Protocole d'assistance en matière de défense et une Déclaration des principes politiques en juillet 1991.

Mais c'est en 1990 que l'aspect sécuritaire de la CEDEAO a été appliqué concrètement. Lors de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, il fut décidé de mettre en place un groupe surveillant l'application d'un cessez-le-feu, l'ECOMOG (pour Economic Community for West African States Cease-fire Monitoring Observer Group). Ce groupe de supervision est vite devenu une force d'interposition et est intervenu notamment dans les guerres civiles du Liberia, de la Sierra-Léone et de la Guinée-Bissau et récemment en Côte d'Ivoire.

En 1999, suite aux différentes guerres civiles, les Etats membres décidèrent la création d'une force de sécurité en attente. Cette force conserve son appellation d'origine (l'ECOMOG) et ses principales tâches seront entre autres l'observation et la supervision des cessez-le-feu, le maintien de la paix, l'intervention humanitaire, le déploiement préventif, la construction de la paix, le désarmement et la démobilisation. Cette force d'interposition, l'ECOMOG, avec l'appui financier des Nations Unies et logistique des pays membres a mis un terme à la guerre civile au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau. Cette fin de guerre a conduit aux élections libres et transparentes au Liberia en 2006, ce qui donne espoir pour un nouveau redémarrage économique de la sous-région ouest-africaine. Malgré ces efforts fournis, la CEDEAO est loin d'atteindre son objectif dû à plusieurs facteurs.

Le 19 janvier 2005, au cours du 28ème sommet à Accra (Ghana), Tandja Mamadou, président du Niger, a été élu président en exercice de la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest, en remplacement du ghanéen John Kufuor. Il a été reconduit à ce poste le 13 janvier 2006 à Niamey. Le Secrétaire Général est Dr. Mohammed Ibn Chambas qui assurera la Commission dès janvier 2007. Une force stable composée de 6.500 hommes a été aussi créée en vue de la prévention, gestion et résolution des conflits dans les zones sensibles (Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Liberia, Sierra-Leone) basée à Accra (Ghana), mais aussi d'intervenir rapidement si nécessité il y a.

Lors du sommet d'Abuja le 14 juin 2006, les chefs d'Etats de la CEDEAO ont approuvé une modification de l'organisation. Le secrétariat est remplacé par une commission de neuf commissaires, issus à tour de rôle des pays membres. Le mandat de 4 ans des premiers commissaires, issu du Burkina-Faso, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Mali, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra-Léone et du Togo débutera en janvier 2007. Le Ghana assurera la présidence de la commission et le Burkina Faso la vice-présidence.9

II. PROBLEMATIQUE

C'est le souci de faire connaître un peu plus la CEDEAO à l'extérieur de ses frontières (sous-région) de par ses exploits économiques et politiques qui a motivé cette recherche. Pour parvenir à nos fins, un certain nombre de questions mérite d'être posé: Pouvons-nous parler des exploits (rôles économiques et politiques) qu'à jouer la CEDEAO aujourd'hui? Est-ce qu'elle a atteint son objectif majeur comme prévu dès sa création? Quels sont les facteurs ayant perturbés son objectif principal? A partir du moment où c'est le Nigeria qui domine (il faut le reconnaître) largement cette organisation, pouvons-nous parler des valeurs communes entre les Etats membres ou s'agit-il d'un prolongement de la puissance nigériane dans la sous-région ouest-africaine? Au cas où il s'agirait d'une intégration ouest-africaine, quelle place occupe-t-elle au sein panafricain et sur le plan mondial?

Tout laisse penser que la réponse à ces questions constituera le socle sur lequel se basera cette étude pour analyser de la façon la plus compréhensive possible le rôle de la CEDEAO. Nous avons souvent l'habitude d'entendre parler de l'inexistence et parfois de l'insuffisance de cette intégration. Nous avons pu pourtant constater que cela n'était pas exact dans beaucoup d'autres domaines, raison d'ailleurs qui nous pousse à explorer ce qui est convenu d'appeler l'intégration ouest-africaine. La CEDEAO est une sous-région peu ou mal connue. Cela est un fait avéré, et la multiplicité des pays partageant approximativement les mêmes valeurs culturelles, sociales, historiques, politiques, économiques n'arrange rien à cette situation. C'est pour combler ce déficit que nous voulons la faire découvrir à travers les rôles qu'elle a joués depuis sa création, car quoi de plus, l'intégration est à même de fournir de façon scientifique l'anatomie socio-économique, culturel et politique des peuples ayant les mêmes valeurs. Selon notre entendement, nous avons choisi cette voie parce qu'elle est à la fois l'expression même du culturel, du social, du politique et de l'économique de plusieurs Etats, nations.

Les stratégies de développement conçues pendant longtemps pour les pays en développement, ont été basées dans un premier temps sur l'aide des pays industrialisés. Cette politique de l'aide s'est révélée, très tôt, inadaptée à permettre un développement économique autonome des pays en développement. Car, cette aide qui semble exclure toute préoccupation de compensation, de réciprocité10, a en réalité pour effet essentiel de servir les intérêts économiques et politiques des pays industrialisés11.

Certains auteurs analysant les inconvénients de l'aide, ont pu dire que "l'aide est politiquement asservissante et économiquement assujettissante"12. Pour d'autres, l'aide est souvent une subvention aux exportateurs du pays donateur payée par le pays qui reçoit13.

En effet, tous les pays dispensateurs d'aide entendent tirer un avantage, soit économique, soit politique. L'avantage économique est le motif déterminant, car l'aide est un bon moyen de s'ouvrir les marchés, de préparer une expansion commerciale14, contribuant à prolonger le caractère primaire des économies des pays en développement à base agricole et extractive de matières premières15. Outre les objectifs économiques que vise le donateur, le pays aidé est politiquement soumis, car l'aide est souvent accordée à condition que l'Etat bénéficiaire accepte les points de vue du donateur.

Les pays en développement ont compris que cette politique d'aide n'était pas plus efficace pour leur développement. Cette aide ne cesse de diminuer depuis plusieurs années. Ainsi, la première et la deuxième CNUCED avaient invité les pays industrialisés à transmettre 1% de leur revenu national sous la forme d'une aide publique au développement (APD). Le Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE ramena ce pourcentage à 0,70% du PNB, chiffre qui a été retenu par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1980 à l'occasion du lancement de la troisième décennie pour le développement. En réalité, au lieu des 0,70%, l'aide au développement ne représentait en 1988 que 0,35% du PNB des pays donateurs, un pourcentage voisin des 0,34% de 197016.

Le second constat pénible est celui de l'octroi d'une indépendance politique factice, pour le moins, dans la mesure où les économies dans les pays en développement étaient et sont encore des sous-traitantes primaires des économies développées. Il était apparu nécessaire au vu de ce double constat, de réorienter les politiques de développement, de choisir de nouvelles voies dont celle de l'intégration.

Compte tenu de ce qui précède, le vrai moteur de développement réside moins dans l'aide au développement que dans l'instauration d'un environnement international favorable. La paupérisation croissante que l'on peut observer ou la relative stagnation ont des causes plus structurelles liées à la nature et à l'organisation du commerce international. C'est pourquoi l'importance de l'intégration n'a échappé à aucun dirigeant africain17. La création des regroupements régionaux à caractère tant économique que politique le montrent. En effet, cette recherche obstinée de l'intégration est une réaction contre le système économique instauré par les pays industrialisés qui consiste à appauvrir les pays en développement.

Pour les dirigeants africains, il fallait dénoncer ce système ruineux pour leurs économies, et de lui opposer une dynamique orientée vers un développement autocentré. Les organisations d'intégration économique qui se développent ici et là s'inscrivent dans cette optique. En Afrique de l'Ouest, la CEDEAO a procédé de cette logique et constitue par là des cadres de concertation dans lesquels sont débattus les épineux problèmes du sous-développement.

L'intégration économique internationale n'est pas considérée comme une panacée, mais présente comme un des moyens de surmonter l'obstacle au développement, ou encore comme l'arme la plus rationnelle, qui semble constituer les meilleures réponses aux grands maux de sous-développement qui sont entre autres: l'extrême pauvreté, la famine, l'extraversion des économies.

René DUMONT, dans les années soixante, annonçait que "l'Afrique Noire est mal partie"18. L'ouvrage déclencha, à l'époque, un extraordinaire tollé. Il valut à son auteur d'être interdit de séjour dans plusieurs capitales francophones du continent noir. Les faits aujourd'hui viennent malheureusement confirmer chaque jour ce diagnostic pessimiste.

Après une période initiale de croissance, la plupart des Etats ont connu des difficultés économiques suivies d'un déclin. L'Afrique subsaharienne voit actuellement, depuis près d'une dizaine d'années, les revenus par habitant diminuer et le problème de la faim s'aggraver. Un rapport de la banque mondiale, faisant état de cette situation dramatique conclut qu'en dernière analyse, les africains sont toujours presque aussi pauvres qu'il y a trente ans19.

Dans le même ordre d'idées, le sous-développement s'est auto-entretenu depuis plusieurs années, d'où l'expression imagée, "les pays sous-développés sont en voie de sous-développement". Cette image exprime la réalité de l'installation de ces pays dans un cercle vicieux: celui de la paupérisation.

En Afrique subsaharienne, la croissance économique générale depuis 1960 s'établit à 3,4% en moyenne, pourcentage à peine supérieur à celui de la croissance démographique20. Cette croissance s'est répartie de façon inégale dans le temps et dans l'espace21.

Si l'on considère les résultats économiques, les années soixante n'ont pas été particulièrement brillantes pour les pays de l'Afrique de l'Ouest. Toutefois, dans la plupart des pays les taux de croissance économique ont suivi l'accroissement démographique.

Dix ans ont enregistré des taux annuels de croissance du PIB d'environ 3% ou plus, tandis que ceux de la Sierra-Léone, du Liberia, de la Côte d'Ivoire, et du Togo étaient respectivement de 4,3%; 5,1%; 5,4%; 8%; 8,5%22.

Les années soixante-dix ont été en revanche une suite ininterrompue de crises pour les économies de la sous-région. Crises qui se sont principalement manifestées par l'essoufflement de l'expansion économique dans la quasi-totalité des pays. Certains d'entre eux ont fait enregistrer une chute spectaculaire de leur production par habitant.

Les années quatre-vingt n'ont pas été des meilleures et l'on a pu constater, sauf quelques exceptions, une baisse désastreuse du revenu par habitant de certains pays supérieure à 25%: c'est le cas par exemple du Liberia, du Niger, et du Nigeria23.

Les événements intervenus dans les années quatre-vingt-dix sur la scène internationale, notamment les changements dans les pays de l'Europe de l'Est, ainsi que le renforcement de la coopération économique par la réalisation du marché unique européen à l'horizon 2000 affecteront les économies ouest-africaines, qui prises individuellement et collectivement sont très fragiles et peu compétitives, et ne semblent pas bien placées pour tirer partie de toutes les possibilités que l'Europe de 2000 pourraient offrir aux pays tiers.

La crise économique de plus en plus grave que connaît l'Afrique, se caractérise par une faible croissance de l'agriculture, par le déclin de la production industrielle, et par d'autres facteurs comme les médiocres performances, l'accumulation des dettes, la dégradation des indicateurs sociaux, etc.

S'agissant de l'agriculture, considérée comme le principal pilier de la croissance pour les prochaines années, elle a été dangereusement négligée au cours des ans24.

S'il est vrai qu'une économie a besoin d'une agriculture dynamique, l'agriculture africaine a subi une mutation structurelle fondamentale qui date des premières années de la colonisation qui s'est poursuivie après les indépendances. Les produits vivriers ont progressivement laissé la place aux produits de rente sous la double nécessité pour le paysan africain de vendre ces produits pour acquérir des biens de consommation importés, et pour l'Etat d'exporter pour équilibrer sa balance de paiement.

D'autre part, la diversification de ces produits n'a pas été possible sur une échelle rentable. Il s'en est suivi une pénurie progressive de produits alimentaires qui allait déboucher sur des famines, phénomène accentué par une baisse régulière des prix des matières premières agricoles, qui tout en diminuant les ressources, incitait à produire davantage avec des techniques relativement archaïques, d'où la mobilisation de plus en plus importante des terres disponibles.

La conséquence de ce processus, c'est la dépendance des économiques nationales vis-à-vis des cours internationaux des matières premières avec ses mouvements erratiques à la baisse. Le solde global de la mutation est le creusement des déficits commerciaux et leur permanence, traduisant un phénomène d'appauvrissement continu. Ce mécanisme de la paupérisation cyclique se retrouve aussi pour les matières premières exportées brutes puisqu'aucune infrastructure industrielle locale ne peut effectuer une transformation.

Avec les chocs pétroliers de 1973-1974, puis de 1978-1979, qui ont sévèrement touché les économies métropolitaines, le processus s'est accéléré surtout dans les pays de la sous-région ouest-africaine sauf pour le Nigeria25 du fait d'une facture pétrolière élevée, et aussi à cause du renchérissement des produits manufacturés dont les prix s'ajustaient à la hausse du pétrole, alors que les cours des matières premières agricoles se détérioraient, et que les stocks de produits miniers (uranium, phosphates) s'entassaient faute d'acheteurs.

Ces mécanismes croissants de la paupérisation se traduisent par une dette de plus en plus importante, et qui est devenue aujourd'hui une charge insupportable.

Au total, la dette des pays en développement s'est multipliée par cinq entre 1970 et 1980: elle a atteint à cette date 650 milliards de dollars26. En 1985, elle était de 1051 milliards de dollars pour atteindre 1320 milliards de dollars fin 198827.

La dette de l'Afrique subsaharienne est estimée à 134 milliards de dollars28. Plusieurs rééchelonnements ont été négociés, et pourtant les arriérés s'accumulent. Le service de la dette africaine correspondait en 1988 à 47% des recettes d'exportation et n'a été honoré que pour moins de la moitié.

Quant à la famine, presque tous les pays membres de la CEDEAO ont connu ce fléau qui constitue le deuxième grand défi de développement.

Si au cours des deux dernières années, l'Afrique a dépassé les 90 millions de tonnes de céréales qui se répartissent en deux parts à peu près égales29 entre le Nord et le Sud du Sahara, sans compter légumineuses et tubercules dont les tonnages ont augmenté dans des proportions analogues, l'Afrique est encore loin d'être entrée dans une période de véritable sécurité alimentaire. Prise dans son ensemble, elle assure à peine à peine plus de 5% de la production mondiale de céréales pour une population totale qui représente environ 11% des habitants de la planète. L'Afrique ne produit pas encore suffisamment de vivres pour nourrir correctement une population qui s'accroît au rythme de 3,1% par an30. Elle continue d'importer massivement du blé et du riz que ses paysans produisent peu et que ses citadins consomment de plus en plus.

En 1988, les pays de l'Afrique de l'Ouest ont produit 20 millions de tonnes de céréales et en ont importé 3,1 millions de tonnes, dont 90% de blé et du riz. Cette inadéquation grandissante entre production et consommation est, comme nous le constatons, déplorable.

Face à ce phénomène de paupérisation et de famine, phénomène qui reste dominé par une crise persistante, il fallait rechercher et développer une action régionale dont le but serait:

- La promotion du commerce entre Etats de l'Afrique de l'Ouest, qui réduirait les dépendances respectives vis-à-vis des marchés internationaux, développer une concertation pouvant déboucher sur une maîtrise des prix des premières;

- et surtout concevoir au niveau régional une politique d'autosuffisance alimentaire; politique qui implique le dépassement des égoïsmes politiques et du micro-tribalisme sclérosant qui empêche l'institutionnalisation des liens de coopération plus étroits entre les Etats ayant des structures socio-économiques semblables, ou complémentaires. En effet, l'instauration d'une réelle coopération régionale entre les Etats aurait un effet très positif sur la sécurité alimentaire de la sous-région dans la mesure où certains pays menacés d'être en situation critique sont souvent limitrophes de pays capables de produire des excédents considérables. De plus, les importants investissements à effectuer dans ce domaine de l'agriculture (matériel agricole, technologie d'irrigation, de drainage, engrais, etc.) trouvaient une meilleure assise sur le plan régional; ceci permettrait aux Etats de s'organiser entre eux pour faire ensemble ce que chacun ne peut faire seul.

Dans un monde qui est celui des grandes dimensions, les optimums économiques ne peuvent être obtenus qu'en renforçant les inter-relations qui unissent les économies et les rendent solidaires. Ceci est d'autant plus vrai en Afrique de l'Ouest où le processus d'intégration (CEDEAO) se trouve confronté à des obstacles essentiellement de nature économique. Une des formes de blocage est celle de "l'extraversion économique".

Etymologiquement, l'économie d'un pays est dite extravertie lorsqu'elle est "tournée vers l'extérieur", quand elle dépend, à la fois, pour ses importations et ses exportations, de l'extérieur.

L'extraversion peut concerner des pays développés. Cependant, on utilise principalement ce terme dans le cas des pays en développement. Ceux-ci ont hérité, du pacte colonial, des structures productives conçues pour les besoins de la métropole. Cette extraversion a été accentuée dans la période post-coloniale, par l'attraction exercée par les économies développées. Ses manifestations sont: l'exportation systématique vers les marchés extérieurs, plus solvables, la sortie des capitaux, l'exode des cerveaux, l'imitation des modèles de développement étrangers, etc.

En définitive, on retiendra la définition suivante: "une économie est extravertie lorsque les principales activités sont mises en place et animées par la décision ou l'incitation de centres étrangers en fonction des seuls intérêts des pays développés et, de la stratégie des firmes transnationales"31. Cette définition illustre la situation de dépendance et le caractère extravertis des économies ouest-africaines.

Complètement dominées à l'époque coloniale, les économies ouest-africaines ont été "spécialisées" dans la production de certaines matières premières, soit minières (fer, cuivre, bauxite, uranium, phosphates), soit agricoles (bois, café, cacao). L'inexistence de transformation industrielle de ces matières fait que les secteurs d'exportation ne génèrent pas une demande domestique suffisante, capable de stimuler les économies de la CEDEAO. Les effets d'entraînement (sur les revenus, l'emploi, les investissements) ne se réalisent pas. Le dynamisme avec lequel ces économies pourront développer leurs activités pour parvenir à soutenir leur expansion interne n'existe pas vu l'absence totale de valeur ajoutée aux matières premières exportées. En définitive, le type actuel de relations avec l'extérieur confine l'Afrique de l'Ouest à une "spécialisation" internationale. Cette spécialisation empêche de dégager une accumulation de capital nationale ou régionale.

C'est pourquoi la promotion de l'intégration économique constitue de plus en plus une donnée essentielle. Il s'agit en développant le commerce intra-régional, de créer et de promouvoir des flux commerciaux insignifiants aujourd'hui entre Etats africains. Une telle politique aurait le mérite de permettre un meilleur contrôle des prix des matières; contrôle concerté qui donnerait du souffle aux économies en difficulté.

Un autre élément majeur de cette politique de promotion des échanges, serait ses conséquences sur l'industrialisation. En effet, du fait des marchés intérieurs réduits, les projets d'industrialisation nationaux ne peuvent que se révéler dans la plupart des cas peu rentables. Or, de tels projets réalisables sur une échelle régionale accéléreraient le processus de substitution de produits manufacturés des pays développés à des produits industriels régionaux.

A l'heure actuelle, vu le coût prohibitif de l'industrialisation à l'échelle nationale, l'industrialisation existante dans certains pays de la sous-région devait compter soit sur les marchés des pays développés où la concurrence est très forte, et où se développe depuis quelques années un protectionnisme larvé, soit sur des marchés constitués par d'autres pays en développement.

Il semble donc, pour une politique de développement autocentré, indispensable pour la majorité des pays sous-développés, de créer entre eux des marchés multinationaux. Ces marchés, exerçant un effet de plus en plus marqué sur le développement atténueraient l'extraversion économique. Cela ne peut possible que dans un système économique international sain et équilibre.

Références

1 C'est une période d'euphorie pour l'intégration économique régionale. Par exemple, en l'espace de trois ans, 1973-1975, trois communautés économiques ont vu le jour en Afrique de l'Ouest: CEAO, MRU, CEDEAO.

2 Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED); Organisation des Nations Unies pour l'information, la formation et la recherche (UNITAR)..., et d'un grand nombre d'autres déclarations de haut niveau sur la politique et la stratégie de l'Afrique.

3 Le sommet de Lagos en 1980 par exemple. L'intégration économique a été l'un des thèmes centraux du plan de Lagos. Et le sommet de l'O.U.A. à Abuja, 3-5 juin 1991.

4 On peut citer des exemples récents: la réunion des ministres des finances des pays de la zone franc à Ouagadougou les 25 et 26 avril, à Paris le 3 octobre 1991. L'intégration économique a été au centre de leurs préoccupations.

5 Des conférences et colloques sur l'intégration économique ont eu lieu notamment:

à Dakar (mars-avril 1978)

à Kinshasa (8-10 août 1978)

à Bogota en Colombie (juin 1979)

à Berlin-Ouest (en novembre 1979 et en novembre 1981)

à Conakry (mai 1980)

à Addis-Abeba (en mars 1982)

6 La CEA (siège: Addis-Abeba, Ethiopie) a été fondée en avril 1958 par le conseil économique et social de l'ONU. Le même organisme existe pour l'Amérique Latine et pour l'Asie.

L'une des principales directions qui constituent le cabinet du Secrétariat Exécutif de la CEA est celle de la "coopération économique" qui oeuvre depuis des années à l'intégration des économies africaines. Elle est à l'origine de la création de la CEDEAO, la BAD (Banque Africaine de Développement), la Chambre de Compensation de l'Afrique de l'Ouest (CCAO), l'association pour le Développement du Riz en Afrique de l'Ouest (ADRAO) en collaboration avec la FAO et le PNUD, de même que l'IDEP (Institut de Développement et de Planification) créé à Dakar en 1963. C'est aussi la CEA qui oeuvre activement pour l'élargissement de l'UDEAC.

A des fins de décentralisation, la CEA a été créée des organes d'exécution: les MULPOC (Multinational Programming Operating Centers, "soit centres multinationaux de programmation et d'exécution"). Les MULPOC ont été conçus sur une base géographique pour couvrir chacun une sous-région du continent. Le MULPOC pour l'Afrique de l'Ouest (région de la CEDEAO) se trouve à Niamey au Niger.

L'objectif de la CEA est de créer dans un premier temps des communautés au niveau des cinq sous-régionaux d'Afrique pour arriver dans un second temps à la mise en place d'un marché commun. Le traité de ce marché a été déjà signé lors du sommet de O.U.A. à Abuja, le 3 juin 1991; c'est cette idée qui figure dans le plan d'action de Lagos (avril 1980) qui a d'ailleurs été conçu par la CEA et le Secrétariat Général de O.U.A. à la demande des chefs d'Etat africains lors de leur conférence tenue à Monrovia en 1979.

Il importe de noter que la CEA a réalisé d'importants études et rapports sur l'intégration en Afrique Centrale (Rapport de la CEA sur la mission d'évaluation de l'UDEAC et possibilités d'élargissement de la coopération économique en Afrique du Centre, 1981), et en Afrique de l'Ouest (Rapport intitulé "propositions visant à renforcer l'intégration économique en Afrique de l'Ouest").

7 F. FANON, Les damnés de la terre, éd. La Découverte, Paris, p.151.

8 Boutros Boutros Ghali, Agenda pour la paix, 1992, New York, p. 173.

9 La prévention des conflits en Afrique de l'Ouest, éd. Khartala, Paris 1997, p.55.

10 cf, M. VIRALLY, "Le principe de réciprocité dans le droit international contemporain", RCADI, 1967, III p. 91-92. Voir également P. MASSON; "Aide bilatérale, assistance, commerce ou stratégie", PUF, Paris 1967; F. LUCHAIRE: "L'aide aux pays sous-développés", Que-sais-je? PUF, no 1227, 1967.

11 P. JALLEE, "Pillage du Tiers-Monde", Paris, Maspéro 1965; S. AMIN: "Le développement inégal", Les Editions de Minuit 1975.

12 T. MENDE, "De l'aide à la recolonisation", éd. du Seuil 1975, p. 74.

13 G. CAZES, J. DOMINGO "Les critères du sous-développement", Géopolitique du Tiers-Monde, Bréal éditeur 1975; T. MENDE, op. Cit.

14 J. BOUVERESSE: Droit et politiques du développement et de la coopération. Coll. PUF 1990, p. 245. Voir également René DUMONT et Marie-France MOTTIN: l'Afrique étranglée. éd. Du Seuil 1982, pp.22-23.

15 R. DUMONT: L'Afrique noire est mal partie. éd. Du Seuil 1962, p.41. Voir également J. BOUVERESSE, op. Cit., p.245.

16 J. BOUVERESSE, ibid. p. 265.

17 L'ex-Président de la République du Ghana, feu Kwame N'KRUMA, disait déjà en 1964 " notre principal rempart contre les sinistres menaces et les divers desseins des néocolonialistes est notre union politique. Si nous voulons rester libres, si nous voulons bénéficier pleinement des abondantes ressources de l'Afrique, nous devons nous unir pour organiser notre parfaite défense et l'exploitation systématique de notre potentiel matériel et humain dans l'intérêt de nos peuples". In l'Afrique doit s'unir, Payot, 1964.

18 R. DUMONT: L'Afrique noire est mal partie. éd. Du Seuil, 1962.

19 Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne: de la crise à une croissance durable. Etude prospective à long terme. Novembre 1989, p. 1.

Voir également Michel FAURE: La Hongrie avant la Zambie. Express, no 2024 du 20-26 avril 1990, numéro spécial "Afrique naufrage d'un continent".

20 Le taux d'accroissement de la population est de 3,3%, taux le plus élevé du monde avec de 450 millions d'habitants. Le taux de croissance économique de la sous-région africaine a été estimée à 3,5% pour 1990, et ne dépassait guère que très légèrement le taux de croissance démographique. Cette modeste performance économique était essentiellement due, semble-t-il, à la légère hausse des prix à l'exportation du pétrole brut au cours de la seconde moitié de 1990. D'une manière générale, les économies des Etats sont restées fragiles.

21 Selon la Banque Mondiale, on peut distinguer trois grandes périodes:

- 1960-1972: marquée par élévation des revenus par habitant,

- 1973-1980: qui correspondent à la période de stagnation,

- 1981-1987: la période de déclin.

22 cf. Rapport de la CEA: " Les propositions visant à renforcer l'intégration économique en Afrique de l'Ouest", 1984, p.9.

23 cf. Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne, de la crise à une croissance durable, op. Cit., p. 2.

24 Or l'agriculture constitue la base de l'économie des différents pays de la sous-région. Entre 70 et 89% de la population active des pays de l'Afrique de l'Ouest vivent de l'agriculture qui représente l'essentiel du PIB de tous les pays à l'exception du Cap-Vert et du Nigeria. Elle constitue également une importante source de devises étrangères pour la grande majorité des pays de la sous-région. C'est pourtant le secteur qui a été le plus touché par la crise économique dont souffrent les pays de la sous-région.

25 Pays producteurs du pétrole, il était classé dans le groupe à revenu moyen. Mais, selon l'ONU, il a dégringolé dans la catégorie des pays à faible revenu. D'autres pays de la sous-région ont connu le même sort. Il s'agit du Ghana, du Liberia.

26 J. BOUVERESSE: Droits et politiques du développement et de la coopération. PUF, 1990, p. 227.

27 Bulletin du FMI du 16 janvier 1989, p. 1.

28 cf. L'express du 20 avril 1990, numéro spécial: "L'Afrique naufrage d'un continent", p. 162.

29 Sophie BESSIS: Tout va donc pour le mieux? In Jeune Afrique, no 1518 du 5 février 1990, p. 45.

30 Selon l'auteur, pour que l'Afrique nourrisse correctement ses enfants, il faut que la production agricole augmente au minimum de 4% dans les prochaines années. cf. S. BESSIS, op. Cit.

31 Jacques BOULEVERESSE, op. Cit., p. 194. voir également le dictionnaire d'économie et de sciences sociales, sous la direction de Claude-Danièle ECHAUDEMAISON, éd. Nathan, 1990, p.125.

DEUXIEME PARTIE

CHAPITRE II

L'INTEGRATION ECONOMIQUE

1. Les principes et objectifs de la CEDEAO

1- Par le présent Traité, les HAUTES PARTIES CONTRACTANTES instituent entre Elles une Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ci-après dénommée «la Communauté».

2- Sont membres de la Communauté et dénommés ci-après «Etats membres» les Etats qui ratifient ce traité et tout autre Etat de l'Afrique de l'Ouest qui y adhère.

Les objectifs

1- Le but de la Communauté est de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l'activité économique, particulièrement dans les domaines de l'histoire, des transports, des télécommunications, de l'énergie, de l'agriculture, des ressources naturelles, du commerce, des questions monétaires et financières et dans le domaine des affaires sociales et culturelles avec pour objectif d'élever le niveau de vie de ses peuples, d'accroître et de maintenir la stabilité économique, de renforcer les relations entre les membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain.

2- Aux fins énoncées au paragraphe précédent et conformément aux dispositions particulières du présent Traité, l'action de la Communauté portera par étapes, sur:

a) l'élimination entre les Etats membres des droits de douanes et toutes autres taxes d'effet équivalent à l'importation et à l'exportation des marchandises;

b) l'abolition des restrictions quantitatives et administratives au commerce entre les Etats membres;

c) l'établissement d'un Tarif douanier commun et d'une politique commerciale commune à l'égard des pays tiers;

d) la suppression, entre les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux;

e) l'harmonisation des politiques agricoles et la promotion des objets communautaires des Etats membres notamment dans les domaines de la commercialisation, de la recherche et dans celui des entreprises agro-industrielles;

f) la réalisation de programmes concernant le développement commun en matière de transports, de communications, d'énergie et d'autres équipements d'infrastructure ainsi que l'élaboration d'une politique commune dans ces domaines;

g) l'harmonisation des politiques économiques et industrielles des Etats membres et la suppression des disparités du niveau de développement des Etats membres;

h) l'harmonisation nécessaire au bon fonctionnement de la Communauté des politiques monétaires des Etats membres;

i) la création d'un Fonds de coopération, de compensation et de développement;

j) toutes autres activités visant à atteindre les objectifs communautaires que les Etats membres peuvent entreprendre en commun à tout moment.

Les Etats membres ne ménagent aucun effort pour planifier et orienter leurs politiques en vue de réunir les conditions favorables à la réalisation des objectifs de la Communauté; en particulier, chaque Etat membre prend toutes requises afin d'assurer l'adoption des textes législatifs nécessaires à l'application du présent Traité

Les institutions de la Communauté

a) la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement

1- Il est créé par les présentes une Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres ci-après dénommée «la Conférence» qui est la principale institution de la Communauté.

2- La Conférence est chargée d'assurer la direction générale et le contrôle des fonctions exécutives de la Communauté en vue du développement progressif de celle-ci et de la réalisation de ses effectifs.

3- Les décisions et les directives de la Conférence engagent toutes les institutions de la Communauté.

4- La Conférence se réunit au moins une fois par an. Elle établit son règlement intérieur notamment en ce qui concerne la convocation de ses réunions, la conduite des débats et l'ordre dans lequel chaque année la présidence de la conférence est attribuée à tour de rôle à un autre membre de la Conférence.

b) le Conseil des Ministres, organe subordonné à la conférence

1. Il est créé par les présentes un Conseil des ministres qui comprend deux représentants par Etat membre.

2. Le Conseil des ministres a pour mandat:

a) de veiller au bon fonctionnement et au développement de la Communauté conformément au présent traité;

b) de faire des recommandations à la Conférence sur les problèmes de politique générale en vue d'assurer le fonctionnement et le développement efficaces et harmonieux de la Communauté;

c) de donner des directives à toutes les autres institutions de la Communauté relevant de son autorité;

d) d'exercer tous pouvoirs qui lui sont conférés et d'assumer toutes autres fonctions qui lui sont assignées par le présent traité.

3. Les décisions et directives du Conseil des ministres engagent les institutions de la Communauté relevant de son autorité sauf si la Conférence en décide autrement.

4. Le Conseil des ministres se réunit deux fois par an et l'une de ces sessions se tient immédiatement avant la session annuelle de la Conférence. En cas de besoin, le Conseil des ministres peut être convoqué en session extraordinaire.

5. Sous réserve des directives que peut lui donner la Conférence, le Conseil des ministres établit son règlement intérieur notamment en ce qui concerne la convocation de ses réunions, la conduite des débats, l'exécution des tâches qui lui sont confiées, l'ordre dans lequel, chaque année, la présidence du Conseil des ministres est attribuée à tour de rôle à un membre du Conseil.

6. Lorsqu'un Etat membre formule une objection à une proposition soumise pour décision au Conseil des ministres, cette proposition sera soumise pour une décision à la Conférence à moins que l'objection ne soit retirée.

La Conférence établit les règles à suivre pour la notification de ses décisions et directives et de celles du Conseil des ministres ainsi que les règles concernant leur application.

c) Le Secrétariat exécutif

1. Il est créé un Secrétariat exécutif de la Communauté

2. Le Secrétariat exécutif est dirigé par un Secrétaire exécutif qui est nommé par la Conférence pour une durée de quatre ans renouvelable une seule fois.

3. Le Secrétariat exécutif ne peut être relevé de ses fonctions que par la Conférence sur recommandation du Conseil des ministres.

4. Le Secrétaire exécutif est le principal fonctionnaire exécutif de la Communauté. Il est assisté

par deux Secrétaires exécutifs adjoints, nommés par le Conseil des ministres.

5. Outre le Secrétaire exécutif et les Secrétaires exécutifs adjoints, le Secrétariat exécutif comprend un contrôleur financier et tous autres fonctionnaires dont le poste peut être créé par le Conseil des ministres.

6. Les modalités et les conditions d'emploi du Secrétaire exécutif et des autres fonctionnaires du Secrétariat sont régies par des règlements établis par le Conseil des ministres.

7. Sous réserve de l'importance primordiale qu'il y a à assurer à la Communauté les services de personnes possédant les plus hautes qualités de travail et de compétence technique, il est tenu compte, dans la nomination des fonctionnaires aux postes du Secrétaire exécutif, de la nécessité de maintenir une répartition équitable de ces postes entre les ressortissants des Etats membres.

8. Dans l'exercice de leurs fonctions, le Secrétaire exécutif et les fonctionnaires du Secrétariat exécutif ne sont responsables que devant la Communauté.

9. Le Secrétaire exécutif est chargé de l'administration courante de la Communauté et de toutes ses institutions.

10. Le Secrétaire exécutif a pour mandat:

a) de fournir, comme il convient, ses services aux institutions de la Communauté et d'aider celles-ci dans l'exercice de leurs fonctions;

b) de suivre constamment le fonctionnement de la Communauté et, le cas échéant, de rendre compte au Conseil des ministres du résultat de cet examen;

c) de soumettre un rapport d'activités à toutes les sessions du Conseil des ministres et de la Conférence;

d) d'entreprendre tous travaux et études et d'assurer les services relatifs aux objectifs de la Communauté qui peuvent lui être confiés par le Conseil des ministres et de formuler aussi toutes propositions propres à contribuer au fonctionnement et au développement efficaces et harmonieux de la Communauté.

d) le Tribunal de la Communauté

e) les Commissions techniques et spécialisées suivantes:

- la commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des questions monétaires et des paiements;

- la commission de l'industrie, de l'agriculture et des ressources naturelles;

- la commission des transports, des télécommunications et de l'énergie;

- la commission des affaires sociales et culturelles;

et toutes les autres commissions ou organes qui peuvent êtres créés par la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement ou qui sont établis ou prévus par le présent traité.

Les institutions de la Communauté exercent leurs fonctions et agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent Traité et par les protocoles y afférents1.

2. Des valeurs communes pour une intégration fiable

Malgré quelques différences dues à l'héritage colonial, c'est-à-dire les différences de politiques des puissances coloniales: administration directe dans le système français et administration indirecte (Indirect Rule) dans les colonies britanniques en passant par les portugais ayant exporté une population qui vit près des "indigènes", c'est-à-dire d'une assimilation poussée qui entraînera beaucoup de difficultés ultérieures sans oublier les frontières artificielles, les pays membres de la CEDEAO ont des valeurs communes qui permettront une intégration solide.

Historiquement, les pays membres de la CEDEAO appartenaient aux grands et puissants royaumes et empires. C'est le cas du royaume Haoussa, l'empire Soussou, le royaume du Kanem-Bornou, l'empire Zarma-Songhay, l'empire Mandingue, l'empire Peulh du Macina.

En ce qui concerne les langues, l'on peut trouver les Haoussa au Nigeria, au Niger, au Ghana et dans les villes de la diaspora (Abidjan, Dakar, Lomé, Cotonou, Conakry, Ouagadougou); les Yorouba au Nigeria, au Bénin et au Togo; les Peulh (Foulani, Foulbé, Pulaar) en Guinée, au Sénégal, au Mali, au Burkina-Faso, au Bénin, au Togo, au Ghana, en Côte d'Ivoire, au Niger, au Nigeria; les Dioula (Bambara, Banamam, Malinkés, Madinka) au Mali, au Burkina-Faso, en Côte d'Ivoire, en Guinée, en Sierra-Léone, au Sénégal; les Wolofs au Sénégal et en Gambie, les Akan au Ghana, en Côte d'Ivoire. Toutes ces ethnies et langues circulent librement et se comprennent les unes des autres dans l'espace CEDEAO. Quant aux langues officielles (anglais, français, portugais), sont soit premières langues administratives d'un pays membre ou deuxièmes langues enseignées dès le collègue, le lycée voire l'université, ce qui fait que les ressortissants des pays membres peuvent se communiquer facilement dans l'une des trois langues. Politiquement, les pays membres de la CEDEAO se soutiennent sur la scène internationale au cas où l'un d'entre eux se présente à un poste ou pour constituer une même voix, par exemple à l'ONU, l'O.U.A. (actuelle Union Africaine). Aussi, trois grandes religions (Islam, Christianisme, Animisme) cohabitent paisiblement dans l'espace CEDEAO, ce qui renforce la tolérance religieuse2.

3. Du Secrétariat exécutif à la Commission

Le 30ème Sommet ordinaire de la CEDEAO tenu le 14 juin 2006 à Abuja a accepté que le Ghana et le Burkina Faso soient respectivement président et vice-président, alors que les sept commissaires proviendraient de la Côte d'Ivoire, du Mali, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra-Léone et du Togo. Dr. Mohammed Ibn Chambas, actuel secrétaire exécutif de la CEDEAO occupera le poste de premier président de la Commission, dont l'entrée en vigueur est prévue en janvier 2007. "Le système adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement prévoit un schéma de rotation bien huilé pour assurer le remplacement prévisible et en douceur des commissaires", a indiqué le communiqué publié à la fin des travaux du sommet. Il fait remarquer que la transformation du Secrétariat exécutif en Commission, qui a été approuvée par les chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur sommet ordinaire de janvier 2006 à Niamey au Niger, devrait permettre un approfondissement et une accélération du processus d'intégration dans la sous-région. "Cela implique également le renforcement des pouvoirs supra-nationaux de l'Organisation et l'adoption d'un nouveau cadre légal", ajoute le communiqué. La Commission est régie par les principes suivants: la solidarité l'équité, l'esprit communautaire, l'efficacité, la rentabilité, la faisabilité, la transparence, la prévisibilité et la fonctionnalité d'un système de rotation de tous les postes statuaires de la communauté. Elle permet à la CEDEAO de s'adapter à l'environnement international. L'on passera ainsi d'un organe consultatif à un organe qui participe à la prise de décision et pour plus tard, à un organe décisionnel. La création de la Banque d'investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), donnera certainement une autre dynamique à la commission. La bonne gouvernance, le processus démocratique, la paix, la stabilité politique, la sécurité, la prolifération des armes légères sont autant de préoccupations auxquelles la future Commission doit faire face, a noté M. Obasanjo. Et le président nigérian d'ajouter que «Si l'Afrique de l'Ouest veut se faire respecter, les différents gouvernements doivent oeuvrer à assurer la libre circulation des personnes et des biens, à l'établissement d'une monnaie commune, à la réalisation des objectifs du continent et de ceux du millénaire pour le développement». Toute chose qui ne peut se faire sans le règlement des conflits, la lutte contre la pauvreté, la faim et l'insécurité, le blanchissement d'argent, véritable menace pour les économies de la sous-région, a averti Obasanjo. Elle a pour but, dit-il, de permettre à l'organisation de mieux jouer son rôle dans le processus d'intégration et de développement, et de répondre aux attentes des populations.

Le sommet a aussi approuvé une nouvelle structure pour le Parlement de la CEDEAO, dans le cadre d'une restructuration qui devra permettre à l'institution d'être plus efficace et de donner aux parlementaires de jouer pleinement leur rôle dans le processus d'intégration. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont, en outre, approuvé le renforcement des capacités institutionnelles de la Cour de Justice de la Communauté pour permettre à la CEDEAO d'avoir une Cour forte et indépendante. Les dirigeants ont exprimé leurs inquiétudes face au phénomène de l'immigration des jeunes de la région et donné mandat à la CEDEAO de s'occuper de cette question en dégageant une position consensuelle sur l'immigration, compte tenu du fait que la majorité de ces jeunes gens cherchant à se rendre en Europe viennent de la sous-région ouest-africaine. Une telle position devrait permettre de régler le problème de manière concertée. Ils ont également plaidé pour un traitement plus humain des candidats africains à l'immigration lors de leur rapatriement vers leur pays d'origine. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont eu un compte-rendu sur la situation sécuritaire dans la région, notamment en Côte d'Ivoire, au Liberia, en Guinée-Bissau et au Togo. "Tout en se félicitant des meilleures conditions de sécurité, ils ont demandé une intensification du dialogue entre les parties ivoiriennes pour une réussite du programme de transition". Ils ont aussi approuvé la mise en place d'un Groupe de Contact International pour la Guinée-Bissau (ICG-GB) pour faciliter le processus de stabilisation politique et de relance économique du pays, Les dirigeants qui ont pris part aux travaux de ce sommet sont les présidents Olusegun Obasanjo du Nigeria, Blaise Campaoré du Burkina Faso, John Kufuor du Ghana, Ellen Johnson-Sirleaf du Liberia et Yayi Boni du Bénin et les chefs d'Etat Faure Gnassingbé du Togo, Amadou Toumani Touré du Mali, Ahmed Tejan Kabbah de la Sierra-Léone, ainsi que le Président en exercice de la CEDEAO, le chef de l'Etat nigérien, Mamadou Tandja3.

4. L'évolution économique des pays membres de la CEDEAO

Les quarante ans écoulés depuis les années des indépendances en 1960 de la plupart des Etats membres de la CEDEAO, ont constitué une période particulièrement difficile pour l'Afrique de l'Ouest. La région entame le nouveau siècle avec beaucoup de difficultés. Plus de la moitié de la population ne dispose que de moins de un dollar par jour pour vivre. Les taux actuels de croissance sont insuffisants pour enclencher une réduction sensible de la pauvreté.

Le modèle de développement initié dans les années 60 et revu dans le cadre des programmes d'ajustement structurel au début des années 80 n'a pas pu répondre aux attentes des populations. La plupart des statistiques officielles ont présenté une vision déformée de la réalité économique qui a caché pendant de longues années une paupérisation croissante d'une large majorité des populations.

La plus grande partie de l'histoire économique récente de la région ouest-africaine peut être considérée donc comme une période de crise économique parfois aiguë. Pour inverser ce processus, les pays de l'Afrique de l'Ouest doivent tout d'abord poser le bon diagnostic. Ce débat a longtemps été focalisé sur l'alternative croissance ou promotion sociale ; rigueur ou relance économique. Le débat dont les institutions de Bretton Woods, se sont fait les chantres, a montré ses limites. Pourtant, la théorie nouvelle de la réduction de la pauvreté, si elle est opposée à la croissance et ce que celle-ci implique comme rigueur, ne dissipe pas les malentendus. L'un ne doit pas être opposé à l'autre. C'est pourquoi les pays de l'Afrique de l'Ouest doivent éviter le piège de ce choix tranché qui n'aura pour résultat que de continuer à les enfermer dans le cercle vicieux, sous-développement -paupérisation avec pour conséquence la tendance à la perpétuation des conflits armés malgré les efforts qui sont déployés pour les endiguer.

L'Afrique de l'Ouest se trouve donc actuellement face à une vaste problématique du développement faite de multiples éléments. Toutefois, le nouveau siècle offre une occasion à saisir pour mettre fin à la marginalisation de la région. Les changements politiques se sont nettement intensifiés au cours de la dernière décennie, ouvrant la voie à des gouvernements plus responsables issus d'élections pluralistes. On note également un plus large consensus sur la nécessité de se détacher des modèles économiques défectueux du passé. En effet, le nouveau discours sur le développement est centré sur les réformes économiques, l'amélioration de la gestion des affaires publiques, le renforcement des ressources humaines, le développement des infrastructures. En outre, un rôle plus important est reconnu à présent à l'intégration régionale pour favoriser la croissance et le développement économique des pays de la région.

Tous ces facteurs font que l'Afrique de l'Ouest, malgré les difficultés actuelles achève un siècle et entame un autre en meilleure position qu'il y a quelques années. Il est donc probable que le développement et la paix prendront le pas sur la pauvreté et les conflits, à mesure qu'au cours du nouveau millénaire, la croissance économique, la démocratie et l'intégration régionale se consolideront. Tout cela n'est naturellement possible qu'à condition que l'engagement pour ces valeurs cardinales ne soit ni biaisé ni interrompu.

Un large consensus s'est créé sur un certain nombre de principes qui devraient guider le processus d'intégration en Afrique de l'Ouest dans les années à venir. Les contraintes et les conditions de la réalisation effective des programmes de la CEDEAO ont mis en lumière certains de ces principes tels que: le besoin de la stabilité interne (politique et économique), la coordination à l'échelle régionale des politiques macro-économiques ainsi que l'amélioration des procédures opérationnelles des institutions de la Communauté et la volonté politique des Etats membres à mettre en oeuvre les programmes prioritaires de la Communauté.

La CEDEAO, depuis sa création, a initié de nombreux programmes de coopération et d'intégration dans les principaux secteurs économiques, notamment dans les domaines de la promotion commerciale, la libéralisation des échanges, le développement des infrastructures routières et de communication, le développement de l'agriculture, de l'industrie et de l'énergie. Toutefois, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions car, la plupart des décisions prises par les instances politiques n'ont pas été appliquées.

Tirant les leçons des expériences passées et considérant les défis du développement que l'Afrique de l'Ouest doit relever pour faire face aux enjeux de la mondialisation, les chefs d'Etat et de Gouvernement, lors de leur session de Lomé en décembre 1999 ont réaffirmé leur volonté politique de s'employer au renforcement de la CEDEAO, et à la mise en oeuvre des programmes communautaires afin de favoriser la croissance et le développement des économies ouest africaines. A cet effet, ils ont approuvé la stratégie d'accélération du processus d'intégration de la CEDEAO en vue de la création d'un marché régional unique en Afrique de l'Ouest fondé sur la libéralisation des échanges, l'établissement d'un tarif extérieur commun et l'harmonisation des politiques économiques et financières.

Les Chefs d'Etat ont également souligné la nécessité de la coordination des programmes de la CEDEAO et de l'UEMOA en vue d'éviter les chevauchements et les duplications dans la réalisation des programmes communautaires.

Par ailleurs, les Chefs d'Etat ont reconnu la pertinence d'une approche différenciée dans la marche vers l'intégration. A cet égard, ils ont permis à tout groupe d'Etats de la Communauté de prendre des mesures concrètes et pragmatiques en vue d'accélérer leur intégration. C'est dans ce contexte qu'une initiative a été prise par six pays en vue de créer une deuxième zone monétaire dans l'espace CEDEAO en 2003 qui fusionnera avec la zone CFA pour donner naissance à la zone monétaire unique de la CEDEAO en l'an 2009.

La réunion ministérielle UEMOA/CEDEAO de janvier 2000 à Bamako a examiné les modalités pratiques de la mise en oeuvre des décisions de Lomé. A cet égard, elle a soutenu les différentes initiatives et arrêté un programme d'actions pour accélérer l'intégration régionale en Afrique de l'ouest. Ce programme est essentiellement articulé autour de l'harmonisation des programmes de la CEDEAO et de l'UEMOA et autour de la réalisation de la deuxième zone monétaire en 2009.

Depuis le début de l'année, le Secrétariat exécutif de la CEDEAO et la Commission de l'UEMOA ont eu plusieurs séances de travail dans le cadre de l'harmonisation de leurs programmes, principalement dans les domaines du marché commun et de la convergence macro-économique.

Au plan international, les enjeux des négociations sur le renouvellement de la convention de Lomé doivent également nous interpeller. En proposant des Accords de Partenariat économique régional (APER) avec des groupes économiques régionaux de pays en développement qui vont se substituer au régime de préférences commerciales de la Convention de Lomé, les pays de l'Union européenne ne sont plus intéressés à faire le commerce ou à investir dans des pays aux marchés étroits.

La Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, lors de sa session de décembre 1999 à Lomé a reconnu la CEDEAO comme étant le cadre des relations de l'Afrique de l'Ouest avec l'Union européenne. Toutefois, les dispositions des APER exigent que la CEDEAO forme une union douanière pour être partenaire de l'Union européenne.

L'effort requis pour la réalisation de l'union économique et douanière est motivé par une double considération politique et stratégique. Il s'agit d'abord de constituer une CEDEAO politiquement et économiquement solide qui soit capable d'engager les négociations avec les autres blocs des pays développés pour définir des bases de relations de coopération mutuellement bénéfiques qui devraient permettre à l'Afrique de l'Ouest d'avoir accès à des marchés plus larges. L'Afrique de l'Ouest, devra, à cet égard, se constituer en une union douanière regroupant tous les pays de la CEDEAO afin de créer les conditions pour favoriser les investissements étrangers dans le cadre d'un marché régional unifié capable d'exploiter des économies d'échelle pour les entreprises privées locales et internationales. Ces nouvelles relations devraient être ainsi l'occasion pour les pays de l'Afrique de l'Ouest de consolider les mesures de transformation économiques et politiques dans un cadre de concertation élargie.

Il apparaît donc nécessaire de réexaminer la stratégie de développement de l'Afrique de l'Ouest en l'adaptant aux nouvelles données économiques et géopolitiques du monde, en tenant compte des caractéristiques de nos économies nationales. Ceci grâce à l'intégration régionale qui est la meilleure stratégie pour intégrer les économies ouest africaines à l'économie mondiale.

Ces éléments nouveaux de la stratégie cohérente de l'intégration régionale ne peuvent se matérialiser sans un environnement empreint de paix, de sécurité et de stabilité dans notre région. Les résultats économiques décevants et la lenteur des progrès en matière d'intégration régionale s'expliquent en partie par les troubles civils, les conflits de société et les guerres qui ont affecté plusieurs pays de la région.

Ces dernières années ont été caractérisées par une instabilité politique marquée de notre région qui a affecté même des pays auparavant stables. En Côte d'Ivoire, la préparation d'élections qui devraient être démocratiques, a exacerbé les contradictions sociales pour aboutir à des affrontements qui ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés. Les tensions aux frontières entre la Guinée, le Liberia et la Sierra-Léone sont également la conséquence des conflits civils dans la région du Fleuve Mano. L'effondrement d'un Etat provoque des débordements pernicieux de troubles civils dans les pays voisins.

Les ambitions politiques personnelles immodérées, la pauvreté, le chômage et le sous développement que révèle par exemple la faiblesse des niveaux d'éducation ainsi qu'un système politique qui exclut certaines couches de la population de la participation politique et économique sont les causes profondes de la fracture sociale et des conflits. Les guerres civiles et les crises politiques naissent également souvent quand les gouvernements n'arrivent pas à répondre aux besoins pressants des populations. Les pays de la CEDEAO doivent sortir du cercle vicieux dans lequel les conflits créent la pauvreté, et la pauvreté augmente les probabilités de conflit. A cet égard, le maintien de la paix, la stabilité et la sécurité passe par l'instauration d'un environnement stable, propice à une bonne gouvernance dans tous les pays de la CEDEAO.

Les défis qui se posent à l'intégration régionale en Afrique de l'Ouest sont énormes. Le fervent espoir que la présente session de la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement permettra de la sous région est d'améliorer l'environnement de la paix, la stabilité et la sécurité en Afrique de l'Ouest afin d'asseoir la croissance et le développement de nos économies sur des bases durables. Il n'est plus besoin de prendre de nouvelles décisions, ou d'élaborer de nouveaux textes, il est temps d'appliquer avec foi ce qui a été déjà décidé.

4.1. Evolution récente de l'économie régionale et perspectives de développement

En 1999, le taux de croissance du PIB de l'ensemble des pays membres de la CEDEAO s'est ralenti une fois encore à cause principalement de la réduction des taux de croissance économique de la Côte d'Ivoire et du Nigeria qui comptent respectivement pour 10% et 56% du PIB régional, soit au total 66% de la production ouest africaine. Dans l'ensemble, les pays de la CEDEAO ont enregistré en 1999 un taux de croissance du PIB réel de 2,5 % contre 3,2% en 1998. Ce taux est inférieur au taux de croissance démographique estimé à 2,7%.

La performance économique régionale a subi les contre-coups de la baisse des cours du cacao et la suspension de l'aide étrangère en Côte d'Ivoire durant le premier semestre de 1999. Cette situation a été aggravée par le premier coup d'état militaire intervenu dans ce pays depuis l'indépendance, à la veille de Noël 1999. Le redressement de l'économie ivoirienne, dépendra largement du maintien de la paix et surtout de la sécurité après la tumultueuse élection d'octobre 2000 qui a mis fin au régime militaire issu du coup d'Etat de décembre 1999.

En ce qui concerne le Nigeria, le tassement de la production a tenu principalement à des problèmes structurels liés aux pénuries et aux perturbations de l'approvisionnement en électricité, à la détérioration des infrastructures, au cadre réglementaire défectueux ainsi qu'aux vandalisations des installations pétrolières dans le delta du Niger. Toutefois, depuis l'avènement de la démocratie, les autorités nigérianes s'emploient à consolider et à approfondir le processus de réforme économique pour renverser les tendances négatives de la croissance de leur économie.

De façon globale, les pays de l'Afrique de l'Ouest abordent le 21ème siècle dans la catégorie des nombreux pays moins avancés du monde. Le revenu moyen par habitant de la sous-région est plus faible qu'il ne l'était au début des années 70. Plus de la moitié de la population (52%) vivent avec moins de 1 $US par jour, soit 118 millions d'habitants sur une population totale de 210 millions d'habitants.

De nombreux problèmes de développement continuent d'être le lot de notre sous-région, à l'instar des autres régions du continent. Ils comprennent au niveau social, le faible niveau de scolarisation à l'école primaire, la forte mortalité infantile et les maladies endémiques, notamment le paludisme et le VIH/SIDA qui imposent aux pays de la CEDEAO des coûts élevés de développement.

En outre, l'Afrique de l'Ouest a vu ses parts d'exportation des produits de base diminuer. Elle a peu diversifié sa production en faveur de nouvelles activités et a subi une fuite massive de capitaux et des cerveaux au profit d'autres régions du monde. Actuellement, la part de la sous-région dans le marché des nouvelles technologies de l'information n'est que faible, ce qui, à l'évidence constitue un défi qu'il faut impérativement relever compte tenu de l'impact de ce secteur sur l'économie mondiale.

En vue de lever les contraintes du développement, de nombreux pays de la CEDEAO ont entrepris des réformes économiques importantes, ont amélioré la gestion macro-économique, libéralisé les marchés et le commerce et élargi l'espace destiné aux activités du secteur privé. Ces faits marquants positifs permettront, s'ils sont soutenus dans le temps de relever le niveau de croissance et de revenu et de faire reculer la pauvreté. C'est ainsi que certains pays de la région suscitent de plus en plus l'intérêt des entreprises étrangères et des investisseurs. Toutefois, cette nouvelle conjoncture favorable, pour effacer les nombreuses séquelles laissées par la longue période de crise voire de déclin économique, doit s'inscrire dans la durée, c'est-à-dire affecter positivement les structures qui répondront à toutes les exigences d'une gestion moderne de l'économie.

Compte tenu de l'accroissement démographique rapide de la sous-région, une croissance annuelle minimum de 5% s'impose (alors qu'elle n'a été que de 2,5% en 1999), ne serait ce que pour maintenir le nombre de pauvres à un niveau constant. Pour réduire de moitié la pauvreté aiguë d'ici à 2004, il faut que la croissance économique annuelle augmente de plus de 7% et que les revenus soient répartis plus équitablement. Il arrive bien souvent que même les taux les plus élevés de croissance ne se font pas ressentir sur l'amélioration des conditions de vie des populations.

Pour que cette évolution favorable ait lieu, les pays de l'Afrique de l'Ouest doivent prendre leur destin en main, concevoir des programmes de développement responsables dont ils auront la paternité et qui soient soutenus par les bailleurs de fonds par le biais d'un partenariat coordonné à long terme.

4.1.1. L'environnement intérieur: l'économie ouest-africaine

Tendances économiques générales

Tableau 1 : Afrique de l'ouest : Principaux indicateurs macro-économiques

Indicateurs

1990

1995

1996

1997

1998

1999

Taux de croissance du PIB réel (%)

5,0

3,5

4,8

3,7

3,2

2,5

PIB par habitant (dollar US)

385

328

364

367

373

377

Inflation (%)

13,3

21,2

12,1

9,3

7,2

7,0

Solde budgétaire (% du PIB)

-2,2

-1,0

-0,9

-2,6

-5,8

-7

Investissement intérieur brut (% du PIB)

17,1

16,6

15,7

17,9

20,6

21

Epargne nationale brute (% du PIB)

16,1

12,6

18,0

17,5

14,7

15

Croissance des exportations en termes réels (%)

10,3

10,6

12,5

1,3

0,0

6,9

Balance commerciale (% du PIB)

9,2

5,3

9,9

7,5

1,2

1

Solde des opérations courantes (% du PIB)

9,3

-4,3

2,0

-0,7

-6,1

-8,0

Croissance des termes de l'échange (%)

9,3

4,3

8,4

2,6

-9,4

-10,3

Dette extérieure (% du PIB)

98,0

115,5

100,0

94,1

93,3

106,3

Service de la dette (% des exportations)

21,8

22,4

18,3

15,8

21,3

 

SOURCE: Secrétariat CEDEAO et BAD

Les performances macro-économiques des pays de la CEDEAO en 1999, soit 2, 5% de croissance du PIB réel sont en retrait par rapport à celles enregistrées en 1996 (4%), 1997 (4,3%) et 1998 (3,2%). Le PIB régional recule depuis trois ans successivement. Différents facteurs structurels et conjoncturels défavorables expliquent cette situation. Parmi les plus importants, l'on peut citer la détérioration continue des termes de l'échange et l'instabilité politique dans la région.

Malgré la forte reprise des cours du pétrole qui ont permis au Nigeria d'engranger des recettes d'exportation importantes en fin 1999-2000, l'Afrique de l'Ouest continue de souffrir d'une dégradation des termes de l'échange, due à la fois à la baisse des cours des produits d'exportation et aux dévaluations opérées par certains concurrents d'Asie et de l'Afrique de l'Est. En outre, au cours de l'année 1999, il a été enregistré dans plusieurs pays de la CEDEAO des délestages fréquents de la fourniture d'électricité, indispensable aux industries.

Il faut noter également que ces dernières années, plusieurs pays de la région ont souffert de conflits armés et d'instabilité politique avec des conséquences économiques négatives. Ces troubles ont même affecté des pays auparavant stables comme la Côte d'Ivoire.

L'Afrique de l'Ouest reste une région de contrastes et de disparités saisissants. Malgré la conjoncture générale défavorable, quelques pays se sont signalés par des résultats économiques remarquables, même par rapport au reste du monde.

Tableau 2: Répartition des Pays selon la Croissance du PIB réel 1996 - 1999

Taux de croissance

1996

1997

199 8

1999

Négative

*

Liberia

*

Liberia

Guinée-Bissau, Sierra-Léone

*

Sierra-Léone

0 à 3%

*

Gambie, Guinée- Bissau, Niger, Sierra-Léone

*

Guinée-Bissau, Niger, Sierra-Léone

*

Liberia, Niger, Nigeria

Côte d'Ivoire

Liberia, Niger, Nigeria, Togo

3 à 6%

*

Burkina Faso, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Nigeria, Sénégal

*11

Bénin, Burkina Faso, Cap Vert,

Gambie, Ghana, Guinée, Mali, Mauritanie, Nigeria, Sénégal, Togo

*

Bénin, Cap Vert,

Côte d'Ivoire, Ghana, Guinée, Mauritanie, Sénégal, Togo

Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Mauritanie, Sénégal

Plus de 6%

*

Bénin, Ghana, Togo

*

Côte d'Ivoire

*

Burkina Faso, Gambie, Mali

*

Guinée-Bissau, Mali

* Nombre de pays dans la fourchette du taux du groupe

SOURCE : Etats membres et estimations du Secrétariat exécutif de la CEDEAO

4.1.2. Tendances pays par pays

La croissance du PIB réel du Nigeria n'a été que de 1,8% en 1999, largement en dessous des potentialités du pays. Les mauvais résultats sont essentiellement dus aux performances médiocres des services publics de télécommunications et de fournitures d'électricité. Malgré les bonnes intentions du gouvernement, le processus de privatisation de ces services est encore lent. Toutefois, elles sont prévues dans le courant de l'année 2001. Tous ces facteurs ont négativement affecté la production et les investissements et ont entraîné une faible utilisation des capacités surtout dans l'industrie manufacturière qui s'est maintenue à un niveau relativement bas, environ 30%. La remontée des cours de pétrole enregistrée depuis le second semestre de 1999 et un regain de croissance dans les autres secteurs (gaz et services) devraient favoriser le relèvement de la production en l'an 2000. L'effort de l'actuelle administration Nigériane pour combattre la corruption et soigner tous les maux sous-jacents qui ont caractérisé la gestion sous les régimes précédents mérite d'être soutenu par la CEDEAO, par l'Afrique et par la communauté internationale. Les difficultés liées à un tel effort sont réelles, mais bénéficient du soutien des populations à la base; il est permis d'espérer qu'il sera couronné de succès.

En Côte d'Ivoire, avec la combinaison de la baisse des cours du café et de cacao et la suspension de l'aide étrangère, la croissance du PIB a été très faible, soit 1,4% en 1999. A partir du premier trimestre de 1999, certains organismes donateurs comme l'Union européenne ont gelé leur assistance à la Côte d'Ivoire à cause de la mauvaise gestion des affaires publiques et de l'opacité de la comptabilité publique. Le coup d'Etat militaire de décembre 1999 considéré au départ comme solution attendue à une situation fortement grippée s'est avéré plus tard, avec l'ambition du chef de la junte de conserver le pouvoir, comme un obstacle à la reprise.

Au Ghana, le PIB réel a progressé de 4,8% lorsque l'industrie et les autres secteurs sont sortis du marasme lequel les avait plongés dans la sécheresse et la crise de l'énergie de 1998. L'agriculture a bénéficié de précipitations favorables, même si les recettes à l'exportation ont été limitées par la baisse des cours de cacao. La production de l'or s'est également intensifiée, malgré la chute des cours du lingot. Par ailleurs, les perspectives d'investissement dans ce secteur se sont ressenties des pertes subies par la société Ashanti Goldfields dans ses opérations de couverture. Il faut souligner également que l'économie ghanéenne souffre actuellement de sérieux problèmes liés à la détérioration des termes de l'échange, à la dépréciation continue du cédi, à des taux d'intérêt et des prix élevés.

Le Sénégal a enregistré un taux de croissance remarquable de 5,3% dû à une hausse de la production agricole, suite à des précipitations favorables, à de bons résultats dans les secteurs du tourisme et des échanges et à un accroissement des investissements publics.

La Guinée-Bissau a connu une croissance exceptionnelle, la plus élevée de la sous-région, soit 8,7% en 1999, après des résultats négatifs en 1998. Ce résultat, s'explique principalement grâce à la reprise des exportations et de la consommation.

Au Mali, la croissance du PIB réel a été remarquable, soit 6,4% en 1999, reflétant principalement de bons résultats macro-économiques ainsi que la reprise de la production céréalière, grâce à de bonnes conditions météorologiques.

Le Cap-Vert reste pour sa part sur sa tendance positive des années précédentes, avec une augmentation de 6% du PIB réel en 1999. Ce pays a profité d'un bon niveau d'exportations et des investissements consentis dans le secteur du tourisme.

Le Bénin et le Burkina Faso ont maintenu le rythme de croissance de leur PIB réel à 5,5% malgré une baisse notable des cours des produits agricoles. Ces résultats sont dus à des performances remarquables au plan de la gestion macro-économique et à la fin de la crise énergétique qui les avait frappé en 1998.

La Guinée, la Gambie et la Mauritanie ont enregistré des performances économiques moyennes en 1999, soit 3,5% de croissance du PIB réel en dessous de leurs performances de 1998. Les déséquilibres macro-économiques enregistrés suite à une baisse des prix des produits d'exportations et un climat morose des affaires ont orienté la production à la baisse.

Le Togo s'est maintenu à 3% de croissance du PIB réel en 1999 tout comme le Liberia qui a enregistré ainsi le taux de croissance du PIB réel le plus élevé depuis la fin de la guerre civile qui l'a frappée. Cette performance est due principalement au relèvement des exportations. Toutefois, le Liberia n'attire pas encore les investisseurs à cause de la destruction des infrastructures de base qui a désorganisé son économie et probablement à cause également de la perception d'insécurité qui persiste.

Le Niger avec un taux de croissance faible de 2% en 1999 a enregistré un recul de la production à cause principalement d'un environnement macro-économique instable et du tarissement de l'aide publique au développement. L'économie de la Sierra-Léone a enregistré une baisse de 8% en 1999 due à la guerre civile qui continue d'affecter le

4.1.3. Investissement/épargne

L'investissement intérieur brut par rapport au PIB s'est légèrement amélioré ces trois dernières années, pour passer de 17,9% en 1997 à 20,6% en 1998 et 21% en 1999. L'examen de la structure des investissements montre une prédominance de l'investissement privé et une stagnation de celui du secteur public. Cette situation s'explique en partie par le regain d'intérêt des opérateurs économiques privés qui répondent favorablement aux politiques de privatisation des entreprises publiques et de promotion du secteur privé mises en oeuvre par les Etats membres de la CEDEAO.

Au Nigeria, l'investissement a concerné les secteurs du pétrole et de gaz. Dans la plupart des autres pays, ils ont été orientés principalement vers le secteur secondaire. La reprise des cours du pétrole au Nigeria et les réformes économiques en cours devraient favoriser l'investissement au cours des prochaines années.

Les taux d'épargne par rapport au PIB ont reculé depuis 1990, soit 16,1% pour passer à 14,7% en 1998 et 15% en 1999. Ce qui laisse un solde de financement négatif de 5,9% en 1998 et 6% en 1999.

Dans l'ensemble, les taux d'épargne et d'investissement sont inférieurs non seulement à ceux des grandes régions en développement, telles que l'Asie ou l'Amérique Latine, mais aussi à la moyenne africaine.

L'évolution de l'épargne et de l'investissement dépend de la réduction des déficits budgétaires, de la baisse de l'inflation, de la stabilité du taux de change, de l'environnement juridique et judiciaire des entreprises et d'une efficience accrue du marché des capitaux.

En ce qui concerne le marché financier régional, trois grandes bourses existent en Afrique de l'Ouest : la bourse de Lagos, celle d'Accra et la bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d'Abidjan qui regroupe les 8 pays de l'UEMOA. Les privatisations en cours dans la sous-région ont accru l'intérêt porté par les investisseurs à ces places financières.

L'investissement direct étranger en Afrique de l'Ouest a dépassé les 2 milliards de dollars US en moyenne annuelle entre 1994 et 1998. Cependant, plus des trois quarts de ces montants sont allés au Nigeria, avec au total près de 7,7 milliards de dollars U.S. investis principalement dans les secteurs du pétrole et du gaz. La Côte d'Ivoire, le Ghana et le Sénégal ont reçu respectivement 1,1 milliard de dollar US., 600 millions de dollars US. et 275 millions de dollars U.S. durant la même période.

On estime qu'avec les dividendes de la démocratie, et la remontée spectaculaire des cours de pétrole, le Nigeria attirera davantage d'investissement direct étranger (IDE) dans les prochaines années tandis que la région dans son ensemble devrait attirer davantage les investisseurs étrangers, à mesure que les réformes économiques avanceront, que l'intégration économique régionale se renforcera et que la croissance du PIB s'accélérera.

4.1.4. Transactions extérieures courantes

La contribution du solde extérieur à la croissance du PIB régional n'a pas été encourageante ces dernières années. La balance commerciale de l'Afrique de l'Ouest se dégrade régulièrement depuis 1996 à cause surtout d'une forte dépendance à l'égard des exportations des produits de base, dont l'instabilité des cours entraîne une forte volatilité des recettes du commerce extérieur. Si les pays de l'UEMOA ont profité de la dévaluation du Franc CFA en janvier 1994 pour accroître leurs exportations soit 7,3% durant la période 1990 - 1994 et 10,25% sur la période 1995 - 1998, le reste de la région a connu une baisse des exportations de 7,48% à 4,2% sur les mêmes périodes. Les indices des prix à l'importation ont augmenté à cause d'un renchérissement des produits pétroliers raffinés et ceux destinés à la consommation locale. Les grands groupes de produits les plus importants importés dont les parts sont assez comparables d'une économie à l'autre sont "l'alimentation", les "équipements" et les "combustibles". Ce qui indique que les pays de la CEDEAO ont presque les mêmes besoins.

Le commerce intra-régional CEDEAO est estimé à 11% du commerce total avec les pays-tiers. Les tendances ne sont pas favorables, à moyen terme, à une augmentation significative de ce taux malgré les arrangements douaniers et commerciaux mis en place par la CEDEAO.

Le tourisme est en passe de devenir une source majeure de revenus pour de nombreux pays de la CEDEAO. Le nombre de visiteurs a progressé en 1999 de 12% en Afrique de l'Ouest. Les principales destinations régionales sont le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, le Mali et le Sénégal. A l'échelle régionale, le Ghana a le taux de croissance du secteur le plus élevé représentant la troisième source de devises du pays. Selon les objectifs et les projections du ministère du tourisme, cette branche pourrait bien occuper la première place en 2010 dans les rentrées en devises avec un chiffre d'affaires de près de 1 milliard $ U.S.

Le déficit des paiements courants en proportion du PIB a également tendance à se creuser. Sur les trois dernières années, le solde n'a été positif qu'en 1996 avec un taux de 6,1% du PIB, contre -0,7 % en 1998 et -0,5% en 1999.

Le Nigeria a souffert de la baisse des cours du pétrole jusqu'au deuxième trimestre 1999 tandis que les déficits du Ghana sont imputables à la léthargie des cours mondiaux de l'or, et du cacao et ceux de la Côte d'Ivoire sont principalement dus à la dépréciation des cours des produits agricoles d'exportation et au tarissement de l'aide étrangère.

Les performances du solde extérieur des pays de la CEDEAO sont influencées par les conditions générales de l'économie, la conduite de la politique monétaire et budgétaire et aussi par les fluctuations de la valeur des monnaies locales par rapport au dollar américain qui est la monnaie principale dans laquelle le commerce extérieur est libellé. C'est ainsi que par rapport au dollar américain, le Cédi Ghanéen a perdu en 1999, 49% de sa valeur, le franc CFA 16% de la sienne, le Naira Nigérian 15% et le franc Guinéen 29% de sa valeur. Ces baisses auraient dues favoriser les exportations nationales et permettre un redressement des paiements courants, mais les problèmes structurels qui affectent la production ainsi que le fait que les Etats payent généralement leurs importations en dollars US ont empêché ces pays de tirer profit de la dépréciation de leurs monnaies. Une dette extérieure élevée a aggravé la situation de la balance des paiements des pays de la CEDEAO.

4.1.5. Dette extérieure

La dette extérieure de l'ensemble des pays de la CEDEAO est estimée à 70 milliards de $U.S. La Côte d'Ivoire et le Nigeria comptent pour environ 70% du total des créances. Par rapport au PIB, les pays qui ont le stock de dette extérieure le plus élevé sont la Guinée-Bissau (370%) ; la Côte d'Ivoire (150%) et la Sierra-Léone (140%). En outre, douze des seize (16) pays de la CEDEAO sont considérés comme lourdement endettés. Les obligations réelles liées au service de la dette devraient absorber en moyenne environ 30 % des recettes d'exportation des pays de la CEDEAO. Les dépenses qui y sont liées sont en moyenne trois fois plus élevées que celles consacrées à l'éducation et à la santé.

La soutenabilité de la dette extérieure des pays de la CEDEAO dépend de l'accélération des retombées de l'initiative visant les pays pauvres très endettés (PPTE). L'objectif de cette initiative est d'adapter le service de la dette (y compris la dette multilatérale), aux capacités de remboursement des pays afin que leurs comptes de transactions courantes soient viables.

L'initiative PPTE comporte des dispositions très exclusives et restrictives. Le ratio de la valeur actuelle nette (VAN) de la dette aux exportations et le ratio du service de la dette constituent les indicateurs fondamentaux de viabilité. Dans le cadre de l'initiative PPTE I dont les opérations ont débuté en 1996, ce degré d'endettement soutenable devrait s'inscrire dans une fourchette inférieure à 200 -250% pour le ratio VAN de la dette/exportations, et entre 20 et 25% pour le service de la dette par rapport aux exportations. Ces conditions ont été assouplies en 1999 dans le cadre de l'initiative PPTE II renforcée qui offre un allégement plus concessionnel et plus rapide. Le ratio VAN de la dette/exportations passe à une limite inférieure à 150% tandis que le ratio du service de la dette supportable reste le même. D'autres indicateurs de vulnérabilité propres aux pays intéressés sont pris en compte tels que la concentration et la variabilité des exportations, la charge que le service de la dette fait peser sur le budget, le ratio dette intérieure/PIB, le solde de ressources, la couverture des réserves internationales et le poids de la dette du secteur privé. En outre, l'initiative PPTE renforcée est conditionnée à la préparation et à l'exécution d'un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) par chaque pays concerné. Toutefois, il y a lieu de souligner que cette deuxième initiative comporte encore des dispositions très exclusives et restrictives. Actuellement, seuls six pays de la CEDEAO ont atteint le point de décision pour bénéficier des réductions dans le cadre de l'initiative ; il s'agit du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Malgré les efforts des PPTE et des institutions de Bretton Woods, certains retards ont été notés par rapport au calendrier établi. Ces retards traduisent la difficulté de s'entendre sur les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) lorsque les procédures impliquent la société civile. Les critères d'éligibilité devraient être encore réduits et rendus flexibles. En outre, les bailleurs de fonds devraient coordonner davantage leurs actions afin d'éviter les conditionnalités croisées et nombreuses qu'ils appliquent indifféremment aux PPTE. Le traitement du Club de Paris devrait également inclure divers types de dettes spéciales (postale et hospitalière notamment) et prendre en compte les besoins spécifiques de pays dont le stock de la dette est élevée comme le Nigeria, ou des pays en conflit.

Le FMI et la Banque mondiale ont rapidement progressé dans la définition de leurs méthodes de contribution à la réduction de la dette (jusqu'à 100 % de réduction du service de la dette en VAN, si nécessaire). Le financement de la BAD est opérationnel grâce à la contribution européenne au fonds fiduciaire PPTE établi auprès de la banque mondiale. Dans le cadre de l'initiative PPTE renforcée, les institutions les plus généreuses sous l'initiative PPTE I comme l'Union européenne, le FIDA et le Fonds Nordique de développement se sont engagées à être autant généreuses que sous l'initiative PPTE I. Certaines petites organisations multilatérales sous-régionales comme le Fonds de la CEDEAO ont rencontré des difficultés pour mobiliser leurs contributions sous l'initiative PPTE I et ces problèmes seront plus accrus sous PPTE II, ce qui risque de provoquer des demandes accrues de ressources auprès des donateurs.

Au titre des annulations de dettes annoncées, par certains créanciers bilatéraux, certaines de ces annulations ne sont pas ce qu'elles prétendent être. Par exemple, certains prêteurs insistent pour que l'équivalent en monnaie locale des annulations soit accordée à des ONG de leurs pays respectifs afin d'exécuter des projets. C'est dire que le service de la dette est payé à ces ONG plutôt qu'aux gouvernements des pays créanciers. De même, certaines annulations prennent une forme très complexe qui suppose que les pays paient le service échu de la dette et reçoivent ensuite des subventions en guise de compensation destinée à l'achat de produits importés. Cette technique qui, en fait, ne dégage pas de nouveaux fonds ne constitue pas un allégement supplémentaire de la dette. Lors du sommet du G8 à Okinawa, en juin 2000, les pays créanciers n'ont pris aucune décision novatrice pour alléger substantiellement la dette des pays pauvres. La croissance et le développement des pays de la CEDEAO, conditions nécessaires à la réduction de la pauvreté en Afrique de l'Ouest implique l'annulation pure et simple des créances des pays de la région.

4.1.6. Croissance démographique et capital humain

La forte croissance démographique de l'Afrique de l'Ouest (2,7%) combinée à de faibles taux de croissance économique (2,5%) en 1999 demeure une préoccupation majeure. Cette croissance soutenue de la population a mené la région d'un effectif de 40 millions d'habitants en 1930 à 85 millions en 1960 et 230 millions actuellement. De tels taux de croissance, qui entraînent un doublement de la population tous les 25 à 30 ans constituent un choc auquel peu de régions dans le monde ont été confrontées. Ce choc est d'autant plus violent qu'il s'accompagne d'une dégradation des conditions économiques de la région dans un contexte où les besoins des populations sont immenses. La croissance démographique élevée accentuera ses problèmes. Construire des écoles, des hôpitaux, des routes, des barrages hydroélectriques et d'adduction d'eau, créer des emplois à la mesure de l'accroissement démographique est le défi constant auquel nos Etats ont été confrontés depuis les indépendances et certainement le défi auquel ils feront face dans plusieurs années à venir.

Avec une fertilité moyenne qui est aujourd'hui supérieure à 6 enfants par femme, on a plus de trois petites filles qui naissent en 2000 pour chaque mère et qui deviendront de futures mamans en 2020. C'est dire que même une baisse de la fertilité n'empêchera pas une croissance rapide de la population, car elle sera contre-balancée dans un premier temps, par l'augmentation du nombre des mères.

A l'horizon 2020, il est donc probable que la région comptera au moins 430 millions d'habitants. La population de la région aura été multipliée par plus de dix en moins de 100 ans.

Tableau 6 : Taux de fécondité des pays ouest-africains

PAYS

Nombre d'enfants par femme

PAYS

Nombre d'enfants par femme

Bénin

Burkina Faso

Cap Vert

Côte d'Ivoire

Gambie

Ghana

Guinée

Guinée-Bissau

7,1

6,5

4,3

7,4

6,1

6

7

5,8

Liberia

Mali

Mauritanie

Niger

Nigeria

Sénégal

Sierra-Léone

Togo

6,8

7,1

6,5

7,1

6,4

6,1

6,5

6,6

SOURCE : Etude des perspectives à long terme en

Afrique de l'Ouest-Club du Sahel.

Pour que 430 millions d'habitants trouvent à se loger, se nourrir et travailler, la région ouest africaine aura besoin, plus encore que par le passé, de mobiliser toutes les énergies disponibles, et de disposer de capitaux importants. La réduction de la pauvreté, constituera dans les années à venir, le plus grand défi de la région à cet égard.

L'Afrique de l'Ouest, depuis les années des indépendances a accompli des progrès remarquables de développement du capital humain, grâce à l'amélioration des services d'alimentation et de santé, mais il reste encore beaucoup à faire. La probabilité qu'un enfant décède avant l'âge de cinq ans demeure élevée (143 décès pour 100.000 naissances vivantes en 1998), un phénomène qui traduit la malnutrition, l'insalubrité et le manque de services de santé. Le taux de mortalité infantile en Afrique de l'Ouest est d'environ 650 pour 100.000 naissances vivantes, soit 50% de plus que dans les régions en développement dans leur ensemble.

De plus, le VIH/SIDA apparaît aujourd'hui comme l'une des menaces les plus graves qui pèsent sur la santé des populations ouest-africaines. Ce fléau a fait baisser le taux de croissance démographique et l'espérance de vie dans plusieurs pays. La tuberculose a refait surface alors que la paludisme reste l'une des principales causes de mortalité dans la région.

Dans le domaine de l'instruction, le taux de scolarisation dans le primaire stagne aux alentours de 70% alors qu'il n'est que de 30% dans le secondaire. Après s'être rapidement développé entre 1960 et 1980, l'enseignement tertiaire a marqué le pas principalement à cause des difficultés financières mais aussi en raison d'une dégradation de la qualité de l'enseignement universitaire et professionnel et de son inadéquation avec le marché de l'emploi. Plusieurs promotions de jeunes sortis des universités ouest africaines sont actuellement au chômage. Aussi plusieurs de nos pays ont connu pour une raison ou pour une autre, des années "blanches" dans la scolarité des enfants. Ces problèmes seront inévitablement ressentis dans quelques années dans les sphères de production.

Tous ces facteurs combinés à de faibles revenus par habitant entraînent des indices de développement humain (IDH) particulièrement bas pour les Etats membres de la CEDEAO qui comptent parmi les plus pauvres de la planète.

4.1.7. L'environnement extérieur: La conjoncture économique internationale

La croissance de l'activité économique mondiale, selon les estimations du FMI, a été de 2,3% en 1999 contre 2,5% en 1998. La demande aux Etats-Unis d'Amérique (USA) et la reprise en Asie ont été encore les moteurs de cette expansion, bien que moindre par rapport à l'année précédente. La vigueur exceptionnelle de l'investissement et de la consommation privée aux USA a non seulement profité à la région de l'Accord de libre-échange Nord Américain (ALENA), mais a également soutenu la reprise en Asie et dans une moindre mesure la production en Europe occidentale. Dans les grands pays industrialisés, la croissance est estimée à 2%. Aux Etats Unis, la production s'est accrue de 3,3% sous l'effet d'une forte demande intérieure et d'un niveau élevé des investissements, principalement dans les technologies de l'information, fondement de la "nouvelle économie". L'économie japonaise a connu une légère amélioration avec un taux de croissance de 1,4% en 1999 contre 2,8% en 1998 en relation avec la reprise de la consommation des ménages et la restructuration du système bancaire. La Corée a connu un taux de croissance exceptionnel de 11%. Dans les autres pays d'Asie, à l'exception notable de l'Indonésie, la croissance économique a été soutenue par des mesures de relance budgétaire, la reconstitution des stocks et une remontée de la demande mondiale de produits électroniques. Dans la zone Euro, le taux de croissance de la production qui est tombé à 2% en 1999 a reflété la baisse de la demande domestique et la morosité du climat des affaires. Cette situation a contribué à un net ralentissement de l'expansion du commerce en volume. L'Euro et les autres monnaies européennes, s'étant affaiblis par rapport au dollar US, les prix en dollars à l'exportation et à l'importation ont diminué dans la région en moyenne d'environ 4%, d'où une stagnation de la valeur des échanges en 1999. Les principaux marchés des changes ont été marqués par une forte volatilité. L'Euro, la devise européenne qui a été échangée à 0,88 $US en août 2000 a atteint son plus bas niveau historique depuis son lancement en janvier 1999. Elle a perdu plus d'un quart de sa valeur par rapport au dollar US. Face au Yen, l'Euro a également battu des records de faiblesse. Il est tombé à 94,32 Yens au premier semestre de l'an 2000. L'Afrique de l'Ouest a des relations soutenues avec l'Union européenne qui lui achète environ 60% de ses exportations et lui fournit 56% de ses importations. Toutefois, les pays de la CEDEAO membres du Groupe des pays ACP n'ont pas réellement accru leurs performances sur les marchés européens, malgré l'accès préférentiel garanti par la Convention de Lomé. Ce qui a incité entre autres raisons, à un changement des dispositions contractuelles entre les deux groupes lors de la réunion de Cotonou de juin 2000 qui a vu la naissance d'une nouvelle convention. Les pays ACP ont mis l'accent encore sur le renforcement de l'accès préférentiel au marché européen. Bien que tenues par les limitations imposées par les règles actuelles de l'OMC, l'Union européenne a accepté de soutenir les efforts de développement des pays ACP en maintenant les dispositions commerciales existantes durant une période transitoire jusqu'en 2008. Au terme de cette transition, il est envisagé la signature d'accords de partenariat économique qui doivent se substituer au régime des préférences commerciales. Toutefois, pour que ces Accords de partenariat économique atteignent leur but, ils doivent favoriser l'unité et la solidarité des pays de la CEDEAO et ne pas y saper les efforts d'intégration régionale. Les pays ACP et l'Union européenne devront sceller des alliances au sein de l'OMC pour imposer une plus grande souplesse dans l'interprétation et l'application des règlements et des normes afin que les problèmes spécifiques des pays ACP soient pris en compte. En outre, les Etats ACP devront s'efforcer à diversifier leurs économies pour tirer profit des avantages de la mondialisation. Les accords de partenariat et les opportunités offertes par les échanges multilatéraux ne porteront pas leurs gains tant que ce problème ne sera pas résolu.

En ce qui concerne les aspects réglementaires du commerce international, plusieurs membres de l'OMC ont commencé à introduire progressivement, conformément à l'échéancier, les réductions des droits de douane, des subventions à l'exportation et des autres mesures de soutien à la production agricole. De nombreux membres de l'OMC ont également pris des engagements d'ouverture du marché des télécommunications. Ce secteur est ouvert à une concurrence accrue, et dans de nombreux pays, les entreprises publiques sont privatisées.

