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Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba

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par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu
Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004
  

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4.4.2. Manifestation des conflits.

1. Violence symbolique et langagière.

La violence symbolique et langagière se présente comme le mode le plus expressif des conflits rencontrés à Ngaba.

La violence symbolique prend généralement la forme de l'ostentation. Il s'agit ici de narguer les concurrents, les prétendants, les démunis ou ceux qui sont considérés comme tels par l'exhibition très ostentatoire des biens matériels qui attestent la victoire que l'on a remportée sur eux. Le langage souvent utilisé ici est « ba kosentir ngai, ba koyeba, na komelisa bango pema ou bakomela pema» (ils vont me sentir, ils vont s'en rendre compte, je vais le fatiguer ou ils vont s'essouffler).

La violence symbolique se traduit également dans la prétention qu'ont certaines personnes d'avoir le pouvoir sur le capital détenu par les autres. C'est à ce titre qu'il convient de percevoir l'attitude méprisante que développent les détenteurs du capital économique vis-à-vis des intellectuels dépossédés matériellement. Pour humilier ces derniers, ceux qui détiennent l'argent les narguent à tout moment en arguant qu'ils peuvent bien les employer à leur service, une bonne façon de se moquer de leurs diplômes universitaires. Ils estiment ainsi avoir le dessus sur le capital culturel qu'ils peuvent exploiter pour le renforcement de leur pouvoir économique.

La violence langagière consiste en des syntagmes (injurieux et licencieux) dirigés contre des individus qui sont relégués ou reléguables dans des status inférieurs. Ces syntagmes sont légion, pleines d'images et de figures de styles appartenant au champ des injures classificatoires. Leurs répertoires infinis servent d' « armes de guerre » à l'occasion des altercations entre parties en conflit que chacune exploite jusqu'à l'épuisement de son imagination.

Faisons remarquer ici que le labelage fonctionne dans le champ social à la fois comme un processus de classification et comme une violence symbolique et langagière. Comme violence symbolique et langagière, le labelage, parce qu'il induit l'infériorité, ainsi que le note Mabiala Mantuba Ngoma, conduit à la chosification ou l'animalisation ou encore à la dévaluation, à la disqualification de l'autre et à l'inverse à l'apologie de soi, à la surestimation de soi, à la maximisation de la valeur de soi, à la saillance ou à la remarquabilité de soi110(*). Il s'agit, en fait, d'une logique d'imputation qui est omniprésente dans le processus de labelage : les catégories négatives attribuées aux autres ne sont en réalité qu'une affirmation de la supériorité de soi. Le labelage apparaît alors comme un processus d'exclusion ou de marginalisation sociale, et donc, une menace réelle d'élimination d'une identité sociale d'un individu.

C'est dans cette perspective qu'il convient d'inscrire des syntagmes tels que Muyaka, ya ngwen, Muyaka azui le 15 ou mozui ya 17 heures. A côté de ce labelage, il sied d'ajouter toutes les sortes d'injures qui touchent aux organes sexuels (surtout des parents), aux infirmités corporelles, à la mauvaise éducation présumée, à la précarité de la situation familiale, à la stérilité ou infécondité, à la sauvagerie ou la barbarie de l'ethnie, à la puissance maléfique (sorcellerie), etc.

Tout commence, lorsque le conflit éclate, par le dénigrement ou l'humiliation par des qualificatifs péjoratifs. Celui qui est perçu ou se perçoit comme statutairement inférieur (sur le plan matériel ou culturel) s'engage dans la querelle par la détestation de l'avoir ou de l'instruction de son adversaire en ces termes : «longua kuna, éloko nini ya malonga oza na yango, ou bien, classe nini ya malonga otanga ? » (Qu'as-tu de spécial (biens ou avoir) ou qu'as-tu fait comme études sérieuses ?). Ceci pour remettre quelqu'un à sa place (kotia mutu na place na ye) en lui rappelant ce qu'il a été hier, ce qu'il est réellement ou désillusionner celui qui prétend être grand. Il s'agit, en quelque sorte, d'un rappel à l'ordre à des individus que l'on considère comme ayant usurpé les attributs des status sociaux auxquels ils n'appartiennent pas en réalité.

2. La violence physique.

Les disputes ou les querelles débouchent souvent sur des bagarres. Les personnes lésées par ces labelages rétorquent par la violence physique, la forme suprême de conflit. Soit ce sont deux individus, soit deux familles qui s'affrontent, en se servant de tous les instruments qui peuvent causer du tort à la partie adverse. Ces affrontements prennent un relief particulier dans les milieux juvéniles, singulièrement chez les jeunes désoeuvrés. Ceux-ci, constitués en des « clubs »  des arts martiaux débaptisés « dojos », s'illustrent par leur violence. Lorsqu'un d'eux ou un membre de sa famille a été objet de discrimination péjorative qui a dégénéré en conflit, celui-ci mobilise ses amis du club pour molester toute la famille de l'« audacieux » qui a osé le mépriser. Au cours de ces rixes ils cassent tout sur leur passage et causent des dégâts énormes.

* 110 MABIALA, M. N., « Multiculturalisme et barbarisation au Zaïre », in Conflits et identité. Actes des journées philosophiques de Canisius, éd. Loyola, Kinshasa, Avril 1997, p.91.

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