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Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba

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par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu
Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004
  

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1.2.3. La sociologie de l'impérialisme

La troisième période se situe entre 1970 et 199015(*). Cette période est dominée par la Sociologie de l'impérialisme, largement inspiré par les travaux de Samir Amin, d'Abdel -Malek, et des analystes latino-américains tels que P. Sweezy, A.Gunder Frank, Baron, etc. Celle-ci "se réalise comme un courant théorique de la Sociologie du développement qui s'attache à étudier la dialectique de l'impérialisme et les mouvements nationaux. Elle se préoccupe fondamentalement de l'élaboration des réflexions critiques sur la vie sociale dans les ensembles économico-politiques et idéologiques de domination et d'exploitation des peuples en liaison avec la formation historique concrète de ces ensembles."16(*)

En clair, la sociologie de l'impérialisme analyse les mécanismes de domination et d'exploitation mis en place par le capitalisme à l'échelle mondiale. Par ces mécanismes, le capitalisme devenu impérialisme et se constituant en centre, subjugue, par les bourgeoisies locales interposées, les peuples entiers de la périphérie pour assurer sa propre survie.

Se plaçant dans cette lignée, Kalele Ka-Bila étudie les mécanismes de domination et d'exploitation capitalistes ayant généré le sous-développement à Kabinda.

En effet, note Kalele, le capitalisme pour assurer sa domination et son exploitation procède par la polarisation en cascade. Concernant le Zaïre, converti en satellite du système capitaliste, ce pays a été divisé en régions métropoles et en régions satellites sur un triple plan de son organisation : économique, politico-administrative et culturelle. En deuxième lieu, ces différentes métropoles et satellites étaient solidement rattachés aux métropoles capitalistes mondiales. Par ce procédé, Kabinda était relié à Bruxelles, Paris, Washington, Londres via Mbuji Mayi et/ou Lubumbashi et Kinshasa.

Kalele en arrive, partant de ce procédé, à constater que la structure économique de Kabinda est désarticulée au profit des intérêts des industries capitalistes installées sur place et dans le Haut Katanga Industriel.

Pour assurer la prospérité des intérêts capitalistes dans la région et intégrer Kabinda dans le système capitaliste, les colonisateurs avaient imposé la culture du coton au peuple songye et ont recruté ses membres comme main-d'oeuvre pour les industries du Haut Katanga Industriel. Pour contraindre les songye à la nouvelle rationalité économique, les colonisateurs ont engagé une lutte contre les moyens traditionnels d'existence, notamment la restriction en matière de chasse, de pêche et de cueillette ; l'interdiction formelle de distiller l'alcool indigène et d'abattre les palmiers, la compression des prix des produits agricoles ; l'élimination des commerçants ambulants, de l'élevage du gros et du petit bétail et de la métallurgie traditionnelle.

Cette structure d'exploitation capitaliste, constate Kalele, demeure jusqu'à ce jour en dépit de l'indépendance du pays. La prise en main de la destinée de cette région par les nationaux plutôt que de démolir cette structure, l'a renforcée au point qu'à maints égards, la situation actuelle des basongye est même devenue pire qu'avant l'indépendance.

Cette exploitation capitaliste, conclut Kalele, a contribué à l'apparition des indices de sous-développement, notamment le très faible degré d'industrialisation de la région de Kabinda, l'aliénation et l'oppression politique et culturelle, la dépression démographique, les perturbations sociales (conflits sociaux, mariage de calcul, relâchement de la solidarité clanique.), etc.

Comme voie de sortie, Kalele propose que la lutte contre le sous-développement doit se réaliser à la fois sur le plan social, économique, politique et culturel et passe nécessairement par la transformation de la société nationale.

Dans une autre étude similaire17(*), Kalele montre comment le capitalisme, par divers mécanismes mis en place par ses deux gendarmes économiques (Banque mondiale et le Fonds monétaire international) contribue à la paupérisation des larges masses laborieuses et à l'enrichissement de la bourgeoisie locale et métropolitaine.

Pour sa part, Kazadi Kimbu examine et valide les stratégies de lutte contre le capitalisme mises sur pied par les salariés du Haut Katanga Industriel.

Son analyse des mécanismes d'intervention impérialiste au Congo lui permet d'établir que le projet capitaliste impérialiste ne se conçoit et ne se réalise que comme une imposition du salariat, ce mode de travail dépendant. Le mouvement impérialiste parcourt toujours un processus de suppression du droit des autres êtres sociaux de produire et de transformer librement leurs moyens de subsistance. C'est un mouvement de périphérisation toujours renouvelé.

Dans cette dynamique capitaliste, la vie quotidienne des travailleurs congolais se trouve être marquée par le salaire irrégulier, insuffisant ou même simplement absent. Par voie de conséquence, on voit se réaliser une double aliénation : la réduction de l'Etat en Etat garant des intérêts capitalistes - Etat compradore, dirait S. Amin- et, d'autre part du travailleur salarié en garant des intérêts des patrons, donc en ennemi de lui-même.

Pour Kazadi K., les phénomènes de résistances observées chez les travailleurs salariés dans le Haut Katanga Industriel tels que la prolifération des hommes d'affaires (commerçants grossistes comme détaillants et trafiquants), les détournements des deniers publics, les vols chez les travailleurs, les prêts à usure, l'absentéisme, le mutualisme tribal, les ristournes, les démissions du travail salarié, les refus de ce genre de travail, témoignent, en fait, d'une réelle prise de conscience par les salariés congolais, des conditions objectives d'existence leur imposées par le capital.

Mais, cette prise de conscience apparaît comme une conscience historique encore largement diffuse parce que simple conscience de condition. En effet, pour Kazadi, ces mécanismes relèvent de l'illusion. Ils enchaînent les travailleurs qu'ils ne les libèrent des sérails du capitalisme.

Le drame de ces salariés, estime-t-il, dont la conscience est ainsi endormie, est qu'ils s'interrogent moins sur la formation historique des conditions minées et minables dans lesquelles ils vivent et où les placent justement le circuit des affaires, le manque de contrôle suffisant de l'appareil commercial par l'Etat libéral et l'individualisme anarchique ainsi institué. Ce qui leur échappe : découvrir aussi que l'on peut prétendre s'être sauvé du capital industriel, du travail salarié mais se retrouver dans les circuits de reproduction du capital industriel par le petit ou grand commerce permettant l'augmentation de la production, reproduction du capital financier par la circulation élargie de la monnaie et finalement reproduction du capital commercial par le jeu inconscient de représentation locale des maisons-mères des marchandises importées.

Ainsi, donc, cette propension aux affaires généralisée et généralisante, plutôt que de combattre le capitalisme, parait consolider les conditions de sa réussite au Congo.

L'analyse minutieuse des études couvrant ces trois périodes fait ressortir que ces différents chercheurs ont cerné les classes sociales comme un effet du processus de l'industrialisation de la société congolaise à la suite de la colonisation, rendu spécifique par les formes particulières que prend le mode de production capitaliste dans les sociétés extra-occidentales, étant donné sa coexistence avec les autres modes de production, et par l'ordre socio-politique propre à la société congolaise. Ces études éclairent, par ailleurs, les mouvements et les enjeux sociaux, politiques, économiques et idéologiques qui ont marqué l'histoire du Congo, et permettent la compréhension de la situation actuelle de cette formation sociale à la périphérie du système capitaliste.

En outre, elles présentent, sous la forme pyramidale, la structure de la société congolaise composée des classes sociales ci-après :

La bourgeoisie

compradore

Le prolétariat urbain et rural

La petite bourgeoisie

urbaine

La paysannerie

Le lumpen prolétariat

Ces classes, comme le note G.N. Nzongola, sont le produit de la restratification des sociétés pré-capitalistes qui a créé la différence dans les modes de vie de populations indigènes, éclot une conscience différenciante parmi elles, surtout entre la bourgeoisie18(*) et la masse populaire.

Ce sont ces classes, à travers divers processus dans lesquels elles sont impliquées, qui président au devenir national. Elles sont analysées, comme nous pouvons le constater, à partir de la place qu'elles occupent dans le procès de production capitaliste.

Si la place de chacune des classes dans le procès de production économique a été clairement identifiée et leurs conditions matérielles suffisamment décrites à travers ces études, leur conscience de classe n'a pas été explorée. Seul, à notre connaissance, Clément Mwabila Malela a consacré des réflexions sur la conscience de classe en étudiant le prolétariat urbain de Lubumbashi19(*).

Dans sa configuration sociologique de l'époque, le prolétariat urbain de Lubumbashi paraissait à C.M. Mwabila à la fois comme organisé et inorganisé.

Organisé parce qu'il dispose d'un ensemble d'institutions dont la vocation est de prévenir et de résoudre les problèmes liés à la condition ouvrière, notamment le syndicat, etc. Mais, contrairement au prolétariat européen, celui de Lubumbashi subit la transformation sociale sans agir sur elle. Il l'accepte comme une prérogative de la puissance politique dont seuls les détenteurs du pouvoir, de la richesse ont le droit d'user. Cette incapacité du prolétariat d'influer sur les transformations sociales résulte de la dualité, du décalage existant entre la société nationale prise dans sa globalité et le poids de ses contraintes extérieures de domination technico-économique.

En plus, le dirigisme politique et idéologique qui en résulte sur le plan interne (sous le régime Mobutu), inspire au prolétariat de Lubumbashi un sentiment de soumission à l'Etat national, fondement légitime du pouvoir politique, et, par conséquent, aux dirigeants politiques auxquels sont associés les gens fortunés, ainsi que l'élite professionnelle et intellectuelle.

Inorganisé parce que, du fait de l'ombre omniprésente de l'instance politique qui impose le mutisme et ne tolère les contestations sociales pouvant remettre en question l'ordre social, les travailleurs de Lubumbashi se réfugient dans les organisations informelles pour assurer leur sécurité sociale. Ainsi, s'explique l'espoir qu'ils fondent dans les institutions spontanées de solidarité, créées en marge de l'organisation du travail, pour atténuer les aléas de la détérioration incessante de leur pouvoir d'achat. Il s'agit d'un comportement de fuite ou de retrait devant la dépersonnalisation culturelle due au système technique du travail où des types de relations mécaniques tendent à se substituer à la solidarité née des relations primaires.

Face à ces deux réalités, d'une part, le dirigisme dont le prolétariat fait l'objet politiquement et idéologiquement, d'autre part, la faiblesse interne entretenue notamment par son fractionnement ethnique, par sa séparation dans les entreprises, le prolétariat de Lubumbashi développe une conscience de condition au détriment de la conscience de classe. Alors que la conscience de condition est la reconnaissance pour les travailleurs de leur position sociale et repose sur l'acceptation de la hiérarchie, la conscience de classe postule une convergence d'intérêts particuliers dans un même mouvement de revendication active contre l'exploitation politique et économique et contre les aliénations, principe revendicatif susceptible de provoquer une mutation politique et économique.

La conscience de condition permet certes aux travailleurs de mesurer la distance qui les sépare des autres catégories sociales mieux nanties (employés, cadres africanisés, bourgeoisie naissante, etc.) mais du fait de leur manque d'unité, ils ne peuvent opposer à la privation et à la marginalisation un « principe revendicatif » cohérent selon le mot de A. Touraine.

C.M. Mwabila constate que la conscience de condition est segmentée et repose sur un projet de mobilité. Segmentée parce qu'elle se caractérise par un comportement s'inspirant tantôt de modèles traditionnels, tantôt de modèles modernes de type occidental (mutuel tribal-syndicat), et de mobilité à cause de l'espoir dans les chances d'ascension sociale de l'individu et plus encore de ses enfants.

* 15 La thématique centrale de cette période est prise en charge par les travaux suivants :

LONGANDJO, O, La paysannerie zaïroise et la loi du développement inégal .Contribution à la critique de la théorie de la dépendance, thèse de doctorat en Sociologie, UNILU, Lubumbashi 1981.

KALELE, K, Capitalisme et sous développement à Kabinda. Une étude des mécanismes de

domination et d'exploitation capitalistes, LABOSSA, Lubumbashi, SD.

GAMBEMBO, G, Multinationales et prolétarisation au Zaïre. Le processus de paupérisation des masses rurales au Kwilu par Unilever, thèse de doctorat en Sociologie, UNILU, Lubumbashi, 1988.

KAZADI K, M, Capitalisme périphérique et lutte de classes au zaïre. Contribution à la critique de la sociologie de l'impérialisme, thèse de doctorat en Sociologie, FSSAP, UNILU, Lubumbashi, 1993.

* 16 KAZADI, K. M. , op.cit, p.16

* 17 KALELE, K., Fonds monétaire international et la situation sociale au Zaïre. Basusu na bisengo, basusu na mawa, Labossa, Lubumbashi, 1983.

* 18 La bourgeoisie d'Etat ou la bourgeoisie compradore est sans base économique réelle, c'est-à-dire qu'elle n'est pas détentrice des moyens de production et des produits qui en résultent. La bourgeoisie locale de la périphérie est maintenue en place en vue de la garantie et de la protection des intérêts des véritables capitalistes qui appartiennent aux formations sociales du centre.

* 19 MWABILA, M., C., Travail et travailleurs au Zaïre. Essai sur la conscience ouvrière du prolétariat urbain de Lubumbashi, PUZ, Kinshasa, 1979.

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