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Les représentations du "devoir de mémoire" en contexte de démocratie plurielle: analyse de discours des leaders afro-descendants du Québec

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par Brice Armand Davakan
Université du Québec à Montréal - Maîtrise 2005
  

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INTRODUCTION

Si l'année 2004 fut déclarée par l'UNESCO «Année internationale de commémoration de la lutte contre l'esclavage et de son abolition», c'est qu'elle revêt une signification particulière pour tous les chercheurs et acteurs sociaux de tous les continents. C'est aussi le bicentenaire de la Révolution haïtienne de 1804, qui fut, par sa portée historique, un tournant décisif dans l'histoire de l'humanité en général, et de celle des Droits de l'Homme en particulier. En effet, dans toutes les sociétés et à travers les millénaires, le souvenir des malheurs et des exploits passés a souvent donné lieu à des formes diverses de rituels, de célébrations et de commémorations. De nombreux chercheurs s'intéressent aussi au rôle joué par ces souvenirs et ces commémorations dans les consciences collectives. Mais dans le cas particulier de l'esclavage et de son abolition, l'intérêt de leur commémoration pour les sciences humaines réside dans le fait qu'elle est la conjonction de plusieurs phénomènes distincts et aussi vieux les uns que les autres : les mécanismes de domination entre les peuples, les migrations et brassages volontaires ou forcés entre les peuples, la mémoire des violences passées et la gestion politique de ces mémoires traumatiques... Tous ces phénomènes impliquent des champs de recherches aussi variés que l'histoire, l'économie, la sociologie, la psychosociologie et les sciences politiques ou juridiques. En ce qui concerne les sociologues, et hormis les débats généraux sur l'immigration et les brassages culturels, la question posée est de savoir comment mettre la mémoire d'un «crime contre l'humanité» tel que l'esclavage, au service de l'humanité, de l'intelligence et de la justice sociale?

Pour ancrer ce débat dans des espaces géographiques concrets, l'Amérique du Nord et le Québec constituent un terrain particulièrement favorable à l'observation des «mémoires collectives» comme phénomène sociologique. D'un côté, l'espace politique au Québec est marqué depuis plusieurs décennies par la question nationale, qui a aussi sur certains aspects des allures de revendications mémorielles ou historiques, comme l'ont clairement montré Jacques Beauchemin et Jocelyn Létourneau : colonisation anglaise, mépris de la culture Canadienne-française, long contrôle des anglophones sur l'économie franco-canadienne, «minorisation politique» du Québec dans l'espace canadien... D'un autre côté, depuis plusieurs décennies, voire même des siècles, la question noire a dominé les débats sociaux politiques en Amérique du Nord, en raison de l'intime collusion entre l'esclavage et l'histoire nord-américaine, et ces débats ont même pris une nouvelle dimension depuis «La conférence mondiale des Nations unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée» (CMRC) ou Sommet de Durban, qui eu lieu en 2001. Alors, si l'on ajoute à cette problématique celle de l'immigration contemporaine qui a accru considérablement la présence afro-descendante au Québec, on peut se demander comment l'on réussit, comme immigrant africain ou afro-descendant, à articuler une revendication mémorielle dans les conditions politiques qui sont celles du Québec contemporain?

Plusieurs pistes de recherche s'offrent pour répondre à cette question : les revendications de mémoire peuvent être d'ordre politique ou juridique, social ou économique, culturel ou symbolique. Mais si l'on considère que l'objectif ultime des immigrants africains et afro-descendants au Québec est de réussir leur insertion socioprofessionnelle dans la société québécoise, l'on assistera nécessairement au déploiement de plusieurs stratégies, soutenues et observables, pour atteindre cet objectif. Parmi ces stratégies, et comme nous le verrons à travers notre cadre d'analyse, les appels au «devoir de mémoire» pour l'esclavage, la colonisation et pour les injustices qui les ont suivies, peuvent devenir opérants dans la perspective de cette insertion socioprofessionnelle. Le contexte international de globalisation des droits humains s'y prête bien et ne fera qu'accroître cette tendance. Comprendre les représentations du «devoir de mémoire» parmi ce groupe d'immigrants, c'est donc anticiper sur l'un des débats politiques importants du Québec.

Notre présente recherche s'inscrit dans ce courant de préoccupations : les représentations, qu'ont les leaders africains et afro-descendants de Montréal, de leur trajectoire historique, de la nécessité ou non, d'entretenir et de pérenniser une mémoire collective - et laquelle? -, à l'intérieur de leurs communautés, de même que le procès de cette mémoire collective dans l'arène politique. En bref, quelle image les leaders africains et afro-descendants de Montréal se sont-ils faite, dans le contexte québécois, au sujet de ce nouveau problème historique international qu'on désigne communément par «devoir de mémoire»?

Il semble que la mémoire ne peut être maintenue et promue sans une certaine définition identitaire de celui ou de ceux qui se souviennent. Nous allons donc analyser en un premier temps, les fondements et structures de cette identité dans le discours des leaders, puis en un second, l'articulation entre cette identité et sa «mémoire collective», soit la représentation qu'ont les leaders de la mémoire collective dans l'espace intérieur du groupe identitaire «racisé». La troisième étape portera sur les représentations du «devoir de mémoire» dans les rapports entre ce groupe et le reste de la société québécoise, surtout avec les pouvoirs dirigeants du Québec.

Pour y parvenir, nous avons d'abord exploré les nombreux écrits scientifiques portant sur le devoir de mémoire dans le but de mieux problématiser le sujet. Le premier chapitre de ce mémoire concerne donc la problématique et la recension des écrits. Le second, dans l'optique de saisir scientifiquement les enjeux de revendication de mémoire, sera constitué du «cadre d'analyse» de notre matériel, c'est-à-dire une sélection d'outils théoriques permettant de comprendre à la fois la mémoire collective comme objet sociologique et la revendication comme processus et comme phénomène social. Toujours dans le cadre des exigences de la recherche scientifique, ce chapitre élucide notre méthode de recherche ainsi que la démarche ayant abouti à la constitution de notre corpus. Dans son aspect général, ce mémoire est une recherche sur la production (création, construction identitaire) et la reproduction (continuité) de la mémoire collective dans ou, au sein de «groupes racisés» en 2004. L'espace sociopolitique se limite au Québec, et la population d'enquête est strictement composée des leaders africains et afro-descendants menant des actions sociales en faveur de leurs communautés, nationales ou «racisées». Il faut donc remarquer que le corpus sera constitué des discours des leaders de certaines organisations «noires» de Montréal et non pas du discours social de tous les membres de leurs communautés à Montréal.

Tout au long de cette recherche, le qualificatif «noir» sera entre guillemets pour marquer notre neutralité axiologique lorsqu'il évoque l'appropriation subjective par des acteurs sociaux de cette identité «racisée», mais nous le remplacerons par le terme «Africains et Afro-descendants» chaque fois qu'il désignera l'ensemble objectif que forment les populations issues des émigrations africaines forcées (esclavage) ou volontaires (immigration contemporaine), sans distinction des trajectoires historiques ou nationales particulières. Nous rejoignons ainsi l'analyse de Mensah lorsqu'il écrit :

« ... the term «Blacks» will be used to denote people of African descent in Canada. This category is made up of three sub-groups: Canadian-born descendants of Blacks who came from Africa during the trade; the descendants of Black Loyalists, refugees, fugitives, and settlers who immigrated during the American Civil War; and those who immigrated mostly from the Caribbeans and Africa after the Second World War in search of a better socio-economic and political environment. » (MENSAH, 2002, p.20-21)

Les termes et les expressions empruntés à tiers ou employés dans des sens autres que ceux de la langue officielle seront signalés en italique.

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