Toutefois, il importe de souligner que de nombreuses questions qui ont empêché la conclusion d'un accord à Seattle comme la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, les questions environnementales et les normes de travail ne sont pas toujours résolues et il n'y a aucun signe de flexibilité de la part des différents partenaires qui permettraient d'envisager avec confiance un démarrage rapide des négociations.

En ce qui concerne les principaux produits de base exportés (café, cacao, coton fibre, caoutchouc, arachide) par les pays de la CEDEAO, un effondrement des cours mondiaux de ces produits de base a été constaté au cours de l'année 1999. Au courant du mois d'août 2000, les prix moyens de ces produits étaient tombés à leur niveau le plus bas depuis dix ans. C'est pourquoi il est impératif que la CEDEAO amorce avec vigueur la coopération en matière de politique des filières pour mieux regrouper nos producteurs et nos exportateurs afin d'avoir ne serait-ce qu'une petite chance de peser sur les prix des différents produits. Le Secrétariat a engagé à cet effet une réflexion qui débouchera sur l'organisation d'une réunion des Ministres de l'Agriculture et du Commerce. Les prix du pétrole ont triplé, passant de 10 $US le baril en février 1999 à 35 $US au troisième trimestre de 2000. Si la hausse des prix du pétrole a affecté positivement les recettes budgétaires des pays exportateurs comme le Nigeria, par contre elle pourrait entraîner des déséquilibres macro-économiques importants dans la plupart des autres pays de la CEDEAO importateurs de pétrole. Dans presque tous les pays de la CEDEAO, l'augmentation des prix à la pompe des produits pétroliers qui a varié dans une fourchette de 10 à 60% fait craindre une inflation généralisée et un ralentissement plus marqué des activités économiques.

5. Les Accords de Partenariat Economiques

5.1. Avec l'UEMOA

Dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions de la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO qui s'est tenue à Lomé le 9 décembre 1999 et des orientations des réunions ministérielles CEDEAO / UEMOA des 28 et 29 janvier 2000 à Bamako sur l'accélération du processus d'intégration en Afrique de l'ouest, le Secrétariat exécutif a prioritairement orienté ses actions en vue de l'harmonisation de ses programmes avec ceux de l'UEMOA et il a accompagné les initiatives relatives à la création d'une deuxième zone monétaire et à la création d'un espace sans frontière en Afrique de l'Ouest.

Le programme d'actions arrêté par les deux organisations lors de leur réunion de février 2000 couvre les domaines ci-après : - marché commun ; - convergence des politiques macro-économiques et financement du développement et promotion du secteur privé ; - politiques sectorielles.

La CEDEAO et l'UEMOA envisagent de créer dans leurs aires géographiques respectives une union économique et monétaire. A cet égard, deux zones de libre échange et deux unions douanières vont se juxtaposer dans la même région. Ce qui risque d'entraîner des chevauchements et des duplications qui vont gêner le processus d'intégration régionale. D'où, la nécessité d'harmoniser les mécanismes et instruments de la libéralisation des échanges et de l'union douanière dans les deux organisations.

5.1.1 Schémas de libéralisation des échanges au sein de la CEDEAO et dans l'UEMOA

Un tableau comparatif des schémas de libéralisation des échanges des deux organisations avait été établi lors de la réunion conjointe de mars 2000 ; c'est sur la base de cet inventaire que des positions communes ont été dégagées, lors de la réunion des deux organisations qui s'est tenue à Lomé du 5 au 9 septembre 2000. A l'issue de cette rencontre, le Secrétariat de la CEDEAO et l'UEMOA ont convenu ce qui suit dans les domaines ci-après :

a) Règles d'origine

De nouvelles règles d'origine sont nécessaires dans les deux organisations. L'adoption de ces nouvelles règles se justifie par le fait que les règles actuelles sont devenues obsolètes. De plus, il est apparu nécessaire de se conformer aux nouvelles règles de l'Organisation Mondiale du Commerce, pour tenir compte de l'évolution du commerce international et des nouvelles technologies. L'UEMOA n'est pas favorable aux listes limitatives des produits dits du cru et de l'artisanat traditionnel.

Quand au critère relatif à la valeur ajoutée, il est observé que les pourcentages actuellement appliqués sont différents (35% à la CEDEAO et 40% à l'UEMOA). Toutefois, la définition et les éléments constitutifs de cette valeur ajoutée sont sensiblement identiques.

La CEDEAO est favorable à l'adoption des nouvelles règles d'origine telles qu'envisagées par l'UEMOA basés sur les éléments suivants: produits entièrement obtenus ; changement de position tarifaire ; critère de la valeur ajoutée.

Les deux organisations conviennent de retenir la définition classique de la valeur ajoutée excluant les matières communautaires.

Les deux organisations conviennent d'un taux de valeur ajoutée égale à 30% du prix de revient ex-usine hors taxes du produit. Elles demandent toutefois, que ce critère soit testé sur la base des agréments actuels afin d'en apprécier la pertinence.

L'adoption de nouvelles règles d'origine sera accompagnée d'un assouplissement de la procédure d'agrément.

b) Procédure d'agrément

Les dossiers types d'agrément dans les deux organisations sont presque identiques. Cependant, il convient d'alléger et de simplifier le contenu de ces dossiers en ce qui concerne les informations demandées en vue de retenir les éléments essentiels. Compte tenu des changements intervenus au niveau des textes régissant le mécanisme de libéralisation des échanges, certains renseignements actuellement requis dans les dossiers de demande d'agrément ne sont plus pertinents (par exemple, capital social détenu par les nationaux, nombre du personnel, prévisions d'exportation etc.).

Le principe de la suppression de l'agrément a été retenu par la Commission de l'UEMOA et le Secrétariat de la CEDEAO. Cependant, les produits dont l'origine est déterminée sur la base du critère de la valeur ajoutée pourraient faire l'objet d'un agrément pendant une période transitoire de trois (3) ans.

En ce qui concerne le dossier-type et la procédure d'agrément, la Commission de l'UEMOA et le Secrétariat de la CEDEAO ont convenu que: les dossiers de demande d'agrément devront comporter les renseignements ci-après :

l'identification de l'entreprise (localisation, secteur d'activité, statut juridique etc.) ;

l'identification du produit et la description de son processus de fabrication ;

la fiche technique relative à la détermination du prix de revient ex-usine et de la valeur ajoutée.

ii) les deux catégories de produits à savoir, les produits entièrement obtenus et ceux ayant subi une ouvraison substantielle entraînant un changement de position tarifaire, ne feront pas l'objet d'un agrément. Un comité national dans chaque Etat membre devra s'assurer de l'origine communautaire de ces produits sur la base du dossier type établi par les entreprises requérantes. Ce comité aura à transmettre au Secrétariat de la CEDEAO et à la Commission de l'UEMOA les dossiers qui leur ont permis de considérer ces produits comme originaires. Sur la base des informations ci-dessus, le Secrétariat et la Commission pourraient procéder périodiquement à des contrôles a posteriori.

c) Liste des opérations ne conférant pas l'origine

Ces listes sont sensiblement les mêmes. Toutefois, la Commission de l'UEMOA envisage d'exclure de la liste UEMOA, les opérations d'assemblage et de montage. Le Secrétariat exécutif de la CEDEAO a pris note et va soumettre cette question à l'appréciation de ses instances compétentes.

d) Produits fabriqués en zone franche ou sous régimes économiques

Ces deux catégories de produits ne bénéficient pas de l'origine communautaire au sein de l'UEMOA. Au niveau de la CEDEAO, la question est à l'étude. Les positions seront harmonisées.

e) Documents douaniers - déclaration en douane unique (DDU)

La déclaration en douane unique de la CEDEAO a été adoptée à son Conseil de Ministres tenu en août 1999 à Abuja consacrant ainsi sa mise en application depuis cette date. Actuellement, elle n'est mise en circulation qu'en République Fédérale du Nigeria. - Certificats d'origine.

Prenant en compte les nouvelles règles d'origine dont l'adoption est envisagée, les deux organisations ont convenu de retenir un seul type de certificat d'origine. La couleur et le contenu de ce certificat seront déterminés d'un commun accord.

Le certificat d'origine sera délivré par une autorité nationale compétente désignée par l'Etat membre.

Les deux organisations ont recommandé que les produits du cru et de l'artisanat traditionnel soient exemptés de la production d'un certificat d'origine. Toutefois, pour certains produits sensibles tels que les poissons, il sera utile d'exiger un certificat d'origine du pays exportateur.

f) Préférences tarifaires

Les préférences tarifaires (exonération totale des droits de douane et taxes d'entrée à l'exception des taxes intérieures) accordées par l'UEMOA et la CEDEAO sur les produits industriels agréés et les produits du cru et de l'artisanat sont identiques. En ce qui concerne les produits industriels originaires non agrées, l'UEMOA leur accorde un abattement de 5% sur les taxes normales. Cependant, elle se propose de supprimer cette catégorie de produits.

g) Compensation des moins-values

Le système de compensation actuellement en vigueur au niveau de la CEDEAO pose certains problèmes notamment, l'indisponibilité, pour le moment, de ressources propres destinées au remboursement des montants à compenser lorsque les Etats auraient subi des pertes de recettes. Les Etats sont réticents à accorder les préférences tarifaires car n'étant pas assurés d'être remboursés. A l'issue des échanges de vue, les deux organisations ont convenu de ce qui suit : l'UEMOA maintient son système de compensation actuellement en vigueur, jusqu'à son terme prévu en l'an 2006 ; la CEDEAO adoptera des taux de compensation dégressifs selon la procédure de l'UEMOA mais avec un terme fixé au 31 décembre 2008. Ainsi les montants à compenser seront fonction des taux dégressifs ci-après: -100% des moins-values subies de 2000 à 2002; -80% des moins-values subies en 2003 ; -60% des moins-values subies en 2004 ; -30% des moins-values subies en 2005 ; -0% à compter du 1er janvier 2009. En outre, dans un souci d'allégement de la procédure, il a été convenu, qu'à l'instar de la Commission de l'UEMOA, les décisions des versements compensatoires relèvent du Secrétariat exécutif qui rend compte au Conseil des Ministres. La CEDEAO, à l'instar de l'UEMOA, se propose de ramener le délai de prescription des droits à compensation à 3 mois au lieu de 3 ans, à compter de la fin de l'exercice budgétaire ; pour permettre la mise en application des nouvelles dispositions prévues aux points (i) à (iv), le Secrétariat exécutif de la CEDEAO devra élaborer des actes juridiques à faire adopter sous forme de décisions par les hautes instances de la Communauté.

h) Prélèvement communautaire

Le prélèvement communautaire de solidarité de l'UEMOA est bien appliqué au sein de l'Union et il est destiné à la compensation des moins-values en priorité. La Commission dispose, d'une procédure sécurisée de recouvrement du PCS, par le débit d'office des comptes ouverts par les trésors nationaux auprès de la BCEAO.

Le prélèvement de la CEDEAO ne fonctionne pas normalement. La non application du mécanisme par tous les Etats membres entraîne des difficultés pour réunir les fonds nécessaires en vue de procéder aux compensations des moins-values qui sont pour le moment supportées par les contributions des Etats membres. La CEDEAO devra accélérer la mise en application effective du prélèvement communautaire et prendre des dispositions en vue de sécuriser ses produits.

L'UEMOA dispose d'une union douanière basée sur un tarif extérieur commun assis sur quatre taux maximum (0% ; 5% ; 10% et 20%). La CEDEAO n'en dispose pas encore. Les deux organisations ont recommandé que l'étude qui doit guider l'élaboration du tarif extérieur commun de la CEDEAO comprenne les éléments suivants : - recenser les différents droits et taxes selon leur nature en vigueur dans chaque pays ainsi que les taux appliqués ; - établir un tableau comparatif des éléments ci-dessus ; - procéder à une harmonisation de la structure des droits et taxes et leurs taux ; - élaborer des scénarios de TEC à tester par pays en identifiant les impacts sur son économie ; - déterminer les secteurs qui seront touchés par la réforme ; - prévoir des mesures d'accompagnement pour les secteurs particulièrement affectés.

Le Secrétariat exécutif de la CEDEAO compte entreprendre les étendues de son TEC dès le début de janvier de 2001 pour une durée de quatre mois.

Les deux organisations ont, chacune, un programme d'harmonisation des politiques économiques et financières essentiellement axé sur la convergence macro-économique.

Dans le cas de l'UEMOA, des dispositions ont été prises pour l'intervention d'une procédure de surveillance multilatérale visant à assainir le cadre macro-économique des Etats membres et à renforcer la monnaie commune.

En ce qui concerne la CEDEAO, la convergence des politiques macro-économiques des Etats membres est un préalable indispensable à la création de la monnaie unique. La convergence doit précéder la création de la zone monétaire CEDEAO.

La mise en oeuvre du dispositif de surveillance multilatérale dans les deux organisations a nécessité : - la définition des critères et des normes de convergence impliquant l'harmonisation des agrégats statistiques, leur disponibilité et leur fiabilité; - l'harmonisation des cadres juridiques, comptables et des statistiques des finances publiques ; - la définition d'un cadre institutionnel de mise en oeuvre de la procédure de surveillance multilatérale. Degré d'harmonisation des critères de convergence et des normes qui leur sont associées dans L'UEMOA et dans la CEDEAO.

Les critères de convergence en zone UEMOA et dans la CEDEAO font ressortir que : - les deux systèmes de convergence retiennent des critères subdivisés en critères de premier rang et critères de second rang; - les indicateurs retenus comme critères de convergence ne sont pas toujours les mêmes pour les deux systèmes de convergence; - certains indicateurs retenus en commun dans les deux systèmes comme critères de convergence sont classés de manière différente en critère de premier ou de second rang et n'ont pas toujours les mêmes valeurs ; - les horizons de convergence sont différents : 2002 pour l'UEMOA et 2003 pour la CEDEAO.

a) Les critères de premier rang

Les deux systèmes retiennent comme critères de convergence: un indicateur de déficit budgétaire et un autre de taux d'inflation.

En ce qui concerne le critère relatif au déficit budgétaire, l'UEMOA retient le solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal qui doit être supérieur ou égal à 0% en l'an 2002. Par contre, la CEDEAO privilégie le ratio déficit budgétaire hors dons rapporté au PIB qui doit être inférieur ou égal à 4% en 2003.

S'agissant du taux d'inflation, l'UEMOA retient un taux d'inflation annuel moyen de 3% maximum par an alors que la CEDEAO poursuit un objectif de 5% d'ici l'an 2002 calculé en glissement annuel.

L'UEMOA retient une norme d'endettement définie par le ratio de l'encours de la dette publique intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal, inférieur ou égal à 70%. La CEDEAO ne retient pas explicitement ce critère. Toutefois, dans les travaux préparatoires pour la définition de la valeur de référence du ratio déficit budgétaire hors dons rapporté au PIB, elle a implicitement retenu une norme d'endettement de 80% maximum, correspondant à la dette publique moyenne des Etats membres de la CEDEAO de 1995 à 1997.

Pour ce qui est de la variation des arriérés de paiement intérieurs et extérieurs, l'UEMOA a retenu la non accumulation d'arriérés intérieurs et extérieurs sur la période de la gestion courante et oblige les Etats membres à apurer le stock d'arriérés existant au 31 décembre 1999, en l'an 2002. Pour ce critère, il n'y a pas de divergence avec le système de convergence de la CEDEAO en dehors des aspects suivants : - le système de convergence de la CEDEAO ne fait aucune mention de la variation des arriérés de paiement extérieurs; - la variation des arriérés de paiement intérieurs est traitée comme un critère de second rang dans le système de convergence CEDEAO alors qu'elle figure parmi les critères de premier rang dans le système de convergence de l'UEMOA.

Le financement des avances de la Banque Centrale au Trésor ne fait pas partie des critères de convergence de l'UEMOA. Il est, par contre, considéré comme critère de premier rang au niveau de la CEDEAO où il ne devra pas excéder 10% des recettes fiscales de l'année antérieure. Cet objectif doit être atteint en l'an 2003. On peut noter cependant dans l'UEMOA qu'une décision a été prise en septembre 1998 par le Conseil des Ministres de l'UEMOA visant à réduire progressivement l'encours des avances statutaires jusqu'à son apurement total à fin 2001. Cette facilité devrait être supprimée à partir de l'an 2002.

Le critère exigeant des réserves brutes, supérieures ou égales à 6 mois d'importations dans le cadre de la CEDEAO, n'est pas retenu dans l'UEMOA, tant au niveau des critères de premier rang qu'au niveau des critères de second rang. Toutefois, il n'y a pas de divergence par rapport au système de convergence de l'UEMOA d'autant plus que le suivi d'un critère de déficit budgétaire très contraignant (solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal supérieur ou égal à 0%) vise, entre autres, comme objectif final la consolidation des réserves de change.

b) Les critères de second rang

Les critères relatifs, d'une part, au ratio masse salariale sur recettes fiscales et d'autre part, au ratio des dépenses d'investissement publics financés sur ressources intérieures, sont parfaitement identiques d'un système de convergence à l'autre.

En outre, les deux systèmes retiennent comme critères de convergence de second rang, le taux de pression fiscale mesuré par le ratio recettes fiscales rapportées au PIB nominal. Les normes sont cependant différentes: 17% pour l'UEMOA à l'horizon 2002 et 20% pour la CEDEAO à l'horizon 2003. Cette divergence ne paraît pas très fondamentale, étant donné qu'il s'agit là d'objectifs volontaristes en raison des niveaux actuels du taux de pression fiscale dans bon nombre d'Etats membres de l'UEMOA et de la CEDEAO.

S'agissant du critère de convergence relatif au suivi et à la maîtrise des comptes extérieurs, l'UEMOA a retenu le ratio du déficit extérieur courant hors dons rapporté au PIB nominal qui ne doit pas excéder 5% à l'horizon 2002. Ce critère n'existe pas dans le système de convergence de la CEDEAO.

La CEDEAO retient le taux de change réel et le taux d'intérêt réel comme critères de convergence de second rang.

En résumé, le problème de coexistence entre les deux systèmes de convergence pourrait se situer essentiellement au niveau du solde budgétaire.

Toutefois, la coexistence entre le système de convergence de l'UEMOA et celui de la CEDEAO, doit prendre en compte les objectifs de chacune des deux organisations et les progrès déjà réalisés sur le terrain notamment dans le domaine de l'intégration monétaire. A ce titre, les efforts d'harmonisation devraient tout d'abord porter principalement sur l'harmonisation statistique, l'harmonisation du cadre juridique, comptable et des statistiques des finances publiques, ainsi que sur l'harmonisation des dispositifs institutionnels de la surveillance multilatérale.

L'harmonisation des critères interviendra avant la création de l'Union monétaire ouest-africaine. L'UEMOA et la CEDEAO devraient se concerter sur l'harmonisation statistique dans les domaines ci-après: - définition des agrégats statistiques retenus dans le cadre des indicateurs de convergence ; - comptabilité nationale ; - prix à la consommation.

Lors de la réunion entre le Secrétariat de la CEDEAO et l'UEMOA qui s'est tenue les 20 et 21 juillet 2000 à Lomé, l'Observatoire économique Africaine (AFRISTAT) a présenté une proposition de programme d'assistance à la CEDEAO pour les besoins de la surveillance multilatérale. Ce programme comprend : - à court terme, les indices de prix à la consommation, l'harmonisation des PIB sur la base de ce qui a été fait à l'UEMOA ; - à moyen terme, les nomenclatures d'activités et de produits, les comptes nationaux (méthodes d'élaboration, SCN93 et ERETES), la constitution d'un répertoire des entreprises et la mise au point d'un indice de la production industrielle, le secteur informel ; - à long terme, le renforcement de la qualité des données de base (données agricoles et d'élevage, données sur la consommation des ménages).

Le Secrétariat exécutif a marqué son adhésion aux éléments du programme, mais a indiqué que soit ajouté explicitement aux actions à court terme le modèle de prévision. Il a également été indiqué la possibilité de faire entreprendre dès maintenant par AFRISTAT des missions circulaires en vue de faire le point de l'existant dans les Etats concernés (Nigeria, Ghana, Liberia, Sierra-Léone, Gambie, Mauritanie, Guinée, Cap-Vert). Ces travaux existent déjà pour les autres pays de l'UEMOA. Les résultats issus de cette mission permettront la mise au point des termes de références précis ainsi que l'évaluation du coût des diverses actions du programme. Le Secrétariat exécutif de la CEDEAO est chargé de préparer les termes de référence de ces missions circulaires et d'en estimer les coûts.

Les instances de décision de l'UEMOA ont adopté des textes communautaires qui sont en cours d'application dans les Etats. Ces textes portent sur l'harmonisation des nomenclatures budgétaires, des plans comptables et l'élaboration d'un Tableau des opérations financières de l'Etat (TOFE) uniformisé UEMOA.

La CEDEAO ne dispose pas encore de textes harmonisés. Les termes de référence des études y afférentes ont été finalisés et communiqués à la Commission de l'UEMOA et au FMI pour observations. Les concertations entre les deux organisations en vue de l'élaboration des textes harmonisés pourraient se tenir dans le courant du premier trimestre 2001.

Le dispositif de surveillance multilatérale des politiques macro-économiques au sein de l'UEMOA est mis en oeuvre par : - les organes prévus à cet effet par le traité instituant l'UEMOA à savoir le Conseil des Ministres et la Commission de l'UEMOA ; - la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO); - les Comités Nationaux de Politique Economique (CNPE) institués dans chacun des Etats membres.

Chaque CNPE est chargé entre autres : - de la gestion d'une base de données statistiques; - de la rédaction d'un rapport sur l'évolution de la situation économique ; - du suivi de la politique économique et de la transmission à la Commission et à la BCEAO, des données statistiques couvrant notamment les domaines définis, ainsi que d'un rapport de base fondé sur l'évolution des indicateurs macro-économiques.

Les CNPE sont composés des responsables des services nationaux impliqués dans la formulation de la politique macro-économique.

La BCEAO coopère avec la Commission pour assurer la cohérence des politiques économiques nationales, notamment des politiques budgétaires avec la politique monétaire commune.

La Commission de l'UEMOA qui est le centre opérationnel de la surveillance multilatérale, est chargé entre autres : - de gérer la base de données statistiques ; - d'établir un rapport trimestriel sur l'environnement international ; - d'élaborer et de soumettre au Conseil des Ministres, les rapports semestriels d'exécution de la surveillance multilatérales qui sont examinés en juin et en décembre de chaque année.

c) Les Etats membres de l'Union coordonnent leurs politiques économiques au sein du Conseil.

Le dispositif institutionnel couvre également : - les programmes de convergence - les modalités de mise en oeuvre - le traitement des situations exceptionnelles

Dans le cadre de la CEDEAO, le dispositif de surveillance multilatérale des politiques macro-économiques créé, repose sur les organes ci-après : - le Conseil de convergence composé des Ministres des Finances et des Gouverneurs des Banques centrales des Etats membres qui exercera la surveillance des politiques et performances macro-économiques ; - le comité technique de suivi regroupant les Directeurs des Etudes des Banques centrales et des représentants des Ministères des Finances. Ce comité sera notamment chargé d'élaborer les rapports semestriels d'exécution de la surveillance multilatérale à soumettre au Conseil de convergence ; - l'Agence Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (AMAO) veillera, en relation avec le Secrétariat exécutif de la CEDEAO, à la compatibilité d'ensemble des programmes pluriannuels de convergence élaborés par les Etats ; - des Comités Nationaux de Coordination (CNC) chargés d'appuyer l'AMAO et le Secrétariat de la CEDEAO dans la collecte et le traitement des données de base fournies par les Etats membres.

Les comités nationaux de coordination de la CEDEAO ne sont pas encore opérationnels sur le terrain. Le Secrétariat de la CEDEAO a préparé une étude portant sur l'organisation de la surveillance multilatérale qui précise la composition de ces comités, leur mission et la périodicité de transmission des données.

L'UEMOA et la CEDEAO doivent organiser des réunions de concertation pour arrêter un cadre harmonisé.

d) Financement du développement et promotion du secteur privé

Le Président de la BOAD et le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO assistés de leurs conseillers ainsi que le Directeur Général par intérim du Fonds de la CEDEAO se sont rencontrés à Abuja les 27 et 28 février 2000. Cette rencontre avait pour but d'examiner l'applicabilité du souhait exprimé par le Président de la BOAD à la réunion CEDEAO-UEMOA de Bamako relative à l'insertion de la BOAD dans la transformation du Fonds pour en faire la Banque d'Investissement de la CEDEAO dans la nouvelle structure qui sera celle d'une Holding.

Les deux institutions, bien que conscientes de la pertinence du sujet au moment où l'intégration régionale doit être renforcée pour une meilleure participation de notre sous-région à l'économie globale ont néanmoins retenu qu'un examen plus approfondi doit être mené afin de déceler les avantages et les éventuels inconvénients.

e) Politiques sectorielles communes

Les deux organisations s'orientent vers la définition de politiques sectorielles communes devant servir de cadre de référence et d'orientation pour la mise en oeuvre des programmes. A cet égard, un renforcement de la concertation entre la CEDEAO et l'UEMOA a été recommandé de manière à éviter la duplication des activités.

Suite à l'adoption, lors du vingt-deuxième sommet de la CEDEAO tenu à Lomé, d'une approche différenciée pour le processus d'intégration, six pays non membres de l'UEMOA ont pris la décision de créer une deuxième zone monétaire en Afrique de l'Ouest qui fusionnera avec la zone CFA pour donner naissance à la zone monétaire unique CEDEAO en l'an 2009. Des progrès considérables ont été réalisés depuis la tenue du sommet restreint le 20 avril 2000 à Accra, réunissant le Président en exercice de la CEDEAO et les six pays, à savoir la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Liberia, le Nigeria et la Sierra-Léone.

Une réunion du Conseil de Convergence s'est tenue le 5 juillet 2000 à Conakry, à l'effet d'évaluer les progrès réalisés. Au mois de mai dernier, un groupe d'experts composé de représentants des six banques centrales et du Secrétariat (faisant office de coordonnateur) a été mis en place afin de préparer les documents techniques, après des consultations et des visites de travail auprès d'institutions compétentes de la sous-région et de l'extérieur, notamment à la BCEAO, la BCE, l'Union européenne et le FED. Ce groupe d'experts a élaboré un certain nombre de documents destinés à être soumis à l'examen du Comité technique et du Conseil de Convergence dont la réunion est prévue en novembre 2000 à Banjul. Il s'agit des documents ci-après:

i) le projet d'Accord sur la deuxième zone monétaire, la Zone Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZOMAO);

ii) les statuts de l'institution intérimaire, l'Institut Monétaire de l'Afrique de l'Ouest ;

iii) les statuts de la Banque centrale commune, la Banque centrale de l'Afrique de l'Ouest ;

iv) les dispositions relatives à la création d'un fonds de stabilisation et de coopération ;

v) le projet de document concernant l'Institut Monétaire de l'Afrique de l'Ouest ;

vi) le rapport sur l'état de la convergence en 1999;

vii) un programme de sensibilisation.

Pour faciliter le succès de la deuxième zone monétaire, il est important de créer une synergie entre les actions de celle-ci et les actions prévues au titre de la zone monétaire unique. A cet égard, le Comité de Gouverneurs des Banques centrales, lors de sa 11ème Session extraordinaire tenue à Dakar en mai 2000 avait adopté un programme d'actions permettant d'accélérer la création de la zone monétaire unique. La quarante-sixième session du Conseil des Ministres de la CEDEAO tenue à Abuja du 24 au 25 mai 2000 à Abuja a approuvé ce programme d'actions, notamment la définition d'un indicateur d'évaluation de la qualité de la convergence, tel que la stabilité relative du taux de change par rapport à l'Unité de Compte de l'Afrique de l'Ouest (UCAO), équivalent aux droits de tirage spéciaux (DTS).

Le Conseil a, en outre, entériné la recommandation du Comité des Gouverneurs afin que le Conseil de convergence (Gouverneurs des Banques centrales et Ministres des Finances), soit l'organe habilité à exercer la surveillance des politiques économiques des Etats membres. Le Conseil de Convergence est toutefois tenu d'informer le Conseil des Ministres de ses décisions. Le Secrétariat exécutif de la CEDEAO a été invité à examiner les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette recommandation. Le Conseil a, également, approuvé les différentes phases de réalisation du projet de création de la zone monétaire unique de la CEDEAO :

Phase 1 : harmonisation des règles de gestion économique et financière, redynamisation du mécanisme de compensation de l'AMAO et revue des transactions éligibles ;

Phase 2 : évaluation des ajustements économiques et harmonisation des fiscalités intérieures ;

Phase 3 : Fixation irrévocable des parités et création de la banque centrale unique4.

5.2. Avec l'Union européenne

Les ministres du Commerce et des Finances de la CEDEAO ont fait le point les 6 et 7 Octobre 2006 à Niamey de l'Etat d'avancement des négociations des Accords de Partenariat Economiques (APE) avec l'Union européenne (UE).

