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Le système communautaire de préférences tarifaires face aux règles de l'OMC

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par Mokhtar mbacké Ndiaye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) - Maîtrise Sciences Juridiques-droit public option Relations Internationales 2006
  

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1ère Partie : La question de la conformité du système communautaire de préférences tarifaires à « la clause d'habilitation »

Cette préoccupation est devenue légitime, dès lors que l'application des régimes spéciaux de préférences tarifaires a été constatée. Faisant ainsi, bénéficier à certains PED un accès en franchise de droits aux marchés des pays de l'Union Européennes, alors que d`autres doivent s'acquitter de l'ensemble des droits de douane10(*). C'est l'inde qui dans « l'affaire SPG drogues » va être à l'origine d'une telle question, en soulevant l'argument selon lequel un tel régime n'est pas justifié par la présente clause11(*). Ceci a laissé entrevoir cette nouvelle donne portée sur la compatibilité discutée du schéma communautaire aux conditions posées par la clause d'habilitation (Chapitre 1), pour ensuite laisser la latitude à l'UE de repenser son système afin de le rendre compatible avec les règles de l'OMC (Chapitre2).

CHAPITRE 1er : La compatibilité discutée du schéma communautaire aux conditions posées par « la clause d'habilitation »

Se pencher sur la compatibilité du schéma communautaire de préférences à la clause d'habilitation, c'est revenir indubitablement dans les différentes circonstances de la mise en oeuvre de ce fondement juridique, qu'est la clause d'habilitation. Principalement il s'agit d'apprécier le respect d'un tel système des dispositions de la clause.

Il faut alors retenir que, les préférences commerciales dont bénéficient des groupes déterminés de pays vont à l'encontre de l'un des principaux piliers du GATT, à savoir le principe de non-discrimination reflété dans la clause NPF, selon lequel (entre autres choses) les importateurs dans le cadre multilatéral doivent appliquer à tous les fournisseurs le même traitement que celui qu'ils appliquent au plus favorisé d'entre eux (article premier du GATT). Étant donné l'importance fondamentale de ce principe pour le système commercial multilatéral, les exceptions au traitement de la nation la plus favorisée sont étroitement circonscrites dans le GATT de 1994 et exigent une décision spécifique du GATT/OMC.

Le texte originel de l'Accord général n'envisageait pas de préférences en faveur des pays en développement. La seule exception au principe NPF introduite d'emblée dans le cadre juridique du GATT était la disposition concernant le libre-échange réciproque à l'intérieur d'unions douanières et de zones de libre-échange (article XXIV du GATT). Cette disposition ne pouvait pas être appliquée aux importations préférentielles provenant des pays en développement car ces préférences commerciales orientées vers le développement ne comportaient aucune réciprocité. De même, les préférences commerciales en faveur des pays en développement n'étaient pas censées couvrir "essentiellement tous les échanges", comme l'exige l'Article XXIV du GATT pour les zones de libre-échange. Comme aucune autre disposition de l'Accord général ne pouvait être invoquée pour les justifier, les préférences commerciales en faveur des pays en développement étaient tout simplement illégales à l'époque. Lorsque la Partie IV de l'Accord général, relative au commerce et au développement, a été négociée en 1964, plusieurs pays en développement ont suggéré de modifier l'article premier de l'Accord général de manière à autoriser les préférences commerciales en faveur de pays en développement12(*). Néanmoins, il n'a pas été possible à l'époque de parvenir à un accord sur des dispositions relatives au commerce préférentiel. Et la Partie IV du GATT, par conséquent, n'écarte la règle de réciprocité pour les pays en développement que lorsque les pays développés négocient avec eux des concessions (non préférentielles).

Ainsi, lorsque les pays développés ont commencé à accorder un traitement préférentiel au pays en développement, il a fallu trouver à cette fin une exemption spécifique au GATT. C'est ce qui va être fait au moyen de différentes dérogations accordées au pays développés, en vertu du paragraphe 5 de l'article XXV du GATT. La question des préférences commerciales a été évoquée de nouveau de manière plus générale au GATT lorsque l'approche du SGP a été adoptée dans un accord de la CNUCED en octobre 1970. Parmi les différentes formules envisagées pour résoudre le problème juridique qui en avait résulté au GATT, les Parties contractantes ont opté à nouveau, dans une décision adoptée en 1971, pour l'approche des dérogations. Pendant les négociations de Tokyo, toutefois, il a été constitué à la demande des pays en développement un "groupe-cadre" chargé de trouver une solution juridique plus permanente pour les préférences commerciales. À la suite des négociations, l'on est parvenu dans le cadre du Cycle de négociations de Tokyo à un accord que l'on a appelé depuis la "clause d'habilitation"13(*). Cet accord n'a pas modifié le texte de l'Accord général mais, comme il s'agissait d'une décision des Parties contractantes au GATT, il avait pour l'essentiel un effet juridique semblable. Rappelons aux fins d'une meilleure compréhension de cette partie du mémoire, les extraits pertinents de cette disposition :

« Nonobstant les dispositions de l'article premier de l'Accord général, les Parties contractantes peuvent accorder un traitement différencié plus favorable aux pays en développement sans accorder ledit traitement aux autres Parties contractantes ».

Plus spécifiquement, cette clause autorise l'octroi d'un

« traitement tarifaire préférentiel par les Parties contractantes développées pour les produits provenant des pays en développement conformément au Système généralisé de préférences »; « un traitement différencié et plus favorable ... en matière de mesures non tarifaires »; « des arrangements régionaux ou mondiaux ... entre les Parties contractantes les moins développées en vue de la réduction mutuelle ou de l'élimination des droits ... et des mesures non tarifaires concernant les produits importés les uns des autres »; et

« Doivent s'abstenir dans toute la mesure possible de demander des concessions ou contributions en contrepartie des engagements qu'ils ont pris pour réduire ou éliminer les droits de douane et les autres obstacles au commerce des pays moins avancés, et ces derniers ne doivent pas être censés accorder des contributions ou concessions incompatibles avec leur situation et leurs problèmes particuliers ».

Pour donc aboutir à une compréhension exacte et non erronée de ces extraits de la clause d'habilitation, ils doivent être lus en s'attachant à une précision fournie dans une note de bas de page au paragraphe 2a, qui donne une précision de taille en ajoutant que le SPG quel qu'il soit, doit être conçu « sans réciprocité ni discrimination, qui serait avantageux pour les pays en voie de développement ». Ces textes donnent par conséquent, les conditions premières que doivent remplir le SPG communautaire. De ce constat, deux questions confinées sous une seule articulation principale se posent : Le schéma de l'UE est il compatible à la clause d'habilitation prévoyant, que les préférences généralisées doivent être octroyées « sans discrimination ni réciprocité »?

Ces deux questions soulevées l'ont été respectivement l'une lors du règlement de l'affaire « SPG drogues » et l'autre dans un débat ouvert dans le cadre multilatéral.

SECTION I : La compatibilité au principe de non discrimination

Cette question de la compatibilité du schéma communautaire de préférences tarifaires, au principe de non discrimination, s'est posée dans le contentieux devant l'organe de règlement des différends de l'OMC. L'Inde bénéficiait ici du régime général de préférences (SPG général), mais d'aucun régime additionnel. A la suite de consultations infructueuses avec la Communauté Européenne, elle a sollicité le 9 Décembre 2002, l'établissement d'un Groupe spécial. Au moment de la saisine de l'ORD, elle a contesté la conformité des trois régimes SPG additionnels. Par la suite, elle a limité sa plainte au seul SPG drogues, en soutenant principalement que ce dernier était discriminatoire. Dans cette mesure, il ne respectait pas la « clause d'habilitation »14(*).

Dans son rapport du 1er décembre 200315(*), le groupe spécial va retenir que le SPG drogues devait s'appliquer à tous les pays en développement bénéficiaires du SPG général, au risque sinon d'être discriminatoire. Ainsi, par son caractère sélectif c'est-à-dire sa liste fermée quant aux pays choisis, il ne respectait pas la condition de la non discrimination. Cette conclusion du Groupe spécial part du fait de, l'interprétation du paragraphe 2 de la clause d'habilitation et de sa note de bas de page de ladite clause, qui prévoit que l'octroi du SPG doit être sans discrimination. Elle donne pour implication que, l'expression « sans discrimination » contenu dans ce paragraphe 2 exige que les préférences tarifaires dans le cadre du schéma communautaire soient accordées à tous les pays en développement, sans différenciation16(*). L'UE a par contre, tenté de contourner cette interprétation, en retenant que, certaines différenciations sont prévues par la clause d'habilitation dans le paragraphe 2d, qui prévoit la mise en oeuvre d'un

« Traitement spécial accordé aux pays en voie de développement les moins avancés dans le contexte de toute mesure générale ou spécifique en faveur des pays en voie de développement »17(*).

Mais, c'est une interprétation à propos de la compatibilité du SPG drogue avec la clause d'habilitation qui met clairement en évidence le caractère discriminatoire et injustifié de ce schéma de la Communauté Européenne.

A ce niveau de la question, la compatibilité du schéma communautaire au principe de non discrimination semble être clair. Au point de mentionner que le SPG tout entier a présenté des faiblesses qui ont fortement entravé son efficacité dans le cadre multilatéral.

Ainsi, l'UE n'a pu s'empêcher de déterminer la liste des produits auxquels un traitement préférentiel sera appliqué à l'entrée sur leur marché et de décider  de la durée d'applicabilité des avantages qui leur ont été conférés. Ceci explique tout à fait le recours introduit par l'inde au près de l'ORD. On assiste à une certaine classification des PED qui aboutit à cette controverse. Pour les pays européens ce schéma de préférences doit reposer sur des fondements présumés objectifs et basés sur les avancées effectives ou possibles de certains des domaines tel que la lutte contre le trafic de drogue. Mais, ce sont des considérations politiques, qui prennent une part croissante dans les pratiques de l'UE. Des pratiques qui sont, du reste, discriminatoires en se fondant sur l'interprétation que l'Organe d'appel a eue à donner à ce principe directeur des SPG.

De fait, confirmant l'idée générale qui se dégage plus haut des critiques empiriques ont confirmées l'accès restreint de certains pays en développement au SPG communautaire. Ces pays ont bénéficiés d'avantages disproportionnés.

Des données fournies par la commission européenne elle-même, confirment ce constat qui demeure largement valable dans ce travail: en 2002, les dix premiers bénéficiaires du SPG de l'UE ont été à l'origine d'environ 78 % de toutes les importations de l'UE bénéficiant un accès préférentiel. A elle seule, la Chine a bénéficié d'un tiers des avantages et les trois premiers bénéficiaires, Taiwan, la Corée du Sud et Hong kong ont reçu 50% des préférences. Cette répartition des avantages entre une poignée de pays peut être interprétée dans la même logique des idées de cette partie. C'est-à-dire que le SPG de l'UE ne répond pas à l'un des critères les plus importants qui s'applique à tout instrument de développement, à savoir l'équité, de sorte que de nombreux pays en développement sont effectivement privés des avantages18(*) (voir tableau 1).

Tableau 1 : utilisation du SGP de l'UE, 2002

 

Importations

taxables

(millions €

Part du

total en

pourcentage

Montant

concerné

par le SGP

(millions €)

Part du

total en

pourcentage

Montant

bénéficiant

des

préférences

(millions €)

Part du

total en

pourcentage

Taux

d'utilité

Chine

56 740

34,4 %

24536

24,6%

17 646

34,4 %

71,9%

Inde

9 564

5,8 %

7 480

7,5 %

6 129

11,6 %

81, %

Indonésie

6 538

4 %

4 767

4,8 %

3 009

5,7 %

63,1%

Vietnam

3 696

2,2%

3 673

3,7%

2 540

4,8%

69,2%

Brésil

5 284

3,2%

3 392

3,4%

2 530

4,8%

74,6%

Thaïlande

6 669

4%

3 607

3,6%

2 375

4,5%

65,8%

Afrique du

Sud

5 107

3,1%

4 822

4,8%

2 249

4,3%

46,6%

Bangladesh

3 130

1,9%

3 117

3,1%

1 908

3,6%

61,2%

Pakistan

2 615

1,6%

3 117

3,1%

1 908

3,6%

61,2%

Argentine

1871

1,1%

1 698

1,7%

1 333

2,5%

78,5%

Total

165 055

61,3%

99 834

58,9%

52 867

78%

53%

Source : Calculs effectués à partir de données fournies par l'Union européenne

Il faut toutefois, préciser que l'Organe d'appel a infirmé partiellement le 7 avril 2004 ces conclusions, en reconnaissant tout de même l'incompatibilité du SPG drogue de l'UE avec les disciplines de l'OMC. Selon lui, ce dernier ne doit pas être obligatoirement être octroyé à tous les pays en développement. Par contre, il admet à ce stade que la liste des bénéficiaires était « fermée ».

C'est une autre lecture que l'Organe d'appel a portée sur la clause d'habilitation, mais en confirmant l'incompatibilité du régime de lutte contre la drogue avec cette clause. L'organe d'appel va sur une autre logique, qui a consisté à l'admission de différenciation dans l'octroi des SPG entre pays en développement dans une situation semblable19(*). C'est-à-dire qu'il est possible de parler d'un certain choix dans la liste des PED. L'organe d'appel soutient à cet effet que le

« Sans discrimination »,  « tel qu'il est libellé, n'autorise, ni n'interdit explicitement l'octroi de préférences tarifaires différentes à des bénéficiaires du SPG différents »20(*).

Cette différenciation consiste à prendre en considération les différents stades de développement des PVD. Il y'a là une démarche sectionnée, pour aboutir sans hésiter, à une prise de position semblable à celle du Groupe spécial. A savoir, la confirmation de la non compatibilité du schéma communautaire de préférences tarifaires au principe de non discrimination.

La liste d'octroi des SPG drogue est limitée sans aucun critère objectif. L'opacité de ce SPG spécial est d'autant plus visible dans les propres termes de l'Organe d'appel :

 « Même à supposer que le Règlement prévoie que la liste des bénéficiaires du régime concernant les drogues puisse être modifiée, il ne donne lui-même aucune indication quant à la manière dont les bénéficiaires du régimes ont été choisis ou quant aux types d'éléments qui pourraient être pris en considération pour déterminer l'effet du `problème de la drogue' pour un pays particulier »21(*).

Le système passe donc, pour n'être ouvert que pour une liste précise de pays en développement, sans critères politiques explicites et évident.

Le SPG communautaire présente inexorablement des concessions tarifaires sélectives, des réglementations opaques et complexes et de règles d'origines strictes et restrictives. De fait, confirmant l'idée qui se dégage de ces critiques, des études empiriques22(*) montrent qu'un groupe relativement restreint de pays en développement a bénéficié de privilèges jugés discriminatoires par les pays se trouvant dans la même situation. On pourrait clairement avancer, que cela signifie que le SPG de l'UE ne répond plus à l'un des critères les plus importants qui s'applique à tout instrument de développement.

Cette différenciation, semble avoir une incidence négative dans la compétitivité des PVD dans le cadre multilatéral. Car, en vertu de la clause d'habilitation, les préférences tarifaires accordées par les pays développés ne doivent pas faire de discrimination entre les pays en développement, sous réserve de la possibilité d'accorder des préférences plus généreuses à tous les pays les moins avancés (PMA). Les régimes préférentiels spéciaux suscitent donc des difficultés à l'OMC car ils ne sont pas conformes à la clause d'habilitation.

Il a été constaté par conséquent, au-delà de la clarté des SPG spéciaux communautaires leur caractère discriminatoire. S'il est question, de faire la transposition des conclusions tirées ici aussi bien par le Groupe spécial et l'Organe d'appel cela conduirait à juger incompatibles les préférences généralisées communautaires. Mais, cette incompatibilité est un débat ouvert à un autre niveau dans le cadre multilatéral. Les SPG communautaires ont été taxé d'être désormais un schéma de préférences réciproques.

* 10 Stéphane De la Rosa, op.cit.

* 11 Demande d'établissement d'un groupe spécial présenté par l'inde, Communautés Européennes - conditions d'octroi de préférences tarifaires aux pays en développement, 9 décembre 2002 (WT/DS246/4).

* 12 Pour un bref historique des préférences en faveur des pays en voie de développement dans le contexte du GATT, voir Long (1985), p.99 et suivantes et Senti (1986) p.112 et suivantes.

* 13 GATT, Instruments de base et de documents sélectionnés, 26ème supplément (1980), p.203-205.

* 14 Voir annexe I, L'affaire du « régime sur les drogues » Inde-UE : faits, procédure et prétentions des parties

* 15 Document WT/DS246/R

* 16 Rapport du groupe spécial, §§ 7.167-7.175

* 17 Rapport du groupe spécial, §§ 9.18-9.21

* 18 Candau, Fabien, Lionel Fontagne et Sebastien Jean (2004), `The utilisation of Preference in the EU', mineo, présenté à la 7eme Global Economic Analysis Conference, Washington, 17-19 juin 2004.

* 19 Stéphane De la Rosa, op.cit

* 20 Rapport de l'organe d'appel, §146

* 21 Rapport de l'organe d'appel, §181

* 22 Voir l'étude du Centre Africain pour les Politiques Commerciales, « L'Afrique et les préférences commerciales - Etats des lieux et enjeux », P.64

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