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La théorie de la correction symétrique des bilans

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par Mohamed Ben Mahmoud
faculté de droit et des sciences politiques de TUNIS - mastère en droit des affaires 2005
  

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C/. L'exception de mauvaise foi

Lorsqu'un impôt est établi sur la base d'une déclaration de l'assujetti ou d'un tiers, situation très fréquente, il est normal de considérer comme honnête et sincère cette déclaration165(*). Ce principe ne permet à l'Administration de se comporter différemment qu'au cas où serait découvert un fait de nature à faire planer un doute de la sincérité des énonciations contenues dans la déclaration.

En ce sens, lorsqu'un élément de la situation fiscale du contribuable paraît douteux, l'Administration doit supposer d'abord qu'il y a erreur, inadvertance, ou négligence avant de subodorer une « machination frauduleuse »166(*).

Ainsi conçu, la bonne foi doit être présumée : d'une part pour assurer le mieux une sécurité juridique du contribuable167(*) et d'autre part, pour être étroitement liée à la cohérence interne de l'action gestionnaire des entreprises. Elle constitue très sûrement une garantie privilégiée de « moralisation des affaires »168(*).

Par ailleurs, la bonne foi du contribuable s'appréciera par rapport existant lors de la prise de décision. C'est toujours loisible à un contribuable qui se trouve dans le délai de répétition d'obtenir la correction de ses erreurs, mais il y aura mauvaise foi de sa part à le faire, alors que l'inscription initiale avait correspondu à une intention de gérer démontrée169(*).

Dès 1961170(*), le Conseil d'Etat a refusé au contribuable le bénéfice de la correction symétrique dans le cas où l'erreur n'aurait pas été commise de bonne foi par celui-ci. Cette solution a fait l'objet d'une jurisprudence constante : «  le principe de la correction symétrique des erreurs comptables doit être aveuglément mis en oeuvre, sauf s'il est démontré qu'une intention frauduleuse du contribuable a orienté l'inscription erronée des écritures litigieuses »171(*).

L'application de la théorie de la correction symétrique se trouve, donc, paralysée lorsque l'Administration démontre l'existence d'une décision de gestion irrégulière prise par le contribuable découlant d'une intention d'éluder l'impôt dont celui-ci ne peut se prévaloir et que l'Administration se doit de rectifier.

Cette position est similaire à celle du juge fiscal tunisien qui ne voit pas dans la théorie de la correction symétrique « un droit absolu ». Il refuse son application en cas de mauvaise foi qui se manifeste dans l'acte anormal de gestion. En d'autres termes, dans l'affaire COGEMAR172(*) la société a déduit des charges qui ne lui reviennent pas. Dans ce cas elle a commis une erreur volontaire en faisant une opération strictement interdite par la loi. La défenderesse a prétendu que c'est une erreur de bonne foi et demande par suite la correction symétrique. Le tribunal refuse les motifs avancés par la société et ajoute que la correction symétrique n'est autorisée que pour les erreurs involontaires alors que dans le cas d'espèce il s'agit d'un acte anormal de gestion.

Par ailleurs, le juge tunisien, même s'il a adopté les dispositions de son homologue français, il n'a pas exclu expressément les décisions de gestion irrégulières du champ d'application de la théorie de la correction symétrique et s'est contenté d'imbriquer la notion de mauvaise foi à la théorie de l'acte anormal de gestion. De même, cette position est critiquable et ce pour deux raisons majeures.

En premier lieu, on parlera de décision de gestion irrégulière, lorsqu'en absence d'une telle faculté, le contribuable aura commis des irrégularités illicites dans l'intérêt de son entreprise173(*). Ce qui constitue un important point de divergence avec l'acte anormal de gestion174(*) ; celui-ci suscite qu'un engagement, qui peut être licite, soit contracté sans contrepartie à l'exploitation175(*).

En second lieu, l'application de la notion de bonne foi produit des effets très différents selon qu'il s'agit d'acte anormal ou de décision de gestion. Dans la première hypothèse, l'absence de bonne foi conduit à redresser le bénéfice imposable, car le contrôle administratif intervient à posteriori, tandis que dans la seconde hypothèse, rien n'a encore été fait par le redevable requérant avant sa demande de rectification d'écritures. Par conséquent, si sa mauvaise foi est établie, elle n'entraînera aucune autre sanction que l'impossibilité de revenir sur la volonté initialement transcrite en comptabilité. Sa révélation étant préalable à toute incidence sur le bénéfice, il ne peut être question de pénalités ni bien sûr de réintégration176(*).

Dés lors, cette condition de bonne foi, posée par la jurisprudence française, est primordiale en matière de la symétrie des corrections. Elle signifie très justement que le droit à rectification symétrique doit être réservé au contribuable de bonne foi n'ayant pas eu pour but initial une minoration illicite de leur bénéfice.

Ainsi, sous cette réserve des fraudes délibérées177(*), la théorie de la correction symétrique répond au souci de garantir les contribuables vérifiés contre le risque de voir l'Administration, dans sa mission de contrôle, reconstituer des bénéfices fictifs par un jeu partiel et partial des rectifications comptables178(*).

Conclusion de la première partie

Une première impression après ces analyses : la consécration de la théorie de la correction symétrique des bilans reste en droit tunisien précaire. Outre le flou législatif, la jurisprudence est loin d'être abondante en la matière179(*). Un seul jugement ne fait pas jurisprudence, ceci est d'autant plus vrai que l'argumentation juridique qu'il a adoptée est loin d'être convaincante.

De plus, l'assise juridique de la théorie de la correction symétrique semble être primordialement l'oeuvre de l'Administration. D'aucuns ne peut ignorer les dangers d'une telle solution. Outre qu'elle est dépourvue de toute valeur juridique, la doctrine administrative peut changer à tout moment portant préjudice aux droits des contribuables lors d'un contrôle fiscal.

Tel n'est pas le cas en droit français où la jurisprudence, faisant oeuvre créatrice, a donné un fondement plus solide, plus dynamique à la théorie de la correction symétrique. Elle a même tracé le domaine de celle-ci.

C'est la comparaison de deux bilans successifs qui donne la mesure du bénéfice imposable. En effet, c'est la signification même de la théorie du bilan qui est une remarquable construction jurisprudentielle. Cette « oeuvre prétorienne » est le coeur même de la théorie de la correction symétrique des bilans, à savoir son vrai fondement qui conduit à deux conséquences nécessaires pour la systématisation de la théorie objet de notre étude.

En premier chef, toute modification apportée par le vérificateur à un poste du bilan a une incidence directe sur le montant du résultat imposable et par suite les corrections opérées sont nécessairement répercutées sur les bilans des exercices précédents. Ceci conduit l'Administration à utiliser les mêmes méthodes d'un exercice à un autre. L'explication est simple : si l'on modifie le bilan de clôture d'un exercice, il faut faire varier dans les mêmes proportions le bilan d'ouverture à défaut de quoi l'opération se traduirait par une variation d'actif net imposable si elle est positive. Or le bilan d'ouverture d'une année est aussi le bilan de clôture de l'année précédente, qui ne saurait lui même corrigé sans que le bilan d'ouverture le soit aussi, et ainsi de suite cette solidarité s'achèvera au premier jour de l'exercice couvert par la prescription c'est la règle de l'intangibilité.180(*)

En second chef, la théorie du bilan conduit à n'étendre la théorie de la correction symétrique que pour les écritures du bilan.

Par ailleurs, pour clarifier le champ d'élection de la théorie de la correction symétrique et étudier les écritures susceptibles d'être rectifiées on doit se référer à la théorie des erreurs comptables et des décisions de gestion. En d'autres termes, les erreurs comptables involontaires, peuvent être rectifiés à l'initiative du contribuable et de l'Administration. Cette dernière est la seule capable de corriger les décisions de gestion irrégulières, qui présume une mauvaise foi de la part du contribuable, le privant ainsi de faire prévaloir l'application d'un mécanisme, la correction symétrique, qui lui est forcément favorable. Toutefois, la troisième catégorie d'écritures comptables, en l'occurrence, les décisions de gestion régulières sont irréversibles, ni le contribuable ni l'Administration ne peuvent les mettre en cause.

De leur part, le juge fiscal et l'Administration en Tunisie semblent être influencés par ces systématisations. En fait, ils consacrent la condition de la bonne foi qui qualifie l'erreur d'involontaire et par suite admettent l'application de la théorie des corrections symétriques.

La consécration de théorie de la correction symétrique en droit tunisien est loin donc d'être protectrice pour les contribuables, qu'en est-il de son mécanisme, offre-t-il des garanties suffisantes ?

* 165 Même si la plupart des auteurs considèrent que la déclaration bénéficie d'une présomption d'exactitude, certains contestent cette présomption d'exactitude attachée à la déclaration. Voir : BERGERES (M-C), « La valeur juridique de la déclaration contrôlée », Gaz. Pal, 1984, p.246 à 250.

* 166 RICCI (J-C), « Le pouvoir discrétionnaire de l'Administration fiscale », Thèse, faculté de droit et de science politique, Aix- Marseille, 1975, p.75.

* 167 « Parler de sécurité fiscale ne veut pas dire, bien entendu, mettre hors d'atteinte le contribuable qui s'est livré à des manoeuvres frauduleuses. Il s'agit seulement de définir les règles permettant à un contribuable de bonne foi de vivre les contrôles fiscaux sans traumatisme et sans voir sa situation financière mise en péril », in BARDET (H), FOUCAULT (J-P), DE KERVILLER (I) et PEYRE (J-P), « La sécurité fiscale : les dix commandements », Gaz. Pal, du 29 juillet 1986, p.438.

* 168 KORNBROPST (E),  « La notion de bonne foi, application en droit fiscal français », op.cit, p.229.

* 169 Ibid, p.249.

* 170 C.E., 8 sous-sect, 25 octobre 1961, req.n° 48460, DUPONT, D.F., 1961, p.586.

* 171 C.E. 22 décembre 1967, req. n° 71206/ D.F., 1968, n°7, concl. SCHMELTZ (G). Voir aussi: C.E. 27 juillet 1979, D.F. 1980, n°27, comm.1495, concl. FABRE.

* 172 TPI Tunis req. n°628, précité.

* 173 LAMORLETTE (C),  LAMORLETTE (T), « Fiscalité française », Paris, Economica, 1998, p.530.

* 174 La théorie de l'acte anormal de gestion est une construction jurisprudentielle que le juge de l'impôt en France rattache à l'article 39-1 du CGI. Cet article dispose que « le bénéfice net est établi sous déduction de toute charge ». Cette théorie est transposable en Tunisie. En effet, et à l'instar de l'article 39-1 précité, le CIRPP et de l'IS dans son article 12 dispose : « Le résultat net est établi après déduction de toute charge nécessitée par l'exploitation ». De son côté l'article 14 du même code interdit la déduction de certaines charges qu'il considère en fait comme anormale. Voir : Jugement n°784, 01 juillet 2004. Jugement n°793, 7 juillet 2004. (Annexe).

* 175 Cependant, la décision de gestion irrégulière peut se traduire par un acte anormal de gestion lorsque, délibérément, une société agit contre son intérêt même si c'est en faveur du groupe de société.

* 176 KORNPROBST (E),  « La notion de bonne foi, application en droit fiscal français », op.cit. p.236.

* 177 Dans le cadre de ses conclusions rendues sous l'arrêt C.E., 22 décembre 1967, le commissaire du gouvernement SCHMELTZ, justifiait cette limitation du droit de correction symétrique dans les termes suivants « Si le contribuable veut frauder, qu'il courre les risques correspondants ».

* 178 COZIAN (M), « Les grands principes de la fiscalité des entreprises », op.cit, p.167.

* 179 Au moins le jugement (T.P.I. 23 novembre 2004, req n°628) qu'on a pu consulté.

* 180 DE BISSY (A) : « Droit fiscal des affaires », Paris, Dalloz, 1992, p.222.

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