Ils ont réfléchi sur les possibilités d'ouverture des marchés de la sous-région aux pays de l'Union européenne, conformément aux accords de Cotonou. Cette rencontre qui fait suite à celle du comité ministériel de suivi tenue le 10 avril 2006 à Abuja, vise à encourager un marché libre et ouvert, à garantir les conditions d'un commerce égal et équitable, à maximiser la protection des consommateurs et à assurer la transparence et l'équité dans les procédures. Les experts de la CEDEAO ont examiné entre autres points d'ordre du jour, le niveau d'exécution des recommandations du comité ministériel de suivi du 10 avril 2006, l'état d'avancement des travaux de préparation des négociations des accords de partenariat économique entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne, la mise en oeuvre de la revue à mi-parcours des négociations prévues par l'accord de Cotonou. Selon le Secrétaire exécutif adjoint de la CEDEAO, les mesures qui sont issues de ces réflexions seront par la suite soumises à l'appréciation des chefs d'Etat de l'organisation. "Notre réunion aura à soumettre la vision des experts des Etats membres en matière de politique de concurrence et des investissements. Cette vision, une fois partagée et acceptée, constituera le socle des textes de lois qui seront élaborés et adoptés par la conférence des chefs d'Etat", a-t-il indiqué. Les ministres ont examiné le rapport d'étape sur les négociations des APE afin de décider de la conduite à adopter pour leur poursuite.

Lors de leur dernière rencontre, tenue à Abuja le 10 avril 2006, les ministres

de la CEDEAO avaient insisté sur la nécessité de s'accorder sur les points en

suspens de la première phase des négociations avant de s'engager dans la seconde

phase. Parmi ces points il faut noter :


· la prise en compte des secteurs de production, notamment l'amélioration de la

compétitivité des économies ouest africaines et la définition de politiques

sectorielles régionales,


· l'appréciation des impacts de l'APE sur les indicateurs de développement

humain, l'emploi et les couches vulnérables de la population (femmes, enfants et

pauvres),


· l'élaboration de cadres d'investissements et de concurrence communautaire,


· faire figurer dans les domaines prioritaires la protection des ressources

génétiques, les savoir traditionnels et les expressions du folklore.

Les ministres se sont penchés également sur la mise en oeuvre des recommandations

visant à une meilleure prise en compte de l'APE dans la programmation du 10ème FED.

Participent également à cette réunion, les ambassadeurs des Etats membres de la

CEDEAO à Bruxelles et à Genève.

Le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO et la Commission de l'UEMOA ont mandat pour

négocier les APE au nom des Etats membres.

Les APE qui définiront un nouveau cadre économique et commercial libéralisé

entre les Etats membres de la CEDEAO et l'Union européenne devront accélérer le

processus de développement et promouvoir l'intégration progressive et

harmonieuse des Etats membres dans l'économie mondiale.

En somme, les pays de la CEDEAO sont engagés, à l'instar des autres régions, dans un large processus de négociations d'un Accord de partenariat économique avec l'Union européenne, conformément aux dispositions de l'Accord de Cotonou5.

6. Les réalisations et problèmes économiques de la CEDEAO

La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), dans son traité de 1975, s'était fixée un triple objectif: à savoir être une union douanière, un marché commun, et une communauté économique. Aujourd'hui, vingt-huit ans après sa création, c'est au plan de ce triple objectif qu'elle peut être jugée malgré les obstacles qu'elle a rencontrés à partir des années quatre-vingt-dix, c'est-à-dire les conflits dans la sous-région.

6.1. Au plan de l'union douanière

Le type d'union douanière proposé par le traité est un essai d'adaptation de la formule classique aux conditions nouvelles.

L'article 12 du traité de Lagos stipule: "qu'il sera progressivement établi une union douanière entre Etats membres qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises". Le traité prévoit ainsi la suppression progressive de toutes les entraves aux échanges entre les pays membres de la CEDEAO. La période de transition est de quinze ans à partir de la date d'entrée en vigueur du traité, c'est-à-dire de mai 1979 à mai 19946.

Les Etats membres s'engagent au cours d'une période transitoire de dix ans suivant l'entrée en vigueur définitive du traité à réduire progressivement et à éliminer finalement les droits à l'importation selon un programme établi par la commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des questions monétaires et des paiements, et soumis au conseil des ministres. Au cours des cinq années suivantes, les Etats membres s'engagent à réduire les différences existant entre leurs tarifs douaniers communs.

La CEDEAO devrait ainsi donc se présenter en quinze ans comme une zone de libre échange pour les produits originaires des Etats membres, et celle devra aussi se présenter vis-à-vis des pays tiers comme une entité caractéristique par un tarif douanier commun.

Il manque malheureusement des statistiques précises et détaillées pour mesurer l'influence de la libre circulation des marchandises sur les échanges intra-communautaires. Même lors du dernier sommet, le Secrétaire exécutif n'a pas été en mesure de donner des chiffres détaillés sur le volume des échanges commerciaux au sein de la CEDEAO7. Une information qui aurait contribué à accélérer l'intégration, but premier de l'Organisation lors de sa création il y a seize ans.

Dans l'ensemble, les échanges intra-régionaux restent faibles. En 1980, année d'entrée en vigueur de la communauté et 1985, les échanges ont diminué; depuis 1985, ils ont progressé, mais leur part dans les exportations totales des pays de l'Afrique de l'Ouest reste insignifiante; il est vrai que d'importants échanges frontaliers ne figurent pas dans les statistiques8. Ci-après le tableau de la valeur des exportations totales.

Valeur des exportations totales au sein de la CEDEAO en millions de dollars

Années

Commerce intra-régional

Exportations totales

Pont du commerce intra-régional (%)

1960

17

1330

1,2

1970

61

2960

2,1

1980

1056

32450

3,9

1985

481

19440

2,5

1988

684

14100

4,9

SOURCE: Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no: 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.

Au sein de la CEDEAO, si le potentiel d'échanges intra-communautaires n'a pas été exploité, cela tient aux obstacles suivants:

- La multiplicité des monnaies9. Il y a huit différentes monnaies dans l'espace CEDEAO dont le franc CFA (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), le Cédi (Ghana), le Naira (Nigeria), le Dalasi (Gambie), l'Escudo (Cap-Vert), le dollar Libérien (Liberia), le franc Guinéen (Guinée), la Leone (Sierra-Léone). En effet, la diversité des monnaies, l'inconvertibilité de la plupart d'entre elles, les distorsions des taux de change et de la réglementation constituent un obstacle de taille10. Ainsi donc, l'inconvertibilité des monnaies complique les difficultés de paiement que la Chambre de Compensation de l'Afrique de l'Ouest (CCAO) établie à Freetown (Sierra-Léone) depuis 1975, n'est pas en mesure de résoudre facilement. La CCAO a connu, ces derniers temps, de grandes difficultés11. Ses opérations sont entravées par la faiblesse du volume des transactions compensables, par l'asymétrie des échanges sous-régionaux qui a contribué à la persistance des soldes débiteurs ou créditeurs et par les restrictions sur certains types d'opérations. La réglementation rigoureuse applicable en matière de change et de commerce dans nombre de pays membres en plus de la multiplicité des monnaies non convertibles au niveau régional ont aggravé les problèmes de la CCAO qui n'a pas pu réduire l'utilisation de devises convertibles pour le règlement des transactions intra-régionales. En 1986 et 1987, plus de 85% des transactions passant par la CCAO ont été réglées en devises. Le volume des transactions qu'elle a réglées a d'ailleurs diminué12.

- Autre obstacle: la multiplicité des taxes: droits à l'importation et à l'exportation, taxes à la consommation et à la production, impôt statistique, taxe additionnelle, impôt sur le chiffre d'affaires. Cette taxation bloque les échanges et freine la coopération économique.

- Les réseaux de transports et de communication demeurent médiocres: les transports routiers et ferroviaires, les réseaux téléphoniques ne permettent pas les échanges.

- Enfin, le manque d'information sur les possibilités d'échanges intra-communautaires; fidèles aux structures coloniales de leurs échanges extérieurs, les Etats de l'Afrique Occidentale s'ignorent et continuent à maintenir des liens commerciaux privilégiés avec leurs anciennes métropoles.

Somme toute, contrairement à ce qu'on pouvait attendre, il n'y a pas eu une véritable libération des échanges intra-communautaires. Pour que les échanges intra-communautaires progressent, que l'union douanière fondée sur la libre circulation des biens réussisse, il faut que les obstacles structurels soient levés grâce à l'établissement d'une zone monétaire ouest-africaine, la construction d'un réseau coordonné de transports et de communications, la réduction et la suppression des taxes non tarifaires et la promotion commerciale à l'échelle de toute l'Afrique de l'Ouest.

Depuis la création de la communauté, la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement a adopté des protocoles, des décisions et des directives visant à la libération des échanges13, mais dans la pratique, peu a été fait de sorte que la réalité du libre échange au sein de la CEDEAO reste à établir. Il en est de même de la libre circulation des hommes et des capitaux.

Les chefs d'Etat et de gouvernement, lors du sommet tenu à Abuja ont reconnu et déploré la lenteur avec laquelle s'effectue l'application des actes et décisions communautaires dans les Etats membres14. La conférence s'est montrée particulièrement préoccupée par la persistance des problèmes qui entravent la mise en oeuvre des programmes de coopération de la CEDEAO au niveau des Etats membres, notamment, les programmes prioritaires tels que le schéma de libéralisation des échanges et les programmes relatifs au commerce et à l'immigration ainsi que de la libre circulation des hommes et des capitaux. Le programme de libéralisation a été remanié et son entrée en vigueur différée à plusieurs reprises. Il a été entrepris le 1er janvier 1990. Plusieurs causes expliquent ce retard. Dans les années 80, les Etats de la sous-région ont eu tendance à recourir à des obstacles non tarifaires, comme les licences pour réguler les importations; plusieurs d'entre eux ont cherché à augmenté les recettes fiscales en relevant les droits à l'entrée, ce qui tendait non à libérer, mais à limiter les échanges15. Voilà la triste réalité.

6.2. Au plan du marché commun

Le protocole sur la libre circulation des personnes, les droits de résidence et d'établissement fut signé à Dakar en 1979. Il est prévu qu'en une période de quinze ans à compter de l'entrée en vigueur de ce protocole, seront réalisés en trois étapes le droit d'entrée et l'abolition de visa, le droit de résidence et le droit d'établissement. Il s'agit en quinze ans de faire bénéficier les mêmes droits que ceux des nationaux et les ressortissants des Etats membres. Peu de choses a été positivement réalisé sur ce plan et l'on est arrivé à la troisième phase. Il y a certes un assouplissement des procédures d'entrée et de visa et les ressortissants peuvent entrer sans visa pour un séjour de quatre vingt-dix jours dans beaucoup de pays de la CEDEAO, mais trente et un après la création de la communauté, le protocole instituant la libre circulation des personnes et des biens, le droit de résidence et d'établissement n'est pas entièrement appliqué.

Jusqu'en 198816, un pays comme le Liberia continuait d'exiger un visa d'entrée pour les ressortissants des autres Etats membres. Partout ailleurs, même si le visa n'est plus requis, il reste que les voyageurs continuent de se heurter à de nombreuses tracasseries policières aux frontières qui se sont d'ailleurs renforcées17.

Il y a encore des réticences du côté des services d'immigration aux frontières, et celles-ci sont parfois fermées en raison de conflits politiques18. C'est le cas du Sénégal et de la Mauritanie à l'heure actuelle.

Une politique micro-nationaliste liée aux difficultés économiques des pays membres bloque la libre mobilité des personnes et la libre circulation des capitaux. Les capitaux ne peuvent pas se déplacer sans autorisation gouvernementale surtout dans la situation actuelle des changes marquée par un contrôle sévère dans tous les pays de la région. La libre circulation des capitaux suppose que soit admise au préalable la liberté de change dans le cadre d'une zone monétaire dont les monnaies jouissent de la libre convertibilité, or ce n'est pas le cas de l'Afrique de l'Ouest.

Enfin, certains Etats peuvent faire usage des dispositions de l'article 4 du protocole19 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement pour expulser de leur territoire des citoyens de la communauté qu'ils jugent indésirables chez eux. Ce fut le cas, on s'en souvient du Nigeria qui s'est permis d'expulser de son territoire des centaines de milliers de citoyens de certains Etats membres de la communauté20. Les raisons avancées (immigrés en situation irrégulière) ne peuvent justifier les conditions d'expulsion accompagnées de mesure de spoliation qui hypothèquent gravement le succès de la politique de libre circulation des personnes et des biens, condition sine qua non à l'émergence d'une véritable communauté économique marquée par l'harmonisation de toutes les législations nationales en matière économique.

6.3. Au plan de la communauté économique

Comme son nom l'indique, l'intégration de la CEDEAO doit aboutir à une véritable communauté économique pour favoriser le bien-être des populations grâce au développement des secteurs économiques. Donc, l'émergence d'une véritable communauté économique ouest-africaine suppose l'élimination des disparités dues aux différences de législations nationales en matières économique. Or, de par leur héritage colonial, les Etats membres de la sous-région ont des législations s'inspirant du modèle français, anglais, américain et portugais.

Des efforts soutenus ont été réalisés dans le cadre de l'harmonisation des marchés de produits agricoles conformément au traité instituant la CEDEAO. Toutefois, les réalisations en vue de l'exploitation des ressources nationales des Etats membres, l'harmonisation des politiques économiques, fiscales et des taux d'intérêt des prêts, de l'harmonisation, de la rationalisation des politiques relatives aux transports routiers, ferroviaires, aériens, maritimes et fluviaux sont maigres21.

Beaucoup de décisions ont été prises allant dans le sens de l'harmonisation des législations nationales. Par exemple, les décisions sur la politique agricole commune, le programme de coopération monétaire, le programme des transports, le programme des télécommunications, le programme de la libéralisation des échanges et de la coopération commerciale. Toutes ces politiques et programmes piétinent22 encore car, dans la réalité, chaque Etat membre a préféré s'en tenir aux errements du passé et pour ne rien sacrifier de ce qu'il considère comme ses intérêts nationaux.

Au total, les politiques communes dans les secteurs économiques de la CEDEAO ont très peu progressé.

6.4. Autres réalisations et problèmes économiques

En 2000, la CEDEAO a mis en circulation un passeport communautaire, que les Etats membres ont adopté sur leur territoire en 2005. Elle a également mis en circulation, en 1999, un chèque de voyage qui permet d'atténuer la non-convertibilité des monnaies qui cohabitent en son sein. Le chèque de voyage CEDEAO lancé en juillet 1999 pour faciliter les opérations de commerce et de paiement satisfait les usagers, mais connaît un relatif succès. Celui-ci souffre à cause du manque de publicité.

Dans le même esprit, les barrières douanières sont progressivement levées sur certains produits pour favoriser les échanges commerciaux intra-communautaires. Un jeu de compensations permet aux Etats de récupérer les manques à gagner. Mais sur les routes inter-états, d'innombrables postes de douanes et de gendarmeries sont apparues et participent à une grande corruption. Les pays enclavés, comme le Niger ou le Burkina Faso en font les frais. La route nationale Cotonou -Niamey, longue de 1.036 km, empruntée par les camions de transit, est jonchée d'une trentaine de postes de contrôle. Entre le port de Lomé et Ouagadougou, 989 km, la situation est identique malgré l'engagement pris par les Etats côtiers de remédier à cette situation et malgré aussi la création des Comités nationaux de suivi des programmes de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des transports. Cependant, le travail de ces comités, dans certains pays, ont conduit à l'établissement d'une carte d'assurance automobile, de couleur brune, aujourd'hui en vigueur entre 12 pays de la communauté.

6.4.1. Les difficultés de la Commission de la CEDEAO

La plupart des difficultés apparaissent à travers les modèles institutionnels et de la procédure de prise des décisions.

Le caractère diplomatique des modèles institutionnels des organisations ouest-africaines en général et de la CEDEAO en particulier entraîne des conséquences sur le plan administratif et financier. Les faiblesses proviennent des modèles excentrés de référence, modèles empruntés aux systèmes des pays développés. Cette situation a été analysée par des observateurs avertis des problèmes d'intégration en Afrique.

Ainsi, selon J.C. GAUTRON, il ne faut pas confondre institutionnalisation et intégration. Et comme le souligne F. CONSTANTIN, les processus auxquels on assiste sont des "processus non d'intégration, mais de routinisation de contacts superficiels". Dans le même sens, ajoute J.C. GAUTRON, "la multiplication des réunions intergouvernementales (chefs d'Etat, ministres, représentants), la prolifération des organismes principaux ou subsidiaires (comités, commissions, services et bureaux) ne constituent pas des indicateurs très sûrs d'un progrès réel vers l'intégration; elles indiquent simplement un déploiement de l'activité diplomatique et une extraversion des phénomènes bureaucratiques internes sur le modèle des organisations universelles". Cela entraîne en conséquence des contraintes budgétaires et des problèmes de faire rentrer les cotisations des Etats membres.

Un autre point important est celui de l'absence d'une véritable fonction publique internationale. Dans le Régionalisme africain en effet, il n'y a pas de fonctionnaires internationaux constitués en corps à l'instar du régionalisme européen. Or, l'existence de tels corps constitue un fondement discret, mais efficace du dynamisme propre à toute organisation. Cette absence a une influence certaine sur le fonctionnement des communautés ouest-africaines, notamment de la CEDEAO, caractérisée par une étroitesse de compétences de gestion à l'égard des compétences de décisions politiques.

En effet, la Commission de la CEDEAO a des tâches essentiellement administratives; c'est-à-dire d'exécution matérielle des décisions prises par les instances inter-étatiques (conférence des chefs d'Etat et de gouvernement) agissant sur recommandation des conseils de ministres. La Commission ne dispose donc pas de réels pouvoirs de décisions et par conséquent ne constitue pas des centres d'impulsion capables d'entretenir un processus intégrateur. Donc, il n'y a pas de tendance au transfert d'activités administratives nationales vers une bureaucratie régionale. L'analyse de J.C. GAUTRON est fort éclairante à ce propos. Ainsi pour lui, les groupements régionaux africains "sont des organisations d'intégration dont le fonctionnement obéit à des usages diplomatiques: primauté de l'organe politique (chefs d'Etat voire ministres"). Ainsi donc, atténuer le rôle des chefs d'Etat et promouvoir une véritable fonction publique internationale en Afrique de l'Ouest sur le modèle des communautés européennes ayant toute liberté dans la fixation des objectifs économiques et bénéficiant de toutes les garanties statutaires est l'une des conditions essentielles du succès de l'intégration économique.

Les problèmes ne sont pas inhérents seulement aux modèles institutionnels, ils découlent également de la procédure décisionnelle.

La CEDEAO a retenu le principe de la majorité. Si les majorités ne sont pas les mêmes, il y a lieu de préciser qu'en aucun cas, le principe de la primauté de la souveraineté des Etats qui se traduit par leur égalité absolue n'est pas remise en cause. Ce principe entraîne des conséquences sur le plan institutionnel et sur le plan des objectifs économiques définis en vue du processus d'intégration.

L'égalité absolue des Etats sur le plan institutionnel interdit toute forme de supranationalité. Les dirigeants africains préfèrent un système de coopération laissant intact les souverainetés. En fait, toutes les organisations inter-africaines traduisent cette philosophie politique. L'accent est toujours mis sur la souveraineté et l'indépendance, malgré les discours et les professions de foi panafricaines de la plupart des représentants des gouvernements dans le cadre des organisations régionales africaines et internationales. Paradoxalement, si les dirigeants africains tiennent à conserver jalousement cette souveraineté dans leurs rapports avec les puissances occidentales (en matière économique et militaire par exemple).

La CEDEAO s'est heurtée, dès ses premières années, à certaines difficultés relatives aux modalités de fonctionnement du Fonds et de ses relations avec les institutions exécutives de la communauté, en particulier celle de la Commission. Il s'agissait notamment du problème de hiérarchie entre la Commission et le Directeur du Fonds de coopération, de compensation et de développement. En effet, les articles 4 à 11 du traité de la CEDEAO relatifs aux institutions ne mentionnent pas le Fonds dans le nombre des institutions de manière explicite.

Ainsi, selon l'alinéa 5 de l'article 4, "font partie des institutions, tous autres organisations et organes qui peuvent être créés par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ou qui sont établis ou été prévus par le présent traité. Or, en vertu de l'article 8, la Commission est chargée de l'administration courante de la communauté et de toutes ses institutions. Cela revient à placer le Directeur Général du Fonds sous l'autorité administrative du Président de la Commission. Une confusion s'étant introduite dans les esprits par suite des dispositions des articles 28 et 29 du protocole relatif au Fonds". "Il est le représentant légal du Fonds. Il gère les affaires courantes sous la direction du conseil d'administration. Il est responsable de l'organisation des services, il nomme et révoque les fonctionnaires du Fonds conformément aux règlements arrêtés par le conseil d'administration."

Il apparaissait donc que le fonds était une institution aussi importante que le Secrétariat Exécutif (à l'époque), ce qui est aussi convenable dans une perspective de dynamisation de l'institution financière, pilier de toute action de développement. Il aurait fallu définir en toute clarté les attributions des deux organes et en même temps la nature des rapports administratifs entre les responsables. Cela n'a pas malheureusement été le cas. Aussi, la lecture des textes laisse apparaître de profondes ambiguïtés, sources de friction entre le Directeur du Fonds et la Commission, amenant inéluctablement les deux hauts fonctionnaires de la communauté à avoir des interprétations opposées sur leur rôle et fonctions et par là même sur les intentions des fondateurs de la communauté.

A s'en tenir à ces textes peu clairs, le Directeur du fonds apparaît donc comme le personnage le plus important de la communauté, puisque chef d'une administration détenant le pouvoir financier de toute la communauté même si le conseil d'administration en est le possesseur légal. Par les orientations, les interventions financières qu'il pourrait donner, le Directeur du Fonds supplantait en quelque sorte le président de la Commission, maîtresse d'une bureaucratie des idées, des recommandations et des avis.

Face à cette situation qui risquait de freiner le développement des activités de la communauté, l'arbitrage des autorités communautaires était apparu nécessaire. Ainsi, sur proposition du Nigeria un compromis a été trouvé. La déclaration officielle d'interprétation du traité et des protocoles relative à la structure, aux relations hiérarchiques et aux modes d'opération des organes exécutifs de la communauté a mis fin à ces difficultés. Désormais, le président de la Commission en sa qualité de fonctionnaire principal de la communauté est chargé de la coordination et de la supervision globale des questions de politique générale de la communauté et de toutes les institutions dans le cadre des décisions et directives de la conférence et du conseil des ministres. Le Fonds de coopération, de compensation et de développement n'étant qu'une institution financière créée dans le cadre des objectifs assignés à la CEDEAO.

Si cette déclaration met fin à ce problème de hiérarchie, d'autres problèmes ont surgi et concernent la désorganisation de la Commission.

En effet, la Commission coiffe en principe les neuf commissions techniques chargées d'arrêter pour tous les grands domaines d'action, les principes et les mesures correspondantes. Elles contrôlent l'application. C'est dans ces neuf commissions que l'activité concrète de la communauté est déterminée. Mais, il semble par exemple que les neuf commissions se sont vu attribuer des tâches qui ne permettent pas une saine gestion, même aux échelons les plus élevés. Ainsi, la commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des questions monétaires et des paiements est responsable d'une telle gamme de questions techniques qu'aucun organe de direction, si compétent soit-il ne pourrait s'occuper en détail de chaque projet relevant de ses attributions. La question qui se pose est de savoir pourquoi la Commission en est arrivé à regrouper les huit secteurs distincts et soigneusement délimités de la CEDEAO (tels qu'ils sont définis dans les chapitres 3 à 12 du traité) dans neuf commissions composites, ce qui ne peut qu'aboutir à un alourdissement inutile de la bureaucratie et à la confusion comme l'a noté la commission d'évaluation la commission d'évaluation et de réflexion, organe indépendant de la communauté chargé de procéder à une analyse de la CEDEAO à l'occasion de son dixième anniversaire dans un rapport confidentiel et non publié destiné à être présenté à la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement en mars 1985. "L'organisation de la Commission, sur la base de neuf commissions techniques spécialisées est la preuve d'un énorme manque d'imagination et ceci a contribué définitivement à l'échec des efforts déployés.

Ce malentendu, quant aux attributions officielles découle peut-être de l'inadaptation de la structure administrative. Par exemple, bien que pour le président de la Commission adjoint aux affaires économiques, ce soit le département des affaires économiques et statistiques qui est chargé des études de faisabilité, les directeurs de la commission des transports, des télécommunications et de l'énergie et de la commission du commerce, des douanes, de l'immigration, des questions monétaires et des paiements prétendent n'avoir jamais reçu les rapports correspondants et affirment qu'ils font toutes les études relevant de leur compétence. Ce type de malentendu explique sans aucun doute, au moins partiellement les nombreux cas relevés par la commission d'évaluation et de réflexion, de double emploi, ou à l'inverse d'inaction au sein de la Commission.

Un autre problème concerne l'incapacité pour la Commission d'intégrer l'assistance technique essentielle fournie par les tiers. La commission d'évaluation et de réflexion pour terminer fait mention de rapports de décisions exécutées en dépit du bon sens, d'incurie à divers échelons administratifs, de projets ne cadrant pas avec les réalités socio-économiques de la région et d'un manque d'imagination général. Elle résume d'ailleurs son opinion sur la Commission en ces termes : "L'absence de planification ainsi que l'inorganisation totale de la Commission complique tout en conclusion actuelle de la Commission de la CEDEAO, on peut affirmer qu'aucune efficacité ne peut être atteinte, car la confusion est totale entre les fonctions administratives et les actions de développement. En conséquence, toute la Commission est à restructurer."

Comme l'a vivement souhaité la commission d'évaluation et de réflexion, une restructuration de la Commission de la CEDEAO doit s'opérer par l'adoption de mesures visant à rationaliser les structures et les méthodes de travail au sein de la Commission. Cette rationalisation permettra surtout de clarifier les compétences et les tâches dans différentes structures et services. C'est grâce à cette condition que la Commission pourra surmonter les épreuves qui entravent jusqu'ici son action.

Seulement, les conclusions de cette commission n'ont pas reçu l'attention prioritaire qu'elles méritaient. En effet, suite aux remarques de la commission, il a régné jusqu'à présent un certain immobilisme. Car, cette question fondamentale n'a jamais fait l'objet d'un examen de la part de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement et on ne peut que le regretter. K. KOUASSI émettait déjà des doutes sur le sort qui devait être réservé aux conclusions de la commission compte-tenu des difficultés qu'entraîne toute réforme profonde d'une vaste organisation comme la CEDEAO. Il est plus méritoire à notre avis d'échouer que de n'avoir rien entrepris dans ce sens.

L'analyse des structures institutionnelles nous a permis de relever certaines insuffisances et par la même occasion de suggérer quelques solutions. Mais, nous ne prétendons pas avoir cerné toutes les difficultés car, elles ne sont pas limitatives.

Il importe à présent de procéder à l'étude des moyens techniques pour voir dans quelles mesures ils garantissent la réalisation des objectifs de la Commission de la CEDEAO dans la voie de l'intégration.

6.4.2. Les difficultés financières de la Commission

Des investigations faites auprès de certaines organisations africaines donnent un tableau inquiétant sur le plan financier. Les Etats africains paient mal leurs contributions aux organisations qu'ils ont eux-mêmes créées. Les arriérés s'accumulent, menaçant certaines d'asphyxie. Les organisations inter-africaines, qui présentent une santé relativement bonne fonctionnent avec des fonds extra-africains.

Les principales lignes des arriérés des pays membres de la Commission de la CEDEAO, à savoir : la première et la deuxième tranches du capital, le fonds spécial télécom, la construction de ses deux sièges : Abuja (Nigeria) et à Lomé (Togo) atteignaient au 28 février 1990, la somme de 11,5 milliards de francs CFA. Les contributions des Etats au budget de la Commission ne revêtent pas un meilleur recouvrement. La santé financière d des ce cette vaste communauté comme on le constate est mauvaise. Les conséquences de ces mauvaises rentrées des cotisations, c'est qu'elles pèsent lourdement sur le fonctionnement des instruments de l'intégration.

La plupart des Etats membres accusent des arriérés importants au titre de leurs contributions financières aux budgets et fonds des institutions de la communauté. En ce qui concerne le budget du Secrétariat exécutif, cinq pays seulement, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali et le Nigeria sont à jour de leurs contributions financières auprès du Secrétariat exécutif. Les arriérés s'élèvent à la date du 30 septembre 2000, à la somme de 35,2 millions de dollars répartis comme suit:

- Liberia: 20 ans d'arriérés (11,5 millions $ US)

- La Mauritanie avant son retrait: 16 ans d'arriérés (6,4 millions $ US)

- Gambie: 11 ans d'arriérés (2,9 millions $ US)

- Sierra-Léone: 11 ans (3,7 millions $ US)

- Cap Vert: 10 ans d'arriérés (2,5 millions $ US)

- Guinée-Bissau: 10 ans d'arriérés (2,8 millions $ US)

- Niger: 6 ans d'arriérés (2,1 millions $ US)

- Guinée: 5 ans d'arriérés (2,06 millions $ US)

- Sénégal: 3 ans d'arriérés (1, 29 millions $ US)

- Ghana: 2 ans d'arriérés (1,97 $ US).

Le prélèvement communautaire qui est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2000 et qui était censé résoudre le problème du paiement irrégulier des contributions n'a pas permis d'atteindre les résultats escomptés. Certains Etats membres qui appliquent le prélèvement ne reversent pas les montants collectés au Secrétariat exécutif pour éponger leurs arriérés. Une telle attitude est de nature à compromettre la crédibilité de l'organisation. Les Etats membres qui appliquent les dispositions du protocole de façon satisfaisante sont le Sénégal, le Togo, le Niger. Il faut signaler que jusqu'à maintenant les comptes bancaires censés recevoir les produits du prélèvement communautaire n'ont pas été ouverts au Cap Vert, en Guinée-Bissau, au Liberia et en Sierra-Léone23.

Les pressions pour obtenir des Etats le paiement de leurs cotisations existent. De façon classique, la veille des conseils des ministres des organisations est le moment où les Etats paient le plus leurs parts. Les déplacements des présidents rn exercice des conseils des ministres sont une autre occasion de ramener quelques chèques. A la CEDEAO, des mesures de rétorsion ont été préconisées qui ne sont pas encore utilisées : refus de financer des projets, retrait du droit à la parole, licenciement du personnel originaire des pays non à jour, et refus de leurs candidats pour les postes ultérieurs.

Références

1 Journal Officiel de la CEDEAO, Traité de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) du 28 mai 1975, Lagos, Nigeria.

2 Leymarie Philippe, L'ouest-africain rongé par ses abcès régionaux, le Monde Diplomatique, janvier 1996, p. 26.

3 Panapress, 30ème sommet ordinaire de la CEDEAO, Abuja 14-16 juin 2006.

4 Rapport du Secrétariat de la CEDEAO, 1999-2000.

5 Rencontre de la Troïka (CEDEAO-UEMOA-UE), Niamey 6-7 octobre 2006.

6 cf. Marchés Tropicaux et Méditerranéens du 8 juin 1979. Voir également Géopolitique Africaine, juin 1986, p. 142. Cette période transitoire se répartira de la manière suivante:

1- période de démarrage 1979-1981; période qui s'est d'ailleurs prolongée Jusqu'en 1987;

2- période d'harmonisation 1982-1989.

3- période finale 1990-1994.

7 Il a été reproché au Secrétariat Exécutif d'avoir accordé trop d'importance aux problèmes politiques au détriment des dossiers économiques. cf. Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2382 du 5 juillet 1991, p. 1746.

8 Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.

9 Jeune Afrique Economie, no 146, août 1991, p. 88.

10 Il existe actuellement une zone monétaire ouest-africaine (UEMOA) composée de huit Etats, tous membres de la CEDEAO: ils ont le Franc CFA, une monnaie convertible. Ce n'est pas le cas pour les autres membres. cf. supra, nos développements sur la coopération monétaire.

11 Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391 du 6 septembre 1991, p.2156.

12 Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391, septembre 1991, op. Cit., p. 2156.

13 A ce jour, le nouveau Président en exercice de la CEDEAO, Son Excellence le Président Abdou DIOUF du Sénégal, disait que la CEDEAO a fait un peu de surplace. Il a précisé notamment que sur les seize Etats membres de la CEDEAO, il n'y avait que trois Etats qui appliquaient le schéma de libéralisation des échanges. Ce sont le Ghana, le Nigeria et le Sénégal. Il y en avait huit au départ et le nombre s'est réduit par la suite comme peau de chagrin. In JAE, no 146, août 1991, p. 87.

14 cf. communiqué final de la conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet 1991.

15 MTM, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156. Voir également JA du 6 juillet 1988, p. 31.

16 Jeune Afrique du 6 juillet 1988, p. 31.

17 Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 1526 du 1er juin 1990, p. 1526.

18 MTM, no 2391, op. Cit.

19 Cet article stipule: "Nonobstant les dispositions de l'article 3, les Etats membres se réservent le droit de refuser l'entrée sur leurs territoires à tout citoyen de la communauté entrant dans la catégorie des immigrants inadmissibles aux termes de leurs lois et règlements en vigueur".

20 Deux vagues d'expulsions massives ont été décidées par le Nigeria en janvier 1983 et avril 1985. Le ministre de l'intérieur de l'époque, le Général MAGORO, avait justifié la seconde décision qui a touché 700.000 ressortissants d'Afrique de l'Ouest et Centrale (350.000 Ghanéens, 100.000 Nigériens, 50.000 Béninois, 20.000 Burkinabés, 10.000 Togolais, etc.) par le fait que le Nigeria "ne pouvait plus tolérer que les étrangers continuent de violer ses lois". In Jeune Afrique du 15 mai 1985, no 1271.

21 Regard critique de la CNUCED sur le bilan de la CEDEAO.in Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.

22 Consciente de la situation, la dernière conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement a instamment invité les Etats membres à accorder la priorité absolue à l'intégration sous-régionale, et à prendre les dispositions administratives et législatives nécessaires pour assurer l'entrée en vigueur effective des actes et décisions de la communauté au niveau national. Il a été convenu que chaque Etat membre fasse au prochain sommet, rapport sur le niveau d'application des actes et décisions. cf. communiqué final de la conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet 1991.

23 Rapport annuel du Secrétariat de la CEDEAO, Abuja, 2000.

TROISIEME PARTIE

L'INTEGRATION POLITIQUE

CHAPITRE III

1. Les réalisations et problèmes politiques de la CEDEAO

a) Le rôle de la société civile dans l'intégration ouest-africaine

Perçue comme un nouvel acteur collectif capable de servir de rampe pour la participation populaire en face d'Etats africains ayant tout accaparé et régenté, la société civile en Afrique de l'Ouest est ici analysée dans différentes fonctions. D'abord, la régulation des pouvoirs publics et la défense / protection des groupes défavorisés qui sont mises en oeuvre par ses différents segments. Ensuite, d'autres composantes de la société civile participent au processus de démocratisation par l'élargissement de l'espace public. De même, la société civile peut s'inscrire dans une approche pro-active qui se matérialise par les espaces de créativité à travers lesquels certains acteurs sociaux se forgent une perspective d'éducation au développement et d'entraînement à une citoyenneté assumée. En s'impliquant aussi dans la fonction de médiation sociale et politique, la société civile participe à la gestion des risques. L'usage de la notion de société civile va de pair avec l'établissement de leviers de contrôle des mécanismes de gouvernance en Afrique Occidentale.

La nécessité d'intégration des sociétés civiles dans les processus d'intégration économique et surtout la résolution des conflits en Afrique de l'Ouest s'illustre dans un discours d'exhortation qui tire son sens des changements survenant dans la nature des conflits de cette sous-région en particulier et en Afrique en général. Cette nouvelle orientation discursive influence également le rituel protocolaire des grandes conférences diplomatiques sous-régionales sur les questions de paix et de sécurité.

Jusqu'à un passé récent, les grandes conférences des Etats de la CEDEAO, surtout lorsqu'elles étaient consacrées aux questions de paix et de sécurité, se déroulaient traditionnellement à huis clos entre « autorités (politiques) compétentes ». Aujourd'hui, on note un net changement par rapport aux rituels protocolaires d'antan : le choix des délégués, la définition des ordres du jour, la sélection des orateurs et des communications se font, sinon en consultation avec la société civile, du moins en tenant compte de certaines de ses aspirations. De cette manière, non seulement les « citoyens ordinaires », à travers les organisations non gouvernementales (ONG) ou les communautés, sont de plus en plus physiquement visibles dans ces forums, mais, en outre, ces femmes et ces hommes sans mandat et sans ambition politique (immédiate) ont l'occasion de faire entendre leur voix au plus haut niveau, avec l'accord et sous l'oeil vraisemblablement bienveillant de leurs décideurs politiques. Un acteur de la société civile reconnaît que « voir côte à côte la société civile et les gouvernants dans la même salle de réunion discuter des questions telles que la paix ou la sécurité » constitue un « symbole fort » qui dénote de la « volonté de réalisme » des dirigeants ouest-africains. S'exprimant sur l'Afrique de l'Ouest, le Président Olusegun Obasanjo du Nigeria, dans sa préface à une publication récente des Nations Unies, déplore le fait qu'en un quart de siècle d'existence de la CEDEAO, « aussi bien l'intégration économique que la coopération pour la paix et la sécurité » ont été « laissées aux seules mains des gouvernements », tandis que « très peu a été fait pour intégrer dans le processus le secteur privé et la société civile ». Reconnaissant que les « populations ont été laissées à l'écart », il déclare qu'il est temps pour la CEDEAO de changer de politique et de passer du paradigme de la sécurité nationale, globalement entendu comme sécurité de l'Etat, à un nouveau paradigme, mettant « l'accent à la fois sur le développement et la sécurité centrés sur l'humain ». Dans le même registre, le Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, signé le 10 décembre 1999 à Lomé (Togo) par les Etats Membres de la CEDEAO, assigne également un rôle clé à la société civile dans la gestion des conflits, notamment à travers le Conseil des sages, composé, entre autres, de « personnalités éminentes provenant de diverses couches sociales, y compris les femmes... les chefs traditionnels et religieux ». Par ailleurs, une brochure vantant les vertus de la lutte contre la prolifération des armes légères en Afrique de l'Ouest dans le cadre des ambitions de ce mécanisme, explique que « les organisations de la société civile ont pour rôle, dans la lutte contre la prolifération des armes légères, de s'assurer que la société civile est informée des décisions prises par les gouvernements... Elles sont regroupées en coalitions et réseaux qui leur permettent d'assurer une bonne mobilisation des populations, leur sensibilisation et leur éducation dans la culture de la paix ».

La société civile en Afrique de l'Ouest est devenue une force avec laquelle la CEDEAO peut et doit compter dans le rétablissement et la consolidation de la paix en Afrique de l'Ouest. Cependant, la question de sa définition (effleurée au début de cette analyse) continue de poser, de manière implicite, celle de l'étendue de sa compétence et de la nature de sa légitimité. Lorsqu'on tente d'y répondre, l'on se rend compte que nombre d'acteurs de la société civile ouest-africaine (comme bien d'autres ailleurs dans le monde) souffrent d'un pernicieux complexe de supériorité qui, à terme, pourrait porter préjudice au nécessaire rapport de collaboration à entretenir avec les autorités politiques et les institutions multilatérales dans la sphère de la résolution des conflits.

b) Le poids du Nigeria et sa domination dans la CEDEAO

Considérée comme le "géant de l'Afrique" ou le plus puissant Etat noir du monde, la Fédération nigériane s'impose par sa superficie de 923.768 km2 avec une population estimée à 130 millions d'habitants1. Le Nigeria, de par sa population, compte pour plus de la moitié de l'ensemble de la CEDEAO. Il compte un quart de la population totale africaine; un africain sur quatre est nigérian2. Cette particularité la constitue en l'un des rares marchés rentables du continent, contrairement aux petits pays issus de la balkanisation des anciens empires coloniaux.

Ainsi, en plus des richesses naturelles qu'il recèle (en l'occurrence le pétrole qui lui fournit la plus grande partie de ses recettes d'exportation: 90%)3, et de ses capacités de formation des hommes au plus haut niveau (nombreuses universités et établissements supérieurs), et enfin, son influence en Afrique et dans le monde, l'Etat nigérian surpasse de très loin n'importe quel Etat d'Afrique Occidentale et même l'ensemble des Etats réunis de la CEDEAO.

La puissance économique du Nigeria s'est affirmée surtout dans les années soixante. Le Nigeria supplantait ainsi le Ghana tombé dans une décadence politique et économique, après avoir été le plus riche et le plus développé du groupe anglophone. En 1966, par exemple, le Nigeria produisait 1.755.000 tonnes d'arachides tandis que le Sénégal en produisait 861.000 seulement. 270.000 tonnes de cacao contre 118.000 tonnes pour la Côte d'Ivoire. 70.000 tonnes de caoutchouc pour le Nigeria et 5.500 tonnes pour la Côte d'Ivoire. La production pétrolière du Nigeria passait de 252.000 tonnes en 1958 à 115.000.000 tonnes en 19794. En 1981, il figurait parmi les sept premiers pays exportateurs de pétrole. Il était alors le second fournisseur en or noir des Etats-Unis et le cinquième de la France. Toutes ces potentialités expliquent le fait que malgré la guerre civile de Biafra (1967-1970) qui l'avait déchiré, le Nigeria était apparu comme la première puissance économique de la sous-région ouest-africaine.

L'influence politique du Nigeria explique d'une certaine façon les réserves émises par le Bénin et le Togo lors de la création de la CEAO et le rôle actif joué par le Togo avec le Nigeria dans la création de la CEDEAO en 1975. Cette influence est loin de se limiter à ses voisins immédiats. Ainsi, comme le remarquait en 1977 l'Ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU5,"il ne peut avoir de solution aux problèmes de l'Afrique sans le concours direct du Nigeria"; interventions et médiations nigérianes sont devenues fréquentes dans les affaires du continent s'ajoutant à l'aide bilatérale et multilatérale qu'il apporte à de nombreux Etats de la région. Il a proposé sa médiation dans plusieurs conflits africains (Shaba, Tanzanie, Ouganda, Somalie, Tchad, Ethiopie et récemment au Soudan).

Sur le plan économique, cette influence s'est traduite par des participations directes à des projets économiques des pays de la sous-région. Par exemple, les investissements dans l'uranium du Niger, dans le fer guinéen, la production du ciment au Togo, le sucre du Bénin, etc.

Cette prospérité économique a permis également au gouvernement nigérian d'opérer d'importants investissements et d'élaborer un vaste plan destiné à rendre le pays auto-suffisant en cinq ans (révolution Verte). Il s'est en outre lancé dans un projet sidérurgique (Ajaokuta Company Steel) ambitieux et d'un plan nucléaire. Par ailleurs, l'Etat a réalisé en 1997, la "Nigerianization" à 100%, 60% ou 40% des entreprises étrangères et contrôlait ainsi en grande partie son industrie. Il a créé une société pétrolière qui lui assure une certaine indépendance vis-à-vis des compagnies et nationalisé divers intérêts étrangers6.

Le revers de cette politique est de soumettre la fédération aux aléas du marché pétrolier comme la crise actuelle le démontre. L'économie nigériane devint chancelante à partir de 1981, année à laquelle la production pétrolière commença à baisser. Cette baisse a été notable.

Les revenus pétroliers qui représentaient 90% des recettes d'exportations sont tombés de 26 milliards de dollars en 1980 à 9 milliards de dollars en 19897 et ne devait pas excéder 7,5 millions de dollars en 19908.

Par ailleurs, en dépit des plans de développement agricole, l'agriculture a été négligée. Le Nigeria importe de plus en plus ses produits vivriers principalement des Etats-Unis et une quantité croissante de biens d'équipement et de consommation coûteux en devises.

La combinaison de ces facteurs a entraîné le Nigeria à réviser tous ses projets à la baisse, notamment dans le secteur industriel et social, et celui des opérations de prestige. D'autre part, le revenu par tête a connu une chute vertigineuse. De 1090 dollars en 1981, il est tombé à 750 dollars en 19899. Ce qui rétrograde ce géant au rang des pays les moins avancés (PMA).

Est-ce l'annonce de l'écroulement du géant comme bien des observateurs l'affirment? Il serait peut-être erroné de croire que les problèmes économiques et financiers du Nigeria pourraient, à terme, diminuer son influence dans la sous-région pour les raisons suivantes: d'abord, c'est fort de sa position dominante que le Nigeria s'est permis d'expulser en toute impunité par deux fois, en 1982 et en 1984, les ressortissants ouest-africains en violation flagrante des clauses du traité instituant la CEDEAO. Si ces cas d'expulsions ont terni l'image, ils n'ont provoqué dans la sous-région aucune réprobation franche, ni suscité des attitudes de fermeté.

A en croire certains observateurs, la production de pétrole brut a augmenté aujourd'hui (plus de deux millions de barils/jour) en application de la décision de l'OPEP de stabiliser les prix à la suite de l'embargo contre l'Irak et l'actuelle crise du Moyen-Orient. La production agricole a également augmenté au cours de dix ans en partie grâce à la météorologie. Au cours des dix dernières années, l'économie nigériane a connu un taux de croissance de 5% par an.

Ensuite, le rôle prépondérant joué par le Nigeria récemment dans les guerres du Liberia, de la Sierra-Léone, de la Guinée-Bissau, de la Côte d'Ivoire et au Soudan en envoyant massivement ses soldats pour la constitution d'une force d'interposition de la CEDEAO (ECOMOG) ainsi qu'à celle de l'Union Africaine au Soudan en sont les preuves que même avec les problèmes économiques actuels, il faut encore compter avec le Nigeria non seulement dans la sous-région, mais aussi sur l'échiquier africain10. Concernant la CEDEAO, le Nigeria représente à plus de 60% de l'économie de la sous-région et participe à 70% au budget de l'organisation, mais aussi couvre les paiements des arriérés accumulés par les autres Etats membres pour le bon déroulement du processus d'intégration.

Ces considérables atouts permettront au Nigeria d'exercer son influence dans la sous-région sur le plan politique et économique.

c) La rivalité entre Anglophones et Francophones

Il faut insister sur ce que les Etats francophones de la CEDEAO redoutent, sans se l'avouer, l'hégémonie du géant Nigeria au sein de cette organisation. Au moment où la France tente de se désengager de l'Afrique, de nombreux Etats redoutent à tort l'irruption d'un Nigeria puissant jugé plus dangereux pour leur autonomie. Dans la sous-région, le Sénégal et la Côte d'Ivoire ne cachent pas leur inquiétude devant la prétention hégémonique du Nigeria. De son côté, ce dernier supporte mal l'attachement des Etats africains francophones à la France. La prétention de la France à se poser en puissance africaine est un véritable défi pour le Nigeria. C'est pourquoi, une des constantes de la politique étrangère nigériane réside dans sa volonté ferme d'écarter Paris du sous-continent. Cette position s'est fondée sur l'antagonisme anglo-français de l'ère coloniale. Quant à la France, elle considère le Nigeria comme un concurrent commercial par rapport à la position de ses anciennes colonies. L'attitude de la France par rapport au Nigeria s'explique par son souci d'empêcher le Nigeria considéré comme inféodé à l'Angleterre, qui contrôle à la fois la CEDEAO et l'ECOMOG, de prendre le leadership dans son précarré francophone. Cela s'explique dans la sous-région par le retrait du contingent sénégalais en 1990 de l'ECOMOG et l'indifférence, exception faite de la Guinée, des autres pays francophones au conflit libérien. A cela viennent s'ajouter les différences d'idéologie, de structures politiques et d'économies héritées de la colonisation.

Il y a une rivalité entre les Anglophones et les Francophones surtout lors des opérations de maintien de la paix. En effet, les chefs d'Etat de l'organisation sous régionale n'ont jamais accordé leurs violons aussi bien dans la gestion de la crise libérienne qui a éclaté à la frontière ivoiro-libérienne en décembre 1990, que dans celle qui met à mal la légendaire stabilité ivoirienne. Houphouët-Boigny avait apporté son soutien au rebelle Charles Taylor à la tête d'une horde de mercenaires étrangers, principalement des Burkinabé, pour combattre le président Samuel Doe qui avait perpétré le coup d'Etat sanglant d'octobre 1980. Certes, Houphouët-Boigny avait marqué un intérêt pour la résolution du conflit libérien. L'accord dit de Yamoussoukro 4 avait permis aux protagonistes de signer des accords qui n'avaient jamais abouti. Malgré la volonté du Ghana et du Nigeria qui avaient, en partie monté la force ouest-africaine d'intervention baptisée ECOMOG en vue d'intervenir au Liberia pour empêcher une guerre civile meurtrière, Houphouët-Boigny s'était opposé à l'utilisation de l'aéroport de Man, dans l'ouest ivoirien, non loin de la ville de Danané. Le premier président ivoirien voulait sans doute éviter que la présence d'une force dans la région ne coupe l'herbe sous les pieds de Taylor, dont la progression avait jeté des milliers de Libériens sur le chemin de l'exil. Sur le dossier libérien, les chefs d'Etat de la sous région n'ont pu saisir l'occasion pour parler d'une seule voix. Avec l'installation de Charles Taylor à la tête du Liberia, à la suite d'une élection présidentielle sous la supervision de l'ONU, la guerre s'est déplacée en Sierra-Léone, un pays voisin du Liberia, victime du trafic de diamants et de l'anarchie qui ont prévalu après la première guerre dans ce pays. La connexion de Taylor avec le Burkina Faso de Blaise Compaoré était une menace pour la paix et la stabilité de l'Afrique de l'Ouest. Tout le monde est convaincu de l'intérêt que revêtent les crises armées pour les vendeurs d'armes. La guerre du Liberia apparaît dès lors comme la boîte de pandore. La révolte des Touaregs dans le nord du Mali et du Niger, dans les années 1990, n'était que la conséquence de la prolifération des armes. En réalité, la CEDEAO n'a pu asseoir une politique de sécurité régionale qui mette les pays à l'abri des bandes armées reconverties en politiciens à certains endroits, où les professionnels ont échoué. A cet effet, il faut souligner les rivalités entre le Nigeria et la Côte d'Ivoire. Le premier, anglophone, puissance démographique, pays exportateur de pétrole, longtemps sous des régimes militaires et instable, n'a jamais accepté l'hégémonie ivoirienne basée sur ses productions agricoles de cacao et de café et surtout sur sa relative stabilité sous Houphouët-Boigny. La guerre civile au Nigeria des années 1970, avait déjà révélé l'appui d'Houphouët-Boigny aux sécessionnistes du Biafra. Abidjan s'était allié à Paris, dont les ambitions pour le contrôle du pétrole du Nigeria ne faisaient l'ombre d'aucun doute. C'est ainsi que l'école de maintien de la paix de la CEDEAO de Zambakro en Côte d'Ivoire a été créée afin d'atténuer à ces différences de langues (la difficulté de communication).

Il y avait aussi l'existence de la CEAO, plus ancienne que la CEDEAO puisque créée en 1973, qui regroupait les pays francophones et poursuivait les mêmes objectifs que la CEDEAO à savoir, l'intégration des économies des pays de la sous-région. La crainte qu'inspire la puissance hégémonique du puissant voisin, le Nigeria, la CEAO avait vu le jour dont les initiateurs étaient les présidents Félix Houphouët-Boigny et Léopold Sedar Senghor avec la caution de la France. A propos de cette influence économique sans cesse grandissante, le Président Félix Houphouët-Boigny devait reconnaître "qu'il est peu de dire que dans le cadre des nouvelles données de la géopolitique mondiale et des équilibres récents qui en résultent, le fait nigérian est l'un des phénomènes socio-économiques les plus incontestés et les plus prometteurs de notre époque." Au sujet des facteurs de production du Nigeria, il devait poursuivre en ces termes: "population, richesse financière et richesse minérale, tout concourt à donner à ce pays la dimension et les espérances de l'un de ces nouveaux géants du monde qui, de l'Amérique Latine aux rives du Golfe Persique et de l'extrême Asie sont en train de naître ou de se confirmer, dérangeant parfois, rassurant plus souvent, fascinant toujours, modérant en tout cas l'univers de demain, un univers qui n'en finit de nous déconcerter." S'agissant des indicateurs de croissance qui confirment ce constat, le président ivoirien devait conclure; "qu'il s'agisse de production, du produit intérieur brut de commerce extérieur ou de budget, chiffres et courbes sont là pour traduire la prodigieuse ascension de son économie au point que les observateurs éprouvent parfois quelque peine à plier leur analyse à des mutations aussi soudaines et aussi amples qui ne se résument pas comme certains voudraient s'en convaincre à la remarquable progression de ses exploitations pétrolières." En réalité, l'existence de la CEAO est de faire face au "géant" Nigeria en constituant un bloc homogène d'Etats francophones capables d'accorder leurs politiques extérieures et de parler d'une seule voix et même voix sur la scène internationale, singulièrement africaine. Ainsi, les dimensions du Nigeria, ses richesses, ses potentialités, son messianisme inquiètent les petits Etats qu'il souhaiterait séduire, d'où la méfiance massive du bloc francophone africain qui se trouve l'encercler. On assistait dès alors à un chevauchement des deux organisations; la CEAO, par souci de réalisme fut dissoute en 199411.

La multiplicité des organisations intergouvernementales en Afrique de l'Ouest

La complexité des raisons qui ont inspiré la création des organisations intergouvernementales dans la sous-région s'est traduite par une prolifération d'organisations à composition diverse ou ayant les mêmes membres, ou certains appartenant à de nombreuses organisations.

Ainsi, le chevauchement dans la composition et les objectifs de ces nombreuses organisations, le fait qu'elles aient été créées à différentes époques et l'absence de politique ou de mécanisme d'ensemble destinés à harmoniser et à coordonner leurs activités, les empêchent de se renforcer mutuellement ou de promouvoir le processus de développement et d'intégration économique en Afrique de l'Ouest. Voir tableau ci-après.

Toutes ces organisations existent encore et l'inconvénient majeur de la coexistence de ces différentes organisations intergouvernementales, c'est que les organismes techniques entreprennent des projets qui intéressent également les communautés économiques et les organismes de développement. Il en est même des organisations de développement par rapport aux communautés économiques, ainsi que les deux communautés par rapport à elles-mêmes comme le démontre le tableau suivant.

Une telle situation, comme le démontre le tableau, ne peut qu'entraîner des phénomènes de double emploi et un gaspillage des ressources humaines et surtout financières déjà insuffisantes.

2. Les conflits en Afrique de l'Ouest et leur résolution

L'Afrique de l'Ouest n'a pas connu de guerres interétatiques d'une réelle gravité et, pourtant, l'insécurité n'y constitue pas un phénomène nouveau. Un certain nombre d'événements graves ont révélé les troubles potentiels qui menacent cette partie du continent: l'expulsion brutale par le Nigeria de près d'un million d'immigrés, les révoltes islamiques au Nord du Nigeria, la résistance des Diola au Sénégal contre l'arrivée en Casamance de paysans Wolofs fuyant la sécheresse, les deux conflits frontaliers de 1975 et 1985 entre le Mali et le Burkina Faso, la révolte touarègue au Mali et au Niger dans les années 90. Les frontières du Sénégal et de la Mauritanie ont connu des heurts meurtriers dans les années 80 et, malgré la volonté politique de les endiguer, les motifs de guerre sont loin d'être tous réglés. Citons encore les conflits frontaliers entre le Cameroun et le Nigeria à propos de l'île de Bakassi qui vient d'être réglée en 2006, la Guinée-Bissau et le Sénégal, les effets récents de la dévaluation du franc CFA et enfin les récents conflits au Liberia, en Sierra-Léone, en Guinée-Bissau et en Côte d'Ivoire qui ont provoqué des milliers de centaines de morts et de réfugiés dans les Etats voisins et qui feront l'objet de notre étude. Pour ces derniers, il s'agit en général de guerres civiles qui opposent des milices, des fronts. Toutes ces crises ont pour cause une lutte fratricide pour le pouvoir et le contrôle des richesses minières comme au Liberia ou en Sierra-Léone. L'Afrique de l'Ouest se trouve ainsi plongée dans une instabilité croissante, d'autant plus que ces crises sont complexes et freinent tout espoir de développement (économique et politique) et dans leurs pays respectifs et dans la sous-région ouest-africaine.

La CEDEAO s'est très tôt préoccupée de la paix et la sécurité régionale, facteur indispensable au développement socio-économique des Etats membres. C'est ainsi que la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement a adopté un protocole de non agression en 1978, un Protocole d'assistance en matière de défense en 1981 et une Déclaration des principes politiques en juillet 1991. Cette déclaration qui est un plaidoyer pour les principes démocratiques dans la sous-région condamne sans équivoque toute prise de pouvoir par les armes. En outre, il faut signaler la création par la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement en 1990 d'un groupe de suivi de cessez-le-feu de la CEDEAO dénommé ECOMOG. Cette force d'interposition a eu à intervenir au Liberia, en Sierra-Léone, en Guinée-Bissau et récemment en Côte d'Ivoire.

2.1. Le Conflit libérien

Le conflit du Liberia a pour origine profonde l'histoire complexe des relations entre la communauté des descendants des colons (américano-libériens) et la communauté autochtone (Natives), notamment le faible taux d'alphabétisation de cette dernière, la pauvreté massive qui existe dans les régions rurales et le sentiment que les fruits du labeur national vont essentiellement à la population de Monrovia. Les origines immédiates de la guerre peuvent être attribuées à l'effondrement de l'ordre public et de l'autorité civile, qui a suivi le renversement en 1990 du régime dirigé par le président Samuel Doe. La guerre civile a fait beaucoup de victimes et causé des déplacements importants de population, tant à l'intérieur du pays que vers les pays limitrophes. On estime à 150.000 le nombre de victimes civiles et militaires et de 600.000 à 700.000 le nombre de réfugiés libériens, principalement en Côte d'Ivoire, en Guinée et en Sierra-Léone.

Les combats qui faisaient rage au Liberia ont suscité d'intenses efforts diplomatiques en Afrique de l'Ouest car les répercussions de la guerre civile libérienne sur les pays voisins, notamment sur la Sierra-Léone, ont mis en relief la dimension sous-régionale du conflit. La CEDEAO, préoccupée par cette situation et conformément aux dispositions du PAM, a mis en place une force d'interposition appelée «ECOMOG» qui avait pour mission de créer un cercle de sécurité de 20 km autour de Monrovia afin d'éviter un bain de sang. Mais l'évolution du conflit a fait de l'ECOMOG une force d'interposition sans qu'elle y soit préparée et puisse bénéficier du soutien financier et matériel de l'ONU. En août 1990, quatre bataillons d'infanterie, envoyés par moins de la moitié des seize (y compris la Mauritanie en ce moment) de la CEDEAO, ont débarqué sur les côtes du Liberia déchiré par la guerre civile.

L'ECOMOG avait reçu des instructions précises, à savoir: la paix en maintenant séparées les factions combattantes: les forces armées du Liberia (AFL), le Front national patriotique du Liberia (NPFL) de Charles Taylor, et la faction dissidente, l'INPFL, alors commandée par Prince Yormie Johnson. L'accord de Yamoussoukro IV (Côte d'Ivoire) du 31 octobre 1992 sur le règlement du conflit libérien12 définit un programme d'exécution de la force ouest-africaine. Celle-ci a pour mission de contrôler l'ensemble du territoire libérien et de superviser le cantonnement et le désarmement de toutes les factions belligérantes. Pour ce faire, les conditions préliminaires suivantes avaient été définies. L'ECOMOG jouira de la liberté de manoeuvre sur toute l'étendue du territoire libérien. Toutes les parties concernées lui reconnaîtront une neutralité absolue et lui manifesteront leur confiance. Toutes les factions belligérantes abandonneront volontairement leurs postes de combat et se rendront dans les camps désignés à cet effet. Pendant la période couvrant les opérations de désarmement et de cantonnement, d'éminentes personnalités de la Mission des observateurs internationaux des Nations Unies se rendront au Liberia pour renforcer la confiance des parties. Certains obstacles et d'éventuels champs de mines devront être neutralisés. Les armes perdues par inadvertance devront être neutralisées et récupérées. Tous les points d'entrée au Liberia seront contrôlés par les troupes de l'ECOMOG. L'ECOMOG se voyait confier les tâches suivantes:

- Eliminer toute menace extérieure pour permettre la mise en oeuvre du programme de cantonnement et de désarmement qui devra être mené à bonne fin.

- Contrôler au moyen de patrouilles et de gardes permanentes toutes les voies d'accès possibles au Liberia.

- Procéder à des fouilles en collaboration avec l'administration locale, afin de récupérer les armes cachées ou perdues.

Les bâtiments stratégiques seront sous la surveillance de gardes permanentes. La sécurité de toutes les personnalités sera assurée. Une fois la libre circulation instaurée, il ne sera pas nécessaire de veiller à la sécurité des dignitaires locaux.

Il était prévu que le programme militaire de l'ECOMOG pourrait être achevé dans un délai de 60 jours. Malgré cette déclaration d'intention, la réalité sur le terrain s'est révélée bien différente. La crise libérienne est loin d'être résolue vu les difficultés d'ordre militaire, politique et financier que soulève une telle «ingérence» dans les affaires intérieures de cet Etat. La confiance de tous les belligérants en cette force ouest-africaine n'a pas été obtenue. Par ailleurs, aucun des pays de la CEDEAO n'a été en mesure de participer au financement de l'opération estimé à quelque cinquante millions de dollars. L'organisation sous-régionale a fait appel à l'assistance financière de l'ONU et de Washington.

L'ECOMOG, dans sa structure de force multinationale interarmées avec ses composantes terrestre, aérienne, aéronavale et amphibie, exige une expérience du commandement des grandes unités, une cohésion dans l'exercice et une organisation et des moyens de commandement modernes. Or les armées nationales ouest-africaines n'ont ni l'expérience ni les capacités technologiques pour ce type d'intervention. Mais le fait le plus marquant depuis ce débarquement de 1990 aura été l'évolution de l'ECOMOG. A l'origine force d'interposition, elle joue dorénavant un rôle d'intervention. La crise libérienne a prouvé la fragilité du système de défense communautaire, due à la jeunesse du système et à l'inexpérience de ses acteurs. Car si la coopération est institutionnalisée, elle ne repose sur aucune coordination politique. Cette force d'interposition, composée essentiellement de troupes nigérianes, a créé une forte dissension entre les pays de la CEDEAO.

Bien que le PAM précise que la CEDEAO n'a pas pour vocation d'intervenir dans les affaires intérieures d'un pays, la CEDEAO, en cette circonstance de guerre civile a estimé que la sécurité sous-régionale était suffisamment menacée pour justifier l'intervention. Le Nigeria estimait de son côté que cette intervention serait l'occasion de créer une dynamique nouvelle de coopération. Il faudra l'influence des Etats-Unis pour que le différend s'estompe et que le Comité permanent de médiation légitime l'intervention de l'ECOMOG le 25 août 1990. Après quatre années de conflit meurtrier au Liberia, l'institution sous-régionale et l'ONU témoignent d'un découragement et menacent de se désengager. Le conflit, déclenché en décembre 1989 et fondé sur des haines politico-ethniques et religieuses, a déjà fait plus de 150.000 morts. Malgré les accords successifs signés entre les factions rivales, la situation ne cesse de s'aggraver. Trois nouvelles factions sont venues s'ajouter aux trois déjà aux prises sur le terrain. Il existe à l'intérieur même de ces factions des clivages qui ont dégénéré en affrontements meurtriers. De cette guerre civile émergent, comme le note Bertrand Badie, «des sociétés guerrières dans lesquelles la privatisation et la parcellisation de la violence tendent à s'imposer comme des pratiques politiques de substitution, quelque peu à l'instar de ce qui alimentait autrefois et ailleurs les guerres féodales ou les combats entre seigneurs de la guerre»12.

Toutes les initiatives de l'organisation sous-régionale, notamment le désarmement des belligérants et l'organisation d'élections générales sont restées lettre morte. Le 17 août 1996, les dirigeants de la CEDEAO se sont de nouveau réunis à Abuja pour fixer un programme de désarmement et de démobilisation des combattants. La CEDEAO réussit à ramener la paix dans le pays en 1997 avec l'élection de Charles Taylor comme président. Durant la présence de la CEDEAO au Liberia, onze pays de la sous-région dont le Nigeria en tête participent également à la Force, ainsi que deux pays (Ouganda, Tanzanie). Leur présence est maintenue dans le pays pour observer la destruction des armes utilisées par les différentes factions durant la guerre civile. Les derniers soldats de la force ouest-africaine quittent le Liberia en octobre 1999, après avoir contribué au retour à la paix.

Cette opération a été un des jalons dans la coopération de l'ONU avec une organisation régionale, puisqu'après l'accord de paix de Cotonou du 25 juillet 1993, c'est l'ECOMOG qui est chargée de la mise en oeuvre des différentes étapes du règlement, la MONUL (Mission des Nations Unies au Liberia), créée le 22 septembre 1993 pour appuyer ses efforts étant chargée de la vérification et du contrôle. La MONUL est la première mission de maintien de la paix entreprise par l'ONU avec une mission de paix déjà mise sur pied par une autre organisation.

De nouvelles crises au Liberia au cours de 2003 ont amené la CEDEAO à diriger une deuxième opération pour le maintien de la paix dans la sous-région. Dans un contexte d'appels multiples en faveur de son départ du Liberia, le Président Charles Taylor a signé, le 17 juin 2003, un accord de cessez-le-feu avec le LURD (mouvement unis des Libériens pour la réconciliation et la démocratie).

Pour appuyer la mise en oeuvre de l'Accord, le Conseil de sécurité de l'ONU a autorisé par la résolution 1497, la mise en place d'une force multinationale (ECOMIL) qui, dirigée par la CEDEAO était chargée de veiller à l'instauration et au maintien de la sécurité et de préparer la mise en place d'une force des Nations Unies. L'ECOMIL était composée de 3.563 troupes provenant du Nigeria, du Mali et du Sénégal. Le 19 septembre 2003, la Mission des Nations Unies au Liberia (MINUL) a été créée et a remplacé l'ECOMIL le 1er octobre 2003.

Après le départ de Charles Taylor en 2003 au Nigeria, une transition politique sous contrôle étroit de l'ONU est organisée. Le 23 novembre 2005, après deux tours, Ellen Johnson Sirleaf est déclarée vainqueur à l'élection présidentielle avec 59,4%, contre 40,6% pour George Weah. Ellen Johnson Sirleaf devient ainsi la première femme élue démocratiquement présidente d'un pays en Afrique. Elle prête serment le 16 janvier et entre ainsi officiellement en fonction.

En somme, l'ECOMOG et la MINUL (Mission des Nations Unies au Liberia) ont oeuvré à y ramener la sécurité et l'ordre public qui a conduit le pays dans une démocratie sereine suite aux élections de 2005 qui ont porté Ellen-Sirleaf Johnson à la présidence. Elles se sont investies dans d'importantes activités humanitaires visant à atténuer les souffrances des populations.

2.2. Le Conflit en Sierra-Léone

La Sierra-Léone est une ancienne colonie britannique de la côte occidentale d'Afrique de l'Ouest. D'une superficie de 72.325 km2, ce pays est limité par la Guinée au nord et au nord-ouest, le Liberia au sud-est et l'Océan atlantique à l'ouest (402 km de côtes). La Sierra-Léone fut le premier pays démocratique de la sous-région. En 1967, l'opposition dirigée alors par Siaka Stevens remporte les élections législatives. Mais cette victoire est aussitôt suivie de plusieurs coups d'Etat militaires visant à maintenir l'ancien premier ministre au pouvoir. Ce dernier est renversé et un Conseil de réforme militaire instauré. Le 18 avril 1968, un troisième coup d'Etat militaire restaure un nouveau gouvernement civil dirigé par Siaka Stevens. Celui-ci promulgue une nouvelle Constitution et institue le parti unique. Le 3 octobre 1985, le général Momoh Joseph, candidat unique, est élu à la présidence de la République.

Mais dès 1991, une guérilla des maquisards du Front Révolutionnaire Uni (RUF) dirigé par Foday Sankoh et soutenu par le chef de guerre libérien Charles Taylor, est lancée contre le gouvernement en place. Le régime du général Momoh ne résistera pas cette guérilla et sera renversa par une junte composée d'une soixante de jeunes militaires mécontents. Un nouveau Conseil national provisoire de gouvernement (NPRC) est installé. Malgré ce coup d'Etat, les rebelles continuent leur offensive et se retrouvent aux portes de la capitale. Ces derniers sèment la terreur dans les villages en se livrant à des tueries aveugles, des tortures et exécutions sommaires. A travers tout le pays le crime, les trafics prolifèrent et l'enrôlement des femmes et des enfants est de rigueur. C'est ainsi qu'en 1993, plus de 1.000 jeunes de moins de quinze ans furent recrutés dans l'armée. Ces membres des forces gouvernementales recrutés à la hâte, mal encadrés et surtout mal rémunérés, se livrent aussi à des exactions et des trafics. Dans ce pays où l'Etat n'existe plus, on ne sait pas qui contrôle qui et quoi. Ce pays a souvent connu l'anarchie et il est aujourd'hui difficile de faire la différence entre un soldat régulier et un rebelle. Le Sud, considéré comme le grenier du pays, est entièrement dévasté, et la zone diamantifère située à l'est est isolée. Le Conseil national provisoire de gouvernement, débordé par des soldats des troupes régulières incontrôlées (il semblerait, selon des observateurs qui suivent de près ce conflit, que seuls quatre bataillons de l'armée sur sept seraient fidèles au Conseil national provisoire de gouvernement), fut longtemps soutenu d'abord par la Guinée et le Nigeria, puis par des mercenaires gurkhas népalais. Devant les attaques du RUF contre les ressources minières du pays et la désorganisation de l'économie qui s'en est suivie, la junte au pouvoir a fait appel à des mercenaires pour encadrer ses soldats. C'est ainsi qu'environ 150 mercenaires d'une société privée sud-africaine (Executive Outcomes)13 assurent l'encadrement des forces gouvernementales en échange d'une concession diamantifère à l'est du pays. Mais six semaines avant les élections législatives et présidentielles fixées au 26 février 1996, un nouveau coup d'Etat a eu lieu mettant fin à un quelconque espoir de retour des civils à la tête du pays. Ce coup d'Etat a été fait par Foday Sankoh supporté par Charles Taylor. Ce conflit, selon les chiffres, a déjà fait plus de deux millions de réfugiés (sur une population de quatre millions d'habitants) et quelque 300.000 réfugiés répartis entre la Guinée (160.000) et le Liberia (140.000).

Suite aux exactions commises par les seigneurs de la guerre, la CEDEAO a décidé d'élargir le mandat de l'ECOMOG à la Sierra-Léone, voisine du Liberia. En février 1998, l'ECOMOG a restauré une légalité constitutionnelle et réinstallé au pouvoir le gouvernement du président démocratiquement élu d'Ahmed Tejan Kabbah. Tous les antagonistes au conflit, à savoir le gouvernement légitime, les rebelles du RUF et les membres de la junte militaire (AFRC) ont signé à Lomé en septembre 1999 un protocole d'accord sur le règlement définitif de la crise sierra-léonaise. L'ECOMOG renforce ses troupes jusqu'à 15.000 hommes et est chargée de la mise en oeuvre des termes de l'accord. Le programme de désarmement, démobilisation et réintégration commence le 20 septembre 1999 avec l'ouverture de centres de collecte d'armes, de centres de démobilisation et de centres de stockage d'armes. La mise sur pied de cette opération de maintien de la paix a fait l'objet d'une coopération entre l'ONU et la CEDEAO et surtout entre l'ONU et le Nigeria, principal fournisseur de troupes à l'ECOMOG. A la suite d'appels lancés à la Communauté internationale pour que celle-ci apporte l'assistance conséquente pour un retour définitif de la paix, une force d'interposition des Nations Unies "MINUSIL" a remplacé les forces de l'ECOMOG en Sierra-Léone et à laquelle quelques 3.500 soldats nigérians sont intégrés.

2.3. Le Conflit Bissau-guinéen

La CEDEAO a également joué un rôle en Guinée-Bissau quand en juin 1998, des éléments des forces armées de la Guinée-Bissau dirigés par l'ancien chef d'Etat-major, le Général Brigadier Ansumane Mané (assassiné depuis dans les conditions troubles) sont entrés en rébellion. Le Président Joao Bernado Vieira a demandé l'intervention de la Guinée et du Sénégal en vertu d'accords bilatéraux de défense qui lient son pays et les deux autres pour réprimer les rebelles. La Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement de la CEDEAO, sollicitée par les autorités légitimes de la Guinée-Bissau et réaffirmant son soutien au gouvernement élu de la Guinée-Bissau a décidé de ramener la paix et de restaurer l'autorité du Président Vieira dans tout le pays. Le premier cessez-le-feu du 26 juillet 1998 a été suivi d'un accord de paix signé le 1er novembre à Abuja, prévoyant que 600 membres des forces de l'ECOMOG composés de troupes du Bénin, du Niger et du Togo surveilleraient le contrôle des élections. Malgré les nombreux accords de cessez-le-feu signés entre les parties au conflit en Guinée-Bissau, le gouvernement démocratiquement élu du Président Vieira a été finalement renversé par Kumba Yala. La Guinée-Bissau a alors été menacé d'expulsion de la CEDEAO, aux termes du Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie, et de la déclaration de l'Union Africaine d'Alger sur les changements institutionnels.

Tirant les leçons de cet échec, et en vue de renforcer la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest, le Secrétariat exécutif de la CEDEAO a initié l'établissement d'un mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région.

2.4. Le Conflit en Côte d'Ivoire

Les événements du 19 septembre 2002 ont marqué un tournant dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. En quelques jours ce pays ouest-africain s'est trouvé divisé en une partie septentrionale contrôlée par des rebelles et une partie méridionale restée sous contrôle de l'Etat.

La Côte d'Ivoire connaît une grave crise politico-militaire depuis la tentative de coup d'Etat opérée par une rébellion armée, en septembre 2002, qui contrôle toujours la moitié nord du pays. La France, puis la CEDEAO, ont envoyé d'importants contingents militaires pour séparer les belligérants. Cette interposition a permis d'éviter une guerre civile et de nombreux massacres.

Un accord entre toutes les forces politiques a été signé à Marcoussis le 24 janvier 2003. Il prévoyait simultanément le maintien du chef de l'Etat, la mise en place d'un gouvernement de réconciliation nationale intégrant des représentants de la rébellion et la mise en oeuvre d'un programme abordant les principaux sujets de fond à l'origine de la crise ivoirienne (nationalité, propriété foncière rurale, éligibilité, identification, restructuration de l'armée, désarmement de la rébellion). L'objectif en était la tenue d'élections fin octobre 2005. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a fait sien cet accord et a mis en place le 4 avril 2004 une force de maintien de la paix, l'ONUCI (6.240 hommes), qui a pris le relais des contingents de la CEDEAO, aux côtés de la force Licorne qui reste sous commandement français (4.000 hommes).

Ce processus de paix, confirmé par l'accord d'Accra III en juillet 2004, a connu de nombreux blocages imputables aux parties puis un brutal coup d'arrêt en novembre 2004, lorsque les forces loyalistes ont rompu le cessez-le-feu en lançant une offensive au cours de laquelle neuf soldats français ont été tués. L'essentiel de la communauté française (8.000 personnes) a alors été victime de nombreuses exactions et a dû être rapatriée. Suite à ces événements, le Conseil de Sécurité a créé un embargo sur les armes, prévu un mécanisme de sanctions individuelles et renforcé le mandat de l'ONUCI. L'Union Africaine, quant à elle, a confié mandat au Président Mbeki d'entreprendre une mission de médiation entre les acteurs ivoiriens. Après deux rencontres à Pretoria (accord du 6 avril 2005 et réunion du 29 juin 2005), des progrès ont été enregistrés : le Président Gbagbo a dû se résoudre à accepter l'éligibilité de son opposant, Alassane Ouattara, et à légiférer par ordonnance pour faire adopter les lois de Marcoussis. Cependant, le démantèlement des milices pro-Gbagbo, le désarmement des Forces nouvelles et les préparatifs techniques relatifs au processus électoral n'ont pas été mis en oeuvre, malgré la nomination d'un Haut Représentant aux Elections, M. Monteiro, aux côtés du Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, M. Schori.

L'impossibilité d'organiser des élections incontestables fin octobre 2005 a rendu nécessaire la relance du processus de paix, concrétisée par la résolution 1633 prise sur la base d'une décision de l'Union africaine du 6 octobre 2005. Elle constate que le mandat du Président Gbagbo expire le 30 octobre 2005 mais qu'il reste chef de l'Etat pour une période n'excédant pas 12 mois. Elle prévoit la nomination d'un nouveau Premier ministre acceptable pour toutes les parties, doté de pouvoirs effectifs et de toutes les ressources financières, matérielles et humaines afférentes pour organiser le scrutin présidentiel. Un Groupe de Travail International (GTI) de 15 membres présidé par le Président en exercice de l'UA (le Congo en 2006), se réunit mensuellement depuis novembre 2005 à Abidjan. La France en est membre. Son rôle est d'assurer le bon déroulement de la transition.

Le rôle du GTI est fondamental pour la mise en oeuvre du processus de paix, menacé par les rivalités de pouvoirs entre les factions ivoiriennes. Les partisans du président Gbagbo, mécontents de la nouvelle répartition des pouvoirs instituée par la résolution 1633, ont tenté, dès janvier 2006, d'affaiblir le GTI en organisant de violentes manifestations anti Nations Unies, les accusant de violer la souveraineté nationale. Malgré le retrait des casques bleus bangladais de l'ouest du pays, traditionnellement sujet à de fortes tensions ethniques, le GTI a fait face à ses responsabilités : il a maintenu son unité, ne s'est pas dédit et s'est donc imposé comme le réel arbitre et garant du processus de paix. Le Conseil de sécurité l'a soutenu en entérinant tous ses communiqués et en prononçant pour la première fois des sanctions individuelles contre les fauteurs de troubles.

Depuis février, la fermeté du GTI et du Conseil de Sécurité a payé : le calme est revenu à Abidjan. Le nouveau Premier ministre, Charles Konan Banny, qui semblait avoir perdu de son crédit lors des troubles de janvier, a réussi à se placer au centre du jeu politique en réunissant les principaux leaders ivoiriens à Yamoussoukro et en permettant le fonctionnement effectif de la Commission électorale indépendante, institution clef pour lancer l'organisation des élections. Ces succès laissent espérer l'établissement d'un climat nouveau d'apaisement.

Toutefois, les processus de désarmement, d'identification des populations et de confection des listes électorales, dont la mise en oeuvre devrait être simultanée, sont toujours au point mort. Autre motif de préoccupation, la situation dans l'ouest du pays reste très tendue, la force Licorne y faisant même l'objet de provocations de la part de l'armée loyaliste. Les médias n'ont pas cessé leurs appels à la haine. L'ONUCI est néanmoins en cours de redéploiement dans cette zone.

La dimension régionale de la crise s'est dès l'abord manifestée dans les domaines économiques et commerciaux : les pays sahéliens, traditionnellement desservis par le port d'Abidjan, se sont vus menacés d'isolement faute de desserte sur l'axe Korhogo-Abidjan. Ils se sont très rapidement tournés vers les ports ghanéen, togolais et béninois. Plus la crise perdure, plus ces solutions de substitution ne risquent de se pérenniser, au détriment de la Côte d' Ivoire. En outre, la réussite du processus de désarmement au Liberia est tributaire de la normalisation de la situation en Côte d'Ivoire. On craint en effet que de nombreuses armes passent du Liberia en Côte d'Ivoire pour y être dissimulées. La France a constamment cherché à mobiliser l'ensemble des Etats de la région en faveur du règlement de la crise ivoirienne. Elle a donc favorisé le rôle de la CEDEAO qui est intervenue tant politiquement que militairement. C'est pourquoi de nombreux chefs d'Etat africains se sont fortement impliqués dans la résolution de la crise ivoirienne, conscients du fait que c'est la stabilité de l'Afrique de l'Ouest toute entière qui est aujourd'hui menacée. L'intervention des Nations Unies a été principalement motivée par le souci de coordonner les processus de maintien de la paix en oeuvre en Sierra-Léone, au Liberia et en Côte d'Ivoire. L'enjeu aujourd'hui est de faire en sorte que la pression politique internationale (africaine et onusienne) soit suffisamment forte pour obliger les ivoiriens à progresser.

Conformément à la résolution, l'ONUCI a succédé à cette date à la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (MINUCI), une mission politique créée en mai 2003 par le Conseil et aux forces de la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
Le Conseil a autorisé l'ONUCI à utiliser tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de son mandat, dans les limites de ses capacités et dans les zones de déploiement de ses unités. Aux termes de la résolution 1528, l'ONUCI, en coordination avec les forces françaises, s'acquittera du mandat suivant :

2.4.1. Observation du cessez-le-feu et des mouvements de groupes armés

a) Observer et surveiller l'application de l'accord de cessez-le-feu global du 3 mai 2003, et enquêter sur les éventuelles violations du cessez-le-feu;

b) Assurer la liaison avec les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) et les éléments militaires des Forces nouvelles afin de promouvoir, en coordination avec les forces françaises, le rétablissement de la confiance entre toutes les forces ivoiriennes en présence, comme prévu dans sa résolution 1479 (2003);

c) Aider le Gouvernement de réconciliation nationale à surveiller les frontières, en prêtant une attention particulière à la situation des réfugiés libériens et aux mouvements de combattants

2.4.2. Désarmement, démobilisation, réinsertion, rapatriement et réinstallation

d) Aider le Gouvernement de réconciliation nationale à procéder au regroupement de toutes les forces ivoiriennes en présence, et à assurer la sécurité des sites de cantonnement de ces dernières;

e) Aider le Gouvernement de réconciliation nationale à exécuter le programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants, en prêtant spécialement attention aux besoins particuliers des femmes et des enfants;

f) Coordonner étroitement avec les missions des Nations Unies en Sierra-Léone et au Liberia la mise en oeuvre d'un programme de rapatriement librement consenti et de réinstallation des ex-combattants étrangers, en prêtant spécialement attention aux besoins particuliers des femmes et des enfants, pour appuyer les efforts déployés par le Gouvernement de réconciliation nationale et en coopération avec les gouvernements concernés, les institutions financières internationales compétentes, les organismes internationaux de développement et les pays donateurs;

g) Veiller à ce que les programmes visés aux alinéas e) et f) tiennent compte de la nécessité d'une démarche régionale;

h) Assurer la garde des armes, munitions et autres matériels militaires remis par les ex-combattants et mettre en sûreté, neutraliser ou détruire ces matériels;
Protection du personnel des Nations Unies, des institutions et des civils.

i) Assurer la protection du personnel, des installations et du matériel des Nations Unies, assurer la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et, sans préjudice de la responsabilité du Gouvernement de réconciliation nationale, protéger les civils en danger immédiat de violence physique, dans la limite de ses capacités et dans les zones de déploiement de ses unités;

j) Contribuer à assurer, en coordination avec les autorités ivoiriennes, la sécurité des membres du Gouvernement de réconciliation nationale;

2.4.3. Appui aux opérations humanitaires

k) Faciliter la libre circulation des personnes et des biens et le libre acheminement de l'aide humanitaire, notamment en aidant à créer les conditions de sécurité nécessaires;

2.4.4. Appui à la mise en oeuvre du processus de paix

l) En concertation avec la CEDEAO et les autres partenaires internationaux, aider le Gouvernement de réconciliation nationale à rétablir l'autorité de l'Etat partout en Côte d'Ivoire;

m) Avec le concours de la CEDEAO et des autres partenaires internationaux, offrir au Gouvernement de réconciliation nationale un encadrement, des orientations et une assistance technique en vue de préparer et faciliter la tenue de consultations électorales libres, honnêtes et transparentes dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Accord de Linas-Marcoussis, en particulier d'élections présidentielles;

2.4.5 Assistance dans le domaine des droits de l'homme

n) Contribuer à la promotion et à la défense des droits de l'homme en Côte d'Ivoire en prêtant une attention particulière aux actes de violence commis contre les femmes et les filles, et aider à enquêter sur les violations des droits de l'homme pour mettre fin à l'impunité;

2.4.6. Information

o) Faire comprendre le processus de paix et le rôle de l'ONUCI aux collectivités locales et aux parties, grâce à un service d'information efficace et, notamment, le cas échéant, à un service de radiodiffusion des Nations Unies;

2.4.7. Ordre public

p) Aider le Gouvernement de réconciliation nationale, en concertation avec la CEDEAO et d'autres organisations internationales, à rétablir une présence policière civile partout en Côte d'Ivoire et conseiller le Gouvernement de réconciliation nationale pour la réorganisation des services de sécurité intérieure;

q) Aider le Gouvernement de réconciliation nationale, en concertation avec la CEDEAO et d'autres organisations internationales, à rétablir l'autorité du système judiciaire et l'état de droit partout en Côte d'Ivoire;


Selon la résolution 1528, le Conseil de sécurité autorise par ailleurs les forces françaises, pour une durée de 12 mois à compter du 4 avril 2004, à user de tous les moyens nécessaires pour soutenir l'ONUCI, conformément à l'accord que doivent conclure l'ONUCI et les autorités françaises, et, en particulier, à :

· Contribuer à la sécurité générale de la zone d'activité des forces internationales;

· Intervenir, à la demande de l'ONUCI, pour soutenir des éléments de cette dernière dont la sécurité serait menacée;

· Intervenir en cas d'éventuelles actions belligérantes, si les conditions de sécurité l'exigent, en dehors des zones placées sous le contrôle direct de l'ONUCI;

· Aider à protéger les civils dans les zones de déploiement de leurs.

Le conflit ivoirien est l'un des conflits qui n'a pas pu être réglé directement par la CEDEAO dû au blocage de la France14.

2.5. Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique de l'Ouest

La sous-région ouest-africaine a été secouée depuis les années 90 par de violentes crises qui ont entraîné à chaque fois, de nombreuses pertes en vies humaines, des destructions inutiles de biens, la souffrance et la désolation des populations civiles innocentes. Ces populations contraintes par l'insécurité, la famine ou les épidémies trouvent souvent refuge dans les Etats voisins, ou se déplacent à l'intérieur de leurs pays.

Certes, il est heureux, qu'à la différence d'autres parties du continent africain, la sous-région ouest-africaine a mis en place à chaque fois, des procédés ad-hoc de règlement, qui ont permis de circonscrire les crises. La CEDEAO a mené des actions en matière de paix qui ont été généralement saluées, même si quelques fois l'on a pu leur trouver des imperfections. Le coût élevé des conflits des points de vue humain, matériel et financier, leur impact négatif sur le développement des Etats et l'intégration sous-régionale, obligent désormais à les prévenir, afin de les empêcher de se produire.

Pour y parvenir, mais également pour mieux gérer celles déjà nées, et tenir grandement compte des crises internes aujourd'hui les plus nombreuses, les chefs d'Etat et de Gouvernement ont adopté en un mécanisme qui doit permettre la prévention, la gestion, le règlement des conflits et le maintien de la paix. Son champ d'application a été élargi aux questions relatives à la sécurité.

Le document-cadre propose en matière de prévention des conflits, un système d'observation et de suivi, ainsi que des organes qui pourront circonscrire et neutraliser les conflits naissants. Le système d'observation sera basé sur la mise en place d'un observateur régional qui comprendrait des démembrements par zone, et une cellule d'observation ou d'alerte rapide qui sera le Centre d'observation et de suivi au niveau du Secrétariat exécutif; Les bureaux d'observation des zones collecteront toutes les informations utiles concernant la sous-région en matière de paix et de sécurité et les transmettront au Centre qui les enregistrera, les analysera, traitera tous les signes de dégradation, soit des relations normales entre les Etats membres, soit de l'environnement socio-politique à l'intérieur des Etats. Quatre centres d'observation ont été créés avec des sièges à Banjul (Gambie), Cotonou (Bénin), Monrovia (Liberia) et Ouagadougou (Burkina Faso). Les implications politiques appropriées pourraient alors être rapidement dégagées, et les mesures conséquentes prises. Il est proposé à ces fins, la création d'un Conseil des sages et d'un Conseil de médiation et de sécurité.

Le Conseil des sages qui s'inspire des valeurs traditionnelles africaines sera constitué de personnalités éminentes de grande expérience, originaires de la sous-région, de l'Afrique et du monde. Ils seront identifiés par le Secrétaire exécutif, en collaboration avec le Président en exercice et useront de leurs bons offices, et de leur compétence pour jouer le rôle de médiateur, de conciliateur et d'arbitre, à chaque fois que, pour une situation donnée, il leur sera fait recours.

Le Conseil de médiation et de sécurité prendrait, au nom de la Communauté, les mesures urgentes que pourraient requérir les situations de crise. Il est proposé que ce Conseil soit composé de neuf Etats membres élus, pour deux ans et que l'Etat qui assure la présidence en exercice, ainsi que l'Etat de la présidence sortante y soient membres de droit. Le Conseil de médiation et de sécurité pourrait délibérer aux trois niveaux qui suivent, ou à l'un quelconque de ceux-ci. Il s'agit du Comité des Ambassadeurs des neufs Etats membres, de la réunion des Ministres des Affaires Etrangères, de la Défense et de l'Intérieur, et de la réunion au Sommet des chefs d'Etat membres du Conseil.

Ces différents organes pourront, s'ils estiment son éclairage utile sur une question, solliciter l'avis de la Commission de la Défense et de la Sécurité. La représentation des Etats à la Commission de la Défense et de la Sécurité sera fonction de la nature des questions à discuter. Ainsi pourront y représenter leurs Etats, les chefs d'Etat-major des armées, les responsables de la sécurité intérieure, les experts du ministère des Affaires Etrangères, les chefs des services d'immigration, des douanes, les chefs des organes de lutte contre la drogue et les stupéfiants, ceux du service de la sécurité des frontières. Dans tous les cas, la Commission de la Défense et de la Sécurité sera chargée de l'examen des questions liées à la défense, et à la définition des besoins, en matière d'appui administratif et logistique aux opérations de maintien de la paix.

En matière de maintien de la paix, le mécanisme propose que, la CEDEAO ait recours à des missions d'intervention aussi bien politique que militaire, en cas de conflit armé. Il est suggéré que l'instrument militaire de la CEDEAO continue de s'appeler ECOMOG, et qu'il soit constitué de forces en attente, les contingents nationaux devant les composer étant désignés, formés et organisés, pour être en mesure de se déployer à brève échéance.

Une autre innovation majeure proposée est l'intervention de la CEDEAO pour assurer le maintien de la paix dans les cas de conflits entretenus et soutenus de l'intérieur. Il est suggéré que dans ces cas, la CEDEAO intervienne lorsqu'il y a:

- des risques importants de désastre humanitaire;

- des menaces à la paix et à la sécurité de la sous-région;

- un renversement ou une tentative de renversement d'un régime démocratiquement élu.

Le projet propose la procédure à suivre lorsque la nécessité d'une intervention se fait sentir. Il fait également des propositions sur la composition de l'ECOMOG, sa structure hiérarchique, les rôles et attributions de son commandement, et sur le financement des moyens logistiques et administratifs.

Afin de corriger la perception selon laquelle dans ses précédentes opérations, la CEDEAO n'aurait pas suffisamment assorti d'assistance humanitaire, ses activités de maintien de la paix, il est suggéré qu'en cas de conflit ou de catastrophe naturelle, la Communauté intervienne davantage, et prenne plus activement part aux actions visant à alléger les souffrances des populations et à restaurer le cours normal de leur vie. Des propositions pertinentes ont été faites à cet égard, tout comme en ce qui concerne la consolidation de la paix.

Conformément à la directive des chefs d'Etat et de Gouvernement, et aux orientations des Ministres des Affaires Etrangères, de la Défense, de l'Intérieur et de la Sécurité, le champ d'application du mécanisme a été élargi aux questions relatives à la sécurité.

Le projet de mécanisme contient des propositions pertinentes qui répondent aux préoccupations des dirigeants ouest-africains face à la circulation illicite des armes légères, et des munitions d'une part, et à la recrudescence de la criminalité transfrontalière d'autre part.

Afin de combattre plus efficacement la prolifération des rames légères dans la sous-région, le Secrétariat exécutif a néanmoins préparé un projet de déclaration sur le moratoire présenté par le Mali sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères, ainsi que le Programme de coordination et d'assistance pour la Sécurité et le développement (PCASED).

L'Union européenne a mis généreusement à la disposition de la CEDEAO, le montant de 1,9 millions d'Euros pour la réalisation de certaines activités opérationnelles du mécanisme15.

Malgré tous ses efforts, la CEDEAO est loin d'atteindre son objectif, car le manque de ressources financières et humaines est un frein à la mise en place d'opérations de maintien de la paix initiées et dirigées par l'organisation. Ceci est aussi vrai pour la mise en place du moratoire sur les armes légères.

2.6. Les opérations de paix de la CEDEAO : l'ECOMOG et ses déclinaisons

Si le Mécanisme de 1999 vient institutionnaliser l'ECOMOG, la Force ouest-africaine a été établie en 1990 afin de mettre un terme à la guerre civile qui éclata au Liberia en 1989. Conformément aux dispositions du Protocole de Non-Agression du 22 avril 1978, la CEDEAO crée en 1990 un Comité Permanent de Médiation (CPM) chargé de réfléchir aux moyens d'intervenir dans le conflit libérien. Le CPM est compétent pour connaître des différends entre les Etats membres et est ainsi chargé d'engager des procédures de médiation pour un règlement à l'amiable. Il se compose de cinq membres dont quatre désignés par la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement et du président en exercice de la CEDEAO qui assure la présidence du Comité.

L'échec de la médiation du CPM a conduit ses membres à envisager le maintien de la paix par l'envoi sur le terrain d'une force d'interposition chargée de faire respecter le cessez-le-feu et de restaurer l'ordre. Le premier sommet du Comité réuni à Banjul (Gambie) les 6 et 7 août 1990 a ainsi créé l'ECOMOG chargée de rétablir la sécurité sous-régionale et de sauver des vies humaines. Le déploiement de la force a été approuvé en novembre 1990 par la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Il en est sorti une force non préparée, avec de nombreuses difficultés de constitution et de fonctionnement, mais une force qui a eu le mérite de se concrétiser bien avant l'arrivée de la communauté internationale sur les lieux.

En 1997, le mandat de l'ECOMOG a été élargi à la Sierra-Léone en proie à une guerre civile depuis 1991, puis à la Guinée Bissau, en 1998. En janvier 2003, la Mission de la CEDEAO, MICECI (ECOMICI), a été déployée en Côte d'Ivoire, aux côtés de la Force française « Licorne » pour surveiller le cessez-le-feu conclu à Marcoussis le 24 janvier 2003. Une deuxième opération a eu lieu au Liberia dès le 4 août 2003 pour appuyer la mise en oeuvre de l'accord de cessez-le-feu conclu entre le Président Taylor et le Mouvement des Rebelles pour la Réconciliation et la Démocratie (LURD). L'ECOMIL a veillé à l'instauration et au maintien de la sécurité et a préparé la mise en place de la force des Nations Unies déployée dès le 1er octobre 2003.

Forte de ses expériences dans les opérations de paix, la CEDEAO a approuvé, le 19 juin 2004, lors d'une réunion de sa Commission de défense et de sécurité à Abuja, la création d'une force de 6.500 hommes qui pourra être déployée immédiatement dans la région en cas de troubles. La future force comprendrait un contingent d'intervention rapide, dénommé corps expéditionnaire de le CEDEAO et fort de 1.500 hommes, un groupe complémentaire de 3.500 hommes et enfin une force de réserve de 1.500 hommes. Elle serait opérationnelle en 90 jours, capable d'intervenir sous 30 jours et autonome durant 90 jours.

Le bilan de l'organisation en janvier 2006 fait état de la mise sur pied des forces en attente de la CEDEAO et de l'installation des deux dépôts pour les opérations de maintien de la paix à Freetown et au Mali. La Commission de défense et de sécurité, pour sa part, a approuvé un programme de formation de cinq ans à l'intention de la Force Africaine en attente. Afin de consolider la paix sous-régionale, l'organisation entend aussi renforcer sa capacité opérationnelle d'alerte et de diplomatie préventive.

Pour financer ses opérations en faveur de la paix, la CEDEAO a lancé en novembre 2005 son Fonds pour la paix. Dans le cadre du développement de ses capacités de paix, la Communauté bénéficie du programme français RECAMP dont un cycle intérimaire d'exercice d'Etat-major s'est tenu à Dakar en juin 2006, au profit du noyau dur de l'Etat-major régional. La France entend ainsi soutenir la montée en puissance de la Brigade Régionale de la Force Africaine en Attente16.

Références

1 Nicolas HARMAN, "The most african country", Economist, Londres, 23 janvier 1982: texte traduit et sélectionné par Problèmes Economiques, p. 401-774, 19 mai 1982, Documentation Française.

2 130 millions d'habitants en l'an 2000.

3 cf. Guy NICOLAS; le Nigeria: nouvelle puissance régionale africaine. In Afrique Contemporaine, trimestre no 157, janvier-mars 1991, la Documentation Française, p. 4.

4 cf. Elikia M'BOKOLO: L'Afrique au Xxe siècle: le continent convoité, éditions du Seuil, 1985, p. 160. Voir également Jeune Afrique Economie, numéro 9, 1982.

5 Mr. Andrew YOUNG

6 A. BALAJI AKINYEMI: " Mohammed-Obasanjo Foreign Policy" in O. OYEDIRAN, éd. Nigerian Government and politics under military rule Mac Millan int., London, coll. éd. 1979. A. GAMBARI, Party poltics and foreign policy, Nigeria under the first Republic, A.B.U., Zaria Press, 1980.

7 Le colosse a vacillé, in Jeune Afrique Economie, no 131, mai 1990.

8 Ibid.

9 Jeune Afrique Economie, no 131, mai, p. 59. op. Cit.

10 cf. Jeune Afrique Economie, janvier 1991, p. 138.

11 Le Carrefour Africain du 24 mai au 7 juin 1975, op. Cit.

12 Bertrand Badie, La fin des territoires, essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect, février 1995, p. 143, Fayard.

13 Le Monde Diplomatique, janvier 1996, p. 26.

14 Bulletin de l'ONUCI, septembre 2004.

15 Rapport du Secrétariat exécutif de la CEDEAO, 2000.

16 Mamadou Aliou BARRY, Le contrôle du commerce des armes en Afrique: Utopie ou réalité? Éditions l'Harmattan, p. 89.

CONCLUSION GENERALE

Un certain nombre d'observations mérite d'être retenu en guise de conclusion. La vérité est souvent dérangeante, mais il faut avoir le courage de la dire, parce qu'elle est constructive. Sans cela, il n'est pas de progrès économique et social.

Ainsi, on doit reconnaître que la coopération économique entre les pays de la sous-région ouest-africaine (CEDEAO) est loin d'avoir fait des progrès significatifs vers une réelle intégration. Cette coopération a connu une régression notoire malgré la prolifération d'institutions censées y contribuer. Les biens et les personnes circulent d'un pays à l'autre beaucoup plus difficilement aujourd'hui qu'à l'époque coloniale. Toutes les déclarations annonçant un renversement de cette tendance déplorable continuent de se heurter à des obstacles sérieux.

Séduits par l'expérience européenne d'intégration, les pays du Tiers-Monde ont vu en elle une " formule magique" pour y remédier aux difficultés présentes et futures des économies nationales fragmentées ; bref, les maux de sous-développement dont ils souffrent. A telle enseigne que, oubliant semble-t-il les difficultés qu'a rencontrées l'Europe pour son intégration1, certains d'entre eux ont cru qu'il suffisait de parapher un traité pour que l'intégration se fasse aussitôt. Ils ont ainsi créé une multitude de regroupements économiques sans tenir compte de leurs conditions propres, ni obligations d'ordre économique qui pourraient en découler.

Aujourd'hui, la réalité est là. L'expérience montre que l'existence de plusieurs organisations dans une même région, comme c'est le cas en Afrique de l'Ouest, a engendré plus de mal que de bien, malgré l'optimisme béat qu'affichent certains dirigeants africains.

En 1980, l'ex-Secrétaire Général de l'ONU, Monsieur Edem KODJO, avait porté sur nombre de ces institutions un jugement sévère, et les événements aujourd'hui lui donnent raison, car ce jugement demeure encore valable. Il déclarait : "on évoque souvent l'existence de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest(CEDEAO) pour se donner bonne conscience. On loue les efforts de l'UDEAC, de l'OMVS, de la MRU. On aligne le nombre impressionnant d'institutions de coopération intra-africaine pour prouver la vitalité de l'idéal communautaire. En réalité, tout le monde sait bien et sent bien que nous piétinons dangereusement dans nos efforts pour bâtir une communauté économique africaine, condition sine qua non du développement et élément essentiel de la stratégie de changement que nous appelons de nos voeux."2

Il convient donc, de relancer la politique d'intégration sous-régionale et continentale sur de nouvelles bases. Tel doit être l'objectif que doivent s'assigner les dirigeants africains, pour les années à venir. Ils doivent non seulement s'attaquer aux problèmes que crée cette multitude d'organisations dans les diverses régions3, ils doivent également se défaire de certaines habitudes au lieu de s'abriter derrière des principes désuets : souveraineté nationale, indépendance, intangibilité des frontières nationales, etc. Chacun a cru qu'en exerçant pleinement sa souveraineté, il arriverait à s'en sortir. Cela n'a pas été le cas. C'est la seule et dernière chance qui s'offre aux pays africains s'ils veulent se guérir du sous-développement. La vérité qui s'impose aujourd'hui à tous ceux qui se penchent sur le destin de l'Afrique, c'est qu'elle n'a rien à gagner dans l'émiettement. Il faut " tordre le cou" aux souverainetés frileuses pour mettre en place de grands ensembles économiques viables.

En effet, face à la restructuration du monde en grands ensembles géopolitiques, les difficultés d'une Afrique morcelée en petits Etats n'apparaissent que plus grandes. Déjà menacé d'une marginalisation4 de plus en plus nette, avec une baisse constante de ses parts de marché, le continent africain risque de ne pas pouvoir se mettre au diapason de ce mouvement qui semble prendre des allures planétaires. On pourrait évidemment se demander pourquoi aujourd'hui les vieilles nations industrielles en Europe savourent les bonheurs de l'union économique, alors que les pays africains se lamentent sur la non viabilité de leur espace géographique. On peut répondre que les européens ont su dépasser certains comportements nuisibles à leurs intérêts. Les africains doivent tirer des leçons de l'expérience européenne et changer fondamentalement leur manière

Comme l'exprimait pertinemment l'ex-Président sénégalais, Senghor: "il importe que nous comptions d'abord sur nous-mêmes et que soit comblé l'écart malheureusement fréquent en Afrique, entre le dire et le faire. La solidarité la plus large est, plus que jamais, la force des faibles que nous sommes. L'utopie serait d'imaginer que le formidable écart entre pays industriels et pays pauvres aura quelque chance d'être réduit sans effort de nous-mêmes pour imaginer, dans les domaines les plus divers, des réponses véritablement originales aux problèmes de notre temps"5.

Il est grand temps de donner à l'intégration africaine un contenu concret. Il faut, comme l'a si bien souligné, le ministre sénégalais de l'intégration, Monsieur Jean Paul DIAZ, que l'intégration soit l'affaire des opérateurs économiques. Il y a déjà eu suffisamment de séminaires sur ce thème ; la sensibilisation des populations par la presse est également indispensable, car c'est le réveil des peuples africains qui fera l'intégration.6

Il est aussi nécessaire de soutenir le processus d'intégration de l'Afrique par un puissant groupe de pression populaire, composé de forces non gouvernementales (ONGs), qui exercera une action soutenue en faveur de l'intégration, en la défendant sans discontinuer devant l'opinion officielle et dans les assemblées publiques, et en fera une priorité dans le débat économique et politique, parce que l'intégration n'est pas seulement une affaire de gouvernement ou de fonctionnaires7.

Le principe de l'intangibilité des frontières est fragilisé dans plusieurs régions du monde. Face à ces changements, l'Afrique de l'Ouest doit faire des choix conformes à ses besoins de sécurité en édifiant un système de sécurité collective indispensable à son développement économique, politique et social, ce qui ne sera possible que par une analyse de ses intérêts, une détermination des objectifs pour une politique de défense et de sécurité cohérente et stable, car de par la taille, la complexité et la diversité géopolitique du continent, cette approche sous-régionale est la plus cohérente. La sécurité de la sous-région dépendra de la capacité des Etats ouest-africains à constituer un pôle de stabilité et d'intégration.

Désormais, la dynamique de coopération et d'intégration sous-régionale dans laquelle s'est lancée la CEDEAO doit être consolidée par les Etats-membres dans de bonnes conditions politiques et militaires, afin de faire de cette sous-région le chef de file et l'exemple sur l'ensemble du continent pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Une véritable sécurité ouest-africaine ne pourra être garantie qu'à travers la construction d'un espace régional8.

L'événement de taille que constitue la création de la Communauté Economique Africaine, doit être marqué par un nouvel élan. La réussite de cette nouvelle communauté, et par conséquent de l'intégration économique à l'échelle du continent, dépend étroitement des solutions qu'on aura trouvées aux nombreux problèmes que connaissent les communautés régionales. En tout cas, il y a urgence de procéder à un bilan sans complaisance des organisations régionales actuelles, afin de réorienter les stratégies d'intégration économique.

Ainsi, la démocratisation de l'Afrique de l'Ouest est nécessaire à la réalisation des objectifs d'intégration économique. Les pays de la CEDEAO ont le devoir dans ce but de respecter la Charte africaine des droits de l'homme sans laquelle aucun développement ou intégration économique n'est possible.

L'Afrique ne pourra se développer que si elle s'intègre et que si les droits de l'homme sont respectés.

Espérons que pour les populations de la sous-région, malgré les difficultés et les obstacles à surmonter par les dirigeants ouest-africains, ce mécanisme jouera pleinement son rôle et pacifiera la sous-région afin d'assurer de meilleures conditions de vie et de prospérité aux générations ouest-africaines futures. Ce n'est que par une ferme et réelle volonté politique des dirigeants ouest-africains que la CEDEAO pourra y parvenir.

Références

1 Il convient de rappeler que "de 1866 à 1947, tous les projets d'intégration régionale entrepris en Europe avaient échoué". Cf. Jean ROYER: les objectifs et les instruments de la politique commerciale, GATT: TC (72), 103, p. 85.

2 Introduction du Secrétaire Général, Conseil des Ministres, quatorzième session extraordinaire, Lagos, 25 avril 1980, document ECM/ECO/2 (XIV), cité par Edouard JOUVE: l'organisation de l'unité africaine, PUF, 1984.

3 Ce phénomène de coexistence de plusieurs organisations n'est pas propre à l'Afrique de l'Ouest. Il se retrouve aussi en Afrique Centrale avec l'existence de l'UDEAC et de la CEEAC.

4 La situation économique des pays africains est particulièrement critique. Selon les statistiques du GATT, la part du marché mondial détenu par le continent africain dans son ensemble n'était que 2,7% en 1988-1989 comparé à 4,1% pour l'Amérique Latine. Le seul pays africain qui s'est classé parmi les quarante premiers exportateurs et importateurs mondiaux est l'Afrique du Sud qui représentait à elle seule 29% des exportations totales du continent et 21% de ses importations comparé à 9,5% et 4,5% respectivement pour le Nigeria. cf. MTM du 8 novembre 1991, p. 2837.

5 cf. E.K. KOUASSI, organisations internationales africaines, op. cit., p. 315.

6 cf. JAE, no 145, juillet 1991, p. 89.

7 cf. Adebayo ADEDEDJI; l'intégration de l'Europe: des enseignements pour l'Afrique. Extrait d'un document présenté lors d'un séminaire sur la "Communauté Economique Européenne de l'après 1992 : conséquences pour l'Afrique" organisé par le Ministère des Affaires Etrangères du Nigeria à Lagos du 13 au 15 juin 1990, in Courrier ACP-CEE, janvier-février 1990, p. 51.

8 Mamadou Aliou Barry, la prévention des conflits en Afrique de l'Ouest, Karthala, 1997, p. 155-156.

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II. JOURNAUX ET AUTRES PUBLICATIONS

A ce jour, le nouveau Président en exercice de la CEDEAO, Son Excellence le Président Abdou DIOUF du Sénégal, disait que la CEDEAO a fait un peu de surplace. Il a précisé notamment que sur les seize Etats membres de la CEDEAO, il n'y avait que trois Etats qui appliquaient le schéma de libéralisation des échanges. Ce sont le Ghana, le Nigeria et le Sénégal. Il y en avait huit au départ et le nombre s'est réduit par la suite comme peau de chagrin. In JAE, no 146, août 1991, p. 87.

Adebayo ADEDEDJI; l'intégration de l'Europe: des enseignements pour l'Afrique. Extrait d'un document présenté lors d'un séminaire sur la "Communauté Economique Européenne de l'après 1992 : conséquences pour l'Afrique" organisé par le Ministère des Affaires Etrangères du Nigeria à Lagos du 13 au 15 juin 1990, in Courrier ACP-CEE, janvier-février 1990, p. 51.

Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne, de la crise à une croissance durable, op. Cit., p. 2.

Banque Mondiale: L'Afrique subsaharienne: de la crise à une croissance durable. Etude prospective à long terme. Novembre 1989, p. 1.

Bulletin de l'ONUCI, septembre 2004.

Bulletin du FMI du 16 janvier 1989, p. 1.

Communiqué final de la conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet 1991.

Consciente de la situation, la dernière conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement a instamment invité les Etats membres à accorder la priorité absolue à l'intégration sous-régionale, et à prendre les dispositions administratives et législatives nécessaires pour assurer l'entrée en vigueur effective des actes et décisions de la communauté au niveau national. Il a été convenu que chaque Etat membre fasse au prochain sommet, rapport sur le niveau d'application des actes et décisions. cf. communiqué final de la conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, Abuja, 4-6 juillet 1991.

Deux vagues d'expulsions massives ont été décidées par le Nigeria en janvier 1983 et avril 1985. Le ministre de l'intérieur de l'époque, le Général MAGORO, avait justifié la seconde décision qui a touché 700.000 ressortissants d'Afrique de l'Ouest et Centrale (350.000 Ghanéens, 100.000 Nigériens, 50.000 Béninois, 20.000 Burkinabés, 10.000 Togolais, etc.) par le fait que le Nigeria "ne pouvait plus tolérer que les étrangers continuent de violer ses lois". In Jeune Afrique du 15 mai 1985, no 1271.

Guy NICOLAS: le défi Nigérian, gestation d'une puissance régionale: in Relations Internationales, Revue trimestrielle publiée avec le concours du CNRS, no 34, été 1983.

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La situation économique des pays africains est particulièrement critique. Selon les statistiques du GATT, la part du marché mondial détenu par le continent africain dans son ensemble n'était que 2,7% en 1988-1989 comparé à 4,1% pour l'Amérique Latine. Le seul pays africain qui s'est classé parmi les quarante premiers exportateurs et importateurs mondiaux est l'Afrique du Sud qui représentait à elle seule 29% des exportations totales du continent et 21% de ses importations comparé à 9,5% et 4,5% respectivement pour le Nigeria. cf. MTM du 8 novembre 1991, p. 2837.

Le Carrefour Africain du 24 mai au 7 juin 1975, op. Cit.

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Le Monde Diplomatique, janvier 1996, p. 26.

Le sommet de Lagos en 1980 par exemple. L'intégration économique a été l'un des thèmes centraux du plan de Lagos.

Le sommet de l'O.U.A. à Abuja, 3-5 juin 1991.

L'ex-Président de la République du Ghana, feu Kwame N'KRUMA, disait déjà en 1964 "notre principal rempart contre les sinistres menaces et les divers desseins des néocolonialistes est notre union politique. Si nous voulons rester libres, si nous voulons bénéficier pleinement des abondantes ressources de l'Afrique, nous devons nous unir pour organiser notre parfaite défense et l'exploitation systématique de notre potentiel matériel et humain dans l'intérêt de nos peuples". In l'Afrique doit s'unir, Payot, 1964.

L'express du 20 avril 1990, numéro spécial: "L'Afrique naufrage d'un continent", p. 162.

Leymarie Philippe, L'ouest-africain rongé par ses abcès régionaux, le Monde Diplomatique, janvier 1996, p. 26.

Marchés Tropicaux et Méditerranéens du 8 juin 1979. Voir également Géopolitique Africaine, juin 1986, p. 142.

Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 1526 du 1er juin 1990, p. 1526.

Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391 du 6 septembre 1991, p.2156.

MTM, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156. Voir également JA du 6 juillet 1988, p. 31.

La réunion des ministres des finances des pays de la zone franc à Ouagadougou les 25 et 26 avril, à Paris le 3 octobre 1991. L'intégration économique a été au centre de leurs préoccupations.

Panapress, 30ème sommet ordinaire de la CEDEAO, Abuja 14-16 juin 2006.

Rapport annuel du Secrétariat de la CEDEAO, Abuja, 2000.

Rapport de la CEA: "Les propositions visant à renforcer l'intégration économique en Afrique de l'Ouest", 1984, p.9.

Rapport du Secrétariat de la CEDEAO, 1999-2000.

Rapport du Secrétariat exécutif de la CEDEAO, 2000.

Regard critique de la CNUCED sur le bilan de la CEDEAO.in Marchés Tropicaux et Méditerranéens, no 2391 du 6 septembre 1991, p. 2156.

Rencontre de la Troïka (CEDEAO-UEMOA-UE), Niamey 6-7 octobre 2006.

Sophie BESSIS: Tout va donc pour le mieux? In Jeune Afrique, no 1518 du 5 février 1990, p. 45.

SITES INTERNET

www.ecowas.int

www.cean.u-bordeaux.fr

www.un.org

ANNEXES

Le logo de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest : CEDEAO en français et ECOWAS (Economic Community of West African States) en anglais.

Source: Site officiel de la Commission de la CEDEAO.

Les pays membres de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ( en vert sur la carte).

Source: Carte GéoAtlas/RFI.

Soldat de la force ouest-africaine de maintien de la paix (ECOMOG) au Liberia, octobre 2003.

Source: no.wikipedia.org/wiki/ecomog

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire