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Le micro-crédit en droit français et en droit cambodgien

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par Vannak NHEAN
Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA de Droit des affaires 2006
  

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Section II : La politique législative des taux d'intérêt du microcrédit

94. - L'application du droit commun au micro-crédit. Les analyses précédemment évoquées permettent de comprendre clairement la politique législative en matière de taux d'intérêt. Il faut rappeler que le micro-crédit est une notion purement économique qui n'avait pas d'acception juridique. La loi ne parle que du prêt (droit français) ou de crédit (droit cambodgien). Ainsi, la législation des taux d'intérêt du droit positif doit être purement et simplement appliquée au micro-crédit. Aucune volonté d'adopter une réglementation spéciale propre pour ce type de financement n'a été trouvée dans les deux systèmes juridiques. Il faut donc, en premier lieu, s'interroger sur l'applicabilité du Prakas libéralisant le taux d'intérêt pour les crédits accordés par les banques commerciales aux opérateurs du micro-crédit en droit cambodgien (§1) avant de regarder, en second lieu, une influence décisive du micro-crédit sur le changement du droit positif français dans ce domaine (§2).

§1. - L'inapplicabilité du Prakas du 16 mars 1995 au micro-crédit accordé par les IMF

95. - Inapplicabiité du Prakas du 16 mars 1995. En droit cambodgien, on croyait que la fixation de taux d'intérêt par les opérateurs du micro-crédit est libre. La plupart des opérateurs de micro-crédit pouvaient pratiquer dès le début des taux d'intérêt de 5% par mois, permettant d'envisager à terme leur viabilité. Le taux d'intérêt pouvait atteindre 60% par an. De ce fait, près de 90 ONG offrant du micro-crédit existent aujourd'hui. Aucune instance gouvernementale, même informelle, n'a discuté ou remis en cause la libre fixation des taux ou mis en place précocement une réglementation contraignante. Toutefois, on peut s'interroger sur la légitimité de cette liberté de fixation de taux d'intérêt du micro-crédit. En droit commun, l'article 59 du décret-loi de 1988 prévoit que « le prêt à intérêt n 'est admis que s 'il a été accepté dans un écrit constatant le consentement des parties. Le taux d'intérêt est fixé à 5% par an, sauf si une disposition contraire prévoit autrement161 ». Selon cette disposition, le taux d'intérêt conventionnel est plafonné à 5% par an. Les prêteurs doivent respecter le plafond de 5% par an. En cas de non respect, une sanction civile et pénale est prévue. Civilement, le prêteur doit imputer les intérêts perçus en dépassement du taux légal sur le montant du capital, et les sommes trop perçues après cette imputation produisent les intérêts à compter de la date de son remboursement et doivent être restituées à l'emprunteur. En plus, le prêteur peut être condamné pénalement. Mais quelle infraction pénale ? Aucune précision n'a été donnée162. On pourrait penser à la condamnation pour le délit d'usure. Toutefois, une exception est admise. Une loi ou un texte réglementaire spécial peut admettre un taux plus élevé. Conformément à cette disposition, l'article 2 du Prakas du 16 mars 1995 sur la libéralisation de la fixation de taux d'intérêt prévoit que « toutes les ban ques commerciales ont droit de fixer librement

l 'intérêt des dépôts et des prêts à intérêt qu 'elles accordent163 ». La liberté de fixation de l'intérêt de prêt est uniquement réservée aux banques commerciales. Il a été adopté avant l'adoption des Prakas réglementant des institutions de microfinance (IMF). On peut alors s'interroger sur l'applicabilité de ce texte au micro-crédit accordé par les institutions de micro-finance.

161 . Décret-loi n° 38/Kch du 28 octobre 1988 sur le contrat et la responsabilité extra-contractuelle.

162 . L'article 60 du même décret-loi de 1988.

163 . Prakas n° B - 595 - 47/PrK du 16 mars 1995 sur la libération de la fixation de taux d'intérêt.

95-1. - A la lecture de deux dispositions, l'article 2 du Prakas de 2002 et l'article 74 alinéa 3 de la loi sur les institutions bancaires et financières, on saurait confirmer cette applicabilité. L'article 2 du Prakas de 2002 définissant la micro-finance prévoit que « la micro-finance signifie la fourniture des services financiers tels que le crédit, et les dépôts aux familles pauvres, familles qui ont des revenus modestes et aux petites entreprises ». Cette disposition illustre clairement que le micro-crédit n'est pas autre chose que le crédit en droit commun. Le micro-crédit n'est pas une terminologie juridique prévue par le texte. Le droit positif utilise simplement le mot « crédit » pour désigner l'une des composantes de la micro-finance. Ainsi, toute disposition applicable au crédit l'est également au microcrédit. En plus, l'article 74 alinéa 3 de la loi bancaire précise limitativement des règles applicables aux institutions de micro-finance qui sont dérogatoires à la loi bancaire. Selon cet article, « les entités qui pratiquent les opérations de banque en vue notamment de promouvoir l'intermédiation bancaire dans les secteurs de l'agriculture, de l'artisanat, du petit commerce et des services aux particuliers, pourront exercer leur activité dans des conditions dérogatoires à la présente loi (loi sur les institutions bancaires et financières), fixées par une réglementation spécifique édictée par la Banque Nationale du Cambodge et concernant : leur capital minimum, leur agrément et les modalités pratiques de celui-ci, les règles prudentielles qui leur sont applicables, les conditions de leur implantation ». La fixation de taux d'intérêt n'y est pas incluse. Aucune dérogation en la matière n'est donc possible. A part des règles dérogatoires fixées par la BNC, les IMF sont soumises à la loi sur les institutions bancaires et financières. Ainsi, elles sont soumises à toutes les dispositions applicables aux banques au sens de l'article 1 de la présente loi.

95-2. - Toutefois, cette confirmation est renversée par la lecture des autres dispositions. Le système bancaire du Cambodge se compose des banques commerciales, des banques spécialisées et les IMF164. L'article 1er de la loi sur les institutions bancaires et financières du 18 novembre 1999 prévoit que les banques sont des personnes morales spécialement habilitées à pratiquer, à titre de profession habituelle, des opérations de banque. L'alinéa 3 de l'article 2 de la même loi dispose qu'une entité qui ne pratique qu'une seule de ces trois

164. A la fin de 2005, le système bancaire du Cambodge est composé de

- 15 banques commerciales dont 12 sont des banques locales et 3 sont des filiales des banques étrangères

- 4 banques spécialisées dont une appartient à l'Etat

- 16 IMF agrées et 24 opérateurs du micro-crédit enregistrées qui exercent des opérations dans les zones rurales. (Source : National Bank of Cambodia, Micro finance of Cambodia, 2005)

activités de base est qualifiée de banque spécialisée. En revanche, les institutions de micro-finance constituent une autre catégorie de banques puisqu'elles peuvent exercer, à l'exception de la mise à la disposition de la clientèle et le traitement des moyens de paiement en monnaie nationale ou en devises (art. 2 al. 2 b du Prakas du 11 janvier 2000), des opérations de banques165. Si l'article 1 er du Prakas du 16 mars 1995 limite la libre fixation de taux d'intérêt aux crédits accordés par les banques commerciales, on peut se demander si les IMF sont des banques commerciales. Selon le droit positif, les banques commerciales sont les banques qui peuvent exercer pleinement toutes les opérations de banque. Or, les IMF n'ont pas un objectif purement commercial. Leur vocation principale est de pouvoir fournir les services financiers dans les zones rurales. En plus, leur activité est limitativement encadrée par la loi. Elles ne sont pas des banques commerciales au sens du Prakas de 1995. En plus, sachant que le taux d'intérêt demandé par les IMF est plus élevé que celui des banques commerciales, l'autorité de tutelle cherche des mesures afin de pouvoir réduire le taux d'intérêt demandé par les IMF. Au lieu de fixer un plafonnement de taux d'intérêt, la BNC a adopté un Prakas du 14 août 2001 sur le calcul de taux d'intérêt du micro-crédit. Ce Prakas est propre, selon son article premier, aux IMF, banques spécialisées du crédit rural et ONG et associations assujetties à la loi sur les institutions bancaires et financières. Il ne concerne pas les banques commerciales puisque le taux d'intérêt est libre pour ces dernières, ce qui ne nécessite pas de leur imposer une méthode de calcul de taux d'intérêt. En plus, comme on a vu précédemment, la méthode de calcul prévue par ce Prakas conduit à conclure que le crédit accordé doit être un crédit amortissable. Il ne serait pas possible d'imposer aux banques commerciales uniquement cette méthode de crédit amortissable. Le Prakas de 1995 ne peut donc pas être étendu au micro-crédit.

96. - Les raisons de l'absence d'action en justice contre la pratique de taux d'intérêt illégal. Cette analyse du droit cambodgien sur l'applicabilité du Prakas du 16 mars 1995 au micro-crédit permet d'avertir les professionnels du micro-crédit sur l'illégalité de leur pratique. Si la pratique des taux d'intérêt actuellement de l'ordre de 40,90% en moyenne

165 . L'article 2 de la loi sur les institutions bancaires et financières prévoit que « les opérations constitutives de l'activité bancaire comprennent :

1. L'octroi de crédits, de toute nature, accordés à titre onéreux au profit du public, y compris le crédit-bail et les engagements par signature,

2. La réception de dépôts non affectés en provenance du public,

3. la mise à la disposition de la clientèle et le traitement des moyens de paiement en monnaie nationale ou en devises.

par an est illégale, pourquoi il n'existait pas d'action en justice introduite par l'emprunteur afin de contester cette pratique et de condamner civilement et pénalement le prêteur ? Trois raisons peuvent expliquer cette situation. D'abord, c'est en raison de l'habitude des praticiens. On croyait depuis longtemps que le Prakas de 1995 est applicable aux microcrédits, et l'autorité de tutelle ne veut pas remettre en cause cette pratique puisqu'elle ne voulait pas que les opérateurs se retirent du marché. Ensuite, les populations qui habitent dans les zones rurales ont des connaissances limitées. Enfin, la justice est difficilement accessible. On a toujours une hésitation pour introduire une action en justice. Les frais de justices sont en pratique largement élevés, ce qui ne permet pas aux pauvres d'y avoir accès librement. En plus, en raison du faible montant de prêt et donc de taux d'intérêt, le fait d'introduire une action en justice peut générer des frais plus importants que le montant de taux d'intérêt. Ce contexte n'existe pas en droit français qui est changé au fur et à mesure en faveur du développement du micro-crédit professionnel.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe