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Le Droit de Propager ses Croyances en Droit International des Droits de l'Homme, à la Lumière de la Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme

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par Michael Mutzner
Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales (IUHEI) - Université de Genève - Diplôme d'études approfondies en relations internationales, spécialisation: droit international 2007
  

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2.1.2 L'affaire Kokkinakis et la propagation des croyances en tant qu'enseignement

La Cour, confrontée à la question de la propagation des idées religieuses à deux reprises au sujet de citoyens grecs condamnés sur la base de la loi grecque sur le prosélytisme, a pris une approche très différente de celle de la Commission dans les affaires susmentionnées, en tendant à placer la propagation des croyances dans le champ de l'« enseignement », plutôt que celui des « pratiques ».

Le code pénal grec contient traditionnellement une interdiction du prosélytisme. Historiquement, cette interdiction visait explicitement à protéger la religion dominante, l'église orthodoxe orientale du Christ, contre toute forme de propagation religieuse qui pourrait menacer sa position privilégiée. Dès la Constitution de 1844, le « prosélytisme et toute autre intervention contre la religion dominante » sont interdits. Ce n'est qu'en 1975 que la nouvelle Constitution grecque a opté pour une interdiction générale du prosélytisme - et plus uniquement lorsqu'il est exercé contre la religion dominante. La loi pertinente dans le droit pénal grec en ce qui concerne cette prohibition remonte à 1938-39, du temps de la dictature de Metaxas. La loi n°1363/1938, modifiée par la loi n° 1672/1939, donne la définition suivante du prosélytisme:

« Par prosélytisme, il faut entendre, notamment, toute tentative directe ou indirecte de pénétrer dans la conscience religieuse d'une personne de confession différente (heterodoxos) dans le but d'en modifier le contenu, soit par toute sorte de prestation ou promesse de prestation ou de secours moral ou matériel, soit par des moyens frauduleux, soit en abusant de son inexpérience ou de sa confiance,

81 Van Den Dungen c. Pays-Bas, n° 22838/93, décision du 22 février 1995, D. R. 80, p. 150, §1

soit en profitant de son besoin, sa faiblesse intellectuelle ou sa naïveté. »82 Kokkinakis c. Grèce

Sur la base de condamnations effectuées à partir de cette loi, deux affaires sont parvenues devant la Commission puis devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Il y a eu tout d'abord l'affaire Kokkinakis qui allait marquer l'histoire de la Cour, puisqu'elle lui a donné l'occasion de prononcer la première condamnation pour violation de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le requérant, M. Minos Kokkinakis, membre de l'église des Témoins de Jéhovah et retraité, a été arrêté plus d'une soixantaine de fois au cours de sa vie, pour prosélytisme. Cette fois-ci c'est pour s'être rendu, avec sa femme, au domicile de l'épouse du chantre d'une église orthodoxe de la ville, pour y avoir entamé avec elle une discussion religieuse qu'il s'est vu condamné. D'après le tribunal correctionnel, « ils lui ont annoncé qu'ils étaient porteurs de bonnes nouvelles; après avoir pénétré, avec insistance et pression, dans sa maison, ils ont commencé à donner lecture d'un livre relatif aux Ecritures qu'ils interprétaient en se référant à un roi des cieux, à des événements qui n'étaient pas encore survenus mais qui surviendraient, etc., et en l'incitant par leurs explications pertinentes et habiles (...) à modifier le contenu de sa conscience religieuse de chrétienne orthodoxe. » Mais la discussion n'a finalement pas eu d'influence sur les croyances de Mme Kyriakaki. Au terme de l'ensemble de la procédure judiciaire, le requérant s'est vu infliger une peine d'emprisonnement de trois mois, convertie en une sanction pécuniaire.

Quand la Commission s'est penchée sur la question de savoir s'il y avait eu ingérence à la liberté de Kokkinakis, de manifester sa religion, elle y a répondu par l'affirmative sans autres explications, et surtout sans aucune référence à la jurisprudence antérieure, et notamment l'affaire Arrowsmith, considérant visiblement que les faits étaient d'une nature différente. Elle s'est contentée de constater que ce point n'était pas contesté par les parties.83 Elle ne précise pas non plus quelle forme de manifestation cette propagation représente - une pratique? un enseignement? -, se débarrassant ainsi d'une éventuelle application du test développé dans l'affaire Arrowsmith. Elle suit de la sorte une approche similaire à celle adoptée dans l'affaire W. H. v. Sweden - sans toutefois citer cette décision. Cela est d'autant plus étonnant quand on sait que la Commission reviendra à l'argumentation développée dans l'affaire Arrowsmith, dans l'affaire Van Den Dungen.

82 Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, arrêt du 25 mai 1993, série A n° 260-A, §17

A partir de 1975, les juridictions grecques ont limité le champ de cette définition, en attribuant un caractère exhaustif à l'énumération des types d'activités prohibées, annulant ainsi l'effet de la présence de l'adverbe « notamment » dans la définition.

83 Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, rapport du 3 décembre 1991, HUDOC, §56

La Cour quant à elle, a eu une argumentation à peine plus développée sur cette question:

« Telle que la protège l'article 9 (art. 9), la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l'une des assises d'une "société démocratique" au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l'identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme - chèrement conquis au cours des siècles - consubstantiel à pareille société.

Si la liberté religieuse relève d'abord du for intérieur, elle "implique" de surcroît, notamment, celle de "manifester sa religion". Le témoignage, en paroles et en actes, se trouve lié à l'existence de convictions religieuses.

Aux termes de l'article 9 (art. 9), la liberté de manifester sa religion ne s'exerce pas uniquement de manière collective, "en public" et dans le cercle de ceux dont on partage la foi: on peut aussi s'en prévaloir "individuellement" et "en privé"; en outre, elle comporte en principe84 le droit d'essayer de convaincre son prochain, par exemple au moyen d'un "enseignement", sans quoi du reste "la liberté de changer de religion ou de conviction", consacrée par l'article 9 (art. 9), risquerait de demeurer lettre morte. »85

Contrairement à la jurisprudence de la Commission, la Cour rapproche ici la propagation à une forme d'enseignement, mais sans être catégorique (« par exemple »), sous-entendant que la propagation pourrait s'inscrire aussi dans le cadre d'autres formes de manifestations. Cette position ne fait pas l'unanimité parmi les juges de la Cour.86

On constate d'une part un flou terminologique dans le vocabulaire de la Cour, pour décrire le

84 Ce « en principe » est perçu par Renucci comme une marque de prudence dont il se félicite. RENUCCI JeanFrançois, L 'Article 9 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme: La Liberté de Pensée, de Conscience et de Religion, Editions du Conseil de l'Europe, Dossiers sur les droits de l'homme, n° 20, Strasbourg, 2004, p. 22 et 58. Selon nous cette expression signifie davantage que la propagation est permise, sous réserve de ne pas être exercée d'une façon qui porte atteinte aux droits d'autrui, ce que la Cour qualifiera par la suite de « prosélytisme abusif ».

85 Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, arrêt du 25 mai 1993, série A n° 260-A, §31. Nous relevons qu'ici aussi la Cour fait usage de manière surprenante d'un langage christianisé quand elle affirme que l'article 9 comporte « le droit d'essayer de convaincre son prochain » (ou quand elle utilise l'expression « témoigner », comme nous l'avons déjà relevé précédemment). Il aurait sans doute été préférable de parler du droit d'essayer de convaincre « autrui », terme plus neutre et qui figure par ailleurs dans la Convention.

86 Le jugement de la Cour a finalement abouti à la conclusion que l'ingérence à la liberté de religion de Kokkinakis n'était pas légitimée au regard du second paragraphe de l'article 9 et partant, que cet article avait été violé.

phénomène de la propagation des croyances. La Cour mentionne successivement la notion de « témoignage » (§3 1), de « droit d'essayer de convaincre son prochain » (§3 1), au sein duquel elle distinguera le « témoignage chrétien » ou la « vraie évangélisation » du « prosélytisme abusif » (§ 48). Si certains juges auraient souhaité l'utilisation du terme « prosélytisme » dans un sens neutre, et comme manifestation légitime de ses croyances,87 d'autres y étaient farouchement opposés, considérant le « prosélytisme » comme intrinsèquement illégitime et, partant, incompatible avec l'article 9.88 Pour le juge Valticos, seules les « conversations anodines » sauraient être tolérées, mais en aucun cas le prosélytisme, où l'individu « cherche à convertir autrui [en] ne se limitant pas à sa foi, [mais en cherchant] à modifier celle des autres en faveur de la sienne ».89

La question de savoir si la propagation de sa croyance pourrait être considérée comme une forme d'enseignement a également été débattue, et surtout remise en cause par les juges Valticos, Foighel et Loizou. Pour le premier, ce type de manifestation peut se produire dans le cadre de programmes scolaires ou dans les institutions religieuses, mais ne couvre pas ce genre de démarchage individuel. Pour les deux autres, c'est surtout la manière dont le contenu est présenté qui pose problème: « Le terme d'"enseignement" implique franchise et probité, et exclut le recours à des moyens détournés ou irréguliers ».90

Dans son commentaire sur cette affaire, le professeur Peter Edge fait un constat intéressant: il lie les positions des uns et des autres sur la question, à leur conception réciproque de ce qui constitue selon eux l'essence, la raison d'être de cet article 9. En effet, on trouve deux bases de

87 Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, arrêt du 25 mai 1993, série A n° 260-A, opinion concordante de M. le juge De Meyer: « Le prosélytisme, étant le « zèle déployé pour répandre la foi », ne peut être punissable en tant que tel: c'est une manière, parfaitement légitime en elle-même, de « manifester sa religion ».

Ibidem, opinion partiellement concordante de M. le juge Pettiti: « Le prosélytisme est lié à la liberté de religion; le croyant doit pouvoir communiquer sa foi et sa conviction dans le domaine religieux comme dans le domaine philosophique. (...) C'est un droit pour le croyant ou le philosophe agnostique d'exposer ses convictions, de tenter de les faire partager et même de tenter de convertir son interlocuteur. »

Ibidem, opinion partiellement dissidente de M. le juge Martens

88 Ibidem, opinion dissidente de M. le juge Valticos; opinion dissidente commune à MM. les juges Foighel et Loizou.

89 A ceci, Gonzalez oppose la question suivante: « l'enseignement comme manifestation de sa religion peut-il se limiter à une sorte de présentation désincarnée de sa foi, sans passion, sans désir de la faire partager? ». GONZALEZ, La Convention Européenne des Droits de l'Homme et la Liberté des Religions, op. cit., p. 116. (En revanche il nous semble plus difficile de suivre ce même auteur lorsqu'il explique que le comportement de Kokkinakis n'était pas un « enseignement » mais une « prédication », qui doit être considéré comme une forme de pratique au sens de l'article 9§1).

90 Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, arrêt du 25 mai 1993, série A n° 260-A, opinion dissidente commune à MM. les juges Foighel et Loizou. « Le terme d'"enseignement" implique franchise et probité, et exclut le recours à des moyens détournés ou irréguliers, ou à de faux prétextes, comme ceux utilisés en l'espèce pour pouvoir pénétrer au domicile de quelqu'un et, une fois introduit, en abusant de la courtoisie et de l'hospitalité témoignées, tirer avantage de l'ignorance ou de l'inexpérience en matière de dogme d'une personne n'ayant pas de formation dans ce domaine, et chercher à l'amener à changer de religion. »

justifications différentes dans l'énoncé de la Cour: « Telle que la protège l'article 9 (art. 9), la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l'une des assises d'une "société démocratique" au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l'identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme - chèrement con quis au cours des siècles - consubstantiel à pareille société. »91

Ces deux bases justificatives de l'existence de la liberté religieuse sont d'une part l'importance de la liberté individuelle pour chaque croyant, et d'autre part la protection du pluralisme, et de la paix religieuse. Or les juges Pettiti, De Meyer et Martens, qui ont une conception de la liberté religieuse semblant se baser avant tout sur l'importance de cette liberté individuelle pour l'épanouissement personnel de chacun, considèrent le prosélytisme comme étant une manifestation légitime de ses convictions. En revanche, les juges Valticos, Foighel et Loizou, ainsi que le gouvernement grec (§33) mettent davantage l'accent sur la notion de paix religieuse et de tolérance, s'inscrivant ainsi dans une approche plus utilitariste92 et ont tendance à refuser toute légitimité à une quelconque activité de propagation de ses croyances. Dans cette seconde perspective, l'enjeu du prosélytisme, consiste avant tout à protéger la personne réceptrice des « attaques » de la personne source.93 Peter Edge qualifie une telle lecture des faits et une telle approche de la protection à accorder au titre de l'article 9, de « paradigme du prédateur », tant les circonstances sont dépeintes comme s'il s'agissait de l'affrontement opposant une proie vulnérable, sans défense, incapable de résister aux idées qui lui sont insidieusement imposées, à un prédateur sans vergogne94. Un tel raisonnement favorise le statu quo sur le plan religieux, et par conséquent les religions établies au détriment des groupes minoritaires.

91 Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, arrêt du 25 mai 1993, série A n° 260-A, §31, italiques rajoutées par l'auteur

92 EDGE, « The Missionary's Position after Kokkinakis v Greece », op. cit.

93 Voici comment le juge Valticos lit les faits du cas d'espèce dans son opinion dissidente: « Voyons maintenant les faits de l'espèce. Voici, d'une part, un adepte militant des témoins de Jéhovah, un dur à cuire du prosélytisme, un spécialiste de la conversion, un martyr des correctionnelles, que les condamnations antérieures n'ont fait qu'endurcir dans son militantisme, et, d'autre part, une victime rêvée, une femme naïve, épouse d'un chantre de l'Eglise orthodoxe (s'il réussit à la convertir, quel succès!). Il se précipite sur elle, claironne qu'il lui apporte une bonne nouvelle (le jeu de mots est transparent, mais sans doute pas pour elle), parvient à se faire recevoir et, commis voyageur expérimenté et démarcheur habile d'une foi qu'il veut répandre, lui expose sa marchandise intellectuelle habilement enrobée dans un emballage de paix universelle et de bonheur radieux. Certes, qui ne voudrait la paix et le bonheur? Mais est-ce là le simple exposé des convictions de M. Kokkinakis ou plutôt la tentative de séduire l'âme simple de l'épouse du chantre? Est-ce de telles opérations que protège la Convention? Certainement pas. »

94 EDGE, Peter W, « The Missionary's Position after Kokkinakis v Greece », op. cit.

Larissis et autres c. Grèce

La Cour s'est penchée sur une seconde affaire de condamnation pour prosélytisme en Grèce, dans une affaire impliquant trois officiers de l'armée de l'air grecque, membres d'une église pentecôtiste, « confession chrétienne protestante qui adhère au principe selon lequel tous les croyants doivent évangéliser ».9 5 Les trois officiers ont été condamnés sur la base de la même loi grecque, pour avoir propagé leur foi auprès de trois soldats - parmi lesquels il y eut un converti - mais aussi auprès de particuliers, en dehors du cadre de leur profession. La Cour - et encore moins la Commission avant elle96 -, ne s'attardent sur la question de savoir si la propagation de ces croyances est ou non protégée par l'article 9: elles constatent qu'il n'est pas contesté que les sanctions des requérants à 12 à 14 mois de prison avec sursis soient une ingérence à leur liberté de religion.

Comment expliquer ces divergences, ces contradictions ces incohérences et ces divisions au sein de la Commission et de la Cour, manifestes à la lecture de cette jurisprudence? Carolyn Evans nous apporte sans doute un élément de réponse en constatant que d'une manière générale, la Commission et la Cour ont accordé plus facilement la protection sous l'article 9 aux pratiques se rapprochant de celles du christianisme. Du coup les minorités religieuses n'ont été protégées que lorsque les manifestations étaient analogues à celle existantes au sein du christianisme.97 Ce constat semble bien être valable en ce qui concerne la jurisprudence décousue de la Commission. L'on peut penser aussi, à la lecture des opinions dissidentes de l'affaire Kokkinakis, que les opinions et les convictions personnelles des juges elles-mêmes ne sont sans doute pas pour rien dans leur approche de la question. C'est aussi ce qu'allègue le juge Valticos, auteur d'une opinion dissidente très forte dans cette affaire et qui reconnaît le rôle clef que joue dans ce genre de délibérations la conception personnelle de chaque juge, en matière de religion. Il a notamment cette phrase étonnante de sincérité - mais choquante à plus d'un égard - face aux diverses opinions qu'a générées l'affaire Kokkinakis: « il serait malaisé de se prononcer en droit sur l'une ou l'autre de ces opinions. C'est que le problème n'est pas principalement juridique, mais largement une question de conscience et d'idéologie. La liberté de religion est conçue et vécue différemment par chacun selon sa formation et sa sensibilité. A côté des analyses juridiques des différents juges on ne saurait écarter une

95 Larissis et autres c. Grèce, n° 23372/94, n° 26377/94, n° 26378/94, arrêt du 25 février 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-I, §7

96 Larissis, Mandalaridis and Sarandis v. Greece, n° 23372/94, n° 26377/94, n° 26378/94, report, 12 september 1996, HUDOC, §46

97 EVANS C., Freedom of Religion under the European Convention on Human Rights, op. cit., p. 115

conception philosophique et morale qui colore et oriente leur raisonnement. (...) C'est en définitive la voix irréductible du for intérieur (si l'on me passe l'expression) et de la conscience individuelle qui l'emportera chez chaque juge. Ce sont ses convictions profondes, son expérience individuelle et son échelle de valeurs qui l'amèneront à la position qu'il adoptera dans le cas considéré. »98

Quant à la question de savoir s'il est préférable de traiter de la propagation des croyances sous l'angle des « pratiques » ou d'un « enseignement », nous pensons que cela a finalement peu d'importance. En effet, ces catégories ne sont pas à prendre de manière figée. Cette énumération que l'on trouve à l'article 9 vise surtout à embrasser l'ensemble des formes de manifestations religieuses. Il nous semble donc préférable, tout comme pour la définition du contenu d'une religion ou d'une croyance, d'adopter une approche souple, en reconnaissant la manifestation revendiquée de bonne foi par le requérant comme étant protégée au titre de l'article 9, afin de privilégier une analyse de la légitimité d'une telle manifestation sous l'angle du second paragraphe de l'article 9 (les restrictions). L'organe judiciaire pourrait alors examiner l'affaire sur un terrain où il dispose d'outils juridiques plus solides, moins arbitraires et donnerait plus de légitimité à ses raisonnements. Ce n'est malheureusement pas l'approche que la Cour a suivi dans les affaires ultérieures. Au contraire, sa difficulté à traiter de cette question est apparue encore plus manifestement.

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