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Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba

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par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu
Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004
  

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1.2.5. Des nouvelles perspectives.

Toutes ces difficultés apparaissent, à notre avis, du fait que la taxinomie des classes sociales chez la plupart des auteurs procède des diagnostics et formulations ne tenant pas compte de la réalité locale et de son dynamisme. La rigidité des modèles d'analyse utilisés tronque souvent l'image de la société. En effet, le fonctionnement de la société déborde la rationalité, le cadre logique dans lequel la théorie prétend l'enfermer.

Retrouvons ici Jean Cazeneuve pour poser avec lui que le domaine de la stratification sociale est extrêmement vaste et complexe. Comme nous retrouvons dans chaque société plusieurs stratifications et que celles-ci sont agencées différemment suivant les contextes, nous devons aussi dépasser le niveau de la théorie globale pour étudier les divers types de stratification et leurs combinaisons dans les divers types de sociétés21(*). En effet, toute théorie doit être élaborée sur la base de la réalité concrète, à partir des données empiriques. Au sujet de la nécessité de prise en compte de la réalité concrète disons avec Jean Copans que la sociologie se veut être une rupture empirique qui intègre l'histoire réelle des populations africaines. En effet, pour cet auteur, l'apparition d'un nouvel ordre de phénomènes sociaux (économiques, politiques et idéologiques) rend possible l'apparition d'une certaine réflexion scientifique sur cet ordre de phénomènes. L'évolution de la société impose à l'intention des théoriciens des problèmes nouveaux ou à l'intérieur d'une science déjà constituée, en une problématique (ou en plusieurs problèmes).22(*)

En effet, le cadre général de l'étude des clases sociales au Congo a été, ainsi que nous l'avons ci-haut mentionné, reste la Grande entreprise capitaliste qui a déstructuré et structuré l'édifice social en fonction de la logique qui la sous-tend. Cette grande entreprise a constitué la charpente de l'économie formelle du Congo. Celle-ci a amorcé leur désintégration depuis la fin des années 70 qui s'est achevée dans la décennie 90 avec les jacqueries militaires et populaires orchestrées par un pouvoir en perte de vitesse. Les deux guerres de 1996 et de 1998 n'ont fait que boucler un long processus. Il est aujourd'hui malaisé d'évaluer la part des unités de production dans la vie de la population et de la nation. Ce qui est évident est que la déstructuration du secteur économique a exclu une part très importante de la population du procès de production économique. Ce secteur ne concerne désormais qu'une infime portion de la population dont l'existence ne s'y rattache pas. « Le congolais type, écrivent Remy Mbaya Mudimba. et F. Streiffler, travaille dans l'agriculture ou dans le secteur informel pour 54% ou dans l'emploi salarié pour 15%23(*) ».

Par conséquent la définition des classes sociales à partir de leur place dans les différents segments de cette économie formelle, devenue secondaire, ne semble pas se rapporter à la situation actuelle de la R.D.C. L'émergence et l'expansion du secteur informel vers lequel se ruent toutes les couches de la population, suite à l'effondrement de l'économie nationale, invitent à la relecture de la structure sociale au Congo. Ce nouvel ordre des phénomènes socio-économiques, comme l'exige ci-haut Jean Copans, nous contraint de réexaminer la problématique de la stratification sociale en RDC, en général, et dans la ville de Kinshasa en particulier.

Remy Mbaya Mudimba fait remarquer que la difficulté dans l'étude des classes sociales au Congo résulte du fait que « souvent, les gens n'utilisent pas la théorie de l'articulation des modes de production pour essayer de comprendre le système social congolais. Seule une conception dialectique est féconde pour analyser la formation sociale congolaise. Dialectique concernant la théorie et la pratique. Dialectique concernant l'analyse des modes de production »24(*).

Cette perspective a été inaugurée par Donat Olela Nonga Shotsha25(*). Celui-ci a appréhendé le secteur informel comme un mode production dans ses articulations avec les anciens modes de productions traditionnels et le mode de production capitaliste dominant. Abordant la question relative au système social que génère le mode de production informel, Olela en arrive à la conclusion que celui-ci se trouve subdivisé en deux classes sociales.

D'une part, celle constituée des entrepreneurs qui répondent à d'autres tâches et activités salariées. Et d'autres part, celles des exploitants n'exerçant aucune autre activité en dehors de ce commerce où la catégorie des chômeurs, des sans emplois et des retraités, qui tirent l'essentiel de leur survie ainsi que de celle de leurs familles respectives.

Sur le plan de rapports sociaux de production, la spécificité de l'instance économique de la première catégorie réside dans la complexité du nouveau type des relations de production. Dans le secteur informel existent des gens qui ont un double statut ; ils sont à la fois des travailleurs exclus de la propriété des moyens de production lorsqu'ils répondent comme salariés dans les entreprises des autres d'une part, et des patrons propriétaires des unités de production, lorsqu'ils sont dans leurs propres entreprises du secteur informel d'autre part. Ils sont ainsi dans une double relation de propriétaire/non-propriétaire, de salarié/entrepreneur.

Ce statut social hybride a été constaté dans une étude réalisée à l'INERA26(*) en 1996. Nous avons découvert que l'impératif du vécu quotidien dans une situation de crise imposait aux agents de cet Institut l'imagination d'autres mécanismes d'acquisition du revenu pour assurer la survie de leurs familles. Parmi ces mécanismes, outre les « coups de mains », c'est-à-dire les services parallèles prestés dans les écoles, les garages, les ateliers, etc., la plupart des agents avaient initié le petit commerce ou le petit métier, souvent tenus avec leurs épouses et enfants.

Avant nous, Kazadi Kimbu avait également constaté le développement de ces activités parmi les cadres et ouvriers des entreprises du Haut Katanga Industriel. Leurs conditions de vie et de travail leur révèlent que le meilleur moyen de s'adapter à la crise, de trouver des solutions dans le capitalisme, c'est de lancer ses propres affaires ; c'est utiliser les moyens fournis par le capitalisme lui-même pour travailler à son propre compte. Leur conviction : « pour ne pas périr, il faut se débrouiller ».27(*)

Cette pratique est devenue monnaie courante en R.D. Congo. A ce jour, et principalement dans la ville de Kinshasa, Ministres, PDG, Professeurs d'université, Chefs religieux, artistes musiciens, ouvriers, chômeurs, etc., la plupart tiennent des activités relevant de l'informel au sens large du terme. Cette nouvelle donne rend caduque le découpage de la population en classe des propriétaires de moyens de production et classe non possédante entre lesquelles vacille une classe moyenne.

Le cumul des plusieurs activités par un seul individu (agent de l'administration publique, conseiller dans un cabinet ministériel et propriétaire d'une grande boulangerie) et le caractère composite du revenu qui en résulte, rend aléatoire la classification des groupes sociaux sur base de la profession. Un tel individu devra-t-il être classé parmi les cadres ou bien parmi les bourgeois ? Concernant les rapports de classes, on voit par exemple que du fait du développement des activités du secteur informel que certains membres de la classe moyenne (employés de bureau) qui occupent formellement un rang supérieur se lient organiquement, pour leur survie, aux ouvriers qui ont prospéré dans une activité informelle. Ceux-ci entretiennent, de par leur nouvelle situation, de relations étroites avec des membres des classes supérieures.

Il en est de même, poursuit Olela N.S., pour la deuxième catégorie, celle des chômeurs. Ces gens, en même temps qu'ils se reconnaissent comme des chômeurs, sont aussi à la fois propriétaires des unités de production, au lieu d'être, comme des chômeurs de la société capitaliste, c'est-à-dire simplement une armée de réserve.

Cela dit, dans sa logique économique de fonctionnement, conclut Olela N.S., le secteur informel est différent du capitalisme ; alors que le capitalisme divise la société en deux blocs : d'un côté celui des propriétaires des moyens de production, et de l'autre côté celui de ceux ne disposant que de leur force de travail qu'ils aliènent contre un salaire, le secteur informel crée, quant à lui, une société des plusieurs possédants, non juxtaposés, de moyens de production, dont les uns répondent encore chez les autres comme salariés.

Mais cette étude de Olela N.S. reste muette quant à la nature des rapports entre ces différentes catégories des possédants, le type de conscience qu'elles développent et les places qu'elles s'assignent et les luttes qu'elles se livrent pour conforter ou transformer leurs positions.

La sociologie ne gagnerait-elle pas en découvrant la manière dont la population construit son échelle sociale par laquelle elle prend conscience d'elle-même, se projette et se mire. Cette perspective nous parait la moins impertinente dans la mesure où, elle permet de cerner les valeurs prévalant au sein d'une société et de comprendre les motivations qui président aux actions des différents groupes sociaux qui donnent à la société son dynamisme.

A notre avis, et tel que nous suggère l'observation de la vie quotidienne à Ngaba, la construction de l'échelle sociale se fonde la situation de classe28(*). Celle-ci est appréciée à partir des indices de consommation, la possession de certains biens, l'accès à certains services, etc. Le nivellement de l'échelle sociale ainsi construite procède de valeurs esthétiques29(*) qui procurent prestige, pouvoir et puissance. Telle sera l'orientation de ce travail.

* 21 CAZENEUVE, J., Art.-Cit, p.610.

* 22 COPANS, J. Critiques et politiques, cité par KAZADI, K., Op-Cit, p.23.

* 23 MBAYA, M ., STREIFFLER, F., Secteur informel au Congo-Kinshasa, stratégie pour un développement endogène. Zamba epeli moto, nyama iboyi kokima, éd. universitaires africaines, Kinshasa, S.D., p.84.

* 24 MBAYA, M ., Notes de cours de sociologie générale destinées aux étudiants de premier Graduat psychologie et des sciences de l'éducation, UNIKIN, Kinshasa, 2003-2004.

* 25 Lire à ce propos OLELA, N. S. D., Le secteur informel à l'épreuve du matérialisme historique. Contribution à la conceptualisation d'un phénomène socio-économique, Mémoire de D.E.S en Sociologie, UNIKIN, Kinshasa, 2002-2003.

* 26 Institut National pour l'Etude et la Recherche Agronomique. Lire à ce propos, MPIANA TSHITENGE, Faillite de l'Etat et paradoxe du fonctionnement des entreprises publiques au Zaïre. Etude menée à l'INERA, Mémoire de Licence en Sociologie, UNIKIN, Kinshasa, 1996.

* 27 KAZADI, K., Op-Cit, p.8.

* 28 L'expression est de MAX WEBER. Elle désigne la chance caractéristique pour un individu d'accéder aux biens.

* 29 Se rapporter à BOURDIEU, P., La Distinction. Critique sociale du jugement, éd. Minuits, Paris,

1979.

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