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La souveraineté de l'état au début du XXIème siècle: L'exemple du Congo-Brazzaville

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par Aymar DE LA KIMEL
Université de Poitiers - Master Recherche 2007
  

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SECTION I : LA SOUVERAINETE DANS LA SURVIE DE L'ETAT

Les menaces sur la souveraineté prennent leur source dans la faiblesse de l'Etat qui n'arrive pas à s'adapter à la nouvelle donne à cause d'une mauvaise orientation des acteurs politiques. Ces derniers ne s'intéressent qu'à résoudre les difficultés d'aujourd'hui, c'est-à-dire en militant pour les projets de l'immédiateté. Ces projets qualifiés de « projets à court terme » ne pallient pas les difficultés car il faut les exécuter du jour au lendemain et surtout la politique de la nouvelle caste se contente du ventre. Mais la primauté du droit international sur le Congo-Brazzaville pose un fondement (§1). En partant de ce postulat, il en résultera des observations (§2).

§1 : LE FONDEMENT DE LA SURVIE DE L'ETAT

L'Etat est considéré comme un ensemble constitué d'un groupe humain assis sur une aire géographique déterminée et ayant une autorité centrale, ce qui est qualifié de monopole de la « contrainte légitime149(*) ». Ce faisant, il a l'obligation d'harmoniser les rapports entre ses trois composantes ainsi que celles des autres Etats qui partagent la même histoire que lui. Les gouvernants se voient ouverts vers l'extérieur pour bénéficier de la légitimité en vue de mener une action pour le développement. Il y a donc un infléchissement dans la conception de la souveraineté150(*) au Congo-Brazzaville entre la période du « socialisme-scientifique » et celle d'après la conférence nationale souveraine.

A/ - L'harmonisation horizontale et verticale des rapports

C'est en toute souveraineté que le Congo-Brazzaville organise minutieusement les rapports de ses composantes. On assiste prima facies à une volonté des gouvernants consistant à pratiquer une politique de « municipalisation accélérée » dans le cadre de l'aménagement du territoire151(*) en vue de réduire les écarts de niveau de vie entre les deux principales villes et le reste de l'Etat. Déjà, la répartition inégale de la population sur l'étendue du territoire national impose de nouvelles orientations pour permettre au gouvernant de bien assurer la sécurité des biens et des personnes dans une République affaiblie par des conflits et dont les armes sont illégalement détenus par presque toutes les couches sociales. Par exemple, le vol à main armé couramment appelé « braquage » est le vol le plus répandu à Brazzaville depuis la fin des hostilités de juin-octobre 1997.

Ensuite apparaît d'un côté le problème identitaire. Les différents groupes linguistiques ont développé des liens affectifs avec les lieux plus restreints que le territoire, ceux concernant les traces du passé sont relégués au second plan. Cette attitude s'explique par le fait qu'il n'y a pas des lieux de mémoire que sont les monuments et toutes les formes d'expression architecturale ou artistique liée à une culture. Par ailleurs, ces lieux, s'ils existaient, peuvent susciter de nombreux problèmes dès lors que les groupes ethniques résidants ne sont pas ceux qui s'identifieraient à cet héritage à l'instar de la dispute israélo-palestinienne sur la ville de Jérusalem ou celle des Albanais et Serbes au Kosovo.

Toute l'histoire du Congo-Brazzaville, d'un autre côté, se construit autour des personnages, devenus des héros, qui par leur sagesse et leur bravoure ont marqué les consciences populaires. Les marxistes-léninistes regrettent leur doctrine d'usurpation de l'histoire d'un peuple qui se fondait sur le changement du point de départ de l'histoire nationale sur tous les plans. Cette lamentation conduit à une reprise de conscience pour redéfinir mais surtout encadrer tous ces personnages qui ont joué un rôle primordial dans le processus d'édification d'une nation congolaise.

Si l'Etat en Occident est le fruit d'un cheminement de plusieurs siècles dans lequel la nation précède l'Etat, le Congo-Brazzaville est dans une logique contraire152(*). En effet, il n'y a toujours pas une nation derrière chaque Etat et une nation peut exister sans un Etat à l'instar de la Palestine. Le processus de construction de l'Etat congolais est sans exception celui suivi par tous les Etats extra-européens. Ce faisant, le Congo-Brazzaville fut d'abord une société d'économie153(*), celle-ci proche de celle instituée en Amérique du nord, avant de devenir une société politique. Cette société d'économie est longtemps restée sous la direction des exploitants miniers et agricoles. Mais ces derniers exerçaient un pouvoir stricto sensu féodal, une force utilisée à l'encontre des autres qu'ils traitaient en esclavage. Un pouvoir pareil n'a pas pour fin la construction d'un ordre stable sur un vaste territoire.

Cette force a permis aux concessionnaires d'exploiter par le biais du travail forcé les ressources. Tout le monde a pris conscience des conséquences que cela a provoquées sur les populations dans tous les départements. Les politiques ignorent que le  pouvoir ne peut voir le jour que si les hommes se réunissent en vue de l'action et il disparaît quand, pour une raison ou pour une autre, ils disparaissent et s'abandonnent les uns et les autres (...). Quand des hommes réussissent à conserver intact le pouvoir jailli entre eux au cours d'une action particulière quelconque, c'est qu'est déjà engagé le processus de fondation par lequel ils constituent un édifice stable154(*). Dans cet ordre d'idées, ils devraient prôner la cohésion sociale car le pouce ne lave jamais le visage155(*).

Le tribalisme caché fait que chaque gouvernement est composé en fonction des clivages ethniques156(*). C'est une représentation géo-ethnique qui est pratiquée lors de la répartition des portefeuilles ministériels afin d'intéresser toutes les sensibilités à l'action gouvernementale. Tous les efforts menés par l'élite sur cette question finissent par se révéler inefficaces du moment qu'ils ne s'intéressent pas à prendre le mal à sa racine. Pourquoi tout citoyen aspirant à une fonction représentative tend-il toujours à s'appuyer sur sa terre d'origine ?

Cette question constatée au Congo-Brazzaville a aussi une valeur pour beaucoup d'autres Etats comme la France. Est-ce pour autant dire que le tribalisme a une origine politique ? La réponse à cette question ne peut être que positive car ce concept né de la tradition romaine renvoie à une certaine organisation administrative de l'empire. Mais ce qu'il faut bannir ce sont les abus de la manipulation humaine assise sur les tribus157(*).

L'autorité centrale combat toujours toutes les formes de coutumes qui constituent en soi une source de tribalisme ou de haine à cause d'une opposition acharnée entre clans. Une loi pénale de 1962 réprime par exemple la coutume téké qui consiste à balafrer toute leur progéniture. En effet, la présence des balafres sur le visage d'un Congolais est à l'origine de la rupture du principe d'égalité entre citoyens. Personne ne peut ignorer l'appartenance ethnique d'un tel citoyen balafré puisque la langue n'est plus un critère déterminant pour justifier l'appartenance ethnique d'un individu dans l'Etat. Déjà, certaines langues ont dépassé leurs limites géographiques158(*).

Les mariages inter-claniques sont encouragés et le code de la famille congolais159(*) n'autorise l'opposition des parents au mariage de leurs enfants que pour des motifs légitimes reconnus par le procureur de la République. En plus, une loi de 2005 proscrit tout parti politique fondé sur des considérations ethniques. Mais le retard enregistré pour la consécration et la promotion pratique des droits individuels et collectifs constitue le principal handicap afin d'atteindre les résultats souhaités.

Enfin, face à une caste au pouvoir qui ne satisfait pas les attentes des gouvernés, les populations constatent les dommages d'une mauvaise gouvernance. Cette attitude consolide davantage les liens de solidarité entre les différentes catégories et composantes ethniques. Elle procure plus de compassion à l'égard des populations de la même entité linguistique que le gouvernant incarnant l'autorité de l'Etat. C'est à tort que certains croient que toutes les personnes appartenant à l'ethnie de ce gouvernant tirent profit du gaspillage des deniers publics. Tout le monde réalise que les gouvernants constituent une autre forme d'ethnie qu'il faut bannir. Il naît donc une autre forme de tribalisme entre l'ethnie-gouverné et l'ethnie-gouvernant.

Par ailleurs, les faiblesses d'une jeune République poussent l'Etat à consentir à de nombreux transferts de souveraineté sur des matières qu'il n'arriverait jamais à gérer seul. Ces transferts sont à l'origine d'une harmonisation verticale des rapports parce que ce ne sont plus ses sujets qui sont la cible de telles mesures nouvelles mais ceux des Etats de la sous-région.

Le transfert de compétence à une institution supranationale ne tue pas la souveraineté mais au contraire renforce celle-ci en vue de résister à d'éventuelles immixtions de diverses natures dans les affaires intérieures de l'Etat. Si l'Etat consentit à une intervention extérieure dans sa sphère d'action, ce n'est pas de l'ingérence sinon de la coopération. Celle-ci est animée par des raisons qui justifient des transferts de souveraineté à l'instar de la réalisation de l'unité politique dans l'Union européenne160(*).

Les faiblesses d'un Etat en construction suscitent la politique d'institution des unions politico-économiques. En effet, Le Congo-Brazzaville a connu les bienfaits de cette politique à l'époque de l'AEF pendant laquelle il était associé à la CEE161(*). Cette politique a persisté jusqu'alors. Elle favorise la coopération dans la sous-région entre les Etats voisins constitués par des peuples parlant à majorité les mêmes langues. Cela a conduit à de nombreux accords bilatéraux et plurilatéraux entres eux. Par exemple les deux Congo, le Congo-Brazzaville et la RDC, disposent d'une police commune chargée d'assurer la sécurité entre les deux rives du fleuve Congo. Ils ont aussi consacré une libre circulation des personnes entre les deux capitales politiques : Brazzaville et Kinshasa.

La panoplie de ces instruments d'harmonisation des relations sous-régionales souffre d'une absence d'effectivité due à la non-réalisation des mesures d'accompagnement. Les textes sans support permettant leur application sont de simples meubles d'ornement. C'est ainsi que la liberté d'aller et venir des personnes ainsi que des marchandises reconnues aux ressortissants de la CEMAC dans le territoire des Etats membres est un rêve. Elle est toujours ignorée par tous car certains Etats membres exigent aux ressortissants des autres Etats un visa pour entrer dans leur territoire.

L'absence d'infrastructures rend davantage illusoire l'expression de cette liberté d'aller et venir. D'ailleurs, les voies de communication constituent la majeure difficulté pour les citoyens des différents Etats membres de jouir de cette liberté. Seules les Brazzavillois et les Kinois jouissent d'une telle liberté car les citadins de ces deux villes par l'augmentation du trafic traversent le fleuve sans contrainte consulaire.

Il est vrai que les relations entre ces Etats que sont le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Tchad, la Centrafrique, le Cameroun...visent à renforcer la sécurité des régimes en place. Elles relèguent les populations au second rang. Les gouvernants se contentent d'harmoniser davantage le traitement dont bénéficient les groupes des Multinationales opérant dans la région puisque les agents de ces groupes ont le droit de circuler librement dans cet espace.

Déjà l'exploitation pétrolière rapproche plus le Congo-Brazzaville, le Gabon et l'Angola étant donné que cette activité menée en ZEE se trouve concentrée dans des zones inter-frontalières non seulement qui échappent au contrôle des Etats mais également où les agents des filiales des Multinationales installées dans les Etats concernés peuvent travailler sur une même plate-forme.

La méfiance de certains gouvernants vis-vis de ceux relevant des Etats en instabilité corrobore leur volonté de durcissement des conditions de séjours dans leur Etat. Pour ce fait, le Congo marxiste ne saurait admettre l'interpénétration des peuples dont les gouvernants sont des marginaux de l'impérialisme. Cela est illustré par sa volonté et son soutien accordés au MPLA pro-marxiste dans le processus de l'indépendance de l'Angola. De même, le Congo-Brazzaville et le Bénin ont conclu un accord d'établissement162(*) que l'Etat n'a pas encore conclu avec un autre Etat de la sous-région ni même pour les ressortissants des autres Etats membres de la CEMAC. Aussi la politique d'intégration des Etats de l'ancienne AEF diffère-t-elle de celle de l'AOF.

Le développement des voies de communication et la suppression des frontières dans la CEDEAO permettent la libre circulation des personnes et des biens. En effet, il y a des routes bitumées liant les grandes villes des Etats membres. Déjà, les commerçants congolais vont à Accra et à Lomé via Cotonou par camion ; ce trajet n'est pas possible dans la CEMAC. Les populations de cet espace sont plus dépendantes les unes des autres pour des raisons historiques et géographiques. On peut citer la crise ivoirienne par exemple dès lors qu'elle a eu des impacts sur les populations des Etats voisins comme le Burkina Faso.

Nous nous rendons finalement compte que la politique de l'harmonisation des relations entre gouvernants se dilue dans une politique d'estime pour bénéficier du soutien des autres Etats membres de l'ONU. Elle est un objet de mesure pour bénéficier de la confiance de cette communauté des Etats en prônant même une coopération judiciaire pour une démocratisation durable ainsi que la pérennisation de la justice. La justice ne serait pas juste si elle restait l'apanage d'une seule entité.

B/ - La légitimité démocratique

Le processus de démocratisation lancé après la conférence nationale au Congo-Brazzaville souffre encore de ses mauvais fondements163(*). Cette démocratisation revêt une forme différente de celle adoptée par le Gabon ou le Bénin pendant la période transitoire de 1991-1992. Il faut admettre que le concept de « démocratie » est présent dans le langage politique congolais. Il concerne également d'autres Etats soit d'obédience socialiste comme les ex-Républiques dites « démocraties populaires » de l'Europe orientale et centrale, soit d'obédience « monopartiste » comme au Gabon ou bien dans l'ex-Zaïre.

En revanche, cette démocratie populaire ne connaissait pas la contradiction d'idées. Elle consacrait une religion d'Etat qui était l'idéologie marxiste. Les instructeurs étaient répartis sur l'étendue du territoire national pour instruire les jeunes pionniers afin de pérenniser les valeurs du « socialisme-scientifique ». Cela avait pour conséquence des élections présidentielles à candidat unique et législatives à liste unique qui, en réalité, furent des consultations de renouvellement de confiance. Le chef d'Etat en sa qualité du président du parti n'était pas susceptible d'être élu en dehors du parti.

C'est le parti qui dirige l'Etat. Par exemple, le parti unique zaïrois faisait une propagande inlassable sur les mérites d'être dirigé par un seul parti et avoir un seul président. Il en ressort que toute personne n'a qu'une mère et est soumise à l'autorité d'un seul Dieu Créateur tout le long de sa vie. Il y avait aussi des situations spécifiques dans l'ordonnancement des normes. Par exemple, la charte du parti avait une valeur supra-constitutionnelle164(*). Ainsi, lors des consultations populaires, il y avait un seul bulletin : c'était le bulletin rouge pour le Congo ou vert pour l'ex-Zaïre.

Mais les choses ont changé aujourd'hui. La démocratie plurielle fondée sur un multipartisme est la règle d'or dans les relations internationales. Ce mouvement en faveur de la démocratie s'accompagne d'initiatives normatives qui incitent à évoquer la naissance d'un principe de légitimité qui impliquerait au terme de son progrès que seuls soient légitimes, au regard du droit international public, les régimes de démocratie libérale165(*). Ceux-ci sont fondés sur le respect des droits de l'homme et sur des processus électoraux libres et transparents. Dans cet ordre d'idées, les Etats du Sud qui critiquaient l'injustice166(*) dans ces relations subissent les mêmes critiques de la part des Etats du Nord. Ces derniers ont incorporé dans leur politique d'aide au développement la protection des droits de l'homme qu'avaient défendue les Etats du Sud167(*) au sein de l'Assemblée générale de l'ONU.

Les Etats Membres de l'Union européenne ont affirmé une telle volonté168(*) dans le cadre de leur nouvel instrument encadrant les échanges UE / ACP. Comme l'avait déclaré le professeur Pinheiro devant l'assemblée paritaire ACP-CE réunis à Luxembourg en 1997 : je dirais que Lomé IV, tel un grand navire, poursuit un parcours en vue duquel elle a été conçue (...), tandis que l'on s'apprête à mettre en service une nouvelle alimentation en énergie et de nouveaux instruments de pilotage (...). Cette nouvelle alimentation concerne la prise en compte d'une dimension politique169(*) dans le cadre de l'accord du 23 juin 2000 conclu au Bénin entre ces différents sujets. Mais ce fait révèle une conséquence de la prise en compte des libertés et droits fondamentaux dans le cadre institutionnel du Marché commun européen qui n'avait pas incorporé cet aspect dès sa formation.

La dimension politique concerne les modalités d'alternance au pouvoir, le multipartisme, la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme, etc. Cette perspective est celle de l'Europe occidentale qui avait accordé une place au principe de légitimité démocratique au sein de la CSCE. Le CE exige la démocratie au lendemain de la seconde guerre mondiale170(*) et le premier Protocole additionnel à CESDH adopté en 1952 recommande aux Etats parties d'organiser des élections libres et périodiques. Il en résulte que la communauté des Etats dans son ensemble est favorable à la consécration des droits et libertés fondamentaux dans tous les Etats171(*) ; le renforcement et l'extension de la démocratie sont affirmés.

Les bases du droit international ne sont pas remises en cause par ces faits. Il y a le respect du consentement des Etats qui ont souverainement admis ce virement dans leurs rapports avec l'UE. Par conséquent, la démocratisation prime la souveraineté de l'Etat172(*) dans leurs relations réciproques. Ne pas admettre la démocratie est le revers même de la souveraineté.

Les élections ont été longtemps laissées dans l'indifférence par un droit international173(*) victime de la guerre froide, qu'elles aient eu lieu ou non, qu'elles aient été ajournées ou non, authentiques ou libres, qu'elles aient été frauduleuses ou viciées. D'ailleurs, le Congo-Brazzaville ne saurait admettre une surveillance de ses élections dans son passé. Une telle vision s'est modelée sur les avancées du temps : désormais, les élections se déroulent en présence des observateurs internationaux.

Le principe des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes est, en effet, incontestablement étranger à la question de savoir si l'exercice de ce droit à l'autodétermination doit conduire à un Etat démocratique174(*). Mais la volonté de doter un Etat des institutions démocratiques est admise aujourd'hui et les Etats s'y conforment comme si cela était du droit. Cette pratique pourrait faire apparaître une coutume dans le droit international public. Par exemple, tous les Etats qui ont reconnu le gouvernement de Brazzaville en octobre 1997 réclamaient le rétablissement des élections démocratiques.

Il sied de remarquer que l'organisation des élections est aujourd'hui l'instrument de mesure de la démocratie. Chaque fois que l'on parle des élections, on parle de l'état défectueux ou non de la démocratie dans un Etat à l'instar des erreurs survenues dans les élections présidentielles des Etats-Unis en octobre 2000. Tout le monde a parlé des faiblesses de la démocratie américaine. Cela vaut aussi pour les élections nigérianes d'avril 2007 qui se sont déroulées dans la violence.

Or la démocratie devrait se mesurer à partir d'un fuseau d'indices qui tourne autour des droits de l'homme car être dirigé par une autorité choisie n'est que l'expression d'une des libertés reconnues à tout citoyen, membre d'une société organisée. Ainsi, on pourra facilement dénicher les « démocratures175(*) » dans les Etats comme le Congo-Brazzaville ou ailleurs.

Le constitutionnalisme de promotion des droits et libertés fondamentaux à l'occidentale déferle sur la scène internationale avec une force sans précédent. Tous les Etats adoptent des constitutions avec des principes d'économie libérale, c`est à dire qu'ils insèrent des normes du marché reconnues par tous. Chaque entité étatique se dote des constitutions par voie référendaire. Elles s'étalent sur un modèle présidentiel implicite ou explicite : ceci concerne les Etats africains francophones. Il y a une évidence. En se dotant des règles occidentales d'organisation des prérogatives publiques, l'Etat est vite admis par les grands clubs financiers. Il devient un partenaire transparent et privilégié car les relations internationales sont aujourd'hui animées par des expressions comme « conditionnalités » et « ajustement structurel ».

Cela étant, la démocratisation ne peut se construire à petit feu comme en Occident mais elle doit être accélérée. Par conséquent, elle devient un bien universel pour tous. Aucun Etat ne peut s'en démarquer. Mais de telles pratiques finissent par engendrer plusieurs difficultés176(*) dans l'intériorisation des valeurs importées et mal adaptées ou différentes des valeurs africaines.

La démocratie congolaise hésite encore et elle est lion de s'affirmer. Les constitutions successives du Congo populaire reconnaissent que la République populaire est un Etat démocratique177(*) et travailleur. Elle a pour devise : travail- démocratie- paix. Cette perspective d'une démocratie verbale reste toujours la règle d'or de nos jours. En effet, les deux dirigeants les plus populaires sur la scène politique ont scellé un accord pour une majorité présidentielle au cours des élections législatives de cette grande saison sèche (cet été) 2007. Ce sera le PCT et le MCDDI qui gouverneront ensemble ; la coalition URD- FDU est ressuscitée après neuf ans d'exil du président fondateur du MCDDI. Cette situation rappelle les accords de 1963 conclus par les différents états-majors des trois partis politiques178(*) les plus représentatifs, source des « trois glorieuses » du 12 au 14 août 1963.

Mais tant que les intellectuels des territoires décolonisés qui ont importé la démocratie n'arriveront pas à concilier la pratique culturelle de l'exercice du pouvoir et les principes démocratiques exogènes, il n'y aura pas de progrès politique, social et économique. Les valeurs occidentales ne sont pas les valeurs orientales. Une telle différence impose une prise de conscience de masse tout en privilégiant les valeurs endogènes179(*). Déjà, la culture de la palabre180(*) sur laquelle se fonde la juridiction traditionnelle africaine est l'exemple type à ne pas ignorer dans les potentialités des moeurs de ces territoires. La médiation judiciaire consacrée en France fonctionne de la même façon que la palabre puisque le but est de concilier les parties, de parvenir à une solution à l'amiable.

D'ailleurs, les gouvernants congolais comme leurs homologues africains restructurent leur Etat pour plaire et donc, avoir de l'estime à l'extérieur. Tout cela mérite quelques observations en vue de bien appréhender la situation justifiant de telles bases chères aux Etats au XXIe siècle.

§2 : OBSERVATIONS SUR CETTE CONSTATATION

Dans la conception moderne de l'Etat souverain, l'Etat n'est pas une entité libre dans son organisation interne comme l'a prétendu la doctrine181(*) au lendemain de chaque guerre mondiale. La nouvelle lecture des textes, en l'occurrence la charte de l'ONU, entraîne des bouleversements considérables quant à l'autorité des Etats de défaire tout ce qu'ils ont fait. Sur ce point, on trouve les lacunes des théoriciens de l'autolimitation des compétences de l'Etat182(*).

L'Etat est libre d'admettre les droits qui lui soient opposables, il l'est aussi pour tous ces droits qu'il n'a pas consentis. L'introduction du principe de la majorité dans l'adoption de certains textes internationaux ouvre la voie à une construction de la société des Etats qui est loin d'être à l'âge de sa majorité. C'est ainsi que s'expliquent par exemple les débats entre les défenseurs de l'intervention humanitaire dans un Etat et les défenseurs de la primauté de la Charte183(*) dans les rapports interétatiques.

La disparition de l'URSS a permis l'encouragement, voire la prise en charge par l'Occident de la démocratisation de l'Afrique. La démocratie n'est plus un sujet tabou sur le continent car les liens personnels entre les différents chefs d'Etat africains et ceux du bloc capitaliste ne sont plus identiques à ceux de l'époque des blocs. La durée illimitée de leur mandat et surtout l'absence du pluralisme sont critiquées. Est-ce pour dire que l'Afrique était déjà mûre184(*) pour importer la démocratie plurielle après l'effondrement du mur de Berlin ? Il est vrai que les conférences de démocratisation dans les Etats qui sont des « scandales géologiques185(*) » ont été des échecs. L'importation de cette démocratie est la cause directe de beaucoup de conflits sur le continent puisque dans beaucoup d'Etats le dialogue a fait défaut186(*) ou bien c'est le chef d'Etat lui même qui a régné en maître souverain tout le long des plénières de la conférence comme au Gabon.

On pourrait croire que la souveraineté a été longtemps reconnue à des mouvements de libération nationale grâce aux droits des peuples à disposer d'eux-mêmes. La collaboration en la matière avait pour but l'émancipation des peuples sous domination. Ce droit n'a plus de valeur dans une région où tous les peuples sont décolonisés. Alors, pourquoi ne pas admettre une telle collaboration au profit des mouvements nationaux en lutte contre la tyrannie face à une ingérence démocratique qui s'affiche avec acuité ? A l'heure actuelle du droit, admettre une solution pareille consiste à renoncer à la sécurité internationale et aussi à encourager des conflits intra-étatiques, objet pour une éventuelle prolifération des trafics illicites des armes et source d'appauvrissement, voire des conflits territoriaux187(*).

La crise soudanaise au Darfour illustre l'inertie d'une intervention internationale dont le système égalitaire reconnaît aux seuls cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU le droit de décider les normes applicables devant un cas de violations des droits de l'homme. Ce diagnostic résulte du profit à tirer dans chaque action. La norme juridique par son attachement à un environnement social semble inintelligible dès lors qu'elle n'est pas associée à la sociologie188(*), la seule science mieux adaptée à interpréter le texte la contenant.

La mondialisation est un facteur très opérationnel dans la légitimité démocratique. En effet, les lois du marché, de la concurrence ainsi que le pouvoir médiatique et celui de nouvelles techniques de communication contribuent à un ajustement structurel répondant aux exigences contemporaines. Le Congo-Brazzaville est sujet à de tels flux auxquels aucun Etat ne peut se soustraire. Toutes les productions doivent avoir accès au marché international, lieu par excellence d'échanges des matières premières en capitaux nécessaire au développement.

Dans ce contexte, aucun Etat ne veut s'isoler. Mais la poursuite des profits par les Etats prouve comment les différents Etats en s'appuyant sur leur égalité souveraine utilisent leur position de force pour s'imposer dans un secteur de la société internationale. Pour certains, ils s'appuient sur leur puissance189(*) économico-militaire190(*) tandis que d'autres se fondent sur leur majorité191(*). La question d'adhésion de la Chine populaire à l'OMC nous fournit un exemple. D'ailleurs, les Etats du Nord craignaient l'arrivée d'une Chine ne respectant pas les normes de l'OIT, susceptible pour arracher des débouchés, ainsi que de voir leurs Multinationales délocaliser grâce à une main d'oeuvre bon marché, propice à une meilleure génération des bénéfices pour les Multinationales.

Mais toute cette constatation tend vers une universalisation d'organisation des Etats à laquelle le Congo-Brazzaville n'échappe pas. En ce sens, l'Etat moderne est celui qui se conforme à ces principes qualifiés de « civilité internationale192(*) ». D'où, une décentralisation des compétences de l'Etat qui associe le fédéralisme : un modèle dominant.

SECTION II : LE MODELE ETATIQUE DOMINANT

Tous les Etats unitaires d'Afrique francophone et aussi lusophone prônent une politique de centralisation (§1). Celle-ci n'est pas un partage de compétence car les moyens financiers susceptibles de réaliser une telle entreprise restent concentrés entre les mains du gouvernement. Mais cette organisation administrative de l'Etat débouche sur une constatation d'un retour de l'Etat fédéral, modèle qui s'universalise (§2) après que la doctrine193(*) ait annoncé à tort la crise du fédéralisme suite à la perestroïka.

§1 : LA DECENTRALISATION DE L'ETAT : UNE POLITIQUE APPROPRIEE

Le Congo-Brazzaville est un Etat unitaire décentralisé. La vision politique de la décentralisation admet que certains intérêts locaux ont un caractère spécifique194(*) et doivent s'exprimer parallèlement à l'intérêt général ou national exprimé par les organes de l'Etat. Si en France la décentralisation est soit territoriale, soit technique, on est loin de cette logique. La décentralisation au Congo-Brazzaville s'est faite autour de deux étapes.

La première étape fut celle de la décennie ouverte par la CNS. Les lois de 1994 et de 1997 organisèrent un transfert de certaines compétences du gouvernement aux collectivités locales qui sont constituées par les régions et les communes. Chaque collectivité disposant d'un organe de décision et d'exécution. Mais seule la commune exerçait ses fonctions sous lesdites lois parce que l'Etat n'avait pas pu organiser les élections régionales, ni accompagner ces mesures des finances appropriées.

La seconde étape concerne les lois prises sous la transition flexible de 1997 à 2002 qui ont substitué le département à la région tandis qu'une loi de janvier 2002 modifie la division administrative en augmentant le nombre de départements. L'Etat compte aujourd'hui douze (12) départements.

Il apparaît des difficultés dans l'exercice des attributions de certains conseils départementaux dues à une confusion de mission entre le conseil municipal et celui du département à l'image des départements de Pointe-Noire et de Brazzaville. Le même conseil possède un double visage et une double fonction qui pèseraient aux contribuables. Ce conseil est à la fois le conseil municipal et départemental comme le conseil de Paris. Mais la décentralisation permet à l'Etat d'assurer son effectivité sur tout le territoire dans un Etat où l'autorité des chefs coutumiers est plus respectée que celle de l'Etat.

Il reste que l'autonomie d'action dont bénéficieraient les personnes décentralisées n'affectera pas l'unicité de l'Etat dans la mesure où ces collectivités locales demeurent sous la tutelle de l'Etat, c'est à dire un contrôle exercé par ce dernier et voient leurs compétences définies sans garantie de durée par le législateur. Ce contrôle au lieu d'être en principe a posteriori est a priori. Il se confond de ce fait avec le contrôle hiérarchique d'un Etat déconcentré. Ces collectivités locales ne disposent pas de moyens financiers, humains et matériels susceptibles de permettre leur réelle autonomie pour gérer les intérêts locaux. Par exemple elles ne disposent pas de ressources propres sauf les communes qui ont une fiscalité et parafiscalité pour financer leur budget mais toujours avec l'aide de l'Etat.

D'une manière générale, la décentralisation est l'une des pratiques les plus fréquentes pour réformer la « gouvernance195(*) ». C'est une gestion participative, rationnelle, efficace et transparente de l'Etat ou de toutes autres structures. On ne saurait transférer, en théorie, autant le pouvoir et les responsabilités aux échelles les plus bas de l'administration afin que cela soit bénéfique au développement des populations notamment les plus pauvres.

Pour cela un certain nombre de conditions doivent être remplies. Le pouvoir doit être effectivement transféré au niveau local au lieu de l'être pour la forme aux officiels locaux. En plus, l'administration locale ou territoriale doit être plus proche de la population ainsi que plus réceptible à ses besoins que l'administration centrale. En effet, quoique plus proche du peuple, l'administration locale peut être ou non une nouvelle source de gaspillage des deniers publics. Pour éviter toute éventualité de dilapidation des deniers publics, il faudrait non seulement mettre en place un système qui obligera à rendre compte mais aussi avoir une société civile bien structurée et forte. Il s'agit donc de mettre au point un système qui encourage l'amélioration des institutions de la gouvernance locale aux fins du développement ; le renforcement des capacités en matière de gouvernement local est nécessaire.

La contribution à la démocratisation des collectivités locales est bien souvent négligée car l'Etat lui-même peine à s'adapter à cette logique. Or une telle hypothèse serait positive pour la réussite par exemple des programmes de réduction de la pauvreté qui ne cesse de s'accroître sans précédent dans l'histoire de ce petit  « émirat196(*) ». Il faut que les collectivités locales rendent compte de la gestion de leurs fonds. Mais si l'Etat se détourne de ces questions et que les populations locales ne sont pas concernées, il est probable qu'une élite locale s'emparera de la collectivité. Un résultat pareil ne rend point les individus désabusés à l'égard des avantages que la décentralisation offre en tant que réforme favorable aux populations dans un Etat souverain de nos jours.

C'est dans cette perspective que s'inscrivent une évaluation récente réalisée dans huit (8) Etats du Sud par des programmes du FENU et une série d'études de cas sur la décentralisation réalisées par la division du renforcement de la gestion et de la gouvernance du bureau de la politique du développement du PNUD197(*). Elles fournissent des exemples parlants de la réforme en faveur de la population au niveau des collectivités locales. Cette approche s'articule autour des points suivants :

1. La participation communautaire aux fins de l'amélioration des services ;

2. La promotion de la gouvernance participative au développement participatif au moyen d'un fond d'initiative locale pour l'environnement urbain ;

3. Le renforcement des capacités d'intervention des communautés.

La République du Congo se doit d'appliquer ces dispositions afin d'apporter des solutions aux difficultés liées à la qualité du processus d'édictions de normes, faculté par laquelle tout Etat est considéré souverain. Dès lors que cette faculté est fractionnée entre des personnes différentes autres que l'Etat lui-même, se pose la question de savoir si ce processus suffit pour faire de l'Etat une entité souveraine. Aujourd'hui les collectivités locales en France par exemple peuvent édicter des normes qui abrogent la loi dans une durée de temps limitée198(*), voire même l'Etat peut consulter par referendum les populations locales pour une mesure portant sur la délimitation199(*) de leur collectivité territoriale. Elles ont par conséquent le droit de se prononcer sur un texte législatif, même si cela étant à un titre expérimental, ce qui affectera déjà l'unicité dans l'applicabilité de la norme sur le territoire, une situation identique à un Etat fédéral. De telles pratiques illustrent la concentration des pouvoirs constatée dans l'Etat fédéral de nos jours tandis que l'Etat unitaire les déconcentre par dilation. Cette situation permet de rapprocher l'Etat unitaire de l'Etat fédéral.

Le fédéralisme longtemps évoqué en droit des gens200(*) est aujourd'hui le système par lequel la pratique d'organisation de la société tend de plus en plus vu l'organisation interne ou externe du pouvoir dans la société.

§2 : L'UNIVERSALISATION DU FEDERALISME

Le fédéralisme a été pratiqué dans l'histoire par les anciennes civilisations. En Afrique, il est attribué aux efforts d'Asante Hene. L'organisation du royaume Ashanti201(*) amorçait le pas du fédéralisme avant même la constitution américaine de 1789, suite au pacte de Philadelphie du 17 septembre 1787, n'institua le premier Etat fédéral moderne organisé de la manière suivante selon les lois de Georges Scelle: la superposition, l'autonomie et la participation. C'est l'absence de ces trois éléments qui a causé des difficultés à l'Union française ainsi qu'à la Communauté instituée respectivement par les constitutions françaises de la IVe et de la Ve République.

Dans cette qualité d'Etat, les compétences de l'Etat sont partagées entre les différentes entités territoriales qui composent l'Etat. C'est la constitution qui en règle générale reconnaît toutes les compétences non attribuées à l'Etat fédéral aux entités fédérées202(*). Celles-ci sont appelées différemment dans le droit positif de l'Etat concerné. Par exemple, ces entités territoriales sont des « Länder » en Allemagne, des « Etats » aux Etats-Unis d'Amérique ou au Nigeria, des « Provinces » en Afrique du Sud, ... Mais cette diversité terminologique ne peut affecter cette spécificité dès lors que toutes les lois la gouvernant sont réunies. C'est d'ailleurs le cas de la Suisse dont la dénomination de « confédération » n'est plus adaptée.

Tous les Etats qui transfèrent leurs compétences à d'autres entités, personnes de droit public, se rapprochent de cette forme d'Etat. En effet, un Etat unitaire décentralisé présente déjà de facto une superposition parce que chaque collectivité locale possède un organe de décision, une législature en miniature ; il ne connaît pas l'autonomie ni la participation. Mais, la nouvelle organisation décentralisée en France se rapproche d'une autonomie. D'ailleurs, on passe par étape de l'Etat unitaire à l'Etat régional qui a pour paroxysme l'Etat fédéral.

Le fédéralisme est une organisation politique qui permet de maintenir sous l'autorité politique des ensembles très vastes le plus souvent ayant des races, langues ou cultures différentes. Appliqué à l'Etat, il concerne une collectivité humaine assise sur un territoire au sein duquel l'autorité politique est fractionnée et dépendante d'une autre autorité politique centrale. Ce qui voudrait dire que dans cet Etat, seule l'autorité centrale est souveraine203(*) ; celle-ci a la qualité d'un sujet de droit international ayant des droits et devoirs. La politique internationale est donc le domaine réservé de l'Etat souverain204(*). Par conséquent, la qualité de sujet de droit international reconnu à la Biélorussie et à l'Ukraine se justifiait par le nombre des entités étatiques souveraines que l'ex-URSS voulait compter dans son bloc pour posséder un contre poids pour contrer la majorité du bloc capitaliste au cours d'adoptions des textes dans les conférences diplomatiques.

Les défenseurs205(*) de la souveraineté de la société internationale s'appuient sur une telle organisation en vue de mettre au point une société plus active à mener ses missions de paix et de sécurité internationale. En effet, une société n'étant pas organisée comme dans l'ordre national aura de la peine à imposer la sécurité par défaut d'une institution permanente garante de l'ordre public comme les forces publiques dont disposent les Etats. En ce sens, Raymond Aron voyait déjà dans la voie de la fédération planétaire la même voie que celle de la paix par le droit. La démarche décisive serait l'abandon du droit de se faire justice soi-même, c'est-à-dire de ce qui a été et de ce qui est encore l'essence de la souveraineté206(*) en droit international.

Il faut noter que le droit international n'a pas une procédure déjà définie par laquelle une entité viendrait à acquérir sa personnalité comme dans l'ordre national. Si les Etats ont des procédures d'acquisition de la personnalité juridique dans leur droit positif, cela est différent sur la scène internationale. Par ailleurs, les OIG ont une souveraineté attribuée par les Etats en vertu de leurs but et objectif mais les entités étatiques accèdent à cela suite à une indépendance207(*) suivie d'une reconnaissance.

L'immédiateté internationale constitue un critère à prendre avec modération dans la gestion des collectivités décentralisées et fédérées puisqu'il y a des accords de partenariat entre ces collectivités par exemple le département de la Vendée et le Bénin ou la commune du Havre et celle de Pointe- Noire dans la République du Congo. Une coopération entre ces entités de l'Etat est nécessaire dans un monde où les peuples sont plus rapprochés par le flux de mondialisation, de l'Internet qui dépasse les frontières comme si ce globe se ramenait à un seul Etat polyglotte. Mais il peut être évoqué seulement pour des relations entre Etats car il concerne les droits et devoirs découlant des conférences diplomatiques qui touchent directement l'Etat.

Certains actes de souveraineté que Jean Bodin208(*) énonce dans sa République sont aujourd'hui hors de la compétence de l'Etat unitaire pour intégrer celle d'un ordre supranational ou international que l'Etat lui-même a institué. C'est le cas de l'Union européenne qui a le monopole de la politique dans son cadre de compétence propre. Elle milite jusqu'alors pour s'approprier aussi le monopole de la politique internationale car cette OIG sui generis est la seule à avoir des institutions démocratiques élues par les populations concernées qui sont des citoyens européens. Une telle logique de nature fédérale transforme de plus en plus (...) les Etats européens en de simples Etats membres d'une construction supranationale209(*). Aussi est- elle la  la refondatrice de la souveraineté des Etats membres210(*).

Par ailleurs, cette politique d'intégration n'épargne pas le Congo-Brazzaville qui avec ses voisins de la région et ceux de la sous-région participe à des organisations reflétant le fédéralisme. En effet, la CEMAC, l'OHADA et le CAMES sont des institutions qui ont bénéficié de transferts de compétence étatique. Ces compétences dérivées de l'Etat sont limitées et spécifiques. Pour ce qui concerne l'OHADA, elle dispose non seulement des organes de décision dont les actes sont d'applicabilité directe mais aussi d'une juridiction gardienne du droit communautaire par harmonisation du droit positif des Etats car bien que juridiction de cassation, elle peut se prononcer sur le fond211(*).

Il est vrai que les pères fondateurs des Etats africains aspirent à une solidarité pour relever le défi du développement. Ils ont manifesté une volonté farouche pour le fédéralisme qui a connu des échecs avant son retour sous une autre forme. Le Sénégal et le Soudan français, actuel Mali, en ont fourni un exemple sous l'appellation de fédération du Mali, voire aussi l'union du Cameroun anglophone et du Cameroun francophone en 1961 et celle de Tanzanie : union de Zanzibar et du Tanganyika. Les Etats africains se sont promis une telle solidarité dès la signature de l'acte constitutif de l'OUA, aujourd'hui l'UA.

Cette pratique du fédéralisme par association des Etats tend à faire disparaître les anciennes formes d'Etat qui du jour au lendemain prônent une décentralisation. Cette dernière est devenue une pratique très utilisée en droit positif des Etats. Elle contribuera à la transformation des Etats unitaires en Etats régionaux comme le Congo- Brazzaville si les gouvernements arrivent à laisser la gestion des intérêts locaux aux autorités locales décentralisées choisies sainement par les populations concernées. Ces autorités doivent disposer d'une large manoeuvre incluant l'autonomie ainsi que la participation dans la gestion de l'action de l'Etat. C'est ainsi que la Belgique fournit un exemple type de cette transformation.

En somme, l'organisation interne du pouvoir se fait davantage par fractionnement des compétences de l'Etat au sein du territoire en vue de rapprocher les populations de l'autorité. Dans ce monde où la pauvreté est un défi à relever, la décentralisation est préférée plutôt que la concentration de l'autorité, source de dictature et des conflits au Congo-Brazzaville. Cette décentralisation doit s'approprier les lois d'autonomie et de la participation, chères à un fédéralisme.

Les difficultés techniques de l'Etat dans plusieurs domaines justifient son adhésion à des associations d'Etats212(*) souvent appelées OIG. Celles-ci prennent des natures différentes en fonction de la qualité de compétences transférées évoquées précédemment. En effet, les organisations d'intégration économique qui sont les plus répandues parmi celles créées au cours de ces deux dernières décennies dans les régions ou sous-régions prouvent le pas amorcé vers un fédéralisme qui n'est autre que l'intégration politique.

Le fédéralisme est le système le mieux adapté dans les Etats qui ont du mal à assurer l'effectivité de l'autorité de l'Etat sur toute l'étendue du territoire national. En effet, cela semble témoigner de la volonté d'une nouvelle politique de décentralisation au Congo-Brazzaville fondée sur une « municipalisation accélérée » et qui se concrétise par une rotation de la célébration de la fête nationale entre les différents chefs-lieux des départements depuis 2003.

* 149 BRAUD PH., Sociologie politique, LGDJ, 2006, p 129.

* 150 Cet infléchissement est relatif puisqu'il n'est qu'une transposition de la confiance autrefois accordée à Moscou et à Pékin. Le Congo-Brazzaville fut l'un des rares Etats non-alignés qui se proclama République populaire.

* 151 La Semaine africaine du 15 mars 2003, p 6.

* 152 Pour bien appréhender cette question de construction de l'Etat en Afrique au lendemain des indépendances, cf. BADIE B., Le monde sans souveraineté, Fayard, 1999 ; SINDJOUN L., L'Etat ailleurs, déjà cité et KAMTO M., Pouvoir et droit Afrique noire, déjà cité ; GONIDEC P-F., L'Etat africain, LGDJ, 1985.

* 153 PICQ J., Histoire et droit des Etats, sciences po, 2005, p 256.

* 154 ARENDT H., Essai sur la Révolution, Gallimard, 1985, pp 287-288.

* 155Traduction d'un proverbe Kongo en Lingala : « mosapi moko esokola elongi te », c'est à dire l'union fait la force.

* 156 V. LISSOUBA P., op.cit. ; LOPEZ H., op.cit.

* 157 PHILIPPE F., « Ethnies et partis : le cas du Congo », Afrique contemporaine, juin 1997, pp 5 et s.

* 158 Lors de la tenue d'une conférence débat au siège de l'association Niosi après la célébration en 2005 de la journée mondiale de la langue maternelle organisée dans les locaux de la représentation de l'UNESCO à Brazzaville, les participants se sont accordés sur les statistiques du laboratoire de recherche linguistique de Niosi à propos de la langue Lâdi qui aujourd'hui remplit les critères objectifs pour être reconnue comme une langue nationale dès lors que près de 65% des personnes qui parlent cette langue ne sont pas des ba- Lâdi. Cette langue est le dialecte originaire du district de Kinkala, cf. Malonga J., La Légende de Mfumu Mâ-zono, Présence africaine, 1959.

* 159 Loi n° 73/84 du 17 octobre 1984 institue un code de la famille.

* 160 CHALTIEL F., op.cit., p 133 et ss.

* 161 En vertu de l'art. 227 (§3) du traité de Rome de 1957 tous  les pays et territoires dont la liste figure à l'annexe IV du présent traité font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie de ce traité. Cette liste concerne les territoires coloniaux des Etats parties notamment l'AEF, l'AOF, Saint-Pierre et Miquelon, la Somalie italienne, la côte française des Somalies, Togo et Madagascar et dépendances.

* 162 Cet accord bilatéral date des années 1970 lorsque les deux gouvernements étaient marxistes-léninistes et il dispense les ressortissants des deux Etats d'un visa.

* 163 NTSAKALA R., Les conférences nationales de démocratisation en Afrique francophone, Poitiers, 2001, pp 102 et s.

* 164 La charte du MNR était supérieure à la constitution de décembre 1964 qui inaugurait l'ère du socialisme congolais.

* 165 THIERRY H., « L'Etat et l'organisation de la société internationale », in colloque de Nancy, op.cit., p 196.

* 166 BRAILLARD PH. et DJALILI M., op.cit., p 201.

* 167 VIRRALY M., « Droit international et décolonisation devant les Nations-Unies », in AFDI 1963, pp 508 et ss.

* 168 C'est la CSCE, consacrée par la charte de Paris pour une nouvelle Europe du 21 novembre 1990, qui associe étroitement « Etat de droit, démocratie et droits de l'homme » en soulignant que la démocratie est devenue le seul mode de gouvernement légitime dans l'espace CSCE et que cette volonté européenne s'affirme dans les relations des Etats d'Afrique et d'Europe de l'Union. Celle-ci associe des principes de gouvernement dans la coopération.

* 169 Titre II de l'accord de Cotonou, art. 8 et s.

* 170 Art. 2, statut du CE :  tout membre du CE reconnaît le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales  et le Comité des ministres veille au caractère démocratique des Etats qui déposent leur candidature pour devenir membre du CE en vertu de l'art. 3 du même statut.

* 171 BATAILLER- DEMICHEL F., « Droits des l'homme et droits des peuples dans l'ordre international », in Mélanges offerts à C. CHAUMONT, Pédone, 1984 ; V. aussi : FEUER G., « Le nouveau paradigme pour les relations entre l'Union européenne et les Etats ACP », in RGDIP 2002, pp 278 et ss.

* 172 KOKOROKO D., « Souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », in RRJ 2004-4, p 2550.

* 173 GROS -ESPIELL H., « Liberté et observation internationales des élections », in colloque de Laguna, Bruylant, 1994, p 79.

* 174 D'ASPREMONT J., « La création internationale d'Etats démocratiques », in RGDIP 2005, p 898.

* 175 Expression utilisée par KOKOROKO D. qui n'est qu'une caricature démocratique en trompe l'oeil, op.cit., p 2558.

* 176 LE ROY E., « Gouverner la néo-modernité africaine ? », in Cahiers d'anthropologie du droit, 2005, p 183.

* 177 Constitutions congolaises depuis celle de décembre 1969 jusqu'à celle de juillet 1979, titre I.

* 178 Il s'agit de l'accord conclu en avril entre l'UDDIA, le MSA et le PPC pour fonder le parti unique afin d'éradiquer le « partisanisme » ethnocentriste, cause lointaine du déclin du régime de l'abbé FULBERT YOULOU au bénéfice d'ALPHONSE MASSAMBA -DEBAT, père du socialisme au Congo-Brazzaville.

* 179 LE ROY E., op.cit., p 194.

* 180 NTSAKALA R., op.cit., pp 115.

* 181 V. MORELLET J, « Le principe de la souveraineté de l'Etat et le droit international », in RGDIP 1926, pp 104 et s. V. aussi : CAPOTORTI F., « Cours général de droit international public », in RCADI 1994, II, 218, pp 85 - 93 ; Portalis, op.cit. ; CHALTIEL F., op.cit. ; CARRE DE MALBERG, op.cit. COMBACAU J., « Pas une puissance, une liberté : la souveraineté internationale de l'Etat », in Pouvoir, n°627, 1993, pp 47 et ss. ; MONTMORENCY, « Le concept de la souveraineté », in RGDIP 1931, pp 385 et ss. et aussi DUGUIT L., Traité du droit constitutionnel, t I, Fontemoing, 1927.

* 182 Cette théorie est celle de JELLINEK qui considère que l'Etat ne peut être lié par le droit que par sa propre volonté et KELSEN pour sa part parle de la compétence de la compétence.

* 183 Cf. La déclaration de la Havane, op.cit. ; ANNAN K., « Deux concepts de souveraineté », in Le Monde du 22 septembre 1999, p 20 ; aussi : BETTATI M., « Théorie et réalité d'ingérence humanitaire », in Géopolitique 2000, pp 17 et ss. ; BETTATI M. et KOUCHNER B., Le droit d'ingérence, Noël, 1997.

* 184 CHIRAC J. déclara en 1990 que  l'Afrique n'était pas mûre pour la démocratie, cité par YENGO P., « Affinités électives et délégation des compétences », in Politique africaine, n°105, 2007, p 107. On constate que cette démocratie in extremis non compatible à des valeurs africaines est à l'origine de plusieurs conflits dans de nombreux Etats souvent pendant la sceptre électorale dont la Côte d'Ivoire, le Togo, les deux Congo, la RCA et le Tchad peuvent être pris pour exemple.

* 185 Il s'agit de la richesse diversifiée du sous-sol en minerai : le pétrole, l'or, le cobalt, l'uranium, le diamant, le mercure...

* 186 Pour Mgr KOMBO E., président du præsidium de la CNS au Congo-Brazzaville et celui du CSR : si la démocratie est une bataille d'idées qui s'expriment au cours des débats, ces débats nous ont manqués, cité par NTSAKALA R., op.cit., p 95.

* 187 SIMON O., op.cit.

* 188 FRYDMAN B., Le sens des lois, Bruylant, 2005, p 437.

* 189 Il s'agit des Etats industrialisés en l'occurrence le G 8.

* 190 Le principe de l'égalité souveraine des Etats réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) du 25 octobre 1970 concernant les relations amicales et la coopération entre les Etats conduit à en tirer la conséquence suivante : les Etats ont des droits et des devoirs, ils sont membres égaux de la société internationale malgré les différences d'ordre économique, social, politique ou d'autres natures.

* 191 Il s'agit des Etats du G 77. Aujourd'hui, ce groupe compte près de 125 Etats sur les 192 membres de l'ONU.

* 192 V. SINDJOUN L., « La loyauté démocratique dans les relations internationales : sociologie des normes de civilité internationale », Etudes internationales, mars 2001, pp 31 et ss.

* 193 Cf. colloque de Nancy de la SFDI, Pédone, 1994.

* 194 MAKOUDZI -WOLO N., Cours de droit constitutionnel, Université de Brazzaville, inédit.

* 195 ROCHEGUDE A., « Le droit d'agir », in Cahiers d'anthropologie du droit, 2005, p 59.

* 196 Expression utilisée par analogie avec les potentialités économiques du Congo-Brazzaville.

* 197 Cette perspective se réfère au Life, programme lancé par le PNUD en 1992 qui a permit de forger les alliances des groupements communautaires comme les coopératives, les organisations de la société civile et d'autorités municipales en vue de résoudre les problèmes environnementaux qui se posent dans les zones urbaines pauvres. Ce programme a fait des prouesses dans les Etats comme le Burkina Faso, le Sénégal, le Ghana. Mais au Congo-Brazzaville, le PNUD prend la méthode de PMRU et de PMU initiée par la commission européenne qui consiste à une prise directe des besoins en dehors de toutes alliances en fonction des priorités déterminées d'avance.

* 198 Loi constitutionnelle n° 2003- 276 du 28 mars 2003 : art. 72 (al.3), constitution d'octobre 1958.

* 199 Art. 72- 1 (al.3 ), op.cit.

* 200 L'idée d'un « ordre universel », née du droit naturel et la vision sociologique du droit fondée sur la « solidarité », concept clé de Durkheim que l'on retrouve aussi bien chez Bourgeois L. que chez Scelle G., autour de la SDN naissante, est la forme par laquelle semble s'organiser la société internationale formée par un assemblage d'entités étatiques et par laquelle l'Etat semble se former par un assemblage d'entités infra-étatiques, voire intra.

* 201 GONIDEC P-F., L'Etat africain, LGDJ, 1985, p 41.

* 202 MAKOUDZI- WOLO N., op. cit.

* 203 CARRE DE MALBERG, op.cit., p 123.

* 204 CAPOTORTI F., op. cit., p 25.

* 205 On peut citer notamment KANT E. dans Vers la paix perpétuelle (1795).

* 206 ARON R., Paix et guerre entre les Nations, Calmann-Levy, Paris, 2 éd. 1962.

* 207 CAPOTORTI F.,op.cit., p 31; MOUTON J-D., « L'Etat selon le droit international », in colloque de Nancy, op.cit., pp 76- 106.

* 208 BODIN J., op. cit.

* 209 OBERDOFF H., cité par CHALTIEL F., op.cit., p 393.

* 210 CHALTIEL F., op.cit., titre de la deuxième partie de sa thèse, p 259.

* 211 ASSEPO ASSI, op.cit., p 1687 et ss.

* 212 C'est la politique défendue par la France dans ses anciennes colonies qui jusqu'alors restent sous la dépendance de leur ancienne banque coloniale. Ces banques gèrent leur politique monétaire. Il s'agit aujourd'hui de la BEAC pour l'Afrique centrale.

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