WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba

( Télécharger le fichier original )
par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu
Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.3.4. Réactions à l'infériorité statutaire.

Les réactions à l'infériorité statutaire sont multiples. Elles vont de l'acceptation à la contestation en passant par la résignation et l'indifférence. Comme nous le verrons, ces réactions dépendent de plusieurs facteurs, notamment la représentation des positions sociales, les atouts dont sont dotés les individus et des perspectives de mobilité ou d'inertie qui se dessinent pour un agent dans le champ social.

Commençons par la contestation manifestée par la majorité de nos enquêtés et qui prend plusieurs formes. A la question de savoir si le critère d'évaluation sociale en cours dans leurs quartiers respectifs était rationnel, la majorité (51%) a répondu par la négative. Cette opposition de la majorité des enquêté se dresse principalement contre la penchant trop matérialiste de l'évaluation sociale qui infériorise ou élève certaines personnes sur base de leur avoir au détriment de l'être. Parmi les formes de contestations notons :

1) Le rejet des critères d'évaluation sociale appliqués, comme étant contraires à la raison ou vulgaires. A ce propos, les enquêtés de conditions de vie modeste et les moins instruits ont qualifié d'irrationnelle toute évaluation sociale basée exclusivement sur l'avoir matériel et l'instruction. Les uns estiment que l'être humain ne peut être réduit aux choses qu'il possède. Ils dénoncent ainsi cette réification de l'homme dans la civilisation hédoniste qui marque le monde moderne. Pour eux, l'homme doit être jugé par ses capacités et ce qu'il apporte comme contribution à l'avancement de sa société. Les autres, par contre, considèrent qu'au-delà de son avoir et de ses compétences scolaires, l'homme dispose d'autres vertus qui le rendent utile à sa société, notamment la sagesse, une bonne éducation, une bonne moralité et une bonne conduite sociale. Aussi, renforcent-ils leurs considérations en soulignant qu'au Congo, c'est plus un problème de moralité qui se pose plutôt que de compétence ou d'instruction.

2) Le rejet des critères selon lesquels on est évalué et leur substituer des critères qui répondent au profil des personnes infériorisées. C'est dans ce registre qu'il convient de placer la majorité des opinions exprimées à la question de savoir quel est, selon vous, le critère qui devrait servir de base à la classification sociale des individus. A cette question 62,5% des enquêtés ont répondu en faveur de la profession comme critère qu'ils considèrent comme rationnel et objectif de classification sociale alors que 18% ont plaidé pour la moralité et la spiritualité. Nous constatons que ces réponses sont corrélatives aux atouts, autres que l'avoir matériel, dont disposent ces enquêtés. S'auto-évaluant sur base des plusieurs critères auxquels ils répondent de manière variable, ces enquêtés insistent sur les critères auxquels ils satisfont pleinement au détriment des autres. Ainsi, les enquêtés ayant fait des études supérieures et universitaires mais dépourvus en ressources matérielles insistent plus sur la profession, étant entendu que dans des conditions normales leurs études leur assureraient l'accès à des grandes responsabilités et donc réconforteraient leur position sociale. D'autre part, les enquêtés dépourvus à la fois du matériel et de l'instruction mettent l'accent sur la spiritualité et la moralité.

3) La troisième contestation prend la forme du dénigrement de ceux qui nous jugent défavorablement, leur contester cette qualité de juge tout en retenant les critères qu'ils ont appliqués. Cette forme de contestation a été enregistré au cours de nos entretiens avec certains enquêtés. Ces derniers, au titre de réaction à l'infériorité statutaire dont ils sont objet de la part de ceux qui se considèrent comme socialement bien placés soit du fait avoir soit du fait de leur instruction, manifestent une attitude de mépris. Pour dénigrer ceux qui ont de l'avoir matériel, ils allèguent que soit cet avoir a été acquis au prix des sacrifices humains, soit de manière malhonnête, soit de façon hasardeuse (songeons ici au parvenu, appelés muyaka azui le 15). Vis-à-vis de ceux qui se font prévaloir de leurs études, il est opposé les allégations telles que ces diplômes sont sans valeur parce qu'ils ne procurent pas d'emploi rémunérateur, soit parce qu'ils sont obtenus dans des conditions trop peu régulières, soit, enfin, parce qu'obtenus dans des institutions moins prestigieuses, les universités de la cité comme on les dénomme.

4) La quatrième forme de contestation est l'indifférence qui amène un agent social à se désintéresser de son status en refusant les valeurs « terrestres » pour n'accepter que celles « célestes ». C'est dans cette catégorie que nous situons tous ceux qui évoquent la vanité de tous les biens terrestres et qui courent vers le profit céleste, notamment le salut éternel. Cette catégorie d'enquêtés affirme ne pas être préoccupée par la recherche d'une place importante sur cette terre des hommes, l'essentiel pour elle c'est de savoir quelle place occupera-t-elle dans le royaume de Dieu. C'est pourquoi, l'évaluation sociale, selon eux, doit reposer sur les valeurs morales et spirituelles. Cette attitude, comme le remarque Wingenga wi Ependo, résulte « des insuccès répétés qu'ils récoltent le plus souvent, (et par conséquent) ils développent des sentiments d'anxiété, d'insatisfaction chronique, et plus grave, sur le plan psychologique, ils développent un sentiment d'échec qui les paralyse et bloque leur capacité d'imagination créatrice. Tout compte fait, ils se résignent devant leur sort qu'ils assimilent ainsi à la fatalité. »108(*)

L'infériorisation statutaire aussi bien sur le plan matériel que sur le plan culturel ne rencontre pas que d'opposition, certaines personnes y concèdent en acceptant non seulement le critère leur appliqué mais aussi la place leur assignée. Cette attitude se manifeste parmi quelques enquêtés qui ont qualifié de rationnel le critère d'évaluation sociale en vigueur dans leur quartier quelle que soit la position rétrograde dans laquelle ils étaient placés. Cette reconnaissance de l'infériorité statutaire s'avère dans l'effort permanent pour l'acquisition des symboles statutaires. C'est dans ce but que certaines personnes affament leurs enfants pour épargner l'argent devant leur permettre de se procurer bijoux, habits et cosmétiques. D'autres par contre, dépenses de sommes colossales pour les études de leurs enfants afin de compenser leur faible niveau d'instruction.

Faisons remarquer que ces réactions ne sont pas seulement l'apanage de ceux qui sont réellement infériorisés du fait de manque effectif des ressources utiles (argent et instruction). Elles sont également enregistrées parmi ceux qui en sont pourvus mais dévalués par les autres membres de la société pour diverses raisons. Généralement, ceux-ci excellent dans l'exhibitionnisme pour confirmer contre vents et marrées leurs rangs sociaux.

En outre, les réactions à l'infériorité statutaire ne se résument pas seulement dans l'acceptation ou la contestation de la place assignée à un individu. Elles se cristallisent également dans la recherche de mobilité sociale pour laquelle diverses stratégies sont déployées, comme le constatent 78% des enquêtés (voir tableau XXI relatif à l'engagement pour la mobilité sociale).

Nos enquêtés ont indiqué un arsenal des stratégies que mettent en place les habitants de leurs quartiers pour assurer leur mobilité sociale et échapper ainsi à l'infériorisation statutaire. Les stratégies développées par les uns et les autres correspondent aux critères d'attribution de la considération sociale. Parce que les aspects matériels l'emportent dans la perception et l'évaluation de l'autrui, les stratégies de leur acquisition se multiplient. Pour les enquêtés (75%), la débrouille figure en bonne place parmi ces stratégies. Elle comprend toutes les activités de la petite économie marchande, la vente de parcelle, l'exploitation artisanale du diamant dans la province angolaise de Lunda Nord, la migration vers l' « Occident » pour aller casser la pierre (Kobeta libanga), c'est-à-dire se débrouiller,etc.

Le niveau d'instruction invite ceux qui ont un bagage intellectuel élevé à maintenir le cap et ceux qui en sont dépourvus à améliorer leur situation à travers leurs enfants, bien entendu avec espoir qu'un jour cela pourrait leur permettre de prétendre à des responsabilités pourvoyeuses des biens matériels.

L'analyse de ces stratégies dévoile leur penchant individualiste face aux problèmes collectifs, ce qui met en mal la lutte de classe dont ont rêvé les révolutionnaires ainsi que leurs théoriciens. Le but ici, comme nous pouvons le constater, ne pas de renverser l'ordre hiérarchique établi, mais plutôt de s'y insérer en acquérant les atouts ou les ressources nécessaires pour occuper une position favorable.

* 108 WINGENGA WI EPENDO, « L'émergence de la culture de pauvreté dans les villes du Congo-Kinshasa », in Mouvements et Enjeux Sociaux, n°001, UNIKIN, Kinshasa, Septembre -Octobre 2001, p11.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius