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Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba

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par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu
Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004
  

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Section1. De la conjoncture sociale des discriminations sociales à Ngaba

« Le monde, la société ne peut être considérée comme une accumulation accidentelle d'objets, des phénomènes détachés les uns des autres, isolés et indépendants les uns des autres, mais comme un tout uni, cohérent, où les phénomènes sont liés organiquement entre eux, dépendant les uns des autres et se conditionnent réciproquement ». Ce postulat dialectique qualifié de la loi de la connexion universelle des phénomènes impose, comme le suggère également la cinématique sociale, la prise en compte des effets différentiels qu'induit l'action combinée du temps et de l'espace sur toute réalité sociale. Ce qui, dans le procès de production de connaissance, est rendu par le concept marxiste de conjoncture politique, c'est-à-dire « le moment actuel de la lutte des classes dans une formation sociale ou dans un système de formations sociales.»80(*) Celle-ci se caractérise comme une synthèse des contradictions d'une formation sociale.

Nous considérons comme conjoncture sociale, le moment actuel qui produit les contradictions de notre société dans lesquelles naissent et se développent les différentes discriminations, les luttes à l'occasion desquelles les agents sociaux déploient diverses stratégies pour conforter leur position sociale. En d'autres termes, il s'agit d'insérer les discriminations sociales dans cette conjoncture sociale, les rapprocher des autres faits dans leurs rapports mutuels. En effet, nous estimons que les formes des discriminations sociales, les conflits qu'elles génèrent, la perception et l'évaluation sociale, le type de capital agissant ou potentiel sont déterminés par la conjoncture sociale qui leur donne signification et intelligence.

En rapport avec notre étude, et tel que le montrent les résultats de nos enquêtes, la conjoncture sociale qui produit les discriminations sociales est marquée par une principale contradiction : le développement d'une économie dépendante, plus marchande que productrice et donc peu créatrice de richesse et d'emploi. Cette économie parce qu'elle désorganise la production et s'articule autour de la sphère publique, finit par provoquer la rareté tel que seule une minorité s'empare de l'essentiel de la production nationale et laissant la majorité de la population dans la misère la plus sombre. La fragilité de cette économie a comme conséquence directe en milieu urbain l'affirmation des clivages sociaux et l'aggravation des différences. L'indigence et le dénuement du plus grand nombre contrastent violemment avec l'opulence d'une infime minorité aménageant ainsi les espaces d'expression de la conflictualité.

Cette contradiction est perceptible dans les réponses de nos enquêtés relatives à la question de savoir quel est le contexte qui favorise ces discriminations sociales. La majorité des enquêtés a retenu la misère socio-économique comme principal facteur explicatif des discriminations sociales dans leurs quartiers respectifs. Examinons les conditions d'émergence de cette conjoncture sociale.

4.1.1. Contraintes économiques et restructuration du champ social.

L'état des lieux des études congolaises de classes sociales effectué au premier point du premier chapitre a mis en évidence la détermination du développement de l'économie capitaliste introduite par la colonisation, sur la constitution et la structuration de celles-ci. Le rôle joué dans les différents segments de cette économie a déterminé leur nature et leur configuration.

En effet, pour s'installer au Congo, les opérateurs et les agents de cette économie ont procédé à l'expropriation foncière des autochtones au profit de l'Etat et des entreprises capitalistes. Cette mesure, ainsi que celles relatives au régime fiscal et aux modalités des investissements, est à l'origine de la paysannerie.

L'industrialisation et le développement de l'agriculture industrielle qui s'en sont suivis, ont introduit le travail salarié, principal facteur de la constitution du prolétariat urbain et rural. Avec l'industrialisation apparaissent les villes modernes. Celles-ci, dans leur développement, ont éclos des nouvelles catégories sociales. Se présentant comme lieu de sécurité, de salut et de promotion sociale, la ville provoque, sans la contenir ni l'absorber,la ruée des populations fuyant les aspérités de la vie campagnarde, le joug des pouvoirs traditionnels et l'oppression ainsi que l'arbitraire des pouvoirs publics. Cette affluence des ruraux vers la ville engendre le lumpen prolétariat qui peuple des bidonvilles.

Un autre aspect du développement de l'économie capitaliste, c'est le développement des échanges commerciaux monétaires. La distribution des produits locaux et importés qui se règle par les échanges monétaires a poussé une partie de la population à s'engager dans les activités commerciales. Il s'est ainsi constitué des nouvelles catégories sociales de commerçants, colporteurs et des intermédiaires.

Pour assurer le succès de son entreprise, le colonisateur s'est constitué des auxiliaires organiques opérant comme agents d'occidentalisation, techniques et administratifs. Par l'école, le colonisateur crée ainsi la nouvelle élite locale qui a contribué à la consolidation du système colonial et à sa remise en question au cours des mouvements des indépendances. Ayant succédé au colonisateur, cette classe va se muer en bourgeoisie compradore.

L'édifice social ainsi compartimenté obéit à la rationalité et aux impératifs du mode de production capitaliste. Ses composantes s'intègrent parfaitement aux différentes branches constitutives de l'économie capitaliste. Nous voyons, donc, que la structuration sociale est une dérivée logique de l'instance économique bien structurée et bien organisée.

Il apparaît ainsi que la détermination et la hiérarchisation de ces différents groupes sociaux se définissent en partant de la sphère par laquelle ils participent à l'économie, elle-même assujettie à l'instruction. C'est non sans raison que G. Nzongola a affirmé que le revenu et l'instruction étaient des catégories de référence dans la stratification sociale.

Dans la perspective de cette rationalité économique, l'instruction et le revenu (la profession) étaient des capitaux agissants dans la structuration de l'espace social. Le volume du capital scolaire déterminait la chance d'entrée dans une sphère de l'activité économique. Et chaque branche d'activité, par le revenu qu'elle procurait, déterminait le prestige de ses agents. Il en résulte que le prestige d'un agent social découlait de sa profession. G. Balandier note à ce sujet que dans les agglomérations urbaines surtout, les nouveaux moyens d'acquisition de richesse ainsi que les échelles des salaires tendent à diviser la population sur base des critères économiques, professionnels81(*).

Les mutations socio-économiques et politiques opérées par l'élite politique, comme le constate Emile Ologoudou, eurent des conséquences dramatiques pour tout le pays. Elles provoquèrent la dégradation constante du pouvoir d'achat, tant dans les villes que dans les campagnes. Ce n'est pas seulement les populations qui furent acculées à la misère, le pays lui-même rejoint le peloton de tête des pays les plus pauvres du monde82(*).

Nous assistons désormais à l'implosion des structures formelles de production économique, la plupart des entreprises, publiques et privées étant condamnées à la faillite(songeons ici à la zaïrianisation, aux pillages de 1991 et 1993). Avec cette détérioration du tissu économique s'amorce le « désembourgeoisement » de la petite bourgeoisie, surtout bureaucratique et la « déprolétarisation » d'une bonne partie de la masse ouvrière, soit du fait l'effritement sans précédent des revenus, soit par la perte d'emploi. Ce qui se traduit, sur le plan social par un appauvrissement progressif et continuel des différentes couches sociales au point qu'elles frisent toutes l'indigence. Ainsi, se développent les activités du secteur informel, sous leurs divers aspects, pour se sauver de cet océan de misère. Ces activités, ainsi que le témoignent plusieurs études, se pratiquent dans toutes les couches de la société.

Dans un tel environnement où les structures formelles de production ne concernent qu'une petite portion de la population, où toutes les catégories sociales frisent l'indigence et vivent de l'informel et où le travail défini par rapport au savoir faire ou à l'expertise ne garantit pas un mode de vie décent, la profession qui montre le rôle joué dans l'économie (source revenu) et l'instruction cessent d'être les catégories opératoires pour le découpage de la société en différentes strates. La lutte pour la survie étant âpre et engageant toutes les couches sociales, il apparaît que la situation de classe soit le fondement de la stratification sociale.

* 80 HARNECKER, M., Op-Cit, p.134.

* 81 NGOKWEY, N., Op-Cit., p.20.

* 82 OLOGOUDOU, E., « Les fondements économiques de l'Etat : La stratification et les classes sociales en Afrique indépendante », in Présence africaine, 127/128, Décembre 1982, p 237.

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